Nations Unies

CCPR/C/HTI/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 janvier 2013

Original: français

Comité des droits de l’homme

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 40 du Pacte

Initial rapport des États parties

Haïti *

[3 décembre 2012]

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1–53

II.Présentation de la République d’Haïti6–273

III.Mise en œuvre des dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques28–1378

Article Premier : Droit à l’autodétermination28–298

Article 2 : Mise en œuvre du Pacte au niveau national30–328

Article 3 :Assurer le droit égal des hommes et des femmes en matière de droits civils et politiques33–388

Article 4 : Mesures en cas de danger public exceptionnel39–4210

Article 5 : Interdiction d’une interprétation du Pacte contrairement à ses objectifs.4311

Article 6 : Droit à la vie 44–4911

Article 7 : Interdiction de la torture, des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants50–5212

Article 8 : Interdiction de l’esclavage53–5612

Article 9 : Droit à la liberté individuelle57–6113

Article 10  : Personnes privées de liberté62–6616

Article 11 : Emprisonnement pour dettes .6714

Article 12 : Liberté de circulation68–7014

Article 13 : Expulsion des étrangers .7115

Article 14 : . Egalité devant la loi72–8715

Article 15 : Non-rétroactivité de la loi8817

Article 16 : Reconnaissance de la personnalité juridique8917

Article 17 : Droit à la vie privée.90–9417

Article 18 : La liberté de pensée de conscience et de religion.95–9918

Article 19 : La liberté d’opinion et d’expression.100–10318

Article 20 : Interdiction de la propagande en faveur de la guerre et de l’incitation à la haine raciale ou religieuse.104–10918

Article 21 : Le droit de réunion pacifique 110–11319

Article 22 :. La liberté d’association114–11819

Article 23 : La protection de la famille119-12120

Article 24 : Protection de l’enfant122–12921

Article 25 : Le droit de participer aux affaires publiques.130–13222

Article 26 : Interdiction de la discrimination.133–13622

Article 27 : Droit des minorités13722

IV.Conclusion138–14023

I.Introduction

1.Le présent rapport initial de la République d’Haïti est élaboré conformément aux dispositions de l’article 40 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques adopté en 1966.

2.Ce rapport tient compte des directives établies en novembre 2010 par le Comité des droits de l’homme et s’étend sur une période de 21 années, soit de 1991 à 2012.

3.Il a été rédigé par un Comité interinstitutionnel restreint composé de représentants du Ministère des Affaires Etrangères, de la Primature, du Ministère de la Justice, de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales et de la Condition Féminine et aux Droits des Femmes, sous la supervision de la Ministre Déléguée auprès du Premier Ministre, Chargée des Droits de l’Homme et de la lutte contre la Pauvreté Extrême.

4.Conscients de l’importance de la promotion des Droits de l’Homme, le Président de la République, Michel Joseph Martelly, et le Premier Ministre, Laurent Salvador Lamothe, s’engagent à œuvrer au respect et à la protection des droits de l’homme en Haïti, particulièrement des droits civils et politiques.

5.Le présent rapport met en exergue, d’une part, les aspects démographiques, économiques et socioculturels, l’évolution institutionnelle du pays, et d’autre part, les efforts mis en œuvre par le Gouvernement haïtien pour respecter les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

II.Présentation de la République d’Haïti

Aspects géographiques, économiques et socioculturels

6La République d’Haïti est un État situé dans la partie ouest de l'île d'Haïti qu'elle partage avec la République Dominicaine. Elle est limitée à l'est par la République Dominicaine et entourée aux autres côtés par l’océan Atlantique et la mer des Caraïbes. Le pays occupe 36 % de la surface de l'île, soit 27 750 km² dans sa partie occidentale et est formé de deux péninsules séparées par le golfe de la Gonâve. Dans le golfe de la Gonâve se trouve l'île de la Gonâve, la plus grande des îles situées au large des côtes d'Haïti. Les autres îles sont l'île de la Tortue, au nord du pays, l'île à Vache, au sud-ouest et la Navase. La République d’Haïti est divisée en 10 départements, 42 arrondissements, 140 communes et 565 sections communales.

7.Le climat est tropical. La saison des pluies s'étend d'avril à juin, puis d'octobre à novembre, et la saison des ouragans, du mois de juin jusqu’à la fin du mois de novembre. Le pays subit régulièrement des précipitations importantes et des ouragans.

8.La population d'Haïti est estimée à 9 923 243 habitants[], selon un recensement par estimation de 2009, dont plus de 43,6 % seraient citadins. La majorité de la population est de religion chrétienne, le culte vodou étant également pratiqué. La plus grande agglomération est la capitale Port-au-Prince avec près de 2 300 000 habitants (estimations de 2009), suivie du Cap-Haïtien avec 250 000 habitants. Environ 80 à 85 % de la population haïtienne est d'ascendance africaine tandis que les 15 à 20 % restants sont issus de métissage ou sont d'origine européenne (française, italienne, allemande, polonaise, portugaise, espagnole). Une proportion, non significative, de population d'origine arabe, arménienne, juive ou encore indienne et asiatique est aussi constatée.

9.Les principales ressources naturelles d’Haïti sont la bauxite, le cuivre, le carbonate de calcium, la pierre à chaux, l’or et le marne. Cependant, seuls la bauxite et l’or sont exploités commercialement, à une échelle significative.

10.L’agriculture emploie l'essentiel de la main-d'œuvre avec plus des deux tiers de la population en âge de travailler. Les exploitations agricoles sont, principalement, des fermes de subsistance de dimensions restreintes, où le café, le cacao, le sisal, le coton, les mangues constituent les principales denrées d’exportations, en plus des produits tels le maïs, le riz, le mil et les fruits, destinés au marché intérieur.

11.La capitale, Port-au-Prince, concentre la majorité des activités industrielles du pays : les principales productions y sont les composants électroniques, le textile et les balles de baseball.

L’émergence de la démocratie en 1986

12.La ratification du Pacte en 1991 s’est inscrite dans un contexte d’émergence de la démocratie en Haïti, après la chute, en 1986, d’un pouvoir dictatorial qui avait régné durant près d’une trentaine d’années. Toutefois, depuis ladite ratification, Haïti a connu plusieurs périodes d’instabilité politique (coups d’Etat, soulèvements populaires, crises politiques etc.) qui ont eu des répercussions négatives sur la jouissance des droits garantis par le Pacte.

13.Deux périodes ont été particulièrement marquées par des violations significatives des dispositions du Pacte : celle allant de 1991 à 1994 qui a correspondu à un coup d’état militaire, et celle allant de 2003 à 2004 ayant eu trait à une situation proche de la guerre civile, incluant des manifestations populaires suivies d’une sécession de faits qui ont abouti à la démission du Président Jean Bertrand Aristide.

14.Suite à l’anarchie qui a prévalu après le départ du Président Aristide, le Conseil de sécurité, considérant la situation en Haïti comme une menace à la paix et à la sécurité dans la région, a décidé la création de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) par la résolution 1542 (2004), le 30 avril 2004.

Cadre Juridique, politique et institutionnel

a) Régime politique

15.La République d’Haïti est une république démocratique composée de trois pouvoirs indépendants : le pouvoir Législatif, le pouvoir Exécutif et le pouvoir Judiciaire. Bien que le rôle de chaque pouvoir soit bien défini par la constitution du 10 mars 1987, amendée en 2010, les rapports sont aménagés de manière qu’il y ait interaction entre eux, afin de maintenir un climat de stabilité politique pour le bon fonctionnement du pays.

16.Le Pouvoir Exécutif est bicéphale avec un Président de la République élu pour 5 ans au suffrage universel direct à la majorité absolue des votants (articles 134 et 135 de la constitution) et un Premier Ministre choisi par le Président de la République parmi les membres du parti ayant la majorité au Parlement (article 137 de la Constitution) .

17.Le Président de la République a de nombreuses attributions. On peut citer entre autres : nommer le Premier Ministre (art 137), signer les traités (article 139), accréditer les ambassadeurs (article 139.1) et veiller à la bonne marche des institutions. Le Premier Ministre conduit la politique de la nation et est responsable devant le Parlement dans les conditions prévues par la Constitution.

18.Le Pouvoir Législatif s'exerce par deux (2) Chambres, la Chambre haute ou le Sénat et la Chambre des députés ou chambre basse qui forment le Corps Législatif: Ces deux chambres travaillent de concert pour voter les projets de loi proposés par le pouvoir Exécutif. Elles peuvent aussi élaborer des propositions de loi.

