Trente-sixième session

7-25 août 2006

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Chine

Le Comité a examiné le rapport unique présenté par la Chine valant cinquième et sixième rapports périodiques (CEDAW/C/CHN/5-6 et Add.1 et 2) à ses sept cent quarante-troisième et sept cent quarante-quatrième réunions, le 10 août 2006 (voir CEDAW/C/SR.743 et 744). L’additif 1 au rapport unique valant cinquième et sixième rapports périodiques porte sur l’application de la Convention par le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong sur laquelle le Gouvernement chinois a rétabli sa souveraineté le 1er juillet 1997. L’additif 2 porte sur l’application de la Convention par le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Macao sur laquelle le Gouvernement chinois a rétabli sa souveraineté le 20 décembre 1999. On trouvera la liste des points et questions soulevés par le Comité dans le document CEDAW/C/CHN/Q/6 et les réponses apportées par la Chine dans le document CEDAW/C/CHN/Q/6/Add.1

Introduction

Le Comité félicite l’État partie pour avoir présenté son rapport unique valant cinquième et sixième rapports périodiques et les additifs, qui suivaient les lignes directrices du Comité relatives à l’établissement des rapports périodiques et ont tenu compte de ses précédentes observations finales. Il regrette cependant que le rapport ait été présenté avec retard et qu’il n’y soit pas indiqué si ses recommandations générales avaient été prises en considération. Il regrette en outre que le rapport ne comporte pas suffisamment de statistiques ventilées par sexe ni d’analyse sur la situation de fait des femmes en Chine.

Le Comité remercie l’État partie pour les réponses écrites qu’il a fournies aux questions soulevées par le groupe de travail présession et pour les précisions qu’il a apportées en réponse à ces demandes orales d’éclaircissement.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir dépêché une délégation importante et de haut niveau dirigée par la Vice-Présidente exécutive du Comité de travail national sur les femmes et les enfants relevant du Conseil des affaires d’État, qui était composée de représentants du Gouvernement central et des Régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao. Il se réjouit que la délégation ait compté des experts de différents ministères et départements du Gouvernement central, dont les Ministères des affaires étrangères, de l’éducation, des affaires civiles, de la santé, du travail et de la sécurité sociale, et des fonctionnaires de ces ministères, ainsi que de la Commission nationale de la population et du planning familial, de la Cour suprême et de la Commission d’État pour les affaires ethniques, ainsi que des Régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao. Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est instauré entre la délégation et les membres du Comité.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie pour avoir entrepris récemment toute une série de réformes juridiques et mis en place des politiques et programmes visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité entre les sexes, ainsi qu’à assurer une mise en conformité avec les obligations qui lui incombent au titre de la Convention. En particulier, il se réjouit de la modification en 2005 de la loi sur la protection des droits et des intérêts des femmes, de la modification en 2001 de la loi sur le mariage comportant des dispositions additionnelles dans un certain nombre de domaines, comme la violence familiale, le patrimoine des couples, et les liens entre les membres de la famille, de la promulgation en 2002 de la loi relative aux baux qui contient des dispositions concernant l’attribution de terres aux femmes mariées, divorcées et aux veuves, et de la modification en 2006 de la loi sur l’enseignement obligatoire. Il accueille en outre avec satisfaction le Programme pour la promotion des femmes chinoises (2001-2006) qui est le fondement de la politique de l’État en matière d’égalité entre les sexes pour accroître le progrès social au niveau national.

Le Comité se félicite du rôle actif joué par la société civile, en particulier les femmes, dans la Région administrative spéciale de Hong Kong, pour garantir la protection des droits humains des femmes.

Le Comité remercie l’État partie pour avoir continué d’appliquer la Convention à la Région administrative spéciale de Macao à la suite du rétablissement de la souveraineté chinoise sur Macao le 20 décembre 1999 en vertu du principe « un pays, deux systèmes ».

