Nations Unies

CERD/C/PRY/CO/4-6

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

4 octobre 2016

Français

Original : espagnol

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Paraguay valant quatrième à sixième rapports périodiques *

Le Comité a examiné le rapport du Paraguay valant quatrième à sixième rapports périodiques (CERD/C/PRY/4-6) à ses 2458e et 2459e séances (CERD/C/SR.2458 et 2459), les 8 et 9 août 2016. À ses 2477e et 2478e séances, le 22 août 2016, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté son rapport valant quatrième à sixième rapports périodiques. Il se déclare satisfait du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et accueille avec satisfaction les renseignements complémentaires fournis après le débat.

B.Aspects positifs

Le Comité salue la ratification par l’État partie de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961, le 6 juin 2012, et de la Convention relative au statut des apatrides de 1954, le 1erjuillet 2014.

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et institutionnelles prises par l’État partie au cours de la période considérée, en particulier :

a)L’adoption de la loi no 5469/2015 relative à la santé des peuples autochtones, promulguée le 7 septembre 2015, qui a porté création de la Direction nationale de la santé des peuples autochtones et du Conseil national de la santé des peuples autochtones ;

b)La création du Conseil national de l’éducation des peuples autochtones, en juillet 2016 ;

c)La création, en 2014, du système de surveillance de l’application des recommandations émanant des différents mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Le Comité constate aussi avec satisfaction que l’État partie a adressé aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays. À cet égard, le Comité salue la visite de la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones en novembre 2014 et encourage l’État partie à veiller à ce que toutes les recommandations figurant dans son rapport (A/HRC/30/41/Add.1, par. 78 à 92) soient dûment appliquées.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a mis en place une coopération étroite avec la Conseillère aux droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Composition démographique de la population

Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie sur les résultats du troisième recensement national de la population et du logement effectué en 2012. Il regrette que ces renseignements ne reflètent pas correctement la composition démographique de la population de l’État partie et qu’il ne soit pas fait mention d’indicateurs relatifs aux droits de l’homme et d’indicateurs socioéconomiques qui permettraient d’évaluer les progrès accomplis vers la réalisation, dans des conditions d’égalité, des droits énoncés dans la Convention. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de données ventilées fiables sur la population afro-paraguayenne, ce qui ne permet pas de bien évaluer la situation dans laquelle se trouve ce groupe de la population (art. 2, par. 1).

Rappelant sa recommandation générale n o 4 (1973) sur les rapports des États parties eu égard à la composition démographique de la population , et sa recommandation antérieure (CERD/C/PRY/ CO/1-3, par.  9), le Comité engage l ’ État partie à recueillir et lui fournir des statistiques fiables, actualisées et complètes sur la composition démographique de la population, en particulier sur la population afro-paraguayenne, ainsi que des indicateurs relatifs aux droits de l ’homme et des indicateurs socio économiques, ventilés par origine ethnique, sexe, âge, région, zones urbaines et rurales, y compris zones les plus reculées. Le Comité rappelle à l ’ État partie que de tels renseignements sont nécessaires pour élaborer des politiques publiques et des programmes appropriés en faveur des groupes de la population victimes de discrimination raciale et pour évaluer la mise en œuvre de la Convention en ce qui concerne les divers groupes qui composent la société.

Discrimination structurelle

Le Comité est préoccupé par la discrimination structurelle dont les peuples autochtones continuent d’être victimes, ainsi que par la discrimination et l’invisibilité auxquelles les Afro-Paraguayens font face et dont témoignent les inégalités rencontrées par les peuples autochtones et afro-paraguayens dans l’exercice des droits fondamentaux par rapport au reste de la population (art. 1er, 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une politique nationale globale de lutte contre le racisme et la discrimination raciale qui favorise l ’ inclusion sociale et réduise les niveaux élevés d ’ inégalité et de pauvreté touchant les autochtones et les Afro-Paraguayens. Tenant compte de sa recommandation générale n o 32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention, le Comité exhorte l ’ État partie à prendre des mesures spéciales ou d ’ action positive afin d ’ éliminer la discrimination structurelle à l ’ encontre des peuples autochtones et des Afro ‑ Paraguayens. Le Comité engage l ’ État partie à adopter un plan pour reconnaître la population afro-paraguayenne et lui donner plus de visibilité, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ encontre des personnes d ’ ascendance africaine.

