CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/383/Add.2

18 novembre 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Seizièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 2002

Additif

Liban*

Introduction

[18 janvier 2002]

1.Le présent document correspond aux quatorzième et quinzième rapports périodiques. Il est soumis conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Nous exposerons dans les sept sections ci‑dessous les diverses mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qui ont été arrêtées et qui donnent effet aux dispositions de la Convention.

I. MESURES EN APPLICATION DE L’ARTICLE PREMIER

2.Seront étudiés successivement sous cet article et en complément du document de base constituant la première partie des rapports des États parties (HRI/CORE/1/Add.27/Rev.1, 3 octobre 1996): a) le système communautaire ou confessionnel, b) sa conformité au paragraphe 4 de l’article premier de la Convention et c) l’apport des modifications constitutionnelles du 21 septembre 1990.

A. Le système communautaire ou confessionnel au Liban

3.Le Liban moderne, dans ses frontières actuelles, a été constitué en État unitaire en 1920, au lendemain du démantèlement de l’Empire ottoman, par une adhésion des diverses communautés confessionnelles qui composent le peuple libanais.

4.La «Déclaration du Mandat», adoptée le 24 juillet 1922 par le Conseil de la Société des Nations (SDN) en vertu de l’article 22 du Pacte de la SDN, imposait à la France, puissance mandataire, l’élaboration, dans un délai de trois ans, d’un statut organique pour le Liban. La puissance mandataire devait, entre autres, respecter les obligations suivantes:

a)Instituer «un système judiciaire assurant, tant aux indigènes qu’aux étrangers, la garantie complète de leurs droits», étant entendu que «le respect du statut personnel des diverses populations et de leurs intérêts religieux sera entièrement garanti…» (art. 6 de la Déclaration du Mandat);

b)S’abstenir de porter «aucune atteinte aux droits des communautés, (…) conserver leurs écoles, en vue de l’instruction et de l’éducation de leurs membres (…) (art. 8, par. 3);

c)S’abstenir de «toute intervention (…) dans la direction des communautés religieuses (…) dont les immunités sont expressément garanties» (art. 9).

5.La «Commission législative», mise en place en 1922 par la puissance mandataire en vertu de la Déclaration du Mandat était composée de membres désignés en fonction de leur appartenance aux différentes communautés ou confessions. De même, le «Conseil représentatif», créé en 1922 et qui a adopté la Constitution de 1926, était formé de représentants élus sur la base de la répartition des sièges entre les communautés.

6.La Constitution libanaise, promulguée le 23 mai 1926, confirme les garanties dont jouissent les communautés. L’article 9 dispose ce qui suit:

«La liberté de conscience est absolue. En rendant hommage au Très-Haut, l’État respecte toutes les confessions et en garantit et protège le libre exercice, à condition qu’il ne soit pas porté atteinte à l’ordre public. Il garantit également aux populations, à quelque rite qu’elles appartiennent, le respect de leur statut personnel et leur intérêt religieux.».

7.L’article 10 dispose:

«L’enseignement est libre, tant qu’il n’est pas contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs et qu’il ne touche pas à la dignité des confessions. Il ne sera porté aucune atteinte au droit des communautés d’avoir leurs écoles, sous réserve des prescriptions générales sur l’instruction publique édictées par l’État.».

8.L’article 95, avant sa modification par la révision constitutionnelle du 21 septembre 1990, disposait:

«À titre transitoire et dans une intention de justice et de concorde, les communautés seront équitablement représentées dans les emplois publics et dans la composition du ministère, sans que cela puisse cependant nuire au bien de l’État.».

9.Il existe donc deux formes de confessionnalisme, le confessionnalisme concernant le «statut personnel» et le confessionnalisme politique:

a)Le confessionnalisme concernant le statut personnel signifie que tout ce qui touche à la famille − mariage, filiation (y compris la filiation adoptive, la séparation et le divorce) et, dans une certaine mesure, les successions − relève de lois établies par les diverses communautés par une délégation de l’État. De même, les problèmes touchant ces questions sont tranchés par des tribunaux religieux;

b)Le confessionnalisme politique implique que les emplois politiques et administratifs sont répartis entre les différentes communautés. À l’article 95 susmentionné de la Constitution s’ajoute une coutume constitutionnelle en vertu de laquelle le Président de la République élu par la Chambre des députés doit être de confession chrétienne maronite, que le Président de la Chambre des députés est élu par ces derniers parmi les musulmans chiites, que le Premier Ministre doit être un musulman sunnite. Les portefeuilles ministériels sont également répartis suivant des quotas réservés à chaque communauté.