Principaux sujets de préoccupations et recommandations

Tout en rappelant l’obligation qui incombe à l’État partie d’appliquer de manière systématique et constante toutes les dispositions de la Convention, le Comité estime que les préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes observations finales devraient faire l’objet d’une attention prioritaire de l’État partie jusqu’à la présentation du prochain rapport périodique. Par conséquent, il demande à l’État partie de centrer son attention sur ces domaines dans ses activités de mise en œuvre et d’indiquer, dans son prochain rapport, les mesures prises et les résultats obtenus. Il lui demande également de transmettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés et au Parlement afin d’assurer leur application pleine et entière.

Le Comité reste préoccupé par le fait que la législation interne chinoise ne comporte toujours pas de définition de la discrimination à l’égard des femmes, englobant la discrimination tant directe qu’indirecte, qui soit conforme à la définition de l’article premier de la Convention, comme cela a déjà été indiqué dans ses observations finales précédentes (A/54/38/Rev.1) et que cette définition ne figure pas dans la loi sur la protection des droits et des intérêts des femmes, modifiée en 2005. Le Comité note que la Convention fait partie intégrante du droit chinois, mais il exprime son inquiétude quant au fait que l’État partie n’ait toujours pas pris conscience de l’importance de cette définition et que l’absence de dispositions juridiques particulières puisse entraver l’application, dans l’État partie, de la définition intégrale de la discrimination, telle qu’elle figure dans la Convention.

Le Comité rappelle qu’il a recommandé à l’État partie de renforcer ses capacités pour comprendre ce qu’il faut entendre par « égalité réelle et non-discrimination », au sens où l’exige la Convention, et d’inclure, dans son droit interne, une définition de la discrimination à l’égard des femmes, englobant la discrimination tant directe qu’indirecte, qui soit conforme à l’article premier de la Convention.

Tout en se félicitant de l’établissement de cours et tribunaux spéciaux pour la protection des droits des femmes et des enfants, le Comité note avec préoccupation qu’en l’absence de dispositions prévoyant des voies de recours efficaces, l’accès des femmes à la justice en cas de discrimination peut rester limité, notamment dans les zones rurales. Le Comité note aussi qu’apparemment, la Convention n’a jamais été invoquée en justice.

Le Comité encourage l’État partie à faire en sorte que la Convention, les recommandations générales du Comité et la législation interne connexe fassent partie intégrante de l’enseignement du droit et de la formation des magistrats, notamment des juges, des avocats et des procureurs, et à veiller à ce qu’en particulier, les juges et les magistrats des cours et des tribunaux spéciaux connaissent bien la Convention et les obligations qui incombent à l’État partie au titre de cette convention. Il demande aussi à l’État partie d’améliorer la possibilité d’accéder à des voies de recours efficaces et de mettre en œuvre d’autres mesures de sensibilisation pour faire connaître ces voies de recours contre la discrimination pour que les femmes puissent en bénéficier. Il l’encourage à suivre les résultats de ces efforts et à faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des statistiques détaillées sur le recours par les femmes au droit pour obtenir réparation pour discrimination dans tous les domaines visés par la Convention, et des tendances structurelles.

Le Comité est inquiet que le rapport n’ait pas comporté suffisamment de données ventilées par sexe, région et groupe ethnique, ni d’informations comparant la situation des femmes et celle des hommes, pour lui permettre de comprendre en profondeur la situation actuelle des femmes en ce qui concerne tous les domaines visés par la Convention, et n’indique pas de tendances structurelles. Le Comité est également inquiet que l’absence ou la disponibilité limitée de ses données détaillées puisse également constituer un obstacle pour l’État partie lui-même lors de la conception et de l’exécution de politiques et programmes ciblés, et lors du suivi de leur efficacité pour la mise en œuvre de la Convention dans toutes les parties de ce vaste pays.

