NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/BRA/CO/2/Add.18 juillet 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

B RÉSIL *

Réponses du Gouvernement brésilien aux observations finales du Comité des droits de l’homme (CCPR/C/BRA/CO/2)

[18 avril 2008]

1.Comme suite au dialogue qui a eu lieu avec le Comité des droits de l’homme à l’occasion de l’examen du deuxième rapport périodique du Brésil à la quatre‑vingt cinquième session du Comité, en octobre 2005, et qui a été repris lors de la rencontre le 18 octobre 2007, entre Sir Nigel Rodley et M. Sérgio Florêncio, Ambassadeur, représentant suppléant à la Mission du Brésil auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, le Gouvernement brésilien communique officiellement ci‑après des renseignements complémentaires au titre des paragraphes 6, 12, 16 et 18 des observations finales du Comité des droits de l’homme (CCPR/BRA/CO/2).

2.Le Brésil reconnaît que ces informations auraient dû être communiquées en novembre 2006, ce qui montre bien qu’il lui faut se doter de mécanismes institutionnels plus efficaces pour donner suite aux recommandations formulées par les mécanismes de protection des droits de l’homme tant conventionnels qu’extraconventionnels. Il est pleinement résolu à atteindre cet objectif, qu’il a énoncé comme l’un de ses engagements volontaires exprimés en relation avec sa candidature au Conseil des droits de l’homme.

3.En présentant finalement les informations complémentaires demandées, le Gouvernement brésilien tient à redire combien il apprécie le suivi, par le Comité des droits de l’homme, de l’application par le Brésil du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et à réaffirmer sa détermination à poursuivre le dialogue avec lui à un niveau conforme à l’importance que le Brésil attache à l’amélioration de la promotion et de la protection des droits de l’homme à l’intérieur et en dehors de ses frontières.

PARAGRAPHE 6. L’État partie devrait accélérer les travaux de démarcation des terres autochtones et prévoir des recours efficaces, au civil et au pénal, pour toute incursion intentionnelle concernant ces terres.

Processus de peuplement

4.Il convient de replacer toute analyse de la question autochtone au Brésil dans une perspective historique. Le processus de peuplement a commencé il y a cinq siècles lors de l’expansion outre‑mer du Portugal qui a conduit à l’extinction de nombreux peuples autochtones, décimés soit par les armes soit par des épidémies exogènes liées à l’application de politiques d’assimilation des Indiens dans une nouvelle société essentiellement d’ascendance européenne.

5.On ne connaît pas le nombre de peuples autochtones présents au Brésil lors de l’arrivée des Européens mais on estime que la population originaire du pays comptait alors cinq millions d’habitants. Il y a actuellement quelque 460 000 Indiens au Brésil − 25 % de la population totale du pays − qui se répartit en 225 groupes ethniques. Bien qu’à l’heure actuelle les peuples autochtones aient le taux de croissance démographique le plus élevé de tous les groupes ethniques du Brésil, la réduction radicale de leur nombre depuis l’ère précoloniale montre le prix élevé qu’a entraîné pour ces peuples un processus de peuplement fondé sur le recours à la force et des politiques d’assimilation.

6.Il faut noter que ces données démographiques ne couvrent que les peuples autochtones vivant sur des terres reconnues comme étant traditionnellement occupées. Le recensement effectué en 2000 par l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE) a fait ressortir que 730 000  Brésiliens se déclaraient Indiens et que certains d’entre eux vivaient dans des centres urbains. Il faut aussi noter qu’il y a encore au Brésil quelque 63 groupes autochtones isolés, ainsi que des communautés traditionnelles qui demandent à être reconnues comme autochtones par l’agence fédérale compétente.

Situation actuelle

7.À la fin des années 70, la question autochtone a acquis une pertinence croissante pour la société civile. En même temps, les communautés autochtones ont commencé à s’organiser en mouvements destinés à défendre leurs droits et intérêts. Diverses organisations autochtones et indigènes ont encouragé un vaste débat pour obtenir la démarcation des terres traditionnellement occupées et susciter une réflexion critique sur la politique d’intégration en vigueur jusque‑là. Alors que ces groupes s’organisaient politiquement pour défendre les droits des Indiens sur leurs terres, les contours d’une nouvelle politique indigène ont commencé à être envisagés, sur la base du respect des formes d’organisation socioculturelle de ces peuples.

8.Ainsi, les principaux changements introduits par la Constitution fédérale de 1988 dans l’approche et le traitement des peuples autochtones ont été le résultat du processus de redémocratisation du pays. La Constitution fédérale a remplacé le modèle intégrationniste appliqué à la protection légale des peuples autochtones par un cadre juridique fondé sur le respect de leurs spécificités culturelles et la reconnaissance des droits préexistants de ces communautés sur les terres traditionnellement occupées par elles.

9.Ces évolutions récentes ont ouvert la voie à une accélération de la démarcation et de la régularisation des terres autochtones au Brésil. L’existence d’un cadre juridique spécifique, de procédures techniques bien définies, et de partenariats avec les organismes publics, les organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, et les représentants des communautés autochtones concernées aux fins de la démarcation ont conféré à la démarcation des terres autochtones une légitimité, une cohérence et une opportunité accrues.

Démarcation des terres autochtones

10.Bien que le processus de régularisation des terres autochtones soit couramment qualifié de «démarcation», celle‑ci n’est que l’une des phases administratives du processus, lequel inclut aussi l’identification et la délimitation, la démarcation matérielle, l’homologation et l’enregistrement foncier. Il faut souligner que toutes ces procédures ont un caractère public et transparent.

Identification et délimitation

11.Cette phase, à laquelle la communauté autochtone concernée est directement associée, commence par l’établissement d’un groupe de travail technique composé d’experts de la Fondation nationale en faveur des Indiens (FUNAI), de l’Institut national de la réinstallation et de la réforme agraire (INCRA) et/ou du département foncier de l’État responsable de la zone à identifier et à délimiter. Ce groupe de travail effectue des études et des recherches sur le terrain, dans des centres de documentation, dans les agences foncières municipales, étatiques et fédérales, ainsi que dans les bureaux du cadastre en vue d’élaborer un rapport détaillé sur l’identification et la délimitation de la zone étudiée, qui servira de base à toutes les phases ultérieures.

12.L’objet des études historiques, anthropologiques, ethnographiques, sociologiques, juridiques, cartographiques et environnementales et du relevé topographique effectués à ce stade est de vérifier que le territoire a effectivement été traditionnellement occupé par ses habitants autochtones. Ces études fournissent les éléments nécessaires aux phases ultérieures du processus de régularisation foncière, conformément aux prescriptions de la Constitution fédérale.

13.Sur la base de ces études, qui doivent être approuvées par le Président de la Fondation nationale en faveur des Indiens, le Ministre de la justice prend une décision, publiée au Journal officiel, attestant que la zone a été traditionnellement occupée par le groupe autochtone qui y vit. Dès la publication de cette décision, le droit originel du groupe autochtone sur une partie du territoire brésilien est officiellement reconnu.

14.Il faut souligner que si des tiers estiment avoir été lésés par le processus de démarcation, ils peuvent contester la décision dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant sa publication au Journal officiel. Les contestations, qui suspendent le processus de démarcation, sont examinées par la Fondation nationale en faveur des Indiens, dont le Président peut soit conclure à la nécessité d’une nouvelle étude, soit confirmer le statut juridique de la zone, auquel cas la procédure suit son cours.

15.S’il est constaté que des habitants non autochtones vivent dans la zone à délimiter, il y a lieu de procéder à un recensement cadastral et à une évaluation des améliorations apportées. L’analyse de l’occupation non autochtone du terrain est fondée sur des critères visant à déterminer une occupation de bonne foi et la date à laquelle elle a commencé. Cet examen est effectué par une commission permanente d’enquête, nommée par le Président de la Fondation nationale en faveur des Indiens qui définit le montant de l’indemnisation au titre des améliorations apportées aux terres occupées de bonne foi.

Démarcation matérielle

16.Au cours de cette phase, les limites du territoire autochtone sont matériellement fixées sur le terrain conformément à la décision du Ministre de la justice. Il est alors procédé à l’évaluation des frais de démarcation, au choix de la forme de démarcation, et aux opérations effectives de démarcation, ainsi qu’à la vérification et à la réception du travail effectué.

Homologation

17.Sur la base des données recueillies au cours du processus matériel de démarcation, des documents sont établis pour confirmer les limites correspondantes, qui sont alors homologuées par un décret présidentiel.

Enregistrement

18.Le processus administratif de régularisation des terres autochtones prend fin avec l’enregistrement de la parcelle au bureau du cadastre du district où elle est située, et au Secrétariat fédéral du patrimoine du Ministère des finances.