10.À son tour, la loi électorale dispose que les sièges parlementaires à pourvoir dans chaque circonscription sont répartis suivant des quotas spécifiques aux différentes communautés se trouvant dans la circonscription, en proportion de leur importance numérique. Au total, l’importance numérique de chaque communauté, à l’intérieur du groupe musulman ou chrétien, sur l’ensemble du territoire se traduit dans le nombre de sièges auquel chacune a droit à la Chambre des députés en vertu de la loi électorale. Les 128 sièges du Parlement se répartissent comme suit:

Musulmans

Sièges

Sunnites

27

Chiites

27

Druzes

8

Alaouites

2

Chrétiens

Sièges

Maronites

34

Grecs catholiques (Melkites)

8

Grecs orthodoxes

14

Évangéliques

1

Arméniens catholiques

1

Arméniens orthodoxes

5

Minorités

1

Total

128

Le terme minorités couvre les Latins, les Syriaques (catholiques ou orthodoxes), les Chaldéens, les Assyriens (autrefois appelés Nestoriens), les Coptes, les israélites.

11.Il est important ici de signaler que dans chaque circonscription, l’électeur d’une confession donnée ne vote pas uniquement pour le ou les candidats de sa confession, mais pour une liste entière comprenant des candidats de différentes confessions selon les sièges à pourvoir; cela est de nature à sauvegarder et à renforcer l’unité nationale.

12.Enfin, on doit respecter les mêmes équilibres s’agissant des nominations aux emplois de l’administration; cette dernière règle a été limitée depuis 1990 aux emplois de la haute fonction publique.

13.Le système communautaire ou confessionnel au Liban a été qualifié par certains auteurs de «fédéralisme personnel» dans un État qui, on le sait, est unitaire. Autrement dit, au lieu que l’assise de ce fédéralisme soit territoriale, que chaque citoyen relève de l’État central à travers une unité fédérée (province ou canton), c’est à travers son appartenance communautaire que le Libanais appartient à l’État, quel que soit son lieu de résidence.

14.Il serait difficile de préciser la nature de ces communautés. Bien qu’il soit loisible, en principe, à chacun d’adhérer à la confession qu’il juge conforme à ses convictions religieuses, l’appartenance à une communauté se fait, dans la majorité écrasante des situations, par la naissance dans une famille inscrite aux registres de l’état civil comme étant de telle ou telle confession. La célébration de mariage devant telle ou telle autorité religieuse, entraînant la soumission du régime matrimonial à sa loi, n’implique pas nécessairement une foi dans la religion en question ou la pratique quotidienne de son culte. Il en est de même de la participation à la vie politique ou de l’accès à la fonction publique.

15.Les communautés religieuses au Liban sont‑elles donc des ethnies? Les Libanais sont‑ils donc classés selon leur ascendance? Il est clair que les Arméniens, les Syriaques (classés sous la rubrique minorités) ou les Alaouites, ont des ascendances spécifiques. Le terme «grec» (orthodoxe ou catholique) se réfère, lui, au rite byzantin. Mais, en général, et bien qu’on ait décelé au sein de chaque communauté des particularités génétiques dues à une longue pratique de l’endogamie, il convient de qualifier les communautés comme étant des groupes de familles ayant chacune des particularités religieuses et culturelles.

B. Conformité au paragraphe 4 de l’article premier de la Convention

16.Le système communautaire décrit ci‑dessus constitue‑t‑il un cas de distinction fondée sur l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique qui aurait «pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique» selon les termes de l’article premier, paragraphe 1, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale?

17.Avec les réserves mentionnées ci‑dessus au sujet de l’assimilation des communautés confessionnelles libanaises à des ethnies, il faut reconnaître que les distinctions qu’opère le système confessionnel ne devaient pas constituer, aux yeux des fondateurs de la République libanaise, des discriminations dans le sens du paragraphe 1 de l’article premier de la Convention, mais devaient correspondre plutôt à l’esprit du paragraphe 4 du même article, qui admet que des mesures spéciales peuvent être prises afin d’assurer le progrès ou la protection de certains groupes raciaux ou ethniques «pour leur garantir la jouissance et l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans des conditions d’égalité». En effet, le système confessionnel était à l’origine destiné à protéger à la fois tous les groupes qui composent le peuple libanais et de leur assurer à tous les mêmes chances d’évolution et de progrès.

