Nations Unies

CRPD/C/ARM/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

8 mai 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initialde l’Arménie *

I.Introduction

Le Comité a examiné le rapport initial de l’Arménie (CRPD/C/ARM/1) à ses 312e et 313e séances (voir CRPD/C/SR.312 et 313), les 29 et 30 mars 2017. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 325e séance, qui s’est tenue le 7 avril 2017.

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, qui a été rédigé conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites (CRPD/C/ARM/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/ARM/Q/1).

Le Comité se félicite du dialogue fructueux qu’il a eu avec l’importante délégation de l’État partie et remercie ce dernier d’avoir dépêché une délégation de haut niveau, composée de représentants des ministères et départements compétents. Il remercie la délégation pour les réponses franches qu’elle a apportées aux questions posées par les membres du Comité.

II.Aspects positifs

Le Comité salue les efforts que l’État partie a déployés pour garantir la réalisation des droits des personnes handicapées consacrés par la Convention. Il accueille en particulier avec satisfaction :

a)L’adoption, en 2014, de la loi complétant et modifiant la loi relative à l’enseignement général, qui prévoit la transition, pour les enfants handicapés, de l’enseignement général vers un système d’éducation inclusive d’ici à 2025 ;

b)L’adoption, en 2016, de la loi relative aux transports routiers, qui vise à rendre les transports publics plus accessibles aux personnes handicapées ;

c)L’adoption, en 2017, d’un plan global pour 2017-2021 en faveur de l’insertion sociale des personnes handicapées ;

d)La proclamation par le Gouvernement de l’année 2016 « Année de l’égalité des chances pour les personnes handicapées ».

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

Le Comité est préoccupé par :

a)La consultation insuffisante et sélective des organisations représentant les personnes handicapées, notamment l’absence d’assistance appropriée et d’aménagement raisonnable, lors de l’élaboration de lois, politiques, stratégies et plan d’action relatifs au handicap ;

b)L’utilisation des notions de prévention et de traitement du handicap dans la nouvelle Constitution (art. 48) et dans le plan global pour 2017-2021 en faveur de l’insertion sociale des personnes handicapées qui a récemment été adopté ;

c)Le fait que le projet de loi relative à la protection des droits et à l’insertion sociale des personnes handicapées ne soit pas conforme aux dispositions de la Convention, notamment s’agissant de la définition de handicap, et prévoie la prévention et le traitement du handicap ainsi que l’incapacité juridique ;

d)Le fait que l’État partie n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention ;

e)La détermination médicale du handicap, qui se fonde sur les déficiences sans tenir compte des barrières sociales et des besoins de chacun en ce qui concerne la participation sociale ;

f)La méconnaissance, par les fonctionnaires travaillant avec des personnes handicapées, des droits de ces personnes ;

g)L’absence de mesures concrètes, efficaces et transparentes prises par la Commission nationale des personnes handicapées pour mettre en œuvre la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De p rendre les mesures nécessa ires pour assurer la pleine et égale participation des personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations les représentant, à la prise de décisions et à l’élaboration de l’ensemble des lois, politiques, stratégies et plans d’action relatifs au handicap. L’État partie devrait également fournir une assistance appropriée et apporter des aménagements raisonnables pour assurer la participation aux consultations des représentants de toutes les personnes handicapées, notamment les femmes, les enfants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, les personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel, les personnes malentendantes et malvoyantes, les personnes vivant avec le VIH/sida, les personnes vivant dans des zones rurales et les personnes ayant besoin d’une aide conséquente ;

b) De réviser ses lois et ses plans évoquant la prévention et le traitement du handicap afin de les mettre en conformité avec le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme ;

c) De revoir le projet de loi relative à la protection des droits et à l’insertion sociale des personnes handicapées pour veiller à ce qu’il soit conforme à la Convention et aux observations générales du Comité ;

d) De ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention ;