19.Quant au Pouvoir Judiciaire, il est exercé par la Cour de cassation qui est à la plus haute juridiction du pays, les cours d'appel, les tribunaux de première instance et les tribunaux de paix. Les juges de la Cour de cassation, au nombre de 10, sont nommés par le Président de la République pour une période de 10 ans ; les autres juges le sont pour 7 ans. La Cour de Cassation ne connait pas du fond des affaires. Une Cour constitutionnelle a été créée suite à un amendement de la Constitution, pour assurer la constitutionnalité des lois (article 190-bis).

b)Les institutions administratives et judiciaires intervenant dans la protection des droits de la personne

20.Haïti a poursuivi l’effort entamé en 1986 pour l’instauration d’un Etat de droit par la création et la consolidation d’institutions. Parmi celles-ci, plusieurs ont des attributions liées à la protection des droits de l’homme telles que:

a)L’Office Protecteur du Citoyen, créé par la Constitution de 1987, qui a pour mission de protéger tout individu contre toutes les formes d’abus de l’Administration Publique;

b)Le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes, créé par décret le 8 novembre 1994, qui est l’organe central chargé de concevoir, de définir et de faire appliquer les politiques de l’Etat dans le domaine de la Condition Féminine et des Droits de la Femme. Il a pour attributions principales d’œuvrer à l’émergence d’une société égalitaire pour ses composantes des deux sexes, d’orienter la définition et l’exécution de politiques publiques équitables à l’échelle nationale;

c)Le Ministère de l'Environnement, créé en novembre 1994, en vue de promouvoir le développement durable, de favoriser la protection de l'environnement et de garantir le droit à un cadre de vie sain pour tous;

d)La Secrétairerie d’Etat à l’Intégration des Personnes Handicapées, créée par Arrêté présidentiel, en mai 2007, qui a pour principale mission d’intervenir en matière de prévention des invalidités et de travailler à l’intégration des personnes en situation de handicap;

e)L’Office National d’Identification, créé par décret, en 2005, qui a pour attributions de procéder à l’identification des haïtiens dès leur naissance et de tenir le Registre National d’Identification;

f)L’Office National de la Migration, créé par décret, en mars 1995, et dont la principale attribution revient à encadrer les individus refoulés de l’étranger et rapatriés en Haïti pour des raisons économiques;

g)La Commission Nationale de Lutte contre la Drogue (CONALD), l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) et l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), qui ont été créées, respectivement, en 2001 et en 2004, pour faire face à des crimes entravant la libre jouissance de certains droits de l’homme, comme la corruption, le blanchiment d’argent et le trafic illicite des stupéfiants.

h)Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, créé par une loi de novembre 2007, qui est une instance chargée de garantir l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.

i)Le Bureau de la Ministre déléguée chargée des droits de l’homme et de la lutte contre l’extrême pauvreté (nommée en mai 2012).

j)Le Bureau de la Ministre déléguée chargée de la promotion de la paysannerie (nommée en mai 2012).

21.Le système judiciaire haïtien comprend :

a)La Cour de Cassation qui constitue la plus haute juridiction de la République d'Haïti. Elle se compose d'un président, d'un vice-président et dix juges nommés par l'exécutif et le législatif;

b)La Cour Constitutionnelle qui se prononce sur la constitutionnalité des lois, règlements et actes administratifs. Créée suite à l’amendement constitutionnel de 2010, cette Cour n’est pas encore fonctionnelle.

c)Les Cours d'appel, au nombre de cinq (5), qui desservent les 10 départements géographiques du pays;

d)Les Tribunaux de première instance qui sont au nombre de dix-huit (18);

f)La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif s'occupe du contrôle et de la vérification des comptes de l'administration publique et des collectivités territoriales, tout en étant un tribunal administratif;

g)Des Tribunaux spéciaux sont au nombre de trois (3) : Tribunal du travail, Tribunal pour les mineurs siégeant à Port-au-Prince et le Tribunal terrien siégeant aux Gonaïves ;

h)Des Tribunaux de paix sont au nombre de 185 répartis dans les 165 communes de la République.

22.Le Sénat peut s’ériger en Haute Cour de justice pour juger le Président de la République, pour crime de haute trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l'exercice de ses fonctions; le Premier Ministre, des Ministres et des Secrétaires d'Etat pour crimes de haute trahison et de malversations, ou d'excès de Pouvoir ou tous autres crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions; les membres du Conseil Electoral Permanent et ceux de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif pour fautes graves commises dans l'exercice de leurs fonctions; les juges et officiers du Ministère Public près de la Cour de Cassation pour forfaiture; ainsi que le Protecteur du Citoyen.

23.Il y a un parquet pour chaque juridiction judiciaire, dirigé par un commissaire du gouvernement et ses substituts. On en trouve un également auprès de chaque instance judiciaire (la Cour de Cassation, les Cours d'appel et les Tribunaux de première instance).

d.Engagements internationaux en matière des droits humains

Sur le plan régional

24.La République d’Haïti est partie à plusieurs instruments adoptés au niveau régional dans le cadre de l’Organisation des Etats Américains (OEA) tels que:

a)La Convention interaméricaine sur la concession des droits politiques à la femme (ratifiée le 5 août 1957);

b)La Convention américaine relative aux droits de l’homme (ratifiée le 18 août 1979);

c)La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre les femmes (ratifiée le 3 avril 1996);

d)La Convention interaméricaine sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des personnes handicapées (ratifiée le 29 mai 2009);

25.Par ailleurs, Haïti reconnait la compétence de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme et collabore étroitement avec la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme.

Sur le plan universel

26.La République d’Haïti a signé la Déclaration universelle des droits de l’homme et est partie à plusieurs instruments internationaux sur les droits humains, adoptés au sein des Nations Unies tels que:

a)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ratifié le 23 novembre 1990);

b)La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ratifiée le 7 avril 1981);

c)La Convention sur les droits politiques de la femme (ratifiée le 31 juillet 1957);

d)La Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de la prostitution d’autrui (ratifiée le 2 septembre 1957);

e)La Convention relative aux Droits de l’enfant (ratifiée le 23 décembre 1994);

f)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ratifiée le 19 décembre 1972);

g)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif (ratifiés le 23 juillet 2009);

h)La Convention relative à la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (ratifiée le 15 octobre 1984);

i)La Convention sur le recouvrement des aliments à l’étranger (ratifiée le 31 juillet 1957);

j)La Convention pour la répression du crime de génocide (ratifiée le 21 aout 1950);

k)La Convention de l’OIT (no 182) concernant les pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (ratifiée le 19 juillet 2007);

l)La Convention de l’OIT (no 105) sur l’abolition du travail forcé (ratifiée le 26 septembre 1957);

m)La Convention de l’OIT (no 81) sur l’inspection du travail (ratifiée le 23 juillet 1951);

n)La Convention de l’OIT (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (ratifiée le 16 février 1979);

o)La Convention de l’OIT (no 17) relative aux réparations d’accidents de travail (ratifiée le 20 mai 1954);

p)La Convention de l’OIT (no 42) concernant les maladies professionnelles (ratifiée le 18 juin 1954);

q)La Convention de l’OIT (no 25) concernant l’assurance maladie des travailleurs agricoles (ratifiée le 20 mai 1954);

r)La Convention de l'OIT (no 138) concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (ratifiée le 3 juin 2009).

27.Le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels ainsi que la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ont été ratifiés au niveau interne et le dépôt des instruments de ratification correspondants sera effectué dans un délai raisonnable.

III.Mise en œuvre des dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques

Article Premier: Droit à l’autodétermination

1)Autodétermination

28.Le droit à l’autodétermination est consacré par la Constitution de la République dans son préambule, qui fait référence à l’Acte de l’indépendance de 1804 et à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Ce même préambule précise que le Peuple haïtien proclame la présente Constitution : « Pour rétablir un Etat stable et fort, capable de protéger les valeurs, les traditions, la souveraineté, l’indépendance et la vision nationale. »

2)Libre disposition des richesses et ressources naturelles

29.Conformément aux dispositions du Code civil, les richesses et ressources naturelles disponibles sur le sol et le sous-sol de son territoire sont la propriété de l’Etat haïtien. Cependant des concessions peuvent être accordées à des entreprises privées, en vue d’assurer une exploitation équitable de ces ressources.

Article 2 : Mise en œuvre du Pacte au niveau national

30.Le Pacte a été ratifié et publié au journal officiel « Le Moniteur » du 7 janvier 1991, ce qui lui confère un statut supérieur aux lois internes selon l’article 276-2 de la Constitution. De même, la Constitution a consacré la jouissance de certains droits prévus dans le Pacte tels que : le droit à la vie, le droit à la sécurité, le droit à la propriété, la liberté d’expression, la liberté de conscience, la liberté de réunion et d’association.

31.Le décret du 4 février 1981 punissant les faits de discrimination raciale sanctionne tout comportement discriminatoire envers une personne en raison de son origine, de son sexe, de sa situation familiale, de ses convictions politiques ou de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

32.L’accès à la justice est garantie par la Constitution, en ses articles 173.1 et 184, ainsi que par plusieurs lois organisant le système judiciaire et garantissant son indépendance telles que :

Le Décret du 22 août 1995 sur l’organisation judiciaire, modifiant celui du 18 septembre 1985 ;

La Loi du 3 mai 2003 portant création de nouveaux Tribunaux de Première Instance;

La Loi du 2 août 2007 portant statut de la magistrature ;

La Loi du 13 novembre 2007 créant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ;

Article 3 : Assurer le droit égal des hommes et des femmes en matière de droits civils et politiques

33.La Constitution de 1950 avait certes, reconnu aux deux sexes le plein exercice de leurs droits politiques. Cependant une restriction y avait été apportée en soumettant l’exercice du droit des femmes à l’autorisation du mari et limitant le plein et entier exercice de ce droit aux seules fonctions municipales. Des réformes engagées par la suite ont permis d’aboutir à une égalité graduelle entre les deux sexes.