18.Les inconvénients du système, compte tenu des dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, c’est qu’il ne laisse pas de place aux personnes qui ne veulent pas faire valoir leur ascendance ou origine ethnique ou leur foi religieuse pour participer à la vie politique ou pour fonder une famille (les mariages civils n’existent pas au Liban; ceux qui sont conclus à l’étranger sont reconnus par les autorités libanaises, mais soumis à la loi du lieu de célébration). C’est ainsi que ce qui était reconnu à l’origine comme une garantie des libertés et des droits fondamentaux des groupes qui composent la nation libanaise est perçu depuis déjà longtemps par certains comme une entrave aux libertés des individus qui ne veulent s’identifier à aucun groupe.

19.Cela va dans le même sens que le paragraphe 4 de l’article premier de la Convention, qui attribue un caractère provisoire aux mesures qu’il autorise et de l’ancien article 95 de la Constitution libanaise qui prévoyait déjà en 1926 que la représentation équitable des communautés dans les emplois publics et dans la composition du ministère devrait se faire à titre transitoire.

C. L’apport de la révision de la Constitution opérée le 21 septembre 1990

20.Le document d’entente nationale du 22 octobre 1989, appelé également Accord de Taëf (du nom de la ville d’Arabie saoudite où les députés libanais s’étaient réunis pour mettre fin à une série de conflits armés qui a duré 16 ans) a prévu la suppression par étapes du confessionnalisme politique. Ce document s’est traduit, entre autres, par une révision de la Constitution, promulguée le 21 septembre 1990. Le nouveau préambule adopté à cette occasion prévoit, au paragraphe 4, la suppression progressive du confessionnalisme politique. De son côté, l’article 95, dans sa nouvelle version se lit comme suit:

«La Chambre des députés élue sur une base égalitaire entre les musulmans et les chrétiens doit prendre les dispositions adéquates en vue d’assurer la suppression du confessionnalisme politique, suivant un plan par étapes. Un comité national sera constitué et présidé par le Président de la République, comprenant, en plus du Président de la Chambre des députés et du Président du Conseil des ministres, des personnalités politiques, intellectuelles et sociales.

La mission de ce comité consiste à étudier et à proposer les moyens permettant de supprimer le confessionnalisme et à les présenter à la Chambre des députés et au Conseil des ministres ainsi qu’à poursuivre l’exécution du plan par étapes.

Durant la période intérimaire:

a)Les communautés seront représentées équitablement dans la formation du Gouvernement;

b)La règle de la représentation confessionnelle est supprimée. Elle sera remplacée par la spécialisation et la compétence dans la fonction publique, la magistrature, les institutions militaires, sécuritaires, les établissements publics et d’économie mixte et ce, conformément aux nécessités de l’entente nationale, à l’exception des fonctions de la première catégorie ou leur équivalent. Ces fonctions seront réparties à égalité entre les chrétiens et les musulmans sans réserver une quelconque fonction à une communauté déterminée tout en respectant les principes de spécialisation et de compétence.».

21.La suppression du confessionnalisme, même dans son volet politique, rencontre encore des résistances car le système est jusqu’à présent vu par beaucoup comme un moyen d’assurer la paix civile entre les Libanais. Cette suppression devra se faire en douceur. Le rôle pédagogique du Gouvernement, qui doit adopter une position nuancée, n’est pas à négliger. Lors d’une interview, publiée le 26 mai 1997, le Premier Ministre libanais, M. Rafic Hariri, résumait la position du Gouvernement comme suit:

«Il ne s’agira pas d’annuler les communautés, mais il faut parvenir à créer une classe politique nationale et non plus confessionnelle, tout en préservant la parité entre chrétiens et musulmans. Il faut maintenir l’égalité dans le nombre de députés chrétiens et musulmans, car cela est nécessaire à la stabilité du pays et il faut aussi maintenir les présidences comme elles sont: le chef de l’État doit rester maronite, le chef du Gouvernement sunnite et celui du Parlement chiite».