e) D’adopter une définition du handicap qui soit fondée sur les droits de l’homme et de veiller à ce que la détermination du handicap soit principalement axée sur les obstacles à la participation sociale des personnes handicapées et porte sur les besoins, la volonté et les préférences de chacun ;

f) De dispenser une formation régulière sur les droits des personnes handicapées aux fonctionnaires qui travaillent avec ces personnes, notamment les enseignants, les agents des forces de l’ordre, les juges, les avocats et le personnel médical ;

g) De renforcer les capacités de la Commission nationale des personnes handicapées afin de garantir la coordination des mesures relatives au handicap entre tous les secteurs concernés et l’intégration de ces mesures dans les politiques publiques.

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

Le Comité est préoccupé par la discrimination dont font l’objet les personnes handicapées. Il s’inquiète également de ce qui suit :

a)Les formes multiples et croisées de discrimination ne sont pas interdites ;

b)La notion d’aménagement raisonnable et le refus de cet aménagement en tant que forme de discrimination ne sont pas inscrits dans les lois antidiscrimination ;

c)Peu d’informations sur les affaires de discrimination fondée sur le handicap et leur issue sont rendues publiques.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du projet de loi relatif à la lutte contre la discrimination et de veiller à ce qu’il contienne une définition de la discrimination fondée sur le handicap dans les secteurs public et privé, notamment les formes multiples et croisées de discrimination, en particulier la discrimination fondée sur le sexe, et de mettre en place des mécanismes de sanction pour réprimer les violations des droits des personnes handicapées ;

b) D’introduire la notion d’aménagement raisonnable dans la législation antidiscrimination et de reconnaître le refus d’un tel aménagement comme une forme de discrimination ;

c) De rendre disponible s , sous des formes accessibles, les informations sur les affaires de discrimination fondée sur le handicap et les recours judic i aires, notamment en ce qui concerne les sanctions prononcées contre les auteurs et les moyens de recours offerts aux victimes.

Femmes handicapées (art. 6)

Le Comité note avec préoccupation que les femmes et les filles handicapées font l’objet de formes multiples et croisées de discrimination et d’exclusion dans tous les aspects de la vie. Il est particulièrement préoccupé par :

a)L’absence de référence aux femmes handicapées dans les lois et politiques nationales relatives au handicap et à l’égalité des sexes ;

b)Le manque d’accessibilité des services courants et d’aménagements raisonnables pour les femmes et les filles handicapées, en particulier les femmes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel ;

c)L’absence de lois et de réglementations pertinentes visant à protéger les femmes et les filles handicapées contre la violence sexiste, en particulier à la maison et dans les institutions, ainsi que le manque d’accès à des foyers et à des services appropriés pour les victimes de cette violence ;

d)La persistance des cas de négligence, de violence, de contention et d’isolement ainsi que des sévices sexuels à l’égard des femmes handicapées.

Se référant à son observation générale n o 3 (2016) sur les femmes et les filles handicapées et compte tenu des cibles 5.1, 5.2 et 5.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures visant à lutter contre les formes multiples et croisées de discrimination envers les femmes et les filles handicapées. Il recommande aussi à l’État partie :

a) D’intégrer les questions relatives au handicap dans toutes les lois et politiques relatives aux femmes et aux filles ;

b) D e prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre les services courants et les aménagements raisonnables plus accessibles à toutes les femmes et les filles handicapées, notamment en veillant à ce que les organisations qui représentent les femmes handicapées participent à l’élaboration, à l’application et au suivi des programmes portant sur la fourniture de services ;

c) De redoubler d’efforts pour mettre en place des services de proximité efficaces afin de réduire le nombre de femmes et de filles handicapées placées en institution et d’éviter tout nouveau placement ;

d) De mettre en œuvre des mesures juridiques, politiques et pratiques pour lutter contre la violence sexiste envers les femmes handicapées, en particulier celles vivant dans des institutions, de prévenir les violations de leurs droits fondamentaux, d’enquêter sur ces violations et d’en poursuivre les auteurs, et de veiller à ce que les victimes bénéficient d’une protection immédiate et de services d’assistance accessibles, notamment l’apport d’aménagements raisonnables aux services courants et aux structures d’accueil, et qu’elles aient accès à des voies de recours ;

e)  De ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;

f)De donner suite aux recommandations concernant les femmes handicapées qui figurent dans les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (voir CEDAW/C/ARM/CO/5-6, par.  27, 34, 35 et 37).

Enfants handicapés (art. 7)

Le Comité est préoccupé par :

a)Les informations faisant état du placement d’un grand nombre d’enfants handicapés dans des orphelinats et des internats spéciaux, notamment leur transfert d’une institution à l’autre sous couvert de désinstitutionalisation, et le fait que l’État partie continue d’investir dans ces institutions ;

b)Le manque de soutien apporté par l’État aux enfants handicapés et à leur famille, notamment en ce qui concerne les services d’intervention précoce, et le taux élevé de pauvreté chez les enfants handicapés et leur famille, notamment dans les zones rurales et les régions reculées ;

c)Le manque de mesures visant à promouvoir et à encourager l’adoption d’enfants handicapés ;

d)Les formes diverses de négligence, de violence et de maltraitance dont sont victimes les enfants handicapés, notamment à la maison et dans les institutions ;

e)La stigmatisation des enfants handicapés.

Le Co mité recommande à l’État partie  :

a) De prévoir la désinstitutionalisation des enfants handicapés pour les placer en milieu familial, notamment en encourageant le placement en famille d’accueil et en fournissant un soutien de proximité approprié aux parents ;

b) D’apporter aux enfants handicapés et à leur famille une assistan ce appropriée, notamment des services d’intervention précoce, et de mettre en œuvre des mesures spécifiques pour réduire la pauvreté chez ces enfants et leur famille ;

c)De promouvoir et d’encourager comme il convient l’adoption des enfants handicapés ;

d) D’interdire et d’incriminer toutes les formes de violence et de maltraitance envers les enfants handicapés dans tous les contextes, notamment à la maison et dans les foyers d’accueil ;

e) De donner une image positive des enfants handicapés ;

f)De donner suite aux recommandations concernant les enfants handicapés qui figurent dans les observations finales du Comité des droits de l’enfant (voir CRC/C/ARM/CO/3-4 , par. 36).

Sensibilisation (art. 8)

Le Comité est préoccupé par l’image globalement négative des personnes handicapées, par l’absence de programmes visant à mieux faire connaître leurs droits et par la couverture médiatique du handicap, qui se fonde sur des stéréotypes et perpétue les attitudes discriminatoires envers les personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre, avec la participation d’organisations de personnes handicapées, des programmes systématiques de sensibilisation, notamment des campagnes dans les médias, visant à donner une image positive des personnes handicapées en tant que détenteurs de droits de l’homme.

Accessibilité (art. 9)

Le Comité constate avec inquiétude le manque général d’accessibilité pour les personnes handicapées. En outre, il est préoccupé par la non-application des règles et normes d’accessibilité qui ont été définies dans la législation nationale pour éliminer les obstacles et les barrières concernant les installations, l’urbanisme, la construction et les services publics tels que les transports et les services d’information et de communication. Il s’inquiète aussi de ce que le Code des infractions administratives ne prévoit pas de sanctions en cas de violation des règles et des normes d’accessibilité, et qu’aucun mécanisme de contrôle n’est mis en place au niveau de l’État pour faire en sorte que ces règles et normes soient effectivement appliquées.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les garanties juridiques de l’accessibilité dans tous les domaines, notamment l’urbanisme, la construction et les services publics tels que les transports et les services d’information et de communication ;

b) De lever tous les obstacles à l’accès aux bâtiments et aux services publics tels que les transports et les services d’information et de communication, notamment en promouvant une conception universelle, l’écriture braille, le sous-titrage, l’interprétation en langue des signes, des formats faciles à lire et d’autres modes de communication ;

