Nations Unies

CAT/C/61/D/690/2015

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

28 septembre 2017

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 690/2015 * , **

Communication p résentée par :

E. A. (représenté par un conseil)

Au nom de :

E. A.

État partie :

Suède

Date de la requête :

20 juillet 2015 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

11 août 2017

Objet :

Non-refoulement ; prévention de la torture

Questions de fond :

Expulsion vers le Liban

Questions de procédure :

Griefs non étayés

Article(s) de la Convention :

3 et 22

Informations générales

1.1Le requérant est E. A., de nationalité libanaise, né en 1992. Il a demandé l’asile en Suède, mais sa demande a été rejetée et il risque d’être expulsé vers le Liban. Il affirme que son expulsion l’exposerait au risque d’être torturé ou soumis à d’autres formes de traitements inhumains ou dégradants par les autorités libanaises et constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention.

1.2Le 27 juillet 2015, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant tant que sa requête serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est un homme homosexuel, né dans la partie sud du Liban et vivant actuellement en Suède. Depuis 2013, il a un compagnon suédois de même sexe. Si sa mère a accepté son orientation sexuelle, son père, qui vit en Israël, n’en a pas connaissance et, affirme le requérant, ne l’accepterait jamais. Le requérant et sa mère ont décidé de ne pas mettre son père ou les autres membres de la famille au courant de son orientation sexuelle. Cependant, un ami du requérant l’a vu avec son compagnon et a révélé l’information à sa famille au Liban. Les autorités libanaises ont également connaissance de son orientation sexuelle. L’histoire du requérant a été relatée dans les journaux suédois et, même si son nom n’était pas révélé dans les articles, l’ambassade du Liban en Suède lui a dit que l’on savait que c’était de lui dont il était question dans les articles.

2.2Le requérant est arrivé en Suède avec sa mère et ses deux sœurs en 2006, alors qu’il était mineur. La famille a présenté une demande d’asile au motif de l’engagement du père du requérant dans la lutte en faveur du Gouvernement d’Israël. Cette demande a été rejetée par l’Office des migrations en 2007, et par le Tribunal des migrations en 2008. Le 9 mars 2013, à savoir le jour où la mesure d’expulsion le visant a été frappée de prescription, le requérant a présenté une nouvelle demande d’asile fondée sur le fait qu’il était homosexuel et qu’il risquait en tant que tel d’être arrêté et torturé par la police, ainsi que de subir des mauvais traitements de la part de sa famille, en cas de renvoi au Liban. L’Office des migrations a rejeté sa demande le 17 septembre 2014. Le recours qu’il a formé contre cette décision a été rejeté par le Tribunal des migrations le 17 décembre 2014. Le 16 février 2016, la Cour d’appel des migrations a refusé de l’autoriser à interjeter appel de la décision du Tribunal des migrations et la décision d’expulsion le visant est devenue définitive.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme que l’article 534 du Code pénal libanais réprime les « relations sexuelles contre nature », lesquelles sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Les relations homosexuelles tombent en pratique sous le coup de cette disposition. Le requérant soutient que les hommes homosexuels arrêtés en vertu de l’article 534 sont victimes de violences policières pendant leur détention. Il affirme que s’il était expulsé vers le Liban, il courrait le risque d’être torturé ou de subir d’autres formes de traitements inhumains ou dégradants de la part de la police. Il risquerait aussi de subir des violences ou d’être tué par des membres de sa famille au nom de l’honneur et ne pourrait pas se tourner vers les autorités pour obtenir leur protection.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations en date du 14 mars 2016, l’État partie affirme que la communication devrait être considérée comme irrecevable car manifestement dénuée de fondement. Il affirme en outre que, dans l’éventualité où le Comité déclarerait la communication recevable, le renvoi du requérant vers le Liban ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

4.2L’État partie indique qu’une crainte fondée d’être persécuté en raison de son orientation sexuelle figure parmi les critères de l’asile prévus par la loi suédoise sur les étrangers, que le risque émane des autorités ou que la protection accordée par les autorités contre des persécutions de la part de particuliers soit insuffisante. Les dernières directives générales adoptées par l’Office des migrations en vue d’orienter et de faciliter l’évaluation des questions touchant aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres datent du 15 octobre 2015. Ce type d’affaire est traité par des agents spécialisés qui ont reçu une formation dans ce domaine.