34.Conformément à la Constitution de 1950, accordant un délai de trois ans aux femmes afin qu’elles puissent jouir pleinement de l’exercice de leurs droits politiques, en 1957 elles ont pu voter pour la première fois et se présenter comme candidates. De même, en 1961 des amendements apportés au Code du Travail, ont assuré l’égalité des sexes en matière d’emploi de salaire.

35.La problématique de l’égalité entre les sexes demeure ainsi l’un des enjeux majeurs malgré des avancées progressives mises en place par l’Etat. A ce compte, on peut citer :

La Constitution de la République en vigueur, amendée en 2011, en ses articles 28, 32, 32.1, qui consacre sans équivoque le principe de l’égalité de l’homme et de la femme devant la loi et l’égalité en matière de protection et de jouissance des droits de la personne ; depuis l’amendement constitutionnel susmentionné, un quota d’au moins 30% de femmes dans les postes de décisions, tant dans les secteurs publics que privés, est exigé; l’actuel gouvernement a donné l’exemple en intégrant dans son équipe au moins 40% de femmes ;

Avant 2005, le viol prévu à l’article 279 du Code Pénal, était certes considéré comme un crime mais était assorti de sanctions peu sévères. Le décret du 6 juillet 2005, en modifiant le régime des agressions sexuelles, a éliminé en la matière les discriminations contre les femmes, en maximisant la sanction assortie au crime de viol et en dépénalisant l’adultère. Toutefois, le décret susmentionné ne donne pas une définition précise du viol et ne mentionne pas le viol conjugal ;

Avant le décret du 8 octobre 1982, la femme mariée était considérée comme mineure. Elle ne pouvait pas ester en justice sans l’autorisation de son mari, ni entreprendre des activités commerciales. Ce décret lui a accordé sa pleine capacité juridique ; l’administration conjointe des biens communs, l’exercice de l’autorité parentale et lui a donné la possibilité d’invoquer l’adultère comme cause de divorce dans les mêmes conditions que l’homme. Toutes ces dispositions consacrent l’égalité juridique entre les personnes des deux sexes. 

La prise en compte de l’égalité homme-femme dans la loi électorale de 2005 ;

Le vote par le parlement de la loi relative aux travailleurs et travailleuses domestiques en 2008 ;

Le vote par le parlement de la loi sur la Paternité et filiation, le 12 avril 2012 ;

36.Toutefois, les défis auxquels sont confrontées les autorités pour l’égalité réelle des sexes en Haïti sont multiples. Il y a d’abord les stéréotypes sexistes, cultivés depuis la famille, et souvent intériorisés par les femmes elles-mêmes, qui contribuent à engendrer des comportements discriminatoires conduisant parfois à des violences spécifiques à leur égard. Ensuite, la représentation des femmes dans les espaces de prise de décision est une des plus faibles de la région. La vie politique est essentiellement dominée par les hommes, tant au Gouvernement ou au Parlement que dans les collectivités territoriales et les partis politiques, malgré le fait qu’aucune mesure d’ordre légal n’empêche aux femmes d’occuper ces fonctions.

37.Des organisations féminines rendent régulièrement publics des chiffres alarmants sur la violence sexuelle dont un nombre significatif de femmes haïtiennes seraient victimes. L’absence de données nationales fiables empêche, cependant, de confirmer ou d’infirmer la validité de ces chiffres. Toutefois, de grands efforts ont été consentis par les autorités haïtiennes, en vue de porter les victimes à saisir la justice; mais en raison de l’opprobre jeté sur ces dernières, les viols ne sont pas systématiquement signalés à la Police.

38.La longue lutte des organisations féministes et associations de femmes haïtiennes, a conduit l’Etat à créer des institutions, des mécanismes et à prendre des mesures sociales en vue du respect des droits des femmes. Ainsi:

En 1994, l’Etat a créé le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF) avec pour mission principale de travailler à l’émergence d’une société juste, équilibrée et égalitaire pour les deux sexes. Il a pour but également d’orienter la définition et l’exécution des politiques ainsi que des plans sectoriels pour intégrer la perspective d’égalité dans l’ensemble des politiques nationales ;

En 2003, une structure tripartite dénommée Concertation Nationale contre les violences spécifiques faites aux femmes, réunissant l’Etat, la Société Civile et les Agences internationales a été créée. Cette structure, dont l’objectif est de favoriser une coordination voire une synergie entre les différentes initiatives en cours dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes, est coordonnée par le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des femmes ;

Une expérience pilote a été réalisée dans deux commissariats de police où des policières formées à cet effet ont été chargées de recueillir les plaintes et d’orienter les femmes et les filles victimes de violences à des institutions de prise en charge. De même, une coordination aux Affaires Féminines a été mise en place au sein de la Police Nationale d’Haïti  (PNH) ;

Un Protocole d’Accord portant sur l’octroi et la gratuité du certificat médical a été signé entre le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) et le Ministère de la Condition Féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF);

Une Direction de la Prise en Compte de l’analyse selon le Genre (DPAG) a été instituée en 2005, en vue d’assurer l’intégration de la dimension genre dans les politiques publiques ;

En 2006, des points focaux ont été placés dans les ministères afin de permettre à ces derniers de développer et faire appliquer l’égalité femmes, hommes dans leurs actions ou projets de développement ;

Un Plan national de lutte contre les violences faites aux femmes a été élaboré et mis en œuvre, pour la période allant de 2006 á 2011;

Une Campagne de sensibilisation des populations sur les stéréotypes sexuels, ainsi que les stéréotypes dans les manuels scolaires  a été mené en 2007;

Un Comité mixte de Budgétisation sensible au genre a été créé en 2009.

Article 4 : Mesures en cas de danger public exceptionnel

39.La Constitution haïtienne permet au Président de la République de déclarer l’état de siège en cas de guerre civile ou d’invasion d’une force étrangère. L’acte déclaratif d’état de siège doit être contresigné par le Premier Ministre et porter convocation de l’Assemblée Nationale appelée à se prononcer sur l’opportunité de la mesure (art. 278-1).

40.L’Assemblée Nationale arrête avec le Pouvoir Exécutif les garanties constitutionnelles qui peuvent être suspendues dans les parties du territoire mises en état de siège (art. 278-2). L’Etat de siège devient caduc, s’il n’est pas renouvelé tous les quinze (15) jours par un vote de l’Assemblée Nationale (art. 278-3).

41.La loi du 8 avril 2010, amendant celle du 9 septembre 2008, encadre l’instauration de l’état d’urgence. Selon l’article 3 de la loi susmentionnée : « L’état d’urgence est instaurée sur tout ou partie du territoire national, lorsqu’une catastrophe naturelle réelle ou imminente exige, pour protéger les personnes, les biens, l’environnement ou les infrastructures, une action immédiate que les autorités compétentes estiment ne pas pouvoir se réaliser adéquatement dans le cadre des règles de fonctionnement habituelles des institutions publiques ou dans le cadre du Plan National de Gestion des Risques et des Désastres. »

42.C’est le Président de la République, ou, en cas d’empêchement, le Premier Ministre, qui peut instaurer l’état d’urgence par Arrêté pris en Conseil des Ministres. Les mesures adoptées pendant l’état d’urgence sont susceptibles de recours devant la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif. De plus, le Gouvernement est tenu de soumettre au Corps législatif un rapport sur la catastrophe et les différentes mesures adoptées, dans les trois mois qui suivent la fin de l’instauration de l’état d’urgence.

Article 5 : Interdiction d’une interprétation du Pacte contrairement à ses objectifs

43.En septembre 1991, un régime militaire s’est installé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat, et l’a conservé jusqu’en octobre 1994. Plusieurs mesures attentatoires aux droits et libertés garantis par le Pacte, ont été prises par les militaires durant ces trois années et un rapport (CCPR/C/105) a été présenté au Comité des Droits de l’Homme par le Gouvernement haïtien après le retour au pouvoir du Président légitimement élu, en octobre 1994. D’autres périodes de crises politiques notamment, entre 2003 et 2004, ont également été propices à la violation de certains droits et libertés. Toutefois, à date, aucune décision de justice n’a été prise sur la base d’une interprétation du Pacte contraire à ses buts.

Article 6 : Droit à la vie

44.Le droit à la vie est consacré par la Constitution haïtienne qui a aboli la peine de mort en toute matière. Cette peine a été remplacée par celle des travaux forcés à perpétuité, conformément aux dispositions du décret du 4 juillet 1988.

45.Le 22 avril 1994, pendant la dictature militaire, un groupe de partisans du Président Aristide ont été torturés et tués par des civils et des forces paramilitaires, dans le quartier de Raboteau situé au bord de la mer des Gonaïves, une ville du nord-ouest d’Haïti. Le nombre de personnes tuées au cours de ce raid est compris entre 26 et 50 selon des estimations. Un procès s’est tenu en 2004 et, au total, 59 personnes ont été jugées pour leur implication dans ce massacre. Toutefois, vu que seulement 22 personnes étaient en garde à vue au moment du procès, les 37 autres ont été jugées par contumace.

46.Après six semaines de procès, le jury a conclu que 16 des 22 accusés en détention, étaient coupables d'implication dans le massacre. Le 16 novembre 2004, les 37 accusés qui ont été jugés par contumace ont été condamnés à la servitude pénale à perpétuité. Toutefois, en vertu de la loi haïtienne, les personnes condamnées par contumace ont droit à un nouveau procès, si jamais elles se rendent ou sont arrêtées. En outre, la Cour a ordonné le versement de dommages et intérêts aux victimes et à leurs familles d’un montant de 1 milliard de gourdes (environ 43 millions de dollars).

47.Une autre des grandes Affaires ayant été liée au respect du droit à la vie en Haïti a été le procès dit « de Carrefour-Feuilles », du nom de l’un des quartiers populaires de la ville de Port-au-Prince. En effet, des présumés bandits retranchés dans un endroit de la zone, après la commission de forfaits, ont été appréhendés par la police et certains d’entre eux exécutés. Ce fait a donné lieu à des procès tenus durant les années 2001 et 2002 et qui ont abouti à la condamnation d’agents de la force publique pour exécutions extra judiciaires.

48.Un autre évènement qui a marqué la continuité du respect du droit à la vie par l’État haïtien est le procès de certains agents pénitentiaires aux Cayes, la troisième ville située au sud du pays. En effet, après le séisme du 12 janvier 2010, soit le 19 janvier, des détenus ayant tenté de s’évader de prison avaient été, pour certains, tués par des agents de l’ordre. Ainsi un procès a débuté le 18 octobre 2011 au Tribunal de Première Instance des Cayes pour prendre fin le 14 décembre de la même année. Il s’est soldé par la condamnation de sept (7) policiers et agents pénitentiaires, huit (8) condamnations par contumace et six (6) libérations.

49.Pour mettre fin à de telles pratiques, l’Etat haïtien a renforcé la capacité de l’Inspection générale de la Police Nationale d’Haïti et sensibilisé ses agents, notamment en incluant à leur cursus de formation initiale et continue des cours sur les droits de la personne humaine et le droit international humanitaire. Ces initiatives ont pu être concrétisées grâce à la collaboration de la communauté internationale. Ces grands procès traduisent la volonté de l’Etat haïtien d’assurer le respect continu du droit à la vie.

Article 7: Interdiction de la torture, des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

50.La Constitution haïtienne, en son article 25, interdit toute rigueur ou contrainte qui n'est pas nécessaire pour appréhender une personne ou la maintenir en détention ainsi que toute pression morale ou brutalité physique notamment pendant l'interrogation. De même, le Décret du 4 juillet 1988 reconnait les tortures corporelles comme une circonstance aggravante du crime d’enlèvement des personnes. Toutefois, la torture en tant qu’infraction n’est pas définie dans la législation haïtienne.

51.Conscient de ce problème et suite aux recommandations du Comité des droits de l’homme lors de la présentation du rapport sur l’Examen Périodique Universelle (EPU) à Genève au mois de mars 2012, l’Etat haïtien s’engage à tout mettre en œuvre en vue d’aboutir, dans un délai raisonnable, à la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

52.A cet égard, à la fin de l’année 2011, un prévenu arrêté au Commissariat de police de Pétion-ville est décédé des suites de mauvais traitements subis au cours de son interrogation. Une fois les autorités informées de cette situation, le Commissaire du gouvernement de Port-au-Prince et le Commissaire de Police qui étaient présents sur les lieux, ont été relevés de leurs fonctions. Le dossier a été par la suite transmis au tribunal de première instance de Port-au-Prince pour les suites légales. Suivant les conclusions d’un rapport émis par l’Inspection générale de la police, le Commissaire de police, ainsi que les agents qui ont participé à l’interrogatoire ont été mis en détention.

Article 8: Interdiction de l’esclavage

53.L’indépendance d’Haïti résulte de l’unique révolte d’esclaves victorieuse dans l’histoire universelle. Ce qui fait d’Haïti le premier pays de l’époque contemporaine à avoir mis fin à l’esclavage. Par la suite elle a encouragé ce mouvement qui s’est étendu à tous les pays du continent américain. Elle a ratifié plusieurs conventions internationales y relatives notamment le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

54.Il n’existe pas de servitude en Haïti ; cependant il peut arriver que certains enfants soient de fait dans une situation de domesticité. En effet, en raison des naissances nombreuses et de leur pauvreté, certaines familles n’arrivent plus à garantir l’alimentation et l’éducation à tous leurs enfants. Les institutions publiques ne disposant pas des ressources nécessaires pour les prendre tous en charge, certains de ces enfants sont parfois confiés par leurs parents à d’autres membres de la famille, ou à des personnes n’ayant pas de lien de parenté, afin de leur faire bénéficier d’un meilleur niveau de vie. Dans la majorité des cas, ces enfants qui sont élevés par des proches ou d’autres familles, fréquentent un établissement scolaire et sont traités correctement. Beaucoup d’entre eux peuvent à l’âge adulte, gagner valablement leur vie et être à même d’aider leurs proches. Toutefois, il arrive que ce ne soit pas le cas et que ces enfants ne soient affectés qu’à des tâches domestiques, avec en contrepartie uniquement de la nourriture et certaines fois des mauvais traitements. Ce phénomène qu’on appelle la domesticité infantile ne saurait, cependant, être assimilé à la traite moderne.

55.En effet, aucune loi ou règlement ne cautionne ce phénomène et, s’il arrive que des personnes servent d’intermédiaire entre une famille qui souhaite recueillir un enfant et une autre qui souhaite le confier, il n’a pas été constaté de « trafic » organisé d’enfants à des fins de domesticité que contrôleraient des réseaux de criminels. Ce phénomène constitue plutôt une sorte de dérive d’une tradition de solidarité familiale très ancrée dans la culture haïtienne qui accorde beaucoup d’importance à la famille élargie. Le nombre d’enfants se trouvant en situation de domesticité de fait est faible par rapport à ceux ne vivant pas avec leur famille biologique mais menant une enfance normale ; cependant la proportion est suffisamment élevée pour préoccuper le Gouvernement haïtien.

56.Pour assurer une protection générale à tous ces enfants, l’Etat haïtien a arrêté plusieurs mesures, notamment :

L’adoption d’une loi relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes les formes d’abus, de violence et de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants, entrée en vigueur en 2003, interdit l’utilisation d’enfants de moins de 12 ans comme travailleurs domestiques.

La ratification du protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Un projet de loi d’application de ce protocole est déjà déposé au Parlement.

Article 9: Droit à la liberté individuelle

57.La section B du Chapitre II de la Constitution est exclusivement consacrée à la liberté individuelle. Ainsi, l’article 24 précise que la liberté individuelle est garantie et protégée par l’Etat et l’article 24.1 que Nul ne peut-être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.

58.L’arrestation arbitraire est prohibée à l’article 24-2 de la Constitution lequel prévoit que l’arrestation et la détention, sauf en cas de flagrant délit, n’auront lieu que sur mandat écrit d’un fonctionnaire. De plus, l’article 24-3 précise, tant au niveau du fond que de la forme, les conditions de validité de ce mandat ainsi que la procédure d’exécution. Le mandat doit être rédigé en créole et en français, il doit être notifié et une copie doit être laissée à la personne prévenue, laquelle sera informée de son droit de se faire accompagner d’un avocat à toutes les phases de l'instruction de l'affaire jusqu'au jugement définitif. Enfin, pour ce qui concerne la violation du domicile, cet article dispose qu’aucune perquisition ne peut se faire entre six (6) heures du soir et six (6) heures du matin.

59.L’article 25 de la Constitution interdit toute rigueur ou contrainte qui n'est pas nécessaire pour appréhender une personne ou la maintenir en détention, toute pression morale ou brutalité physique notamment pendant l’interrogation.

60.Malgré ces dispositions, la liberté individuelle n’est pas intégralement respectée en Haïti. En effet, la détention préventive prolongée est largement répandue, en dépit des efforts accomplis par le gouvernement. Ce phénomène qui tend à perdurer s’explique, entre autres, par la lenteur procédurale, l’indisponibilité de l’assistance légale qui devrait faciliter l’engagement de la procédure en habeas corpus pour les personnes sans ressources, le manque de contrôle du travail des magistrats.

