NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/ISL/CO/38 juillet 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTUREQuarantième session28 avril‑16 mai 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN  APPLICATION DE L ’ ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité contre la torture

ISLANDE

1.Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de l’Islande (CAT/C/ISL/3) à sa 826e séance, tenue le 9 mai 2008 (CAT/C/SR.826), et a adopté à sa 832e séance, le 15 mai 2008 (CAT/C/SR.832), les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’Islande, qui a été établi selon ses directives et soumis en temps voulu. Le Comité accueille également avec satisfaction les réponses écrites complètes à la liste des points à traiter (CAT/C/ISL/Q/3/Add.1) et se félicite du dialogue fécond et constructif engagé avec la délégation de l’État partie.

B. Aspects positifs

3.Le Comité salue les efforts constants de l’État partie pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et pour prévenir et éliminer tout acte ou comportement contraire aux dispositions de la Convention. Le Comité note, entre autres:

a)La nouvelle loi sur l’application des peines (no 49/2005), notamment ses deux règlements relatifs à l’application des peines et à la formation des gardiens de prison;

b)Les dispositions de l’article 227 a) du Code pénal, qui constituent le cadre de la répression de la traite des êtres humains, et la signature, en mai 2005, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains;

c)La promulgation de lois modifiant le Code pénal général et l’établissement d’un plan d’action destiné à apporter une réponse plus complète aux violences à l’égard des femmes et aux violences familiales, en particulier sur le plan des recours juridiques et dans les affaires d’infractions sexuelles;

d)La publication de règles de déontologie de la police relatives à l’emploi excessif de la force et aux insultes.

4.Le Comité note une nouvelle fois avec satisfaction qu’il n’a reçu aucune plainte de torture en Islande.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture

5.Tout en notant les explications que l’État partie a données dans ses deuxième et troisième rapports périodiques et dans les réponses écrites à la liste des points à traiter au sujet de l’interprétation de la définition de la torture et de son application dans le droit pénal, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas modifié sa position de façon à incorporer pleinement la définition de la torture telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention, et à ériger la torture en infraction spécifique dans son droit pénal (art. 1 et 4).

Le Comité réitère sa recommandation antérieure tendant à ce que la définition de la torture conformément à l ’ article premier de la Convention soit introduite dans le droit pénal islandais de telle sorte que tous les éléments constitutifs de la torture y figurent, et à ce que la torture soit définie comme une infraction spécifique en droit interne. Le Comité appelle en outre l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  2 concernant l ’ application de l ’ article 2 de la Convention.

Surveillance par un mécanisme indépendant

6.Le Comité note avec satisfaction les renseignements communiqués dans le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste des points à traiter concernant la possibilité d’une surveillance et d’une inspection des lieux de détention, des prisons et des établissements psychiatriques par l’Ombudsman parlementaire, de son propre chef, et le fait que les recommandations découlant de ces visites sont pleinement prises en considération. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de dispositif juridique ou administratif prévoyant un mécanisme indépendant de surveillance ou d’inspection de ces structures, en particulier des établissements psychiatriques (art. 2 et 13).

L ’ État partie devrait renforcer les capacités des services de l ’ Ombudsman parlementaire en le s dotant des ressources humaines et financières nécessaires pour leur permettre de procéder à une surveillance des lieux de détention, des prisons et des établissements psychiatriques, et mettre en place un mécanisme indépendant de surveillance et d ’ inspection de ces structures .

L ’ État partie devrait également envisager la possibilité d ’ établir une institution nationale des droits de l ’ homme conforme aux Principes de Paris.

Prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

7.Le Comité note avec satisfaction les renseignements communiqués dans le rapport de l’État partie et dans les réponses écrites au sujet des femmes et des mineurs placés en détention, et il note que, pour des raisons pratiques, il n’existe pas de prison distincte accueillant les détenus de sexe féminin ou mineurs. Le Comité souligne que, dans le cadre de la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les femmes devraient être détenues séparément des hommes et les mineurs devraient être détenus séparément des adultes dans des locaux clairement distincts (art. 2 et 11).

L ’ État part ie devrait veiller à ce que les hommes et les femmes privés de liberté soient détenus dans des locaux séparés, et en particulier à ce que les mineurs soient séparés des adultes. Il devrait également veiller à ce que les gardiens de prison qui s ’ occupent des femmes et des mineurs placés en détention soient formés pour agir avec la sensibilité nécessaire et aient les qualités particulières requises .

8.Le Comité est préoccupé par des cas dans lesquels les membres des forces de l’ordre et les gardes‑côtes auraient réagi de façon inappropriée à des situations, en particulier dans des centres de détention, des aéroports et dans le cadre d’événements et de manifestations (art. 2 et 7).

Indépendamment de la fréquence et de la gravité de ces situations , l ’ État parti e devrait veiller à ce que tou s les cas présumés fassent l ’ objet d ’ une enquête. L ’ État partie devrait donner d ’ autres renseignements détaillé s sur les enquêtes et leurs résultats dans son prochain rapport périodique.

Détention à l ’ isolement

9.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état du recours fréquent et excessif à la détention à l’isolement des personnes en garde à vue (art. 11).

L ’ État partie devrait enquêter sans délai sur la question du recours excessif à la détention à l ’ isolement et adopter des mesures efficaces pour prévenir cette pratique.

Non ‑refoulement et demande d ’ asile

10.Le Comité se félicite des renseignements sur la coopération avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qui ont été communiqués au cours du dialogue concernant le rapport de l’État partie. Il est toutefois préoccupé par le fait que seules deux demandes d’asile ont été acceptées ces vingt dernières années, et que l’État partie se montre réticent à délivrer des permis de séjour, même pour des considérations humanitaires (art. 3).

L ’ État partie devrait veiller, par des procédures juridiques et administratives, notamment l ’ examen des refus par un organe judiciaire indépendant, à ce que chaque cas individuel reçoive toute l ’ attention voulue avant l ’ adoption d ’ une décision définitive et à ce que les situations dans les pays où des personnes sont susceptibles d ’ être renvoyées ou expulsées soient suivies de très près.

L ’ État partie devrait également inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements plus détaillés concernant les effets que les considérations de sécurité nationale peuvent avoir sur la protection au titre du principe du non ‑refoulement prévue à l ’ article 3 de la Convention.

11.Tout en notant les renseignements communiqués au sujet des enquêtes réalisées dans le cadre du Conseil de l’Europe et des vols aériens pour transférer des suspects qui auraient eu lieu en Europe, le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles des vols aériens à des fins de transfert de suspects auraient traversé l’Islande, et par la réponse insuffisante que les autorités de l’État partie ont donnée à ces informations (art. 3 et 4).

L ’ État partie devrait fournir de plus amples renseignements dans son prochain rapport périodique sur les mesures prises pour enquêter sur les informations selon lesquelles des vols à des fins de transfert de suspects auraient eu lieu sur son territoire ou dans son espace aérien , notamment sur les résultats de ces mesures ou enquêtes.

Éducation et information

12.Le Comité note que la formation de base dispensée aux forces de police et aux gardiens de prison comprend des éléments relatifs aux droits de l’homme et aux obligations internationales de l’Islande. Le Comité note en outre que la nouvelle loi no 52/2006 sur les gardes‑côtes fait à ces derniers obligation de respecter la loi sur la police et le Code de procédure pénale. Le Comité s’inquiète toutefois de ce que, dans certains cas, les agents des postes de police et de la police aéroportuaire et les gardes‑côtes n’ont pas traité toutes les situations dans le respect nécessaire des droits fondamentaux des individus (art. 10).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les membres des forces de l ’ ordre reçoivent régulièrement une formation adéquate concernant les obligations internationales de l ’ Islande, en particulier celles au titre de la Convention contre la torture. L ’ État partie devrait en outre mettre en place une formation officielle aux droits de l ’ homme et au droit humanitaire à l ’ intention des membres des forces de maintien de la paix et autres personnels affectés à des missions de surveillance internationale s dans le cadre de l ’ ONU, de l ’ OTAN et de l ’ Union européenne.

Éléments de preuve conformes à l ’ article 15

13.Tout en notant les renseignements qui ont été donnés dans le rapport de l’État partie et au cours du dialogue, le Comité demeure préoccupé par le fait qu’il reste possible de produire en justice des éléments de preuve susceptibles d’avoir été obtenus par la torture (art. 15).

