Nations Unies

CCPR/C/LTU/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

29 août 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Lituanie *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique de la Lituanie (CCPR/C/LTU/4) à ses 3502e et 3503e séances (voir CCPR/C/SR.3502 et 3503), les 10 et 11 juillet 2018. À sa 3517e séance, le 20 juillet 2018, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son quatrième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure (CCPR/C/LTU/QPR/4). Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses fournies oralement par sa délégation et des informations complémentaires qui lui ont été communiquées par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)La modification apportée en 2017 à la loi de 1996 relative aux fondements de la protection des droits de l’enfant, en vue d’interdire le châtiment corporel dans tous les contextes, y compris dans le milieu familial ;

b)L’entrée en vigueur, en 2017, du Code des infractions administratives, qui met fin à l’internement administratif prolongé des personnes ayant commis certaines infractions administratives et à l’arrestation administrative ;

c)Les modifications apportées en 2015 à la loi relative au statut juridique des étrangers, qui renforce les garanties contre la détention arbitraire et améliore la protection des demandeurs d’asile ;

d)Les modifications apportées en 2013 à la loi relative aux ombudsmen du Seimas (Parlement), qui désigne le Bureau des ombudsmen du Seimas comme le mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

e)L’accréditation, en 2017, du Bureau des ombudsmen du Seimas en tant qu’institution nationale des droits de l’homme ayant le statut A, par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme  ;

f)L’adoption du Programme national de prévention de la violence familiale et d’aide aux victimes (2017-2020), les modifications apportées au Code pénal et à la loi relative à la protection contre la violence familiale, et l’adoption du programme sur les centres d’assistance spécialisés, dans le but de lutter contre la violence familiale et de fournir une aide aux victimes ;

g)L’adoption du Programme national pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (2015-2021) ;

h)L’élaboration et la mise en œuvre du Plan d’action pour la promotion du principe de non-discrimination (2017-2019), la création du Département des minorités nationales en 2015 et l’adoption du Plan d’action pour l’intégration des Roms dans la société lituanienne (2015-2020) ;

i)La nomination, en 2017, du Rapporteur national sur la lutte contre la traite des êtres humains ;

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2014 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2013.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte et du Protocole facultatif

5.Le Comité note avec satisfaction que les dispositions du Pacte ont été invoquées par les tribunaux nationaux. Il note également que l’État partie a été coopératif et s’est employé à donner suite aux précédentes observations finales le concernant, mais il regrette que certaines de ces recommandations n’aient pas été appliquées. Il se félicite des efforts que l’État partie affirme déployer, mais il est préoccupé par l’absence de procédures spécifiques pour le suivi de ses constatations et par la lenteur de ce suivi dans le cas des constatations adoptées en mars 2014 dans la communication n° 2155/2012 (Paksasc. Lituanie) relative à la destitution de l’ancien Président. Le Comité est aussi préoccupé par les informations qu’il a reçues au sujet d’une décision de la Cour constitutionnelle rendue en 2016 et par les déclarations de fonctionnaires qui remettent en question la valeur juridique de ses constatations (art. 2).

6. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures institutionnelles et législatives nécessaires pour veiller à la pleine application des droits consacrés par le Pacte dans le système juridique interne ainsi qu ’ au suivi de toutes les observations finales et constatations adoptées par le Comité, de manière à garantir le droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément aux paragraphes 2 et 3 de l ’ article 2. L ’ État partie devrait renforcer ses activités d ’ information et d ’ éducation sur le Pacte et le Protocole facultatif à l ’ intention du grand public, des avocats, des procureurs et des juges.