II . MESURES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 2

22.Dans la première partie du rapport, à savoir le document de base (HRI/CORE/1/Add.27/Rev.1, 3 octobre 1996), il est précisé que les traités ratifiés par le Liban ou auxquels il a adhéré font partie du droit interne dès l’échange ou le dépôt des instruments de ratification ou d’adhésion. Celles de leurs dispositions qui sont suffisamment concrètes et précises pour être appliquées le seront immédiatement (par. 48). Les engagements souscrits par le Liban en vertu des alinéas a et b du paragraphe 1 font donc partie du droit positif libanais et sont par ailleurs pleinement appliqués. Le Liban ne se livre à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions se trouvant sur son territoire ou à l’étranger. Les autorités publiques et institutions publiques nationales et locales se conforment effectivement à cette obligation. L’État n’encourage, ne défend ni n’appuie des actes ou des attitudes de discrimination raciale qui seraient pratiqués par une personne ou une organisation quelconque.

23.Concernant l’alinéa c, il convient de rappeler la suppression par étapes du confessionnalisme politique mentionné sous l’article premier, si tant est que le confessionnalisme constitue ou entraîne une discrimination en raison de l’ascendance ou l’origine ethnique.

24.L’alinéa d concernant l’interdiction de la discrimination raciale pratiquée par des personnes, des groupes ou des organisations, n’a pas eu à s’appliquer.

25.S’agissant de l’alinéa e, et avec la même réserve exprimée plus haut au sujet de l’assimilation d’une communauté religieuse à une ethnie, il convient de signaler une mesure adoptée par le législateur libanais concernant les élections législatives. En attendant la suppression du confessionnalisme politique, prévue comme il a été dit ci‑dessus par le nouvel article 95 de la Constitution, et afin de renforcer l’unité nationale, le principe de la grande circonscription a été adopté. Le territoire national étant divisé en six mohafazat, chacun regroupant un éventail suffisamment large de confessions. Le citoyen libanais est ainsi invité à voter non plus pour les seuls candidats de sa confession, mais pour d’autres candidats également.

26.Le paragraphe 2 de l’article 2 concernant des mesures spéciales dans les domaines social, économique, culturel et autres, en faveur de certains groupes raciaux ou d’individus appartenant à des groupes, n’a pas eu à s’appliquer.

III. MESURES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 3

27.Le Liban a toujours condamné la ségrégation raciale et l’apartheid. Il avait notamment rompu ses relations diplomatiques avec l’Afrique du Sud quand cet État pratiquait l’apartheid, sacrifiant ses intérêts économiques avec ce pays où résident de nombreux Libanais.

IV . MESURES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 4

28.À aucun moment de son histoire, le Liban n’a adopté ou permis la propagation sur son territoire de théories fondées sur la supériorité d’une race ou d’un groupe de personnes d’une certaine couleur ou d’une certaine origine ethnique. Durant la Seconde Guerre mondiale, il a opéré des choix politiques qui prouvaient sa tradition de non‑discrimination raciale.

29.L’article 317 du Code pénal dispose que «tout acte, tout écrit, tout discours dont le but ou l’effet est d’exciter la haine confessionnelle ou raciale ou de susciter des conflits entre les communautés ou entre les différents éléments de la nation sera puni d’un emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 100 000 à 800 000 livres libanaises (…)». Le tribunal peut en outre ordonner la publication du jugement.

30.L’article 318 applique la même peine à «toute personne faisant partie d’une association constituée aux fins mentionnées dans l’article précédent». L’emprisonnement ne peut être inférieur à un an et l’amende inférieure à 100 000 livres libanaises si la personne en question remplissait des fonctions effectives au sein de l’association. Ladite association sera en outre dissoute et ses biens confisqués.

31.Les dispositions législatives régissant la presse écrite et les médias audiovisuels interdisent à leur tour toute publication ou diffusion susceptible de déchaîner les passions confessionnelles ou raciales.

V. MESURES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 5

32.Le préambule ajouté à la Constitution libanaise le 21 septembre 1990 stipule ce qui suit à l’alinéa c:

«Le Liban est une république démocratique parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques, au premier rang desquelles se trouve la liberté d’opinion et de croyance, et sur la justice sociale et l’égalité dans les droits et les obligations entre tous les citoyens, sans distinction ni préférence.».

