CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/64/CO/5

28 avril 2004

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALESoixante-quatrième session23 février-12 mars 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

NÉPAL

1.Le Comité a examiné les quinzième et seizième rapports périodiques du Népal, attendus respectivement les 1er mars 2000 et 2002, soumis en un seul document (CERD/C/452/Add.2), à ses 1630e et 1631e séances (CERD/C/SR.1630 et 1631), tenues les 4 et 5 mars 2004. À sa 1641e séance (CERD/C/SR.1641), tenue le 12 mars 2004, le Comité a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par l’État partie ainsi que les renseignements complémentaires fournis oralement par la délégation. Il se félicite des efforts faits par l’État partie pour donner suite aux observations qu’il avait formulées en 2000. Il se réjouit aussi de la présence au sein de la délégation de l’État partie d’un membre de la Commission nationale pour les Dalits et d’un membre de l’Institut national pour la promotion des nationalités et des populations autochtones, et remercie la délégation des réponses franches et constructives qu’elle a apportées aux questions posées au cours du dialogue.

B. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

3.Le Comité note que l’État partie est confronté à de graves difficultés économiques, au problème du dénuement extrême d’une partie importante de sa population et à de sérieuses difficultés politiques et institutionnelles dues à l’insurrection. La dissolution du Parlement, en octobre 2002, constitue également un obstacle de taille à la pleine application de la Convention.

C. Aspects positifs

4.Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie, dans le cadre de ses neuvième et dixième plans, de plusieurs plans d’action, et en particulier des programmes en faveur des Dalits, des nationalités et des populations autochtones du Népal.

5.Le Comité constate avec satisfaction que les autorités népalaises ont récemment créé un certain nombre d’institutions en vue de promouvoir les droits de l’homme et de lutter contre la discrimination, dont la Commission nationale pour les Dalits, le Comité national pour la promotion des déshérités, des opprimés et de la communauté dalit, l’Institut national pour la promotion des nationalités et des populations autochtones et la Fondation nationale pour le développement des nationalités autochtones.

6.Le Comité juge encourageantes les informations communiquées par l’État partie concernant ses efforts visant à mettre en œuvre des mesures spéciales au profit des membres des groupes défavorisés, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, en vue de garantir à tous les individus l’exercice de leurs droits dans des conditions d’égalité.

7.Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait consulté des organisations de la société civile dans le cadre de l’élaboration de son rapport périodique.

8.Le Comité apprend avec satisfaction que l’État partie envisage de retirer les réserves qu’il a émises à l’égard des articles 4 et 6 de la Convention, et de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 du texte.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

9.Le Comité est préoccupé par les effets de l’insurrection, notamment de ses incidences sur les groupes vulnérables, qui sont particulièrement touchés. Il est aussi préoccupé par le fait que le conflit détourne des ressources publiques de programmes sociaux et de développement.

Tout en étant conscient des préoccupations de l’État partie en matière de sécurité nationale, le Comité lui recommande de rechercher un équilibre entre ces préoccupations et les obligations qui lui incombent dans le domaine des droits de l’homme, en particulier à l’égard des membres des groupes vulnérables, et d’allouer ses crédits budgétaires en conséquence. Le Comité souligne par ailleurs qu’il importe de rétablir le Parlement afin d’assurer dans les meilleurs délais le retour à la normale.

10.Le Comité relève qu’en plus de la Commission nationale des droits de l’homme, plusieurs institutions ont été créées récemment dans le but de promouvoir les droits de l’homme et de lutter contre la discrimination.

Le Comité recommande que ces organes soient renforcés et bénéficient d’un soutien financier approprié propre à garantir leur indépendance et leur efficacité. Il demande par ailleurs à l’État partie de présenter dans ses rapports ultérieurs des informations portant, entre autres, sur leurs attributions, leur composition, leurs méthodes et leurs résultats, ainsi que sur les mesures prises pour assurer une bonne coordination de leurs activités. Le Comité souhaiterait aussi savoir si la Commission nationale des droits de l’homme est en mesure de jouer le rôle de mécanisme de surveillance à l’échelle nationale et si cela fait partie de ses attributions.

11.Tout en se félicitant de la création de la Commission nationale pour les Dalits, le Comité relève avec préoccupation que cet organe n’aura pas de fondement juridique tant que le Parlement n’aura pas été rétabli et qu’une loi appropriée n’aura pas été adoptée.

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager à titre prioritaire d’adopter la loi statutaire pertinente afin de permettre à la Commission nationale pour les Dalits de s’acquitter effectivement de son mandat.