c) De réviser le Code des infractions administratives de manière à y intégrer des sanctions appropriées en cas de violation des règles et normes d’accessibilité, et de mettre en place un mécanisme de contrôle au niveau de l’État pour que ces règles et normes soient effectivement appliquées ;

d) D’adopter une stratégie et un plan d’action d’accessibilité qui soient assortis d’un calendrier précis, et d’assurer leur application et leur suivi en consultation étroite avec les personnes handicapées par l’intermédiaire des organisations les représentant, conformément à l’observation générale n o 2 du Comité (2014) sur l’accessibilité et des cibles 11.2 et 11.7 des objectifs de développement durable.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

Le Comité constate avec préoccupation que les lois, les protocoles et les plans se rapportant aux situations de risque et d’urgence humanitaire ne prennent pas en compte les besoins des personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer les questions relatives au handicap dans l’ensemble de ses lois, protocoles et plans se rapportant aux situations de risque et d’urgence humanitaire, et de prendre des mesures conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

Le Comité est préoccupé par les dispositions juridiques discriminatoires de la Constitution et du Code de procédure civile qui autorisent la privation de la capacité juridique et la désignation d’un tuteur au motif d’un handicap psychosocial ou intellectuel. Il constate aussi avec préoccupation qu’il n’existe aucun mécanisme pour remplacer le système de prise de décisions substitutive par un système de prise de décisions assistée.

Rappelant son observation générale n o 1 (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité , le Comité recommande à l’État partie d’abroger les dispositions juridiques discriminatoires de la Constitution et du Code de procédure civile, de rétablir la pleine capacité juridique de toutes les personnes handicapées et de mettre en place des systèmes de prise de décisions assistée.

Accès à la justice (art. 13)

Le Comité est préoccupé par l’accessibilité très limitée de la plupart des tribunaux de l’État partie, ainsi que des bâtiments administratifs et des études notariales. Il s’inquiète également de l’absence de garanties juridiques qui protègent le droit des personnes handicapées, notamment celles qui ont un handicap psychosocial ou intellectuel, à un procès équitable et à une procédure régulière et qui assurent leur pleine participation, en toute sécurité, à toutes les procédures judiciaires, notamment en proposant des aménagements de procédure tenant compte du sexe et de l’âge des personnes, par exemple en proposant des services d’interprétation en langue des signes pour les personnes présentant une déficience auditive ou en fournissant des informations juridiques et judiciaires sous une forme accessible aux personnes présentant une déficience visuelle. Le Comité est également préoccupé par le manque de services juridiques abordables accessibles aux personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie de proposer des aménagements procéduraux tenant compte du sexe et de l’âge des personnes et fondés sur le libre choix et les préférences des personnes handicapées, et de mettre en place les garanties correspondantes pour permettre aux personnes handicapées de participer à toutes les procédures juridiques sur la base de l’égalité avec les autres. Il lui recommande aussi de prendre des mesures pour renforcer les programmes de formation et de renforcement des capacités relatifs à la Convention qui sont destinés aux agents chargés de l’application des lois ou qui visent à améliorer les connaissances juridiques des personnes handicapées, et de veiller à ce les personnes handicapées aient accès à une aide juridictionnelle gratuite. Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte de l’article 13 de la Convention dans le cadre de la réalisation de l’objectif de développement durable 16.3.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

Le Comité est préoccupé par :

a)Les dispositions juridiques qui permettent de priver arbitrairement de liberté les personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel, notamment en les hospitalisant ou en les plaçant en institution sans leur consentement, pendant de longues périodes et même parfois pendant toute leur vie ; et par l’absence de garanties suffisantes et d’accès à l’aide juridictionnelle pour les personnes handicapées qui sont privées de liberté du fait de leur placement en institution ;

b)Le surpeuplement et les mauvaises conditions de vie, notamment aux niveaux sanitaire et nutritionnel, qui prévalent dans les lieux de privation de liberté, notamment dans les établissements pénitentiaires et dans les institutions d’accueil ;

