NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/TKM/CO/12 juin 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante ‑deuxième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: TURKMÉNISTAN

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Turkménistan (CRC/C/TKM/1) à ses 1235e et 1237e séances (voir CRC/C/SR.1235 et 1237), tenues le 24 mai 2006, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 1157e séance, tenue le 2 juin 2006.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, tout en notant qu’il a été présenté avec un retard de près de 10 ans. Il aurait apprécié la participation d’une délégation plus importante et regrette de ne pas avoir reçu de réponses écrites à sa liste de points à traiter.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite:

a)Du nouveau programme de pays 2005‑2009, établi en coopération avec l’UNICEF, qui met l’accent en particulier sur le bien‑être des enfants dans les secteurs sanitaire et social;

b)De l’adoption du Programme national sur la prévention du VIH et des IST au Turkménistan (2005‑2010), en avril 2005;

c)De la loi sur la protection du droit des jeunes au travail, en date du 1er février 2005, qui interdit le travail des enfants d’âge scolaire dans les champs de coton.

4.Le Comité se félicite également de la ratification des instruments suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 29 avril 2005, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 28 mai 2005;

b)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 28 mars 2005.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 et par. 6 de l’article 44 de la Convention)

La législation et son application

5.Le Comité se félicite de ce que les réformes législatives récentes ont amélioré la protection des droits de l’enfant mais il n’en demeure pas moins préoccupé par les incohérences et les contradictions que révèle la législation nationale, en particulier dans le domaine de l’adoption et de la tutelle, et par le fait que cette législation n’est pas toujours appliquée de manière satisfaisante. Par ailleurs, tout en prenant note de la loi du 5 juillet 2002 sur la protection des droits de l’enfant, il constate avec préoccupation que cette loi ne porte pas sur tous les droits garantis par la Convention.

6. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’améliorer et d’harmoniser sa législation de manière qu’elle soit conforme aux principes et dispositions de la Convention;

b) De revoir la loi du 5 juillet 2002 sur la protection des droits de l’enfant de manière qu’elle porte sur tous les droits consacrés par la Convention;

c) De mettre en place tous les moyens nécessaires pour garantir l’application effective de sa législation, y compris des ressources budgétaires appropriées et des mécanismes de suivi;

d) De tenir compte de l’observation générale n o  5 (2003) du Comité sur les mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant pour donner suite aux recommandations contenues dans la présente section des observations finales (par. 5 à 21).

Coordination

7.Le Comité note que le Département de la présidence chargé des questions relatives à la jeunesse favorise la coordination entre les organes de l’État et les organisations de bénévoles en ce qui concerne les politiques en faveur de l’enfance tandis que le Conseil des ministres, également dirigé par le Président, a pour tâche de coordonner les activités au niveau gouvernemental.

8. Le Comité recommande à l’État partie d’assurer la mise en œuvre pleine, entière et effective de toutes les politiques relatives à l’enfance dans l’ensemble du pays, en renforçant notamment la coordination entre les différents organes concernés par la mise en œuvre de la Convention afin de garantir le respect de ses principes et dispositions pour tous les enfants relevant de la compétence de l’État. L’État partie pourrait aussi envisager de créer un organe permanent unique chargé de coordonner les activités de mise en œuvre de la Convention, et notamment celles des autorités centrales et locales.

Plan national d’action

9.Le Comité note avec inquiétude qu’il n’y a pas de stratégie globale bien structurée pour garantir l’application de la Convention dans l’État partie.

10. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer, en faisant participer et en consultant toutes les parties prenantes, y compris les enfants, les parents et la société civile, un plan national d’action pour l’enfance qui vise à la mise en œuvre des principes et dispositions de la Convention et tienne compte, entre autres, du document final adopté par l’Assemblée générale à sa session extraordinaire de mai 2002, intitulé «Un monde digne des enfants». Il lui recommande en outre de dégager les ressources budgétaires nécessaires à l’application effective du plan d’action. L’État partie est invité à fournir des informations complémentaires à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Suivi indépendant

11.Le Comité note que l’Institut national pour la démocratie et les droits de l’homme recueille les plaintes des citoyens mais il se déclare préoccupé par son manque d’efficacité et d’indépendance. Il manque un organe spécialisé chargé du suivi indépendant de la mise en œuvre effective de la Convention. D’autre part, le Comité constate avec préoccupation que l’Institut dispose de moyens très limités pour obtenir réparation pour les victimes.

12. Le Comité recommande à l’État partie, compte tenu de l’observation générale n o  2 du Comité sur le rôle des institutions nationales indépendantes des droits de l’homme dans la promotion et la protection des droits de l’enfant:

a) De créer une institution indépendante nationale des droits de l’homme chargée de promouvoir et de surveiller l’application de la Convention conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale);

b) De veiller à ce que cet organe dispose de ressources financières suffisantes et d’agents capables d’examiner les plaintes présentées par des enfants, ou en leur nom, avec tact et rapidité;

c) De faire en sorte que les enfants disposent de recours efficaces en cas de violation des droits qui leur sont reconnus dans la Convention;

d) De faire appel à l’assistance technique de l’UNICEF, entre autres, pour mettre en place ce mécanisme.