4.3En ce qui concerne les faits de l’espèce, l’État partie fournit des informations détaillées sur plusieurs procédures de demande d’asile et de permis de séjour engagées par le requérant auprès des autorités suédoises. Il indique que les demandes du requérant ont été examinées plus avant à la lumière de deux critères établis par le Comité dans sa jurisprudence, à savoir la situation générale des droits de l’homme au Liban et le risque personnel que courrait le requérant d’être soumis à la torture après son retour.

4.4Pour ce qui est de la situation générale des droits de l’homme, l’État partie affirme qu’il n’existe pas au Liban un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Selon le Country Report on Human Rights Practices 2014 (rapport de pays sur les pratiques en matière de droits de l’homme) du Département d’État des États-Unis, l’article 534 du Code pénal libanais est rarement appliqué et, lorsqu’il l’est, son application donne souvent lieu à une amende. Il est rapporté que le nombre de cas de harcèlement de militants de la cause des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres a diminué récemment et qu’il a été déclaré dans une décision de justice importante, rendue en 2009, que les actes homosexuels n’étaient pas « contre nature » parce qu’ils étaient consentis. Le rapport indique en outre que d’autres jugements dans le même sens ont été rendus ultérieurement. Selon le même rapport, qui cite l’organisation non gouvernementale Helem, en 2010, moins de 10 affaires ont donné lieu à des poursuites sur le fondement de l’article 534 du Code pénal. D’après l’ambassade de Suède à Amman, aucun procès n’était en cours sur cette base en 2013. L’État partie estime donc que la situation actuelle des droits de l’homme au Liban, y compris en ce qui concerne les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, ne suffit pas en elle-même à établir que le renvoi forcé du requérant violerait les obligations incombant à l’État partie au titre de l’article 3 de la Convention. Dès lors, le requérant doit démontrer qu’il courrait personnellement le risque de subir des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.

4.5En ce qui concerne le risque personnel auquel il serait exposé après son retour, le requérant a soulevé devant le Comité des griefs identiques à ceux examinés par les autorités nationales, à savoir qu’il risque, s’il est renvoyé dans son pays d’origine, d’être victime de torture ou de subir des traitements ou peines inhumains ou dégradants de la part des autorités libanaises ainsi que de sa famille, en raison de son orientation sexuelle. L’État partie souligne que différentes dispositions de la loi sur les étrangers reflètent les principes énoncés dans l’article 3 de la Convention. Il fait également observer que l’Office des migrations et le Tribunal des migrations ont procédé à un examen approfondi de l’affaire, en disposant de renseignements suffisants pour effectuer une évaluation éclairée, transparente et raisonnable des besoins du requérant en matière de protection. À cet égard, l’État partie renvoie au paragraphe 9 de l’observation générale no 1 (1997) du Comité sur l’application de l’article 3, dans laquelle il est dit que c’est aux tribunaux des États parties à la Convention, et non au Comité lui-même, qu’il incombe d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, à moins qu’il ne soit établi que la manière dont ces faits et éléments de preuve ont été appréciés était manifestement arbitraire ou équivalait à un déni de justice. L’État partie affirme qu’il n’y a aucune raison de considérer qu’en l’espèce les décisions des autorités nationales étaient inappropriées, arbitraires ou représentaient un déni de justice.

4.6L’État partie souligne que la nouvelle demande d’asile du requérant a été examinée bien qu’elle ait été présentée tardivement, à une date où l’intéressé aurait déjà dû quitter la Suède ou refaire une demande d’asile. Concernant la menace que son père et ses proches représenteraient, en dehors de ses propres suppositions selon lesquelles sa famille aurait pu apprendre son orientation sexuelle, le requérant n’a produit aucune preuve de l’existence d’une menace concrète et personnelle à son égard, autre que celle découlant de la situation générale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles. Son père vit en Israël depuis de nombreuses années, mais le requérant n’a fait état d’aucune situation antérieure dans laquelle son père aurait eu un comportement violent. Le requérant lui-même n’a pas vécu au Liban depuis qu’il était mineur et il n’a, par le passé, jamais été victime de mauvais traitements dans son pays d’origine. C’est aujourd’hui un adulte indépendant et instruit et aucun élément du dossier ne permet d’établir que l’un quelconque de ses proches représenterait pour lui une menace réelle qui équivaudrait à un traitement relevant de l’article 3 de la Convention.

4.7Pour ce qui est de la menace émanant des autorités, l’État partie met en relief que, bien que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres soient un groupe vulnérable au Liban, l’article 534 du Code pénal est rarement appliqué et ne suffit pas en lui-même à constituer un risque réel et personnel pour le requérant de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention, vu en particulier que rien ne prouve que les autorités persécutent activement les homosexuels. L’État partie conclut que les griefs du requérant ne sont pas fondés sur des éléments dépassant de simples supputations ou soupçons et que son renvoi au Liban ne serait pas constitutif d’une violation de l’article 3 de la Convention.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Dans ses commentaires en date du 29 août 2016 sur les observations de l’État partie, le requérant affirme que selon de nombreuses sources dignes de foi, l’article 534 du Code pénal continue en réalité à être appliqué pour procéder à l’arrestation d’homosexuels et les soumettre à la torture, et qu’il est donc personnellement exposé à une menace. Il affirme que l’État partie n’a pas produit de preuve réelle et déterminante à l’appui de l’affirmation selon laquelle l’article 534 du Code pénal ne serait pas, dans les faits, appliqué aujourd’hui. Même si une amende est substituée à la peine de prison, elle est inscrite au casier judiciaire, qui est souvent demandé pour accéder, notamment, à un travail ou à des services, ce qui aggrave donc le risque de discrimination sociale. En dépit des efforts déployés dans le pays pour que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres soient mieux acceptées, être homosexuel au Liban demeure risqué. Le requérant conclut qu’étant donné que la loi réprimant les relations homosexuelles est appliquée au Liban, en cas de renvoi dans ce pays il courra personnellement un risque prévisible et réel d’être victime de torture. Il ne pourra pas vivre ouvertement sa sexualité sans devoir craindre avec raison d’être arrêté, soumis à un examen anal, emprisonné et torturé en prison.

5.2Pour ce qui est de la menace représentée par ses proches, le requérant soutient que l’État partie admet comme un fait établi que ceux-ci sont au courant de son homosexualité. Il s’agit de personnes conservatrices, et l’homosexualité fait l’objet au Liban d’une profonde stigmatisation. De nombreuses personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres y endurent des violences physiques et psychologiques de la part de leur famille et certaines sont victimes de crimes d’honneur et de violence familiale. Il est donc très probable que le requérant sera persécuté par sa famille. Il est impossible d’apporter des éléments ayant une plus grande valeur probante à l’appui de cette affirmation.

Observations complémentaires des parties

6.Dans des notes en date du 18 novembre 2016 et du 15 mai 2017, l’État partie a réaffirmé la position initiale qu’il avait exposée dans ses observations du 14 mars 2016, à savoir que la situation générale au Liban ne justifie pas des mesures de protection en faveur du requérant et que celui-ci n’a pas démontré qu’il serait personnellement exposé, en cas de renvoi, à un risque de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

7.1Dans une note en date du 15 décembre 2016, le requérant a présenté ses observations complémentaires en réponse aux observations de l’État partie, dans lesquelles il affirme qu’il ressort des nombreux rapports sur les droits de l’homme cités dans ses précédentes observations qu’il existe au Liban pour toute personne homosexuelle un risque manifeste et général d’être persécutée et torturée et que lui-même, en tant qu’homme homosexuel, est fondé à craindre d’être persécuté en cas de renvoi. Les renseignements qu’il a déjà fournis sur le rejet dont les homosexuels font l’objet de la part de la société libanaise et le fait que ses proches ont connaissance de son orientation sexuelle suffisent à établir qu’il courrait le risque d’être persécuté par sa famille s’il était renvoyé.

7.2Le 26 janvier 2017, le requérant a produit un nouveau rapport de l’Office suédois des migrations, daté du 29 novembre 2016, sur des affaires concernant des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres au Liban, en affirmant que ce document prouvait que l’article 534 du Code pénal avait été davantage utilisé en 2016, que des personnes avaient été placées en détention au seul motif qu’elles étaient soupçonnées d’être homosexuelles et que la pratique de l’examen anal persistait. Le requérant a aussi produit à l’appui de ses affirmations une déclaration, datée du 3 janvier 2017, émanant de l’ancien président de la Swedish Federation for Lesbian, Bisexual, Transgender and Queer Rights, qui l’avait représenté au cours des procédures internes, et un certificat établi par un psychothérapeute de la Croix-Rouge suédoise en date du 16 janvier 2017 attestant qu’il souffrait de troubles post-traumatiques complexes dus aux incertitudes liées à sa situation et aux décisions injustes prises par les autorités dans l’affaire le concernant. Le requérant affirme que les autorités suédoises lui ont demandé avec insistance de prendre contact avec l’ambassade du Liban pour faire une demande de passeport aux fins de la procédure d’établissement d’un permis de séjour. L’ambassade n’a pas été en mesure de lui délivrer un passeport, mais maintenant il devait certainement figurer sur les registres des autorités libanaises et, selon lui, « des renseignements sur sa situation sont probablement transmises au service de sécurité libanais ».

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2Le Comité rappelle que conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête sans s’être assuré que tous les recours internes disponibles ont été épuisés. Il note qu’en l’espèce l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la requête pour ce motif.

8.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la requête devrait être déclarée irrecevable faute d’être suffisamment étayée. Il considère toutefois que les arguments dont il est saisi soulèvent des questions importantes au titre de l’article 3 de la Convention et qu’ils devraient être examinés au fond et non du seul point de vue de la recevabilité. Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la présente requête recevable.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si en renvoyant le requérant au Liban, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite par l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture.

9.3Le Comité doit apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait personnellement d’être victime de torture à son retour au Liban.

9.4Pour évaluer ce risque, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être victime de torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays ; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque.

9.5Le Comité rappelle son observation générale no 1, dans laquelle il est dit que l’existence du risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. S’il n’est pas nécessaire de démontrer que le risque couru est hautement probable (par. 6), le Comité rappelle que la charge de la preuve incombe généralement au requérant, qui doit présenter des arguments défendables montrant qu’il court personnellement un risque prévisible et réel. Le Comité rappelle également que si, comme il l’a indiqué dans son observation générale no 1, il peut apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire, il accorde néanmoins un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressé (par. 9), mais qu’il n’est pas lié par de telles constatations et qu’il est au contraire habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

9.6Le Comité renvoie à ses observations finales concernant le rapport initial du Liban en date du 30 mai 2017, dans lesquelles il s’est dit préoccupé par des cas isolés de mauvais traitements infligés à des hommes soupçonnés d’être homosexuels et détenus par les Forces de sécurité intérieure. Dans le même temps, le Comité souligne que les cas signalés ne peuvent pas être considérés comme constituant une pratique généralisée et répandue visant les hommes homosexuels. Il relève aussi qu’en 2015 et en 2016, il y a eu 76 arrestations par an en vertu de l’article 534 du Code pénal. Si le Comité est préoccupé par l’existence d’une disposition permettant d’engager des poursuites pénales contre les homosexuels, il n’est pas en mesure de conclure, au vu des informations dont il est saisi, que tout homme homosexuel au Liban est la cible de persécutions de la part des autorités.

9.7Le Comité prend note des allégations du requérant selon lesquelles sa famille ayant connaissance de son homosexualité, il risquerait de subir des violences au nom de l’honneur, sans pouvoir chercher protection auprès des autorités. À cet égard, le Comité constate que bien qu’il affirme que ses proches étaient au courant de son orientation sexuelle depuis 2013 au moins, le requérant n’a pas fourni de renseignements au sujet d’une quelconque menace concrète émanant de sa famille ou de ses proches. Le Comité prend également note de l’affirmation du requérant selon laquelle les autorités libanaises ont connaissance de son orientation sexuelle par l’intermédiaire du personnel de l’ambassade et le persécuteront s’il est renvoyé au Liban. Le Comité estime donc que les affirmations du requérant selon lesquelles il courrait personnellement le risque de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention relèvent du domaine de l’hypothèse et ne constituent rien de plus que de simples supputations ou soupçons. Il conclut que le requérant ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui incombait de présenter des arguments défendables, conformément à l’observation générale no 1 du Comité.

10.Compte tenu des considérations qui précèdent, et sur la base de toutes les informations soumises par le requérant, le Comité considère que celui-ci n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour lui permettre de conclure que son expulsion forcée vers son pays d’origine lui ferait personnellement courir un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture, au sens de l’article 3 de la Convention.

11.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, décide que le renvoi du requérant au Liban par l’État partie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.