Politique de démarcation

19.De l’avis du Gouvernement brésilien, la garantie la plus objective des droits individuels et collectifs des peuples autochtones tient à la reconnaissance, la démarcation et la régularisation de leurs terres. Le programme de protection des terres autochtones mis en œuvre par la Fondation nationale en faveur des Indiens vise à régulariser les territoires traditionnellement occupés par les peuples autochtones, conformément aux dispositions constitutionnelles applicables. Il convient de noter que l’emploi du mot «territoires», au sens de terres autochtones, et du terme «peuples» pour désigner les populations autochtones se définit et s’inscrit dans le contexte de la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, ratifiée par le Brésil en 2004, d’où il ressort que ces termes ne peuvent être interprétés pour justifier des actions impliquant une atteinte à l’intégrité territoriale et à l’unité politique des États.

20.On peut considérer que le programme de protection des terres autochtones a marqué un tournant historique dans la réalisation des droits originels des peuples autochtones. Sur un total de 611 territoires autochtones reconnus, le Brésil en a jusqu’à présent délimité, formalisé, homologué et régularisé 488 pour le droit permanent, imprescriptible et exclusif des peuples autochtones. La surface de terres autochtones dont le processus de démarcation en est actuellement au moins à la phase de délimitation représente au total 105 673 003 hectares, ce qui équivaut à 12,41 % du territoire brésilien soit, à titre de comparaison, environ le double du territoire de la France. Les 123 zones restantes sont encore en attente de démarcation, comme le montre le tableau ci‑après.

Situation des territoires autochtones (Récapitulation)

Nombre de territoires

Surface (ha)

%

En cours d’étude

123

0

-

Délimités

33

1 751 576

1,66

Formalisés

30

8 101 306

7,67

Homologués

27

3 599 921

3,40

Régularisés

398

92 219 200

87,27

Total

611

105 672 003

100

21.Pour améliorer ce processus et mieux préserver et protéger les droits des peuples autochtones en général, l’État brésilien a adopté le 21 septembre 2007 l’Agenda social des peuples autochtones. Cette initiative vise à mettre en œuvre toute une série d’actions, dont la démarcation des terres autochtones, l’indemnisation et la réinstallation de 9 000 familles rurales qui occupent actuellement ces terres, la régénération de 10 000 hectares de zones dégradées sur les terres autochtones, le renforcement de 11 «fronts» de protection de peuples autochtones isolés, et la création de «territoires de citoyenneté autochtone», où les communautés autochtones participeront activement à la formulation et à l’application de politiques et d’initiatives intégrées visant à répondre à leurs besoins, en commençant par les zones autochtones du haut bassin du Rio Negro, la vallée de Javari et le territoire autochtone de Raposa Serra do Sol/São Marcos.

22.L’Agenda social des peuples autochtones prévoit aussi l’enregistrement de 20 langues autochtones menacées d’extinction et le renforcement de leur utilisation; l’établissement de 150 centres culturels destinés à la production et à la diffusion de contenus en langues autochtones; et l’encouragement de projets d’indépendance économique et générateurs de revenus.

23.L’Agenda social des peuples autochtones comporte en outre des projets d’assainissement dans le cadre du programme d’accélération de la croissance de la Fondation nationale de la santé (FUNASA), ayant pour but d’installer ou de développer des systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement, ainsi que d’améliorer la situation sanitaire des zones autochtones dans tout le pays.

24.Les populations autochtones urbaines bénéficieront aussi de cet agenda, dans la mesure où leurs organisations seront renforcées pour pouvoir exercer un contrôle social sur les actions des pouvoirs publics.

25.Pour la mise en œuvre des initiatives inscrites dans l’agenda, le budget de la Fondation nationale en faveur des Indiens pour 2008 a été accru de 44 %, soit un total de 305 millions de réais, qui s’ajoutent à plus de 200 millions de réais affectés aux activités de la Fondation nationale de la santé (FUNASA).

26.Il faut reconnaître que les progrès dans la reconnaissance des droits originels des peuples autochtones coexistent avec des phénomènes de violence contre certains peuples autochtones brésiliens, généralement par suite d’un litige sur la propriété des terres. Particulièrement notables à cet égard sont les difficultés auxquelles doivent faire face les communautés guarani‑kaiowa de la région de Dourados, dans l’État de Mato Grosso do Sul, alors qu’elles tentent d’affirmer leurs droits sur les terres qu’elles occupent traditionnellement et d’obtenir la sauvegarde de leur intégrité physique, ainsi que le maintien de leurs formes d’organisation sociale et de vie économique.

27.Les erreurs des politiques indigénistes du passé ont conduit les peuples guarani‑ñandeva et kaiowa en particulier à se concentrer dans de petites réserves, dont les terres ne sont pas de taille ni de qualité suffisantes pour leur permettre de maintenir leurs formes traditionnelles de subsistance. De nombreux membres de ces communautés ont fini par trouver du travail dans des activités productives hors de leur milieu autochtone, comme travailleurs saisonniers dans des sucreries où ils sont mal payés, perdent leur identité et leur estime de soi, et ne tardent pas à être victimes de graves problèmes de santé, comme l’alcoolisme, et de l’indigence qui en est le corollaire.

Protection légale des territoires autochtones

28.En vertu de la Constitution fédérale de 1988, les territoires autochtones sont considérés comme les espaces nécessaires aux peuples qui les habitent pour exercer leurs droits identitaires. Les concepts d’ethnicité, de culture et de territoire sont dans une large mesure inséparables, et ils sous‑tendent le cadre normatif mis en place au Brésil à cet égard. L’article 231 1) de la Constitution dispose que les terres traditionnellement occupées par les Indiens «[…] sont nécessaires à leur reproduction physique et culturelle selon leurs usages, coutumes et traditions».

29.L’article 232 de la Constitution reconnaît que les peuples originels qui habitent les territoires autochtones sont parties légitimes pour agir en justice en défense de ces territoires et de leurs droits et intérêts et qu’ils peuvent compter sur l’intervention du ministère public pour garantir leurs droits. Il incombe aussi au ministère public, en vertu de l’article 129, paragraphes II et V, de la Constitution, de défendre judiciairement les droits et intérêts des populations autochtones et de veiller au respect effectif, par les pouvoirs publics et les services relevant de la puissance publique, des droits garantis par la Constitution, en prenant les mesures nécessaires à cette fin. La défense des droits et intérêts des peuples autochtones en justice et devant d’autres organes publics dont les actes peuvent constituer une violation de ces droits est principalement du ressort du ministère public, sous réserve de la montée en puissance des organisations autochtones et indigènes pour remplir cette mission.

30.Il incombe à la Police fédérale, dans le cadre des dispositions du décret no 73332/1971, de prévenir et réprimer les atteintes à la vie et au patrimoine autochtones et aux communautés autochtones et d’enquêter à leur sujet. La Police fédérale intervient conjointement avec la Fondation nationale en faveur des Indiens (FUNAI), qui exerce des pouvoirs de police administrative pour défendre les droits des peuples autochtones.

31.La présence militaire dans les zones frontalières des terres autochtones, en particulier en région amazonienne, est particulièrement intéressante. Il faut considérer la présence militaire dans ces zones comme impérative et s’inscrivant dans le devoir incontournable de surveiller et protéger les zones frontalières, et comme un moyen de protection des communautés autochtones qui y vivent. Il convient de souligner le rôle social et logistique que jouent les forces armées dans les régions tropicales humides dans l’intérêt de ces communautés.

32.S’agissant de la nécessité d’adopter des mesures de sauvegarde des droits des peuples autochtones sur les terres, il faut noter que malgré le renforcement du pouvoir d’action des organisations autochtones et indigènes et l’intervention du ministère public pour la défense de ces peuples, le processus de démarcation est souvent gravement entravé par les procès engagés par des propriétaires terriens qui s’estiment lésés par la démarcation. Tel a été le cas de l’homologation du territoire autochtone de Raposa Serra do Sol qui, en 2005, est devenu l’enjeu d’une intense bataille juridique qui n’a été réglée par la Cour suprême que le 4 juin 2007, avec le rejet de l’ordonnance préliminaire qui autorisait les occupants non autochtones à rester sur les terres. À la suite de cette décision irrévocable, les occupants qui refusent de partir doivent être expulsés par la force; cette expulsion avait déjà commencé au moment de l’élaboration du présent rapport.