33.De son côté, le chapitre 2 de la Constitution, intitulé «Des Libanais, de leurs droits et de leurs devoirs» stipule ce qui suit dans son article 7:

«Tous les Libanais sont égaux devant la loi. Ils jouissent également des droits civils et politiques et sont également assujettis aux charges et devoirs publics, sans distinction aucune.».

34.Il est vrai que, comme c’est le cas dans beaucoup de constitutions, l’affirmation de l’égalité dans les droits et les obligations concerne les citoyens et non les hommes et les femmes en général. Mais il convient de signaler qu’aucune disposition du droit libanais n’établit de distinction entre les races, ni aucune autre distinction entre les êtres humains qui serait fondée sur la couleur ou sur l’origine nationale ou ethnique. D’ailleurs, le Préambule de la Constitution, comme il a été dit dans le document de base, réaffirme que le Liban est assujetti à la Déclaration universelle des droits de l’homme.

35.Sur le sol libanais se trouvent plus de 400 000 réfugiés palestiniens (près de 20 % des habitants), une main‑d’œuvre syrienne, égyptienne, soudanaise, éthiopienne, sri‑lankaise, philippine, indienne, etc. Près de 800 000 étrangers travaillent ainsi dans le bâtiment, les usines, dans les stations‑service, les hôpitaux ou comme employés de maison. Aucune limite n’entrave leur liberté de conscience, leur liberté d’association, l’utilisation par chacun de sa langue nationale ou la célébration du culte ou des fêtes religieuses ou laïques. Aucun obstacle n’est mis à leur accès aux tribunaux.

36.S’agissant de l’égalité de traitement devant les tribunaux, aucune disposition du Code de procédure civile, du Code de procédure pénale ou de la loi organisant le Conseil d’État, juridiction de l’ordre administratif, ni aucune disposition régissant les divers cours de discipline professionnelle, n’autorise une discrimination entre les plaideurs fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. La pratique quotidienne de ces juridictions va dans le même sens.

37.Aucune disposition du Code pénal libanais protégeant le droit à la sûreté de la personne, à la protection contre les voies de fait ou les sévices de la part des fonctionnaires, d’individus, groupes ou institutions ne permet une discrimination raciale quelconque. Il en est de même des codes de procédure mentionnés plus haut ou de la loi organisant les prisons. Aucune infraction notable à ses principes n’est à signaler.

38.En outre, il convient de rappeler que l’article 14 de la Constitution stipule que «le domicile est inviolable. Nul ne peut y pénétrer que dans les cas prévus par la loi et selon les formes prescrites par elle».

39.L’application des dispositions du paragraphe e) de l’article 5, concernant les droits politiques, est largement étudiée dans le présent rapport sous l’article premier. Il faut rappeler ici que le Liban pratique le suffrage universel pour les élections législatives et municipales. Il convient de rappeler également que l’article 7 de la Constitution dispose que «Tous les Libanais sont égaux devant la loi. Ils jouissent également des droits civils et publics et sont également assujettis aux charges et devoirs publics, sans distinction aucune».

40.S’agissant du droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur du territoire national, de quitter le pays et d’y revenir, il convient de signaler ce qui suit. Afin de remédier à une répartition géographique forcée de la population libanaise suivant l’appartenance confessionnelle de chacun, à la suite du conflit armé qui a ravagé le pays pendant plus de 15 ans, le paragraphe I du Préambule, ajouté à la Constitution libanaise le 21 septembre 1990 dispose:

«Le territoire national appartient à tous les Libanais. Tout citoyen a le droit de résider dans n’importe quelle partie de ce territoire et d’en profiter dans le cadre de la souveraineté de la loi. La répartition (géographique) de la population sur la base de n’importe quelle appartenance est prohibée, de même que le morcellement, le partage (territorial) et l’implantation (des Palestiniens).».

41.C’est en application de ce principe, et pour permettre le retour des personnes déplacées à leurs lieux de résidence originels, desquels elles avaient été chassées par les conflits armés, notamment par les événements sanglants de début septembre 1983 consécutifs au retrait sauvage des troupes israéliennes de certains territoires libanais, qu’un vaste programme est en cours de réalisation. Il consiste en réunions de réconciliation organisées dans les villages où des déplacements de population avaient eu lieu, suivies de l’octroi de subventions pour la reconstruction ou la restauration de logements.

42.Concernant cependant le droit de quitter le pays, il existe un problème auquel le Gouvernement doit faire face: c’est celui du libre retour de certains employés étrangers dans leur pays. Certains employeurs libanais, en effet, «confisquent» le passeport de leur employé étranger: ayant déboursé certaines sommes, notamment le prix du voyage de l’employé de son pays jusqu’au Liban, l’employeur veut s’assurer que son employé va remplir son contrat de services pendant le temps minimum nécessaire pour qu’il rentre dans ses frais. Les employés ont alors généralement recours au consul de leur pays au Liban afin d’obtenir un nouveau passeport suivant la procédure applicable dans le cas d’un passeport perdu. Il faut souligner, cependant, que cette pratique déplorable touchant des travailleurs étrangers, et d’ailleurs couverte par les dispositions générales du Code pénal, n’a pas de motif racial.

43.Le droit à la nationalité libanaise est fondé sur le principe du jus sanguinis. Cependant, afin mettre fin à de nombreux cas d’apatridie touchant des familles entières vivant sur le sol libanais dès avant 1920, le principe d’un train de naturalisations a été adopté. Le décret de naturalisation signé en 1994 a cependant englobé des personnes détenant déjà d’autres nationalités, et le nombre total des personnes ainsi nationalisées a atteint les 8 % de la population.

44.Le droit de se marier a été évoqué sous l’article premier à propos du confessionnalisme. Les mariages entre les membres de confessions différentes, mais à l’intérieur d’une même religion, musulmane ou chrétienne, sont fréquents dans la plupart des cas, à l’exception du cas de la communauté druze qui pratique l’endogamie. Les mariages mixtes musulmans‑chrétiens, bien qu’ils soient généralement découragés par le milieu familial, sont possibles mais relativement rares. Avec ces réserves et dans les situations normales, il n’y a pas d’entrave au libre choix de la personne du conjoint.

45.Le mariage civil n’existe pas au Liban, et il n’y a pas de loi civile régissant de tels mariages. Le Libanais qui souhaite se marier doit se soumettre à la forme religieuse de célébration propre à sa communauté. Le mariage civil conclu à l’étranger est, comme il a été dit précédemment, reconnu par les autorités libanaises. En cas de litige, les tribunaux civils libanais appliqueront la loi du lieu de célébration. Les étrangers peuvent se marier devant le consul de leur pays si leur loi nationale l’autorise.

46.Le Président de la République a récemment suggéré l’élaboration d’une loi civile régissant le statut personnel, le mariage, le droit de la famille, loi qui viendrait s’ajouter aux lois confessionnelles actuelles et à laquelle seront soumis les étrangers résidant au Liban et ceux des Libanais qui le souhaitent. Mais cette suggestion n’a pas rencontré d’écho favorable.

47.Concernant le droit à la propriété, l’article 15 de la Constitution libanaise stipule que «la propriété est sous la protection de la loi. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique dans les cas établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité». L’application de cet article, sa traduction dans les lois et les règlements ne sont entachés d’aucune discrimination raciale. La loi sur la propriété foncière fixe une limite de superficie pour l’acquisition de biens‑fonds par les non‑Libanais mais sans distinction de race.

48.Tous les autres droits évoqués par l’article 5 sont accordés par les lois et les règlements sans discrimination raciale aucune, avec cette seule réserve que les employés de maison, des étrangers dans la majorité écrasante des cas, ne sont pas suffisamment protégés quant aux horaires de travail. Il ne s’agit certainement pas d’un cas de discrimination raciale, mais d’une difficulté pratique d’aménager les heures de travail pour des salariés vivant et travaillant en permanence au domicile de leur employeur.

VI. MESURES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 6

49.Les droits et libertés des individus et des groupes sont consacrés par le droit libanais sans discrimination raciale. L’accès des tribunaux est ouvert à tous sans discrimination. Tout individu ou tout groupe peut donc recourir à ces tribunaux pour faire respecter ses droits et obtenir éventuellement réparation. De plus, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale fait partie du droit positif libanais en vertu de sa réception automatique dans le droit interne. Tout plaideur peut donc s’en prévaloir pour faire respecter ses droits. Dans la pratique, on ne relève pas de cas notables d’infraction à ces principes.