Ressources pour les enfants

13.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations et de transparence en ce qui concerne les ressources budgétaires consacrées à l’enfance et à la mise en œuvre des principes et des dispositions de la Convention. Il déplore que l’amélioration de la situation économique et le relèvement des indicateurs macroéconomiques n’aient pas donné lieu à une augmentation des ressources budgétaires allouées à l’enfance.

14. Le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention particulière à la pleine application de l’article 4 de la Convention, en augmentant et en hiérarchisant les allocations budgétaires pour garantir la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, en particulier de ceux qui appartiennent à des groupes économiquement défavorisés, «dans toutes les limites des ressources dont [il dispose] et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale». Il lui recommande en outre de faire connaître au public la manière dont la protection des droits de l’enfant se traduit sur le plan budgétaire et de fournir des informations à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Collecte de données

15.Le Comité note que l’Institut national de statistique et d’information «Turkmenmillikhasabat» collecte des données et fait des études sociologiques sur des questions relatives à l’enfance mais il constate avec préoccupation que le rapport de l’État partie ne contient pas de données sur la plupart des questions sur lesquelles porte la Convention, notamment celles qui concernent les enfants handicapés, ceux qui appartiennent à des groupes ethniques minoritaires et ceux qui sont en conflit avec la loi.

16. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système de collecte élargie de données comparatives pour tous les domaines sur lesquels porte la Convention, conçu de manière à en permettre la ventilation et l’analyse. Il conviendrait de mettre tout particulièrement l’accent sur les groupes qui ont besoin d’une protection spéciale. Il lui recommande en outre de continuer à coopérer avec l’UNICEF à cet égard et d’envisager la publication annuelle d’un rapport statistique sur la mise en œuvre de la Convention.

Formation et diffusion de la Convention

17.Le Comité se félicite de ce que la Convention a été publiée en turkmène et de ce que ses dispositions sont régulièrement expliquées dans les médias. Il note également que l’Institut national pour la démocratie et les droits de l’homme publie des textes et des compilations d’instruments internationaux et de textes législatifs nationaux sur la question des libertés et des droits civils.

18. Le Comité encourage l’État partie à continuer à diffuser la Convention, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables, c’est-à-dire les minorités ethniques ou linguistiques, et à intensifier ses efforts dans le but de former ou de sensibiliser de manière appropriée et systématique aux questions relatives aux droits de l’enfant les membres des groupes professionnels qui travaillent avec ou pour des enfants.

Coopération avec la société civile

19.Le Comité prend note de l’amendement au Code pénal du Turkménistan, en date du 2 novembre 2004, par lequel a été annulé l’article 223/1 qui prévoyait des sanctions pénales pour les activités non déclarées des associations publiques, y compris les organisations non gouvernementales, mais il constate avec une vive inquiétude que des obstacles importants entravent toujours l’action indépendante des organisations de la société civile.

20. Le Comité souligne l’importance du rôle de la société civile dans la pleine application de la Convention et recommande à l’État partie de faciliter son action en levant les restrictions qui entravent le fonctionnement des organisations de la société civile indépendantes dans l’État partie.

Coopération internationale

21. Le Comité note que divers programmes et projets ont été et sont appliqués en coopération avec des organisations internationales. À cet égard, il recommande à l’État partie de maintenir et de développer une coopération large et ouverte avec les organisations internationales afin de bénéficier pleinement de leur présence dans le pays.

2. Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

22.Le Comité est préoccupé de constater que, du fait de la politique de «turkménisation» menée par l’État partie, entre autres, certaines minorités nationales et ethniques, telles que les Russes, les Ouzbeks, les Kazakhs, les Turcs, les Kurdes, les Beludzis et les Allemands, sont victimes de comportements et de pratiques discriminatoires. Les membres des groupes ethniques minoritaires sont notamment privés d’un certain nombre de droits socioéconomiques fondamentaux, tels que l’accès à l’éducation ou à l’emploi et le droit de posséder des biens ou de jouir de leur culture. Il constate en outre avec inquiétude que les enfants appartenant à des familles de personnes condamnées pour des motifs politiques sont souvent victimes de pratiques discriminatoires et punitives, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation et à d’autres services.

23. Conformément à l’article 2 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’évaluer soigneusement et régulièrement les disparités existantes en matière d’exercice des droits de l’enfant et de prendre sur la base de cette évaluation les mesures qui s’imposent pour prévenir et combattre toutes les disparités résultant d’une discrimination, en adoptant notamment des lois interdisant spécifiquement toutes les formes de discrimination et en créant des mécanismes de réparation et de suivi indépendants;

b) De renforcer ses mesures administratives et judiciaires visant à prévenir et à éliminer les comportements discriminatoires et la stigmatisation à l’égard de certains groupes d’enfants, en particulier ceux qui appartiennent à des minorités ethniques et à des familles de personnes condamnées pour des raisons politiques;

c) D’organiser des campagnes d’éducation de grande ampleur pour prévenir et combattre les attitudes et comportements sociaux négatifs, y compris la discrimination fondée notamment sur le sexe, l’âge, la nationalité, l’appartenance ethnique ou la religion.

25.Le Comité déplore que l’âge du mariage, normalement fixé à 16 ans, soit fixé à 18 ans pour les citoyens Turkmènes qui épousent des personnes étrangères ou apatrides.

26. Le Comité recommande à l’État partie d’éliminer cette forme de discrimination en prenant les dispositions voulues pour que toutes les personnes de moins de 18 ans bénéficient de la même protection en vertu de la Convention et que l’âge du mariage soit le même pour tous les citoyens Turkmènes, quelle que soit la nationalité du futur époux ou de la future épouse.

27. Le Comité demande en outre que figurent dans le prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les mesures et les programmes en rapport avec la Convention relative aux droits de l’enfant qui auront été mis en place par l’État partie pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action adoptés lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, tenue en 2001, compte tenu également de l’observation générale n o  1 sur le premier paragraphe de l’article 29 de la Convention qui concerne les buts de l’éducation.

Intérêt supérieur de l’enfant

28.Le Comité note que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est inscrit dans la législation de l’État partie mais il déplore que ce principe ne soit pas toujours appliqué dans les faits, en ce qui concerne notamment les enfants appartenant à des minorités ethniques.

29. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit compris, intégré et pris en compte dans les décisions administratives et judiciaires ainsi que dans les projets, programmes et services qui ont un impact sur les enfants.

Respect des opinions de l’enfant

30.Le Comité note que la loi relative à la protection des droits de l’enfant reconnaît le droit de celui-ci à exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant mais il juge préoccupant que les tribunaux aient le pouvoir de décider d’admettre ou non les enfants aux procédures les concernant.

31. Le Comité recommande que davantage d’efforts soient faits pour garantir l’application du principe du respect des opinions de l’enfant. À cet égard, il conviendrait de mettre tout particulièrement l’accent sur le droit de tout enfant de participer à la vie de la famille, de l’école, d’autres institutions et organismes, et de la société dans son ensemble, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables et minoritaires. Ce principe général devrait en outre être pris en compte dans toutes les lois, décisions judiciaires et administratives, toutes les politiques et tous les programmes touchant l’enfance. L’État partie devrait notamment:

a) Garantir que soit effectivement donnée à l’enfant capable de discernement l’occasion d’exprimer librement son opinion sur toute question, en particulier dans toutes les procédures judiciaires ou administratives le concernant, et que ses opinions soient dûment prises en considération compte tenu de son âge et de son degré de maturité;

b) Élaborer des programmes de formation au niveau local à l’intention des parents, enseignants et autres professionnels qui travaillent avec et pour des enfants, afin d’encourager ceux ‑ci à exprimer leurs opinions de manière éclairée;

c) Garantir systématiquement la participation active des organisations d’enfants à l’élaboration des politiques et des programmes nationaux, régionaux et locaux les concernant; et

d) Fournir des informations complémentaires à cet égard dans son prochain rapport périodique.

3. Libertés et droits civils (art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

Accès à une information appropriée

32.Le Comité se déclare préoccupé par le fait que toutes les sources d’information, et en particulier les médias, sont contrôlées par le Gouvernement, ce qui fait obstacle à la diversité. Par ailleurs, le Comité, partageant les préoccupations exprimées récemment par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, regrette que l’accès à la culture et aux médias étrangers, y compris à l’Internet, soit très limité.

33. Le Comité recommande à l’État partie, conformément aux articles 13 et 17 de la Convention, de veiller à ce que l’enfant ait accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent à promouvoir son bien ‑être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique et mentale. L’État partie devrait en outre prendre des mesures pour développer l’accès à l’Internet, notamment en soutenant et en facilitant des projets dans ce domaine, tels que le projet du PNUD « InfoTuk », tout en assurant une protection suffisante contre la diffusion de matériels illégaux sur l’Internet, comme par exemple la pornographie enfantine.

Liberté de religion

34.Le Comité est préoccupé par le fait qu’au Turkménistan les organisations religieuses rencontrent des difficultés liées aux procédures d’enregistrement et ne peuvent exercer sans restriction leurs activités. Il est préoccupé en outre par les informations faisant état d’attaques contre des assemblées religieuses et de la démolition de lieux de culte.

35. Le Comité recommande à l’État partie de respecter le droit de l’enfant à la liberté de religion. Il devrait prendre les mesures voulues pour que toutes les organisations religieuses puissent librement manifester leur religion ou leurs convictions, sous réserve des seules restrictions prévues à l’article 14 de la Convention. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’empêcher, d’interdire et de sanctionner toute attaque violente contre des activités religieuses, y compris la démolition de lieux de culte.

Interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

36.Le Comité est vivement préoccupé d’apprendre que la torture et la maltraitance des détenus, y compris des enfants, en particulier au moment de l’arrestation et pendant la détention provisoire, sont des pratiques courantes utilisées tant pour obtenir des aveux ou des informations qu’à titre de châtiment supplémentaire après aveux.

37. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mener des enquêtes approfondies sur tous les cas d’allégation de torture ou de mauvais traitements, imputés notamment à des fonctionnaires dans le cadre de l’administration de la justice pour mineurs;

b) De renforcer les mesures prises pour encourager le signalement des cas de torture et de mauvais traitements et de garantir que les auteurs de ces actes soient rapidement traduits en justice;

c) De fournir aux victimes des moyens de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale ainsi qu’une indemnisation et de veiller à ce qu’elles ne subissent pas de stigmatisation ni de nouvelle victimisation ;

d) De mettre en place des programmes de formation systématiques et d’organiser des campagnes de sensibilisation aux niveaux national et local sur la prévention de la torture et autres formes de maltraitance et la protection contre ces violences, à l’intention de tous ceux qui travaillent avec ou pour des enfants, en particulier les enseignants, les juges, les parlementaires, les membres des forces de l’ordre, le Gouvernement, les autorités locales, le personnel des institutions concernées, le personnel de santé, y compris les psychologues et les travailleurs sociaux.

4. Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, par. 1 et 2 de l’article 18, art. 9 à 11, 19 à 21, 25, par. 4 de l’article 27 et art. 39 de la Convention)

Protection de remplacement pour les enfants

38.Le Comité, tout en notant que le taux de placement en établissement est faible, est néanmoins préoccupé par la situation des enfants pour lesquels une protection de remplacement a été décidée et le grand nombre de ceux qui sont placés dans un établissement en raison des difficultés économiques de leur famille. Il est préoccupé en outre par le manque de ressources, notamment le manque de personnel suffisamment formé dans ce domaine.

39.Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’intensifier ses efforts en vue d’apporter une assistance et un appui matériels aux enfants économiquement et/ou socialement défavorisés ainsi qu’à leur famille, notamment en mettant en œuvre des stratégies de réduction de la pauvreté et des projets de développement communautaire avec la participation des enfants, conformément à l’article 27 de la Convention;

b)De veiller à ce que la pauvreté en soi ne conduise pas à une décision de séparation et de placement en dehors du foyer familial;

c)D’assurer une formation adéquate à tous les professionnels qui travaillent dans le système de la protection de remplacement et d’allouer des ressources suffisantes à cet effet;

d)De prévoir des mécanismes habilités à recevoir des plaintes de la part des enfants placés dans des établissements de protection et de veiller à ce qu’ils les examinent d’une manière efficace et qui tienne compte de la sensibilité des enfants;

e)De fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises pour assurer le retour dans leur famille d’enfants placés dans des établissements, lorsque cela est opportun, et les résultats obtenus à cet égard.

Adoption

40. Le Comité déplore l’absence d’informations sur le nombre et le type d’adoptions (nationales/internationales) dans l’État partie et note que si les adoptions sont enregistrées par les organes de tutelle relevant du Ministère de l’intérieur, au niveau régional et au niveau des villes et des districts, il n’existe pas de système centralisé d’enregistrement.

41.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de créer un système centralisé d’enregistrement des adoptions qui permettrait de disposer de données ventilées dans ce domaine.

42. Le Comité craint que l’article 129 du Code du mariage et de la famille (qui prescrit la confidentialité de l’adoption), associé à l’article 157 du Code pénal (qui stipule que le non ‑respect du caractère confidentiel de l’adoption sans le consentement des parents adoptifs constitue une infraction), ne soit un obstacle au droit de l’enfant de connaître ses parents.

43.Le Comité recommande à l’État partie:

a)De prendre les mesures nécessaires pour que l’article 129 du Code du mariage et de la famille et l’article 157 du Code pénal n’empêchent pas l’enfant d’exercer son droit à connaître ses parents;

b)De s’assurer que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale dans toutes les décisions en matière d’adoption; et

c)D’envisager de ratifier la Convention de La Haye no 33 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (1993).

Violence, sévices, négligence et maltraitance

44. Le Comité se félicite que les enfants victimes de violence aient le droit de déposer plainte auprès d’organes de l’État ou d’instances judiciaires mais il déplore l’absence d’informations et de données sur l’étendue de la violence dont les enfants sont victimes dans leur famille, dans les maisons d’accueil, à l’école et dans leur communauté.

45. À la lumière de l’article 19 de la Convention et se référant aux paragraphes 36 et 37 ci ‑dessus , le Comité recommande à l’État partie:

a) D’entreprendre une étude de grande ampleur sur la violence afin d’en évaluer l’ampleur, les causes, la portée et la nature;

b) De renforcer les mesures visant à encourager le signalement des cas de sévices à enfant dans tous les établissements, y compris les centres de placement en dehors du milieu familial, les orphelinats, les hôpitaux psychiatriques, les écoles et les prisons pour mineurs, et à traduire les auteurs de ces actes en justice;

c) D’assurer des soins, une réadaptation physique et psychologique complète ainsi que des services de réinsertion sociale aux enfants victimes de violence.

46. À propos de l’étude approfondie du Secrétaire général sur la question de la violence à l’égard des enfants, le Comité prend acte en l’appréciant de la participation de l’État partie à la Consultation régionale pour l’Europe et l’Asie centrale, qui s’est tenue en Slovénie du 5 au 7 juillet 2005, mais il constate que l’État partie n’a pas répondu au questionnaire connexe. Il lui recommande de s’appuyer sur les conclusions de cette Consultation régionale pour prendre des mesures, en partenariat avec la société civile, pour assurer la protection des enfants contre toutes les formes de violence physique ou morale et pour ouvrir la voie à des actions concrètes, en fixant éventuellement des échéances, ayant pour objet de réagir face à ces violences et sévices et de les prévenir.

Châtiments corporels

47.Tout en notant que le paragraphe 3 de l’article 24 de la loi sur la protection des droits de l’enfant semble interdire les châtiments corporels, le Comité constate avec préoccupation qu’il est néanmoins de pratique courante de punir les enfants.

48. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de faire appliquer des dispositions législatives et des procédures interdisant explicitement toute forme de châtiment corporel pour les enfants, dans quelque cadre que ce soit, en tenant compte de son observation générale n o  8 sur le droit de l’enfant à être protégé contre les châtiments corporels et autres formes de châtiments cruels ou dégradants. L’État partie devrait également organiser des campagnes de sensibilisation et d’éducation contre les châtiments corporels à l’intention du public et des professionnels et promouvoir des méthodes d’éducation des enfants non violentes, constructives et participatives, notamment dans le cadre familial, à l’école, dans les maisons d’accueil et dans la société.

5. Santé de base et bien ‑être (art. 6, par. 3 de l’article 18, art. 23, 24, 26 et par. 1 à 3 de l’article 27 de la Convention)

Enfants handicapés

49.Le Comité note qu’il existe 18 établissements préscolaires spécialisés et 14 internats accueillant des enfants atteints de handicaps physiques ou mentaux. Il se félicite de ce que le coût des médicaments administrés aux enfants handicapés est pris en charge par l’État. Toutefois, il constate avec préoccupation que les enfants handicapés sont trop souvent placés dans un établissement et qu’il n’y a pas assez de spécialistes des handicaps.

50. Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des recommandations qu’il a adoptées lors de la journée de débat général qu’il a consacrée au thème des droits des enfants handicapés (voir CRC/C/69):

a) D’adopter et d’appliquer des lois pour protéger les droits des enfants handicapés;

b) De garantir l’application des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés votées par l’Assemblée générale des Nations Unies le 23 décembre 1993;

c) De faire des efforts pour concevoir et appliquer des mesures de remplacement pour éviter le placement des enfants handicapés, notamment des programmes de réadaptation dans le milieu habituel des enfants et des soins à domicile;

d) De poursuivre les efforts de nature à garantir que les enfants handicapés puissent exercer leur droit à l’éducation dans toute la mesure possible et de faciliter leur intégration dans le système éducatif ordinaire;

e) De faire davantage d’efforts pour que le personnel qualifié (c’est-à-dire les spécialistes des handicaps) et les ressources financières nécessaires soient disponibles, en particulier au niveau local, et de promouvoir et développer les programmes de réadaptation dans le milieu habituel de l’enfant, y compris les groupes de parents et de soutien;

f) De poursuivre les efforts visant à combattre les comportement sociaux négatifs à l’égard des enfants handicapés et à éviter leur marginalisation et leur exclusion; et

g) De supprimer les obstacles matériels qui empêchent l’accès des enfants handicapés aux écoles et autres établissements et services publics.

Santé et accès aux services de soins de santé

51.Le Comité se félicite de ce que les soins médicaux soient gratuits pour les enfants, de ce que l’État partie soit un pays certifié exempt de poliomyélite depuis 2002 et de ce qu’il ait été reconnu comme étant le quatrième pays du monde garantissant la distribution de sel iodé à l’ensemble de la population, conformément aux normes internationales universellement reconnues. Toutefois, il constate avec préoccupation que le secteur de la santé continue de connaître de graves problèmes et que la situation sanitaire des enfants s’en ressent. En particulier, le Comité se déclare préoccupé par le fait que:

a)D’après une étude indépendante menée en 2004, près de 80 % des décès survenant au début ou à la fin de la période néonatale sont dus à des infections qui auraient pu être évitées par des mesures et des soins préventifs simples et peu coûteux;

b)En dépit des progrès enregistrés récemment, la mortalité maternelle reste élevée;

c)Les chiffres officiels concernant le taux de mortalité infantile sont inexacts, en raison notamment des insuffisances du système d’enregistrement des décès;

d)Les services obstétriques des hôpitaux manquent de matériel et de médicaments d’urgence; et

e)Il y a un manque de données à jour sur la situation nutritionnelle des enfants.

52. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en vue d’améliorer la situation sanitaire des enfants, notamment:

a) En assurant à tous les enfants l’assistance médicale et l’accès aux soins de santé nécessaires, en mettant l’accent sur le développement des soins de santé primaires;

b) En s’attaquant d’urgence à la question de la mortalité infantile et infanto ‑juvénile , en se focalisant en priorité sur les mesures et les soins préventifs;

c) En faisant davantage d’efforts pour réduire encore la mortalité maternelle dans l’ensemble du pays;

d) En adoptant et en appliquant une loi nationale sur la commercialisation des substituts du lait maternel;

e) En veillant à ce que toutes les couches de la société soient informées, aient accès à l’éducation et bénéficient d’un soutien s’agissant de la mise en pratique de connaissances fondamentales en matière de santé et de nutrition infantiles, y compris concernant les avantages de l’allaitement maternel;

f) En garantissant la pleine application des normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) relatives à l’enregistrement de la mortalité infantile;

g) En dotant les services obstétriques des hôpitaux de matériels et de médicaments d’urgence en quantité suffisante; et

h) En sollicitant l’assistance technique, entre autres, de l’UNICEF et de l’OMS à cet égard.

VIH/sida

53.Prenant acte de la déclaration de l’État partie selon laquelle aucun cas d’enfant infecté par le VIH ou atteint du sida n’a été enregistré au Turkménistan, le Comité n’en est pas moins préoccupé par le faible niveau de connaissances de la population en général, en particulier les jeunes, quant à la façon dont le VIH se transmet, par le manque de moyens et de compétences en matière de protection contre l’infection du VIH, par la prédominance des pratiques à risque, que ce soit sur le plan sexuel ou en ce qui concerne les injections, autant d’éléments qui augmentent les risques d’épidémie d’infections à VIH. Par ailleurs, le Comité est préoccupé d’apprendre que les compétences et les capacités en matière de diagnostic du VIH/sida sont limitées et que le signalement des cas de personnes atteintes du VIH/sida ou d’autres maladies infectieuses est incomplet.

54. Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte de son observation générale n o  3 sur le VIH/sida et les droits de l’enfant (2003) ainsi que des Directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l’homme (E/CN.4/1997/37) et:

a) De garantir un traitement antirétroviral aux femmes séropositives et l’extension du dépistage volontaire du VIH parmi les femmes enceintes;

b) De renforcer les mesures visant à développer les installations et la formation médicale pour le diagnostic et le traitement du VIH/sida;

c) De s’attaquer au problème du signalement insuffisant des maladies contagieuses et infectieuses, notamment le VIH/sida et la tuberculose;

d) D’intensifier ses efforts en organisant des campagnes et en mettant en place des programmes de sensibilisation sur le VIH/sida à l’intention des adolescents, en particulier ceux qui appartiennent à des groupes vulnérables et à haut risque, ainsi que de la population dans son ensemble, pour réduire la discrimination à l’égard des enfants séropositifs ou atteints du sida;

e) De mettre tout en œuvre pour appliquer le Programme national sur la prévention du VIH et des STI au Turkménistan (2005-2010), en allouant notamment les ressources nécessaires à ce programme; et

f) De demander une assistance technique supplémentaire, notamment au Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida et à l’UNICEF.

Santé des adolescents

55.Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie à cet égard, le Comité se déclare préoccupé par le fait que l’usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes se répand parmi les adolescents. Il prend note par ailleurs du peu d’informations qui existent au sujet des services de santé mentale et génésique dans l’État partie.

56. Le Comité recommande à l’État partie, compte tenu de son observation générale n o  4 sur la santé et le développement des adolescents (2003):

a) De mener une étude sur la santé des adolescents en vue d’élaborer une politique globale de santé des adolescents, axée particulièrement sur la toxicomanie;

b) De fournir pour les enfants toxicomanes des services de santé mentale adaptés, notamment des centres de désintoxication ainsi que d’autres structures appropriées et des services de soutien aux familles;

c) De mettre au point des programmes de promotion de la santé à l’intention des adolescents, de veiller tout particulièrement à adapter régulièrement le traitement des adolescents ayant des problèmes mentaux et de demander une assistance à cet égard à l’OMS, entre autres;

d) De former les enseignants, les travailleurs sociaux et autres personnels qui travaillent avec des enfants pour qu’ils puissent faire face aux problèmes de toxicomanie et autres problèmes de santé des adolescents d’une manière spécifique; et

e) De fournir des renseignements dans son prochain rapport périodique sur les services de santé mentale et génésique auxquels les adolescents ont accès.

Niveau de vie

57.Le Comité note que depuis 1993, le Gouvernement distribue gratuitement gaz, électricité, eau et sel de table aux citoyens et que cette mesure a été prorogée jusqu’en 2020. Toutefois, le Comité est préoccupé par le fait qu’en raison notamment de l’inégalité de la répartition des richesses dans le pays, un nombre considérable de familles vivent au seuil de la pauvreté et que seulement 55 % de la population ont accès à de l’eau potable, ce pourcentage étant de 24 % dans les régions rurales.

58. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre les mesures nécessaires pour mettre au point une politique de réduction de la pauvreté qui soit efficace et qui réduise notamment les inégalités sur le plan de la répartition des richesses;

b) De fournir un appui et une assistance matérielle aux familles économiquement défavorisées; et

c) D’intensifier les efforts dans le domaine de l’assainissement de l’eau et de la fourniture d’eau potable à l’ensemble du pays, notamment aux régions rurales.

6. Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

59.Le Comité juge préoccupant que le système éducatif du Turkménistan se soit détérioré au cours des dernières années et notamment:

a)Que la réforme de l’enseignement ait réduit la durée de la scolarité obligatoire de 10 à 9 ans;

b)Que la fréquentation scolaire des enfants soit en moyenne de 150 jours par an contre 180 selon la norme internationale, ceci étant dû notamment au fait que les enfants scolarisés travaillent souvent dans les champs de coton;

c)Qu’une grande partie du programme scolaire soit consacrée à l’enseignement du «Rukhnama», un «guide spirituel» écrit par le Président;

d)Que 20 % seulement des enfants aient accès à l’éducation de la petite enfance dans des établissements préscolaires;

e)Que la taille des classes augmente rapidement, que les installations se détériorent et que les fonds consacrés à l’achat de manuels et de fournitures baissent;

f)Que les enseignants soient souvent contraints de travailler dans les champs de coton et que les locaux scolaires soient parfois utilisés pour l’industrie du coton;

g)Qu’un nombre important d’enseignants ne soient pas suffisamment formés ni payés; et

h)Que les élèves appartenant à des minorités ethniques, en particulier les enfants kazakhs, ouzbeks, arméniens et russes, aient de moins en moins la possibilité d’étudier et de recevoir une éducation dans leur langue maternelle, en dépit des dispositions juridiques à cet égard.

60. Le Comité recommande à l’État partie, à la lumière de l’observation générale n o  1 du Comité sur les buts de l’éducation (2001), de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour garantir la pleine application des articles 28 et 29 de la Convention et notamment:

a) De prendre les mesures nécessaires pour améliorer la qualité de l’éducation, notamment en perfectionnant les programmes scolaires de manière qu’ils soient conformes aux normes internationales d’éducation;

b) De prendre des mesures pour étendre progressivement la durée de la scolarité obligatoire;

c) De porter le nombre de jours d’école à 180 pour être dans la norme internationale et de veiller à ce que l’interdiction de la participation d’enfants à la récolte du coton soit respectée;

d) De rouvrir les classes et les écoles kazakhes, ouzbèkes , arméniennes et russes pour les enfants des minorités ethniques;

e) D’investir dans la formation d’enseignants, d’améliorer leur rémunération et de veiller à ce qu’ils se consacrent entièrement à leur travail à l’école et n’accomplissent aucune autre tâche durant les heures scolaires;

f) D’investir dans l’amélioration des équipements scolaires, des manuels et autres fournitures;

g) De faire davantage d’efforts pour inclure les droits de l’homme en général et les droits de l’enfant en particulier dans les programmes scolaires;

h) De faire en sorte que les jeunes aient davantage de possibilités de formation professionnelle, afin de faciliter leur accès au marché du travail; et

i) De demander une assistance complémentaire, notamment à l’UNICEF et à l’UNESCO.

7. Mesures spéciales de protection (art. 22, 38, 39, 40, 37 b) à d), 30 et 32 à 36 de la Convention)

Enfants réfugiés et enfants déplacés

61.Le Comité note avec satisfaction qu’en 2005 la nationalité turkmène a été accordée à plus de 10 000 réfugiés tadjiks. Il craint par contre que le fait que la réinstallation forcée soit prévue dans le Code pénal du Turkménistan depuis 2001 et qu’il y soit recouru pour punir certains crimes puisse avoir des répercussions négatives sur les enfants. Il juge par ailleurs préoccupantes les informations faisant état du déplacement forcé de minorités ethniques, y compris d’enfants.

62. Le Comité recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures pour supprimer le recours à la réinstallation forcée pour sanctionner certains crimes et de mettre fin à sa politique de déplacement forcé de minorités ethniques.

Exploitation économique

63.Le Comité note avec satisfaction que le Président a publié un décret contre le travail des enfants et a spécifiquement condamné l’utilisation d’enfants pour la récolte du coton et se félicite de l’adoption récente de dispositions législatives interdisant d’envoyer des enfants scolarisés dans les champs de coton au moment de la récolte. Cependant, il constate avec préoccupation qu’il s’agit encore d’une pratique courante et que les lois relatives au travail des enfants ne sont pas pleinement appliquées.

64. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De procéder à une enquête de grande ampleur sur le nombre, la composition et les caractéristiques des enfants qui travaillent afin de concevoir et de mettre en œuvre une stratégie globale visant à prévenir et à combattre leur exploitation;

b) De veiller à ce que la loi récente sur l’interdiction du travail des enfants dans les champs de coton soit appliquée; et

c) De ratifier les Conventions n os 138 (1973) et 182 (1999) de l’OIT et de demander l’assistance du Programme international pour l’abolition du travail des enfants (OIT/IPEC) et de l’UNICEF à cet égard.

Enfants des rues

65.Le Comité déplore le manque d’informations fournies par l’État partie concernant l’existence d’enfants des rues et se déclare préoccupé par les informations indiquant que leur nombre aurait pu augmenter ces dernières années.

66. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De faire une étude sur l’ampleur de la situation et de se fonder sur les conclusions de celle-ci pour élaborer une stratégie globale visant à prévenir et à réduire le nombre d’enfants des rues;

b) De veiller à ce que les enfants des rues aient suffisamment en matière de nutrition, de vêtements, de logement, de soins de santé et de possibilités d’éducation, y compris dans le domaine de la formation professionnelle et de l’acquisition d’aptitudes utiles dans la vie pour leur permettre de se développer pleinement;

c) De promouvoir et de mettre en œuvre des programmes visant à leur réadaptation physique et psychologique ainsi qu’à leur réinsertion sociale; et

d) De faciliter, chaque fois que cela est possible, la réunification familiale.

Traite

67.Le Comité est préoccupé de ce que la loi n’interdit pas expressément la traite des personnes. Par ailleurs, tout en notant que le problème de la traite n’est pas d’une très grande ampleur dans l’État partie par comparaison avec d’autres pays de la région, il juge préoccupantes les informations selon lesquelles les filles des groupes ethniques minoritaires risquent davantage d’être victimes de traite du fait qu’elles ont moins de possibilités en termes d’éducation ou d’emploi.

68. À la lumière de l’article 34 et d’autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de faire davantage d’efforts pour détecter, prévenir et combattre la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou à d’autres formes d’exploitation, notamment:

a) En incluant des dispositions criminalisant la traite dans la législation nationale conformément au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000);

b) En faisant des études pour évaluer la nature et l’ampleur du problème;

c) En proposant une formation adéquate et systématique à tous les groupes professionnels concernés, y compris la police, les gardes frontière, etc.;

d) En mettant à la disposition des victimes des services de soutien psychologique et autres services de réadaptation;

e) En lançant des campagnes de sensibilisation et de prévention à l’intention principalement des enfants et des parents; et

f) En demandant de l’aide à l’UNICEF, entre autres.

Administration de la justice pour mineurs

69.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations concernant la justice pour mineurs. Par ailleurs, il se déclare préoccupé par le fait que:

a)Les personnes de moins de 18 ans sont soumises aux mêmes procédures pénales que les adultes;

b)Des enfants peuvent être gardés en détention provisoire pendant six mois durant l’instruction;

c)Il n’existe aucun établissement pour les personnes âgées de moins de 18 ans en conflit avec la loi qui, dans la pratique, ne sont pas toujours séparées des adultes;

d)Les conditions de détention sont insatisfaisantes;

e)La force est souvent employée pour obtenir des aveux et ceux-ci sont utilisés comme éléments de preuve au tribunal (voir également le paragraphe 36); et

f)La privation de liberté n’est pas toujours utilisée comme mesure de dernier ressort.

70. Le Comité recommande à l’État partie de mettre son système de justice pour mineurs en pleine conformité avec la Convention, en particulier les articles 37, 40 et 39, ainsi qu’avec d’autres normes des Nations Unies en matière de justice pour mineurs, y compris l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale, ainsi qu’avec les recommandations formulées par le Comité lors de sa journée de débat général sur la justice pour mineurs (CRC/C/46, par. 203 à 238). À cet égard, le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les personnes de moins de 18 ans ne soient privées de liberté qu’en dernier ressort et que, lorsqu’elles sont en détention, elles soient toujours séparées des adultes;

b) De veiller à ce que des procédures spécifiques soient mises en place pour toutes les personnes de moins de 18 ans, conformément à l’article 40 ainsi que d’autres articles connexes de la Convention;

c) De prendre d’urgence des mesures pour améliorer sensiblement les conditions de détention des personnes de moins de 18 ans privées de liberté, conformément aux normes internationales;

d) De garantir que toute déclaration dont il aura été établi qu’elle a été obtenue par la violence ou la contrainte sera qualifiée d’irrecevable par la loi comme élément de preuve, dans quelque procédure que ce soit;

e) De faire en sorte que les personnes âgées de moins de 18 ans qui sont privées de liberté bénéficient d’un programme complet en matière d’éducation, y compris physique;

f) De former des professionnels dans le domaine de la réadaptation et de la réinsertion sociale des enfants; et

g) De solliciter l’assistance technique du Groupe interorganisations de l’ONU sur la justice pour mineurs et de l’UNICEF en particulier.

8. Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant

71. Tout en se félicitant que l’État partie ait ratifié les deux protocoles facultatifs à la Convention, le Comité lui rappelle ses obligations en matière de rapport et l’invite à soumettre ses deux rapports initiaux en même temps afin d’en faciliter l’examen par le Comité.

9. Suivi et diffusion

Suivi

72. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la mise en œuvre intégrale des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Conseil du peuple, au Parlement, ainsi qu’aux conseils de district et aux conseils municipaux pour examen et suite à donner.

Diffusion

73. Le Comité recommande en outre que le rapport initial présenté par l’État partie, ainsi que les présentes recommandations (observations finales) qu’il a adoptées, soient largement diffusés dans les langues appropriées, y compris par l’Internet (mais pas exclusivement), auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupements de jeunes et des enfants, en vue de susciter le débat et de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi.

10. Prochain rapport

74. Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique avant la date fixée en vertu de la Convention pour la présentation du quatrième rapport périodique, soit le 19 octobre 2010. Ce rapport devrait rassembler en un seul document les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques et ne pas compter plus de 120 pages (voir CRC/C/118). Le Comité attend de l’État partie qu’il présente par la suite un rapport tous les cinq ans, comme le prévoit la Convention.

-----