PARAGRAPHE 12. L’État partie devrait:

a) Prendre des mesures énergiques pour éliminer les exécutions extrajudiciaires, la torture et d’autres formes de mauvais traitements et d’exactions commis par les membres des forces de l’ordre;

b) Veiller à ce que des enquêtes impartiales soient menées sans tarder sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme par des membres des forces de l’ordre. Ces enquêtes devraient, en particulier, ne pas être menées par la police ou sous son autorité, mais par un organe indépendant, et les accusés devraient être suspendus de leurs fonctions ou affectés à d’autres tâches pendant l’enquête;

c) Poursuivre les auteurs de ces violations et veiller à ce qu’ils fassent l’objet d’une sanction correspondant à la gravité des crimes commis, et mettre en place des recours efficaces, y compris réparation, pour les victimes; et

d) Accorder la plus grande attention aux recommandations que les rapporteurs spéciaux des Nations Unies chargés d’examiner les questions de la torture, des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et de l’indépendance des juges et des avocats ont formulées dans les rapports qu’ils ont présentés à la suite de leur mission dans le pays.

Considérations générales

33.Pour comprendre les actions entreprises par l’État brésilien en matière de sécurité publique, il est nécessaire de comprendre tout d’abord la structure fédérative du pays et les dispositions constitutionnelles applicables en la matière.

34.La Constitution fédérale confère aux États fédérés l’essentiel de la responsabilité de la sécurité publique. Il incombe expressément aux États de prévenir et réprimer les infractions pénales et d’enquêter sur celles‑ci. Le Gouvernement fédéral, par l’intermédiaire de la Police fédérale, intervient aussi en matière de prévention, de répression et d’enquête dans les affaires impliquant des infractions pénales commises contre l’Union, d’autres infractions produisant des effets sur plusieurs États fédérés ou ayant des conséquences internationales, et des infractions en matière de trafic illicite de stupéfiants, de contrebande et de fraude fiscale.

35.Outre ces fonctions de police, le Gouvernement fédéral joue un rôle important d’appui aux États fédérés par l’allocation de ressources. À cette fin, il existe deux fonds fédéraux: le Fonds de sécurité publique nationale (FNSP) et le Fonds pénitentiaire national (FUNPEN) qui sont administrés par le Gouvernement fédéral et dont les ressources sont attribuées aux États selon des critères définis par la loi. Ces deux fonds sont les principales sources de revenus des États; par leur intermédiaire, le Gouvernement fédéral s’efforce de développer l’introduction de «bonnes pratiques» dans les politiques de sécurité publique des États.

36.Dès lors que l’on comprend le cadre constitutionnel et normatif de répartition des compétences en matière de sécurité publique, il apparaît clairement que l’essentiel des attributions à cet égard étant dévolu aux États, ces derniers sont également responsables de la quasi‑totalité des violations des droits de l’homme commises par des fonctionnaires de police.

37.Les États assurent la sélection et la formation de leurs propres fonctionnaires de police, ainsi que l’instruction des plaintes et l’application de sanctions, de nature administrative ou pénale, les concernant, par l’intermédiaire de l’appareil judiciaire de l’État. Les affaires ne sont déférées aux juridictions fédérales que s’il y a appel ou, après l’approbation de l’amendement constitutionnel no45/2004, si elles concernent des violations des droits de l’homme. Bien que juridiquement satisfaisant, l’amendement constitutionnel no45/2004 n’a pas encore été mis en pratique. Il n’y a eu jusqu’à présent aucun cas de renvoi aux instances fédérales d’affaires mettant en cause des violations des droits de l’homme par des fonctionnaires de police.

Violations des droits de l’homme par des fonctionnaires de police − létalité

38.Malgré les progrès réalisés ces dernières années, la corruption et la violence au sein de la police restent de sérieux problèmes au Brésil. Cela peut s’expliquer par une série de facteurs, notamment l’existence au sein des forces de police d’un état d’esprit institutionnel partiellement imprégné de valeurs et de pratiques héritées de la dictature militaire qui a dirigé le pays de 1964 à 1984, et les maigres traitements versés aux fonctionnaires de police − un problème qui est plus aigu dans certains États −, facteurs qui s’ajoutent à un cadre institutionnel défaillant pour enquêter sur les violences commises dans l’exercice de leurs fonctions par des fonctionnaires de police et les sanctionner.

39.La violation de droits fondamentaux par des fonctionnaires de police revêt de nombreuses formes. Bien que certaines n’impliquent pas le recours à la force physique − comme dans le cas de la mise sur écoute ou de l’interception illégale de communications téléphoniques −, des pratiques comme la torture et les sévices, responsables d’un taux extrêmement élevé de létalité lors des interventions de police, persistent encore dans le pays.

40.Il n’existe pas de données précises sur le nombre de personnes décédées dans le cadre d’interventions policières au Brésil. Peu d’États établissent systématiquement de telles données; dans de nombreux cas, il n’y a pas de séries chronologiques et ces données ne sont pas obligatoirement transmises au Gouvernement fédéral. De plus, les critères de collecte de données diffèrent d’un État à l’autre et de nombreux cas de personnes tuées au cours d’actions policières sont enregistrés comme homicides ordinaires.

41.Bien qu’ils soient sous-estimés, les chiffres officiels présentés par les États touchés par de graves problèmes de sécurité comme Rio de Janeiro et São Paulo sont très inquiétants, ainsi qu’il ressort des tableaux ci-après.

Nombre de personnes tuées par la policedans l’État de Rio de Janeiro20032007119598310981063126002004006008001 0001 2001 40020032004200520062007

4385763296639150 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1 000 20032004200520062007Nombre de personnes tuées par la policedans l’État de São Paulo20032007

42.Ces chiffres ne permettent aucune comparaison, les critères employés pour les établir étant différents. Ils montrent néanmoins la gravité du problème, qui est même encore plus sérieux puisque les tableaux n’indiquent que le nombre de personnes tuées lors de confrontations directes avec la police, sans tenir compte des homicides ordinaires par des fonctionnaires de police ou résultant d’actions de groupes d’extermination auxquels participent des membres de la police.

43.Le Brésil connaît encore des difficultés pour traiter le problème des groupes d’extermination auxquels participent des membres de la police. Malgré quelques bons exemples d’enquêtes menées dans des États comme celui de São Paulo, l’autorité judiciaire a encore du mal à qualifier cette activité et à prononcer les peines appropriées. À l’heure actuelle, il existerait des groupes d’extermination auxquels participeraient des membres de la police dans six États au moins (Rio de Janeiro, São Paulo, Paraíba, Bahia, Goiás et Ceará).

44.Il y a aussi des problèmes en ce qui concerne l’ouverture d’enquêtes et la punition effective des coupables dans les cas de décès dus à l’action de la police. Celle-ci emploie habituellement l’expression «résistance ayant entraîné la mort» pour décrire de tels cas, de telle sorte que nombre d’entre eux ne sont même pas déférés à un jury de jugement qui devrait rechercher si l’action de la police a outrepassé les règles juridiques applicables, et peut de ce fait être qualifiée de crime ou de tentative de crime contre la vie. Il faut donc reconnaître que le transfert de compétences des tribunaux militaires aux tribunaux de droit commun pour connaître des crimes contre la vie commis par la police militaire n’a pas atteint totalement l’objectif de garantir l’impartialité à chaque stade de la procédure judiciaire, puisque la phase de l’instruction pénale continue de relever de la police militaire elle-même.

45.En dépit de ces problèmes, certains changements administratifs pourraient offrir une solution. Un exemple de bonne pratique méritant d’être signalé consiste dans les recherches effectuées par le service d’inspection de la police de São Paulo, qui ont conduit à une modification des normes du ministère public et de l’appareil judiciaire de l’État; il en est résulté une réorientation de l’attribution des enquêtes et, partant, un renforcement de la compétence de l’autorité judiciaire pour se prononcer sur les cas de décès résultant de l’action policière.

Contrôle des activités de la police

46.S’agissant du contrôle des activités de la police, il faut noter qu’il s’exerce de manière diffuse puisqu’il relève de différents organismes, essentiellement à l’échelon des États. Outre les départements d’enquête administrative de la police − les propres instances de la police chargées d’enquêtes sur les infractions pénales et disciplinaires commises par des policiers −, il y a plusieurs acteurs, à des niveaux institutionnels différents, qui exercent un contrôle externe sur les activités de la police, comme c’est le cas des bureaux de médiateurs de la police relevant de l’exécutif et des commissions des droits de l’homme relevant du législatif.

47.Il n’y a pas de modèle uniforme de contrôle de la police dans les États. S’agissant du contrôle interne, certains États ont un seul département d’enquête administrative tandis que d’autres ont un bureau de ce type pour chaque type de police.

48.Le Secrétariat national à la sécurité publique a effectué une enquête sur la structure fonctionnelle des bureaux d’enquête administrative de la police en 2006 et 2007. En dépit de l’absence de réponse de certains États, les tableaux ci-après montrent que l’essentiel du travail effectué par ces bureaux consiste à enquêter sur des crimes violents commis par des fonctionnaires de police.