VII. MESURES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 7

50.En raison de la priorité absolue que le Gouvernement doit accorder à la reconstruction du pays et à la réconciliation nationale dans la phase actuelle, il n’a pas été possible d’adopter un programme important de diffusion de l’information tendant à lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale. Il faut ajouter que ces préjugés sont rares.

VIII. RÉCENTS DÉVELOPPEMENTS POLITIQUES ET CULTURELS PORTANT À APPLIQUER LES TERMES DE LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES

DE DISCRIMINATION RACIALE (2002/2003)

A. Sur le plan politique

Le Liban a conclu des accords de coopération avec les États suivants:

Égypte (1996), Maroc (1997), Bulgarie (1998), Biélorussie (1998), Ukraine (1999), Yémen (1999), Hongrie (1999), Uruguay (1999), Yémen (1999), Belgique (2000), Mexique (2000), Gabon (2001), Grèce (2001), Tunisie (2001), République slovaque (2001), Algérie (2002), Jordanie (2002), Oman (2002), Bénin (2002), Pakistan (2002).

B. Sur le plan culturel

Égypte (1995), Roumanie (1995), Arménie (1997), Inde (1997), Venezuela (1997), Bahreïn (1998), Bulgarie (1998), Uruguay (1999), Grèce (2001), Qatar (2001), Argentine (2001), Koweït (2001), Maroc (2001), Cuba (2001), Iran (2001), Fédération de Russie (2001), Chypre (2002), Chine (2002), Yémen (2002).

1.Le 9e Sommet de la francophonie qui s’est tenu à Beyrouth au mois d’octobre 2002, a donné au Liban l’occasion de lancer le «Dialogue des cultures», thème discuté au cours de nombreux colloques, avant et pendant les réunions plénières: connaître «l’autre», le respecter, quelle que soit sa race, sa langue, sa religion. C’est ainsi que s’est tenu du 19 au 21 septembre le colloque ayant pour thème «Cultures, religions et conflits».

Trois grands axes peuvent être dégagés:

a)L’attachement d’une communauté à sa culture constitue un lien sacré pour la défense duquel elle est prête à se battre;

b)Le phénomène de la mondialisation a été analysé, révélant la condamnation unanime de l’hégémonie d’une culture particulière;

c)Les délégués, se référant aux conflits des Balkans et du Proche‑Orient, ont rappelé l’importance d’éduquer les générations futures à la coexistence et au dialogue des cultures comme source de progrès et de vie. Dans ce domaine, le Liban a contribué aux travaux des commissions par l’apport de son expérience de tolérance, de paix, de convivialité et de respect de l’autre.

2.Le dialogue Euro-Méditerranée

La première session de formation pour scénaristes lancée dans le cadre des activités Euro-Méditerranée a eu lieu à Beyrouth au mois de mai 2002.

Ce projet connu sans le nom d’«Aristote» encourage le transfert de technologies par l’organisation de modules de formation sur les aspects théoriques et pratiques de l’écriture; et la promotion des films méditerranéens à travers l’organisation d’un festival en Europe.

3.Les écoles libanaises en Afrique

Les communautés libanaises d’Afrique ainsi que les ordres religieux libanais ont institué en Afrique de l’Ouest un réseau d’écoles libanaises qui dispensent un enseignement primaire, complémentaire et secondaire de haut niveau. Ces écoles reçoivent, en sus des Libanais, des étudiants africains et asiatiques qui évoluent dans un milieu cosmopolite et multiracial.

C. Sur le plan économique et commercial

Le Liban a conclu des accords avec les États suivants:

Malaisie (1995), Ukraine (1996), Chili (1997), Australie (1997), Égypte (1997), Fédération de Russie (1997), Bulgarie (1998), Yémen (1999), Indonésie (1999), E.A.U. (2000), Biélorussie (2001), Gabon (2001), Pakistan (2001), République slovaque (2001), Canada (2002), Iraq (2002), Jordanie (2002).

D. Sur le plan du statut personnel

Les enfants nés à l’étranger de la cohabitation (mariage de facto) entre Libanais et non‑Libanais sont enregistrés à l’état civil libanais dès qu’ils sont reconnus par le géniteur et bénéficient de tous les droits inhérents à la nationalité libanaise sans aucune restriction.

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