Définition de la discrimination raciale

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas de définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention et regrette que le Congrès n’ait pas adopté le projet de loi relatif à la lutte contre toutes les formes de discrimination. En outre, le Comité note avec préoccupation que ni les actes de discrimination raciale ni les mesures énumérées dans l’article 4 de la Convention n’ont été définis dans le droit pénal interne (art. 1er, par. 1 et 4).

À la lumière de sa recommandation générale n o  14 (1993) sur le paragraphe  1 de l ’ article premier de la Convention, le Comité rappelle sa recommandation antérieure (CERD/C/PR Y/CO/1-3, par.  9) et engage l ’ État partie à accélérer l ’ adoption de la législation nécessaire pour prévenir le racisme et la discrimination raciale, en incorporant une définition de la discrimination raciale qui inclue tous les éléments du paragraphe 1 de l ’ article premier de la Convention et couvre les actes de discrimination directe et indirecte dans tous les domaines du droit et de la vie publique. À la lumière de ses recommandations générales n o 7 (1985) sur l ’ application de l ’ article  4 et n o 15 (1993) sur l ’ article 4 de la Convention, le Comité exhorte l ’ État partie à ériger en infraction les actes de discrimination raciale et les actes décrits à l ’article  4 de la Convention, compte tenu de la recommandation générale n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale. En outre, il lui recommande de veiller à ce que la motivation raciale soit considérée comme une circonstance aggravante dans la condamnation des crimes.

Bureau du Défenseur du peuple

Le Comité constate avec préoccupation qu’aucun nouveau Défenseur du peuple n’a été nommé depuis 2008, date à laquelle le titulaire du mandat a achevé son mandat, ce qui compromet sérieusement l’indépendance, la légitimité et l’efficacité de l’institution nationale des droits de l’homme. Le Comité note aussi avec inquiétude que le statut d’accréditation du Bureau du Défenseur du peuple a été suspendu par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme (anciennement Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l’homme) (art. 2, par. 1).

Le Comité exhorte l ’ État partie à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour procéder à la désignation du Défenseur du peuple dans le cadre d ’ une procédure de sélection et de nomination transparente et participative, accordant la priorité au mérite, aux compétences et à l ’ intégrité. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour veiller à ce que le Bureau du Défenseur du peuple soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Institut paraguayen des autochtones

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas pris les mesures nécessaires pour assurer la représentativité des peuples autochtones au sein de l’Institut paraguayen des autochtones et renforcer l’autonomie institutionnelle de l’Institut. En outre, il note avec préoccupation que l’Institut a vu son budget sensiblement réduit, ce qui limite sa capacité de s’acquitter efficacement de son mandat (art. 2, par. 1).

À la lumière de sa recommandation précédente (CERD/C/PRY/CO/1-3, par. 14), le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour transformer l ’ Institut paraguayen des autochtones en institution autonome, représentative des peuples autochtones et dotée de pouvoirs suffisants pour formuler et coordonner toutes les politiques publiques relatives aux peuples autochtones. Il lui recommande aussi de veiller à ce que l ’ Institut ait les ressources financières, matérielles, techniques et humaines nécessaires pour s ’ acquitter efficacement de ses fonctions.

Consultation préalable

Le Comité prend note des explications fournies par la délégation durant le dialogue sur l’objectif consistant à soumettre à court terme un avant-projet de loi relatif à la consultation préalable et sur la réalisation du droit à la consultation préalable en vertu du Protocole de prise en charge des communautés autochtones du Secrétariat à l’action sociale. Le Comité constate toutefois avec préoccupation que la consultation préalable n’est pas systématique, si bien que le droit à la consultation préalable des peuples autochtones en vue de donner leur consentement libre, préalable et éclairé n’est pas toujours respecté en ce qui concerne les décisions qui peuvent les concerner. Le Comité note aussi avec préoccupation des informations selon lesquelles des licences environnementales ont été accordées pour des projets dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage, de l’exploitation forestière et de l’exploration pétrolière sans consultation préalable des communautés autochtones concernées (art. 2 et 5).