61.Pour parvenir à résorber ce phénomène, l’Etat haïtien a mis en route des mesures administratives et législatives. En effet, des commissions intersectorielles ont été formées pour analyser la situation et proposer aux autorités judiciaires les redressements appropriés, en vue .de réduire le taux de la détention préventive prolongée. Les divers travaux de ces commissions ont facilité une meilleure gestion des dossiers des prévenus, en entrainant une augmentation des audiences correctionnelles et des sessions d’assises criminelles avec et sans assistance de jury. Conséquemment, un nombre plus élevé de cas ont pu être entendus. Néanmoins l’Etat est conscient qu’il faut renforcer ses institutions pour éliminer sinon réduire considérablement, le phénomène de la détention préventive prolongée. En vue d’obtenir des résultats plus satisfaisants, le parlement haïtien a voté une loi sur l’habeas corpus qui est en attente d’être promulguée.

Article 10: Personnes privées de liberté

62.La Constitution haïtienne en son article 44 dispose que les détenus en attente d'être jugés doivent être séparés de ceux qui purgent une peine.

63.Le traitement des détenus dans le système carcéral est en partie lié à l’exiguïté de l’espace occupé par détenu. Si selon la norme internationale, l’espace prévu est de 4.5 m2 en situation normale et de 2.5m2 en situation difficile, en Haïti, l’espace occupé par détenu ne dépasse pas 0.6m2, du fait d’un surpeuplement carcéral. De plus, une alimentation insuffisante, des soins de santé précaires, l’insuffisance de budget de fonctionnement des centres carcéraux, le sous-effectif des agents pénitentiaires sont autant de facteurs qui expliquent les mauvaises conditions de détention dans le pays.

64.En ce qui concerne la séparation des prévenus d’avec les condamnés, le nombre limité et l’état de vétusté des centres carcéraux existant ne la favorisent pas dans tous les cas. Néanmoins, les jeunes prévenus sont séparés des adultes, à l’exception des filles qui partagent les mêmes prisons avec les femmes.

65.En vue d’améliorer la situation, la prison de l’Arcahaie, une ville située dans le département de l’ouest a été réhabilitée afin d’accueillir un plus grand nombre de condamnés. En outre, le gouvernement haïtien, dans son souci de respecter la dimension minimum de l’espace carcéral, a procédé à la construction et à la réhabilitation des centres carcéraux suivants : La prison civile de Hinche, dont la capacité d’accueil est de trois cents détenus, la prison civile de la Croix-des-Bouquets, inaugurée à l’occasion de la journée mondiale des détenus à la fin du mois d’octobre 2012, laquelle dispose d’une toilette par détenu ; la prison civile de Carrefour avec une capacité de 604 détenus; la prison civile du Cap Haïtien et la prison de Port de Paix. De même une cellule pour mineurs a été créée à l’intérieur de la prison de cette même ville.

66.Pour toutes les nouvelles constructions, la norme internationale a été respectée ; il en est de même pour les centres réhabilités, lesquels sont au moins conformes à la norme minimale.

Article 11 : Emprisonnement pour dettes

67.L’incapacité d’exécuter une obligation contractuelle ne constitue pas une cause d’emprisonnement en Haïti, conformément à la Convention Interaméricaine de Droit International privé communément appelée Code Bustamente, à laquelle elle est partie. La pratique judicaire consacre l’application de cette disposition du Pacte et la jurisprudence haïtienne va dans le même sens. Cependant, il n’existe pas pour le moment de loi d’application de cette Convention ou de loi spécifique sur la question.

Article 12 : Liberté de circulation

68.La Constitution haïtienne consacre la libre circulation pour tous les haïtiens en ses articles 41 et 41.1. Ainsi, l’article 41 stipule que : «Aucun individu de nationalité haïtienne ne peut être déporté ou forcé de laisser le territoire national pour quelque motif que ce soit. Nul ne peut être privé pour des motifs politiques de sa capacité juridique et de sa nationalité », et l’article 41-1 que : « Aucun Haïtien n'a besoin de visa pour laisser le pays ou pour y revenir ».

69.En conséquence, tout haïtien est libre de quitter ou de rentrer dans le pays. En témoigne le retour successif de deux anciens chefs d’Etat, en l’occurrence, Messieurs Jean Claude Duvalier et Jean Bertrand Aristide.

70.En outre, la Constitution haïtienne, en ses articles 54 et suivants garantit le droit de libre circulation des étrangers résidant légalement sur le territoire.

Article 13: Expulsion des étrangers

71.La Constitution pose le principe de la libre circulation des étrangers sur le territoire haïtien. L’étranger ne peut être expulsé du territoire que lorsqu’il s’immisce dans la vie politique et dans les cas déterminés par la loi.

Article 14: Egalité devant la loi

72.En Haïti toute personne dont le droit est violé peut avoir recours à la justice, ceci sans aucune discrimination. Pour garantir un procès équitable à la personne, plusieurs voies de recours lui sont ouvertes. Ainsi, tout jugement rendu par un tribunal est susceptible de recours jusqu'à ce qu’il acquiert l’autorité de la chose souverainement jugée.

73.Toute personne qui fait l’objet d’une accusation en matière pénale en Haïti a le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal compétent. Cependant, il est rare que l’Etat indemnise une personne victime d’une erreur judiciaire. Cela est probablement dû à la méconnaissance de ce principe par les victimes concernées, d’où une absence de plaintes en ce sens.

74.Les personnes qui ont été jugées et punies même à l’extérieur du pays pour une infraction donnée, ne sont pas rejugées en Haïti. Les cas des haïtiens refoulés en Haïti après avoir été jugés et punis à l’étranger en sont des témoignages.

75.Mis à part les tribunaux ordinaires, il existe d’autres ordres juridictionnels, tels : la juridiction administrative coiffée par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, ainsi que la juridiction électorale coiffée par le Conseil Electoral.

76.En ce qui concerne la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, les arrêts rendus par cette cour ne sont pas toujours exécutés. Il en résulte que les bénéficiaires de ces arrêts sont dépendants de la bonne volonté des autorités qui leur avaient causés des abus, pour leur exécution. Le Gouvernement reconnaît la nécessité de renforcer cette institution en vue de la rendre plus efficace.

77.La Constitution haïtienne en ses articles 173 à 184-1 définit le champ du pouvoir judiciaire en général et des tribunaux et cours, en particulier, qui fonctionnent régulièrement en Haïti. Ils entendent toutes les affaires relevant de leur compétence, qu’il s’agisse d’affaires civiles, commerciales, pénales et autres. Cependant, étant donné que les affaires pénales sont plus nombreuses que les autres et qu’elles posent plus de difficultés dans leur résolution, l’accent sera mis sur la justice pénale. En Haïti les personnes inculpées puis accusées sont jugées selon les procédures prévues à cet effet.

78.Des audiences se tiennent quotidiennement. Les audiences criminelles avec assistance de jury ont lieu au moins deux fois l’an. Quant aux audiences criminelles sans assistance de Jury, elles se tiennent tout au cours de l’année.

79.Depuis l’année 2012, les tribunaux de première instance de la République organisent au moins deux sessions d’assise criminelle avec assistance de Jury et pendant chaque session plusieurs audiences se tiennent par jour. A titre d’exemple, le Tribunal de première instance de Port-au-Prince a organisé en été 2012 une session d’assise criminelle avec assistance de Jury. Au cours de cette session les résultats suivants ont été enregistrés:

Nombre d’affaires entendues : 87

Nombre de personnes condamnées : 70

Nombre de personnes acquittées : 22

80.Les dix-sept autres juridictions de première instance ont organisé aussi des assises criminelles au cours du mois de juillet 2012 avec les résultats suivants :

Nombre d’affaires entendues : 49

Nombre d’accusés condamnés : 283

Nombre d’accusés acquittés : 69

Nombre d’accusés contumaces jugés : 31

81.L’accès à la justice en Haïti est jusqu'à présent limité. Les causes de cette limitation sont diverses. D’abord la couverture judiciaire est insuffisante. Ensuite, certaines sections communales, très populeuses et éloignées du tribunal le plus proche sont dépourvues d’une instance judiciaire, ce qui explique que très souvent les citoyens de ces zones ne recourent pas au système judiciaire pour régler leurs litiges. Pour pallier cette insuffisance le Gouvernement haïtien expérimente un projet de justice itinérante au niveau des tribunaux de paix. 16 tribunaux de paix de la République sont actuellement concernés.

82.Autre exemple, l’île de la Gonâve, la plus grande des iles située au large des côtes d’Haïti, comprend deux communes, celle de Pointe-à-Raquette et d’Anse-à-Galet. Dans chacune de ces communes, il existe un tribunal de paix. Cependant, le Tribunal de Première Instance se trouve à Port-au-Prince, la capitale du pays. Ce qui explique que pour toute affaire dépassant la compétence des tribunaux de paix, les citoyens de cette île, estimés approximativement à 80 000 personnes, sont obligés de se rendre à Port-au-Prince. Cette situation traduit une accessibilité très limitée à la justice pénale pour les gonaviens. Afin de résoudre ce problème, l’Etat reconnait la nécessité d’instituer un Tribunal de Première Instance dans cette zone.

