CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/USA/DEC/111 avril 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑huitième sessionGenève, 20 février‑10 mars 2006

MESURES D’ALERTE RAPIDE ET PROCÉDURE D’ACTION URGENTE

DÉCISION 1 (68)

ÉTATS ‑UNIS D’AMÉRIQUE

A. Introduction

1.À sa soixante‑septième session, tenue du 2 au 19 août 2005, le Comité a procédé à un examen préliminaire des demandes soumises par le Conseil national des Shoshones de l’Ouest (Western Shoshone National Council), la tribu shoshone Timbisha, la colonie indienne de Winnemucca et la tribu shoshone Yomba, demandant au Comité d’agir, au titre de ses mesures d’alerte rapide et de sa procédure d’action urgente, au sujet de la situation des populations autochtones shoshones de l’Ouest, aux États‑Unis d’Amérique.

2.Estimant que l’ouverture d’un dialogue avec l’État partie aiderait à clarifier la situation avant la soumission et l’examen des quatrième et cinquième rapports périodiques des États‑Unis d’Amérique, qui doivent être remis le 20 novembre 2003, le Comité, conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention, et à l’article 65 de son règlement intérieur, a invité l’État partie, dans une lettre datée du 19 août 2005, à répondre à une liste de questions, en vue d’examiner ce problème à sa soixante‑huitième session.

3.En réponse à la lettre du Comité, l’État partie, dans une lettre datée du 15 février 2006, a déclaré que les rapports périodiques qu’il n’a pas rendus dans les délais sont en cours de rédaction, et qu’ils comporteront les réponses à la liste de questions. Le Comité regrette que l’État partie ne se soit pas engagé à soumettre ses rapports périodiques à des dates précises, qu’il n’ait pas apporté de réponses à la liste de questions au 31 décembre 2005, comme il le lui avait demandé, et qu’il n’ait pas estimé nécessaire de se présenter devant le Comité pour évoquer cette question.

4.Le Comité a reçu des informations crédibles selon lesquelles les Shoshones de l’Ouest seraient privés de leurs droits traditionnels à la terre, et l’effet combiné des mesures prises par l’État partie − qui se sont même intensifiées dernièrement − concernant le statut, l’utilisation et l’occupation de ces terres risque de causer un préjudice irréparable à ces communautés. Au vu de ces informations et en l’absence de réponse de l’État partie, le Comité a décidé, à sa soixante‑huitième session, d’adopter la présente décision au titre de ses mesures d’alerte rapide et de sa procédure d’action urgente. Cette procédure se distingue clairement de la procédure appliquée aux communications, énoncée à l’article 14 de la Convention. En outre, la nature et le caractère urgent de la question à l’examen dépassent largement les limites de la procédure en matière de communications.

B. Sujets de préoccupation

5.Le Comité se dit préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas pris de mesures pour donner suite à ses observations finales précédentes concernant la situation des Shoshones de l’Ouest (A/56/18, par. 400, adoptées le 13 août 2001). Bien que ces problèmes ne soient en effet pas nouveaux, comme le souligne l’État partie dans sa lettre, ils justifient une action immédiate et efficace de sa part. Le Comité estime donc que cette question doit être traitée en priorité.

6.Le Comité est préoccupé par la position de l’État partie, selon laquelle les droits qui sont reconnus par la loi aux Shoshones de l’Ouest sur leurs terres ancestrales ont été prescrits par empiètement progressif, alors même que les Shoshones ont continué à occuper leurs terres et à utiliser leurs ressources naturelles, conformément à leurs régimes fonciers traditionnels. Le Comité note en outre avec préoccupation que l’État partie fonde sa position sur des procédures engagées devant la Indian Claims Commission (Commission des réclamations indiennes), «qui n’étaient pas conformes aux normes et principes internationaux contemporains régissant la détermination des intérêts des biens des populations autochtones», comme le souligne la Commission interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Mary and Carrie Dann versus United States (affaire 11.140, 27 décembre 2002).