Rappelant sa recommandation générale n o 23 (1997) sur les droits des peuples autochtones, le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) De lancer un vaste processus de consultation et de participation avec les peuples autochtones sur l ’ avant-projet de loi relatif à la consultation préalable, en veillant à ce que cet avant-projet soit conforme aux normes internationales, en particulier à la convention ( n o  169) de l ’ Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux , 1989, et à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones  ;

b) D ’ adopter des procédures appropriées pour que des consultations préalables en vue d ’ obtenir le consentement libre, préalable et éclairé se tiennent systématiquement, en toute bonne foi, en temps opportun et dans des délais raisonnables, en fournissant des informations suffisantes et appropriées aux peuples autochtones et en veillant en outre à ce que les traditions et les caractéristiques culturelles de chaque peuple soient respectées  ;

c) De veiller à ce que tous les projets de développement et d ’ exploitation des ressources naturelles et toutes les mesures législatives ou administratives susceptibles d ’ avoir des effets sur les peuples autochtones soient soumis à la consultation préalable en vue d ’ obtenir le consentement libre, préalable et éclairé de ces peuples.

Terres, territoires et ressources autochtones

Le Comité prend note de la reconnaissance constitutionnelle des droits que détiennent les peuples autochtones sur leurs territoires et accueille avec satisfaction les efforts déployés pour la restitution de terres aux peuples autochtones, mais il constate avec préoccupation que l’État partie ne dispose toujours pas de mécanismes appropriés et efficaces permettant de revendiquer des terres et territoires ancestraux et d’en obtenir la restitution, et qu’un grand nombre de peuples autochtones n’ont pas de terres ou n’ont pas encore obtenu un titre de propriété foncière. Il est en outre préoccupé par l’absence de mécanismes efficaces de protection des droits des peuples autochtones sur leurs terres, territoires et ressources, du fait en partie de lacunes dans le cadastre et de la généralisation de l’accaparement de terres par des acteurs privés, des entreprises ou des particuliers, ce qui a entraîné des conflits sociaux et des expulsions forcées de peuples autochtones de leurs terres ou territoires (art. 5).

Le Comité engage l ’ État partie à  :

a) Établir un mécanisme approprié et efficace permettant de revendiquer des terres et territoires ancestra ux et d ’ en obtenir la restitution, en veillant à l ’ allocation de ressources humaines, techniques et financières adéquates pour assurer le fonctionnement efficace de ce mécanisme  ;

b ) Prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir la prot ection d es droits qu ’ ont les peuples autochtones de posséder, d ’ utiliser, de mettre en valeur et de contrôler en toute sécurité leurs terres, territoires et ressources, y compris par la reconnaissance légale et la protection juridique nécessaires, en conformité avec les normes internationales  ;

c ) Adopter toutes les mesures nécessaires, y compris des systèmes d ’ alerte rapide et d ’ action urgente, pour éviter que les autochtones ne soient victimes de l ’ accaparement de leurs terres , territoires ou ressources par des tiers et pour les protéger contre les expulsions forcées de leur s terres et territoires.

Application des arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme

Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour se conformer aux arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans les affaires Yakye Axa, Sawhoyamaxa et Xákmok Kásek. Il constate toutefois avec inquiétude que ces arrêts n’ont pas encore été intégralement appliqués, ce qui continue d’entraver l’exercice des droits de ces communautés (art. 6).

Rappelant sa précédente recomman dation (CERD/C/PRY/CO/1-3, par.  17), le Comité exhorte l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour assurer la mise en œuvre rapide et efficace des dispositions en suspens figurant dans les arrêts concernant les affaires Communauté autochtone Yakye Axa c. Paraguay , Communauté autochtone Sawhoyamaxa c. Paraguay et Communauté autochtone Xákmok Kásek c . Paraguay , rendus par la Cour interaméricaine des droits de l ’ homme.

Effets des projets d’exploitation de ressources naturelles

Le Comité est préoccupé par les effets néfastes de certaines activités d’exploitation des ressources naturelles comme la culture intensive du soja et l’abattage d’arbres sur les conditions de vie des peuples autochtones, qui se font particulièrement sentir sur leurs moyens de subsistance traditionnels, ainsi que sur les ressources en eau se trouvant sur leurs terres et leurs territoires (art. 5, e)).