Discrimination à l’égard des Roms

7.Le Comité prend note des différents programmes mis en place pour améliorer la situation de la communauté rom ainsi que des progrès accomplis dans certains domaines, en particulier l’éducation et l’emploi, mais il est préoccupé par les informations indiquant que la communauté rom continue de faire l’objet d’une discrimination généralisée, notamment en matière de logement, de soins de santé, d’emploi et d’éducation. Il note en particulier avec préoccupation : a) qu’une partie de la population rom n’a pas d’assurance maladie obligatoire ; b) que le taux d’alphabétisation des Roms reste faible par rapport à la population générale, que le pourcentage de Roms ayant reçu une instruction générale est faible et que le nombre de Roms ayant fait des études secondaires ou supérieures est en diminution ; c) que le taux d’emploi des Roms est faible, en particulier chez les femmes. Il regrette le manque de statistiques sur le nombre de plaintes déposées pour discrimination à l’égard de la communauté rom et note avec préoccupation que peu d’enquêtes sont menées sur de tels faits et que leurs auteurs sont rarement mis en cause (art. 2, 24, 26 et 27).

8. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour lutter contre les stéréotypes, les préjugés, l ’ intolérance et la discrimination systémique dont fait l ’ objet la population rom, et veiller à ce que les plaintes déposées fassent l ’ objet d ’ enquêtes, à ce que les auteurs soient tenus de répondre de leurs actes et à ce que les victimes aient accès à une réparation intégrale. Il devrait garantir l ’ accès des Roms au système éducatif, notamment en faisant augmenter les taux de scolarisation et d ’ achèvement des études chez les enfants roms. Il devrait également prendre des mesures pour assurer la couverture sanitaire universelle et l ’ égalité d ’ accès des Roms aux services de santé, au logement et au marché du travail. Il devrait veiller à la mise en œuvre effective du Plan d ’ action pour l ’ intégration des Roms dans la société lituanienne (2015-2020), notamment en lui allouant des fonds suffisants, assurer une coordination efficace des mesures prises par les autorités locales et veiller à ce que celles-ci rendent compte de leur action.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

9.Le Comité est préoccupé par la persistance des stéréotypes, des préjugés, de l’hostilité et de la discrimination dont font l’objet les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les intersexes (LGBTI). Rappelant sa recommandation précédente (voir CCPR/C/LTU/CO/3, par. 8), il note de nouveau avec préoccupation que certains instruments juridiques, tels que la loi relative à la protection des mineurs contre les effets préjudiciables de l’information publique, peuvent être appliqués, y compris par le Bureau de l’Inspecteur de la déontologie journalistique, pour restreindre les contenus médiatiques et autres d’une manière qui limite indûment la liberté d’expression sur les questions LGBTI et contribue à la discrimination. Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie, mais il reste préoccupé par diverses initiatives législatives, notamment les modifications qu’il est proposé d’apporter au Code des infractions administratives, à la Constitution et au Code civil, qui limiteraient la jouissance par les LGBTI des droits consacrés par le Pacte. Il note aussi avec préoccupation que les couples de même sexe ne sont pas légalement reconnus dans l’État partie, y compris ceux qui sont légalement mariés et reconnus en dehors de la Lituanie. Le Comité est en outre préoccupé par le manque de clarté de la législation et des procédures concernant le changement d’état civil lié à l’identité de genre, en particulier par l’absence de texte législatif permettant le changement de sexe ainsi que le changement d’état civil indépendamment de toute opération de changement de sexe (art. 2, 3, 16, 17, 19, 23 et 26).

10. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour mettre fin à la discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre, en droit et dans la pratique, veiller à ce que la législation ne soit pas interprétée et appliquée de manière discriminatoire à l ’ égard des LGBTI, et s ’ abstenir d ’ adopter tout texte législatif qui entraverait la pleine jouissance par ces personnes des droits consacrés par le Pacte. Il devrait revoir la législation pertinente afin de reconnaître pleinement l ’ égalité des couples de même sexe et de garantir que la législation relative au changement d ’ état civil lié à l ’ identité de genre soit claire et appliquée conformément aux droits garantis par le Pacte, y compris en promulguant une loi sur les procédures de changement de sexe.