c)L’absence, dans les établissements pénitentiaires, d’aménagement raisonnable et notamment de soutien juridique pour les personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abolir ces lois et d’interdire la détention fondée sur le handicap , y compris l’hospitalisation non consentie ou le placement en institution forcé, ainsi que tout traitement psychiatrique non consenti  ;

b) De veiller à ce que tous les lieux de privation de liberté, y compris les institutions d’accueil, les établissements psychiatriques et les centres pénitentiaires, offrent des conditions de vie et d’accessibilité humaines répondant aux besoins de toutes les personnes handicapées  ;

c) D’assurer aux personnes présentant un handicap des aménagements raisonnables, y compris un soutien juridique, dans les établissements pénitentiaires.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

Le Comité s’inquiète de ce que les personnes handicapées placées dans des institutions, notamment les enfants présentant un handicap intellectuel ou psychosocial qui sont placés dans des institutions spécialisées, subissent des traitements inhumains et dégradants de la part de membres du personnel, de soignants ou d’autres résidents, ainsi que de la négligence dont elles sont victimes et de l’utilisation de la contention physique comme moyen de traitement ou de punition. Il est également préoccupé par le caractère inefficace et inapproprié des mécanismes de recours et par l’absence de supervision des institutions.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour protéger les personnes handicapées placées en institution, en particulier les enfants présentant un handicap intellectuel ou psychosocial, contre les punitions ou traitements coercitifs, inhumains ou dégradants, et d’interdire tout traitement de ce type. Il lui recommande également de mettre en place un système efficace d’enquête et de contrôle afin de prévenir toutes les formes de peines ou traitements inhumains ou dégradants envers les personnes handicapées placées en institution, et de veiller à ce que tout cas de ce type fasse rapidement l’objet d’une enquête.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

Le Comité est préoccupé par les nombreux actes de violence et de maltraitance dont les personnes handicapées sont victimes dans les institutions, y compris des cas signalés de négligence ayant entraîné la mort d’enfants et d’adultes handicapés. Il s’inquiète aussi de l’exploitation par le travail et de l’exploitation sexuelle des personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures d’ordre législatif et pratique pour protéger les personnes handicapées placées en institution et pour prévenir et combattre la négligence, la violence, la maltraitance et l’exploitation. Il lui recommande aussi d’enquêter sur les cas de violence, de maltraitance et d’exploitation de personnes handicapées, d’en poursuivre les auteurs et d’organiser pour le personnel des institutions des sessions de formation régulières et obligatoires concernant la prévention de la violence, de la maltraitance et de l’exploitation. Il lui recommande également d’assurer un contrôle effectif, indépendant et fondé sur les droits de l’homme de tous les centres d’accueil et de toutes les institutions spécialisées, en étroite coopération avec les organisations de personnes handicapées.

Droit de circuler librement et nationalité (art. 18)

Le Comité est préoccupé par les obstacles structurels qui empêchent les personnes handicapées d’obtenir un passeport ou une carte d’identité sur la base de l’égalité avec les autres.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les personnes handicapées puissent obtenir un passeport ou une carte d’identité sur la base de l’égalité avec les autres, notamment en mettant en place des aménagements raisonnables pour faciliter l’accès aux administrations publiques et aux procédures de délivrance de passeport.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

Le Comité est préoccupé par la lenteur du processus de désinstitutionalisation et par le grand nombre d’enfants et d’adultes handicapés qui vivent toujours dans des institutions d’accueil. Il s’inquiète également de constater que le soutien accordé à ces personnes pour leur permettre de vivre en société de manière autonome est très limité.

Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer le processus de désinstitutionalisation et de mettre en œuvre sans délai le plan d’action pour la désinstitutionalisation en prévoyant des dates butoirs pour la fermeture de toutes les institutions encore existantes. Il lui recommande aussi d’adopter des mesures juridiques et d’allouer des ressources suffisantes en vue de la mise en place de services de soutien, dont une assistance personnelle, qui faciliteraient l’autonomie de vie de toutes les personnes handicapées dans la société. Le Comité recommande en outre de faire participer les personnes handicapées, par l’intermédiaire de leurs organisations représentatives, à toutes les étapes du processus de désinstitutionalisation (planification, mise en œuvre, évaluation et suivi).