Le Comité demande à l’État partie d’étudier les obstacles au recueil des données afin d’améliorer la collecte et la large accessibilité des statistiques ventilées par sexe, par région et par groupe ethnique, pour chaque disposition de la Convention, pour qu’il puisse renforcer ses capacités de conception et d’exécution de politiques et de programmes ciblés destinés à promouvoir l’égalité entre les sexes et la jouissance par les femmes de leurs droits fondamentaux. Il recommande en outre que l’État partie renforce son rôle de suivi et d’évaluation des effets de ses politiques et programmes et prenne des mesures correctives, chaque fois que nécessaire. Il demande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des statistiques et d’indiquer les tendances structurelles pour permettre une évaluation approfondie des progrès accomplis dans l’application de la Convention.

Tout en félicitant l’État partie pour sa forte croissance économique et pour avoir réussi, de ce fait, à réduire le taux de pauvreté ces dernières années, le Comité est préoccupé par le fait que ces bénéfices continuent d’être répartis de manière inégale entre les zones urbaines et les zones rurales et que les femmes ne puissent pas bénéficier dans la même mesure que les hommes de la croissance économique globale et du développement. Il s’inquiète en outre des conséquences qu’entraînent pour les femmes la restructuration de l’économie, la décentralisation des services, notamment en ce qui concerne l’emploi des femmes, leur santé et leur éducation, et de la priorité donnée par l’État partie au développement de l’infrastructure au détriment des dépenses sociales, et des effets de ces politiques sur les femmes et les filles, notamment dans les zones rurales.

Le Comité engage l’État partie à mieux suivre les effets du développement et des changements économiques sur les femmes et à prendre des mesures proactives et correctives, notamment en augmentant les dépenses sociales, pour permettre aux femmes de bénéficier pleinement et sur un pied d’égalité avec les hommes de la croissance et de la réduction de la pauvreté. À cette fin, il recommande d’effectuer périodiquement une étude d’impact sexospécifique de toutes les politiques économiques et sociales et des mesures de réduction de la pauvreté, y compris du budget. Il invite l’État partie à mettre en œuvre des mesures visant à prévenir et éliminer tout effet néfaste de la restructuration de l’économie sur les femmes, en particulier sur celles vivant en zones rurales et dans des zones éloignées ou qui appartiennent à des minorités ethniques.

Le Comité s’est dit préoccupé par la persistance de stéréotypes profondément enracinés sur le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, d’où cette préférence marquée pour le fils qui est à l’origine de la disproportion entre les sexes et de la pratique illégale de l’avortement sélectif selon le sexe. Le Comité note avec inquiétude que ces comportements prédominants rabaissent les femmes et portent atteinte à leurs droits fondamentaux.

Le Comité demande que l’État partie élabore une stratégie générale pour lutter contre les stéréotypes ancestraux sur le rôle de la femme et de l’homme dans la société, conformément aux articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Cette stratégie devrait comprendre des mesures d’ordre juridique et politique et des activités de sensibilisation, associer la fonction publique et la société civile, et viser toute la population, en particulier les hommes et les garçons. Elle ferait appel aux différents médias (radio, télévision et presse écrite) et comprendrait des programmes spécialisés et généraux. Le Comité engage l’État partie à s’assurer que les nouveaux programmes et manuels scolaires publiés depuis 2000 sont bien dénués de connotations sexistes et à faire en sorte que l’accent y soit explicitement mis sur l’égalité entre hommes et femmes.

