Quarante-troisième session

19 janvier-6 février 2009

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Cameroun

Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques du Cameroun (CEDAW/C/CMR/3) à ses 875e et 876e séances, le 28 janvier 2009. La liste des questions suscitées par les rapports est parue sous la cote CEDAW/C/ CMR/Q/3 et les réponses du Cameroun figurent dans le document CEDAW/C/CMR/ Q/3/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie de ses deuxième et troisième rapports périodiques.

Le Comité remercie également l’État partie de ses réponses écrites aux questions soulevées par le groupe de travail présession. Il remercie en outre l’État partie de sa présentation orale et des éclaircissements donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation dirigée par l’Ambassadeur de sa mission permanente à Genève et comprenant des représentants du Ministère de la promotion de la femme et de la famille et du Ministère de la Justice.

Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié en janvier 2005 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité prend acte avec satisfaction de l’étroite collaboration entre l’État partie et les organismes des Nations Unies, les organisations non gouvernementales et autres groupes de la société civile pour ce qui est de la promotion des droits fondamentaux des femmes et de l’égalité des sexes.

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie à entamé un processus de réforme législative visant à amender toute disposition jugée contraire à la Convention. Il se félicite également de l’adoption, en juillet 2005, d’une loi sur le statut des réfugiés. Il se félicite en outre des stratégies mises au point par l’État partie pour réduire la pauvreté et améliorer la situation sociale, et en particulier celles des femmes.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant que c ’ est à l ’ État partie qu ’ il incombe au premier chef de mettre en œuvre toutes les dispositions de la Convention de façon systématique et continue, le Comité estime que les préoccupations et recommandations figurant dans les présentes observations finales requièrent une attention prioritaire. Il appelle par conséquent l ’ État partie à axer ses efforts sur ces domaines dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte des mesures prises et des résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il appelle également l ’ État partie à communiquer les présentes observations finales à tous les ministères concernés, au Parlement et aux autorités judiciaires afin d ’ en assurer la mise en œuvre effective.

Parlement

Tout en réaffirmant que c ’ est aux gouvernements qu ’ il incombe avant tout de s ’ acquitter des obligations qui découlent de la Convention, le Comité souligne que ses dispositions s ’ imposent à toutes les instances gouvernementales et invite l ’ État partie à encourager son parlement à prendre les mesures nécessaires pour ce qui est de la suite à donner aux présentes observations finales et de l ’ élaboration du prochain rapport, conformément à son mandat et à ses procédures, et en tant que de besoin.

Place de la Convention dans la législation nationale

Tout en notant que, conformément à l’article 45 de la Constitution de l’État partie, les instruments juridiques internationaux ratifiés par ce dernier priment sur la législation nationale, le Comité demeure préoccupé par l’absence de textes de loi nationaux interdisant la discrimination contre les femmes et sanctionnant cette discrimination.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d e promulguer des lois interdisant la discrimination , tant directe qu ’ indirecte, contre les femmes, conformément à l ’ article 1 de la Convention, et, le cas échéant, prévoyant des sanctions conformément à l’alinéa b) de l ’ article 2 de la Convention.

Visibilité de la Convention et du Protocole facultatif

Le Comité constate avec préoccupation que les dispositions de la Convention et de son Protocole facultatif, ainsi que ses recommandations générales, ne sont pas suffisamment connues de toutes les instances gouvernementales ni des femmes elles-mêmes, en particulier celles vivant en milieu rural.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de s ’ assurer que la Convention, le Protocole facultatif et les recommandations générales qu’il a adoptées font partie intégrante de la formation des juristes et des magistrats. Il lui recommande également de faire en sorte que les juges à tous les niveaux, en particulier les juges des tribunaux de droit coutumier, soient formés comme il convient aux droits de l ’ homme et aux dispositi ons de la Convention et de son P rotocole facultatif et que les femmes aient accès aux tribunaux sur un pied d ’ égalité avec les hommes. Il demande en outre instamment à l ’ État partie de veiller à ce que des informations sur la Convention soient fournies aux femmes et aux dirigeants communautaires , grâce aux médias appropriés.

Dispositions discriminatoires restantes

Le Comité note une absence de progrès pour ce qui est de l’élimination des lois discriminatoires et est préoccupé par le fait que la réforme législative générale visant à éliminer les dispositions discriminatoires vis-à-vis des femmes ne soit pas prioritaire. Il déplore que les projets de loi pertinents n’aient pas encore été adoptés. Le Comité demeure en outre préoccupé par les dispositions discriminatoires qui demeurent, notamment, dans le Code pénal, l’ordonnance sur l’enregistrement des actes d’état civil et le Code civil, et qui concernent l’adultère, la polygamie, la propriété commerciale, la nationalité, le veuvage et le logement familial. Il rappelle que, dans ses conclusions et recommandations, le Comité contre la torture s’est inquiété du fait que le Code pénal organise l’exemption de peine de l’auteur d’un viol si celui-ci se marie avec la victime. Le Comité déplore les contradictions et les incohérences découlant de l’application de la loi et du droit coutumier dans l’État partie et constate avec préoccupation que les lois coutumières discriminatoires envers les femmes et incompatibles avec la Convention sont toujours en vigueur.

Le Comité rappelle à l ’ État partie l ’ importance d ’ un système juridique cohérent et unifié et l’ appelle instamment à accélérer son processus de réforme juridique et à collaborer efficacement avec le Parlement pour s ’ assurer que toutes les lois discriminatoires sont amendées ou abrogées afin que la législation se conforme à la Convention et aux recommandations générales du Comité. Il lui demande instamment d’ établir un calendrier précis pour ces réformes, notamment pour l’adoption des amendements proposés au Code pénal, à l ’ ordonnance sur l’enregistrement des actes d’ état civil et au Code civil. Il prie également l ’ État partie de sensibiliser les législateurs à la nécessité d ’ accorder une attention prioritaire à ces réformes afin de parvenir à une égalité de jure des hommes et des femmes et de permettre à ce dernier de s ’ acquitte r de s obligations découlant des traités internationaux. Comme dans l es observations finales qu’il a formulées en 2000, le Comité rappelle la nécessité pour l ’ État partie d e procéder de toute urgence à une réforme législative d’ensemble , afin de promouvoir et protéger l ’ égalité des sexes et les droits fondamentaux des femmes.

Le Comité se félicite du projet de loi sur le Code de la famille, qui établit l’âge minimum légal du mariage à 18 ans tant pour les femmes que pour les hommes et réitère la préoccupation exprimée dans les observations finales du Comité des droits de l’enfant (CRC/C/15/Add.164) selon laquelle, en ce qui concerne l’âge minimum légal du mariage, la différence entre les garçons (18 ans) et les filles (15 ans) constitue une discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité appelle instamment l ’ État partie à s ’ assurer que l ’ âge minimum d u mariage passe également à 18 ans pour les femmes, conformément à l ’ article 16 de la Convention et à la recommandation générale n o 21 du Comité. Il demande également à l ’ État partie d ’ adopter le projet de loi sur le Code de la famille.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

Le Comité se félicite de la création, en 2004, de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés ainsi que des projets visant à lutter contre les diverses formes de discrimination à l’égard des femmes. Il note toutefois avec préoccupation que la Commission nationale n’est pas dotée d’un mandat portant spécifiquement sur l’égalité entre les sexes. Il est en outre préoccupé par le manque de transparence et le degré d’indépendance de la Commission nationale et déplore la possibilité que celle-ci ne se conforme pas aux Principes de Paris.

Le Comité demande à l’État partie de revoir la composition et de garantir l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés et d’évaluer dans quelle mesure celle-ci se conforme aux Principes de Paris. Le Comité recommande également que l’État partie institue un Médiateur adjoint pour l’égalité entre les sexes ayant spécifiquement pour mandat de promouvoir les droits des femmes.

Le Comité se félicite du plan national établi par l’État partie pour lutter contre les disparités entre les sexes. Il se félicite également du document de stratégie pour la réduction de la pauvreté et des initiatives prises par l’État partie pour assurer la promotion de la femme dans le contexte de la coopération bilatérale et multilatérale. Toutefois, le Comité déplore le fait que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations concernant les résultats de ces initiatives et l’état de leur mise en œuvre. Il déplore également le manque d’informations concernant le budget que l’État partie alloue à cette fin.

Le Comité demande à l’État partie de fournir des informations détaillées sur les résultats et l’état d’exécution du plan national qu’il a établi pour lutter contre les disparités entre les sexes et sur les mécanismes de suivi qui ont été mis en place. Il demande également à l’État partie de fournir des données détaillées et précises sur le budget consacré aux initiatives en faveur de la promotion de la femme. Le Comité recommande que l’État partie garantisse que l’autorité nécessaire et les ressources humaines et financières appropriées seront accordées aux organes chargés de coordonner la mise en œuvre de la Convention et d’œuvrer effectivement à la promotion de l’égalité entre les sexes.

Mesures spéciales temporaires

Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour accélérer l’égalité entre hommes et femmes, en particulier s’agissant de la politique relative aux bourses. Il s’inquiète toutefois du fait que seule une poignée de femmes en bénéficient et qu’il n’existe pas de mécanismes de suivi de la mise en œuvre de ces mesures. Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas eu recours aux mesures spéciales temporaires comme politique générale visant à accélérer la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention et pour améliorer la situation des droits des femmes, en particulier en ce qui concerne les conditions de travail des femmes et leur participation à la politique. Le Comité note également une méconnaissance du concept des mesures spéciales temporaires, telles qu’elles sont énoncées au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et précisées dans la recommandation générale no 25 du Comité.

Le Comité invite l’État partie à se doter d’une législation spécifique pour l’adoption de mesures spéciales temporaires conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité afin d’accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes dans tous les domaines.

Stéréotypes et pratiques culturelles

Le Comité salue les efforts entrepris par l’État partie pour surmonter les stéréotypes et les préjugés liés aux responsabilités des femmes. Il demeure toutefois préoccupé par la persistance des attitudes patriarcales et des stéréotypes enracinés concernant les rôles et les responsabilités dévolus aux femmes, qui sont source de discrimination à l’égard des femmes et perpétuent leur subordination dans la famille et la société. Il fait valoir que ces attitudes et stéréotypes discriminatoires constituent un obstacle grave qui empêche les femmes de jouir de leurs droits fondamentaux et d’exercer les droits consacrés par la Convention.

Conformément à ses observations finales de 2000, le Comité engage l’État partie à continuer de prendre des mesures, dont l’adoption d’une législation nationale, pour changer ou éliminer les pratiques culturelles et traditionnelles nocives discriminatoires à l’égard des femmes, en application des articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Il engage l’État partie à intensifier à cet égard la coopération avec les organisations de la société civile, les groupes de femmes, les dirigeants communautaires, les chefs traditionnels, les enseignants et les médias. Le Comité invite l’État partie à redoubler d’efforts pour élaborer et appliquer une stratégie à long terme ainsi que des programmes d’éducation et de sensibilisation à l’intention des femmes et des hommes à tous les niveaux de la société, dans le but d’instaurer un environnement propice à l’élimination des stéréotypes et des pratiques traditionnelles nocives.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité se félicite du projet de loi sur la prévention et la répression de la violence à l’égard des femmes et de la discrimination fondée sur le sexe, mais déplore le fait que le texte n’ait pas encore été adopté. Il se déclare aussi préoccupé par le nombre élevé de cas de violences faites aux femmes et aux filles, notamment la violence familiale généralisée perpétrée par les maris et d’autres membres masculins de la famille, et du fait qu’aucune loi relative à la violence à l’égard des femmes n’ait encore été adoptée. Par ailleurs, le Comité s’inquiète de ce que cette violence semble être socialement légitimée par la culture du silence et de l’impunité et soit acceptée par la société dans la plupart des cas. Le Comité est préoccupé par le fait que tous les cas de violence ne sont pas signalés, qu’il n’existe pas de loi portant spécifiquement sur la violence familiale et que le viol conjugal ne soit pas érigé en infraction pénale. Le Comité déplore le manque de données et d’informations ventilées par groupe d’âge sur la violence à l’égard des femmes et des filles. Il est aussi préoccupé par le manque de centres d’accueil pour les victimes de violence et par le retard accusé dans l’adoption du projet de loi sur la prévention et la répression de la violence à l’égard des femmes et la discrimination fondée sur le sexe.

Le Comité engage l’État partie à accélérer l’adoption du projet de loi sur la prévention et la répression de la violence à l’égard des femmes et la discrimination fondée sur le sexe et à s’attacher en priorité à lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles, en particulier la violence familiale. Il demande à l’État partie de sensibiliser la population, au moyen de programmes d’information et d’éducation, au fait que toute forme de violence à l’égard des femmes constitue une discrimination au titre de la Convention et donc une violation des droits fondamentaux des femmes. Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que la violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence familiale, le viol conjugal et toutes les formes de sévices sexuels, soit érigée en infraction pénale, que les auteurs soient poursuivis et punis et les victimes réhabilitées et que les femmes et les filles victimes de violence aient immédiatement accès à des moyens de recours et de protection. Le Comité demande que l’État partie lève tous les obstacles qui empêchent les femmes et les filles d’avoir accès à la justice et recommande que les victimes de violence puissent bénéficier d’une aide juridique, notamment grâce à la mise en place de centres d’aide juridique en milieu rural. Le Comité recommande de dispenser une formation à l’intention du personnel judiciaire et des fonctionnaires, notamment les agents de la force publique, les prestataires de services de santé et les agents de développement communautaire, afin qu’ils soient sensibilisés à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles et qu’ils puissent apporter aux victimes l’aide appropriée.

Mutilations génitales féminines et autres pratiques nocives

Le Comité est gravement préoccupé par le fait que, dans certaines régions du pays, des pratiques nocives comme les mutilations génitales féminines et le repassage des seins persistent et que l’État partie n’ait pas pris de mesures qui visent résolument et systématiquement à les éliminer. Il réitère la préoccupation exprimée dans ses précédentes observations finales, qui a aussi été exprimée par le Comité contre la torture (voir CAT/C/34/Add.17) et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (voir E/C.12/1/Add.40), que des pratiques qui empêchent les femmes de jouir de leurs droits, notamment les mutilations génitales féminines et le repassage des seins, ont toujours cours dans certaines parties du pays et qu’il n’existe aucune loi pour les punir. Le Comité s’inquiète également de ce que l’opinion ne soit guère sensibilisée en vue d’y mettre fin.

Le Comité engage l’État partie à adopter une loi interdisant les mutilations génitales féminines et les autres pratiques nocives, notamment le repassage des seins, quelles que soient les circonstances, à redoubler d’efforts en matière de sensibilisation et d’éducation des femmes comme des hommes, avec le concours de la société civile, et à mettre fin à la pratique des mutilations génitales féminines et du repassage des seins et aux justifications culturelles sous-jacentes. Il invite aussi l’État partie à concevoir des programmes en vue d’offrir d’autres sources de revenus aux personnes pour qui la pratique des mutilations génitales féminines constitue un moyen de subsistance.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes et félicite l’État partie de l’adoption de la loi no 2005/015 de décembre 2005 relative à la traite et au trafic des enfants et à l’esclavage, et de la ratification de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de ses deux Protocoles facultatifs. Tout en prenant acte des efforts de l’État partie pour lutter contre la traite des personnes et l’exploitation des enfants (y compris des filles) à des fins commerciales, notamment des diverses initiatives prises aux niveaux sous-régional, régional et international, le Comité est préoccupé par le développement de la traite et de l’exploitation des femmes à des fins commerciales dans l’État partie. Il regrette par ailleurs que la plupart des initiatives prises dans ce contexte par l’État partie concernent les enfants et qu’il n’existe pas de stratégies spécifiquement destinées à remédier aux problèmes de l’exploitation et de la prostitution des femmes. En outre, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de données concernant la traite et la prostitution des femmes et des filles.

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures pour remédier aux principales causes de la traite et de la prostitution des femm es et réduire davantage encore c e s phénomène s . À cet égard, il demande à l’État partie d’informer les femmes et les filles des possibilités de carrière qui s’offrent à elles de façon à ce que la prostitution ne soit pas leur seule option. Il recommande par ailleurs à l’État partie d’incorporer à la législation nationale et d’appliquer tous les instruments régionaux et internationaux ratifiés, de créer des centres d’accueil pour les victimes de la traite et de prendre toutes les mesures nécessaires à la réhabilitation et à la réinsertion sociale des victimes. Le Comité exhorte en outre l’État partie à accorder une attention prioritaire à la protection des victimes et des témoins, ainsi qu’à la prise en charge psychologique et à la réhabilitation des victimes, notamment des filles. Le Comité demande à l’État partie de renforcer les mesures de prévention de la traite, notamment les mesures économiques destinées à réduire la vulnérabilité des femmes et des filles, ainsi que les campagnes de sensibilisation et d’information. Il demande également à l’État partie de fournir des informations statistiques détaillées au sujet de la traite et de la prostitution des femmes et des filles.

Participation à la vie politique et participation à la vie publique

Le Comité accueille avec satisfaction l’augmentation du nombre de femmes à des postes de décision et félicite l’État partie pour ses efforts visant à faire participer les femmes à l’organisation d’élections. Toutefois, il est préoccupé par la sous-représentation des femmes à ces postes. Il est également préoccupé par l’absence de femmes au niveau international et regrette la persistance de nombreux préjudices qui empêche la promotion des femmes, soi-disant parce qu’elles ne sont pas disponibles.

Le Comité prie l’État partie d’entreprendre des campagnes nationales de sensibilisation à l’importance de la participation des femmes à la vie publique et à la vie politique, notamment dans les zones rurales. Il demande à l’État partie d’intensifier ses efforts afin que davantage de femmes soient présentes à des postes de décision et dans la vie publique du pays. Il recommande également à l’État partie d’encourager la parité dans les partis politiques et de développer ses efforts visant à accroître la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, y compris au niveau international. Le Comité encourage l’État partie à examiner le recours à des mesures temporaires spéciales, comme prévu au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention , ainsi que dans sa recommandation générale n o  25 , tendant à ce que les mesures prises pour accroître la représentation des femmes dans la vie politique s’accompagne nt d’objectifs et de calendriers ou prévoi ent des quotas plus importants.

Éducation

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour encourager l’équité entre les sexes dans l’enseignement formel et informel. Il félicite l’État partie de sa politique en matière de bourses scolaires, qui impose l’attribution d’un quota de 40 % aux filles. Toutefois, le Comité est préoccupé par le fait qu’en raison d’un certain nombre de facteurs, dont la pauvreté et les stéréotypes sociaux, toutes les filles ne bénéficient pas de ces mesures, en particulier dans les zones rurales. Le Comité est également préoccupé par le fait que les filles sont moins nombreuses que les garçons dans l’enseignement secondaire et supérieur. Il est également préoccupé par le manque d’infrastructures en matière d’éducation et de matériel pédagogique, par le faible nombre d’enseignants qualifiés, par les importantes différences s’agissant de la qualité de l’enseignement entre zones urbaines et zones rurales et par le manque d’informations statistiques ventilées et à jour au sujet des pourcentages de femmes et d’hommes dans l’enseignement supérieur.

Le Comité exhorte l’État partie à adopter d es mesures globales en faveur de l’éducation des filles dans les zones rurales et à fournir des informations détaillées et à jour à ce sujet. Il demande également à l’État partie de développer la formation et le recrutement d’enseignants qualifiés, d’allouer suffisamment de ressources à l’achat de matériels pédagogiques afin que les écoles disposent du matériel nécessaire et d’entreprendre des activités de sensibilisation afin de faire mieux comprendre aux parents l’importance de l’éducation pour les filles. Le Comité demande par ailleurs à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées et complètes au sujet du nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur, ventilé es par sexe, âge et domaine d’études.

Emploi

Le Comité note avec préoccupation que, si la législation du travail reconnaît aux hommes et aux femmes les mêmes possibilités d’emploi et une rémunération égale à travail égal, l’emploi des femmes reste concentré dans certains secteurs, à savoir l’agriculture et les services domestiques. Il note par ailleurs que les femmes travaillent principalement dans le secteur informel et que de ce fait elles sont exclues des programmes de sécurité sociale. Le Comité est également préoccupé par certaines dispositions discriminatoires à l’égard des femmes, dont le décret 81-02 de 1981 qui permet au mari de s’opposer à ce que sa femme travaille en invoquant l’intérêt du ménage et des enfants. Il note en outre l’importance du harcèlement sexuel au travail et l’absence de législation en la matière.

Le Comité recommande l’adoption de mesures destinées à garantir l’application de l’ensemble des dispositions de l’article 11 de la Convention ainsi que l’application des conventions applicables de l’Organisation internationale du Travail ratifiées par le Cameroun. Il exhorte l’État partie à assurer aux femmes les mêmes possibilités qu’aux hommes sur le marché du travail, y compris en adoptant des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25. Il recommande également à l’État partie d’accorder une attention particulière aux femmes qui travaillent dans le secteur informel afin de leur garantir l’accès aux services sociaux. Le Comité exhorte l’État partie à examiner, à titre prioritaire, les dispositions discriminatoires en vue de leur abrogation ou révision, conformément à l’article 11 de la Convention. Il exhorte également l’État partie à adopter des mesures législatives interdisant le harcèlement sexuel au travail et prévoyant des sanctions, des recours au civil et l’indemnisation des victimes.

Santé

Le Comité se félicite des efforts de l’État partie depuis l’examen du rapport initial pour améliorer la santé des femmes et se réjouit en particulier de l’attention accordée à la santé des mères et des adolescentes, avec une place particulière à la santé de la procréation, à la planification familiale et à la lutte contre le VIH/sida. Toutefois, il reste préoccupé par le manque de centres de soins de santé, notamment dans les zones rurales et regrette de ne pas disposer d’informations ventilées par sexe, zone géographique, âge et autres variantes concernant l’accès aux services de santé.

Le Comité exhorte l’État partie à poursuivre ses efforts de développement de l’infrastructure sanitaire du pays. Il l’exhorte également à améliorer l’accès des femmes à des soins de santé et à des services connexes de qualité et abordables, notamment dans les zones rurales. Il demande en outre à l’État partie d’intensifier la lutte contre le VIH/sida.

Le Comité reste préoccupé par le fort taux d’incidences de la mortalité maternelle, principalement imputable aux avortements pratiqués dans des conditions n’assurant pas la sécurité de la mère. Il est également préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de stratégie de réduction de la mortalité maternelle et note que les femmes ne sont pas toujours en mesure de choisir d’avorter en cas de viol, même si dans ce cas l’avortement n’est pas considéré par le Code pénal comme un délit. Le Comité regrette par ailleurs que l’État partie n’ait pas fourni d’informations statistiques sur le nombre d’avortements ou sur les autres causes de mortalité des femmes et le fait que l’absence d’informations à ce sujet est due à la culture du silence de l’État partie.

Le Comité demande à l’État partie d’évaluer dans quelles mesures les avortements contribuent à la mortalité maternelle et d’envisager la possibilité de réviser ou de modifier la législation concernant l’avortement . Il demande également à l’État partie de prendre des mesures pour assurer véritablement l’application des dispositions qui régissent les avortements autorisés par la loi. Il invite en outre l’État partie à développer les programmes destinés à faire mieux connaître aux femmes les questions liées à la santé de la procréation, et recommande d’encourager largement l’éducation sexuelle, en particulier à l’intention des adolescents, garçons et filles. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique d es informations détaillées sur le nombre d’avortements, clandestins et légaux, qui sont la principale cause de mortalité maternelle, ainsi que sur les mesures prises pour réduire la mortalité maternelle et l’impact de ses mesures.

Femmes rurales

Le Comité salue les efforts que fait l’État partie pour améliorer le sort des femmes rurales, comme la mise en œuvre de la stratégie sectorielle de développement rural établie par le Ministère de l’agriculture et du développement rural. Il déplore toutefois qu’il n’ait pas communiqué suffisamment de statistiques pour que l’on puisse évaluer les effets des programmes de ce type. Le Comité est en outre troublé de constater qu’en milieu rural, les femmes et les filles sont défavorisées : elles sont pauvres, illettrées et exclues de la prise de décisions à l’échelon local, et elles ont du mal à accéder aux services sanitaires et sociaux. Le Comité juge également préoccupant que les stéréotypes traditionnellement associés aux femmes soient plus répandus dans les communautés rurales, et que dans les faits, les femmes rurales n’aient souvent pas accès à la propriété foncière. Enfin, il s’inquiète de ce que les femmes sont mal informées de leurs droits patrimoniaux et n’ont pas les moyens de les faire valoir.

Le Comité demande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour accroître et renforcer la participation des femmes à l ’ élaboration et à l ’ application des plans de développement locaux et d ’ accorder une attention particulière aux besoins des femmes rurales, en veillant à ce qu ’ elles prennent part à la prise de décisions et accèdent plus facilement aux services de santé, d ’ éducation et d ’ assainissement ainsi qu ’ à l ’ eau potable. Il l ’ engage aussi instamment à prendre les mesures voulues pour éliminer toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes rurales en matière de propriété foncière, et l ’ invite à faire mieux connaître aux femmes, en particulier à celles qui vivent en milieu rural, leurs droits fonciers et patrimoniaux, en mettant sur pied des programmes destinés à les familiariser avec le droit. Le Comité prie l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport des données exhaustives sur la situation des femmes rurales dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention. Il le prie aussi de fournir des statistiques détaillées sur l ’ appui dont les femmes rurales bénéficient directement à la faveur de différentes initiatives. Enfin, il l ’ engage à solliciter auprès des organismes des Nations Unies l ’ appui technique et financier dont il a besoin.

Femmes réfugiées

Le Comité se félicite que l’État partie ait adopté en 2005 la loi relative au statut des réfugiés et prend note avec satisfaction que celle-ci reprend les définitions du terme « réfugié » qui figurent dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et dans la Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur les réfugiés en Afrique. Il salue l’élaboration par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, en collaboration avec divers partenaires, dont la Direction de la sécurité nationale du Ministère de l’intérieur, de procédures opérationnelles permanentes sur la prévention de la violence sexuelle et sexiste et la lutte contre ces phénomènes. Il est toutefois troublé de constater que l’État partie n’a toujours pas adopté le décret devant donner effet aux principales dispositions de la loi de 2005.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter de toute urgence le décret qui donnera effet aux principales dispositions de la loi de 2005 relative au statut des réfugiés, essentiellement celles qui concernent l ’ immatriculation, la détermination du statut de réfugié et la délivrance de certificats établissant le statut de demandeur d ’ asile ou de réfugié.

Vie de famille

Comme il l’indiquait déjà dans ses précédentes observations finales, le Comité s’inquiète de ce que certaines dispositions qui défavorisent les femmes dans le cadre de la vie de famille perdurent. Il est particulièrement préoccupé par certaines dispositions du Code civil, qui continuent de consacrer le mari comme chef de famille, et par le fait que l’ordonnance relative à l’état civil réglemente la polygamie et la présente comme une prérogative des hommes. Il est également troublé par la discrimination que les femmes subissent au Cameroun en matière de succession et il déplore que dans la plupart des cas, la femme n’ait traditionnellement pas le droit d’hériter de ses parents, en particulier de son père, et que seuls les enfants de sexe masculin soient considérés comme héritiers.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ harmoniser le droit civil et coutumier avec l ’ article 16 de la Convention et de mener à bien, selon un calendrier déterminé, la réforme des lois relatives au mariage et aux rapports familiaux, afin que sa législation soit conform e aux dispositions de l’article  16 de la Convention. Il l ’ engage également à prendre des mesures pour éliminer la polygamie, conformément à ce qu ’ il a demandé dan s sa recommandation générale n o 21 relative à l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux.

Collecte et analyse de données

Le Comité sait gré à l’État partie des statistiques qu’il a communiquées dans son rapport mais regrette qu’il n’en ait pas fourni davantage au sujet de la situation des femmes dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention. Il est également préoccupé par le manque de renseignements sur l’impact des mesures prises et sur les résultats obtenus dans divers domaines visés dans la Convention.

Le Comité engage l ’ État partie à renforcer son système de collecte de données, notamment à utiliser des indicateurs quantifiables pour évaluer l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis sur la voie de l ’ instauration de l ’ égalité de fait pour elles , et à allouer les ressources budgétaires voulues à cette fin. Il l ’ invite à solliciter une aide internationale, s ’ il en a besoin, pour renforcer le système de collecte et d ’ analyse de données. Il le prie également de présenter dans son prochain rapport des données sur la situation des femmes et des analyses statistiques ventilées par sexe et entre zones rurales et urbaines, en indiquant l ’ impact des mesures prises et les résultats obtenus.

Paragraphe 1 de l’article 20

Le Comité engage l ’ État partie à approuver dans les meilleurs délais la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention, relatif à son nombre de jours de réunion.

Établissement du prochain rapport

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à associer tous les ministères et organismes publics à l ’ élaboration de son prochain rapport et à consulter les organisations non gouvernementales à cette occasion.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing

Le Comité engage instamment l ’ État partie, dans l ’ exécution des obligations qu ’ il a contractées en vertu de la Convention, à utiliser pleinement la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de faire figurer des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne également que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe par la mise en œuvre intégrale et effective de la Convention. Il demande à l ’ État partie d ’ adopter une démarche soucieuse de l ’ égalité des sexes et de s ’ appuyer expressément sur les dispositions de la Convention dans le cadre de l ’ action qu ’ il mè ne pour atteindre ces objectifs et il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des éléments d ’ information sur la question.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribue à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement camerounais à ratifier les instruments auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Diffusion des observations finales

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Cameroun pour que la population du pays, en particulier les membres de l ’ administration, les responsables politiques, les parlementaires, les organisations féminines et les organisations de défense des droits de l ’ homme, soit au courant des mesures prises pour assurer l ’ égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande également à l ’ État partie de diffuser plus largement, surtout auprès des femmes et des organisations de défense des droits de l ’ homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales et de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing, ainsi que les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale, inti tulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle  » .

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations formulées aux paragraphes 15 et 27 ci-dessus. Il le prie également d’envisager de faire appel, si nécessaire, à la coopération et à l’assistance technique, et notamment à des services consultatifs, le cas échéant, pour assurer la mise en œuvre de ces recommandations.

Date du prochain rapport

Le Comité prie l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il établira en application de l ’ article 18 de la Convention. Il l ’ invite à présenter ses quatrième et cinquième rapports périodiques dans un rapport unique en 20 11 .