Type d’infraction

Nombre d’infractions enregistrées (2005)

Police en général

Police civile

Police militaire

Nombre total

Moyenne

Nombre total

Moyenne

Nombre total

Moyenne

Violence policière

904

113,0

667

33,0

1 900

100,0

Abus d’autorité

365

45,6

759

38,0

526

27,7

Corruption

186

23,3

474

23,7

228

12,0

Participation de la police à des infractions contre les biens

159

19,9

88

4,4

72

3,8

Participation de la police à des infractions en matière de stupéfiants

27

3,4

42

2,1

58

3,1

Participation de la police à d’autres infractions

843

105,4

583

29,2

2 256

118,7

Infractions disciplinaires

815

101,9

1 198

59,9

2 959

155,7

Carences dans le travail de la police

550

68,8

558

27,9

317

16,7

Autres dénonciations contre des policiers

880

110,0

1 577

78,9

1 127

59,3

Dénonciation par des fonctionnaires de police de l’arbitraire de supérieurs

16

2,0

13

0,7

26

1,4

Éloges et suggestions à propos du travail de la police

30

3,8

25

1,3

9 640

507,4

Type d’infraction

Nombre d’infractions enregistrées (2006)

Police en général

Police civile

Police militaire

Pompiers

Nombre total

Moyenne

Nombre total

Moyenne

Nombre total

Moyenne

Nombre total

Moyenne

Violence policière

668

167,0

3 287

273,9

1 901

126,7

0

0,0

Abus d’autorité

243

60,8

1 145

95,4

1 272

84,8

2

0,7

Corruption

217

54,3

147

12,3

177

11,8

0

0,0

Participation de la police à des infractions contre les biens

92

23,0

337

28,1

401

26,7

0

0,0

Participation de la police à des infractions en matière de stupéfiants

22

5,5

159

13,3

41

2,7

0

0,0

Participation de la police à d’autres infractions

335

83,8

9 605

800,4

2 215

147,7

7

2,3

Infractions disciplinaires

2 104

526,0

9 853

821,1

6 623

441,5

0

0,0

Carences dans le travail de la police

77

19,3

9 891

824,3

292

19,5

0

0,0

Autres dénonciations contre des policiers

1 823

455,8

10 094

841,2

2 248

149,5

3

1,0

Dénonciation par des fonctionnaires de police de l’arbitraire de supérieurs

36

9,0

9 349

779,1

85

5,7

0

0,0

Éloges et suggestions à propos du travail de la police

0

0,0

9 672

806,0

1 624

108,3

10

3,3

49.Sous l’angle constitutionnel, le ministère public est chargé du contrôle externe des activités de la police mais tous les États ne disposent pas d’organes spécialisés de contrôle au sein de leur ministère public. Il convient toutefois de relever une innovation importante: en mai 2007, le Conseil national des parquets institué par l’amendement constitutionnel no 45/2004 a adopté une résolution visant à réglementer le contrôle externe des activités de la police.

Action du Gouvernement fédéral

50.En 2007, l’État brésilien a lancé le Programme national de sécurité publique et de citoyenneté (PRONASCI) qui vise principalement à coordonner les politiques de sécurité publique et l’action sociale, en mettant l’accent sur la prévention de la criminalité et le respect des droits de l’homme. L’enjeu de ce programme est la lutte contre la criminalité organisée, le démantèlement de ses réseaux de corruption au sein du système pénitentiaire, et la garantie de la sécurité des citoyens. Le programme entend s’attaquer aux causes de violence, sans négliger les stratégies spécifiques visant à maintenir l’ordre social et prévenir et réprimer la criminalité; il s’articule autour des principaux axes ci‑après: i) formation et valorisation des professionnels de la sécurité publique; ii) restructuration du système pénitentiaire; iii) lutte contre la corruption de la police; et iv) participation de la communauté à la prévention de la violence. Le Programme s’adresse principalement aux jeunes et s’efforce d’intégrer les jeunes gens en situation de vulnérabilité dans des programmes sociaux. Il faut rappeler que 68,2 % des décès de jeunes gens de 15 à 24 ans sont dus à la violence − un taux élevé et inquiétant par rapport aux indicateurs mondiaux.

51.En plus de ce programme, le Gouvernement fédéral encourage l’adoption de modèles et de bonnes pratiques par les forces de police des États, en subordonnant l’attribution des ressources du Fonds de sécurité publique nationale (FNSP) à l’adoption de tels modèles, et en proposant des cours de formation aux forces de police des États à leur demande. Les domaines dans lesquels le Gouvernement fédéral appuie l’adoption de bonnes pratiques sont notamment la promotion des droits de l’homme, le recours légal à un continuum de force, la lutte contre la torture et les mauvais traitements infligés aux personnes en garde à vue, le contrôle des enquêtes pénales, et la répression des crimes commis par des policiers. Ces initiatives sont notamment les suivantes.

Formation des policiers en matière de droits de l’homme et de recours légal à un continuum de force

52.Le Secrétariat national à la sécurité publique du Ministère de la justice (SENASP) a beaucoup investi dans la formation des forces de police des États en matière de droits de l’homme. Les enseignements font l’objet de cours de spécialisation dispensés par l’intermédiaire du Réseau national de spécialisation en sécurité publique (RENAESP), du Réseau d’enseignement à distance (EAD) et des Rencontres sur les droits de l’homme.

53.De 2000 à 2007, 27 658 professionnels de la sécurité publique ont été formés dans le cadre des Rencontres sur les droits de l’homme. Il s’agit de séminaires qui visent à motiver et sensibiliser les professionnels de la sécurité publique, ainsi qu’à mobiliser les cadres pour qu’ils deviennent des propagateurs d’une culture des droits de l’homme dans leurs rangs.

54.En 2006, 6 885 professionnels ont été formés aux droits de l’homme dans le cadre du Réseau d’enseignement à distance (EAD), où sont également traités des sujets comme la prévention de la criminalité et de la violence, le recours à la force, la gestion de crise, et la préservation des scènes de crimes, entre autres. Pour la seule année 2007, 11 346 fonctionnaires de police ont participé au cours sur le recours légal à un continuum de force. En 2006 et 2007, le Réseau a formé 11 000 professionnels au total et pense en former 180 000 autres en 2008.

Encouragement à l’établissement, à la mise en service et au fonctionnement de départements d’enquête administrative de la police dans les États

55.Depuis 2004, le Secrétariat spécial pour les droits de l’homme, qui relève du Cabinet présidentiel, met en œuvre un programme d’appui à l’établissement, à la mise en service et au fonctionnement de départements d’enquête administrative de la police dans les États. Il le fait en partenariat avec le Secrétariat national à la sécurité publique (SENASP) qui, outre les services consultatifs qu’il fournit à ce programme, rend possible la création de ces départements grâce aux ressources provenant du Fonds de sécurité publique nationale (FNSP).

56.À l’heure actuelle, 14 États disposent d’un département d’enquête administrative de la police, dont les États de Rio de Janeiro et de São Paulo où le taux de létalité lors des interventions policières est très élevé.

Acquisition d’armes non létales pour les États

57.Les ressources du Fonds de sécurité publique nationale ne sont pas seulement transférées aux États; elles permettent aussi au Gouvernement fédéral d’acquérir du matériel qu’il donne ensuite aux États. L’examen des chiffres d’acquisition directe d’armes par le Gouvernement fédéral en 2003 et 2006 montre un accroissement du nombre d’armes non létales transférées aux États, comme il ressort du tableau ci‑après.

Matériel de transport

2003

2004

2005

2006

Total

Véhicule s de patrouille

1 719

373

85

176

2 353

Fourgons/camionnettes

8

32

9

55

104

Véhicules de transport de détenus

29

52

0

0

81

Motocycles

31

85

87

137

340

Autres

8 273

68

721

104

9 166

Total

10 060

610

902

472

12 044

Armes létales

2003

2004

2005

2006

Total

Carabines et fusils

45

17

148

255

465

Pistolets et révolvers

4 010

12 503

2 709

1 701

20 923

Mitrailleuses

102

60

90

91

343

Fusils

62

38

72

0

172

Autres

970

103 191

2 597

79 090

185 848

Total

5 189

115 809

5 616

81 137

207 751

Matériel de protection

2003

2004

2005

2006

Total

Menottes

24

18

3 253

251

3 546

Gilet s pare ‑balles

1 155

1 788

3 468

3 913

10 324

Autres

15 892

11 160

7 516

2 234

36 802

Total

17 071

12 966

14 237

6 398

50 672

2003

2004

2005

2006

Total

Génie civil (construction et réaménagement)

3

3

33

14

53

Armes non létales

6 988

2 395

6 771

11 682

27 836

Matériel de communication

4 805

6 791

2 526

2 495

16 617

Matériel de traitement des données

5 125

13 492

5 935

7 206

31 758

Équipement électronique

5 323

3 974

5 399

1 751

16 447

Mobilier

8 732

14 548

8 416

1 894

33 590

58.En dépit des progrès réalisés, le Brésil a toujours du mal à établir et gérer une banque de données sur la criminalité, les données étant actuellement produites par les États. Le Gouvernement fédéral a donc publié des instructions sur la normalisation des critères de collecte et de classement des données et a subventionné l’acquisition de matériel.