7.Le Comité estime que les initiatives passées et présentes de l’État partie concernant les terres ancestrales des Shoshones de l’Ouest aboutissent à une situation dans laquelle, aujourd’hui, l’État partie ne respecte pas ses obligations au titre de la Convention, notamment l’obligation de garantir à chacun l’égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique dans la jouissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Le Comité rappelle sa recommandation générale XXIII (1997) sur les droits des populations autochtones, notamment leur droit de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux, et se dit particulièrement préoccupé par:

a)Les mesures législatives qui auraient été engagées pour privatiser les terres ancestrales des Shoshones de l’Ouest afin de les transférer à des entreprises multinationales d’extraction et à des entreprises d’exploitation des ressources énergétiques;

b)Les informations selon lesquelles des activités destructrices sont menées et/ou prévues dans des territoires importants d’un point de vue spirituel et culturel pour les Shoshones de l’Ouest, à qui l’on en refuse l’accès et l’utilisation. Il prend note en particulier des nouvelles tentatives de l’État partie pour ouvrir un site de stockage de déchets nucléaires dans la montagne du Yucca, des allégations concernant l’utilisation d’explosifs et l’exploitation de mines d’or à ciel ouvert au Mont Tenabo et dans le Horse Canyon, et de la délivrance présumée de contrats pour l’exploitation de l’énergie géothermique dans les sources chaudes ou près de ces sources et l’examen d’autres demandes à cet effet;

c)Les informations concernant la reprise d’essais nucléaires souterrains sur les terres ancestrales des Shoshones de l’Ouest;

d)Le fait que ces activités sont menées/prévues sans que les Shoshones de l’Ouest ne soient consultés, malgré leurs protestations;

e)Les informations selon lesquelles les Shoshones de l’Ouest seraient victimes de la part des autorités de l’État partie d’actes d’intimidation et de harcèlement (frais de pâturage, avis de violation de propriété privée et de recouvrement, confiscation de chevaux et de bétail, restrictions en matière de chasse, de pêche et de ramassage et arrestations), ce qui perturbe gravement la jouissance de leurs terres ancestrales;

f)Les difficultés que rencontrent les Shoshones de l’Ouest pour contester comme il se doit toutes ces mesures devant les tribunaux nationaux, et obtenir que ces derniers rendent des décisions quant au fond, notamment à cause de subtilités juridiques.

C. Recommandations

8.Le Comité recommande à l’État partie de respecter et de défendre les droits fondamentaux des Shoshones de l’Ouest, sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, conformément à la Convention. Il encourage vivement l’État partie à consacrer une attention particulière au droit à la santé et aux droits culturels des Shoshones de l’Ouest, qui risquent d’être bafoués par des activités mettant en péril leur environnement et/ou ne tenant aucun compte de l’importance spirituelle et culturelle qu’ils accordent à leurs terres ancestrales.

9.Le Comité exhorte l’État partie à agir immédiatement pour engager le dialogue avec les représentants des Shoshones de l’Ouest afin de trouver une solution qui soit acceptable pour ces derniers et respecte leurs droits, au titre notamment des articles 5 et 6 de la Convention. À cet égard aussi, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXIII (1997) et sur les droits des populations autochtones, notamment celui de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux.

10.Le Comité engage l’État partie à adopter les mesures suivantes jusqu’à l’adoption d’une décision ou d’un règlement final concernant le statut, l’utilisation et l’occupation des terres ancestrales des Shoshones de l’Ouest, dans le respect de la loi et des obligations de l’État partie au titre de la Convention:

a)Suspendre tout projet visant à privatiser les terres ancestrales des Shoshones de l’Ouest pour les transférer à des entreprises multinationales d’extraction ou à des entreprises d’exploitation des ressources énergétiques;

b)Renoncer à toute activité prévue et/ou menée sur les terres ancestrales des Shoshones de l’Ouest ou en rapport avec leurs ressources naturelles sans qu’ils aient été consultés et en dépit de leurs protestations;

c)Cesser d’imposer des frais de pâturage, des avis de violation de propriété foncière et de recouvrement, et des restrictions en matière de chasse, de pêche et de ramassage et de procéder à des confiscations de chevaux et de bétail et à des arrestations, et annuler tous les avis déjà infligés aux Shoshones de l’Ouest à cet effet, alors qu’ils utilisaient leurs terres ancestrales.

11.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention, le Comité demande que l’État partie l’informe d’ici au 15 juillet 2006 des mesures qu’il prendra pour donner effet à la présente décision.

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