12.Le Comité reste profondément préoccupé par la persistance d’une discrimination de fait fondée sur la caste et par la culture d’impunité qui imprègne apparemment les couches supérieures d’un système social hiérarchisé. Il est notamment préoccupé par les informations concernant l’existence de zones d’habitation séparées pour les Dalits, l’exclusion sociale des couples mixtes quant à la caste, les restrictions d’accès à certains types d’emploi et le refus d’accès à des lieux publics, à des lieux de culte et à des sources publiques de nourriture et d’eau, ainsi que par les allégations relatives à l’utilisation de fonds publics pour l’aménagement de points d’eau séparés destinés aux Dalits.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre à titre prioritaire des mesures visant à prévenir, interdire et éliminer les pratiques privées et publiques qui constituent une forme quelconque de ségrégation et de s’attacher résolument à en garantir l’application concrète et effective. Il demande en outre à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur toute mesure qu’il aura prise pour donner suite à la recommandation générale XXIX concernant la discrimination fondée sur l’ascendance.

13.Le Comité regrette que, de manière générale, le rapport contienne peu d’informations sur la mise en œuvre de la Convention, s’agissant de l’exercice de tous les droits de l’homme par les populations autochtones du Népal. Il est par ailleurs préoccupé par les allégations de déplacements forcés et de violations du droit des populations autochtones de posséder, mettre en valeur, contrôler et d’utiliser leurs terres et ressources traditionnelles, ayant pour prétexte la préservation de la flore et de la faune.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures plus strictes pour combattre la discrimination à l’encontre des populations autochtones, conformément à sa recommandation générale XXIII sur les droits des populations autochtones. Il prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les initiatives qu’il aura prises, et en particulier sur ce qu’il aura entrepris pour concilier les droits fonciers des populations autochtones et la protection de la flore et de la faune. Il invite en outre l’État partie à étudier la possibilité d’adhérer à la Convention nº 169 de l’OIT.

14.Le Comité regrette l’absence d’informations sur les poursuites engagées et les peines prononcées dans des affaires d’infraction liée à la discrimination raciale, de même que sur le rôle de la Commission nationale des droits de l’homme et de la Commission nationale pour les Dalits dans le traitement de telles affaires. Le Comité souligne la nécessité de veiller résolument à l’application de la justice pénale et rappelle à l’État partie que l’absence de plaintes et d’actions en justice émanant de victimes de la discrimination raciale peut s’expliquer par l’inexistence de textes législatifs pertinents, l’ignorance des recours disponibles ou le manque de volonté des autorités censées engager des poursuites.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les plaintes déposées, les poursuites engagées et les peines prononcées pour des infractions liées à la discrimination raciale ou ethnique. Il souhaiterait en particulier obtenir de plus amples renseignements sur les cas où ont été invoqués l’article 88 et le paragraphe 4 de l’article 11 de la Constitution ainsi que le chapitre du Code national relatif aux questions diverses. Le Comité demande aussi des informations sur les mesures légales interdisant les activités et organisations qui encouragent ou incitent à la discrimination, ou d’y participer.

15.Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de mauvais traitements, d’une protection inefficace des Dalits et d’une discrimination à l’égard de ce groupe et d’autres groupes vulnérables de la société de la part des responsables de l’application des lois, en particulier de la police. Il souligne que des enquêtes promptes et impartiales sont essentielles pour lutter contre les attitudes et pratiques discriminatoires.

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts visant à mettre un terme à de telles pratiques discriminatoires. Il recommande en outre que la procédure d’enquête relative aux plaintes concernant l’action de la police soit menée et supervisée par un organe indépendant de la police.

16.Le Comité relève l’absence dans le rapport périodique d’informations sur la situation des femmes appartenant à des groupes défavorisés qui sont victimes de discriminations multiples, et est préoccupé par la situation de prostitution forcée des filles et des femmes de la caste badi.

Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des questions de représentation politique, de sécurité personnelle, d’emploi et d’éducation, conformément aux recommandations générales XXV (2000) et XXIX (2002) concernant respectivement la dimension sexiste de la discrimination raciale et la discrimination fondée sur l’ascendance, lorsqu’il prend des mesures visant à éliminer les discriminations multiples contre les femmes qui appartiennent à des groupes vulnérables. Le Comité demande en outre à l’État partie de mentionner dans son prochain rapport les mesures mises en œuvre à cet égard, notamment les initiatives concrètes prises pour éliminer la prostitution forcée des filles et des femmes badi.

17.Tout en se félicitant des efforts déployés par l’État partie pour mettre en œuvre des mesures spéciales destinées à promouvoir et protéger les personnes faisant l’objet d’une discrimination, le Comité reste préoccupé par la sous-représentation des groupes défavorisés au sein du gouvernement, des organes législatifs et de l’appareil judiciaire.

Le Comité prie instamment l’État partie de sensibiliser le grand public ainsi que les membres des communautés défavorisées à l’importance que revêt leur participation active à la vie publique et politique. Il recommande à l’État partie de continuer d’appliquer des mesures spéciales en vue de garantir aux membres des groupes défavorisés le droit de participer aux élections, de voter et de se porter candidats à des fonctions électives, ainsi que d’être dûment représentés au sein du gouvernement, des organes législatifs et de l’appareil judiciaire.

18.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré l’abolition en juillet 2000 du système de travail agricole servile connu sous le nom de Kamaiya, les Kamaiyas émancipés se heurtent à de nombreux problèmes, notamment en ce qui concerne l’accès au logement, aux terres, à l’emploi et celui de leurs enfants à l’éducation.

Le Comité recommande à l’État partie d’assurer l’application effective de la loi de 2002 sur l’interdiction du travail servile et des programmes adoptés pour mettre fin à cette pratique ainsi qu’à la discrimination dont font l’objet les Kamaiyas. Il demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur l’application de cette loi.

19.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités ne reconnaissent comme réfugiés que les Tibétains arrivés au Népal avant 1990 et les Bhoutanais, ainsi que par les renseignements qui lui sont parvenus récemment au sujet de l’expulsion forcée de réfugiés tibétains. Il s’inquiète aussi de la restriction importante des droits des réfugiés originaires du Bhoutan et de l’absence de mesures spécifiques visant les enfants réfugiés non accompagnés.

Le Comité se déclare à nouveau préoccupé par l’absence de protection législative des réfugiés et des demandeurs d’asile, et prie instamment l’État partie d’adopter des textes législatifs en la matière et de ratifier les instruments internationaux relatifs à la protection des réfugiés. Il l’invite également à collaborer plus étroitement à cet égard avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le Comité souhaite que l’État partie lui fournisse dans son prochain rapport périodique des renseignements plus détaillés sur les mesures qu’il aura prises.

20.Le Comité observe que le Gouvernement népalais a pris des mesures en vue de sensibiliser le grand public, y compris les membres des groupes vulnérables, au problème des coutumes traditionnelles et des attitudes sociétales discriminatoires.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre de nouvelles mesures pour fournir une formation et des instructions aux enseignants, travailleurs sociaux et responsables de l’application des lois, en particulier ceux qui sont déployés dans des opérations contre les insurgés, ainsi qu’aux milieux politiques. Le Comité engage l’État partie à mener de vastes campagnes de sensibilisation du public et à inscrire l’éducation interculturelle dans les programmes scolaires.

21.Le Comité relève que le Gouvernement diffuse des émissions dans plusieurs langues nationales. Il est néanmoins préoccupé par le manque de représentation des groupes défavorisés dans les médias appartenant à l’État et par le fait que, de manière générale, les médias s’intéressent peu à des sujets tels que la discrimination raciale et les droits de l’homme.

Le Comité invite l’État partie à étudier la possibilité d’adopter des mesures spéciales pour faire en sorte que les membres des groupes défavorisés, dont les Dalits, soient dûment représentés dans les médias.

22.Le Comité engage vivement l’État partie à ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention. À ce propos, le Comité attire l’attention de l’État partie sur la résolution 57/194 de l’Assemblée générale, dans laquelle celle-ci demande instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement. L’Assemblée générale a lancé un nouvel appel en ce sens dans sa résolution 58/160.

23.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lorsqu’il incorpore les dispositions de la Convention dans son ordre juridique interne et de communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures qu’il aura prises à cet égard.

24.Le Comité encourage l’État partie à consulter de nouveau les organisations de la société civile lorsqu’il élaborera son prochain rapport périodique et à assurer à celui-ci une large diffusion auprès du grand public dès sa soumission. Il recommande en outre à l’État partie de faire connaître de la même manière les observations finales correspondantes du Comité.

25.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dix-septième, dix-huitième et dix‑neuvième rapports périodiques en un seul document constituant un rapport actualisé, attendu le 1er mars 2008, et d’y traiter tous les points abordés dans les présentes observations.

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