59.De même, il n’existe aucune banque de données sur les violations des droits de l’homme commises par la police, comme l’avait recommandé Asma Jahangir, la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, lors de sa mission au Brésil en octobre 2003. Peu d’États produisent de telles données; les séries chronologiques ne sont pas toujours disponibles et il n’existe aucune obligation de transmettre ces données au Gouvernement fédéral.

60.Pour régler le problème de la fragmentation des données, le Congrès national examine actuellement un projet de loi présenté par l’exécutif qui tend à réglementer un système unifié de sécurité publique. Le projet envisage, entre autres, la création d’un système national de statistiques sur la sécurité publique et la justice (SINESP), qui regroupera les données fournies à titre obligatoire par les institutions fédérales et à titre volontaire par les États en vertu d’accords avec le Gouvernement fédéral. Aux termes des dispositions du projet, les États qui ne communiqueront pas leurs données et qui ne les tiendront pas à jour ne pourront prétendre aux ressources provenant du Fonds de sécurité publique nationale (FNSP) ni à la conclusion d’accords avec le Gouvernement fédéral à des fins d’interventions en matière de sécurité publique.

Lutte contre la torture

61.Bien que la torture soit une atteinte flagrante à la dignité humaine et que sa pratique soit interdite et réprimée en vertu des engagements qu’a pris le Brésil tant au niveau interne qu’au plan international, le Gouvernement brésilien reconnaît que la torture reste une réalité grave et récurrente dans le pays.

62.Relativement peu d’études diagnostiques sur la torture au Brésil en analysent la fréquence, les causes et les motivations de manière à intégrer ces informations dans une politique efficace de prévention et de contrôle. D’autres obstacles à une lutte efficace contre la pratique de la torture tiennent à la résistance des agents publics pour dénoncer les cas de torture commis par leurs pairs et ouvrir des enquêtes à ce propos; au fait que les victimes et leurs proches ont peur de dénoncer les actes de torture; et à l’idée erronée, chez les agents publics et dans la population, que la pratique de la torture pourrait être justifiée pour lutter contre la criminalité organisée.

63.Sur la base des recommandations formulées dans le rapport de Sir Nigel Rodley, alors Rapporteur spécial sur la question de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à la suite de sa mission au Brésil en 2001, le Gouvernement brésilien a, par l’intermédiaire du Secrétariat spécial pour les droits de l’homme relevant du Cabinet présidentiel (SEDH/PR) mis en place en 2006 un plan d’action intégré de prévention et de lutte contre la torture. Le plan a recueilli l’adhésion de 12 États: Alagoas, Bahia, Ceará, Maranhão, Paraíba, Piauí, Espírito Santo, Pernambuco, Acre, Rio Grande do Sul, Rio Grande do Norte, et district fédéral. Les mesures proposées par le plan sont notamment l’enregistrement vidéo des interrogatoires de police et des visites inopinées des locaux de garde à vue, en vue de réprimer efficacement la pratique de la torture et donner aux victimes les moyens d’agir. D’autres mesures consistent dans la création de départements spécifiques d’enquête administrative pour la police et le système pénitentiaire, et l’habilitation d’organismes de la société civile pour effectuer des contrôles dans les établissements où sont appliquées des peines ou des mesures privatives de liberté.

64.Une autre proposition importante de ce plan est la dissociation des médecins conseils et des départements de sécurité publique des États, afin d’empêcher que les médecins conseils ne subissent des pressions indues pour établir des rapports déformés à propos de soupçons d’agressions commises par des membres de la police ou des fonctionnaires pénitentiaires. Une expérience pilote à cet égard a été effectuée dans l’État de Pará et devrait être bientôt étendue à d’autres États ayant adhéré au plan.

65.Pour assurer le plein respect du cadre normatif applicable, le Cabinet présidentiel, par l’intermédiaire du Secrétariat spécial pour les droits de l’homme, a créé un Comité national pour la prévention et la lutte contre la torture, qui regroupe des entités de différents niveaux de l’administration. Ce comité est chargé de faire des recommandations et de promouvoir une coopération interinstitutionnelle pour prévenir et lutter contre la torture.

66.La législation interne vise quant à elle à assurer une protection globale des droits des suspects dans le cadre des enquêtes pénales, ainsi que des détenus. La loi de 1997 sur la lutte contre la torture a introduit dans la législation brésilienne une catégorie de peines applicables à la torture. Bien que l’adoption de cette loi ait représenté un progrès formel majeur, son application et son efficacité ont été modestes. Il existe de nombreux cas d’enquêtes où la police ou le ministère public requalifient des allégations de torture en lésions corporelles ou abus d’autorité; en conséquence, peu de cas aboutissent à une condamnation pour faits de torture.

67.Un autre progrès important a été la ratification par le Brésil, le 20 décembre 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État brésilien a reconnu, en vertu de l’article 22 de la Convention, la compétence du Comité contre la torture pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes de torture. En conséquence, conformément au Protocole facultatif récemment ratifié, des dispositions sont actuellement prises pour mettre en place un mécanisme national chargé de prévenir et de combattre la torture.

Lutte contre l’impunité

68.L’amendement constitutionnel no 45/2004 a institué la possibilité, en droit brésilien, de transférer la compétence juridictionnelle de l’appareil judiciaire des États vers les instances judiciaires fédérales en cas de violations graves des droits de l’homme. Cette mesure a pour but de répondre aux demandes de la société civile concernant la lutte contre l’impunité, le déni de justice, et l’échec injustifié des actions judiciaires concernant de telles violations.

69.Bien que la faculté de déférer aux juridictions fédérales les affaires de violations des droits de l’homme serve de moyen de pression pour rendre plus impartiales et efficaces les enquêtes et les procédures conduites sous la responsabilité des instances judiciaires des États − comme l’a illustré l’achèvement rapide, en 2005, de l’enquête de police et de l’action pénale ayant abouti à l’inculpation et à la condamnation des meurtriers de la missionnaire Dorothy Stang − cette disposition reste à appliquer.

70.Il faut en outre noter que le Secrétariat spécial pour les droits de l’homme (SEDH/PR), le Ministère de la justice (MJ) et le Conseil national de la justice (CNJ) ont signé un accord afin de suivre les affaires mettant en cause de graves violations des droits de l’homme, et prévoyant un échange d’informations entre eux, en vue d’accroître l’efficacité des procédures judiciaires dans de tels cas.

Visites de rapporteurs spéciaux de l’ONU

71.Le Brésil appuie la coopération et le dialogue avec les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales et, le 10 novembre 2001, il leur a adressé une invitation permanente. Onze rapporteurs spéciaux se sont rendus au Brésil depuis 1998. Il s’agit des rapporteurs chargés des questions suivantes: vente d’enfants, prostitution des enfants et pornographie impliquant des enfants; violence contre les femmes; droit à l’alimentation; racisme, discrimination raciale, xénophobie et intolérance qui y est associée; torture; exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; indépendance des juges et des avocats; et protection des défenseurs des droits de l’homme. Le Brésil a apporté à tous son concours dans l’exercice de leur mandat, et s’est attaché à examiner de manière transparente et constructive les conclusions de leur mission et les recommandations formulées à la suite de celle-ci.

72.Le Brésil a reçu la visite de Philip Alston, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, du 3 au 14 novembre 2007. Celui-ci a notamment rencontré des fonctionnaires de différents niveaux de l’administration et d’autres institutions, des responsables de la société civile et des membres de familles de victimes à Brasilia, Rio de Janeiro, São Paulo et Pernambuco. La mission s’est déroulée dans un climat de cordialité; elle donnera lieu à des recommandations du Rapporteur spécial que le Brésil examinera en toute bonne foi et auxquelles il donnera une suite appropriée.

PARAGRAPHE 16. L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour améliorer les conditions de détention de toutes les personnes privées de liberté, qu’elles soient prévenues ou condamnées. Il devrait veiller à ce que la période de garde à vue, avant que l’intéressé ne puisse avoir accès à un conseil, n’excède pas un à deux jours suivant l’arrestation, et à ce qu’il soit mis fin aux détentions provisoires dans les locaux de la police. Il devrait mettre en place un système de libération sous caution, veiller à ce que les accusés soient traduits en justice le plus rapidement possible et prévoir des peines de substitution. De plus, l’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour mettre fin à la pratique très répandue consistant à maintenir en détention prolongée des prisonniers qui ont déjà exécuté leur peine.

Considérations générales

73.Au Brésil, presque tous les établissements pénitentiaires sont gérés par les États. Chaque État administre un ensemble distinct d’établissements pénitentiaires organisés selon des structures différentes, et traite différemment des questions comme le taux d’occupation, les dépenses mensuelles par détenu et le salaire des agents pénitentiaires.

74.En vertu de la loi relative à l’application des peines, la responsabilité de l’appareil judiciaire envers les détenus ne prend pas fin avec le prononcé de la peine. Les juges doivent suivre la vie des détenus tout au long de leur passage par le système pénitentiaire. Il leur incombe de se prononcer sur les questions suivantes: a) cumul ou confusion des peines; b) progrès ou recul dans l’exécution de la peine; c) atténuation ou remise de peine; d) suspension conditionnelle de peine; f) congés pénitentiaires; g) mode d’exécution d’une peine privative de droits et contrôle de son exécution; et h) conversion d’une peine privative de droits et d’une amende en peine privative de liberté. En outre, les juges cumulent des fonctions en matière d’administration du système pénitentiaire, puisqu’ils doivent effectuer des inspections mensuelles des établissements pénitentiaires, adopter des mesures en vue d’assurer le bon fonctionnement des installations et favoriser, en fonction des besoins, la détermination des responsabilités. Les juges sont également compétents pour ordonner la fermeture, en totalité ou en partie, de tout établissement pénitentiaire mal géré ou qui enfreint la loi relative à l’application des peines.

75.Au Brésil, la population pénitentiaire est hébergée dans différentes catégories d’établissements − notamment pénitenciers, prisons, dépôts, maisons d’arrêt et commissariats ou postes de police. Aux termes de la loi relative à l’application des peines (LEP), chaque catégorie d’établissement présente des caractéristiques propres et accueille des types déterminés de détenus. En principe, dès son arrestation, un suspect doit être conduit au poste de police pour être verbalisé et placé en garde à vue. Après quelques jours, à moins qu’il ne soit relâché, il devrait être transféré vers un dépôt ou une maison d’arrêt jusqu’à son procès. En cas de condamnation, il devrait être transféré vers un établissement réservé aux détenus condamnés.

76.En vertu de la loi relative à l’application des peines, les établissements accueillant les condamnés doivent être répartis en trois catégories essentielles: établissements fermés (prisons); établissements semi‑ouverts, y compris colonies pénitentiaires agricoles et industrielles; et établissements ouverts, c’est‑à‑dire le «domicile du détenu». Le choix de l’établissement dépend de la peine prononcée, du type d’infraction commise, et du risque qu’est censé représenter le détenu. Si un condamné commence à exécuter sa peine dans une cellule de prison, il devrait être progressivement transféré vers des types d’établissements moins restrictifs afin de se réhabituer à la liberté avant de retourner dans la société à la fin de sa peine.

77.En dépit des progrès formels que consacre la loi relative à l’application des peines, le Gouvernement brésilien reconnaît qu’il ne dispose pas encore de la structure requise pour garantir sa mise en œuvre effective. Le problème est particulièrement sérieux dans les établissements destinés à accueillir les détenus en régime semi‑ouvert ou ouvert. De plus, les prisons n’ont pas suffisamment de places pour recevoir de nouveaux condamnés, ce qui oblige à maintenir pendant des années des détenus condamnés dans les locaux de la police. Il ressort des données du Département pénitentiaire national (DEPEN) qu’en juin 2007, les prisons et maisons d’arrêt brésiliennes hébergeaient 419 551 détenus, soit environ 200 000 de plus que la capacité du système, et que 651 détenus ont été tués en 2007.

A mélioration du système pénitentiaire

78.Le Gouvernement brésilien privilégie une action globale et coordonnée des différents niveaux et organismes responsables de la mise en œuvre des politiques publiques relatives au système pénitentiaire.

79.En conséquence, le Gouvernement fédéral affecte des ressources à l’amélioration de l’équipement des établissements pénitentiaires dans le cadre d’accords relatifs à l’acquisition de matériel médical et ambulatoire, d’appareils de radiographie, de détecteurs de métaux, de véhicules de transport de détenus, et d’ordinateurs, en plus des acquisitions directes destinées à être ultérieurement transférées aux États. On remarque que les ressources sont utilisées plus efficacement grâce à la coordination de l’action du Gouvernement fédéral et des gouvernements des États, ce qui a eu un effet positif immédiat sur le fonctionnement des établissements de détention. Pour la seule année 2007, environ 26,7 millions de reais brésiliens ont été consacrés à la rénovation d’établissements pénitentiaires dans 23 États.

80.Outre l’amélioration des équipements, des investissements ont aussi été réalisés pour accroître le nombre de places disponibles dans le système pénitentiaire. En 2007, quelque 125,7 millions de reais ont été dépensés pour créer 5 349 nouvelles places dans le système pénitentiaire des États, tandis que 8,2 millions de reais ont servi à moderniser leurs établissements pénitentiaires. Il convient de noter aussi la création de 4 184 nouvelles places dans le cadre d’accords conclus les années précédentes.

81.Il faut par ailleurs mentionner le Plan national de santé pour le système pénitentiaire institué dans le cadre d’un partenariat entre les Ministères de la justice et de la santé. L’objectif du Plan est d’assurer à la population carcérale l’accès au Système de santé unifié (SUS) grâce à la mise en place de mesures et services relatifs aux soins de santé de base dans les établissements pénitentiaires et au transfert de détenus malades vers d’autres niveaux de services de santé publique, en cas de besoin. À l’heure actuelle, le Plan repose sur plus de 140 équipes sanitaires enregistrées dans 10 États. Ces équipes favorisent des initiatives en milieu carcéral dans les domaines suivants: santé bucco‑dentaire, santé de la femme, maladies sexuellement transmissibles et sida, santé mentale, hépatite, tuberculose, hypertension, diabète et lèpre. Leur travail consiste aussi à fournir une assistance pharmaceutique de base et des vaccins et à servir d’intermédiaire pour des analyses de laboratoire. Des ressources sont allouées au financement et à l’évaluation permanente du travail des équipes dans les établissements pénitentiaires. Il faut aussi noter que l’adhésion par les États au Plan national de santé pour le système pénitentiaire relève de leur initiative propre et est régi par des critères et des conditions définis par l’arrêté no 1777 du Ministère de la santé.

82.Une autre initiative notable est le protocole signé en 2001 par le Ministère de la justice et le Ministère de l’éducation en vue de la formulation et de la mise en œuvre de politiques visant à alphabétiser les détenus et anciens détenus et à relever leur niveau d’instruction, conformément aux politiques générales d’éducation des jeunes et des adultes. Cette entreprise commune a conduit à faire de la population carcérale un des groupes cibles prioritaires du Programme brésilien d’alphabétisation créé en vertu de la résolution no 23/2005. Outre cette initiative interministérielle, le Congrès national est encouragé à approuver un projet de loi tendant à inclure dans la loi relative à l’application des peines la possibilité d’une remise partielle de peine en fonction du temps consacré à l’étude, alors que cette loi ne prévoit actuellement cette possibilité qu’en fonction du temps consacré au travail.

Réduction des cas de mise en détention provisoire dans les locaux de la police

83.Chaque année, le Gouvernement fédéral transfère des ressources financières aux Départements de la sécurité publique et de la défense sociale des États à des fins de formation et de valorisation professionnelles, de prévention et de réduction de la violence; de gestion des connaissances; de réorganisation institutionnelle; de structuration des compétences en matière de preuves médico‑légales; et de formes de contrôle externe et de participation sociale pour le traitement des questions touchant à la sécurité publique. À cet effet, des fonds doivent être alloués aux États pour la construction d’installations fonctionnelles, comme des postes de police et des écoles de police. Il faut noter que les projets de construction de postes de police comportant des cellules pour détenus ne seront pas approuvés. Ceux‑ci relèvent des services chargés des établissements pénitentiaires dans les États, qui devraient présenter leurs demandes au Département pénitentiaire national du Ministère de la justice.

84.Il faut rappeler que la Constitution fédérale accorde aux États des pouvoirs autonomes pour traiter les questions de sécurité publique. Le rôle du Gouvernement fédéral est d’encourager des politiques publiques plus appropriées, en établissant des critères permettant aux États d’adopter de telles politiques. Des États comme le Rio Grande do Sul, Ceará, et le district fédéral ne gardent pas de détenus dans les postes de police. Des expériences pilotes, comme le commissariat participatif du neuvième district de São Paulo et le commissariat légal du cinquième district de Rio de Janeiro, ne gardent pas non plus de détenus dans leurs locaux. Ceux‑ci sont transférés vers les dépôts ou maisons d’arrêt des États concernés.

Imposition de peines de substitution

85.Le Gouvernement brésilien s’attache à promouvoir l’application de peines de substitution, conformément à l’idéal de réinsertion sociale des délinquants, ce qui contribue en outre à atténuer le problème de la surpopulation carcérale. À son avis, la privation de liberté n’est pas toujours la sanction la plus indiquée et il convient de rechercher d’autres solutions pour garantir la sécurité publique et favoriser la réinsertion sociale des délinquants, conformément aux engagements pris par le pays dans le domaine des droits de l’homme.

86.Selon le Comité des droits de l’homme, les mesures de substitution ne sont pas encore généralement admises par la société ni par les autorités chargées de les appliquer. Aussi le Gouvernement brésilien estime‑t‑il indispensable de développer des programmes afin de modifier cet état de choses.

87.Depuis 2003, le Ministère de la justice a entrepris de renforcer le programme national d’appui aux peines et mesures de substitution. Pilier stratégique de la politique nationale en matière pénale et pénitentiaire, ce programme vise les objectifs ci‑après: i) production et diffusion de connaissances sur les peines et mesures de substitution; ii) identification, évaluation et promotion de bonnes pratiques dans ce domaine; et iii) appui technique et financier aux instances judiciaires et aux exécutifs des États en vue de favoriser l’amélioration de leurs systèmes d’application et de suivi.

88.En décembre 2003, un nouveau changement législatif a élargi la gamme des possibilités de peines de substitution avec l’adoption de la loi no 10826/2003, dite «Loi sur le désarmement».

89.En 2004, un deuxième cycle de formation régionale en matière de contrôle et de suivi des peines et mesures de substitution a été organisé, auquel ont participé les États du nord‑est, du nord et du sud. En 2005, la ville de Curitiba a accueilli le premier Congrès national sur l’exécution des peines et mesures de substitution, avec l’appui institutionnel du Ministère de la justice. En novembre 2006, une nouvelle édition de ce congrès a eu lieu à Recife. Une troisième édition a eu lieu à Belo Horizonte en novembre 2007, tandis que le troisième cycle de formation régionale se tenait dans le nord. Une quatrième édition est prévue pour juin 2008 à Manaus (AM) sur le thème «Peines de substitution: une réponse pénale différenciée et efficace». Toutes ces initiatives témoignent de la détermination du Gouvernement brésilien à créer les conditions nécessaires pour surmonter les obstacles à l’application effective de peines et mesures de substitution.

90.En juillet 2006, la politique du Gouvernement fédéral en matière de peines et mesures de substitution a franchi un nouveau cap avec la création, au Ministère de la justice, d’un bureau général de coordination pour la promotion du programme de peines et mesures de substitution (CGPMA). Ce bureau a pour fonction d’appuyer la mise en œuvre, par les États, de la politique de peines et mesures de substitution et de leur fournir l’assistance nécessaire.

91.En août 2006, les lois nos 11343/06 et 11344/06 ont élargi les possibilités de remplacement des peines privatives de liberté et ont affiné le processus de suivi de la réponse pénale de l’État en instituant des équipes interdisciplinaires et des centres de réinsertion en relation avec l’application de peines de substitution.

92.En septembre 2006, la publication des résultats d’une enquête nationale sur l’application de peines de substitution a constitué une autre étape importante. Cette initiative conjointe du Brésil et de l’Institut des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Amérique latine (ILANUD) a permis d’établir le premier diagnostic national de l’application de peines de substitution. L’étude dresse un tableau digne de foi de la situation dans neuf capitales (Belém, Belo Horizonte, Campo Grande, Curitiba, Fortaleza, Porto Alegre, Recife, Salvador et São Paulo) ainsi que dans le district fédéral. Cela va de la caractérisation socioéconomique des bénéficiaires de peines de substitution à des renseignements sur l’exécution effective et à l’identification des infractions qui donnent lieu le plus souvent à un remplacement des modalités d’exécution de la peine prononcée par l’autorité judiciaire.

93.En décembre 2006, le rapport de gestion du bureau général de coordination pour la promotion du programme de peines et mesures de substitution (CGPMA) a fait ressortir que de janvier à septembre 2006, les États avaient notifié l’exécution de 63 457 peines et mesures de substitution, soit une augmentation de 200 % par rapport à l’enquête de 2002, qui indiquait un chiffre de 21 560. Cette évolution devrait se poursuivre vu qu’au cours de ces neuf mois de 2006 seulement, 301 402 peines et mesures de substitution ont été appliquées dans le pays. En 2007, l’augmentation a été de 20 % et 422 522 peines et mesures de substitution ont été appliquées au Brésil.

94.Toutes les initiatives ici relatées ont accru l’application de peines et mesures de substitution dans le pays: en 2002, 21 560 personnes exécutaient des peines et mesures de substitution; d’ici à la fin 2008, on estime que quelque 500 000 personnes bénéficieront de l’application de ces mesures.

95.Aujourd’hui, le Brésil dispose de 18 juridictions spécialisées, complétées par 249 centres et unités de contrôle et de suivi des peines et mesures de substitution, qui constituent le dispositif public existant dans le pays à cet effet. Ces services font intervenir les institutions judiciaires − magistrats, ministère public et Bureau du défenseur public − l’exécutif et des organismes de la société civile qui jouent un rôle essentiel pour assurer le plein respect des décisions judiciaires, ainsi qu’il ressort du rapport publié par le Ministère de la justice sur les services publics de peines et mesures de substitution.

Bureau du Médiateur du système pénitentiaire

96.Le Bureau du Médiateur du système pénitentiaire a été créé en 2004 sous l’égide du département pénitentiaire national du Ministère de la justice. Sa création a marqué une étape importante dans l’amélioration de l’application des peines dans le pays.

97.La principale fonction du Bureau du Médiateur est de servir d’interlocuteur de la société civile devant les organes chargés de l’administration pénitentiaire, aussi bien dans les États qu’au sein du Gouvernement fédéral. Il reçoit des propositions, plaintes, questions, dénonciations et demandes d’assistance.

98.Il incombe aussi au Bureau du Médiateur de coordonner l’appui à la création et au fonctionnement des conseils communautaires, qui sont des organes compétents en matière d’application des peines auxquels participe la société civile. Ces conseils s’acquittent de fonctions de surveillance, de coordination et d’assistance, ce qui favorise la constitution d’un réseau d’acteurs responsables du contrôle social du système pénitentiaire.

99.Le Bureau du Médiateur intervient aussi dans la procédure administrative de grâce individuelle et d’amnistie à l’occasion de Noël, ainsi que pour les demandes d’assistance juridique aux détenus.

100.En plus de son action à l’égard de la société civile et des institutions intervenant dans l’application des peines, le Bureau du Médiateur procède à des inspections périodiques des établissements du système pénitentiaire national.

101.En 2007, en vue de renforcer les mécanismes internes et externes de contrôle de l’application des peines, une initiative tendant à la création et la modernisation de bureaux de médiateurs du système pénitentiaire a été lancée, dans le cadre du programme d’amélioration de l’application des peines. La création de bureaux autonomes de médiateurs du système pénitentiaire constituait aussi l’un des objectifs du plan directeur pour le système pénitentiaire, auquel ont adhéré les 11 États où sera d’abord appliqué le programme national de sécurité publique et de citoyenneté (PRONASCI).

102.À l’heure actuelle, 12 États − São Paulo, Rio de Janeiro, Minas Gerais, Paraná, Bahia, Ceará, Rio Grande do Norte, Goiás, Pernambuco, Alagoas, Sergipe et Acre − possèdent des bureaux spécialisés de médiateurs du système pénitentiaire. En 2008, le Gouvernement fédéral s’efforcera d’encourager, par des actions de formation et une aide financière, la création de tels bureaux dans les États qui n’en possèdent pas.

PARAGRAPHE 18. Afin de combattre l’impunité, l’État partie devrait envisager d’adopter d’autres méthodes pour déterminer les responsabilités concernant les violations des droits de l’homme perpétrées sous la dictature militaire − notamment, de frapper les auteurs de violation s manifestes d’une interdiction d’exercer une fonction dans l’administration publique et de diligenter des enquêtes pour faire justice et rechercher la vérité. L’État partie devrait rendre publics tous les documents portant sur des violations des droits de l’homme, y compris les documents actuellement placés sous séquestre en vertu du décret présidentiel n o  4553.

103.Le Brésil a vécu sous une dictature de 1964 à 1985. Cette période a été marquée politiquement par des détentions arbitraires, la torture, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées perpétrées par des agents de la sécurité contre des dissidents politiques. Avec l’avènement d’une transition démocratique, des organismes de la société civile ont commencé à exiger l’ouverture d’enquêtes pour identifier les responsables des disparitions et des décès durant le régime militaire, et la localisation des restes des personnes disparues.

104.À cet égard, un progrès notable a été réalisé en 1995 avec l’adoption de la loi no 9140 par laquelle il a été reconnu que 136 personnes disparues avaient été tuées en raison de leurs activités politiques sous la dictature et que l’État était responsable de ces décès, une indemnisation a été accordée aux familles des victimes et une commission spéciale des morts et disparus politiques (CEMDP) a été créée. La loi no 9140 a aussi ouvert la possibilité, après examen par la commission spéciale, d’une extension aux personnes décédées pour des causes autres que naturelles dans les locaux de la police et autres lieux analogues.

105.En août 2002, la loi no 10536 modifiant la loi no 9140/95 et prolongeant sa durée d’application aux fins de l’indemnisation a été adoptée, la fin de la période prise en considération étant reportée du 15 août 1979 au 5 octobre 1988, date de promulgation de la nouvelle Constitution. La loi a en outre prolongé de cent‑vingt jours à compter de sa publication au Journal officiel le délai ouvert aux proches pour demander à être reconnus comme parents de disparus et recevoir une indemnisation à ce titre.

106.Un autre changement est intervenu en 2004 avec la publication de la mesure provisoire no 176/2004, devenue ultérieurement loi no 10875/04, qui institue des mesures disciplinaires en cas de décès causés par la répression policière lors de manifestations publiques ou de confrontations armées avec des agents publics, et de suicides de personnes sur le point d’être arrêtées ou victimes de séquelles psychologiques d’actes de torture perpétrés par des agents publics. Avant la promulgation de la nouvelle loi, toute action engagée à propos d’un suicide ou d’un décès lors de manifestations, par exemple, était rejetée et considérée comme irrecevable aux fins de l’indemnisation prévue par la loi.

107.Les conclusions de la CEDMP, au terme de onze années de travail, figurent dans un livre intitulé «Droit à la mémoire et à la vérité», présenté le 29 août 2007 lors d’une cérémonie publique au Palais du Planalto, en présence du Président Luiz Inácio Lula da Silva.

108.Le livre a contribué à renforcer encore le respect des droits de l’homme et la reconnaissance des violations commises au cours de l’histoire récente du pays. Faire la lumière sur cette période ténébreuse et divulguer toutes les informations à propos des violations des droits de l’homme durant le dernier cycle dictatorial sont des impératifs pour une nation qui aspire légitimement à un nouveau statut sur la scène internationale et dans les mécanismes directeurs de l’ONU.

109.En inscrivant dans les annales et en divulguant le travail effectué par la CEMDP pendant onze ans, la publication de l’ouvrage représente une nouvelle étape dans un parcours de quatre décennies au cours duquel des Brésiliens qui étaient souvent de bords opposés dans l’arène politique ont uni leurs efforts.

110.L’importance de l’ouvrage va au-delà de la simple présentation des conclusions de la commission spéciale; c’est la première version publique et officielle des faits survenus durant le régime militaire où est expressément reconnue la responsabilité de l’État brésilien pour les décès et les disparitions qui se sont produits durant cette période. Cette reconnaissance a été expressément réaffirmée par le Président de la République devant les familles des victimes et les représentants de différents groupes de la société et de l’État qui participaient à cette cérémonie.

111.On trouve dans les pages du livre une double image du Brésil en ce début de XXIe siècle, pays à la fois porteur de nouveaux rêves et confronté à de nouveaux défis. C’est d’une part l’image d’un pays qui a régulièrement renforcé ses institutions démocratiques durant plus de vingt ans. C’est là l’image positive, excitante et prometteuse, d’une nation qui semble avoir pris définitivement le parti de la démocratie, après avoir compris que celle‑ci est un rempart puissant contre les instincts de haine et de guerre nourris par l’oppression. Mais il y a aussi une autre image, celle des obstacles auxquels se heurtent les personnes résolues à connaître la vérité, en particulier celles qui exigent de pouvoir exercer leur droit millénaire et sacré à ensevelir leurs êtres chers.

112.La CEMDP ayant achevé la première phase de ses activités fin 2006 − phase d’analyse, d’enquête et de jugement dans les procès relatifs aux 339 décès et disparitions mis au jour, en plus des 136 autres cas déjà reconnus dans l’annexe à la loi no 9140/05 −, elle concentre désormais son attention sur deux autres procédures.

113.La première, engagée en septembre 2006, concerne la collecte d’échantillons sanguins de personnes ayant un lien de parenté direct avec des personnes disparues ou décédées dont les corps n’ont pas été remis à leur famille. L’objectif est de constituer un fichier de profils génétiques − une banque de données ADN − à des fins de comparaison et d’identification certaine des restes éventuellement découverts et des ossements déjà mis de côté à des fins d’analyse.

114.La seconde concerne l’organisation systématique de données relatives à l’emplacement possible de tombes clandestines dans les grandes villes et les régions rurales où des militants ont peut‑être été ensevelis, en particulier sur la rivière Araguaia, au sud de l’État de Pará. Ce faisant, la CEMDP entend se conformer aux dispositions de l’article 4, II, de la loi no 9140/05 exigeant que des efforts soient faits pour localiser les restes de personnes disparues s’il existe des indices de leur présence possible en un lieu déterminé.

115.Il faut noter que le travail de localisation et d’identification des restes d’opposants au régime militaire devrait être stimulé par une décision judiciaire ayant ordonné l’ouverture des archives des forces armées concernant les opérations menées contre la guérilla de l’Araguaia. En 1982, les proches de 22 Brésiliens tués ou disparus durant le conflit que l’on a appelé la guérilla de l’Araguaia ont engagé des actions judiciaires pour exiger la localisation des restes des disparus. Il s’agissait de personnes qui s’étaient installées sur les rives de l’Araguaia et appartenaient au mouvement armé politique et révolutionnaire qui, vigoureusement réprimé par l’État, a été finalement anéanti. À la suite des décisions rendues par les juridictions inférieures, une cour fédérale a ordonné, en juin 2003, l’ouverture des archives secrètes concernant la guérilla de l’Araguaia et leur communication à la cour. Le ministère public fédéral a fait appel de la décision de la cour pour des motifs de forme, sans mettre en cause le fond. Après de nouveaux recours, la Cour supérieure de justice a confirmé la décision de la cour de 2003 et le Gouvernement a dû exécuter l’arrêt après notification officielle.

116.Le décret no 4553 du 27 décembre 2002 cité par le Comité des droits de l’homme dans ses recommandations à l’État brésilien concerne la protection de données, informations, documents et éléments confidentiels présentant un intérêt pour la sécurité de la société et de l’État. Le Comité des droits de l’homme a exprimé son inquiétude à propos de l’article 7 de ce décret fixant à cinquante et trente ans respectivement la durée de la classification «hautement confidentiel» et «confidentiel» des documents, et prévoyant la possibilité de la prolonger une fois pour une période égale dans le cas de documents confidentiels, et indéfiniment dans le cas de documents hautement confidentiels. Ces dispositions ont été modifiées par le décret no 5301 du 9 décembre 2004 qui, d’une part, ramène ces délais à trente et vingt ans respectivement et, d’autre part, ne permet leur prolongation qu’une seule fois pour une période égale. La possibilité d’une prolongation indéfinie sera subordonnée à l’approbation d’une commission composée de sept ministres d’État.

117.En outre, l’article 8 de la Constitution de 1988 − dispositions constitutionnelles provisoires − prévoit l’amnistie des personnes qui, du 18 septembre 1946 à la date de la promulgation de la Constitution, ont été touchées pour des motifs exclusivement politiques par des mesures d’exception. À Brasília, une commission spéciale d’amnistie a été créée aux fins d’accorder l’amnistie politique. En 1988, dans l’État de São Paulo, une commission spéciale d’amnistie a aussi été créée pour traiter et instruire les mesures requises au titre de l’article 8 des dispositions constitutionnelles provisoires. Les États de Rio Grande do Sul, Paraná et Santa Catarina se sont également dotés d’une législation spécifique pour permettre aux prisonniers politiques ayant été victimes de torture et de mauvais traitements pendant la dictature de prétendre à une indemnisation.

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