Discours de haine et crimes motivés par la haine

11.Le Comité prend note des mesures législatives et des autres dispositions adoptées par l’État partie pour lutter contre les discours de haine et les crimes motivés par la haine, mais il reste préoccupé par l’intolérance et les préjugés dont font l’objet les groupes vulnérables et minoritaires, notamment les Roms, les juifs, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les LGBTI, ainsi que par l’ampleur des discours de haine et des crimes motivés par la haine visant ces groupes, y compris sur Internet. Il note avec préoccupation que les discours et les crimes de haine fondés sur l’identité de genre ne sont pas expressément interdits par la loi (art. 170 du Code pénal) et que, selon les informations disponibles, la circonstance aggravante prévue par l’article 60.1.12 du Code pénal n’a jamais été appliquée aux infractions motivées par l’orientation sexuelle. Il est en outre préoccupé par le faible nombre de plaintes, d’enquêtes, d’affaires portées devant les tribunaux nationaux et de condamnations pour crimes de haine, ainsi que par le manque d’informations sur les peines imposées. Il note que l’État partie a déclaré que la collecte de données s’était améliorée, mais il regrette le manque de données officielles exactes et ventilées par groupe social en ce qui concerne les plaintes pour discrimination, discours de haine et crime motivé par la haine (art. 2, 3, 17, 18, 19, 20, 26 et 27).

12. L ’ État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts pour combattre l ’ intolérance, les stéréotypes, les préjugés et la discrimination dont font l ’ objet les groupes vulnérables et minoritaires, notamment les Roms, les juifs, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d ’ asile et les LGBTI, y compris en renforçant la formation des agents de la force publique, des procureurs et des juges, et en menant des campagnes de sensibilisation auprès du grand public pour encourager l ’ ouverture à la diversité et promouvoir son respect ;

b) Redoubler d ’ efforts pour prévenir les discours de haine et les crimes motivés par la haine, notamment en appliquant effectivement l ’ article 170 du Code pénal, et veiller à ce que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l ’ hostilité ou à la violence, y compris sur la base de l ’ identité de genre, soit interdit par la loi conformément aux articles 19 et 20 du Pacte et à l ’ observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression ;

c) Encourager le signalement des crimes motivés par la haine et des discours de haine et veiller à ce que les infractions soient rapidement détectées et enregistrées comme telles, notamment en mettant en place un système de collecte de données détaillées et ventilées ;

d) Renforcer la capacité des agents de la force publique d ’ enquêter sur les crimes motivés par la haine et les discours de haine relevant du droit pénal, y compris sur Internet, et faire en sorte que toutes les affaires fassent systématiquement l ’ objet d ’ une enquête, que les auteurs aient à rendre compte de leurs actes et soient passibles de peines à la mesure de la gravité des faits et que les victimes aient accès à une réparation intégrale.

Personnes ayant un handicap psychosocial ou intellectuel

13.Le Comité est préoccupé par le cadre juridique autorisant l’hospitalisation et le traitement sans consentement des personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel, y compris en l’absence de toute décision de justice. Il est aussi préoccupé par les dispositions qui autorisent les opérations chirurgicales non consenties, y compris les castrations, les stérilisations, les avortements et les prélèvements d’organes, sur des personnes handicapées privées de leur capacité juridique, et par le manque de voies de recours permettant de contester une hospitalisation ou un traitement sans consentement. Il prend note des informations selon lesquelles le projet de loi sur la santé mentale a pour but de régler certaines de ces questions, mais il craint que cette loi ne prévoie pas encore suffisamment de garanties juridiques et procédurales contre les hospitalisations et les traitements sans consentement. Il prend acte des propositions de modifications législatives concernant la limitation de la capacité juridique des personnes handicapées, mais il reste préoccupé par le fait que les personnes déclarées juridiquement incapables ne peuvent contester cette décision qu’une fois par an et regrette de ne pas avoir reçu de précisions sur la manière dont les modifications prévues garantiront une représentation juridique gratuite et effective aux personnes privées de leur capacité juridique. Enfin, il est préoccupé par les restrictions appliquées au droit des personnes handicapées privées de leur capacité juridique de se marier, de voter et de se présenter à des élections (art. 2, 7, 9, 10, 14, 16, 23, 25 et 26).

14. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que tout internement psychiatrique sans consentement soit strictement nécessaire et proportionné, vise à protéger la personne concernée contre des atteintes graves ou à prévenir des atteintes à autrui, et ne soit appliqué qu ’ en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, et à ce que les personnes internées puissent demander un contrôle judiciaire effectif des décisions les concernant, conformément aux articles 9 et 14 du Pacte ;

b) Veiller à ce que les personnes handicapées privées de leur capacité juridique ne fassent l ’ objet d ’ un traitement médical ou d ’ une intervention chirurgicale qu ’ avec leur consentement libre, préalable et éclairé, et conformément aux garanties juridiques et procédurales appropriées, garantir l ’ accès à des recours utiles et veiller à ce que tout abus fasse effectivement l ’ objet d ’ une enquête, et de poursuites pénales le cas échéant ;

c) Veiller à ce que toute restriction de la capacité juridique ne soit pas plus importante que nécessaire et soit imposée conformément aux garanties juridiques et procédurales appropriées, à ce que les personnes concernées bénéficient d ’ une représentation juridique gratuite et efficace dans toutes les procédures, et à ce qu ’ elles aient rapidement accès à un contrôle judiciaire effectif des décisions relatives à leur capacité juridique ;

d) Revoir sa législation pour qu ’ elle ne crée pas de discrimination à l ’ égard des personnes présentant un handicap mental, intellectuel ou psychosocial , en les privant du droit de se marier ou en les privant du droit de voter et de se présenter aux élections sur la base d ’ éléments disproportionnés ou qui n ’ ont aucune relation raisonnable et objective avec leur capacité de voter ou de se présenter à des élections, compte tenu de l ’ article 25 du Pacte.

Égalité entre hommes et femmes

15.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations statistiques précises sur les plaintes pour discrimination fondée sur le sexe et par le faible nombre d’enquêtes sur les cas de discrimination de ce type. Il note que l’article 26 du Code du travail, qui est entré en vigueur en juillet 2017, établit le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, mais il constate avec préoccupation que les écarts salariaux persistent entre les hommes et les femmes (art. 2, 3 et 26).

16. L ’ État partie devrait faire en sorte que les actes de discrimination fondée sur le sexe soient rapidement repérés et enregistrés et fassent systématiquement l ’ objet d ’ une enquête, que les auteurs soient poursuivis et que les victimes puissent obtenir complète réparation. Il devrait aussi redoubler d ’ efforts en vue de mettre fin aux écarts de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale.

Violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale

17.Malgré les mesures encourageantes prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, le Comité note avec préoccupation que cette violence, y compris la violence familiale, est un problème persistant et sur lequel l’information manque. À cet égard, il est préoccupé par les informations indiquant que les ordonnances de protection sont peu appliquées et qu’il est fait recours de manière excessive à la médiation dans les affaires de violence familiale, ainsi que par le manque de soutien spécialisé offert aux victimes handicapées. Il est en outre préoccupé par le faible nombre d’enquêtes et de condamnations et par le fait que le viol conjugal n’est pas expressément érigé en infraction pénale (art. 2, 3, 7, 24 et 26).

18. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et réprimer la violence à l ’ égard des femmes, y compris la violence familiale, notamment :

a) Renforcer le cadre juridique relatif à la protection des femmes contre la violence, notamment en incriminant expressément le viol conjugal et en supprimant le recours à la médiation pour les victimes de violence familiale ;

b) Faire en sorte que les cas de violence familiale soient enregistrés et fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, que les auteurs soient poursuivis et, s ’ ils sont condamnés, reçoivent des peines appropriées et que les victimes, y compris les victimes handicapées, aient accès à des recours effectifs et à des moyens de protection, notamment en veillant à l ’ exécution effective des ordonnances de protection dans toutes les régions du pays ;

c) Mener des campagnes de sensibilisation auprès du grand public sur la violence à l ’ égard des femmes, y compris la violence familiale, et veiller à ce que les policiers, les procureurs et les juges reçoivent une formation appropriée pour traiter efficacement de ce type d ’ affaires ;

d) Achever de ratifier la Convention du Conseil de l ’ Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et la violence domestique (Convention d ’ Istanbul).

Migrants et demandeurs d’asile

19.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie assume sa part dans la responsabilité collective de protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile et qu’il a récemment renforcé son dispositif de protection. Cependant, il est préoccupé par la durée de la détention des migrants, qui peut aller jusqu’à dix‑huit mois ; le recours peu fréquent aux mesures de substitution à la détention ; et le fait que, selon les informations à sa disposition, les migrants en situation irrégulière qui sont placés en détention ne bénéficieraient pas de l’aide juridictionnelle. Il note aussi avec préoccupation que le Centre d’enregistrement des étrangers n’offre pas des conditions d’accueil satisfaisantes, notamment en ce qui concerne les services d’assistance sociale, de soutien psychologique et de réadaptation, en particulier pour les demandeurs d’asile ayant des besoins spéciaux. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des personnes qui souhaitaient bénéficier d’une protection internationale se seraient vu refuser l’entrée sur le territoire et n’auraient pas pu déposer ni faire enregistrer leur demande d’asile à la frontière et dans des centres d’accueil et de détention. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les demandeurs d’asile peuvent être maintenus en détention à la frontière pour une durée pouvant aller jusqu’à vingt-huit jours, dans de mauvaises conditions et sans possibilité de contestation devant un organe juridictionnel (art. 6, 7, 9, 10 et 13).

20. L ’ État partie devrait :

a) Éviter de placer des demandeurs d ’ asile en internement administratif et prévoir des mesures efficaces de substitution à la détention, de sorte que la détention soit une mesure de dernier recours d ’ une durée la plus brève possible ; limiter la pratique consistant à placer les migrants en détention, réduire la durée de la détention des migrants et faire en sorte que ceux-ci puissent communiquer avec un avocat et bénéficier de l ’ aide juridictionnelle lorsque l ’ intérêt de la justice le commande, et qu ’ ils soient informés de leurs droits, y compris à la frontière ;

b) Améliorer encore les conditions d ’ accueil dans le Centre d ’ enregistrement des étrangers, en assurant un accès suffisant à des services d ’ assistance sociale, de soutien psychologique, de réadaptation et de santé ;

c) Faire en sorte que toutes les demandes de protection internationale soient rapidement reçues et enregistrées, à la frontière et dans les centres d ’ accueil et de détention, et qu ’ elles soient transmises sans délai à l ’ autorité compétente, et enquêter efficacement sur tous les refus d ’ entrée sur le territoire et d ’ accès aux procédures d ’ asile auxquels se seraient heurtées des personnes qui souhaitaient bénéficier d ’ une protection internationale ;

d) Veiller à ce que les demandeurs d ’ asile ne soient pas détenus illégalement ou arbitrairement à la frontière, notamment en précisant dans la loi sur les étrangers que le maintien de demandeurs d ’ asile à la frontière, y compris dans les zones de transit, constitue un placement en détention et s ’ accompagne donc de garanties procédurales et judiciaires ;

e) Renforcer la formation des agents des services de l ’ immigration et du contrôle aux frontières consacrée aux droits des demandeurs d ’ asile et des réfugiés au regard du Pacte et d ’ autres instruments int ernationaux.

Personnes privées de liberté et conditions de détention

21.Le Comité est préoccupé par la durée de plus en plus longue de la détention provisoire et par le recours trop rare aux mesures de substitution à la détention telles que la libération sous caution. Il regrette de n’avoir reçu aucune information concernant l’incidence du Code des infractions administratives sur la pratique portée à sa connaissance qui consiste à maintenir des personnes en détention dans les locaux de la police pour une période pouvant aller jusqu’à quinze jours. Il prend note des mesures prises pour améliorer les conditions de détention, mais il demeure préoccupé par la surpopulation et les mauvaises conditions de vie dans les lieux de privation de liberté, qui lui ont été abondamment signalées et qui se caractérisent notamment par de mauvaises conditions d’hygiène, d’alimentation et d’hébergement, des services de santé insuffisants et un temps restreint passé en dehors des cellules. Il est également préoccupé par les allégations de mauvais traitements et de recours excessif à la force dans certains lieux tels que, notamment les centres de détention de la police, les prisons et les établissements psychiatriques, et par le très faible nombre d’enquêtes préliminaires qui ont été menées et de condamnations qui ont été prononcées dans des affaires de « conduite inappropriée » mettant en cause des agents pénitentiaires. Il s’inquiète d’apprendre que des garanties juridiques fondamentales, notamment le droit d’être informé de ses droits et de les comprendre, le droit de communiquer avec un avocat et de disposer du temps et des moyens nécessaires à la préparation de sa défense, le droit d’être examiné par un médecin indépendant et le droit d’avertir un membre de sa famille ou la personne de son choix, ne seraient pas respectées dès le tout début de la privation de liberté (art. 7, 9, 10 et 14).

22. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que le recours aux mesures de substitution à la détention, notamment à la libération sous caution, soit systématiquement envisagé et à ce que la détention provisoire soit toujours une mesure exceptionnelle, raisonnable et nécessaire, appliquée au cas par cas et pour la durée la plus brève possible ;

b) Redoubler d ’ efforts pour améliorer les conditions de détention et réduire la surpopulation dans les lieux de privation de liberté, notamment en tenant compte des recommandations respectives du Bureau des ombudsmen du Seimas et du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et en veillant à ce que les conditions de vie dans les lieux de détention soient conformes à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

c) Faire en sorte que toutes les allégations de mauvais traitements mettant en cause des membres du personnel des lieux de privation de liberté fassent l ’ objet d ’ une enquête diligente, que les auteurs soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, soient dûment condamnés, et que les victimes puissent bénéficier de mesures de réparation effectives ;

d) Veiller à ce que les personnes privées de liberté bénéficient, dans la pratique, de toutes les garanties juridiques dès leur placement en détention.

Mesures de lutte contre le terrorisme et détention secrète

23.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas enquêté de manière approfondie sur la complicité des pouvoirs publics et des représentants de l’État dans des violations des droits de l’homme perpétrées au cours d’opérations de lutte contre le terrorisme, notamment dans des affaires de détention secrète. Il accueille avec satisfaction la déclaration de la délégation, qui a fait savoir que la décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme en l’affaire Abu Zubaydahv.Lithuania serait exécutée dès qu’elle aurait force de chose jugée. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles le caractère exécutoire de cet arrêt aurait été contesté par des fonctionnaires lituaniens. Il note aussi avec préoccupation que l’enquête préliminaire no 01-2-00015-14 n’a pas été achevée, qu’aucun suspect n’a été désigné et que toutes les informations concernant l’avancement et l’issue de cette enquête sont tenues secrètes (art. 2, 7, 9, 10 et 16).

24.L ’ État partie devrait prendre les mesures voulues pour enquêter sur la complicité des pouvoirs publics et des représentants de l ’ État dans des violations des droits de l ’ homme perpétrées au cours d ’ opérations de lutte contre le terrorisme, notamment dans l ’ affaire Abu Zubaydahv.Lithuaniaet dans tout autre cas de détention secrète ; il devrait faire en sorte que les auteurs des faits soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, soient dûment punis et que les victimes puissent bénéficier de mesures de réparation effectives. Il devrait également mener à bonne fin l ’ enquête préliminaire n o  01-2-00015-14 dans un délai raisonnable et en toute transparence, et soumettre les résultats obtenus à un examen public.

Liberté de pensée et de conviction

25.Le Comité note que, d’après les informations communiquées par l’État partie, le système de conscription militaire n’a pas été appliqué depuis son rétablissement en 2015, les contingents ayant été constitués par des volontaires. Il relève toutefois avec préoccupation que le service de défense national de remplacement ne prévoit pas de service civil qui soit placé hors du contrôle et de la supervision de l’armée et des institutions du système de défense nationale, et qu’il ne donne pas lieu à une rémunération comparable à celle qui est appliquée dans le cadre du service militaire (art. 18 et 26).

