Nations Unies

CCPR/C/109/D/1612/2007

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 novembre 2013

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Communication no 1612/2007

Décision adoptée par le Comité à sa 109e session (14 octobre‑1er novembre 2013) en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques

Communication p résentée par:

F. B. L. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Costa Rica

Date de la communication:

17 octobre 2006 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision:

28 octobre 2013

Objet:

Exécution d’un jugement (exequatur) rendu par une juridiction étrangère

Questions de procédure:

Griefs insuffisamment étayés

Questions de fond:

Droit à un procès équitable; droit à un recours utile

Articles du Pacte:

2 (par. 1 à 3), 3, 5, 14 (par. 1), et 16

Article du Protocole facultatif:

2

Décision concernant la recevabilité *

1.1L’auteur de la communication est F. B. L., de nationalité colombienne, né le 5 septembre 1956, qui se dit victime d’une violation par le Costa Rica des articles 2 (par. 1 à 3), 3, 4, 5, 14 (par. 1), et 16 du Pacte. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 18 juin 2007, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé qu’il n’avait pas besoin que l’État partie présente ses observations pour se prononcer sur la recevabilité de la communication.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur était propriétaire d’une entreprise de pêche appelée «Incamar LTDA» qui était immatriculée dans le port de Buenaventura (Colombie). Ne s’étant pas acquitté d’une obligation pécuniaire, il a fait l’objet d’une procédure judiciaire à l’issue de laquelle un bateau à moteur appartenant à l’entreprise, le «Puri», a été saisi en décembre 1989 et mis sous séquestre en janvier 1990 en attendant la fin de la procédure. En 1995 et 1996 respectivement, le tribunal civil no 2 de la circonscription judiciaire de Cali et le tribunal supérieur de Popayán se sont prononcés en faveur de l’auteur et ont ordonné la restitution de l’embarcation et l’indemnisation de l’auteur pour les dommages causés au bateau ainsi que pour le manque à gagner. Par la suite, l’auteur a cherché, sans succès, à faire appliquer le jugement rendu par le tribunal de Cali en Colombie en déposant plusieurs requêtes auprès du tribunal supérieur de Popayán, du tribunal administratif de Valle del Cauca, de la Chambre administrative du Conseil d’État et de la Cour constitutionnelle.

2.2Fin 2005, l’auteur et sa famille ont déménagé au Costa Rica. Le 4 novembre 2005, l’auteur a présenté une demande d’exequatur auprès de la Cour suprême du Costa Rica contre la Colombie dans le but de faire appliquer le jugement rendu en 1996 par le tribunal supérieur de Popayán. L’auteur demandait à la Cour suprême de l’État partie d’ordonner la restitution du bateau à moteur «Puri» conformément aux termes de la décision du tribunal civil no 2 de la circonscription judiciaire de Cali, ainsi qu’une réparation patrimoniale d’un montant de 138 348 104,52 dollars des États‑Unis.

2.3Le 8 mars 2006, la Cour suprême a rejeté la demande de l’auteur. Elle a considéré que le Costa Rica n’était pas compétent pour connaître de l’affaire étant donné que le jugement en question avait été rendu par un tribunal colombien souverain qui avait pleins pouvoirs quant à son exécution; qu’en vertu du principe de l’immunité juridictionnelle, les tribunaux de l’État partie ne pouvaient pas examiner des différends dans lesquels l’une des parties était un État souverain et qu’en conséquence, la requête de l’auteur ne répondait pas aux critères énoncés à l’article 46 du Code de procédure civile.

2.4Les 3 avril et 24 juillet 2006, l’auteur a formé un recours en révision auprès de la Cour suprême. Le 23 août 2006, celle-ci a confirmé sa décision du 8 mars 2006.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur se dit victime d’une violation par le Costa Rica des articles 2 (par. 1 à 3), 3, 4, 5, 14 (par. 1), et 16 du Pacte.

3.2L’auteur affirme qu’en rejetant sa requête visant à faire appliquer le jugement rendu par le tribunal supérieur de Popayán contre la Colombie, la Cour suprême a agi en violation des paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2 du Pacte puisque les recours internes disponibles dans l’État partie ont été inutiles pour ce qui est de faire appliquer la décision de la justice colombienne, qui ordonnait la restitution du bateau et lui reconnaissait le droit à une indemnisation.

3.3L’auteur invoque également une violation de l’article 3 du Pacte au motif que son droit à l’égalité devant la loi n’a pas été respecté.

3.4L’auteur fait valoir que l’État partie a montré, à travers ses procédures judiciaires, qu’il n’était pas disposé à s’acquitter des obligations découlant des instruments internationaux auxquels il était partie et que, ce faisant, il a aussi enfreint l’article 5 du Pacte.

3.5Pour ce qui est du paragraphe 1 de l’article 14, l’auteur affirme que la décision de la Cour suprême rejetant ses requêtes constitue un traitement inégal par les tribunaux et un déni de justice.

3.6L’auteur invoque une violation de l’article 16 du Pacte au motif que les autorités judiciaires de l’État partie n’ont pas reconnu sa personnalité juridique.

Délibérations du Comité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

4.2Le Comité note que les griefs de l’auteur portent sur des événements survenus en Colombie qu’il a examinés de manière approfondie dans ses constatations concernant la communication no 1611/2007. Il note également que l’auteur n’apporte aucun élément pour étayer ses griefs au titre des articles du Pacte qu’il invoque. En outre, le Comité constate que la demande d’exequatur présentée par l’auteur pour faire appliquer le jugement du tribunal supérieur de Popayán a été examinée et rejetée à deux reprises par la Cour suprême de l’État partie, et que les griefs que l’auteur formule contre ces décisions ont essentiellement trait à l’application de la législation interne du Costa Rica. À cet égard, le Comité rappelle sa jurisprudence, selon laquelle c’est aux juridictions des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, ou la manière dont la législation interne a été appliquée, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation, ou cette application, a été clairement arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a constitué un déni de justice. Au vu des éléments que l’auteur lui a soumis, notamment des décisions de la Cour suprême, le Comité n’est pas en mesure de conclure que la Cour suprême a agi de manière arbitraire ou que ses décisions ont manifestement été entachées d’erreur ou ont constitué un déni de justice. Le Comité considère donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs de violation des articles 2 (par. 1 à 3), 3, 4, 5, 14 (par. 1), et 16 duPacte et que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

5.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]