Mobilité personnelle (art. 20)

Le Comité est préoccupé par la faible disponibilité des aides à la mobilité, des équipements et autres technologies d’assistance, des formes d’aide humaine ou animalière et des services de médiateurs, par l’absence de soutien à ces diverses formes d’aide et par l’absence d’approche personnalisée au sujet de leur mise à disposition.

Le Comité recommande à l’État partie de créer un mécanisme qui facilite l’accès à des aides à la mobilité, des équipements, des dispositifs et des technologies d’assistance de qualité, à un prix abordable pour toutes les personnes handicapées, en prenant en considération les besoins de chacune.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

Le Comité est inquiet de constater que les personnes handicapées n’ont qu’un accès très limité à l’information et à la communication, et que :

a)La formation d’interprètes en langue des signes est insuffisante, ce qui fait que le nombre d’interprètes dans le privé comme dans le public reste trop faible, et les programmes télévisés ne sont pas sous-titrés pour les personnes malentendantes ;

b)Les technologies et les formats d’information et de communication accessibles, dont les sites Internet et les formats faciles à lire, sont extrêmement peu nombreux, en particulier ceux destinés aux personnes présentant une déficience visuelle ou un handicap intellectuel, et l’utilisation du braille est limitée à des milieux spécialisés, voire séparés ;

c)La langue des signes n’est pas reconnue comme langue officielle de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’investir dans la formation systématique d’interprètes en langue des signes et de fournir une interprétation en langue des signes dans le public et dans le privé, et de veiller à ce que les programmes télévisés soient dûment interprétés et sous-titrés pour les personnes ayant une déficience auditive  ;

b) D’adopter dans tous les services publics des formes et des technologies d’information et de communication accessibles et adaptées aux personnes handicapées, notamment l’accessibilité du Web, le braille et les formes simples et faciles à lire  ;

c) D’accepter le recours à la langue des signes pour les démarches officielles.

Respect de la vie privée (art. 22)

Le Comité est préoccupé de constater que des enfants handicapés sont exposés publiquement à des fins médicales ou caritatives.

Le Comité recommande à l’État partie de protéger la vie privée de tous les enfants handicapés, en particulier s’agissant de leur situation personnelle, de leur état de santé, de leur adaptation et de leur réadaptation.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

Le Comité est préoccupé par les dispositions du Code de la famille qui interdisent aux personnes présentant certains handicaps d’adopter des enfants et d’exercer leurs droits parentaux, et qui empêchent les personnes privées de capacité juridique de se marier. Il est également préoccupé par le manque de services destinés aux familles dont des membres sont handicapés.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination envers les personnes handicapées dans tous les aspects relatifs au mariage, à la famille et aux droits parentaux, y compris en abrogeant certaines dispositions légales. Il lui recommande aussi d’élaborer les mesures de soutien inclusif nécessaires à cet égard, notamment la mise à disposition d’une assistance individuelle et l’accès aux services ordinaires, pour que les familles dont l’un des membres est handicapé bénéficient d’un soutien approprié.

Éducation (art. 24)

Le Comité est préoccupé de constater qu’en dépit d’une tendance à la progression de l’éducation inclusive, beaucoup d’enfants handicapés continuent d’étudier dans un contexte de ségrégation scolaire et ne reçoivent pas le soutien dont ils ont besoin pour accéder à l’éducation inclusive. Il s’inquiète également du manque d’accessibilité des écoles ordinaires et du peu d’aménagements raisonnables pour les enfants handicapés, ainsi que du manque de soutien et de formation en matière d’éducation inclusive pour le personnel administratif et enseignant. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence de stratégie globale visant à promouvoir l’éducation inclusive dans les zones urbaines et rurales.

Le Comité rappelle son observation générale n o 4 (2016) sur le droit à l’éducation inclusive et l’objectif de développement durable n o 4, en particulier les cibles 4.5 et 4 a), et recommande à l’État partie de redoubler d’efforts en matière d’éducation inclusive, notamment  :

a) D’intensifier les efforts de mise en œuvre de la loi modifiant et complétant la loi sur l’éducation générale afin de veiller à ce que l’éducation inclusive prévale à tous les niveaux du système éducatif d’ici à 2025  ;

b) De garantir l’accessibilité et d’allouer les ressources nécessaires pour assurer des aménagements raisonnables qui facilitent l’accès des personnes handicapées à une éducation inclusive et de qualité, y compris au niveau préscolaire et au niveau supérieur, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales  ;

c) De rendre obligatoires les formations à l’éducation inclusive et à sa mise en œuvre pour le personnel administratif et enseignant.

Santé (art. 25)

Le Comité s’inquiète de ce que les professionnels de santé connaissent mal les droits des personnes handicapées et de ce que les services et établissements de soins de santé, y compris les services d’urgence et les programmes de prévention et de traitement du VIH/sida et de soin et de soutien aux personnes séropositives, demeurent inaccessibles et indisponibles à bien des personnes handicapées, en particulier dans les zones rurales. Il est également préoccupé par le manque d’accessibilité des services et établissements médicaux aux femmes handicapées, en particulier dans le domaine de la santé sexuelle et procréative.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De définir des cursus de formation et des normes d’éthique pour les professionnels de santé en ce qui concerne les droits des

personnes handicapées  ;

b) D’assurer l’accessibilité et la disponibilité de services et d’établissements de soins de santé à toutes les personnes handicapées dans l’ensemble du pays, y compris s’agissant des services d’urgence et des programmes de prévention et de traitement du VIH/sida et de soin et de soutien aux personnes séropositives  ;

c) De prendre des mesures pour faire en sorte que les femmes handicapées aient accès à des services et des établissements médicaux, y compris s’agissant de la santé sexuelle et procréative.

Adaptation et réadaptation (art. 26)

Le Comité s’inquiète de ce que les services et programmes d’adaptation et de réadaptation destinés aux personnes handicapées de l’État partie ne s’appuient pas suffisamment sur le principe du respect de leurs droits. Il constate également avec préoccupation que plus de la moitié des enfants handicapés ne bénéficient pas d’un plan de réadaptation personnalisé.

Le Comité recommande à l’État partie de créer des services et programmes d’adaptation et de réadaptation accessibles et cohérents tels que des services d’intervention précoce, de manière à offrir aux personnes handicapées, femmes et enfants en particulier, un soutien global, pluridisciplinaire et personnalisé.

Travail et emploi (art. 27)

Le Comité est préoccupé par le taux de chômage élevé des personnes handicapées et par le manque de politiques et de programmes adaptés pour compléter le recours aux quotas et permettre aux personnes handicapées de participer effectivement au marché du travail ordinaire.

Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des droits des personnes handicapées dans les politiques et programmes nationaux pour l’emploi et de procéder à la mise en application de la loi sur l’emploi, notamment s’agissant des quotas obligatoires et des mesures incitatives pour les employeurs du privé et du public. Il lui recommande également de soutenir l’emploi des personnes handicapées sur le marché du travail ordinaire, notamment grâce à la mise en place de programmes de formation professionnelle et d’aménagements raisonnables dans le secteur du travail, conformément à la Convention et dans l’optique de la cible 8.5 des objectifs de développement durable.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

Le Comité s’inquiète de ce que la majorité des personnes handicapées vivent dans la pauvreté, notamment dans les zones rurales ou reculées, et de ce que les prestations sociales versées ne sont pas suffisantes pour couvrir les dépenses indispensables pour leur assurer un niveau de vie suffisant et les frais supplémentaires liés au handicap. Il constate également avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris de mesures propres à augmenter l’accessibilité des programmes de protection sociale et notamment de logement social.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir un niveau de vie suffisant à toutes les personnes handicapées, notamment en leur versant des pensions et des prestations sociales appropriées, en veillant à ce que les programmes de protection sociale et de réduction de la pauvreté prennent en compte les coûts supplémentaires liés au handicap et à ce que les personnes handicapées aient accès aux services ordinaires et aux programmes de logement social. Il recommande aussi à l’État partie de prêter attention aux liens entre l’article 28 de la Convention et la cible 1.3 des objectifs de développement durable.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

Le Comité s’inquiète de ce que les personnes handicapées ne participent pas aux processus électoraux sur la base de l’égalité avec les autres, du fait de l’inaccessibilité des bureaux de vote, de l’absence de services de soutien et du manque d’information électorale sous des formes accessibles. Il est également préoccupé par le faible taux de participation des personnes handicapées, en particulier des femmes, à la vie politique et aux décisions publiques.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures d’ordre juridique ou autre nécessaires pour permettre la participation politique et publique de toutes les personnes handicapées, y compris en ce qui concerne leur droit de vote et d’éligibilité, de veiller à ce que les procédures, équipements et matériels de vote soient accessibles à toutes les personnes handicapées et de promouvoir la participation des personnes handicapées, en particulier des femmes, à la vie politique et aux décisions publiques.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

Le Comité est préoccupé par l’accès limité et la faible participation des personnes handicapées, notamment des enfants, aux activités et événements sportifs et culturels, en particulier dans les zones rurales. Le Comité est également préoccupé de constater que l’État partie n’a toujours pas ratifié le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées pour que les personnes handicapées aient accès aux activités culturelles et sportives et puissent y participer activement, et pour qu’elles puissent accéder dans des conditions d’égalité aux équipements et services tels que les bibliothèques et les infrastructures sportives et aux autres manifestations et installations culturelles. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures appropriées pour ratifier et appliquer sans délai le Traité de Marrakech.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

Le Comité constate avec préoccupation l’absence de données statistiques ventilées sur la situation des personnes handicapées dans l’État partie, qui empêche la mise en œuvre effective de la Convention.

À la lumière de la cible 17.18 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un recueil systématique des données et des procédures de suivi conformes à la Convention, et de procéder au recueil, à l’analyse et à la diffusion de données ventilées sur les caractéristiques de la population handicapée du pays, notamment le sexe, l’âge, l’origine ethnique, le type de handicap, la situation socioéconomique , l’emploi et le lieu de résidence, ainsi que sur les obstacles auxquels les personnes handicapées se heurtent dans la société.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

Le Comité est préoccupé par le manque de ressources allouées au mécanisme national de suivi et par la participation insuffisante des organisations de personnes handicapées au processus de suivi.

Compte tenu des lignes directrices sur les cadres indépendants de surveillance et leur participation aux travaux du Comité (CRPD/C/1/Rev. 1, annexe) et des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), le Comité recommande à l’État partie d’allouer un financement suffisant au mécanisme de suivi indépendant et de veiller à ce que les organisations de personnes handicapées participent pleinement au processus de suivi.

IV.Suivi et diffusion

Diffusion de l’information

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai de douze mois, des renseignements sur l’adoption des présentes observations finales et, conformément au paragraphe 2 de l’article 35 de la Convention, sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant aux paragraphes 12 (enfants handicapés) et 32 (autonomie de vie et inclusion dans la société).

Le Comité demande à l’État partie de mettre en œuvre ses recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, aux autorités locales et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l’éducation, de la santé et du droit, ainsi qu’aux médias, en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes.

Le Comité encourage vivement l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses rapports périodiques.

Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations représentatives de personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles, notamment en langage simplifié. Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l’homme.

Prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son prochain rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques le 21 octobre 2020 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des présentes observations finales. Il invite l’État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique.