Quarante-deuxième session

20 octobre-7 novembre 2008

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Canada

Le Comité a examiné le rapport unique du Canada valant sixième et septième rapports périodiques (CEDAW/C/CAN/7), à ses 854e et 855e séances, le 22 octobre 2008 (voir CEDAW/C/SR.854 et CEDAW/C/SR.855). La liste des points et des questions soulevés par le Comité figure dans le rapport CEDAW/C/CAN/Q/7 et les réponses du Canada ont été publiées sous la cote CEDAW/C/CAN/Q/7/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir remis son rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques, qui décrit les mesures prises par les gouvernements des provinces et des territoires, mais constate que les informations ne sont pas présentées sous une forme intégrée. Il remercie également l’État partie de ses réponses écrites aux questions du groupe de travail présession ainsi que de son exposé oral et de ses éclaircissements complémentaires. Il note qu’un certain nombre de changements ayant des incidences sur les droits des femmes ont été opérés dans les gouvernements, les lois, les politiques et les programmes depuis la fin de la période couverte par le rapport.

Le Comité félicite l’État partie de la taille de sa délégation, composée de représentants de divers ministères et d’un certain nombre de provinces et de territoires. Il apprécie le dialogue ouvert et constructif qui s’est instauré entre ses membres et cette délégation, dont il regrette toutefois qu’elle ne compte aucun représentant de haut rang doté d’un pouvoir de décision.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir formulé des objections aux réserves émises par d’autres États parties, les jugeant incompatibles avec l’objet et le but de la Convention.

Aspects positifs

Le Comité se félicite des diverses mesures prises par l’État partie pour combattre la traite des personnes. Il salue notamment la ratification, le 13 mai 2002, du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité internationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir le trafic des personnes, en particulier des femmes et des enfants, l’adoption en 2005 de la loi modifiant le Code criminel (traite des personnes), qui établit de nouvelles infractions visant spécifiquement la traite des personnes, et la publication en mai 2006 de nouvelles lignes directrices à l’intention des agents de l’immigration afin de veiller à ce que les victimes de la traite puissent bénéficier du statut d’immigrant. Il note également avec satisfaction que la durée de validité du permis de séjour temporaire a été portée de 120 à 180 jours pour les victimes de la traite, qui peuvent aussi demander un permis de travail.

Le Comité est heureux d’apprendre que les pères peuvent demander un congé parental et que le nombre d’hommes se prévalant de cette possibilité a beaucoup augmenté au Québec, mais estime que l’État partie pourrait en faire davantage pour promouvoir le congé paternel dans l’ensemble des provinces et territoires.

Le Comité se félicite de la création du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des Communes, qui a produit un certain nombre de rapports et de recommandations sur des questions intéressant les femmes.

Le Comité apprécie l’attitude volontariste de l’État partie, qui défend l’application de la Convention et de son Protocole facultatif dans les instances internationales et dans le cadre de sa coopération avec d’autres pays au sujet des droits des femmes.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle que l’État partie a l’obligation de s’assurer que toutes les dispositions de la Convention sont appliquées systématiquement et en permanence et estime que, d’ici à la présentation de son prochain rapport, il doit en priorité accorder son attention aux préoccupations et aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui demande donc de centrer son attention sur les domaines en question dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte dans son prochain rapport périodique des mesures prises et des résultats obtenus. Il l’engage également à transmettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés et aux administrations à tous les niveaux, y compris aux gouvernements des provinces et des territoires, aux parlements (fédéral, provinciaux, territoriaux), aux conseils de bande et aux autorités judiciaires afin qu’elles soient effectivement appliquées.

Parlement

Tout en réaffirmant que c’est au Gouvernement qu’il incombe au premier chef de faire en sorte que l’État partie s’acquitte pleinement de ses obligations au titre de la Convention, le Comité souligne que celle-ci lie tous les pouvoirs gouvernementaux et invite l’État partie à encourager ses parlements fédéral, provinciaux et territoriaux à prendre, conformément à leurs procédures, les mesures nécessaires pour ce qui est de la mise en œuvre des présentes observations finales et de l’établissement par le Gouvernement du prochain rapport dans le cadre de la Convention.

Responsabilité du Gouvernement fédéral

S’il ne méconnait pas la complexité des structures politiques et juridiques de l’État partie (avec des niveaux fédéral, provincial et territorial), le Comité souligne toutefois, comme il l’a fait dans ses observations finales de 2003, que le Gouvernement fédéral est responsable au premier chef de l’application de la Convention et qu’il doit montrer la voie à suivre aux autorités provinciales et territoriales à cet égard. Comme il l’a dit dans ses observations finales précédentes, le Comité a l’impression que le Gouvernement fédéral manque de volonté et n’a pas de mécanisme efficace pour faire en sorte que les gouvernements des provinces et des territoires prennent des mesures législatives ou autres en vue de l’application cohérente et homogène de toutes les dispositions de la Convention.

Compte tenu de la responsabilité légale du Gouvernement fédéral et de son rôle de premier plan quant à l’application de la Convention, le Comité réitère sa recommandation de 2003 par laquelle il a demandé à l’État partie d’user de son autorité et son pouvoir de financement pour fixer des normes et établir un mécanisme propre à garantir l’application responsable, transparente, cohérente et homogène de la Convention sur tout son territoire, avec la participation des administrations à tous les niveaux.

Le Comité note que les fonds fédéraux d’aide sociale sont versés aux provinces et aux territoires par le biais du Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS); il constate avec satisfaction que le budget du TCPS a augmenté l’année dernière et continuera de le faire à l’avenir. Il regrette toutefois que les décisions de dépenses soient laissées à l’entière discrétion des provinces et des territoires et qu’aucun mécanisme fédéral de contrôle n’instaure des normes minimales dans tout le pays en matière de financement des programmes d’aide sociale pour les femmes. Il s’inquiète par ailleurs des coupures budgétaires opérées dans les programmes sociaux dans de nombreuses provinces et des répercussions qui s’ensuivent sur les droits des femmes vulnérables, telles que les mères célibataires, les femmes autochtones, les Afro-américaines, les immigrantes, les femmes âgées et les femmes handicapées, qui comptent sur les aides sociales pour avoir un niveau de vie décent.

Le Comité demande à l’État partie de définir des normes minimales pour le financement des programmes d’aide sociale, applicables aux niveaux fédéral, provincial et territorial, de créer un mécanisme de contrôle de l’utilisation des fonds par les autorités provinciales et territoriales et de faire en sorte que les décisions de financement répondent aux besoins des femmes les plus vulnérables et ne sont pas discriminatoires envers les femmes. Il lui demande aussi d’évaluer l’impact des programmes sociaux sur les droits des femmes et d’inclure les conclusions de cette évaluation dans son prochain rapport périodique au Comité.

Visibilité de la Convention et de son Protocole facultatif

Le Comité note que le texte de la Convention et de son Protocole facultatif peut être consulté sur le site Web de Patrimoine canadien et qu’une version papier est disponible sur demande. Il remarque aussi qu’une formation est dispensée aux magistrats, au sujet notamment des obligations de l’État partie en vertu du droit international, de la condition des femmes et de la prise en compte des facteurs sociaux dans les décisions de justice. Le Comité regrette toutefois que l’État partie n’agisse pas plus énergiquement pour faire connaitre la Convention et son Protocole facultatif à tous les niveaux.

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures supplémentaires pour diffuser et promouvoir la Convention et son Protocole facultatif à tous les niveaux –  fédéral, provincial et territorial –, notamment auprès des magistrats et juristes, des partis politiques et des fonctionnaires, dont les policiers, ainsi qu’auprès du grand public à commencer par les femmes et les organisations non gouvernementales de femmes, afin que ces deux instruments entrent dans l’élaboration et la mise en œuvre des lois, politiques et programmes en faveur de la réalisation effective du principe de l’égalité hommes-femmes. Le Comité engage l’État partie à inscrire systématiquement la Convention et la question de l’égalité des sexes dans tous les programmes de formation. Il lui demande par ailleurs de faire en sorte que la Convention et son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité ainsi que les points de vue adoptés sur les communications et les demandes individuelles fassent partie intégrante des programmes d’enseignement, y compris les études de droit et la formation des magistrats.

Législation discriminatoire

Le Comité note avec préoccupation que la Convention n’a pas été intégralement transposée dans le droit interne et que certaines lois restent discriminatoires. Tel est le cas de la loi sur les Indiens, qui opère une distinction entre les descendants de femmes autochtones mariées à des non-Indiens et ceux des hommes autochtones mariés à des non-Indiennes quant à leur droit de transmettre leur statut indien à leurs enfants et petits-enfants. Il note également avec inquiétude que, bien qu’abrogé, l’article 67 de la loi canadienne sur les droits de la personne dispose encore que la loi sur les Indiens doit être appliquée de manière à tenir compte des traditions juridiques et du droit coutumier des Premières nations, et en particulier de l’équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs.

Le Comité recommande à l’État partie de transposer intégralement toutes les dispositions de fond de la Convention dans son droit interne. Il lui recommande également de prendre immédiatement des dispositions pour modifier la loi sur les Indiens afin d’en abroger les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes en matière de transmission du statut indien et de s’assurer en particulier que les femmes autochtones peuvent au même titre que les hommes transmettre leur statut à leurs enfants et petits-enfants, même en cas de mariage avec un non-Indien et quel que soit le sexe de leur ancêtre autochtone . Il recommande également à l’État partie de s’assure r que l’article 67 de la loi canadienne sur les droits de la personne est interprété et appliqué de manière que les femmes autochtones soient protégées contre la discrimination et obtiennent pleinement réparation en cas de violation de leurs droits.

Le Comité se préoccupe du fait que le principe de la division des biens matrimoniaux en cas de divorce ne s’applique pas aux femmes autochtones vivant dans les réserves, où prévaut la loi sur les Indiens, qui ne mentionne pas la question des biens matrimoniaux. Il regrette que le projet de loi C-47, qui concernait spécifiquement les droits de propriété dans les réserves, ait été retiré après la dissolution du Parlement.

Le Comité engage vivement l’État partie à assurer sans attendre l’adoption par le Parlement et l’entrée en vigueur d’une loi garantissant les droits de propriété matrimoniaux des femmes autochtones vivant dans les réserves.

Accès aux voies de recours

Le Comité note avec préoccupation que l’assistance judiciaire en matière civile est de moins en moins financée et de plus en plus difficile à obtenir, en particulier en Colombie-Britannique, de sorte que les femmes à faible revenu n’ont pas accès à la représentation en justice et aux services juridiques. Il regrette également la suppression du Programme de contestation judiciaire, qui facilitait l’accès des femmes aux procédures pour des violations présumées de leur droit à l’égalité, et l’absence d’explication concrète de cette décision dans le processus d’examen et d’évaluation budgétaires.

Le Comité engage vivement l’État partie à faire en sorte que toutes les femmes, notamment celles qui appartiennent à des groupes vulnérables, puissent exercer leur droit de recours en cas de discrimination fondée sur le sexe, en s’assurant qu’elles ont accès à des mécanismes adéquats, à l’assistance judiciaire et à la représentation en justice afin de demander et obtenir réparation après des tribunaux. À cet égard, il encourage l’État partie à revenir sur la suppression du Programme de contestation judiciaire. Il l’encourage également à envisager de définir des critères minima en matière d’accès aux dispositifs d’assistance judiciaire, en particulier dans le domaine du droit de la famille et de la pauvreté, critères qui seraient applicables dans l’ensemble des provinces et territoires et dont les femmes pourraient se prévaloir partout au Canada.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité constate avec regret qu’aucune mesure temporaire spéciale n’a été prise pour accélérer la réalisation de l’égalité hommes-femmes dans les faits et améliorer la situation des droits des femmes dans l’État partie, notamment en ce qui concerne l’emploi et la participation à la vie politique.

Le Comité appelle l’État partie à adopter, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale 25, des mesures temporaires spéciales, plus particulièrement dans le domaine de l’emploi des femmes et de la participation des femmes à la vie publique.

Dispositif national de défense des droits des femmes

L’État partie indique que la restructuration de Condition féminine Canada (CFC) s’est limitée à la fermeture de bureaux administratifs et que les fonds dégagés ont été réinjectés dans des programmes pour des femmes; le Comité s’inquiète toutefois de la fermeture d’un certain nombre de bureaux régionaux, qui revient à restreindre l’accès des femmes aux services de cet organisme, en particulier dans les zones rurales éloignées.

Le Comité demande instamment à l’État partie de procéder à une évaluation pour déterminer si oui ou non la fermeture de bureaux de Condition féminine Canada a eu des répercussions négatives sur l’application de la Convention et l’accès des femmes (notamment des femmes rurales et des femmes autochtones) aux services. Si tel est le cas, l’État partie devrait impérativement prendre toutes les mesures correctives nécessaires.

Organisations non gouvernementales

Le Comité note avec regret qu’en vertu des nouvelles lignes directrices en matière de financement des ONG par le Programme de promotion de la femme de CFC, les organisations de femmes ne peuvent plus recevoir des subventions pour des activités de sensibilisation, de lobbying ou de recherche au Canada. Il craint que, faute de financement, un certain nombre d’ONG de femmes soient contraintes de cesser ou restreindre considérablement leurs activités. Il s’inquiète aussi du fait que, si l’État partie a consulté la société civile pour établir ses rapports périodiques, aucun processus consultatif permanent n’est en place dans tous les domaines couverts par la Convention.

Compte tenu de l’importance que revêtent les activités de sensibilisation, de lobbying et de recherche des ONG pour l’application de la Convention et de son Protocole facultatif, le Comité engage vivement l’État partie à envisager de réviser ses lignes directrices en matière de financement afin que les ONG qui font un travail de lobbying, de recherche et de sensibilisation puissent de nouveau être financées par le Programme de promotion de la femme. Il encourage également l’État partie à établir un processus permanent de consultations périodiques et de collaboration avec les ONG sur les questions touchant l’application de la Convention.

Violence contre les femmes

Le Comité se félicite des initiatives prises aux niveaux fédéral, provincial et territorial pour traiter le problème de la violence à l’encontre des femmes, notamment dans la famille, et de certaines initiatives, telles que « Sœurs par l’esprit » et le programme « Peuples autochtones », qui traitent spécifiquement de la violence à l’encontre des femmes autochtones, ainsi que de la participation des hommes à la lutte contre la violence faite aux femmes comme dans la Campagne du ruban blanc. Le Comité relève avec intérêt que l’État partie mentionne une légère diminution du nombre de cas de violence conjugale signalés, mais reste préoccupé par le fait que la violence familiale reste un problème important. Il est également préoccupé par la tendance apparemment croissante à recourir dans les affaires de violences familiales à la médiation et d’autres types de procédures au lieu de poursuites judiciaires et l’utilisation croissante du « double chef d’accusation ». Il s’inquiète aussi des informations faisant état de niveaux de violence élevés à l’encontre d’adolescentes au sein de la famille et dans la société. Par ailleurs, tout en prenant note avec satisfaction du Programme d’amélioration des refuges de l’État partie, le Comité s’inquiète du nombre encore insuffisant de refuges pour les victimes de violences. Il est également préoccupé par le fait que les condamnations pour infractions liées à la violence familiale peuvent ne pas être prises en compte dans les affaires de garde d’enfants ou de droits de visite.

Le Comité recommande que l’État partie continue de s’attacher prioritairement à la lutte contre la violence à l’encontre des femmes conformément à sa recommandation générale n o  19. Il recommande aussi à l’État partie d’adopter une législation spécifique sur la violence familiale à l’encontre des femmes, qui érige celle-ci en infraction pénale et garantisse que les femmes qui en sont victimes aient immédiatement accès à des moyens de recours et à une protection et que les auteurs soient poursuivis et condamnés comme il convient, et de mettre en place une politique de l’« agresseur principal ». Le Comité recommande en outre qu’il y ait dans toutes les juridictions des refuges adéquats et des services de soutien appropriés pour les femmes et les adolescentes victimes de la violence et que les besoins en la matière des femmes autochtones, handicapées, immigrantes, réfugiées ou victimes de la traite et des femmes des campagnes et des zones septentrionales soient couverts. L’État partie est par ailleurs encouragé à mettre en œuvre une législation prescrivant que les condamnations pour violence familiale soient prises en compte dans les décisions en matière de garde d’enfants ou de droits de visite.

Le Comité a noté qu’un groupe de travail a été établi pour examiner la situation concernant les femmes disparues et assassinées et celles qui courent un danger à cet égard, mais il reste préoccupé par le fait qu’au cours des deux dernières décennies des centaines d’affaires de disparition ou de meurtre de femmes autochtones n’ont pas fait l’objet d’enquêtes approfondies ni d’une attention prioritaire, les coupables restant impunis.

Le Comité invite instamment l’État partie à examiner les raisons de l’absence d’enquêtes sur ces affaires de disparition et de meurtre de femmes autochtones et à prendre les mesures nécessaires pour remédier aux carences du système. Il exhorte l’État partie à effectuer d’urgence des enquêtes approfondies sur les affaires de disparition ou de meurtre de femmes autochtones des dernières décennies. Il l’invite instamment aussi à effectuer une analyse de ses affaires pour déterminer s’il y a « racialisation » de ces disparitions et, si c’est le cas, à prendre des mesures en conséquence.

Femmes et filles détenues

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes autochtones sont surreprésentées dans les prisons, comme le sont les femmes afro-canadiennes et les autres femmes de couleur. Il déplore, alors que les femmes ne posent en général dans le système carcéral fédéral qu’un risque faible, que beaucoup soient détenues dans des quartiers de haute sécurité, ce qui limite leur accès au travail et aux programmes collectifs ainsi qu’au pavillon de ressourcement pour les détenues autochtones. En outre, le Comité est préoccupé par le maintien de gardiens hommes dans les prisons de femmes, lequel accroît les risques de harcèlement ou d’agressions sexuels et viole le droit des détenues au respect de leur vie privée. Le Comité est en outre préoccupé par le traitement des détenues adolescentes, qui sont souvent incarcérées dans des prisons mixtes où elles sont exposées à la violence des détenus adolescents ou des gardiens de prison.

Le Comité invite l’État partie à traiter la question de la surreprésentation des femmes autochtones et des femmes de couleur dans les prisons et à redéfinir son système de classification des détenues dans le système carcéral fédéral, à mettre fin à la pratique d’employer des gardiens de sexe masculin en contact direct avec les détenues dans les établissements pour femmes et à établir pour les détenues du système fédéral un mécanisme extérieur de recours et de contrôle qui soit indépendant, global et accessible. Le Comité demande en outre instamment à l’État partie de veiller à ce que les filles ne soient pas détenues dans des prisons ou centres de détention pour mineurs mixtes.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Tout en se félicitant du nombre élevé de femmes juges à la Cour suprême du Canada et à d’autres niveaux de l’appareil judiciaire fédéral, provincial et territorial et prenant note des efforts déployés aux niveaux fédéral, provincial et territorial pour accroître le nombre de femmes occupant des charges publiques, notamment grâce au soutien des femmes qui sont sous-représentées, telles que les immigrantes, les femmes autochtones et les femmes âgées, le Comité constate avec regret que la participation des femmes à la vie politique reste faible.

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures soutenues, notamment des mesures spéciales temporaires conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25, pour accélérer une plus grande représentation des femmes dans les organes dont les membres sont élus ou désignés dans tous les domaines de la vie publique, et en particulier aux plus hauts niveaux du service diplomatique.

Emploi et autonomisation économique

Le Comité se félicite des progrès réalisés en ce qui concerne la place des femmes sur le marché du travail, notamment de la baisse de leur taux de chômage et de leur représentation accrue dans toute une gamme de domaines professionnels ainsi que de la diminution des écarts de salaire entre hommes et femmes. Néanmoins, il constate avec préoccupation la prédominance des femmes dans le travail à temps partiel, due souvent à leur rôle parallèle traditionnel qui veut qu’elles s’occupent des enfants et des personnes âgées, et la persistance d’une ségrégation professionnelle importante, les femmes occupant des emplois traditionnels faiblement rémunérés. Il est préoccupé par l’écart persistant entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes.

Le Comité invite l’État partie à assurer l’égalité des chances entre femmes et hommes sur le marché du travail, y compris par l’application de mesures spéciales temporaires conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25. Il recommande aussi que l’État partie inclue dans son prochain rapport périodique des renseignements plus détaillés sur la situation des femmes au travail, en mettant en particulier l’accent sur les efforts visant à accroître le nombre de femmes dans les professions et les métiers non traditionnels.

Le Comité constate que le salaire minimum a augmenté dans un certain nombre de provinces et de territoires, mais reste gravement préoccupé par la pauvreté endémique des femmes, en particulier des femmes autochtones, de celles qui appartiennent à des minorités et des mères célibataires. Le Gouvernement canadien fournit certes un soutien aux familles grâce à son Plan universel pour la garde d’enfants, qui comprend la Prestation fiscale canadienne pour enfants, et prévoit la création de nouvelles places en garderie, mais le Comité reste préoccupé par le manque de garderies de qualité à des prix abordables. Il relève avec intérêt que l’État partie a indiqué que les dépenses fédérales consacrées au logement n’ont jamais été aussi élevées, mais regrette l’absence de stratégie nationale du logement et s’inquiète de la pénurie aiguë actuelle de logements, en particulier dans les collectivités autochtones et du coût élevé des loyers et de son incidence sur les femmes. Il est en particulier préoccupé par les incidences du manque de garderies et de logements abordables sur les femmes qui ont des familles mais disposent d’un faible revenu.

Le Comité invite l’État partie à accélérer ses efforts pour fournir un nombre suffisant de places en garderie à des prix abordables et offrir des possibilités de logements décents et abordables, y compris dans les collectivités autochtones, en donnant la priorité aux femmes à faible revenu, qui sont particulièrement désavantagées à cet égard. Il recommande aussi que l’État partie effectue une analyse de coûts-bénéfices pour évaluer l’incidence des niveaux de vie actuels et de la situation en matière de logement et de garderies sur l’autonomisation économique des femmes et présente ses conclusions dans son prochain rapport. Une telle analyse devrait être centrée principalement sur les femmes à faible revenu et tenir compte du montant de l’aide sociale que leur fournit l’État par rapport au coût réel de la vie, logement et garde des enfants compris.

Santé

Le Comité accueille avec satisfaction le Projet sur les indicateurs de la santé des femmes qui vise à intégrer la problématique hommes-femmes et la diversité dans les systèmes de rapports sur la santé, l’Initiative fédérale de lutte contre le VIH/sida de 2005, l’établissement en 2003 du Groupe de recherche sur la santé et la guérison des femmes autochtones et le Programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations et des Inuits. Le Comité est cependant préoccupé par le fait que la population autochtone est particulièrement affectée par le VIH/sida et que celui-ci a un impact plus grand sur les femmes. Il est aussi préoccupé par la situation des femmes âgées qui sont souvent désavantagées en matière de soins pour les problèmes de santé liés à l’âge.

Le Comité encourage l’État partie à contrôler de près la prestation de services de santé afin qu’ils apportent à tous les problèmes de santé des femmes une réponse adaptée tant à leur sexe qu’à leur âge et l’invite à cet égard à prendre comme cadre d’action sa recommandation générale n o  24 pour veiller à ce que tous les mesures et programmes de santé intègrent une perspective sexospécifique. Il recommande aussi que, dans son prochain rapport, il fournisse des renseignements sur tout projet ou activité entrepris dans le cadre du Projet sur les indicateurs de la santé des femmes.

Femmes autochtones et femmes appartenant à d’autres minorités

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes autochtones et les femmes appartenant à différentes communautés ethniques ou minorités continuent de souffrir de formes de discrimination multiples, en particulier en matière d’accès à l’emploi, de logement, d’éducation et de soins de santé. Il prend note de l’existence d’un certain nombre de programmes, politiques et activités de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes autochtones. Il constate néanmoins avec regret que les femmes autochtones du Canada continuent de vivre dans des conditions misérables : taux de pauvreté élevés, santé médiocre, logement inadéquat, absence d’accès à l’eau potable, faible taux de réussite à l’école et taux élevés de violence. Elles sont sous-représentées dans tous les domaines du marché du travail, en particulier aux niveaux élevés et aux postes de décision, souffrent davantage du chômage et subissent par rapport aux hommes des écarts de salaire horaire plus élevés. Le Comité note aussi avec préoccupation que les femmes appartenant à des communautés ethniques et des minorités sont également exposées à un taux élevé de violence et sont très sous-représentées dans la vie politique et la vie publique.

Rappelant ses recommandations de 2003, le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures, notamment des mesures spéciales temporaires conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25, pour éliminer en droit et en fait les discriminations à l’encontre des femmes autochtones, des femmes appartenant à des groupes ethniques ou des minorités, tant dans la société au sens large que dans leurs communautés, en particulier pour ce qui est des dernières dispositions légales discriminatoires et de la jouissance égale de leurs droits fondamentaux à l’éducation, à l’emploi et au bien-être physique et psychologique. Il recommande aussi que l’État partie élabore un plan spécifique intégré couvrant la situation particulière des femmes autochtones, tant dans les réserves qu’à l’extérieur, et des femmes appartenant à des groupes ethniques ou des minorités, et traitant notamment les questions relatives à leur pauvreté, leur état de santé médiocre, leurs mauvaises conditions de logement, leur faible taux de réussite à l’école, leur faible taux d’emploi et de revenu et leurs taux de violence élevés et qu’il prenne des mesures efficaces et dynamiques, notamment le lancement de campagnes d’information, pour sensibiliser les communautés autochtones, ethniques et minoritaires aux droits fondamentaux des femmes et lutter contre les attitudes et pratiques patriarcales et les rôles stéréotypés. Le Comité invite en outre l’État partie à veiller à ce que les femmes autochtones et celles appartenant à des groupes ethniques ou des minorités soient habilitées, par l’encouragement, le tutorat et des financements, à participer aux processus nécessaires en matière de gouvernance et de législation pour résoudre les questions faisant obstacle à leur égalité de droit et de fait.

Tout en se félicitant des efforts des services à l’enfance et à la famille visant à développer la prévention, le Comité reste préoccupé par le nombre disproportionné d’enfants autochtones, notamment de filles, pris en charge par l’État.

Le Comité recommande que l’État partie prenne toutes les mesures nécessaires pour résoudre la question de la séparation des enfants autochtones de leurs parents. Il devrait en particulier centrer son attention sur les facteurs qui contribuent à cette situation, tels la pauvreté, la pénurie de logements, la violence et la toxicomanie.

Mariage et vie familiale

Le Comité est préoccupé par le fait que des renseignements insuffisants ont été fournis au cours du dialogue constructif sur le partage des biens à la dissolution du mariage ou d’une union de fait, en particulier pour ce qui est de l’aptitude future à gagner sa vie.

Le Comité recommande que dans ses prochains rapports périodiques l’État partie fournisse des renseignements sur le partage des biens à la dissolution du mariage ou d’une union de fait.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite instamment l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention en s’appuyant sans réserve sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de lui en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne aussi qu’il est indispensable de donner pleinement effet à la Convention pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Il invite l’État partie à prendre en compte la problématique hommes-femmes et à appliquer sans réserve les dispositions de la Convention dans toutes les initiatives visant à atteindre les objectifs du Millénaire et le prie de lui en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note qu’en adhérant aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme , les États permettent aux femmes d’exercer plus pleinement leurs libertés et droits fondamentaux de tous égards . Il encourage donc le Gouvernement canadien à ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux dr oits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Diffusion des observations finales

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Canada pour que la population du pays, en particulier les fonctionnaires aux niveaux fédéral, provincial et territorial, les responsables politiques, les parlementaires et les organisations féminines et celles qui défendent les droits de l’homme, soient au fait des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes ainsi que des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande à l’État partie de continuer à améliorer la diffusion, surtout auprès des organisations féminines et de celles qui défendent les droits de l’homme, d es textes de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing ainsi que du Document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 13 et 3 2 ci-dessus.

Date du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il établira en application de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter un rapport unique, valant huitième et neuvième rapports périodiques , en décembre 2014.