83.En vue de permettre aux accusés qui n’ont pas les moyens pour constituer un défenseur d’être représentés équitablement, les Barreaux de l’Ordre des avocats, sur demande des Doyens des Tribunaux de Première instance, leur offre gratuitement ce service. Cependant, l’assistance judiciaire accordée par le Barreau aux démunis est restreinte et n’est pas encadrée par un texte légal. Conscientes de cette lacune, les autorités sont en train d’élaborer un projet de loi sur l’assistance légale qui prévoit d’accorder l’assistance judicaire à toute personne n’ayant pas les moyens de rémunérer elle-même un défenseur.

84.La lenteur et la complexité de la procédure sont aussi des causes de l’accessibilité limitée à la justice pénale. Les codes de procédures datent du 19ème siècle et certaines de leurs dispositions ne sont plus adaptées à la réalité contemporaine. En vue de remédier à cette situation, une réforme de la justice pénale, incluant une refonte des codes, est en cours.

85.L’indépendance des tribunaux de même que la formation des magistrats ont toujours fait partie des préoccupations du Gouvernement haïtien. La Constitution de la République a créé l’Ecole de la Magistrature, laquelle fonctionne à l’heure actuelle et dispense des cours de formation continue aux magistrats en fonction, tout en accueillant de nouvelles promotions sur concours.

86.En vue de garantir l’indépendance du système judiciaire haïtien, la loi du 13 novembre 2007 avait créé le Conseil Supérieur du Pouvoir Judicaire. Les neuf (9) membres composant cette institution ont été récemment installés par le Président de la République, Son Excellence Michel Joseph MARTELLY en juillet 2012. De même, la Cour de Cassation qui était dysfonctionnelle depuis plus de cinq (5) ans à cause de la vacance de plusieurs postes de juges, a été complétée par la nomination du Président et des juges manquants.

87.Néanmoins, malgré l’entrée en vigueur de la loi du 13 septembre 2007 portant statut de la Magistrature, protégeant les magistrats, des cas de licenciement anticipés sont parfois répertoriés.

Article 15 : Non-rétroactivité de la loi

88.Dans la législation haïtienne la loi pénale rétroagit lorsqu’elle est favorable au délinquant. Ainsi, la Constitution dans ses articles 45 et 46 dispose que nulle peine ne peut être établie que par la loi, ni appliquée que dans les cas que celle-ci détermine. Quant à l’article 51, il dispose de manière expresse que : «  La loi ne peut avoir d'effet rétroactif, sauf en matière pénale quand elle est favorable à l'accusé ».

Article 16 : Reconnaissance de la personnalité juridique

89.En ce qui concerne la personnalité juridique, le décret du 30 août 1988, en application des dispositions de la Constitution haïtienne, bannit la mort civile. Ainsi, la personnalité juridique qui est reconnue dès sa naissance ne peut plus être légalement enlevée à une personne.

Article 17 : Droit à la vie privée

90.La Constitution haïtienne de 1987 protège la vie privée. L’article 49 de la constitution dispose : « la liberté, le secret de la correspondance et de tous les autres moyens de communication sont inviolables. Leur limitation ne peut se produire que par un acte motivé de l'autorité judiciaire, selon les garanties fixées par la loi».

91.L’immixtion dans la vie privée est sanctionnée. En effet, la violation du domicile est interdite à l’article 24 alinéa 4 de la Constitution, lequel dispose qu’aucune perquisition ne peut s’effectuer entre six (6) heures du soir et six (6) heures du matin. Cette disposition est complétée par l’article 145 du Code Pénal qui précise que « tout juge, tout officier du Ministère public, tout administrateur ou tout autre officier de justice ou de police, qui se serait introduit dans le domicile d’un citoyen, hors des cas prévus par la loi et sans les formalités qu’elle a prescrites sera puni d’une amende de seize gourdes au moins et de quarante-huit gourdes au plus ». Il faut cependant souligner le fait que ces dispositions ont subi l’effet des dévaluations monétaires, ce qui explique que le montant de ces amendes est très dérisoire et n’est pas dissuasif pour l’auteur de l’infraction. Une révision du code pénal et du code d’instruction criminelle dans le cadre de la réforme de la justice qui est déjà en cours, y remédiera.

92.La violation des correspondances privées est puni par l’article 148 du Code pénal lorsqu’il prévoit que : « toute suppression, toute ouverture de lettres confiées à la poste, commise ou facilitée par un fonctionnaire ou agent du Gouvernement ou de l’Administration des postes, sera punie d’une amende de size gourdes à soixante-quatre gourdes. Le coupable, sera, de plus, interdit de toute fonction ou emploi public pendant un an au moins et trois ans au plus ».

93.D’autres atteintes à la vie privée sont réprimées dès lors qu’elles portent sur l’honneur et la considération de la personne. Ainsi, la diffamation, les injures, la calomnie de même que la révélation de secrets sont punies dans les articles 313 à 320 du Code Pénal. A titre d’exemple, l’article 313 dispose : « sera coupable de délit de diffamation, celui qui, soit dans les lieux ou réunions publics, soit dans un acte authentique et public, soit dans un écrit imprimé ou non qui aurait été affiché, vendu ou distribué, aura imputé à un individu quelconque des faits qui portent atteinte a son honneur et à sa considération ». De même, l’article 323 du Code Pénal punit toute profession ou toutes personnes dépositaires, par état ou profession, des secrets qu’on leur confie et qui, hors des cas où la loi les oblige de se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, d’un emprisonnement d’un mois à un an.

94. La législation haïtienne est cependant en retard en ce qui concerne les dangers de l’utilisation des Nouvelles Technologies d’Information et de Communication par rapport à la vie privée, par exemple : les montages de photos et autres atteintes à la vie privée par le biais de l’internet, la preuve électronique n’étant pas encore admise en Haïti. Un projet de loi est déjà déposé au Parlement en ce sens et est en attente d’être voté.

Article 18 : la liberté de pensée de conscience et de religion

95.Bien que la religion catholique occupe une position prééminente et que ses ministres soient dans certains cas rémunérés par l’Etat, la liberté de culte est reconnue et garantie par la Constitution. Dans son article 30, elle dispose : « Toutes les religions et tous les cultes sont libres. Toute personne a le droit de professer sa religion et son culte, pourvu que l'exercice de ce droit ne trouble pas l'ordre et la paix publics ».

96.L’article 30.1 de la Constitution dispose : « nul ne peut être contraint à faire partie d'une association ou à suivre un enseignement religieux contraire à ses convictions ». Ceci implique que nul ne peut être contraint d’intégrer une religion contre son gré ou d’y rester. L’article 30.2 de la Constitution précise que la loi établit les conditions de reconnaissance et de fonctionnement des religions et des cultes.

97.En application de ces dispositions, toutes les religions sont librement pratiquées en Haïti, dès lors que l’ordre et la paix publics ne sont pas menacés.

98.A titre d’exemple, la religion vodou longtemps marginalisée, et même persécutée dans les années 40 par le Gouvernement comme « superstition », a été prise en compte et intégrée au même rang que les autres religions par décret. Certains lynchages de personnes pratiquant le culte vodou sont parfois à déplorer sous l’accusation de sorcellerie, les derniers en date étant liés à l’épidémie de choléra qui a été perçue dans certaines zones rurales comme résultant de maléfices. Les victimes ont principalement été répertoriées à Jérémie, une ville située dans le sud-ouest du pays. L’Etat a dû intervenir par la suite pour sanctionner les auteurs de ces actes et du même coup protéger les vodouisants.

99.La cathédrale du Cap haïtien a été profanée en 2011. Une plainte a été déposée contre les présumés auteurs au Tribunal de Première Instance de cette juridiction et le dossier est actuellement au cabinet d’instruction. De même, une enquête est en cours, en vue de trouver les auteurs des actes de vandalisme d’une loge maçonnique.

Article 19 : La liberté d’opinion et d’expression

100.L’article 28 de la Constitution dispose que: « Tout haïtien ou toute haïtienne a le droit d'exprimer librement ses opinions, en toute matière par la voie qu'il choisit ». La liberté d’expression est protégée par la loi fondamentale dans ses articles 28 à 29.1, lesquels font respectivement référence à la liberté d’expression et au droit de pétition qui est reconnu et qui peut être exercé personnellement par un ou plusieurs citoyens.

101.Ainsi, la société civile en Haïti exprime librement ses opinions et est souvent consultée par le Gouvernement au besoin.

102.La presse est libre. Elle est protégée par l’article 28.1 de la Constitution qui dispose: «  Le journaliste exerce librement sa profession dans le cadre de la loi, exercice qui ne peut être soumis à aucune autorisation, ni censure sauf en cas de guerre», et l’article 28.2 qui protège les métiers de la presse dispose: «  Le journaliste ne peut être forcé de révéler ses sources. Il a toutefois pour devoir d'en vérifier l'authenticité et l'exactitude des informations. Il est également tenu de respecter l'éthique professionnelle ».

103.Ceci n’empêche pas que des cas de violations graves allant de la destruction de matériel de diffusion jusqu’à l’assassinat de journalistes ont été constatés, citons entre autres : l’assassinat du journaliste Jean L. DOMINIQUE en 2000, de Brignol LINDOR en 2001. Les assassins de Brignol LINDOR ont été jugés et condamnés et l’enquête est toujours en cours, en ce qui concerne le dossier de Jean L. DOMINIQUE,

Article 20 : Interdiction de la propagande en faveur de la guerre et de l’incitation à la haine raciale ou religieuse

104.Bien avant la Constitution, un décret du 4 février 1981, considère la discrimination raciale ou le comportement qui viole les droits fondamentaux de l’homme survenu à cause de sa race, de sa couleur, de son apparence à une ethnie comme un délit punissable. L’article 3 de ce décret précise que la non-discrimination est de règle absolue et d’ordre public.

105.La propagande en faveur de la guerre et de l’incitation à la haine raciale est interdite en référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 intégrée à la Constitution de la République, précisément dans l’article premier du préambule et dans son article 19 sur les droits fondamentaux. De même, dans le préambule de la Constitution, il est clairement spécifié que celle-ci veut fortifier l'unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes... etc.

106.A coté de la Constitution, la loi réprime toute atteinte à la sûreté de l’Etat, toute incitation à la violence. Le Code Pénal, dans le chapitre premier condamne un ensemble d’actes considérés comme crimes et délits contre la sûreté de l’Etat. Il reprend dans ses articles 68 à 78, un décret du 23 septembre 1985 pour réprimer toute incitation à la violence. Par exemple, l’article 68 punit de la détention, l’attentat dont le but serait soit d’inciter à la guerre civile en armant et en portant les citoyens ou habitants à s’armer les uns contre les autres, soit de porter la dévastation, le massacre ou le pillage dans une ou plusieurs communes.

107.Deux périodes se sont révélées critiques quant au respect de cet article. Comme mentionné précédemment, ces périodes (1990-1991 et 2003-2004) se sont inscrites dans un contexte particulier de troubles politiques.

108.Les articles 219 à 223 du Code Pénal punissent d’une peine de 15 jours à 6 mois, ceux qui auront empêché l’exercice d’un culte autorisé par voies de fait ou des menaces, qui auraient empêché retardé ou interrompu l’exercice, causer des troubles ou désordres dans le temple.

109.L’article 230 du Code Pénal punit l’écrit imprimé contenant des provocations à des crimes ou délits.

Article 21 : Le droit de réunion pacifique

110.Le droit de réunion pacifique, liée à la liberté d’expression, est reconnu et garanti par la Constitution. Dans son article 31, celle-ci précise que la liberté d'association et de réunion sans armes à des fins politiques, économiques, sociales, culturelles ou toutes autres fins pacifiques est garantie.

111.L’Etat a dû intervenir certaines fois pour réparer les préjudices causés à des groupements. Par exemple, en 2001, il a dédommagé les partis politiques dont les locaux ont été brûlés par la foule à la suite d’événements particuliers.

112.L’article 31.2 de la Constitution autorise les réunions sur la voie publique moyennant une notification préalable aux autorités de police.

113.Le décret du 23 juillet 1987 relatif aux réunions et manifestations sur la voie publique, en son article 2, conditionne toute manifestation sur la voie publique à une notification préalable de 48 heures aux forces de police de sa localité, sous peine d’interdiction. Ceci révèle que le régime applicable n’est que la notification et non l’autorisation préalable.

Article 22 : La liberté d’association

114.La Constitution reconnaît dans son article premier que la République d’Haïti est une République solidaire, cela implique que les Haïtiens sont libres de se regrouper en association. Les associations sont protégées et garanties par la Constitution en ses articles 31, 31.1 et 31.3. Ainsi, les citoyens sont libres de créer des associations, dès lors qu’ils respectent les normes en vigueur. L’article 236 du Code Pénal exige l’autorisation préalable du Gouvernement pour la reconnaissance de toute association de plus de 20 personnes. L’agrément d’une association se fait par le biais d’une autorisation délivrée par le Ministère des Affaires Sociales et du Travail, sur présentation des statuts, des documents d’identité des membres et le paiement d’un droit.

115.Les religions et cultes sont libres. Le vodou est pratiqué par ses adeptes sans discrimination.

116.La législation haïtienne reconnaît et garantit la liberté syndicale et le droit de grève. En effet, l’article 35.3 de la Constitution dispose: «la liberté syndicale est garantie. Tout travailleur des secteurs privé et public peut adhérer au syndicat de ses activités professionnelles pour la défense de ses intérêts de travail». Ces dispositions sont renforcées par celles contenues dans les conventions de l’OIT sur la liberté syndicale ratifiées par Haïti en 1957 et 1979. Il existe plus d’une dizaine d’associations syndicales en Haïti qui exercent leurs activités sans contraintes des pouvoirs publics. Toutefois, certaines dérives sont parfois constatées, surtout en période de crise politique. Citons entres autres l’arrestation de syndicalistes en pleine réunion en 2004, mais qui ont été tout de suite libérés.

117.Le décret du 30 juillet 1986 réglementant le fonctionnement des partis politiques, en son article 2 précise que l’Etat garantit le droit des citoyens de former librement des partis politiques et de les faire fonctionner dans le cadre des lois en vigueur. Dans le cadre de ce décret, les partis politiques peuvent être créés librement et l’adhésion à un parti politique reste un acte personnel relevant de la liberté individuelle. Chacun est libre de s’affilier à un parti politique et nul ne peut être contraint à en devenir ou rester membre.

118.Les Organisations non gouvernementales sont régies par le décret du 14 septembre 1989 qui dans son article 8, soumet la reconnaissance de ces dernières au dépôt d’un certain nombre de documents au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, notamment les statuts, une lettre de demande, pour être habilité à fonctionner sur le territoire national.

Article 23 : la protection de la famille

119.La famille, base fondamentale de la société est protégée par la Constitution dans ses articles 259 à 262. L’Etat haïtien assure une égale protection à toutes les familles qu’elles soient constituées ou non dans les liens du mariage. Conformément à l’article 260 de la Constitution « il doit procurer aide et assistance à la maternité, á l’enfance et à la vieillesse ». Ainsi, une Caisse d’Assistance Sociale, rattachée au Ministère des Affaires Sociales et du Travail donne des allocations aux familles nécessiteuses. De plus un programme pilote « Ti Manman Chéri » initié par l’actuel gouvernement verse des allocations à des mères de famille de milieux défavorisés. Outre la déclaration universelle des droits de l’homme, Haïti a ratifié la convention américaine des droits de l’homme qui assure et protège la famille ainsi que l’enfant. L’article 262 de la Constitution prévoit l’élaboration d’un code de la famille, en vue d'assurer la protection et le respect des droits de la Famille et de définir les formes de la recherche de la paternité.

120.Conformément au décret du 13 octobre 1982, la puissance paternelle a été remplacée par l’autorité parentale qui est désormais exercée conjointement par les deux époux. Toutefois, le domicile conjugal demeure légalement le domicile du mari, bien que dans la pratique les couples déterminent, le plus souvent, conjointement leur domicile. Le mariage forcé ainsi que la polygamie sont interdits. Par ailleurs l’âge minimum pour contracter mariage est l’âge de la majorité qui est de 18 ans. Cependant, il peut y avoir dérogation pour la fille en deçà de 18 ans par dispense du Président de la République.

121.Les ministres des cultes autorisés légalement à fonctionner sont habilités à célébrer les mariages. Toutefois, malgré le fait que le vaudou soit reconnu comme une religion depuis 2002, les prêtres du culte vaudou ne célèbrent pas de mariage.

Article 24 protection de l’enfant

122.La protection de tous les enfants est assurée par la Constitution en son article 261. Cet article dispose : « la loi assure la protection à tous les Enfants. Tout enfant a droit à l'amour, à l'affection, à la compréhension et aux soins moraux et matériels de son père et de sa mère ».

123.Dans le but d’assurer une meilleure protection de l’enfant, l’Etat haïtien a ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, le 23 décembre 1994, la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale en juin 2012 et la Convention de l’OIT (no 105) sur l’abolition du travail forcé, le 26 septembre 1957. De même, la loi sur l’adoption, très ancienne (1974), a été récemment révisée et votée au Parlement, en vue de prioriser l’intérêt de l’enfant dans toute procédure d’adoption conformément á la Convention de la Haye. Dans le même ordre d’idées, il avait déjà ratifié le 3 juin 2009, la Convention de l'OIT (no 138) concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et le 19 juillet 2007, la Convention de l’OIT (no 182) concernant les pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination. L’article 35.6 de la constitution stipule : «La loi fixe la limite d'âge pour le travail salarié. Des lois spéciales règlementent le travail des enfants mineurs et des gens de maison ».

124.Un projet de loi sur la paternité responsable et la filiation déposé au Parlement, avait été voté à la Chambre basse le 10 mai 2010 et à l’unanimité au Sénat, le 12 avril 2012. Il vise à responsabiliser les pères inconscients et à mettre un terme à la situation navrante des familles monoparentales [47% en Haïti] dirigées par des femmes chefs de famille qui assument à elles seules les besoins économiques.

