Nations Unies

CRC/C/SGP/CO/2-3

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

4 mai 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante-sixième session

17 janvier-4 février 2011

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 44 de la Convention

Observations finales: Singapour

1.Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques de Singapour, soumis en un seul document (CRC/C/SGP/2-3), à ses 1590e et 1591e séances (CRC/C/SR.1590 et 1591), le 20 janvier 2011, et a adopté, à sa 1612e séance, le 4 février 2011, les observations finales ci-après.

I.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie, soumis en un seul document, ainsi que les réponses écrites à sa liste des points à traiter (CRC/C/SGP/Q/2-3/Add.1). Le Comité se félicite en outre du dialogue positif noué avec la délégation multisectorielle de haut niveau, qui lui a permis de mieux comprendre la situation des enfants dans l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès accomplis par l’État partie

3.Le Comité accueille avec satisfaction plusieurs faits nouveaux positifs survenus depuis l’examen du rapport initial de l’État partie en 2003, notamment l’adoption de mesures législatives et autres telles que:

a)La modification apportée au Code pénal en octobre 2007, qui criminalise l’exploitation sexuelle des enfants à Singapour et dans d’autres pays;

b)La modification de l’article 122 de la Constitution en avril 2004, qui permet d’accorder la citoyenneté singapourienne aux enfants nés de mères singapouriennes;

c)La création du Bureau central d’orientation des jeunes et du Bureau du tuteur public en 2010;

d)La création du Conseil national de la famille en mai 2008;

e)La création du Tribunal communautaire en juin 2006 et du Tribunal de la protection sociale des enfants en mai 2008;

f)La mise en place d’une procédure judiciaire spéciale dénommée CHILD (intérêt supérieur de l’enfant, procédure moins accusatoire) en juillet 2008; et

g)La ratification de la Convention no 138 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi en 2005.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6)de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

4.Le Comité note les efforts faits par l’État partie pour mettre en œuvre les observations finales (CRC/C/15/Add.220 (2003)) concernant le rapport initial de l’État partie, mais constate avec préoccupation qu’un certain nombre des recommandations contenues dans des observations finales n’ont pas été suffisamment suivies d’effet.

5. Le Comité engage l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations contenues dans les observations finales concernant le rapport initial de l ’ État partie qui n ’ ont pas encore été mises en œuvre ou ne l ’ ont pas été suffisamment, notamment celles portant sur des questions telles que le suivi indépendant, la définition de l ’ enfant, la non-discrimination, le respect de l ’ opinion de l ’ enfant, les responsabilités parentales, les enfants handicapés et la justice pour mineurs. À ce propos, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o 5 (2003) concernant les mesures d ’ application générales de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (CRC/GC/2003/5).

Déclarations et réserves

6.Le Comité regrette profondément que, malgré la recommandation faite dans ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.220, par. 7), l’État partie continue de maintenir les nombreuses déclarations concernant les articles 12, 13, 14, 15, 16, 17, 19 et 37 et les réserves aux articles 7, 9, 10, 22, 28 et 32 de la Convention. Le Comité est vivement préoccupé par le maintien de déclarations et de réserves concernant tant d’articles de la Convention, notamment le principe du respect de l’opinion de l’enfant, car elles constituent un obstacle à la mise en œuvre pleine et effective des obligations qui incombent à l’État partie en vertu de la Convention.

7. À la lumière de la Déclaration et du Programme d ’ action de Vienne adoptés en 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l ’ homme et compte tenu des importantes dispositions déjà prises par l ’ État partie, le Comité engage l ’ État partie à prendre toutes les mesures voulues pour retirer sans plus tarder ses déclarations et ses réserves concernant la Convention.

Législation

8.Le Comité accueille avec satisfaction les modifications apportées à plusieurs textes législatifs dans le domaine des droits de l’enfant, dont le Code pénal et la loi sur les enfants et les jeunes, qui contribuent à améliorer les conditions de vie et le développement des enfants. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que, malgré les mesures législatives récemment adoptées, la Convention n’a toujours pas été pleinement incorporée dans la législation interne et n’est pas directement applicable dans l’État partie.

9. Le Comité engage l ’ État partie à veiller à ce que tous les principes et toutes les dispositions de la Convention soient pleinement incorporés dans le système juridique national.

Coordination

10.Le Comité prend note du rôle actif du Comité interministériel sur la Convention relative aux droits de l’enfant dans la coordination et la surveillance de la mise en œuvre de la Convention par l’État partie. Toutefois, il constate avec préoccupation que le mandat du Comité interministériel n’inclut toujours pas la coordination de toutes les politiques et de tous les programmes en faveur des enfants.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élargir le mandat, les fonctions et les capacités du Comité interministériel pour y inclure la coordination de tous les programmes et de toutes les politiques en faveur des enfants. Le Comité recommande aussi que le Comité interministériel fasse régulièrement rapport sur le suivi et l ’ évaluation de la mise en œuvre de la Convention et que les rapports soient largement diffusés à tous les niveaux de la société, notamment parmi les enfants.

Plan d’action national

12.Le Comité considère comme positives les diverses stratégies sectorielles concernant les enfants qui ont été mises au point. Toutefois, il constate avec préoccupation que les stratégies sont rarement accompagnées de plans d’action concrets pour leur mise en œuvre. Le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas élaboré de plan d’action national global pour la mise en œuvre de la Convention.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de regrouper ses stratégies concernant les enfants et les familles dans un plan d ’ action national global en faveur des enfants pour assurer la pleine mise en œuvre de la Convention. Le plan d ’ action national devrait être fondé sur les droits et couvrir tous les principes et toutes les dispositions de la Convention. Il devrait être relié aux plans, stratégies et budgets nationaux de développement et être assorti d ’ échéances précises et d ’ objectifs quantifiables de manière à ce que les progrès dans l ’ exercice de tous les droits par tous les enfants puissent être efficacement mesurés.

Suivi indépendant

14.Le Comité note que les enfants peuvent déposer des plaintes devant les autorités sectorielles compétentes, mais il demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas créé de mécanisme indépendant chargé de surveiller régulièrement l’exercice des droits de l’enfant consacrés par la Convention et de recevoir et d’examiner en toute indépendance les plaintes concernant des violations des droits de l’enfant.

15. Le Comité réitère la recommandation figurant dans ses précéde ntes observations finales (par.  13) et engage l ’ État partie à créer un mécanisme indépendant conforme aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale), en tenant compte de l ’ Observation générale n o 2 (2002) du Comité concernant le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l ’ homme dans la protection et la promotion des droits de l ’ enfant (CRC/GC/2002/2). Cet organe devrait être clairement mandaté pour recevoir et examiner les plaintes communiquées par des enfants ou en leur nom et concernant tous les domaines visés par la Convention. Il devrait être accessible à tous les enfants et être doté des ressources humaines, financières et techniques nécessaires pour fonctionner de manière adéquate.

Collecte de données

16.Le Comité prend note des nombreuses données statistiques présentées par l’État partie dans son rapport et dans les réponses à la liste des points à traiter. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des données relatives notamment à la violence contre les enfants, aux enfants victimes de la traite et à l’exploitation sexuelle des enfants.

17. Rappelant son Observation générale n o 5 (2003) sur les mesures d ’ application générales de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer ses mécanismes de collecte de données en créant au niveau national une base de données centrale sur les enfants et en élaborant des indicateurs compatibles avec la Convention, afin que des données soient recueillies dans tous les domaines couverts par la Convention, en particulier sur la violence, la traite et l ’ exploitation sexuelle des enfants, ventilées notamment par âge (personnes de moins de 18 ans), origine ethnique et socioéconomique, ainsi que par groupe d ’ enfants ayant besoin d ’ une protection spéciale.

Diffusion et sensibilisation

18.Le Comité accueille avec satisfaction les diverses initiatives prises par l’État partie pour sensibiliser les enfants et le grand public à la Convention. Le Comité estime toutefois qu’il convient de s’attacher en permanence à assurer l’éducation et la sensibilisation des enfants et de la population dans son ensemble. Il encourage par conséquent l’État partie à continuer de diffuser la Convention auprès des enfants, de leurs parents et de la population en général, notamment au moyen de matériels spécialement conçus pour les enfants.

Formation

19.Le Comité note avec satisfaction les efforts faits par l’État partie pour former les professionnels qui travaillent avec et pour les enfants aux principes et aux dispositions de la Convention, mais il constate avec préoccupation que les activités de formation aux droits de l’enfant pour les groupes de professionnels demeurent insuffisantes.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts de formation des professionnels afin de généraliser l ’ application des principes et dispositions de la Convention dans le cadre des structures de protection sociale et dans les procédures juridiques et administratives.

Coopération avec la société civile

21.Le Comité prend note de l’approche dite «many helping hands» (beaucoup de bras secourables), adoptée pour collaborer avec la société civile, notamment avec les organismes bénévoles d’aide sociale, mais il est préoccupé par le flou entourant le rôle des uns et des autres et par le fait que la coopération avec la société civile au niveau de la prise de décisions ou dans le processus d’établissement des rapports est limitée.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ associer les organisations non gouvernementales (ONG) de manière plus systématique et coordonnée à toutes les étapes de la mise en œuvre de la Convention, notamment la formulation des politiques, et à l ’ élaboration des futurs rapports périodiques. Il recommande aussi à l ’ État partie de prendre en considération les recommandations formulées lors de la journée de débat général tenue en 2002 sur le thème «Le secteur privé en tant que prestataire de services et son rôle dans la mise en œuvre des droits de l ’ enfant» (CRC/C/121, par.  630), et d ’ améliorer le contrôle des organismes privés qui fournissent des services afin de s ’ assurer qu ’ ils sont fondés sur les droits.

Coopération internationale

23.S’agissant de l’article 4 de la Convention, le Comité prend note des contributions de l’État partie aux efforts de coopération internationale, en particulier les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et l’action humanitaire bilatérale et multilatérale. Néanmoins, il relève l’absence d’informations sur l’aide publique au développement (APD) consacrée à la réalisation d’objectifs convenus sur le plan international, en particulier les objectifs du Millénaire pour le développement, qui mettent spécialement l’accent sur les enfants, bien que l’État partie ait une économie relativement stable.

24. Le Comité encourage l ’ État partie à assurer la transparence des informations sur l ’ APD et à atteindre et, si possible, dépasser l ’ objectif de 0,7 % du produit national brut fixé au niveau international pour l ’ APD. Il encourage aussi l ’ État partie à veiller à ce que la réalisation des droits de l ’ enfant devienne une priorité dans les accords de coopération internationale conclus avec les pays en développement, dans le cadre de sa coopération bilatérale. À ce propos, le Comité engage l ’ État partie à porter une attention prioritaire aux observations finales et aux recommandations faites par le Comité aux pays partenaires de l ’ État partie. Il invite l ’ État partie à prendre en compte les recommandations qu ’ il a formulées lors de la journée de débat général tenue en 2007 sur le thème «Ressources pour les droits de l ’ enfant − responsabilité des États».

Droits de l’enfant et entreprises

25.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas adopté de critères relatifs à la responsabilité sociale des entreprises à l’égard des droits de l’enfant pour les entreprises nationales et multinationales qui relèvent de sa juridiction, eu égard au Cadre concernant les entreprises et les droits de l’homme, adopté en 2008 par le Conseil des droits de l’homme, qui énonce trois principes: l’obligation incombant aux États de protéger les droits de l’homme, la responsabilité incombant aux entreprises de respecter les droits de l’homme et l’accès des victimes à des recours effectifs en cas de violation.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de prévoir un cadre pour la communication d ’ informations sur les droits de l ’ enfant par les entreprises singapouriennes, y compris les entreprises multinationales basées à Singapour. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ appliquer pour ce faire les dispositions pertinentes de la Convention. Il encourage en outre l ’ État partie à tenir dûment compte de l ’ expérience accumulée de par le monde dans la mise en application, notamment, du Cadre des Nations Unies pour les entreprises et les droits de l ’ homme aux activités des entreprises privées et publiques, s ’ agissant en particulier des droits de l ’ enfant.

B.Définition de l’enfant (art. 1 de la Convention)

27.Le Comité se félicite de la modification apportée à la loi sur l’administration du droit coranique, qui relève l’âge minimum du mariage de 16 à 18 ans pour les filles musulmanes. Le Comité regrette toutefois que, malgré la recommandation formulée dans ses précédentes observations finales (par. 22), la loi sur les enfants et les jeunes (telle que modifiée par la loi 15 de 2010) ne couvre toujours pas les enfants âgés de 16 à 18 ans.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour harmoniser la définition de l ’ enfant dans la législation nationale, conformément à la Convention. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ élargir la portée de la loi sur les enfants et les jeunes afin qu ’ elle couvre toutes les personnes de moins de 18 ans.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

29.Le Comité se déclare préoccupé, comme il l’avait déjà fait dans ses précédentes observations finales (par. 24), par le fait que le principe de non-discrimination est réservé aux citoyens singapouriens et ne s’applique pas à tous les enfants qui relèvent de la juridiction de l’État partie sans considération du statut de leurs parents, contrairement à ce que dispose l’article 2 de la Convention. En outre, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la discrimination persiste à l’égard des filles, des enfants handicapés et des non-résidents.

30. Le Comité engage l ’ État partie à:

a) Réviser sa législation en vue d ’ assurer le respect et l ’ exercice des droits énoncés dans la Convention à tous les enfants relevant de sa juridiction, en particulier les filles, les enfants handicapés et les enfants d ’ origine étrangère, sans discrimination aucune;

b) Adopter et mettre en œuvre une stratégie globale portant sur toutes les formes de discrimination, notamment les formes multiples de la discrimination dirigée contre tous les groupes d ’ enfants vulnérables, et visant à combattre les attitudes discriminatoires de la société;

c) Prendre ces mesures en coordination avec un large éventail de parties prenantes et en associant tous les secteurs de la société, afin de favoriser un changement social et culturel et la création d ’ un environnement favorable à l ’ égalité des enfants entre eux;

d) Recueillir des données ventilées par sexe, race, origine ethnique ou milieu social et handicap afin de permettre un suivi efficace de la discrimination de fait; et

e) Assurer le suivi de ces mesures et évaluer régulièrement les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs fixés et faire figurer des informations précises dans le prochain rapport périodique sur les mesures et les programmes concernant la Convention adoptée par l ’ État partie pour donner suite à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban adoptés en 2001 à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, ainsi qu ’ au Document final adopté en 2009 à la Conférence d ’ examen de Durban.

Intérêt supérieur de l’enfant

31.Le Comité accueille avec satisfaction l’inscription du principe directeur de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la loi sur les enfants et les jeunes (telle que modifiée par la loi 15 de 2010) et les divers types de programmes visant à promouvoir le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment les programmes CHILD (intérêt supérieur de l’enfant, procédure moins accusatoire) et IMPACT. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de référence au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la plupart des textes législatifs concernant les enfants, ainsi que dans les décisions judiciaires et administratives et dans les politiques et programmes concernant les enfants.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour faire du principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant une considération primordiale, conformément à l ’ article 3 de la Convention, et pour en assurer la pleine intégration dans sa législation, dans les décisions judiciaires et administratives, ainsi que les politiques, les programmes et les services qui ont une incidence sur les enfants.

Respect de l’opinion de l’enfant

33.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les attitudes traditionnelles de la société à l’égard des enfants limitent et souvent excluent la possibilité pour les enfants d’exprimer leur opinion sur un large éventail de questions qui les concernent dans la famille, à l’école, dans les institutions, dans le système judiciaire et dans l’ensemble de la société. Le Comité regrette aussi qu’il n’existe pas de procédure formelle permettant aux enfants d’être systématiquement invités à exprimer leur opinion dans les procédures judiciaires et administratives qui les concernent.

34. À la lumière de l ’ article 12 de la Convention et de l ’ Observation générale n o 12 (2009) du Comité concernant le droit de l ’ enfant d ’ être entendu, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De promouvoir activement le droit de l ’ enfant d ’ être entendu dans la famille et dans d ’ autres cadres et de mettre en place des procédures formelles permettant aux enfants d ’ exprimer leur opinion sur toutes les questions qui les concernent dans tous les cadres, notamment à l ’ école et dans les autres institutions pour enfants, dans les tribunaux et dans les organes administratifs, ainsi que dans le processus d ’ élaboration des politiques;

b) De modifier la législation, notamment la loi sur les enfants et les jeunes, afin d ’ y inclure le droit de l ’ enfant d ’ exprimer librement son opinion dans toutes les questions le concernant; et

c) D ’ envisager de retirer la déclaration concernant l ’ article 12 de la Convention.

D.Liberté et droits civils (art. 7, 8, 13 à 17, 19 et 37 a) de la Convention)

Nom et nationalité

35.Le Comité se félicite de la modification apportée en avril 2004 à la Constitution, qui permet aux mères de transmettre leur nationalité à leurs enfants, mais il relève avec inquiétude que la loi modifiée ne s’applique qu’aux enfants nés après le 15 mai 2004. Il constate avec préoccupation qu’il existe encore un grand nombre d’enfants apatrides dans l’État partie et que, dans certaines circonstances, les enfants peuvent être déchus de leur nationalité en application de l’article 129.2 a) de la Constitution.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser sa loi sur la nationalité en vue d ’ empêcher les enfants d ’ être déchus de leur nationalité et d ’ envisager d ’ accorder la nationalité à tous les enfants nés de mères singapouriennes avant 2004.

Liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique

37.Le Comité note que les enfants sont encouragés à exprimer leur opinion dans certaines enceintes, mais il est préoccupé par le fait que ces enceintes sont très limitées et que le droit de l’enfant d’exprimer son opinion, notamment de présenter des plaintes publiquement et de recevoir des informations, ainsi que la liberté d’association et de réunion pacifique ne sont, dans la pratique, pas pleinement garantis. Il constate avec préoccupation que, bien que la Constitution garantisse le droit à la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique et d’association, ces droits sont sévèrement restreints dans la pratique et la liberté d’exprimer son opinion en public continue à être limitée.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer ses efforts pour garantir la pleine mise en œuvre dans la pratique du droit de l ’ enfant à la liberté d ’ expression, d ’ association et de réunion pacifique. Le Comité encourage aussi l ’ État partie à revoir ses déclarations concernant les articles 12, 13 et 15 de la Convention, en vue de les retirer.

Torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

39.Le Comité prend note des programmes et des directives en matière d’éducation qui restreignent et découragent le recours aux châtiments corporels, mais il se déclare une nouvelle fois vivement préoccupé par le fait que les châtiments corporels, notamment la bastonnade, sont encore considérés comme une forme licite de discipline dans la famille, à l’école et dans les institutions.

40. À la lumière de l ’ Observation générale n o 8 (2006) du Comité concernant le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiment, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ interdire catégoriquement par voie législative, sans plus tarder, toutes les formes de châtiment corporel, y compris la bastonnade, dans tous les cadres;

b) De continuer de former systématiquement les enseignants et les personnels des institutions et des centres de détention pour mineurs aux formes positives et non violentes de discipline à appliquer à la place des châtiments corporels; et

c) De continuer de sensibiliser et de former les parents, tuteurs et professionnels qui travaillent avec et pour les enfants aux conséquences préjudiciables des châtiments corporels, en vue de faire évoluer l ’ attitude générale envers ces pratiques et de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d ’ éducation des enfants et de discipline à la place des châtiments corporels.

Suivi de l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants

41. Le Comité encourage l ’ État partie à:

a) Donner la priorité à l ’ élimination de toutes les formes de violence contre les enfants, notamment en assurant la mise en œuvre des recommandations formulées dans l ’ Étude des Nations Unies sur la violence à l ’ encontre des enfants, en prêtant une attention particulière au genre;

b) Fournir dans le prochain rapport périodique des informations sur la mise en œuvre par l ’ État partie des recommandations formulées dans l ’ Étude, relatives en particulier aux actions prioritaires à mener selon un échéancier sur lesquelles a insisté l ’ Expert indépendant chargé par le Secrétaire général de l ’ étude sur la violence à l ’ encontre des enfants, à savoir:

i) Élaborer une stratégie nationale globale visant à prévenir et combattre toutes les formes de violence à l ’ encontre des enfants;

ii) Adopter des dispositions législatives interdisant expressément toutes les formes de violence à l ’ encontre des enfants dans tous les cadres;

iii) Se doter d ’ un système national de collecte, d ’ analyse et de diffusion de données et d ’ un programme de recherche sur la violence à l ’ encontre des enfants;

c) Coopérer avec la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l ’ encontre des enfants et solliciter l ’ assistance du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF), du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH), de l ’ Organisation mondiale de la santé (OMS), de l ’ OIT, de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ éducation, la science et la culture (UNESCO), du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de l ’ Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ainsi que des ONG partenaires.

E.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2),9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Milieu familial

42.Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour apporter aux familles une éducation à la parentalité et une assistance financière, ainsi que de la création en 2007 du Comité interministériel sur les familles dysfonctionnelles visant à renforcer l’appui aux familles ayant d’importants besoins. Il est toutefois préoccupé par le fait que ces familles pourraient ne pas bénéficier d’un soutien adéquat pour assumer leurs responsabilités en matière d’éducation des enfants. Le Comité constate aussi avec préoccupation que les familles à faible revenu et les familles monoparentales n’ont pas accès à des services de garde d’enfants abordables en raison de la rigidité des critères d’admissibilité au bénéfice du Programme d’aide financière pour la garde des enfants en structure d’accueil.

43. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ aide et les services apportés aux parents et aux représentants légaux afin de renforcer leurs capacités à assumer leurs responsabilités en matière d ’ éducation des enfants, notamment par des conseils, l ’ éducation à la parentalité et d ’ autres programmes de sensibilisation susceptibles de favoriser la stabilité du milieu familial. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de revoir les critères d ’ admissibilité au bénéfice du Programme d ’ aide financière pour la garde des enfants en structure d ’ accueil, notamment le critère selon lequel les mères doivent avoir un emploi, et de garantir aux familles à faible revenu et aux familles monoparentales l ’ accès à des services de garde d ’ enfants abordables.

44.Le Comité constate avec préoccupation que l’application de la loi sur l’emploi des travailleurs étrangers peut entraîner la séparation d’enfants et de leurs parents, étant donné que les travailleurs migrants titulaires d’un permis de travail correspondant à des catégories inférieures aux catégories «S» et «Emploi» ne sont pas autorisés à se marier avec un citoyen singapourien ou avec une personne ayant le statut de résident permanent à Singapour sans avoir reçu l’autorisation préalable du Contrôleur des permis de travail, et que les permis de travail peuvent être annulés pour cause de grossesse, ce qui peut aussi entraîner l’expulsion.

45. Le Comité engage l ’ État partie à revoir sa législation et ses politiques relatives à l ’ immigration, en particulier la loi sur l ’ immigration et la loi sur l ’ emploi des travailleurs étrangers, en vue d ’ éviter la séparation d ’ enfants et de leurs parents, et d ’ envisager de lever ses réserves aux articles 9 et 10 de la Convention.

Enfants privés de milieu familial

46.Le Comité se déclare vivement préoccupé par la gestion par l’État partie du système concernant les enfants qui échappent au contrôle parental, en vertu duquel les parents peuvent introduire une plainte formelle auprès du Tribunal de la protection sociale des enfants et les enfants âgés de 8 à 16 ans peuvent être placés dans une institution, notamment dans une institution qui accueille des délinquants mineurs. Le Comité note avec regret que ce système peut stigmatiser l’enfant et être perçu comme une mesure punitive et non comme une mesure éducative. Le Comité note aussi que le système relatif aux enfants qui échappent au contrôle parental n’est par conforme au projet de loi de 2010 portant modification de la loi sur les enfants et les jeunes, qui encourage les parents ou les tuteurs d’enfants ou de jeunes à assumer la responsabilité première de la prise en charge et de la protection de ces derniers.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre en considération les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants figurant dans la résolution 64/142, adoptée en 2009 par l ’ Assemblée générale et:

a) De revoir ses politiques relatives aux enfants qui échappent au contrôle parental pour que le placement des enfants en institution ne soit utilisé que comme une mesure de dernier recours et uniquement avec le contrôle judiciaire approprié;

b) D ’ entreprendre une étude tenant compte du genre sur les causes profondes des problèmes rencontrés par les enfants dans leur famille, sur l ’ efficacité du système en vigueur et son incidence sur les enfants;

c) De proposer des services de conseil, des formations de soutien à la parentalité et des thérapies appropriées, au besoin, ainsi que toute autre mesure de protection aux enfants et aux familles;

d) D ’ organiser des programmes de sensibilisation, notamment des campagnes, à l ’ intention des parents, des professionnels et du public, sur le besoin qu ’ ont les enfants sur le plan affectif de grandir dans un environnement bienveillant et sûr.

Adoption

48.Le Comité constate avec préoccupation que de nombreuses garanties des droits de l’enfant prévues par les normes internationales font défaut dans la loi sur l’adoption des enfants. Le Comité est aussi préoccupé par les cas d’adoption sans garanties de protection suffisantes, telles que la nécessité d’une autorisation judiciaire ou l’existence d’une autorité centrale de supervision, et par les cas signalés de vente d’enfants à des fins d’adoption.

49. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De tenir un registre de tous les enfants adoptés;

b) De créer une autorité centrale chargée d ’ assurer la protection des droits des enfants concernés par une procédure d ’ adoption; et

c) De ratifier sans tarder le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et la Convention de L a Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d ’ adoption international e.

Maltraitance et négligence

50.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie pour s’attaquer aux problèmes de la maltraitance et de la négligence envers les enfants. Il est toutefois préoccupé par l’absence de système global de détection, d’enregistrement et d’analyse des violences commises contre les enfants. Il regrette que les professionnels qui travaillent avec ou pour les enfants n’aient pas l’obligation de signaler les violences contre les enfants.

51. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer son action visant à remédier au problème de la violence contre les enfants par des mesures préventives, des programmes d ’ éducation du public sur les conséquences négatives de la maltraitance et de la négligence et en assurant une protection adéquate et des services de réadaptation aux enfants victimes de violences. Il encourage aussi l ’ État partie à prévoir l ’ obligation, pour les professionnels qui travaillent avec les enfants, de signaler les cas présumés de maltraitance ou de négligence envers enfant et de prendre les mesures appropriées et à dispenser des formations à ce sujet.

F.Santé et bien-être de base (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26 et 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

52.Le Comité note que les autorités fournissent des moyens de financement et de formation aux écoles qui dispensent une éducation spéciale aux enfants handicapés, mais constate avec préoccupation que ces écoles sont gérées par des organisations bénévoles d’aide sociale qui ne relèvent pas des autorités. Il demeure vivement préoccupé par le fait que les enfants handicapés ne sont toujours pas pleinement intégrés dans le système éducatif et que les données quantitatives et qualitatives sur ces enfants et leurs besoins font toujours défaut.

53. Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à l ’ article 23 de la Convention:

a) D ’ étendre le champ de la loi de 2003 sur l ’ enseignement obligatoire à tous les enfants handicapés;

b) De pourvoir à l ’ insertion des enfants ayant des besoins spéciaux dans le système éducatif ordinaire;

c) De recueillir et d ’ analyser des données qualitatives et quantitatives sur les enfants handicapés et leurs besoins spécifiques et d ’ utiliser ces données pour élaborer des programmes et des politique s appropriées pour ces enfants;

d) De dispenser une formation axée sur les droits des enfants aux professionnels qui travaillent avec les enfants handicapés, tels que les enseignants, les travailleurs sociaux, le personnel médical et paramédical et celui des professions apparentées;

e) D ’ allouer davantage de ressources pour faire en sorte que les enfants handicapés bénéficient en temps opportun de services d ’ intervention précoce et soient intégrés dans les écoles ordinaires;

f) De renforcer le soutien aux famil les ayant des enfants handicapé s;

g) D ’ envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s ’ y rapportant; et

h) De prendre en considération les règles des Nations Unies pour l ’ égalisati on des chances des handicapés (r ésolution 48/96 de l ’ Assemblée générale ) et l ’ O bservation générale n o 9 (2006) du Comité sur les droits des enfants handicapés.

Santé des adolescents

54.Le Comité note avec satisfaction que les indicateurs de santé se maintiennent à un excellent niveau et que l’État partie dispose de services de soins de santé de grande qualité et largement disponibles. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’insuffisance des services des soins de santé pour les adolescents, par l’augmentation du nombre d’adolescents atteints d’infections sexuellement transmissibles et par la fréquence des suicides d’adolescents.

55. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De renforcer son programme visant à promouvoir des modes de vie sains chez les adolescents;

b) D ’ adopter une politique globale relative à la santé des adolescents, notamment la santé procréative;

c) De sensibiliser les adolescents au problème des infections sexuellement transmissibles, en particulier à leurs modes de transmission et à leurs effets négatifs;

d) De mener des recherches sur les facteurs de risques de suicide chez les adolescents et de mettre en œuvre des mesures de prévention; et

e) De prendre en considération l ’ Observation générale n o 4 (2003) du Comité sur la santé et le développement de l ’ adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l ’ enfant.

Allaitement maternel

56.Le Comité note les mesures prises par l’État partie pour encourager l’allaitement maternel, notamment l’amélioration de la législation sur la protection de la maternité, mais il constate à nouveau avec préoccupation que l’allaitement maternel exclusif est une pratique peu répandue. Il constate aussi avec préoccupation qu’aucun hôpital n’a reçu la certification «amis des bébés», que plusieurs éléments du code local du Comité déontologique de Singapour pour la commercialisation des aliments pour nourrissons ne sont pas conformes au code international et que les pauses pour l’allaitement ne sont pas garanties par la législation sur la maternité.

57. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer ses mesures de sensibilisation à l ’ importance de l ’ allaitement maternel exclusif jusqu ’ à l ’ âge de 6  mois. Il demande aussi à l ’ État partie de veiller à ce que les principales maternités du pays répondent aux normes et reçoivent la certification au titre de l ’ initiative Hôpitaux amis des bébés; de revoir, renforcer et faire appliquer le code local du Comité déontologique de Singapour pour la commercialisation des aliments pour nourrissons et d ’ adopter et de mettre en œuvre le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel; d ’ inclure dans sa législation sur la maternité une disposition concernant les pauses pour l ’ allaitement et d ’ envisager de ratifier la Convention n o 183 (2000) de l ’ OIT sur la protection de la maternité.

G.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31de la Convention)

Éducation, y compris formation et orientation professionnelles

58.Le Comité reconnaît que le niveau du système scolaire de l’État partie est excellent et s’en félicite. Toutefois, il constate avec préoccupation que:

a)Malgré la recommandation faite dans ses précédentes observations finales (par. 43), tous les enfants relevant de la juridiction de l’État partie, en particulier les non-ressortissants, ne sont pas couverts par la loi sur l’enseignement obligatoire et n’ont pas accès à l’enseignement primaire gratuit;

b)La nature hautement compétitive du système éducatif peut engendrer un stress excessif et empêcher les enfants de développer pleinement leur potentiel;

c)Les indicateurs relatifs à l’éducation montrent que les élèves appartenant à des minorités, en particulier les Malais, ont de moins bons résultats; et

d)Les efforts déployés en vue d’inclure l’éducation aux droits de l’homme dans les programmes scolaires sont insuffisants.

59. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De modifier la loi sur l ’ enseignement obligatoire pour qu ’ elle couvre tous les enfants relevant de la juridiction de l ’ État partie, y compris les non-ressortissants, et revoir à cette fin la réserve faite à l ’ article 28 de la Convention;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les enfants aient accès à l ’ enseignement primaire gratuit;

c) De revoir son système scolaire et éducatif de manière à réduire le stress des élèves et le niveau de compétitivité et de renforcer encore les efforts visant à promouvoir l ’ épanouissement de la personnalité de l ’ enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes, dans toute la mesure de leur potentialité, notamment par la promotion de la vie culturelle, des arts, des jeux et des activités récréatives à l ’ école;

d) De renforcer et d ’ accélérer les efforts visant à aider les élèves qui appartiennent à des minorités, en particulier les Malais, dans leur parcours scolaire, notamment au moyen de programmes temporaires spéciaux d ’ égalisation des chances destinés à résorber les disparités existantes; et

e) De renforcer les efforts tendant à inclure l ’ éducation aux droits de l ’ homme dans les programmes officiels à tous les niveaux de l ’ enseignement, et de former les enseignants à promouvoir les droits de l ’ homme dans leur enseignement, en tenant compte de l ’ Observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l ’ éducation.

H.Mesures spéciales de protection (art. 22, 30, 38, 39, 40, 37 b) à d) et 32 à 36 de la Convention)

Enfants demandeurs d’asile et réfugiés

60.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’est partie à aucun instrument relatif au traitement des réfugiés. Il constate aussi avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas de lois régissant le traitement des réfugiés et qu’un traitement au cas par cas peut conduire à l’arbitraire.

61. Le Comité engage l ’ État partie à élaborer un cadre législatif pour la protection des enfants demandeurs d ’ asile et réfugiés, en particulier les enfants non accompagnés, qui soit conforme aux normes internationales, et à envisager de ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de prendre en considération son Observation générale n o 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d ’ origine.

Exploitation économique, y compris le travail des enfants

62.Le Comité note que l’État partie a modifié la loi de 2004 sur l’emploi pour relever de 12 à 13 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi, mais il constate avec préoccupation que l’âge minimum d’admission à l’emploi est inférieur à l’âge de la scolarité obligatoire. Il note aussi que le rapport de l’État partie ne contient pas d’informations sur le contrôle des conditions de travail et de vie des enfants qui travaillent.

63. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts visant à prévenir l ’ exploitation économique de tous les enfants relevant de sa juridiction, et notamment de relever l ’ âge minimum d ’ admission à l ’ emploi afin de l ’ aligner sur l ’ âge de la scolarité obligatoire (15 ans) prévu par la loi sur l ’ enseignement obligatoire. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie d ’ étudier et de surveiller les conditions de travail et de vie des enfants qui travaillent et de faire figurer ces informations dans son prochain rapport.

Exploitation sexuelle et violences sexuelles

64.Le Comité accueille avec satisfaction la modification du Code pénal (chap. 224), qui renforce la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales commise par des personnes relevant de la juridiction de l’État partie. Toutefois, le Comité est gravement préoccupé par les éléments suivants:

a)La législation nationale pertinente ne couvre pas la totalité des actes interdits par l’article 3 b) de la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, à savoir l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant de moins de 18 ans à des fins de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques;

b)L’État partie n’a pris que des mesures limitées pour combattre l’exploitation sexuelle et les violences sexuelles envers des enfants, notamment le tourisme pédophile, et en finir avec l’impunité dont jouissent les auteurs des actes en cause;

c)Ces actes pourraient ne pas être tous signalés, comme il ressort des informations statistiques communiquées par l’État partie;

d)Les enfants victimes d’exploitation sexuelle sont souvent considérés et traités comme des délinquants coupables de prostitution; et

e)Bien qu’il ait établi sa compétence extraterritoriale pour les affaires d’exploitation sexuelle d’enfants par des personnes relevant de sa juridiction, l’État partie n’a guère mené d’enquêtes, exercé de poursuites ou prononcé de condamnations à l’encontre de nationaux ou de résidents permanents à Singapour pour des actes de tourisme pédophile.

65. Le Comité engage l ’ État partie à honorer les obligations qui lui incombent au titre de l ’ article 34 de la Convention et à mettre en place, à titre prioritaire, des mesures d ’ intervention systématique en cas de signalement de violence et d ’ exploitation sexuelles. En particulier, le Comité exhorte l ’ État partie à prendre des mesures efficaces aux fins suivantes:

a) Mettre sa législation en conformité avec l ’ article 3 b) de la Convention n o 182 de l ’ OIT sur les pires formes de travail des enfants;

b) Intensifier ses efforts pour appliquer la législation qui incrimine les actes d ’ exploitation sexuelle et les violences sexuelles, afin que les auteurs d ’ infractions sexuelles contre les enfants soient dûment traduits en justice et reçoivent les sanctions appropriées;

c) Créer des refuges pour enfants victimes de violence et d ’ exploitation sexuelles, offrant à ces enfants des services de réadaptation, d ’ aide au rétablissement et de réinsertion sociale;

d) Mettre en place un mécanisme de suivi efficace et systématique permettant de recueillir des données pour déterminer le nombre de victimes et les tendances; et

e) Élaborer un code de conduite pour la protection des enfants contre l ’ exploitation sexuelle dans le tourisme et encourager une participation plus active de l ’ industrie du tourisme et des médias.

Vente, traite et enlèvement

66.Le Comité note avec satisfaction que la législation nationale incrimine la vente, la traite et l’enlèvement d’enfants et prend acte des efforts déployés par l’État partie pour mettre en place des installations et des programmes en faveur des victimes de la traite et de la prostitution, notamment une permanence téléphonique, des services de conseil, de traduction et d’hébergement. Toutefois, le Comité constate avec préoccupation que, malgré le cadre législatif et les efforts entrepris, l’État partie est un pays de destination d’enfants victimes de traite, même si les données y relatives fournies dans le rapport de l’État partie font état d’un nombre de cas anormalement faible. En outre, le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’enquête pas sur tous les cas de traite signalés ou n’inflige pas aux auteurs les sanctions appropriées et de ce que, dans certains cas, les enfants victimes sont traités comme des délinquants et sont arrêtés pour violation de la législation relative à l’immigration.

67. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De faire en sorte que toutes les affaires de traite d ’ enfants, en particulier les affaires d ’ exploitation sexuelle à des fins commerciales, fassent l ’ objet d ’ enquêtes rapides et approfondies, et que les responsables soient poursuivis et reçoivent les sanctions appropriées;

b) De prendre toutes les mesures législatives nécessaires pour éviter que des enfants victimes de la traite ne soient traités comme des délinquants, en particulier en veillant à ce qu ’ ils ne soient pas placés en détention, à ce qu ’ ils bénéficient de services de réadaptation appropriés, à ce qu ’ ils puissent rejoindre leur famille et à ce qu ’ ils soient autorisés à rester sur le territoire de l ’ État partie suffisamment longtemps pour pouvoir participer activement à la procédure judiciaire contre les trafiquants;

c) De réaliser une étude, avec la participation de la société civile, sur la nature et l ’ ampleur de la vente, de la traite et de l ’ enlèvement d ’ enfants dans l ’ État partie;

d) De sensibiliser le public à l ’ ampleur du problème de la traite sur le territoire de l ’ État partie et aux effets préjudiciables de la traite sur les enfants victimes;

e) De renforcer et d ’ élargir les accords et les programmes de coopération bilatéraux et multilatéraux avec les pays d ’ origine, de transit et de destination, afin de prévenir la traite des enfants;

f) De ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000); et

g) De renforcer la coopération avec, entre autres, le Programme international pour l ’ abolition du travail des enfants (IPEC) de l ’ OIT, l ’ Organisation internationale pour les migrations (OIM) et les organisations non gouvernementales.

Administration de la justice pour mineurs

68.Le Comité se félicite de l’existence dans l’État partie d’un système de justice distinct pour les mineurs, mais constate avec une vive inquiétude que, malgré ses précédentes observations finales (par. 45):

a)L’âge minimum de la responsabilité pénale reste très bas (7 ans);

b)Les châtiments corporels et l’isolement cellulaire sont toujours utilisés pour punir les délinquants mineurs;

c)Les garçons âgés de 7 à 16 ans subissent la bastonnade et d’autres formes de punition pour de nombreuses infractions visées dans le Code pénal et dans d’autres lois;

d)Des personnes peuvent être condamnées à la réclusion à perpétuité pour des faits commis alors qu’elles avaient moins de 18 ans;

e)Les enfants âgés de 16 à 18 ans sont exclus de la protection prévue par la loi sur les enfants et les jeunes, ne peuvent pas être traduits devant le tribunal pour délinquants mineurs, leurs noms étant consignés dans le registre des délinquants adultes; pareillement, des enfants âgés de 16 à 18 ans qui présentent une déficience intellectuelle continuent d’être jugés par des tribunaux pour adultes.

69. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à renforcer son action visant à garantir la pleine mise en œuvre des normes relatives à la justice pour mineurs, en particulier les articles 37, 39 et 40 de la Convention et d ’ autres normes internationales pertinentes, dont l ’ Ensemble de Règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane), en tenant compte de l ’ Observation générale n o 10 (2007) du Comité relative aux droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs. Il recommande à l ’ État partie:

a) De relever de toute urgence l ’ âge minimum de la responsabilité pénale pour le porter à un niveau acceptable sur le plan international;

b) De réviser sa législation afin d ’ interdire dans tous les centres de détention le recours aux châtiments corporels et l ’ isolement cellulaire envers les délinquants mineurs;

c) De faire en sorte que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit pris en considération dans le prononcé de la peine et durant la détention, que la privation de liberté soit appliquée comme mesure de dernier recours et pour la période la plus courte possible, et qu ’ elle fasse l ’ objet d ’ un réexamen régulier en vue d ’ être levée;

d) D ’ abolir la peine de prison à perpétuité pour les personnes de moins de 18 ans et, dans l ’ intervalle, de veiller à ce que les enfants déjà condamnés à une peine d ’ emprisonnement à vie reçoivent une éducation, un traitement et des soins en vue de leur libération, de leur réinsertion et du développement de leur aptitude à jouer un rôle constructif dans la société;

e) D ’ étendre la protection spéciale prévue par la loi sur les enfants et les jeunes aux enfants âgés de 16 à 18 ans et de veiller à ce que le système de justice pénale prenne dûment en considération les jeunes délinquants présentant une déficience intellectuelle; et

f) D ’ utiliser les outils d ’ assistance technique mis au point par le Groupe de coordination interinstitutions dans le domaine de la justice pour mineurs et ses membres, notamment l ’ Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l ’ UNICEF, le HCDH, ainsi que des ONG, et de solliciter, s ’ il y a lieu, les conseils et l ’ assistance techniques des membres du Groupe dans le domaine de la justice pour mineurs.

Victimes et témoins d’actes criminels

70. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les dispositions législatives, les procédures et les réglementations propres à assurer à tous les enfants victimes et témoins d ’ actes criminels tels que sévices, violence dans la famille, exploitation sexuelle et économique, enlèvement et traite, un accès effectif à la justice et la protection prévue par la Convention, en tenant pleinement compte des Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d ’ actes criminels, annexée à la résolution 2005/20 du Conseil économique et social.

Enfants appartenant à des groupes minoritaires ou autochtones

71.Le Comité se félicite des efforts entrepris par l’État partie pour faire respecter le droit qu’ont les enfants appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques et les enfants autochtones de vivre selon leur propre culture et de pratiquer leur propre religion et leur propre langue. Toutefois, le Comité partage l’inquiétude du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée concernant plusieurs politiques qui pourraient avoir marginalisé certains groupes ethniques minoritaires, notamment les Malais.

72. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ action visant à assurer l ’ harmonisation raciale et, dans le même temps, de faire en sorte que les enfants appartenant à des minorités aient des chances égales. Il recommande aussi à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir aux groupes ethniques minoritaires, en particulier aux Malais, le droit de vivre selon leur propre culture et de pratiquer leur propre religion et leur propre langue dans tous les domaines de la vie.

Coopération avec les organismes régionaux et internationaux

73. Le Comité recommande à l ’ État partie de coopérer avec la Commission sur les femmes et les enfants de l ’ Association des Nations de l ’ Asie du Sud-Est (ASEAN) en vue de la mise en œuvre de la Convention dans l ’ État partie, ainsi que dans les autres États membres de l ’ ASEAN.

I.Ratification des instruments internationaux relatifs aux droitsde l’homme

74. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre d ’ urgence des mesures pour ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, ces instruments présentant notamment un intérêt pour renforcer la réalisation des droits de l ’ enfant. Il s ’ agit du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, de la Convention international e sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale, du Pacte international relatif aux droits civils et politique s et du Protocole facultatif s ’ y rapportant, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Protocole facultatif s ’ y rapportant, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et du Protocole facultatif s ’ y rapportant, de la Convention international e sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s ’ y rapportant, de la Convention international e pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et du Protocole facultatif à la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes.

75. Le Comité appelle l ’ État partie à honorer ses obligations en matière d ’ établissement de rapports au titre du Protocole facultatif concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés.

J.Suivi et diffusion

Suivi

76. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant au c hef de l ’ État, à la Cour suprême, au Parlement, aux ministères compétents et aux autorités locales afin qu ’ elles soient dûment examinées et suivies d ’ effet.

Diffusion

77. Le Comité recommande en outre que les deuxième et troisième rapports périodiques présentés en un seul document, les réponses écrites de l ’ État partie, ainsi que les recommandations connexes (observations finales) adoptées par le Comité s oient largement diffusé s dans les langues du pays, notamment (mais non exclusivement) sur Internet, parmi le grand public, les organisation s de la société civile, les associations de jeunes, les associations professionnelles, les enfants et les médias, afin de susciter un débat général et de faire connaître la Convention, son application et son suivi.

K.Prochain rapport

78. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre ses quatrième et cinquième rapports périodiques en un document unique avant le 3 novembre 2017 et d ’ y faire figurer des information s sur la mise en œuvre des présentes observations finales. Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur les directives harmonisées spécifiques à l ’ instrument concernant les rapports que les États doivent lui soumettre, qu ’ il a adoptées le 1 er octobre 2010 (CRC/C/58/Rev.2) , et lui rappelle que ses prochains rapports devront y être conformes et ne pas dépasser 60 pages. Il engage l ’ État partie à soumettre son rapport en tenant compte de ces directives. Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de pages dépasse la limite fixée, il sera invité à le remanier et à le resoumettre en se conformant aux directives susmentionnées. Le Comité rappelle à l ’ État partie que s ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction du rapport aux fins d ’ examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

79. Le Comité invite également l ’ État partie à soumettre un document de base actualisé conforme aux prescriptions applicables au document de base figurant dans les Directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports, approuvées en juin 2006 à la cinquième Réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/MC/2006/3). Le rapport spécifique à la Convention et le document de base commun sont les deux documents que l ’ État partie doit présenter en se conformant aux Directives harmonisées pour s ’ acquitter de son obligation de faire rapport au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant.