Nations Unies

CCPR/C/109/D/1856/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

2 décembre 2013

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Communication no 1856/2008

Constatations adoptées par le Comité à sa 109e session(14 octobre-1er novembre 2013)

Communication p résentée par:

Sergeï Semenovich Sevostyanov(non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

28 novembre 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 29 décembre 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

1er novembre 2013

Objet:

Détention arbitraire; procès inéquitable

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes; griefs insuffisamment étayés

Questions de fond:

Détention arbitraire et droit de contester la détention devant un tribunal; égalité devant les tribunaux; présomption d’innocence; audition des témoins; examen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation par une juridiction supérieure

Articles du Pacte:

9 (par. 1 et 4) et 14 (par. 1, 2, 3 e) et 5)

Article s du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques (109e session)

concernant la

Communication no 1856/2008 *

Présentée par:

Sergeï Semenovich Sevostyanov(non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

28 novembre 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 1er novembre 2013,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1856/2008 présentée par Sergeï Semenovich Sevostyanov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Sergeï Semenovich Sevostyanov, né en 1960, de nationalité russe et actuellement en détention en Fédération de Russie. Il se déclare victime de violations par l’État partie des droits qu’il tient des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 et des paragraphes 1, 2, 3 e) et 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur est représenté par sa femme, Mme Sevostyanova.

Exposé des faits

2.1Le 25 septembre 2004, l’auteur travaillait avec sa femme dans son jardin quand un voisin, M. Mikitenko, est venu lui demander de l’accompagner dans un jardin voisin. De multiples vols avaient eu lieu dans les maisons de campagne du voisinage et M. Mikitenko affirmait que les voleurs se cachaient chez les voisins. M. Mikitenko tenait un sac contenant un objet en bois qui ressemblait au manche d’une hache. Quand l’auteur et M. Mikitenko sont arrivés près du jardin en question, M. Mikitenko a dit à l’auteur de l’attendre à l’extérieur, derrière la clôture, et il est entré seul dans la maison. Quelques minutes plus tard, l’auteur a entendu un coup de feu venant de l’intérieur de la maison et a décidé d’entrer. Sur le pas de la porte, il s’est heurté à M. Mikitenko, qui lui a dit qu’ils devaient partir immédiatement tous les deux. L’auteur a regardé à l’intérieur et a aperçu deux jeunes gens, dont l’un avait la mâchoire en sang. L’auteur est retourné dans son jardin. Peu de temps après, M. Mikitenko est repassé par le jardin de l’auteur et lui a dit qu’il avait blessé l’un des deux hommes et qu’il s’apprêtait à appeler une ambulance.

2.2Le même jour, l’auteur a été emmené au poste de police par des agents du Département des affaires intérieures d’Oust-Ilimsk afin de déposer en tant que témoin de l’incident, puis on l’a laissé repartir. M. Mikitenko a aussi été conduit au même poste de police, puis arrêté parce qu’il était soupçonné d’être le meurtrier d’un certain M. Zagrebin.

2.3Le 27 septembre 2004, l’auteur a été de nouveau conduit au poste de police par des agents du Département des affaires intérieures d’Oust-Ilimsk. Alors qu’il attendait dans l’une des salles du poste de police, des agents qui s’y trouvaient également lui ont dit avec un sourire que «le meurtre était une tradition dans sa famille». Plus tard, le chef du Département des enquêtes criminelles est entré dans la salle et lui a dit en passant qu’un témoin le reconnaîtrait. Puis, l’auteur a été conduit dans une autre salle, où un enquêteur du bureau du Procureur a annoncé que l’identification du meurtrier allait avoir lieu. L’auteur a ensuite été présenté, avec deux autres hommes (aucun des deux n’était M. Mikitenko), à un témoin oculaire du crime, un certain M. Bekreev (le deuxième jeune homme qui était le 25 septembre 2004 à l’intérieur de la maison située sur la parcelle voisine), aux fins de l’identification du meurtrier. Deux témoins (observateurs) étaient présents pendant la séance d’identification. L’enquêteur a demandé au témoin s’il reconnaissait l’un des hommes qui lui étaient présentés, et celui-ci a désigné l’auteur. L’enquêteur a alors demandé si l’auteur était la personne qui tenait un fusil, mais le témoin a répondu qu’il ne le savait pas. L’enquêteur a reposé de nombreuses fois la même question et le témoin a finalement admis en hésitant que c’était l’auteur qui tenait le fusil. À la fin de la séance d’identification, le père du témoin, un ancien policier, a demandé à l’enquêteur si son fils et lui-même avaient fait les choses correctement. L’enquêteur a fait un signe en direction de l’auteur et a fait sortir le témoin et son père de la pièce. Le même jour, l’auteur a demandé oralement à l’enquêteur d’ordonner un examen des empreintes digitales et une expertise balistique (une recherche des résidus de poudre) qui prouveraient qu’il n’avait jamais été en possession de l’arme du crime. Cette demande et les suivantes formulées oralement sur le même sujet ont été rejetées par l’enquêteur.

2.4L’auteur a été gardé en détention jusqu’à la fin du procès. Il affirme que, du 25 décembre 2004 au 12 janvier 2005, il a été maintenu en détention sur la base d’une instruction de l’enquêteur donnée par téléphone.

2.5L’auteur indique en outre que pendant l’enquête préliminaire son avocat et lui-même ont demandé une confrontation entre MM. Bekreev et Mikitenko, mais que cet acte d’enquête n’a pas été accordé. À une date non précisée, une confrontation a été organisée entre M. Bekreev et l’auteur; M. Bekreev a sorti un papier de sa poche et a lu ce qui y était écrit, notamment que la blessure qui avait entraîné la mort de M. Zagrebin avait été infligée par l’auteur. M. Bekreev a ajouté que, le jour en question, l’auteur portait une tenue de camouflage alors que de nombreux autres témoins, dont M. Mikitenko, ont déclaré que ce jour-là l’auteur portait un survêtement.

2.6Le 31 mai 2005, l’auteur a été reconnu coupable de l’assassinat de M. Zagrebin par le tribunal municipal d’Oust-Ilimsk et condamné, en vertu de la première partie de l’article 105 du Code pénal, à dix ans d’emprisonnement dans une prison de haute sécurité. Pendant le procès, les deux témoins qui avaient reconnu l’auteur pendant la séance d’identification du 27 septembre 2004 ont déclaré que l’enquêteur avait exercé des pressions sur M. Bekreev pour qu’il désigne l’auteur. M. Mikitenko a déclaré devant le tribunal que M. Zagrebin et lui-même s’étaient battus pour s’emparer d’un fusil, qu’un coup de feu était parti et que M. Zagrebin avait été mortellement blessé. Toutefois, le tribunal a conclu que cette déclaration de M. Mikitenko, qui s’accusait du meurtre de M. Zagrebin, n’était pas crédible.

2.7Le 6 juin 2005, l’auteur a fait appel du jugement du tribunal municipal d’Oust‑Ilimsk devant la chambre pénale du tribunal régional d’Irkoutsk. Dans son recours en annulation, l’auteur faisait observer que le tribunal de première instance n’avait pas pris en considération des éléments de preuve essentiels. Le 3 novembre 2005, la chambre judiciaire a confirmé le jugement du tribunal municipal d’Oust-Ilimsk.

2.8À une date non précisée, l’auteur a présenté une demande de procédure de contrôle auprès de la présidence du tribunal régional d’Irkoutsk. Dans cette demande, il contestait entre autres choses le fait que la juridiction saisie de sa demande d’annulation n’avait pas tenu compte d’une déclaration écrite de M. Bekreev datée du 10 août 2005 et adressée au Procureur interdisctricts d’Oust‑Ilimsk, dans laquelle M. Bekreev reconnaissait avoir subi des pressions de la part des enquêteurs pour qu’il fasse faire porter à l’auteur la responsabilité de la mort de M. Zagrebin. Dans cette déclaration écrite, M. Bekreev affirmait aussi que M. Zagrebin avait été tué par M. Mikitenko, qui était entré le premier dans la maison. Le 28 février 2006, un juge du tribunal régional d’Irkoutsk a rejeté la demande de procédure de contrôle présentée par l’auteur.

2.9À une date non précisée, l’auteur a fait appel de la décision rendue le 28 février 2006 par le tribunal régional d’Irkoutsk auprès de la présidence du même tribunal. Le Président par intérim du tribunal régional d’Irkoutsk a rejeté l’appel le 20 juin 2006.

2.10Le 12 mars 2007, l’auteur a déposé auprès de la Cour suprême une demande de procédure de contrôle fondée sur la déclaration écrite de M. Bekreev datée du 10 août 2005 qui, selon l’auteur, constituait un «élément de preuve nouvellement révélé». Le 23 avril 2007, la Cour suprême a rejeté la demande. À une date non précisée, l’auteur a contesté cette décision devant la présidence de la Cour suprême. La plainte de l’auteur a été rejetée le 28 janvier 2008.

2.11À des dates non précisées, l’auteur a présenté d’autres demandes de contrôle au bureau du Procureur de la région d’Irkoutsk et au bureau du Procureur général. Dans des courriers datés du 16 février, du 9 mars et du 18 mai 2007, respectivement, le bureau du Procureur de la région d’Irkoutsk a déclaré qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir une procédure de contrôle. Le bureau du Procureur général a aussi rejeté les demandes de l’auteur, le  16 août et le 7 décembre 2007.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que son arrestation et son procès constituent des violations des paragraphes 1 et 4 de l’article 9 et des paragraphes 1, 2, 3 e) et 5 de l’article 14 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre du 9 juin 2009, l’État partie affirme que le 25 septembre 2004 l’auteur et M. Mikitenko se sont entendus pour retrouver et punir les personnes qui, selon eux, commettaient des vols dans les maisons de campagne des environs. Ils sont entrés dans une maison, où ils ont trouvé deux adolescents inconnus et l’auteur a tiré sur l’un des deux avec un fusil de chasse, l’atteignant au visage, ce qui a causé la mort de l’adolescent. Le même jour, la police a arrêté M. Mikitenko. Le 27 septembre 2004, conformément à l’article 91 du Code de procédure pénale, la police a arrêté l’auteur parce que le deuxième adolescent (M. Bekreev) avait déclaré que c’était l’auteur qui avait commis l’homicide. Le 29 septembre 2004, le procureur adjoint d’Oust‑Ilimsk a demandé au tribunal municipal d’Oust‑Ilimsk le placement de l’auteur en détention provisoire. Le tribunal a ajourné la décision, mais a prolongé la détention après arrestation de soixante‑douze heures, jusqu’au 2 octobre 2004. Le 2 octobre 2004, le tribunal municipal d’Oust‑Ilimsk a ordonné le placement en détention provisoire au motif que l’auteur était soupçonné d’avoir commis un homicide. Le 5 octobre 2004, l’auteur a été inculpé du chef défini au paragraphe 1 de l’article 105 du Code pénal (meurtre avec préméditation). Le 26 novembre 2004, la détention a été prolongée par le tribunal municipal d’Oust‑Ilimsk, sur demande du procureur adjoint d’Oust‑Ilimsk, jusqu’au 25 décembre 2004. Le 22 décembre 2004, l’auteur et son avocat ont été informés que l’enquête préliminaire était terminée et le 24 décembre 2004 les preuves leur ont été présentées. Le 25 décembre 2004, le procureur adjoint a approuvé l’inculpation de l’auteur.

4.2L’État partie affirme que, le 12 janvier 2005, l’acte d’inculpation a été porté à la connaissance de l’auteur et de son avocat et qu’aucun d’eux n’a présenté d’objection ou de plainte, ni le jour même ni durant le procès.

4.3L’État partie indique que le 25 décembre 2004 l’affaire a été renvoyée au tribunal municipal d’Oust-Ilimsk, qui l’a reçue le 21 janvier 2005, a prolongé la détention provisoire de l’auteur le 31 janvier 2005 et a prévu une audience préliminaire pour le 7 février 2005. Le 7 février 2005, le tribunal a de nouveau prolongé la détention. L’avocat de l’auteur a déposé un recours en annulation concernant uniquement l’ordonnance de placement en détention provisoire du 2 octobre 2004. La chambre pénale du tribunal de district d’Irkoutsk a rejeté ce recours le 9 novembre 2004. Ni l’auteur ni son avocat n’ont fait appel de la décision du 26 novembre 2004 relative à la prolongation de la détention. L’État partie affirme que les allégations de violation des droits garantis par l’article 9 du Pacte ne sont pas fondées parce que l’auteur a été détenu conformément à la procédure pénale nationale et qu’il pouvait contester sa détention devant un tribunal.

4.4L’État partie indique en outre que, le 31 mai 2005, le tribunal municipal d’Oust‑Ilimsk a reconnu l’auteur coupable de meurtre avec préméditation en vertu du paragraphe 1 de l’article 105 du Code pénal. Pour déterminer la durée de sa peine, le tribunal a aussi pris en considération la période de détention allant du 27 septembre 2004 au 31 mai 2005. Le 3 novembre 2005, la chambre pénale du tribunal de district d’Irkoutsk a rejeté le recours formé par l’auteur contre le jugement. L’État partie indique que l’auteur a fait appel de sa condamnation à de multiples occasions et a aussi présenté des plaintes pour des actes irréguliers commis par les enquêteurs, les organes de poursuite et le tribunal. L’État partie affirme que les plaintes de l’auteur ont été examinées et rejetées.

4.5L’État partie fait observer que la déclaration de M. Bekreev, en date du 4 août 2005, dans laquelle celui-ci indiquait avoir désigné à tort l’auteur comme étant le meurtrier, a été faite après que l’affaire eut été jugée en première instance et ne pouvait donc pas être prise en considération par le tribunal ayant examiné le recours en annulation. Une autre déclaration de M. Bekreev, dans laquelle celui-ci indiquait avoir accusé l’auteur à tort a aussi été examinée par le Département des enquêtes du bureau du Procureur d’Oust-Ilimsk, qui a rendu le 9 janvier 2008 une décision par laquelle il refusait l’ouverture d’une enquête pénale, car il n’avait trouvé aucun élément indiquant qu’une infraction avait été commise. Une plainte ultérieure de l’auteur, qui comportait une déclaration identique de M. Bekreev, a été examinée conformément aux articles 144 et 145 du Code de procédure pénale. Le 8 décembre 2008, le bureau du Procureur d’Oust-Ilimsk a refusé d’engager des poursuites pénales contre l’enquêteur parce que rien ne lui avait permis de conclure qu’une infraction avait été commise. Le bureau du Procureur du district d’Irkoutsk a confirmé cette décision. L’auteur n’a pas fait appel devant le tribunal de la décision du Procureur du district d’Irkoutsk.

4.6L’État partie fait en outre valoir que le tribunal a garanti l’égalité des armes pendant le procès, que tous les témoins demandés par l’accusation et par la défense ont été cités et interrogés et que les arguments de la défense, qui affirme que le meurtre a été commis par M. Mikitenko, ont été examinés par le tribunal mais n’ont pas pu être confirmés parce qu’ils contredisaient d’autres éléments de preuve. L’État partie décrit en détail l’enquête préalable au jugement de l’auteur. En particulier, il note que l’avocat de l’auteur a demandé d’exclure le procès-verbal des preuves d’identification par le principal témoin, mais que le tribunal a rejeté cette demande dans des décisions datées du 2 et du 28 mars 2005.

4.7L’État partie indique que l’auteur a présenté des demandes de procédure de contrôle du jugement et de la décision de la juridiction d’annulation à deux reprises auprès du tribunal de district d’Irkoutsk et à deux reprises auprès de la Cour suprême. Le jugement et les décisions ont été examinés et les recours ont été rejetés le 28 février 2006, le 20 juin 2006, le 23 avril 2007 et le 28 janvier 2008, respectivement. L’État partie affirme qu’il n’y a eu aucune violation des droits garantis à l’auteur par le Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1En date du 30 juillet 2009, l’auteur répond que, pendant le procès, son avocat a demandé que le procès-verbal d’identification de l’auteur par le principal témoin soit exclu des preuves, mais que le tribunal a rejeté sa demande; les témoins présents pendant la séance d’identification ont déclaré devant le tribunal que l’enquêteur avait exercé des pressions sur le principal témoin pour qu’il désigne l’auteur comme étant le meurtrier, mais le tribunal a choisi d’interpréter leur témoignage en faveur de l’accusation; l’auteur n’a pas été assisté par un avocat pendant la séance d’identification; M. Mikitenko n’a pas été présenté en même temps que l’auteur au principal témoin aux fins de l’identification; l’État partie a relevé que l’auteur n’avait pas formé certains recours en temps voulu, mais cela s’explique par le fait que l’auteur connaissait mal la procédure pénale et que son avocat était incompétent; le tribunal n’a pas pris en considération le témoignage d’un témoin qui avait déclaré avoir vu l’auteur debout à l’extérieur de la clôture au moment du meurtre; l’État partie a affirmé que le principal témoin était mineur et était accompagné de son père pour cette raison, mais n’a pas précisé que le père était un ancien fonctionnaire de police qui voulait venir en aide à ses collègues. L’auteur souligne en outre que le principal témoin, M. Bekreev, a écrit plusieurs déclarations dans lesquelles il reconnaissait avoir désigné à tort l’auteur comme étant l’auteur du crime, mais que le bureau du Procureur d’Oust‑Ilimsk n’a pas mené une enquête en bonne et due forme.

5.2Dans une lettre du 30 décembre 2009, l’auteur indique qu’il a adressé une autre plainte au bureau du Procureur, contenant les déclarations de M. Bekreev au sujet de son faux témoignage et que cette plainte a elle aussi été rejetée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité considère que les griefs de violation de l’article 9 (par. 1) et de l’article 14 (par. 5) du Pacte ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et il procède par conséquent à leur examen quant au fond.

6.4Le Comité prend note des allégations de l’auteur, qui affirme que les faits dont il est accusé ont été inventés par les enquêteurs en représailles pour le meurtre d’un fonctionnaire de police commis par son fils. Le Comité fait toutefois observer que les griefs que l’auteur tire de l’article 14 du Pacte se rapportent exclusivement à l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux de l’État partie. Il rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Les éléments portés à la connaissance du Comité ne montrent pas que la procédure a été entachée de telles irrégularités. En conséquence, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé les griefs qu’il tire du paragraphe 4 de l’article 9 et des paragraphes 1, 2 et 3 e) de l’article 14 du Pacte et les déclare donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

7.2Le Comité fait observer que le paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte reconnaît que chacun a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne et que nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires. L’article prévoit toutefois qu’il peut être licite de priver quelqu’un de liberté, pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que du 25 décembre 2004 au 12 janvier 2005 il a été maintenu arbitrairement en détention sur instruction que l’enquêteur a donnée par téléphone. Le Comité prend aussi note de l’argument de l’État partie qui indique que ni l’auteur ni son avocat n’ont fait appel de la décision du 26 novembre 2004 relative à sa détention. Le Comité relève toutefois que, selon les observations de l’État partie, la décision en question portait sur la prolongation de la détention de l’auteur jusqu’au 25 décembre 2004 et que la décision suivante du tribunal concernant la prolongation de la détention de l’auteur n’a pas été rendue avant le 31 janvier 2005. Le Comité conclut que, en l’absence d’une décision judiciaire concernant sa détention, l’auteur a été détenu arbitrairement pendant cette période, ce qui constitue une violation des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

7.3Le Comité prend note de l’allégation de l’auteur, qui affirme que la juridiction d’appel n’a pas examiné complètement l’affaire pénale le concernant, en violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, puisqu’elle n’a pas pris en considération la déclaration écrite de M. Bekreev, datée du 10 août 2005, dans laquelle celui-ci reconnaissait avoir attribué à l’auteur la responsabilité de la mort de M. Zagrebin parce qu’il avait subi des pressions de la part de l’enquêteur et que le meurtrier était en réalité M. Mikitenko. Le Comité note aussi l’argument de l’État partie, qui indique que conformément à la législation en matière de procédure pénale la juridiction d’appel ne pouvait pas prendre en considération la déclaration en question parce qu’elle avait été faite après que le tribunal de première instance eut rendu son jugement. Le Comité fait observer que, en vertu du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, une juridiction supérieure doit examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation mais n’est pas tenue de rejuger les faits. Toutefois, cette disposition impose à l’État partie l’obligation de faire examiner quant au fond, en vérifiant si les éléments de preuve sont suffisants et à la lumière des dispositions législatives applicables, la déclaration de culpabilité et la condamnation, de manière que la procédure permette un examen approprié de la nature de l’affaire. Une révision qui concerne uniquement les aspects formels ou juridiques du verdict sans tenir compte des faits n’est pas suffisante en vertu du Pacte. Le Comité note qu’en l’espèce la juridiction d’appel (voir par. 2.7), malgré les limites imposées par le droit procédural touchant l’examen des faits, a non seulement examiné les motifs d’annulation exposés par l’auteur dans son recours en général, mais a également étudié les éléments de preuve examinés par le tribunal de première instance, a confirmé la conclusion de ce dernier selon laquelle il n’y avait aucune raison de ne pas juger crédible le témoignage initial de M. Bekreev, et a conclu que le jugement contesté formulait, concernant les faits de la cause et la culpabilité de l’auteur, des conclusions bien argumentées. À la lumière des circonstances de l’espèce, le Comité constate que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

9.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, sous la forme notamment d’une indemnisation appropriée. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus par le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie dans un délai de cent quatre-vingt jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement dans la langue officielle.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]