125.S’agissant de l’Etat civil, des efforts notables sont déployés par l’Etat afin que les enfants puissent être enregistrés à la naissance. A cet effet, l’Office National d’Identification a été créé par décret en 2005 avec pour attribution de procéder à l’identification des haïtiens dès leur naissance et de tenir le Registre National d’Identification. Pour répondre à la mission initiale de l’Office National d’Identification, un projet de loi créant l’Office National d’Identification et de l’Etat Civil est en cours en vue d’adjoindre à cette institution un volet « Etat Civil ». De plus, des bureaux d’Etat civil sont installés dans les maternités de certains hôpitaux du pays en vue de procéder á l’enregistrement des déclarations de naissance.

126.Haïti a aussi ratifié de nombreuses Conventions relatives au travail des enfants dans le secteur de l’industrie. On peut citer entre autres la Convention concernant l’âge minimum d’admission des enfants aux travaux industriels et la Convention concernant le travail de nuit des enfants, révisée á San Francisco, dont toutes les deux ont été, ratifiées par décret du 13 juillet 1956.

127.L’enregistrement des naissances constitue un problème majeur en Haïti. Ainsi, plusieurs mesures ont été arrêtées pour diminuer sensiblement le nombre d’enfants non enregistrés. Du point de vue législatif, des décrets ont été pris en 1995 et en 2005, en vue de permettre les déclarations tardives d’une manière simplifiée. Cette mesure a permis l’enregistrement d’environ 4 000 000 de personnes dont un nombre considérable d’enfants.

128.Du point de vue administratif, plusieurs campagnes de sensibilisation ont été orchestrées, afin d’encourager les parents à effectuer la déclaration de naissance de leurs enfants, surtout dans les zones rurales. Il a été procédé, à titre expérimental, à la préposition d’un agent d’Etat civil dans les principaux hôpitaux de trois villes du pays et à l’affectation d’un officier d’Etat civil itinérant. De nouveaux bureaux d’Etat civil ont également été ouverts dans des communes du pays.

129.Il existe un nombre significatif d’enfants des rues dans les grandes agglomérations urbaines du pays, particulièrement à la capitale. Ce phénomène, dû en grande partie au taux de pauvreté élevé et à la faiblesse des institutions, s’est aggravé après le séisme du 12 janvier 2010. Pour contrer cette violation des droits fondamentaux de l’enfant, plusieurs projets ont été élaborés. Ainsi, certains ont pu être placés dans des centres d’accueil. Cependant le manque de ressources a minimisé la portée et les effets de ces mesures.

Article 25 : Le droit de participer aux affaires publiques

130.La Constitution reconnaît ce droit à tous les haïtiens. Dans son Article 17, elle précise : « les haïtiens sans distinction de sexe et d'état civil, âgé de dix-huit (18) ans accomplis, peuvent exercer leurs droits civils et politiques s'ils réunissent les autres conditions prévues par la Constitution et par la loi ». De plus, l’article 58 de la Constitution prévoit que la souveraineté nationale réside dans l'universalité des citoyens, qui l’exercent directement par le biais des élections. En votant, le citoyen participe aux affaires publiques de son pays. Ainsi, l’exercice du droit de vote est à la fois un droit et un devoir pour le citoyen. A ce titre, depuis la proclamation de la Constitution, cinq élections générales ont été organisées.

131.Toutefois, certaines limites sont apportées à l’exercice de ce droit. Ainsi, selon l’article 20 de la loi électorale de 1999, prise sur la base de l’article 289 de la Constitution, la qualité d’électeur, se perd par les mêmes causes qui font perdre la qualité de citoyen et par suite de condamnation contradictoire et définitive à des peines afflictives et infamantes.

132.En ce qui concerne l’accès à la fonction publique, la loi a toujours prévu le concours. Cependant le nombre de postes comblés par concours est en net décalage avec le nombre de postes effectivement occupés, ce qui renforce une perception de clientélisme chez beaucoup de citoyens. Ainsi, l’Office de Management et des Ressources Humaines a été créé en 2005, en vue d’assurer la gestion globale des effectifs de la fonction publique et de la carrière des fonctionnaires est actuellement en train de redynamiser son fonctionnement pour parvenir à régulariser cet état de fait.

Article 26 : Interdiction de la discrimination

133.La République d’Haïti a ratifié le 19 décembre 1972 la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. De plus la Constitution dans son article 18 précise que les Haïtiens sont égaux devant loi sous la réserve des avantages conférés aux Haïtiens d'origine qui n'ont jamais renoncé à leur nationalité. Rappelons qu’un décret du 4 février 1981 avait déjà puni la discrimination raciale.

134.L’Etat haïtien a ratifié le 29 juin 1951 la Convention # 100 de l’OIT concernant l’égalité dans la rémunération entre la main d’œuvre masculine et la main d’œuvre féminine pour un travail à valeur égale.

135.La Constitution de 1987 a créé l’Office de Protecteur du Citoyen afin de protéger tout individu contre toutes les formes d’abus de l’Administration.

136.En ce qui concerne la discrimination contre les femmes, un Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme a été créé par décret du 8 novembre 1994 avec pour attributions principales d’œuvrer à l’émergence d’une société égalitaire pour ses composantes des deux sexes, d’orienter la définition et l’exécution des politiques publiques équitables à l’échelle nationale.

Article 27 : Droit des minorités

137.La République d’Haïti n’est pas confrontée aux problèmes de minorités.

IV.Conclusion

138.Conformément aux suggestions et recommandations formulées par le Comité des Droits de l’Homme au cours de sa cinquantième session, la République d’Haïti a pris les mesures suivantes:

a)En ce qui a trait au désarmement des groupes paramilitaires, le « Front pour l'Avancement et le Progrès Haïtien » ou FRAPH, qui constituait la principale organisation paramilitaire, qui terrorisa la population haïtienne en commettant de nombreux crimes, exécutions sommaires, enlèvements et viols, a été dissout en 1994. Environ trente-sept accusés, liés au coup d’état de 1991 et au régime qui s’en est suivi, dont le général Raoul Cedras, chef du gouvernement militaire, Emmanuel Constant, dirigeant et fondateur du FRAPH, Michel François, chef de la police et Philippe Biamby, ont été condamnés par contumace. Ils ont écopé de peines d’emprisonnement à perpétuité assorties de travaux forcés et d’une amende d’un milliard de gourdes. Toutefois, à part Louis-Jodel Chamblain qui s’est rendu en avril 2004, les autres, ne se trouvant plus sur le territoire haïtien, n’ont pas pu être arrêtés. Un comité national de désarmement, démantèlement et de réinsertion a été crée en 2006, en vue de réduire le nombre d’armes en circulation au sein la population. Une quantité significative d’armes illégales en circulation avait été restituée, grâce à l’action de ce comité ;[

b)La réforme du pouvoir judiciaire continue à être l’un des axes prioritaires du Gouvernement haïtien. En effet, de 1991 à nos jours, plusieurs initiatives, dont (trois lois publiées en 2007) ont été prises en vue d’améliorer le fonctionnement de la justice en Haïti et garantir son indépendance. Dans cet ordre d’idées, l’Ecole Nationale de la Magistrature a été rouverte le 12 mars 2009 et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire installé en juillet 2012.

c)En ce qui concerne les Protocoles facultatifs, la République d’Haïti envisage de les inclure dans l’agenda législatif devant être soumis à la prochaine législature.

d)Depuis sa publication au journal officiel Le Moniteu r en janvier 1991, le Pacte fait partie intégrante de la législation haïtienne. Les attributions de l’Office Protecteur du Citoyen ont été élargies par une loi promulguée en juillet 2012. En vertu de cette loi, les particuliers peuvent porter plainte auprès du Protecteur du Citoyen pour la violation de leurs droits. Des cours sur les droits de l’homme sont dispensés aux futurs policiers, à l’académie de police et aux futurs magistrats, à l’Ecole nationale de la Magistrature. Dans le cadre de la réforme du système éducatif haïtien, des cours sur les droits de l’homme sont également prévus, à partir de la 7ème année fondamentale.

139.Le Gouvernement haïtien reconnait que de grands efforts doivent être déployés, en vue de garantir le respect intégral de plusieurs dispositions du Pacte. A ce compte, un Ministre Délégué auprès du Premier Ministre Chargé des Droits de l’Homme et de la lutte contre la Pauvreté Extrême a été nommé, en vue d’assurer la promotion du respect des droits de la personne humaine. L’action de son bureau qui a déjà un effet structurant et dynamisant sur le système national de protection des droits humains, sera bientôt renforcée par la création d’un Institut des Droits de l’Homme.

140.Cet Institut des Droits de l’Homme sera chargé de dispenser une formation en la matière à des membres appartenant à plusieurs secteurs vitaux de la nation, tant public que privé. L’une des tâches de cet institut, qui aura des annexes dans tous les départements, reviendra aussi à proposer à l’État des mesures à adopter dans le cadre de l’application du Pacte et des autres conventions relatives aux droits de l’homme.