Étant donné que la protection des droits de l ’ homme et l ’ élimination de la discrimination raciale sont un aspect essentiel d ’ un développement économique durable, et conscient du rôle que jouent aussi bien le secteur public que le secteur privé, le Comité engage l ’ État partie à  :

a) Prendre les mesures nécessaires pour contrôler la culture de soja et l ’ abattage d ’ arbres afin qu ’ ils n ’ aient pas d ’ effets préjudiciables sur les conditions de vie des peuples autochtones  ;

b ) Réaliser des évaluations de l ’ impact social et environnemental que peut avoir l ’ exploitation des ressources naturelles dans les territoires des peuples autochtones, dans le but de protéger leurs moyens de subsistance traditionnels ainsi que des ressources en eau  ;

c ) Veiller à ce que les peuples autochtones touchés par les activités d ’ exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires reçoivent une indemnisation pour les dommages ou pertes subis et puissent bénéficier de ces activités.

Peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de premier contact

Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures appropriées pour protéger les peuples autochtones dans le Chaco et la partie orientale du pays qui se trouvent en situation d’isolement volontaire ou de premier contact. Il est en outre préoccupé par la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve en particulier le peuple Ayoreo Totobiegosode en raison de la déforestation de ses territoires, qui met en danger sa survie physique et culturelle (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre sans tarder des mesures appropriées pour assurer la protection de la survie physique et culturelle des peuples autochtones en situation d ’ isolement volontaire ou de premier contact et d ’ adopter les mesures nécessaires pour garantir leur mise en œuvre, en tenant compte des directives relatives à la protection des peuples autochtones en situation d ’ isolement et de premier contact dans les régions de l ’ Amazonie, du Gran Chaco et de l ’ est du Paraguay. Il encourage l ’ État partie à donner effet aux mesures de protection prises le 3 février 2016 par la Commission interaméricaine des droits de l ’ homme en faveur du peuple Ayoreo Totobiegosode dans l’affaire Communautés en situation d’isolement volontaire du peuple Ayoreo Totobiegosode ( décision n o 54/13 ).

Participation à la vie politique

Le Comité note avec préoccupation l’absence de mesures appropriées pour promouvoir la participation des peuples autochtones et afro-paraguayens à la prise de décisions dans le domaine de la vie publique. Il note aussi avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni d’informations sur la représentation des peuples autochtones à tous les niveaux de l’administration publique (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour assurer la pleine participation des peuples autochtones et afro-paraguayens dans les institutions de l ’ administration publique, en particulier aux postes de décision, et de prendre des mesures efficaces pour garantir la participation, dans des conditions d ’ égalité, des autochtones et des Afro-Paraguayens à tous les niveaux de l ’ administration publique, aux échelons national et local, afin de faciliter l ’ élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques qui garantissent leurs droits. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de faire mieux comprendre aux autochtones et aux personnes d ’ ascendance africaine l ’ importance que revêt leur participation active à la vie publique et politique.

Situation des défenseurs des droits de l’homme et des dirigeants autochtones

Le Comité est préoccupé par les informations reçues concernant des actes de représailles, des actes d’intimidation, des menaces et même des actes arbitraires de la part des autorités publiques contre des défenseurs des droits de l’homme, y compris des dirigeants autochtones et des défenseurs des droits de peuples autochtones (art. 2, 5 b) et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des défenseurs des droits de l ’ homme, y compris des dirigeants et des défenseurs des droits des peuples autochtones, contre tous actes de harcèlement, d ’ intimidation, de représailles, de menaces, ainsi que tout acte arbitraire de la part d ’ autorités publiques ou d ’ acteurs privés dans l ’ exercice de leurs fonctions  ;

b ) D ’ enquêter sur tous actes de harcèlement, d ’ intimidation, de représailles et de menaces contre des défenseurs des droits de l ’ homme et de sanctionner comme il se doit les responsables  ;

c ) De mener des campagnes d ’ information et de sensibilisation sur le travail crucial accompli par les défenseurs des droits de l ’ homme, y compris les dirigeants et les défenseurs des droits des peuples autochtones, afin de favoriser un climat de tolérance qui leur permette de mener à bien leurs activités, à l ’ abri de toutes formes d ’ intimidation, de menaces et de représailles.

Conditions d’emploi

Le Comité demeure préoccupé par les informations faisant état des conditions de travail précaires auxquelles sont confrontés des autochtones, en particulier dans des exploitations agricoles et pastorales du Chaco paraguayen ; dans certains cas, des autochtones continuent d’être victimes d’exploitation par le travail (art. 2 et 5 e) i)).

