CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/64/CO/410 mai 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑quatrième session23 février‑12 mars 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE

1.Le Comité a examiné les quinzième à dix‑septième rapports périodiques de la Jamahiriya arabe libyenne, qui étaient attendus de 1998 à 2002, respectivement, soumis en un seul document (CERD/C/431/Add.5), à ses 1626e et 1627e séances (CERD/C/SR.1626 et 1627), tenues les 2 et 3 mars 2004. À sa 1639e séance (CERD/C/SR.1639), tenue le 11 mars 2003, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite des rapports soumis par l’État partie qui lui ont donné la possibilité de renouer le dialogue avec la Jamahiriya arabe libyenne dans un contexte plus favorable qu’en 1998. Le Comité a jugé encourageante la présence d’une délégation et a apprécié les efforts faits par cette dernière pour répondre aux questions qui lui étaient posées.

3.Le Comité apprécie les efforts faits par l’État partie pour se conformer à ses principes directeurs concernant la présentation des rapports mais regrette l’absence de renseignements sur la mise en œuvre concrète de la Convention et de réponses portant sur des problèmes évoqués dans ses observations finales précédentes.

B. Aspects positifs

4.Le Comité prend note avec satisfaction que des mesures ont été prises pour ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

5.Le Comité prend note également avec satisfaction des mesures prises par l’État partie pour ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité prend note de nouveau de l’écart existant entre l’appréciation de l’État partie selon laquelle la société libyenne serait ethniquement homogène et des renseignements indiquant que des populations amazigh, touareg et noire‑africaine vivent dans le pays.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale IV (1973) ainsi que sur le paragraphe 8 de ses principes directeurs, et recommande de nouveau à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la composition ethnique de la population libyenne.

7.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements détaillés sur les non‑ressortissants résidant dans la Jamahiriya arabe libyenne, en dépit de la demande qu’il lui a adressée dans ses observations finales précédentes.

Le Comité souhaite recevoir dans le prochain rapport périodique des renseignements sur les travailleurs migrants avec ou sans papiers et les membres de leur famille ainsi que sur les réfugiés, concernant en particulier leur pays d’origine, leur statut et leurs conditions de vie. Il invite l’État partie à ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967.

8.Le Comité note que l’État partie a affirmé catégoriquement dans son rapport périodique que la discrimination raciale n’existe pas dans la Jamahiriya arabe libyenne. Il croit comprendre que l’État partie entend par là que, même si des incidents de discrimination raciale peuvent se produire, il ne commet lui‑même aucune discrimination raciale systématique.

Le Comité recommande à l’État partie de faire des études en vue d’apprécier et d’évaluer concrètement l’existence de la discrimination raciale dans le pays et de réviser son point de vue.

9.Le Comité note en outre qu’il n’existe pas de législation d’ensemble tendant à prévenir et interdire la discrimination raciale, en particulier en vertu de l’article 4 de la Convention. Il tient à souligner que, quoique la Convention l’emporte sur le droit interne de l’État partie, l’article 4 n’est pas applicable directement, et il préconise l’adoption de dispositions spécifiques prévoyant des sanctions pour des infractions strictement définies par la loi.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des lois satisfaisant à toutes les exigences de l’article 4 de la Convention.

10.Le Comité est profondément préoccupé par les actes de violence dus au sentiment d’hostilité de la population à l’égard des Noirs, qui ont été apparemment perpétrés en septembre 2000 contre des travailleurs migrants africains et ont causé la mort de nombre de personnes. Le Comité regrette que l’État partie n’ait fourni aucune réponse concernant les mesures prises pour punir les responsables et prévenir de nouvelles violences de cette nature.

Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre des renseignements détaillés sur le nombre de personnes décédées et leur nationalité, les résultats de l’enquête menée par les autorités, les poursuites engagées contre les personnes impliquées dans ces événements, et, le cas échéant, les condamnations qui ont été prononcées. Le Comité souhaite en outre recevoir des renseignements sur les résultats des mesures annoncées précédemment par l’État partie en réponse à ces événements, en particulier sur la création d’un comité chargé d’examiner ces événements et d’étudier toutes les manifestations xénophobes, ainsi que sur les mesures visant à assurer la régularisation des migrants sans papiers.

11.Le Comité juge préoccupant que, selon certaines informations, des milliers de travailleurs migrants africains ont été expulsés depuis 2000.

Le Comité souhaite recevoir des informations complémentaires détaillées sur les règles relatives au refoulement ou à l’expulsion de migrants. Il recommande à l’État partie de veiller à ce que l’expulsion de non ‑ressortissants ne comporte aucune discrimination fondée sur l’origine ethnique ou nationale.

12.Le Comité juge préoccupant que, selon certaines informations, des migrants africains trouvent déplorablement la mort durant leur transit en vue de s’établir dans la Jamahiriya arabe libyenne ou de se rendre en Europe par son territoire.

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer des informations sur cette question dans son prochain rapport périodique, notamment sur les mesures qu’il a adoptées à ce sujet.

13.Le Comité regrette que les informations fournies sur la mise en œuvre de l’article 5 de la Convention soient incomplètes.

Le Comité recommande à l’État partie de traiter de façon plus précise la question de la non ‑discrimination dans les informations concernant la jouissance des droits énoncés à l’article 5 de la Convention et de fournir des informations concrètes sur l’exercice de ces droits par les migrants noirs, touaregs et amazighs relevant de sa juridiction.

14.Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles le sentiment d’hostilité à l’égard des Noirs et les actes à caractère raciste contre les travailleurs étrangers ont des incidences négatives sur leur situation professionnelle et leurs conditions d’emploi.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les travailleurs étrangers ne subissent pas de discrimination dans l’emploi en raison de leur couleur ou de leur origine ethnique ou nationale.

15.Le Comité note que, d’après certaines informations, la langue et la culture amazighs ne sont pas reconnues dans la Jamahiriya arabe libyenne et les Amazighs sont empêchés de préserver et d’exprimer leur identité culturelle et linguistique.

Le Comité souligne que l’État partie est tenu, aux termes de l’article 5 de la Convention, de respecter les droits des Amazighs de jouir de leur propre culture et de parler leur propre langue en privé et en public, librement et sans discrimination. Il invite l’État partie à favoriser l’exercice du droit d’association pour la protection et la promotion de la culture amazigh et à prendre des mesures, en particulier dans le domaine de l’éducation, afin d’encourager la connaissance de l’histoire, de la langue et de la culture des Amazighs.

16.Notant que l’État partie n’a pas fourni d’informations sur la mise en œuvre concrète de l’article 6 de la Convention, le Comité lui recommande de veiller à ce que sa population soit mieux informée de ses droits découlant de la Convention, notamment le droit à des recours utiles, et de sensibiliser la police et les autorités judiciaires à la question de la discrimination raciale.

17.Le Comité prend note de l’application insuffisante, selon les informations disponibles, des programmes d’enseignement relatifs aux droits de l’homme dans les programmes scolaires, en ce qui concerne notamment la promotion de la tolérance et du respect des minorités religieuses et ethniques.

Le Comité engage l’État partie à redoubler d’efforts dans ce domaine et à faire figurer des informations détaillées sur cette question dans son prochain rapport périodique.

18.Le Comité note en outre que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et lui recommande d’envisager la possibilité de la faire.

19.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lorsqu’il applique dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les plans d’action ou autres mesures adoptés pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

20.Le Comité invite l’État partie à tirer parti de l’assistance technique disponible dans le cadre du programme de services consultatifs et d’assistance technique du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en vue d’élaborer une législation complète visant à prévenir et interdire la discrimination raciale.

21.Le Comité recommande à l’État partie de mettre à la disposition du grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de faire connaître de la même manière les conclusions correspondantes du Comité.

22.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dix‑huitième et dix‑neuvième rapports périodiques en un seul document, attendu le 4 janvier 2006, et de veiller à ce que le rapport soit complet et traite tous les points abordés dans les présentes observations finales.

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