26. L ’ État partie devrait veiller à ce que la loi relative à la conscription nationale autorise l ’ objection de conscience d ’ une manière conforme aux articles 18 et 26 du Pacte, en faisant en sorte qu ’ elle prévoie un service de remplacement au service militaire, qui échappe à tout cadre et à tout commandement militaires et qui donne lieu à une rémunération comparable, étant entendu que l ’ article 18 garantit la liberté de conscience fondée sur des croyances religieuses et d ’ autres convictions.

Liberté d’expression et d’association

27.Le Comité est préoccupé par certaines initiatives qui risquent de restreindre et d’entraver la liberté d’expression, notamment celle des personnes qui soulèvent la question de la complicité de Lituaniens dans des crimes nazis commis contre des juifs et d’autres personnes. En particulier, il est préoccupé par les informations selon lesquelles les noms d’associations, d’agences de presse, de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et d’autres personnes sont mentionnés dans le rapport d’évaluation des menaces pour la sécurité nationale publié chaque année par le Département de la sûreté de l’État et par l’absence d’informations sur les critères et les procédures qui président à la publication de ces noms et sur les motifs qui la justifient. Le Comité est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles il a été récemment proposé de modifier la loi relative à la protection des consommateurs pour interdire la vente de produits qui « déforment des fait historiques nationaux » (art. 19 et 21).

28. L ’ État partie devrait cesser de présenter des personnes et des entités qui exercent leur liberté d ’ expression comme des « menaces pour la sécurité nationale ». Il devrait veiller à ce que toutes ses initiatives, législatives ou autres, permettent de garantir que les auteurs, les journalistes, les défenseurs des droits de l ’ homme et toute autre personne ou association puissent exercer librement leur droit à la liberté d ’ expression, conformément à l ’ article 19 du Pacte et à l ’ observation générale n o  34 (2011) du Comité.

Protection des mineurs et droits de l’enfant

29.Le Comité note avec préoccupation que les enfants continuent d’être victimes de violence, notamment dans le cadre familial. Il relève en outre avec inquiétude que les enfants placés en institution seraient victimes de mauvais traitements et regrette de n’avoir pas reçu d’informations concernant les cas de traite et d’exploitation d’enfants ainsi que la fréquence des cas de violence et de maltraitance à l’égard d’enfants, les enquêtes menées et les poursuites intentées. Il s’inquiète également du nombre élevé de grossesses précoces chez les filles roms et de la modification apportée au Code civil en juin 2010, qui permet aux tribunaux d’abaisser l’âge du consentement sexuel à 16 ans pour toute personne désireuse de se marier avant l’âge de 18 ans qui en fait la demande et en deçà de 16 ans en cas de grossesse (art. 7, 8, 23 et 24).

30. L ’ État partie devrait contrôler régulièrement les conditions de vie des enfants dans les institutions et la manière dont ils y sont traités, et protéger les enfants contre toutes les formes de violence, d ’ exploitation et de traite. Il devrait redoubler d ’ efforts pour réduire le taux élevé de grossesse chez les filles roms et veiller à ce que les femmes et les filles roms aient accès à des services de santé sexuelle et procréative, à une éducation dans ce domaine et à des moyens de contraception à un coût abordable. Il devrait en outre faire le nécessaire pour mettre fin aux mariages précoces, en droit et dans la pratique, notamment en fixant l ’ âge légal du mariage à 18 ans.

D.Diffusion d’informations sur le Pacte

31. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux p rotocoles facultatifs s ’ y rapportant, de son quatrième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu ’ auprès du grand public, y compris des membres des communautés minoritaires, afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte. L ’ État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

32. Conformément au paragraphe 5 de l ’ article 71 du Règlement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir, d ’ ici au 27 juillet 2020, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 10 (discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre), 20 ( migrants et demandeurs d ’ asile ) et 22 (personnes privées de liberté et conditions de détention).

33. Le Comité demande à l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 27 juillet 2024 au plus tard. L ’ État partie ayant accepté d ’ utiliser la procédure simplifiée de présentation des rapports, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste de points établie avant la soumission du rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront son cinquième rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.