S’il reconnaît que l’État partie s’est efforcé de faire face à la traite des femmes et des filles, notamment par la coopération transfrontière et internationale, le Comité constate toutefois avec inquiétude que la traite est définie dans le Code pénal comme se limitant aux seules fins d’exploitation et de prostitution, ce qui n’est pas conforme aux normes internationales. Le Comité constate également avec préoccupation que l’effet de la criminalisation constante de la prostitution sur les prostituées est sans commune mesure avec son effet sur la poursuite et la sanction des proxénètes et des trafiquants. Il est aussi préoccupé par le fait que les prostituées puissent être mises en détention administrative sans autre forme de procès. Le manque de données et de statistiques sur l’étendue de la traite, en particulier au niveau national, est également inquiétant.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour lutter contre toutes les formes de traite des femmes et des filles. Il conseille vivement à l’État partie d’aligner la législation nationale sur les normes internationales et à terminer rapidement l’élaboration du projet de programme d’action national contre la traite d’êtres humains, à l’adopter et à l’exécuter. Il demande à l’État partie d’appliquer plus rigoureusement la loi contre la traite de façon que ceux qui se livrent à la traite et à l’exploitation sexuelle des femmes et des filles soient traduits en justice et punis, et d’apporter toute l’aide nécessaire aux victimes de la traite. Le Comité exhorte également l’État partie à prendre les mesures nécessaires aux fins de la réadaptation et de la réinsertion des femmes victimes de la prostitution, d’offrir d’autres moyens de subsistance aux femmes pour les sortir de la prostitution et d’empêcher leur détention arbitraire. Il enjoint à l’État partie de rassembler systématiquement des données détaillées sur la traite transnationale et nationale, en particulier l’âge et l’appartenance ethnique des victimes. Le Comité demande à l’État partie de présenter dans son prochain rapport des informations et des données complètes sur la traite des femmes et des filles, ainsi que sur l’incidence des mesures prises et les résultats obtenus à cet égard.

Le Comité félicite l’État partie pour l’interdiction explicite de la violence familiale qu’il a introduite en 2001 dans la loi sur le mariage et pour les autres mesures qu’il a adoptées pour lutter contre la violence à l’égard des femmes; mais il est préoccupé par le fait que la législation sur la violence contre les femmes n’est pas complète, car il n’y a pas de loi prévoyant l’accès à la justice et de l’aide pour les victimes et la poursuite des coupables, et par l’absence de données statistiques sur toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes. Le Comité est également alarmé par les nombreux cas de femmes victimes de violence dans les centres de détention, en particulier au Tibet.

Le Comité recommande instamment à l’État partie d’adopter une loi générale sur la violence contre les femmes et d’ériger en infraction punissable par la loi tous les actes de violence contre les femmes et les filles, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. Il demande à l’État partie de mettre immédiatement en place des mesures d’indemnisation et de protection des femmes et des filles victimes de violence, conformément à sa recommandation générale n o  19. Il encourage également l’État partie à améliorer la possibilité pour les victimes d’obtenir justice et réparation, notamment en assurant la formation des fonctionnaires de justice (magistrats, avocats et procureurs) pour qu’ils puissent traiter sans sexisme le problème de la violence contre les femmes et veiller à ce que toute plainte fasse rapidement l’objet d’une enquête, y compris les cas des femmes victimes de violence dans les centres de détention. Il demande également à l’État partie d’améliorer la collecte de données sur toutes les formes de violence contre les femmes, et de citer ces données dans son prochain rapport.

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas suffisamment utilisé les mesures temporaires spéciales préconisées au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et dans la recommandation générale no 25 du Comité, pour accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre hommes et femmes dans tous les domaines visés dans la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie d’utiliser les mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25 pour accélérer concrètement l’instauration de l’égalité de fait, ou réelle, entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés dans la Convention.

Le Comité se félicite des dispositions adoptées par l’État partie pour assurer la représentation des femmes dans tous les domaines de la vie politique et publique, mais il se dit toutefois préoccupé par la faible présence des femmes, notamment des femmes appartenant à des minorités ethniques, dans la vie politique et publique et dans les postes de direction, y compris dans la fonction publique. Il note avec inquiétude que le projet de révision de la loi organique des comités de village ne prévoit pas une représentation égale des hommes et des femmes au sein des comités de village.

Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures concrètes, y compris des mesures temporaires spéciales, comme fixer des objectifs quantitatifs et des délais afin de parvenir plus rapidement à un nombre égal des hommes et des femmes dans les organes élus et institués dans tous les domaines de la vie publique, aux niveaux local et national, et dans toutes les branches du gouvernement, y compris dans le service diplomatique. Le Comité recommande que l’État partie prévoie une formation aux fonctions de direction et à l’art de la négociation pour les dirigeantes et les femmes qui aspirent à le devenir. Il engage aussi l’État partie à lancer des campagnes d’information pour attirer l’attention sur l’importance de la participation des femmes à la prise de décisions à tous les niveaux de la société.

Le Comité demeure préoccupé par la position défavorisée des femmes rurales, en particulier pour ce qui est de l’accès à l’éducation, aux services de santé et à l’emploi, de la participation à la prise de décisions et de l’accès à la propriété. Il est également préoccupé par la situation des femmes rurales appartenant à des minorités, comme les Tibétaines, qui subissent des formes de discrimination diverses à cause de leur sexe, de leur appartenance ethnique ou culturelle ou de leur situation socioéconomique. Le Comité note avec satisfaction les efforts faits par l’État partie pour renforcer l’accès des femmes et des filles rurales à l’éducation, mais il demeure préoccupé par les taux d’analphabétisme et d’abandon scolaire anormalement élevés chez les filles en milieu rural. Il se dit également inquiet par l’absence de services de soins et de personnel médical dans les zones rurales, par les forts taux de mortalité maternelle, ainsi que par l’augmentation des dépenses de santé, comme les frais facturés aux usagers, qui limite l’accès des femmes rurales aux services de santé. S’il reconnaît que la loi garantit le droit des femmes rurales à posséder et à exploiter la terre au même titre que les hommes, le Comité note avec préoccupation que 70 % des ruraux sans terre sont des femmes. Si le taux de suicide des femmes a diminué en général, il est préoccupant de constater qu’il demeure élevé en milieu rural.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour associer davantage les femmes rurales à l’élaboration, au développement, à l’exécution et au suivi des politiques et des programmes de développement rural, et d’appliquer ainsi plus strictement l’article 14 de la Convention. Il faud rait notamment faire en sorte que dans les campagnes toutes les filles puissent terminer les neuf années d’enseignement obligatoire gratuit. L’État partie devrait également s’employer d’urgence à améliorer l’accès aux services de santé gratuits pour toutes les femmes dans les campagnes. Le Comité demande instamment à l’État partie d’étudier de façon plus approfondie les raisons du nombre anormalement élevé de femmes sans terre et de prendre les mesures nécessaires pour y remédier, notamment pour faire disparaître les pratiques coutumières discriminatoires. Le Comité recommande que l’État partie mette en place des services de soins et d’accompagnement psychiatriques de qualité et peu coûteux dans les zones rurales pour réduire davantage le taux de suicide des femmes. Le Comité engage l’État partie à appliquer une approche globale à l’élimination des formes multiples de discrimination auxquelles sont confrontées les femmes rurales appartenant à des minorités ethniques et à accélérer l’instauration de l’égalité de fait entre hommes et femmes. Le Comité demande à l’État partie de transmettre, dans son prochain rapport, des données complètes, y compris des données ventilées par sexe, sur la situation des femmes rurales, notamment celles qui appart iennent à des minorités, surtout pour ce qui est de l’éducation, de l’emploi, de l’état de santé et des risques de violence.

Le Comité est préoccupé par la situation des femmes dans le secteur de l’emploi, y compris par l’absence de dispositions juridiques garantissant un salaire égal pour un travail de valeur égale, la persistance de l’écart de rémunération entre les sexes, la pléthore de travailleuses du secteur parallèle, l’environnement toxique et nocif dans lequel certaines femmes doivent travailler, et la diminution des revenus due à la forte concurrence sur le marché du travail. S’il se félicite que l’État partie ait pris des mesures pour promouvoir le rengagement des travailleuses licenciées, le Comité constate avec préoccupation que la condition de femme peut être la première raison pour laquelle une femme se fait licencier. Il constate par ailleurs que l’application de la législation du travail n’est guère contrôlée et que très peu de femmes en signalent les violations. Le Comité s’inquiète également au sujet du harcèlement sexuel au travail.

Le Comité recommande que l’État partie prenne d’autres mesures pour lutter contre la ségrégation professionnelle verticale et horizontale et renforcer le suivi et l’application de la législation du travail, notamment la loi sur les droits et les intérêts des femmes, et donner aux femmes des moyens de recours contre les violations des lois sur le travail, comme le licenciement discriminatoire fondé sur le sexe. Le Comité demande à l’État partie de s’employer à assurer l’égalité salariale, l’égalité d ans l e travail et l’égalité de prestations sociales entre hommes et femmes. Il encourage l’État partie à faire en sorte que les travailleuses ne soient pas exposées à des conditions dangereuses et à prévoir des sanctions contre la discrimination à l’encontre des femmes sur le milieu du travail, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, y compris le harcèlement sexuel.

S’il constate que l’État partie a adopté des dispositions juridiques interdisant l’avortement sélectif selon le sexe et l’infanticide des filles et d’autres mesures, comme la campagne nationale de prise en charge des filles lancée en 2006 et la mise en place d’un système d’incitation, le Comité est préoccupé par la persistance de la pratique illégale de l’avortement sélectif, ainsi que de l’infanticide des filles, du non-enregistrement des petites filles à la naissance et de leur abandon, et de l’avortement forcé. Le Comité craint que la trop grande disproportion numérique entre les sexes n’aggrave la traite des femmes et des filles.

Le Comité demande instamment à l’État partie de renforcer son contrôle de l’application des lois réprimant l’avortement sélectif et l’infanticide des filles et d’instaurer à cette fin des procédures juridiques équitables qui sanctionnent les fonctionnaires abusant de leur autorité. Il l’exhorte également à enquêter sur les cas signalés d’abus et de violences commis à l’encontre de femmes appartenant à des minorités ethniques par des agents des services locaux de planification familiale, y compris la stérilisation ou l’avortement forcé, et d’engager des poursuites le cas échéant. Il recommande à l’État partie de mettre en place à l’intention des agents des services de planification familiale une formation destinée à les sensibiliser aux comportements discriminatoires à l’égard des femmes. Il l’encourage à continuer d’intensifier ses efforts pour faire en sorte que toutes les filles soient enregistrées à leur naissance, en particulier dans les zones rurales. Il recommande en outre que l’État partie s’attaque vigoureusement aux causes de la préférence donnée aux enfants de sexe masculin, qui demeure vivace dans les zones rurales, et aux conséquences négatives de la politique de l’enfant unique du point de vue du rapport de masculinité en étendant le bénéfice des régimes d’assurances et de pensions de retraite à l’ensemble de la population, en particulier dans les zones rurales.

Tout en notant que l’État partie a également adhéré à la Convention de 1951 sur la protection des réfugiés, le Comité est préoccupé par l’absence de lois et de règlements protégeant les femmes réfugiées et demandeuses d’asile. Le Comité se déclare particulièrement inquiet devant la situation des femmes nord-coréennes, dont le statut demeure précaire et qui sont ou risquent tout particulièrement de devenir les victimes d’abus, de la traite, du mariage forcé et du quasi-esclavage.

Le Comité demande à l’État partie d’adopter des lois et des règlements régissant le statut des réfugiés et des demandeurs d’asile, conformément aux normes internationales, de façon à assurer aussi la protection des femmes. Il recommande à l’État partie d’intégrer pleinement une approche attentive aux discriminations à l’égard des femmes dans l’ensemble du processus d’octroi de l’asile ou du statut de réfugié, en étroite coopération avec le Haut Commissariat pour les réfugiés. Il encourage en particulier l’État partie à examiner la situation sur son territoire des réfugiées et des demandeuses d’asile nord-coréennes et de veiller à ce qu’elle ne deviennent pas victimes de la traite ou de l’esclavage conjugal du fait de leur statut d’étrangères en situation illégale.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations en ce qui concerne la Région autonome spéciale de Hong Kong

Tout en félicitant le Gouvernement de ses efforts pour protéger les femmes contre la violence, y compris en appliquant le principe de la « tolérance zéro à l’égard de la violence domestique », le Comité se déclare préoccupé par la faible proportion de cas de violence domestique qui font l’objet de poursuites dans la RAS de Hong Kong.