Le Comité rappelle sa précédente recommandation (CERD/C/PRY/CO /1-3, par.  16) et exhorte l ’ État partie à prendre des mesures immédiates et efficaces pour garantir le plein exercice des droits des peuples autochtones dans le Chaco paraguayen. Il demande instamment à l ’ État partie de prévenir comme il se doit tous les actes de discrimination et d ’ exploitation des travailleurs autochtones dans la région du Chaco paraguayen, de mener des enquêtes sur toutes les affaires et d ’ engager des poursuites contre les responsables, en veillant à ce que les victimes aient accès à la justice et reçoivent une protection et une réparation adéquates, et à ce que les responsables soient dûment poursuivis et punis conformément à la gravité de l ’ infraction. Le Comité engage l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour renforcer le système d ’ inspection du travail et à lui soumettre dans son prochain rapport des renseignements sur les enquêtes réalisées et, le cas échéant, le nombre et le type de sanctions imposées.

Droit à l’eau et à l’alimentation

Le Comité accueille avec satisfaction les efforts que l’État partie a déployés pour garantir le droit des peuples autochtones à une alimentation adéquate et à l’eau, mais il constate avec inquiétude qu’il existe encore des inégalités importantes dans l’exercice de ces droits entre la population autochtone et afro-paraguayenne et le reste de la population (art. 5 e)).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour s ’ attaquer efficacement à l ’ insécurité alimentaire et à la malnutrition des enfants, qui touchent particulièrement les peuples autochtones, et de garantir l ’ accès des peuples autochtones et afro-paraguayens, dans des conditions de sécurité et à un coût abordable, aux services d ’ eau potable et d ’ assainissement, en particulier dans les régions rurales et reculées.

Accès à la santé

Le Comité accueille avec satisfaction les progrès accomplis dans l’élaboration du règlement d’application de la loi relative à la santé des peuples autochtones, mais il est préoccupé par la médiocrité des infrastructures, la pénurie de médicaments, ainsi que la qualité et la disponibilité des services de soins de santé dans les zones rurales et reculées où habitent principalement des peuples autochtones (art. 5 e) iv)).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires, notamment l ’ allocation des ressources nécessaires à la mise en œuvre effective de la loi relative à la santé des peuples autochtones et de son règlement, ainsi que le fonctionnement efficace de la Direction nationale de la santé des peuples autochtones et du Conseil national de la santé des peuples autochtones. Il recommande aussi à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour garantir l ’ accessibilité, la disponibilité et la qualité des soins de santé, compte tenu en particulier des besoins, des traditions et des différences culturelles des peuples autochtones.

Accès à l’éducation

Le Comité est préoccupé par les inégalités importantes dans l’accès à l’éducation, qui touchent principalement les enfants autochtones et afro-paraguayens. Il s’inquiète en outre du taux élevé d’analphabétisme parmi la population autochtone et afro-paraguayenne (art. 5 e) v)).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accroître ses efforts pour éradiquer l ’ analphabétisme et assurer la disponibilité, l ’ accessibilité et la qualité de l ’ éducation pour les enfants autochtones et afro-paraguayens, y compris dans leur langue maternelle, grâce à l ’ élaboration de plans d ’ éducation interculturelle qui remplissent l ’ objectif de promouvoir et de préserver l ’ identité culturelle des peuples autochtones et afro-paraguayens. Il lui recommande en outre de poursuivre ses efforts pour construire des écoles dans les zones rurales et les régions reculées où habitent de nombreux autochtones et améliorer la qualité et l ’ infrastructure de ces écoles.

Accès à la justice

Le Comité prend note des efforts que l’État partie a déployés pour garantir l’accès des peuples autochtones à la justice, notamment par la reconnaissance de la justice autochtone et l’harmonisation du droit pénal avec la justice autochtone, mais il constate avec préoccupation que les mesures prises ne concernent que la justice pénale. Le Comité est en particulier préoccupé par les informations faisant état de comportements discriminatoires racistes profondément ancrés dans le système judiciaire à l’égard des peuples autochtones (art. 6).