Le Comité réitère sa recommandation antérieure tendant à ce que l ’ État partie mette sa législation pénale en conformité avec les dispositions de l ’ article 15 de la Convention afin que soi en t expressément exclu es toutes les preuves obtenues par la torture.

L ’ État partie devrait également réexaminer ses pratiques concernant les enregistrements vidéo et sur bandes des interrogatoires compte tenu de la nécessité d ’ assurer en tout premier lieu la protection du défendeur.

Traite des être s humains

14.Le Comité note les faits nouveaux intervenus dans le cadre juridique et politique de la lutte contre la traite des êtres humains, en particulier le nouveau projet de loi actuellement à l’examen du Parlement, et les préparatifs d’un plan national d’action pour lutter contre la traite. Le Comité est toutefois préoccupé par les informations faisant état de cas de traite d’êtres humains en Islande même et d’autres cas où l’Islande a été un pays de transit, et par le fait que l’État partie ne dispose pas d’un mécanisme permettant de suivre et d’évaluer l’ampleur et l’impact de ce phénomène ou d’y apporter des solutions efficaces (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait veiller à ce que le plan d ’ action bénéficie de l ’ appui financier nécessaire à sa mise en œuvre, et établir un programme coordonné à l ’ échelle du Gouvernement tout entier qui permettrait de recueillir des données, de suivre la situation effective et de prendre d es mesures adéquates pour prévenir la traite des personnes et offrir une assistance aux victimes.

L ’ État partie devrait aussi adopter des programmes spécifiques de formation et de sensibilisation destinés aux agents des forces de l ’ ordre et aux gardes ‑côtes, et mener des campagnes de sensibilisation de la population montrant quelle est la situation actuelle en Islande concernant la traite des êtres humains.

Violence s à l ’ égard des femmes et des enfants

15.Le Comité note les faits nouveaux intervenus récemment dans le cadre législatif et politique national des mesures pour lutter contre les violences à l’égard des femmes et des enfants et les violences familiales, en particulier les modifications législatives prévoyant des sanctions plus lourdes lorsque les actes de violence ont été commis dans la famille, des mesures de restriction et l’étoffement de la définition du viol. Le Comité est d’avis que l’État partie pourrait s’attacher davantage à garantir des services médicaux et juridiques satisfaisants et à offrir une assistance aux victimes d’actes de violence contre les femmes et des violences familiales, et devrait prendre des mesures tendant à faire évoluer les attitudes et les opinions dans la société (art. 4 et 16).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour lutter contre les violences familiales par des mesures législatives et gouvernementales , et veiller à ce que la partie du plan d ’ action 2006 ‑2011 portant sur la protection des victimes et l ’ assistance à leur offrir bénéficie du financement et des ressources humaines nécessaire s à sa mise en œuvre . L ’ État partie est encouragé à mettre en place des campagnes nationales d ’ information du public et à promouvoir un débat plus large au sein de la population de façon à favoriser l ’ évolution des attitudes et l ’ abandon des stéréotypes conduisant à des violences à l ’ égard des femmes. L ’ État partie devrait donner, dans son prochain rapport périodique, d ’ autres renseignements détaillés concernant l ’ assistance et les services dont disposent les victimes.

16.Tout en notant la signature par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Comité encourage l’État partie à entreprendre la procédure de ratification du Protocole facultatif dans les plus brefs délais.

17.Le Comité invite l’État partie à ratifier d’autres instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, plus précisément la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

18.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les instructions relatives à l’établissement du document de base commun figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et publiées sous la cote HRI/GEN/2/Rev.4.

19.Le Comité prie l’État partie de diffuser largement son rapport, ainsi que les réponses écrites à la liste des points à traiter, les observations finales du Comité et les comptes rendus analytiques des séances pertinentes du Comité, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

20.Le Comité prie l’État partie de lui adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations contenues aux paragraphes 9, 14 et 15 ci‑dessus.

21.L’État partie est invité à soumettre son prochain (cinquième) rapport périodique au plus tard le 30 juin 2012.

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