Le Comité invite instamment le Gouvernement de la RAS de Hong Kong à intensifier ses efforts pour combattre toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, y compris la violence domestique. Il le presse d’accroître l’accès des femmes à la justice, en veillant notamment à ce qu’il soit donné une suite effective aux plaintes déposées par elles et à ce que l’on enquête plus activement à leur sujet, et d’améliorer la formation dispensées aux magistrats et aux fonctionnaires de police pour les sensibiliser aux comportements discriminatoires à l’égard des femmes, ainsi que la formation des agents sanitaires et sociaux sur la violence à l’encontre des femmes. Il l’encourage à réouvrir à Hong Kong les centres d’accueil pour les victimes de viol de façon que les femmes soumises à des violences sexuelles puissent recevoir un soutien et des conseils appropriés dans des conditions de strict anonymat. Il lui recommande d’allouer des ressources suffisantes à la lutte contre toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, y compris la violence domestique, et de donner des informations détaillées à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité se déclare préoccupé par la politique de la « petite demeure », en vertu de laquelle seuls les « habitants autochtones » de sexe masculin, à l’exclusion des femmes, ont le droit de déposer une demande de permis de construire en vue de bâtir une habitation dans les Nouveaux Territoires.

Le Comité presse le Gouvernement de la RAS de Hong Kong d’abroger toutes les dispositions discriminatoires de la politique de la « petite demeure », et de veiller à ce que les « habitantes autochtones » de sexe féminin bénéficient des mêmes droits et du même accès à la propriété que les hommes.

Tout en reconnaissant que le Gouvernement de la RAS de Hong Kong a atteint l’objectif d’un taux de participation des femmes de 25 % dans les organismes consultatifs, le Comité note avec préoccupation leur faible représentation politique, notamment dans les circonscriptions fonctionnelles. Le Comité craint que le système électoral dans ces circonscriptions ne constitue une discrimination indirecte à l’égard des femmes du fait qu’il empêche celles-ci de participer sur un pied d’égalité à la vie politique.

Le Comité engage instamment le Gouvernement de la RAS de Hong Kong à prendre à titre temporaire des mesures spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, et à sa recommandation générale 25, en vue d’accroître la représentation des femmes dans la politique, y compris dans les circonscriptions fonctionnelles .

Le Comité est préoccupé par la situation des employées de maison étrangères, qui risquent d’être victimes d’une double discrimination en raison de leur sexe et de leurs origines ethniques. Il juge également préoccupante la « règle des deux semaines » qui exige des employées de maisons étrangères qu’elles quittent Hong Kong au plus tard deux semaines après l’expiration ou la résiliation de leur contrat de travail, ce qui les contraint à accepter un emploi dont les conditions peuvent être injustes ou abusives pour rester à Hong Kong. Il s’inquiète en outre des cas qui lui ont été signalés de conditions abusives imposées par des bureaux de placement aux employées de maison, tels que salaires et nombre de jours de congé inférieurs aux normes établies par la loi et nombre excessif d’heures de travail.

Le Comité recommande au Gouvernement de la RAS de Hong Kong de faire en sorte que les employées de maison étrangères ne soient pas traitées de manière discriminatoire par leurs employeurs et ne soient pas victimes d’abus ou de violences. Il l’invite instamment à abroger la « règle des deux semaines » et à adopter une politique plus souple à l’égard de ces employées de maison. Le Comité demande aussi à l’État partie de renforcer le contrôle qu’il exerce sur les bureaux de placement et d’offrir aux travailleuses migrantes des voies de recours aisément accessibles lorsqu’elles sont victimes d’abus commis par leurs employeurs et de les autoriser à rester dans le pays pendant la période où elles exercent leur recours. Il l’invite instamment à informer les travailleuses migrantes de leurs droits de telle façon qu’elles aient accès à la justice et puissent faire valoir leurs droits.