À la lumière de sa recommandation générale n o 31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité engage l ’ État partie à  :

a) Intensifier ses efforts pour la reconnaissance et le respect des systèmes traditionnels de justice des peuples autochtones, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme  ;

b ) Adopter les mesures nécessaires pour garantir l ’ accès des peuples autochtones à la justice, en veillant au respect de leurs droits fondamentaux et des garanties d ’ une procédure régulière  ;

c ) Éliminer la discrimination raciale dans le système judiciaire, notamment grâce à la formation des policiers, des procureurs, des avocats, des juges et des professionnels de la justice sur les droits des peuples autochtones et les droits de l ’ homme.

Formes multiples de discrimination

Le Comité constate avec préoccupation que les femmes appartenant à des peuples autochtones et les femmes afro-paraguayennes continuent d’être victimes de formes multiples de discrimination en ce qui concerne la participation à la prise de décisions, l’accès à un niveau de vie suffisant, l’éducation, le travail, les services de santé, y compris les services de santé sexuelle et procréative (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir compte de sa recommandation générale n o 25 (2000) sur la dimension sexiste de la discrimination raciale et d ’ intégrer une perspective de genre dans toutes les politiques et stratégies de lutte contre la discrimination raciale pour remédier aux formes multiples de discrimination qui touchent en particulier les femmes autochtones et afro-paraguayennes. Il engage l ’ État partie à prendre des mesures axé e s sur une démarche interculturelle pour améliorer l ’ accès des femmes autochtones et afro-paraguayennes à l ’ éducation, à l ’ emploi, à la justice et à la santé, y compris la santé sexuelle et procréative.

Situation des demandeurs d’asile

Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par la délégation sur l’arrivée dans l’État partie de demandeurs d’asile en provenance de la République arabe syrienne, mais il est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises pour assurer leur protection (art. 2).

Ayant à l ’ esprit sa recommandation générale n o 30 (2004) sur la discrimination à l ’ encontre des non-ressortissants, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des demandeurs d ’ asile et l’invite à inclure des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres traités

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l ’ homme, le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications ; ainsi que la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d ’ intolérance de 2013 et la Convention interaméricaine contre toutes les formes de discrimination et d ’ intolérance de 2013.

Déclaration prévue à l’article 14

Le Comité engage l ’ État partie à envisager la possibilité de faire la déclaration facultative prévue à l ’ article  14 de la Convention.

Amendement à l’article 8 de la Convention

Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier l ’ amendement au paragraphe  6 de l ’ article  8 de la Convention, adoptée le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvée par l ’ Assemblée générale dans sa r ésolution  47/111. Il rappe lle à cet égard les résolutions  61/148, 63/243, 65/200 et 67/156 de l ’ Assemblée générale, dans lesquelles il était demandé instamment aux États parties à la Convention d ’ accélérer leurs procédures internes de ratification de cet amendement et d ’ aviser le Secrétaire général par écrit, dans les meilleurs délais, de leur acceptation.

Déclaration et Programme d’action de Durban

À la lumière de sa recommandation générale n o  33 (2009) sur le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban, le Comité recommande à l ’ État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d ’ examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention dans son ordre juridique interne . Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d ’ action qu ’ il aura adoptés et les autres mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d ’ action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

À la lumière des résolutions 68/237 de l ’ Assemblée générale, dans laquelle l ’ Assemblée a proclamé Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine la période allant de 2015 à 2024, et 69/16 sur le programme d ’ activités relative à la Décennie, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre un programme adéquat de mesures et de politiques. Le Comité prie l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura adoptées dans ce contexte, en tenant compte de sa recommandation générale n o  34.

Diffusion des rapports et des observations finales

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de faire de même pour les présentes observations finales du Comité, en les diffusant dans les deux langues officielles et, s ’ il y a lieu, dans les autres langues couramment utilisées.

Consultations avec les organisations de la société civile

Le Comité recommande à l ’ État partie de mener des consultations et de renforcer son dialogue avec les organisations de la société civile qui œuvrent à la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l ’ établissement du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention et à l ’ article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l ’ État partie de lui fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations qui figurent dans les paragraphes 14, 22 et 3 0 b) ci-dessus .

Paragraphes d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 10, 20 et 40 ci-dessus , et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite.

Établissement du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant septième et huitième rapports périodiques d ’ ici au 17 septembre 2018, en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Compte tenu de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité invite l ’ État partie à respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.