Nations Unies

CMW/C/NGA/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

23 mai 2017

Français

Original : anglais

Comité sur l a protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le Nigériaen l’absence de rapport *

1.En l’absence de rapport de l’État partie, le Comité a examiné la situation au Nigéria concernant la mise en œuvre de la Convention à sa 347e séance (CMW/C/SR.347), le 5 avril 2017. À la lumière des informations reçues, notamment d’autres organismes et mécanismes des Nations Unies, le Comité a adopté les observations finales ci-après à sa 359e séance, le 13 avril 2017.

A.Introduction

2.Le Nigéria a adhéré à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille le 27 juillet 2009. L’État partie était tenu de soumettre son rapport initial, conformément au paragraphe 1 de l’article 73 de la Convention, le 1er novembre 2010 au plus tard. À sa vingt-troisième session, en septembre 2015, le Comité a adopté une liste de points établie avant la soumission du rapport initial (CMW/C/NGA/QPR/1), conformément à l’article 31 bis de son règlement intérieur (A/67/48, par. 26), transmise à l’État partie le 29 septembre 2015.

3.Le Comité regrette qu’en dépit des nombreuses demandes qui lui ont été adressées en ce sens, l’État partie n’ait pas apporté de réponses à la liste de points, réponses qui auraient constitué son rapport au titre de l’article 73 de la Convention. Le Comité regrette également que l’État partie n’ait pas fourni d’informations factuelles sur le pays, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN.2/Rev.61). Le Comité considère que le manquement de l’État partie à son obligation conventionnelle de faire rapport constitue une violation de l’article 73 de la Convention. Le Comité regrette aussi que l’État partie n’ait pas envoyé de délégation, ce qui l’a empêché d’engager un dialogue constructif avec lui. Le Comité souligne que le non-respect par l’État partie de ses obligations conventionnelles constitue un sérieux revers pour le fonctionnement effectif du mécanisme créé pour contrôler la mise en œuvre de la Convention.

4.À la suite de rappels adressés par des notes verbales en date des 22 septembre et 16 décembre 2016, et de plusieurs rappels informels, l’État partie a été informé, par une note verbale du 21 mars 2017, de la procédure du Comité concernant la non-soumission des réponses à la liste de points, conformément à l’article 31 bis du règlement intérieur du Comité, et l’examen de la mise en œuvre de la Convention par un État partie en l’absence de délégation. Le Comité a donc entrepris d’examiner l’application de la Convention dans l’État partie en l’absence de rapport et de délégation, à la lumière des informations dont il disposait.

5.Le Comité prend acte du fait que le Nigéria est un pays d’origine, de destination et de transit.

6.Le Comité note que la plupart des pays dans lesquels des travailleurs migrants nigérians travaillent ne sont pas parties à la Convention à ce jour, ce qui risque d’empêcher l’exercice par les intéressés des droits qu’ils tiennent de la Convention.

B.Aspects positifs

7.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments ci‑après, ou qu’il y a adhéré :

a)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en septembre 2012 ;

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en septembre 2010 ;

c)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en septembre 2010 ;

d)Convention sur la réduction des cas d’apatridie, en septembre 2011 ;

e)Convention relative au statut des apatrides, en septembre 2011.

8.Le Comité se félicite que l’État partie, après avoir adhéré à la Convention, ait adopté les mesures législatives ci-après :

a)Amendement de 2015 à la loi administrative d’application relative à la lutte contre la traite des personnes ;

b)Loi de 2015 relative à l’immigration.

9.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures institutionnelles et de politique générale suivantes :

a)La politique migratoire nationale et le plan de mise en œuvre y relatif, en mai 2015 ;

b)La politique nationale relative aux migrations de main-d’œuvre et le plan d’action y relatif, en octobre 2014.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

10.Le Comité est conscient que l’État partie est en butte à des difficultés liées à la violence qu’engendrent les attaques livrées par Boko Haram contre des communautés de l’État partie, violence qui peut entraver la pleine réalisation de tous les droits garantis aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille par la Convention. Le Comité regrette qu’aucune information ne soit disponible sur les effets de l’insécurité sur les travailleurs migrants qui vivent dans l’État partie et sur les mouvements transfrontières de travailleurs migrants nigérians.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Législation et application

11.S’il constate que l’État partie a dans une large mesure incorporé la Convention dans son droit interne, le Comité est préoccupé par le fait que d’autres mesures législatives et administratives sont nécessaires pour aligner pleinement la législation et la pratique nationales sur les dispositions de la Convention. Il s’inquiète surtout de ce que la loi de 2015 relative à l’immigration maintienne de nombreux motifs, dont le handicap mental ou la situation d’enfant non accompagné, sur la base desquels des individus sont considérés comme des « immigrants illégaux » et peuvent se voir refuser l’entrée sur le territoire ou en être expulsés. Le Comité est également préoccupé par le fait que la loi de 2015 relative à l’immigration porte la durée de la détention provisoire des personnes accusées d’infractions à la législation relative à l’immigration à quatre-vingt-dix jours au total alors que la loi de 1963 relative à l’immigration limitait à deux mois la durée de la détention des personnes accusées de ce type d’infraction.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la loi de 2015 relative à l ’ immigration et de faire en sorte que sa législation soit pleinement compatible avec la Convention. Il lui recommande également de veiller à ce que les mesures de gestion des migrations respectent les droits des migrants, notamment les enfants, au titre du droit international des droits de l ’ homme, du droit des réfugiés et du droit humanitaire, y compris le principe de non-refoulement.

Articles 76 et 77

13. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention visant à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des États parties et des particuliers concernant la violation de droits consacrés par la Convention.

Ratification des instruments pertinents

14. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier les instruments suivants, ou d ’ y adhérer : premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort  ; Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande aussi de ratifier l es conventions de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) suivantes, ou d ’ y adhérer : C o nvention (n o  143) (dispositions supplémentaires) sur les travailleurs migrants , 1975  ; et C onvention ( n o 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.

Politique ou stratégie globale

15.Le Comité est préoccupé par le manque d’information sur les mesures précises prises pour appliquer la politique migratoire nationale de 2015 et son plan de mise en œuvre et la politique nationale sur les migrations de main-d’œuvre et son plan d’action.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ appliquer le plan de mise en œuvre et le plan d ’ action susmentionnés, de les financer adéquatement et d ’ en assurer le suivi, conformément à la Convention. Le Comité invite l ’ État partie à faire figurer dans son rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique, des renseignements détaillés, accompagnés de statistiques, sur les mesures concrètes prises, à la fois en droit et dans la pratique, pour mettre en œuvre les droits des travailleurs migrants tels qu ’ ils sont énoncés dans la Convention, en accordant une attention spéciale aux droits des travailleuses migrantes.

Coordination

17.Le Comité note que le Ministère fédéral du travail et de la productivité est chargé de coordonner la mise en œuvre de la Convention. Le Comité s’inquiète toutefois de ne pas savoir si cette coordination est effective, ni quels moyens humains et financiers et programmes de renforcement des capacités sont prévus pour les organismes publics chargés des questions migratoires.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accorder au Ministère fédéral du travail et de la productivité les moyens humains, techniques et financiers ainsi que le mandat nécessaires à la coordination efficace des politiques migratoires globales à tous les niveaux, et d ’ évaluer les effets de ces politiques et programmes sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Collecte de données

19.Tout en relevant que la politique nationale sur les migrations de main-d’œuvre et son plan de mise en œuvre comportent des dispositions concernant la collecte et la diffusion de données sur les migrations, le Comité est préoccupé par l’absence générale de statistiques ventilées couvrant les différents aspects de la Convention.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de créer une base de données centralisée et globale couvrant tous les aspects de la Convention, et de recueillir des données sur la situation des travailleurs migrants présents dans l ’ État partie. Il l ’ encourage à compiler des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, motif d ’ entrée ou de sortie du pays et travail effectué afin d ’ orienter efficacement les politiques pertinentes et l ’ application de la Convention, conformément à la cible 17.18 des O bjectifs de développement durable. Lorsqu ’ il est impossible d ’ obtenir des informations précises, par exemple s ’ il s ’ agit de travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité invite l ’ État partie à lui fournir des données fondées sur des études ou des estimations.

Suivi indépendant

21.Tout en notant avec satisfaction que la Commission nationale des droits de l’homme est une institution de statut « A », le Comité partage les préoccupations exprimées par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme au sujet du processus de sélection des commissaires et des coupes budgétaires qui entravent l’efficacité de la Commission. Le Comité est également préoccupé par le manque d’information sur les attributions de la Commission intéressant les droits des travailleurs migrants.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées par l ’ Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l ’ homme et lui demande de faire figurer dans son rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique des informations détaillées sur les attributions de la Commission intéressant les droits des travailleurs migrants.

Formation à la Convention et diffusion d’informations sur celle-ci

23.Le Comité note que la politique nationale sur les migrations de main-d’œuvre prévoit que le Ministère fédéral du travail et de la productivité doit mener des séminaires préalables à l’emploi et des campagnes d’information approfondies, en particulier dans les communautés rurales, pour fournir des informations suffisantes aux travailleurs migrants potentiels afin de leur permettre de prendre des décisions éclairées, ainsi que concevoir et, en collaboration avec d’autres organismes compétents, mettre en œuvre des programmes de formation préalable au départ pour les migrants souhaitant se rendre dans un pays étranger. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait qu’aucune information n’est disponible sur la réalisation de ces séminaires, campagnes et formations. Il note également que les inspecteurs du travail dans les 36 bureaux d’État du Ministère du travail et de la productivité ont été sensibilisés aux droits des travailleurs migrants. Cela étant, il est préoccupé par le fait qu’aucune information n’est disponible sur les programmes de formation précisément axés sur la migration et les supports relatifs à la Convention ou la diffusion d’informations sur celle-ci auprès de toutes les parties prenantes concernées, y compris les organismes publics, les tribunaux nationaux et les organisations de la société civile.

24.Le Comité recommande à l’État partie :

a) D ’ élaborer des programmes d ’ enseignement et de formation sur les droits garantis par la Convention aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, en intégrant les questions de genre, et de faire en sorte que ces programmes soient accessibles à tous les fonctionnaires et à toutes les personnes travaillant dans le domaine des migrations, en particulier au personnel chargé de l ’ application des lois et de la surveillance des frontières, aux juges, aux procureurs, aux agents consulaires concernés ainsi qu ’ aux fonctionnaires des organes nationaux, régionaux et locaux, aux travailleurs sociaux et aux organisations de la société civile ;

b) De garantir l ’ accès des travailleurs migrants à des informations et à des conseils sur les droits qui leur sont garantis par la Convention, en particulier dans le cadre des programmes d ’ orientation préalables à l ’ emploi et au départ ;

c) De collaborer avec les organisations de la société civile et les médias afin de promouvoir la Convention et de diffuser l ’ information y relative dans tout le pays.

Participation de la société civile

25.Tout en notant que la politique nationale sur les migrations de main-d’œuvre a été élaborée avec la participation active des principales parties prenantes, notamment des organisations de la société civile, et qu’elle tient compte du rôle de la société civile dans la gestion des migrations, le Comité est préoccupé par l’absence d’information sur la contribution de la société civile à la mise en œuvre de la Convention.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ associer de façon dynamique et systématique la société civile et les organisations non gouvernementales à la mise en œuvre de la Convention.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

27.Tout en notant que la Constitution garantit un salaire égal pour un travail égal sans discrimination pour quelque motif que ce soit, et que la loi sur le travail de 2004 protège l’ensemble de la population active, le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que les garanties relatives à la vie privée, à la liberté de circulation et à la protection contre la discrimination raciale énoncées aux articles 37, 41 et 42 de la Constitution ne s’étendent pas aux non-ressortissants ;

b)Le fait que la liste des motifs de discrimination interdits dans l’emploi et la profession figurant dans le projet de loi sur les normes du travail n’inclut pas la nationalité ;

c)Le fait que la disposition constitutionnelle relative à l’acquisition de la nationalité (art. 26 2) a)) prévoit qu’un homme étranger ne peut pas acquérir la nationalité nigériane de la même façon qu’une femme étrangère ;

d)L’absence d’information sur les mesures prises par l’État partie pour garantir la non-discrimination à l’égard de l’ensemble des travailleurs migrants, en fait et en droit.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour étendre aux travailleurs migrants les garanties relatives à la vie privée, à la liberté de circulation et à la protection contre la discrimination raciale, et d ’ abroger toutes les disposition s discriminatoire s à l ’ égard des hommes étrangers en ce qui concerne l ’ acquisition de la nationalité ;

b) D ’ inclure dans le projet de loi sur les normes de travail une interdiction de la discrimination directe et indirecte fondée sur la totalité des motifs énumérés dans la Convention (art. 1, par. 1, et art. 7), s ’ agissant de tous les aspects de l ’ emploi et de la profession, et couvrant tous les travailleurs, y compris les travailleurs domestiques et les travailleurs du secteur informel, et d ’ accélérer l ’ adoption  de ce projet de loi ;

c) De prendre toutes les mesures d ’ ordre législatif et de politique générale nécessaires pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, pourvus ou non de documents, qui se trouvent sur son territoire ou sous sa juridiction puissent exerce r sans discrimination les droits consacrés par la Convention, conformément à son article 7.

Droit à un recours utile

29.Le Comité note qu’un mécanisme de plainte a été mis en place au siège et dans les six bureaux de zone du Ministère fédéral du travail et de la productivité pour traiter, gratuitement, toutes les plaintes concernant des violations des droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par le fait que peu de gens ont connaissance de ce mécanisme. Il est également préoccupé par l’absence d’information sur d’autres recours administratifs et judiciaires dont disposent les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans l’État partie, ainsi que sur les cas d’inégalité de traitement des travailleurs migrants portés à l’attention des inspecteurs du travail ou autres autorités compétentes ou détectés par eux.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que, en droit comme dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, aient les mêmes possibilités que les nationaux de l ’ État partie de porter plainte et d ’ obtenir réparation en justice, ainsi que d ’ avoir accès à l ’ information concernant d ’ autres recours disponibles. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ inclure dans son rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique des informations détaillées sur les recours administratifs et judiciaires dont disposent les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans l ’ État partie, ainsi que sur les cas d ’ inégalité de traitement des travailleurs migrants portés à l ’ attention des inspecteurs du travail ou autres autorités compétentes ou détectés par eux.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements, y comprisle travail des enfants

31.Le Comité est préoccupé par le manque d’information sur les mesures prises pour prévenir la participation d’enfants victimes de la traite originaires de pays voisins au travail forcé dans l’agriculture, le bâtiment, les mines et les carrières.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à l ’ application effective des sanctions prévues contre les personnes violant la législation en vigueur relative au travail des enfants, notamment en sensibilisant les inspecteurs du travail, le grand public et les organes chargés de faire respecter la loi aux normes internationales relatives au travail des enfants ;

b) De poursuivre et sanctionner les personnes ou les groupes qui exploitent les travailleurs migrants ou les soumettent au travail forcé et à d ’ autres abus, en particulier dans le secteur informel de l ’ économie, conformément aux cibles 8.7 et 16.2 des O bjectifs de développement durable ;

c) De fournir une assistance, une protection et une réadaptation adéquates, notamment une réadaptation psychosociale , aux victimes d ’ abus sexuels et d ’ exploitation par le travail, en particulier aux femmes et aux enfants.

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

33.Le Comité est préoccupé par le manque d’information concernant les garanties d’une procédure équitable pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans les affaires pénales et administratives, notamment en matière de détention et d’expulsion. Il est aussi préoccupé par le fait que les enfants migrants peuvent être placés en détention avec leur famille.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit des migrants et des membres de leur famille, en particulier de ceux qui sont en situation irrégulière, à une procédure administrative et judiciaire régulière devant les tribunaux et les cours de justice, sur un pied d ’ égalité avec les personnes de nationalité nigériane ;

b) De faire en sorte que la détention administrative ne soit utilisée qu ’ en dernier recours et que des solutions non privatives de liberté soient prévues, conformément à l ’ observation générale n o  2 (2013) du Comité relative aux droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille ;

c) De mettre un terme à la détention des enfants en raison de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents, et d ’ adopter des mesures de substitution à la détention qui permettent aux enfants de demeurer avec les membres de leur famille et/ou leur tuteur dans des lieux non privatifs de liberté, au sein de la communauté, le temps que leur statut migratoire soit déterminé, dans le respect du principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et de son droit à la vie familiale.

Assistance consulaire

35.Le Comité se félicite de l’étude de faisabilité sur la possibilité de désigner des attachés chargés des migrations de main-d’œuvre dans les missions nigérianes des principaux pays de destination effectuée par l’Organisation internationale pour les migrations. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les travailleurs migrants nigérians, en particulier ceux en situation irrégulière, sont souvent victimes de violence et de maltraitance, ou arrêtés, détenus ou expulsés dans les pays de transit et de destination, et par l’absence de données statistiques sur cette question ainsi que le manque d’information sur l’assistance consulaire, diplomatique et juridique qui leur est fournie.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont détenus, puissent bénéficier de l ’ assistance consulaire aux fins de la protection des droits énoncés dans la Convention ;

b) De s ’ assurer que le personnel de ses ambassades et de ses consulats à l ’ étranger a une connaissance suffisante de la législation et des procédures des pays d ’ emploi des travailleurs migrants nigérians ;

c) De fournir dans son rapport unique valant rapport initial et deuxième rapport périodique des informations détaillées et ventilées sur le nombre de ses ressortissants travaillant à l ’ étranger qui ont été arrêtés, détenus et expulsés, ainsi que des informations qualitatives et quantitatives sur les travailleurs migrants nigérians qui ont subi des violences et des sévices dans les pays de transit et de destination et sur l ’ assistance qui leur a été fournie.

Sécurité sociale

37.Le Comité est préoccupé par le manque d’information sur le fait de savoir si, lorsqu’ils quittent l’État partie, y compris lorsqu’ils en sont expulsés, les travailleurs migrants étrangers qui ont cotisé au système national de pension ont droit au maintien des droits qu’ils ont acquis en matière de sécurité sociale et si la loi no 13 de 2010 relative à l’indemnisation des travailleurs est applicable aux travailleurs migrants sur un pied d’égalité avec les travailleurs nationaux. Il est également préoccupé par le manque d’information sur les accords bilatéraux et multilatéraux conclus en matière de garanties migratoires, s’agissant de la protection sociale des travailleurs migrants nigérians.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir, tant par la législation nationale que par des accords bilatéraux et multilatéraux concernant la sécurité sociale, que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille disposent d ’ une protection sociale adéquate.

Syndicats

39.Le Comité note avec préoccupation le manque d’information sur le fait de savoir si l’État partie garantit à tous les travailleurs migrants le droit d’adhérer librement à un syndicat et de participer à ses activités.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter toutes les mesures nécessaires, y compris des modifications législatives, pour garantir à tous les travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière, le droit d ’ adhérer librement à un syndicat et de participer à ses activités, conformément à l ’ article 26 de la Convention.

Soins médicaux et éducation

41.Le Comité est préoccupé par le manque d’information sur des programmes précis visant à garantir l’accès aux soins médicaux et à l’éducation aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille en situation irrégulière sur le territoire de l’État partie.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter, conformément aux articles 28 et 30 de la Convention, des mesures concrètes et efficaces pour assurer l ’ accès aux soins médicaux, spécialement pour les enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière, et pour faciliter l ’ entrée et le maintien de ces enfants dans le système éducatif.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Droit d’élire et d’être élu dans l’État d’origine

43.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré le débat déjà ancien sur la nécessité de garantir aux travailleurs migrants nigérians le droit de voter et d’être élu dans l’État partie tout en résidant dans un pays d’emploi, aucune mesure concrète n’a été prise pour faire de ce droit une réalité.

44. Le Comité engage l ’ État partie à prendre des mesures, notamment de nature législative, pour garantir l ’ application du droit de vote des travailleurs migrants nigérians résidant à l ’ étranger et, à brève échéance, à redoubler d ’ efforts pour permettre à ses ressortissants résidant et travaillant à l ’ étranger d ’ exercer leur droit de vote lors des élections générales de 2019.

Regroupement familial

45.Le Comité regrette le manque d’information sur les mesures prises par l’État partie pour faciliter le regroupement familial et protéger le droit des travailleurs migrants nigérians et des membres de leur famille à une vie de famille, dans le contexte des procédures d’expulsion des pays de destination.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie de donner des informations précises dans son rapport unique valant rapport initial et deuxième rapport périodique sur les mesures pratiques qu ’ il aura prises pour faciliter le regroupement familial et protéger le droit des travailleurs migrants nigérians et des membres de leur famille à une vie de famille, dans le contexte des procédures d ’ expulsion des pays de destination.

Transfert des gains et des économies

47.Le Comité note que la politique nationale relative aux migrations de main-d’œuvre est favorable à des accords bilatéraux concernant la transférabilité des gains et des économies des travailleurs migrants. Il est néanmoins préoccupé par le manque d’information sur toute mesure prise à cet égard et sur toute initiative visant à encourager le transfert de ces gains et économies par les travailleurs migrants nigérians vers des projets productifs dans l’État partie, ou encore sur tout partenariat avec des institutions financières visant à faciliter le transfert des gains et économies des travailleurs migrants nigérians vivant à l’étranger et des travailleurs migrants se trouvant dans l’État partie.

48. Le Comité engage l ’ État partie à faciliter le transfert de fonds par les travailleurs migrants nigérians vivant à l ’ étranger. Il lui recommande aussi de prendre des mesures pour faciliter le transfert des gains et des économies des travailleurs migrants vivant au Nigéria à des taux de transfert et de réception préférentiels, conformément à la cible 10.c des Objectifs de développement durable, et de rendre les plans d ’ épargne plus accessibles aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille

Travailleurs migrants domestiques

49.Le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs migrants domestiques nigérians subissent du harcèlement et de l’exploitation sur le lieu de travail.

50. À la lumière de son observation générale n o  1 (2011) sur les travailleurs migrants domestiques et conformément à la cible 8.8 des Objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ inclure dans tous les accords bilatéraux un contrat type de travail domestique exécutoire dans l ’ État partie et dans l ’ État d ’ emploi, comportant notamment des dispositions sur les salaires, les horaires et les conditions de travail, la rémunération des heures supplémentaires, les congés annuels et les voies de recours utiles ;

b) D ’ établir une grille de salaires tenant compte des compétences et de l ’ expérience des travailleurs domestiques qui leur soit systématiquement applicable dans tous les États de destination, et d ’ inclure cette grille dans les accords bilatéraux ;

c) De veiller à ce que les travailleurs migrants domestiques ayant fait l ’ objet d ’ abus et demandant de l ’ aide aux missions diplomatiques du Nigéria à l ’ étranger reçoivent un hébergement, une assistance juridique, des soins médicaux et psychosociaux ainsi que des services d ’ interprétation ;

d) De ratifier la Convention (n o  189) de l ’ OIT sur les travailleuses et les travailleurs domestiques , 2011.

Agences de recrutement

51.Le Comité note que le Ministère fédéral du travail et de la productivité a commencé à attribuer des agréments aux agences d’emploi et recruteurs privés pour le placement au niveau local et à l’étranger, mais il est préoccupé par les lacunes de la réglementation sur les activités de ces agences.

52. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De créer, pour l ’ agrément des agences de recrutement, des systèmes solides, transparents et fondés sur le respect du principe de responsabilité envers l ’ autorité publique, de façon que ces agences soient soumises à une obligation stricte de diligence voulue concernant le respect du droit du travail et des droits de l ’ homme, et à une réglementation et un contrôle permanents ;

b) D ’ exiger des agences de recrutement qui facilitent l ’ emploi des travailleurs migrants à l ’ étranger qu ’ elles soient agréées à la fois dans le pays d ’ origine et le pays de destination, afin de garantir un contrôle bilatéral plus efficace des pratiques de placement ;

c) De veiller à ce que les agences de recrutement privées fournissent des renseignements complets aux personnes qui cherchent un emploi à l ’ étranger et garantissent l ’ application effective de toutes les prestations liées à l ’ emploi qui ont été convenues, en particulier la rémunération ;

d) De former les inspecteurs du travail aux normes relatives aux droits de l ’ homme et au droit du travail, ainsi qu ’ aux méthodes permettant de détecter les cas d ’ exploitation, et de mettre au point des mécanismes de responsabilité clairs et efficaces ;

e) De mener des enquêtes sur les pratiques illégales des recruteurs et de les réprimer ;

f) De ratifier la C onvention (n o  181) de l ’ OIT sur les agences d ’ emploi privées, 1997.

Retour au pays et réinsertion

53.Le Comité note que des mesures ont été prises pour que les travailleurs migrants rentrant au pays aient accès en ligne aux informations voulues ainsi qu’à une vaste gamme de services, mais il est préoccupé par l’absence d’information sur une stratégie globale d’aide à la réinsertion des intéressés dans l’État partie.

54. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre un ensemble complet de mesures pour garantir les conditions sociales, économiques et autres nécessaires pour faciliter le retour et la réinsertion durable des travailleurs migrants nigérians et des membres de leur famille dans l ’ État partie, comme prévu à l ’ article 67 de la Convention et conformément à la cible 10.7 des Objectifs de développement durable.

Circulation et emploi illégaux ou clandestins de travailleurs migrants en situation irrégulière

55.Le Comité note que l’État partie fait des efforts considérables pour protéger les victimes de la traite et appliquer la législation relative à la lutte contre la traite en menant des enquêtes et en poursuivant et condamnant les trafiquants, en collaborant aux enquêtes internationales et en dispensant une solide formation spécialisée en matière de lutte contre la traite aux fonctionnaires de divers ministères et organismes publics. Il constate néanmoins avec préoccupation que :

a)L’État partie demeure un pays d’origine, de transit et de destination en ce qui concerne les femmes et les enfants soumis à la traite à des fins de travail forcé ou d’exploitation sexuelle ;

b)L’exception, établie en droit national, à l’interdiction du travail des enfants en ce qui concerne l’emploi par des membres de la famille ou à des travaux légers dans l’agriculture, l’horticulture ou le travail domestique, peut exposer les enfants au risque de traite à des fins de travail domestique par des membres de leur famille ;

c)D’après les informations reçues par le Comité, malgré la modification apportée en 2015 à la loi administrative d’application relative à la lutte contre la traite des personnes, qui a supprimé la possibilité qu’avaient les juges de condamner les trafiquants à des amendes plutôt qu’à une peine privative de liberté, les tribunaux de l’État partie continuent, dans certains cas, de n’imposer que des amendes aux trafiquants ;

d)L’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes aurait besoin d’être renforcée pour fonctionner efficacement dans l’ensemble de l’État partie ;

e)Les informations sur les mécanismes de repérage, de soutien et de réinsertion des victimes et sur la disponibilité de ces mécanismes dans l’ensemble de l’État partie font défaut ;

f)La corruption et la complicité liées à la traite demeurent omniprésentes à tous les échelons administratifs.

56. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ efforcer, conformément à la cible 5.2 des Objectifs de développement durable :

a) De continuer de mener avec détermination des enquêtes sur la traite, de poursuivre et de condamner à des peines adéquates les trafiquants reconnus coupables, de former régulièrement les responsables de la police et de l ’ immigration au repérage des victimes de la traite parmi les populations vulnérables et de renforcer la capacité des ambassades du Nigéria à repérer et aider les victimes à l ’ étranger, notamment par une formation régulière et spécialisée du personnel diplomatique et consulaire ;

b) De mettre en œuvre le Plan d ’ action mondial de l ’ ONU pour la lutte contre la traite des personnes ;

c) De faire le nécessaire pour que les enfants ne soient pas soumis à la traite à des fins de travail domestique par des membres de leur famille ;

d) De veiller à ce que, conformément à la modification apportée en 2015 à la loi administrative d ’ application relative à la lutte contre la traite des personnes, les trafiquants ne soient en aucun cas uniquement condamnés à payer des amendes ;

e) De renforcer l ’ Agence nationale de lutte contre la traite des personnes afin qu ’ elle puisse accomplir un travail efficace dans l ’ ensemble de l ’ État partie ;

f) De faire figurer, dans son rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique, des informations détaillées sur les mécanismes de repérage, de soutien et de réinsertion des victimes et sur la disponibilité de ces mécanismes dans l ’ ensemble de l ’ État partie ;

g) De s ’ employer résolument à mener des enquêtes et de poursuivre les fonctionnaires soupçonnés de corruption et de complicité dans une affaire de traite.

6.Diffusion et suivi

Diffusion

57.Le Comité demande que les présentes observations finales soient diffusées rapidement, dans la langue officielle de l’État partie, auprès des institutions publiques pertinentes, en particulier des ministères, du Parlement, de l’appareil judiciaire et des autorités locales intéressées, ainsi qu’auprès des organisations non gouvernementales et autres acteurs de la société civile.

Assistance technique

58. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ avoir recours à l ’ assistance internationale pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans les présentes observations finales conformément au Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Prochain rapport périodique

59. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son rapport valant rapport initial et deuxième rapport périodique le 1 er mai 2018 au plus tard, en veillant à y faire figurer des informations sur la mise en œuvre des présentes observations finales, et de faire également en sorte qu ’ une délégation participe à l ’ examen du prochain rapport périodique de l ’ État partie afin de favoriser la réussite du dialogue avec le Comité sur la mise en œuvre de la Convention. À cet égard, l ’ État partie souhaitera peut-être opter pour la procédure simplifiée de soumission de rapports. Le Comité appelle son attention sur ses directives harmonisées concernant l ’ établissement de rapports (HRI/GEN.2/Rev.6).