Le Comité se déclare préoccupé par la situation des femmes demandeuses d’asiles et des réfugiées à Hong Kong. Il prend note avec inquiétude de la déclaration de la représentante selon laquelle la RAS de Hong Kong n’a pas l’intention d’étendre l’application de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 à son territoire.

Le Comité demande à l’État partie d’étendre à Hong Kong l’application de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 de telle sorte que les femmes demandeuses d’asile ou réfugiées puissent pleinement bénéficier de sa protection.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations en ce qui concerne la Région administrative spéciale de Macao

Le Comité note avec préoccupation l’augmentation, ces dernières années, du nombre de cas de viol, de proxénétisme et de violence domestique dans la RAS de Macao. Il exprime aussi sa préoccupation devant l’absence d’une législation réprimant spécifiquement le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité invite instamment l’État partie à donner la priorité à la mise en place de mesures préventives de nature à combattre toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, conformément à sa recommandation générale 19. Il recommande que des recherches soient menées sur la prévalence, les causes et les conséquences de toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, y compris la violence domestique, en vue d’une action générale et ciblée et de faire figurer les résultats de ces recherches dans son prochain rapport périodique. Il recommande au Gouvernement de la RAS de Macao de faire en sorte que les femmes et les filles qui sont victimes de violences disposent d’un accès immédiat à des voies de recours et à des moyens de protection et que les auteurs de ces violences soient poursuivis et punis. Il encourage en outre l’État partie à veiller à ce que des abris et des services de conseils soient offerts aux victimes de violences. Il l’engage également à inclure dans sa législation des dispositions spécifiques relatives au harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et le prie de lui rendre compte de la mise en œuvre de ces mesures dans son prochain rapport périodique.

Le Comité s’inquiète de l’absence d’informations sur la représentation des femmes dans la vie politique et publique dans la Région administrative spéciale de Macao.

Le Comité demande au Gouvernement de la Région administrative spéciale de Macao de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données et informations suffisantes sur les mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale no 25 du Comité.

Le Comité note avec préoccupation que les organisations non gouvernementales de femmes n’ont pas été pleinement associées à l’établissement du rapport. Le processus de soumission des rapports en tant qu’élément d’une approche holistique de la mise en œuvre de la Convention risque de ce fait de perdre de son efficacité.

Le Comité demande à l’État partie de renforcer la coordination avec les organisations non gouvernementales de femmes, de manière à améliorer la mise en œuvre des dispositions de la Convention, le suivi des observations finales du Comité et l’établissement de ses futurs rapports périodiques au titre de l’article 18 de la Convention.

Le Comité demande à l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité presse l’État partie d’utiliser pleinement, pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne également que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe par l’application intégrale et effective de la Convention. Il demande que le souci de l’égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans tous les efforts visant à réaliser les objectifs du Millénaire et prie l’État partie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note que l’adhésion des États aux sept grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permet aux femmes d’exercer plus pleinement leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement chinois à envisager de ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Chine et dans les régions administratives spéciales de Hong Kong et Macao de façon que tous, y compris les membres du Gouvernement, la classe politique, les parlementaires et les organisations de femmes et de défense des droits de l’homme aient connaissance des mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité de jure et de facto des femmes et sachent quelles autres mesures sont encore nécessaires à cet égard. Il prie l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et du document final de la vingt troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité des sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Le Comité prie l’État partie de traiter des sujets de préoccupation soulevés dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra au titre de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter sous la forme d’un rapport unique en 2010 son septième rapport périodique, prévu pour septembre 2006, et son huitième rapport périodique, prévu pour septembre 2010.