Communication présentée par :

K. I. A. (représentée par un conseil, le Conseil danois pour les réfugiés)

Au nom de :

L’auteure et ses enfants

État partie :

Danemark

Date de la communication :

8 mars 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Transmises à l’État partie le 11 mars 2015

Date d ’ adoption de la décision :

4 novembre 2019

Contexte

L’auteure est K.I.A., une réfugiée palestinienne et ressortissante jordanienne, née en Jordanie en 1986. Sa demande d’asile au Danemark a été rejetée et elle risque l’expulsion vers la Jordanie. Elle présente la demande en son propre nom et au nom de ses cinq enfants, nés en 2005, 2007, 2008, 2010 et 2011. Elle affirme que leur expulsion par le Danemark emportera violation de l’article 1 et de l’alinéa d de l’article 2, lus à la lumière des alinéas e et f de l’article 2 de la Convention. L’auteure est représentée par un conseil, le Conseil danois pour les réfugiés.

Lors de l’enregistrement de la communication, le 11 mars 2015, le Comité, par l’intermédiaire de son Groupe de travail des communications soumises en vertu du Protocole facultatif, et conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteure et de ses enfants tant que la communication serait à l’examen. Le 11 septembre 2015, l’État partie indiquait au Comité que, le 19 mars 2015, la Commission danoise de recours des réfugiés avait suspendu le délai fixé pour expulser l’auteure et ses enfants, conformément à la demande du Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteure

L’auteure est jordanienne d’origine palestinienne. Elle est née dans le camp de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, à Irbid, en Jordanie, en 1986. Ses parents ont divorcé peu après sa naissance et elle a été élevée dans ce camp par sa grand-mère. Son père est parti par la suite pour le Danemark et a obtenu la citoyenneté de ce pays.

En 1999, l’auteure s’est rendue au Danemark, où elle a obtenu un permis de séjour. Toutefois, ne s’entendant pas bien avec son père, elle a d’abord vécu dans la rue avec des amis, puis dans un refuge pour jeunes dans la première moitié de 2002. Elle a alors développé une relation intime avec un garçon fréquentant la même école. Quand son père l’a appris, il a soutenu qu’elle avait violé l’honneur de sa famille.

Pour la punir, le père de l’auteure a pris les dispositions nécessaires pour la faire repartir en Jordanie, lui disant que sa grand-mère était malade et qu’il fallait qu’elle aille lui rendre visite. L’auteure a quitté le Danemark à l’été 2002.

À Irbid, le passeport de l’auteure lui a été retiré. Elle avait alors 15 ans. Sa grand-mère a organisé son mariage avec un homme de 47 ans qu’elle ne connaissait pas, une décision approuvée par l’imam local.

L’auteure a sollicité l’aide de l’ambassade du Danemark à Amman et a communiqué avec un travailleur social et un enseignant au Danemark. Son ancien professeur a informé de sa situation les autorités municipales danoises. D’après l’auteure, les autorités danoises ont affirmé ne pas pouvoir intervenir car elle était mineure et placée sous la garde du père, et elle a été mariée (la date exacte n’est pas précisée).

L’auteure affirme que son mariage forcé a été marqué par des actes de violence conjugale, des viols et des traitements coercitifs et dégradants répétés. Une fois, son mari l’a brûlée avec une cigarette et a versé de l’huile chaude sur sa main. Elle n’était pas autorisée à quitter la maison. L’auteure est tombée enceinte sept fois, et deux de ses grossesses se sont terminées par une fausse couche à cause de la violence subie. Le mari était également violent à l’égard des enfants aînés.

Le mari de l’auteure lui rappelait fréquemment qu’elle était assujettie à son pouvoir et à sa volonté en vertu de l’arrangement qu’il avait conclu avec son père, et que personne d’autre ne voudrait l’épouser après ce qu’elle avait fait au Danemark. N’ayant aucun contact avec sa famille, l’auteure est restée isolée en Jordanie.

Cette situation a perturbé la santé mentale de l’auteure, et des médicaments lui ont été prescrits. Le mari l’a alors expulsée du domicile familial et empêchée de voir leurs enfants. Pendant trois mois, l’auteure a vécu chez des amis ou à la mosquée. Elle s’est adressée à la police pour voir les enfants, en vain. Elle a finalement engagé un médiateur et son mari a accepté qu’elle réintègre le domicile familial.

À quatre reprises au moins, l’auteure a sollicité la protection de la police, montrant aux policiers des marques de violence et des ecchymoses. Chaque fois, la police lui a indiqué qu’elle ne pouvait rien faire pour elle ou lui a conseillé d’engager des procédures judiciaires. L’auteure s’est adressée aux tribunaux « trois ou quatre fois ». Les instances judiciaires lui ont indiqué que son mari aurait la garde exclusive des enfants en cas de divorce, ce que l’auteure ne pouvait accepter.

En 2011, alors qu’elle était enceinte de son cinquième enfant, l’auteure a tenté de quitter son mari. Son père se trouvant en République arabe syrienne à ce moment‑là, elle l’a rejoint dans ce pays avec ses enfants. Cependant, son père lui a demandé de retourner avec son mari, qui avait promis d’être gentil avec elle. Au bout de quatre mois, l’auteure est repartie en Jordanie, mais la violence conjugale, les viols et les comportements coercitifs à son égard ont repris.

Le benjamin de l’auteure souffrait d’épilepsie et de handicaps multiples. Fâché d’avoir un enfant handicapé, le mari avait d’abord placé l’enfant en établissement. Ce n’est qu’au moment où l’auteure a menacé de se suicider que le garçon est revenu dans sa famille. Par la suite, le mari de l’auteure lui a dit à plusieurs reprises qu’il abandonnerait ce garçon quand il obtiendrait la garde exclusive des enfants.

En 2012, l’auteure a tenté une dernière fois d’obtenir le divorce d’avec son mari en conservant la garde des enfants. Le tribunal de la charia du district de Bani Kinana a conclu qu’en raison de l’adultère commis par l’auteure, la garde exclusive des quatre fils devait être confiée au père. Il indiquait également que l’auteure était renvoyée aux autorités compétentes en raison des menaces de son mari.

En 2013, le père de l’auteure a accepté de l’inviter au Danemark, avec ses enfants. Pour pouvoir partir, elle a dit à son mari que son père était malade et qu’il fallait qu’elle aille lui rendre visite.

L’auteure reconnaît avoir fourni aux autorités danoises des éléments d’information contradictoires relativement aux conditions pratiques de son départ de la Jordanie. À cet égard, elle explique qu’en raison d’un malentendu, le Service danois de l’immigration a noté que son mari les avait conduits en voiture à Dubaï, aux Émirats arabes unis, alors que ce n’était pas le cas. Quoi qu’il en soit, l’auteure souligne que l’essentiel, en l’espèce, consiste en ce que son mari croyait qu’elle retournerait en Jordanie après avoir rendu visite à son père au Danemark.

L’auteure est arrivée au Danemark avec ses enfants le 10 avril 2013. Elle a demandé l’asile le 15 avril 2013.

Quand son visa danois est arrivé à expiration, l’auteure a appelé son mari pour l’informer du fait qu’elle ne rentrerait pas. Elle affirme qu’il lui a tout d’abord promis de meilleures conditions de vie, mais qu’il s’est mis ensuite à la menacer. Il l’a ainsi menacée plusieurs fois par téléphone, lui disant qu’il lui ferait du mal et prendrait les enfants en laissant le plus jeune dans un orphelinat. L’auteure et son mari avaient été en communication pour la dernière fois il y avait moins de trois mois de cela ; il l’avait alors de nouveau accusée d’adultère.

Le Service danois de l’immigration a rejeté la demande d’asile de l’auteure le 9 octobre 2013. Le 13 mars 2014, la Commission danoise de recours des réfugiés a rejeté son appel, à la majorité des membres. La police a indiqué à l’auteure que son expulsion devrait avoir lieu dans les quelques semaines suivantes.

La plainte

L’auteure affirme qu’en l’expulsant, ainsi que ses enfants, le Danemark contreviendra à l’article 1 et à l’alinéa d de l’article 2, lus à la lumière des alinéas e et f de l’article 2 de la Convention.

L’auteure indique qu’elle a été victime de deux séries interreliées de violations de l’article 1 et des alinéas e et f de l’article 2 de la Convention. Tout d’abord, elle a été contrainte d’abandonner son parcours éducatif et sa vie d’adolescente au Danemark et a été mariée contre son gré en guise de punition pour avoir souillé l’honneur de sa famille en désobéissant aux normes familiales traditionnelles. Ensuite, elle a vécu onze ans dans un mariage forcé marqué par la violence familiale, le viol et les traitements coercitifs et dégradants. Ce mariage a été arrangé par sa famille et elle a été laissée seule en Jordanie, sans possibilité de retourner au Danemark. Elle considère que la situation qu’elle a vécue représente une violation des articles 1 et 2 de la Convention.

L’auteure souligne que son mari a la volonté et la capacité de lui infliger de mauvais traitements et des violences graves. Le fait qu’elle s’est enfuie au Danemark et les menaces qu’il lui a ensuite adressées ont exacerbé le conflit et les tensions entre eux. Elle craint de subir les mêmes traitements inhumains et dégradants si elle est renvoyée en Jordanie. Elle craint également qu’en raison des pratiques discriminatoires ayant cours dans les tribunaux de la Jordanie, la garde exclusive de ses enfants soit accordée à son mari.

L’auteure explique en outre qu’elle ne pourra obtenir aucune protection des autorités de la Jordanie si elle retourne dans ce pays. Invoquant de nouveau la recommandation générale no 32 (2014) du Comité sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie, elle rappelle que le fait de renvoyer une personne là où elle a subi et risque de subir encore des traitements inhumains et dégradants constitue de la persécution s’il lui est impossible d’obtenir une protection suffisante de la part des autorités du pays d’accueil.

Pour étayer ses affirmations, l’auteure fournit des informations sur la violence familiale, le divorce et la situation des femmes en Jordanie. Elle cite le Comité contre la torture qui, en 2010, dans ses observations finales (CAT/C/JOR/CO/2), relevait que la violence à l’égard des femmes était profondément enracinée en Jordanie, et qu’une culture d’impunité à l’égard des violences familiales ou sexistes s’était par conséquent développée dans ce pays. Le Comité notait par ailleurs avec une vive préoccupation que les crimes dans lesquels l’honneur de la famille était considéré comme ayant été bafoué restaient souvent impunis, et que, lorsqu’ils étaient réprimés, les peines infligées étaient plus clémentes que celles imposées pour d’autres crimes de la même violence. Le Comité observait également avec préoccupation que la loi sur la protection contre la violence au foyer de 2009 n’érigeait pas explicitement cette violence en infraction pénale et ne contenait pas les dispositions voulues pour assurer que ceux qui s’en rendaient coupables soient poursuivis.

L’auteure note que la Rapporteuse spéciale sur la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences soulignait dans son rapport de 2012 (A/HRC/20/16/Add.1) à la suite d’une visite en Jordanie que, selon les résultats d’une enquête de 2008, les violences psychologiques et verbales constituaient les formes d’abus les plus fréquemment infligées aux femmes en Jordanie. Les hommes exercent un contrôle important sur leurs épouses et, dans certains cas, restreignent leur liberté de mouvement ou leur interdisent d’exprimer leur opinion. Ces violences peuvent dégénérer en agressions physiques ou sexuelles. En 2004, une proportion importante de la société considérait encore les femmes comme inférieures aux hommes et trouvait acceptable que les maris corrigent leurs épouses.

La Rapporteuse spéciale indiquait que la violence touchant les femmes leur est souvent infligée par leurs maris, tuteurs ou autres proches de sexe masculin quand elles se comportent d’une manière considérée comme « déshonorante ». Les femmes qui ont des relations sexuelles sans être mariées, ou hors mariage si elles le sont, peuvent être assassinées pour rétablir l’honneur familial. Des femmes ont par ailleurs été assassinées au nom de l’« honneur » parce qu’elles étaient sorties de la maison sans autorisation ou avaient parlé à des hommes n’appartenant pas à leur famille.

Plusieurs rapports indiquent que ce sont généralement des coutumes et normes culturelles patriarcales qui s’appliquent en Jordanie, et qu’elles induisent, à l’égard des femmes, une discrimination dans la loi comme dans les faits. Les femmes continuent à être assujetties à une inégalité juridique en matière de mariage, de divorce et de garde des enfants. La charia n’accorde pas les mêmes droits aux femmes qu’aux hommes. S’appuyant sur le rapport de la Rapporteuse spéciale, l’auteure souligne que les hommes peuvent divorcer sans invoquer de motif. Les femmes peuvent demander à un tribunal de la charia de leur accorder un divorce judiciaire, mais doivent pour ce faire produire des preuves et des témoignages à l’appui de leur demande. Les motifs de divorce sont notamment : la violence familiale, le refus ou l’incapacité du mari à subvenir aux besoins de sa famille, ou encore ses absences prolongées. Les procédures sont généralement très longues et débouchent le plus souvent sur un rejet de la demande de divorce.

En ce qui concerne la garde des enfants, la Rapporteuse spéciale note que, pour les couples mariés, la loi sur le statut personnel réserve aux hommes le statut de tuteur des enfants. En cas de divorce, la femme n’a aucun droit de garde des enfants jusqu’à leur puberté. À leur puberté, les enfants peuvent choisir le parent avec lequel ils souhaitent vivre. Si la femme se remarie, elle perd la garde des enfants, qui retournent alors avec leur père ou avec la famille du père. Même quand une mère a la garde de ses enfants, le père reste considéré comme leur tuteur légal et comme le titulaire de l’autorité décisionnelle en diverses matières, par exemple l’éducation (voir A/HRC/20/16/Add.1, par. 66). La loi autorise également les pères à empêcher leurs enfants de se rendre à l’étranger avec leur mère.

L’auteure souligne en outre que, bien qu’elle soit titulaire d’un passeport jordanien, elle est une réfugiée palestinienne ayant vécu dans la communauté des réfugiés palestiniens durant ses années de mariage. Cette situation a des incidences sur ses droits et sur ses possibilités de solliciter et d’obtenir protection en Jordanie. En appui à cette affirmation, l’auteure invoque le rapport de la Rapporteuse spéciale, qui relève que les femmes réfugiées ne bénéficient pas du même soutien face à la violence familiale, car la communauté la considère encore comme une question d’ordre privé qui causera de la honte si elle est rendue publique (ibid., par. 47). Certaines des personnes interviewées soulignent que la société accepte la violence familiale et la justifie même parfois en la présentant comme un outil de discipline. Dans un tel contexte, les victimes ont peu de latitude pour dénoncer la violence et demander de l’aide. Les femmes réfugiées ont aussi des craintes inhérentes à leur vulnérabilité face aux autorités. Ainsi, elles ne s’adressent pas aux systèmes de soutien en place, par exemple ceux qui sont offerts par l’Administration de la protection de la famille, parce qu’ils s’inscrivent dans la structure de la Direction de la sécurité publique et qu’en dénonçant les actes de violence qu’elles subissent, elles redoutent de favoriser une intensification de la surveillance et des contrôles policiers vis-à-vis de leurs communautés.

L’auteure affirme que les particularités de sa situation en tant que femme n’ont pas été convenablement prises en compte dans l’examen de sa demande d’asile au Danemark. Elle estime que ces procédures se sont intéressées exclusivement ou presque à son départ de la Jordanie. Les châtiments d’honneur qu’elle a subis originellement pour ne s’être pas soumise aux normes traditionnelles, puis le mariage forcé, la violence familiale et le caractère discriminatoire du système juridique jordanien n’ont pas été suffisamment pris en considération dans l’analyse de sa demande. La Commission de recours des réfugiés a souligné que l’auteure avait fourni des éléments d’information contradictoires relativement à son départ de la Jordanie, et que la Commission ne pouvait pas fonder sa décision sur les allégations de l’auteure concernant le nombre et l’intensité des violences familiales et sexuelles subies pendant ses années de mariage. La Commission a estimé que l’évaluation de la crédibilité de l’auteure quant à l’aspect le plus central de sa demande – les violences familiales ayant marqué ses onze années de mariage forcé – ne permettait pas de prouver le bien-fondé de sa plainte. Lors de son entretien avec le Service danois de l’immigration, le 9 septembre 2013, et lors de l’audience de la Commission de recours des réfugiés, le 13 mars 2014, les châtiments d’honneur, le mariage forcé et la violence familiale n’ont été que rapidement évoqués. Les questions essentielles et précises concernaient exclusivement le départ de l’auteure de la Jordanie et les procédures judiciaires dans ce pays. Par conséquent, l’auteure estime que les bases sur lesquelles se fonde l’évaluation de sa crédibilité ne sont pas claires, et qu’il n’est pas établi par ailleurs que cette procédure a tenu suffisamment compte de la pratique et de la prévalence de la violence familiale en Jordanie.

Enfin, l’auteure note que la Commission de recours des réfugiés a conclu que, indépendamment d’un éventuel conflit entre l’auteure et son mari en raison de la relation précédemment mentionnée qu’elle aurait eue pendant son séjour au Danemark, elle n’a pas démontré qu’elle serait soumise à des persécutions ou à des violences et qu’elle ne pourrait pas obtenir protection de la part des autorités jordaniennes. L’auteure souligne que les autorités de l’État partie n’ont pas contesté l’évaluation de la protection attendue en Jordanie. Les procédures n’ont pas fait référence à la documentation d’information sur les réelles possibilités d’accès à une protection non discriminatoire de la part des autorités pour les réfugiées palestiniennes n’ayant pas de réseau social en Jordanie.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

L’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond le 11 septembre 2015. Il a rappelé les faits pertinents du dossier. L’auteure, de nationalité jordanienne, a demandé l’asile au Danemark le 15 avril 2013. Le Service danois de l’immigration a rejeté sa demande le 9 octobre 2013. Le 20 décembre 2013, le Ministère de la justice lui a refusé l’octroi d’un permis de séjour pour motifs humanitaires. Le 13 mars 2014, la Commission de recours des réfugiés a confirmé le rejet de la demande d’asile précédemment formulé par le Service.

L’État partie observe que la Commission a souligné que l’auteure n’était pas membre d’un quelconque organisme ou association politique ou religieux et n’était pas engagée dans des activités politiques. Pour étayer sa demande d’asile, l’auteure a indiqué qu’elle craignait son mari. Elle a été contrainte de l’épouser après être tombée amoureuse d’un citoyen danois au Danemark entre 1999 et 2002. Son mari était violent envers elle et lui interdisait de quitter la maison. En 2011, elle s’est sauvée en République arabe syrienne, puis est retournée en Jordanie, où les violences se sont poursuivies. L’auteure s’est rendue au Danemark en 2013.

L’État partie relève que la majorité des membres de la Commission ont estimé que les déclarations de l’auteure semblaient incohérentes et de plus en plus élaborées sur plusieurs points essentiels. Par exemple, elle a indiqué à la police et au Service danois de l’immigration que son mari avait activement participé à son départ ; cependant, elle a par la suite indiqué à la Commission qu’elle s’était sauvée avec l’aide d’un marchand de légumes qui portait le même nom que son mari. La Commission a par ailleurs estimé que les allégations de l’auteure concernant l’ampleur et l’intensité des violences et abus sexuels subis pendant ses années de mariage ne pouvaient pas être considérées comme des faits avérés. La Commission a noté que, même si l’auteure risquait de se trouver dans une situation conflictuelle avec son mari si elle retournait au domicile familial, par exemple « en raison de ladite relation amoureuse vécue pendant son séjour au Danemark », elle n’avait pas montré qu’elle serait soumise à des persécutions ou à des violences pour lesquelles elle serait dans l’impossibilité de solliciter et d’obtenir la protection des autorités jordaniennes. Considérant ce contexte, et au vu de l’évaluation globale du dossier, la majorité des membres de la Commission ont estimé que l’auteure ne risquait pas d’être soumise à des persécutions ou à des violences susceptibles de justifier l’octroi de l’asile en vertu du paragraphe 1) ou 2) de l’article 7 de la loi sur les étrangers.

L’État partie produit par ailleurs une description détaillée des activités de la Commission, de son indépendance, de sa composition, des fondements juridiques de ses décisions, de ses prérogatives, de ses procédures d’évaluation des éléments de preuve et de son utilisation des documents d’information.

Concernant la recevabilité, l’État partie estime que l’auteure n’a pas démontré à première vue qu’elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible de subir des violences sexistes graves en Jordanie. Il considère par conséquent que sa demande est insuffisamment étayée, en vertu de l’article 4 2) c) du Protocole facultatif.

Concernant le fond, l’État partie estime que l’auteure n’a pas démontré qu’elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible de subir des violences sexistes graves en Jordanie. L’auteure n’a pas produit d’éléments d’information nouveaux et précis en plus de l’information sur laquelle la Commission avait fondé sa décision du 13 mars 2014.

Concernant la crédibilité de l’auteure, l’État partie note que la Commission a conclu que ses allégations concernant l’ampleur et l’intensité des violences et abus sexuels subis pendant ses années de mariage ne pouvaient pas être considérées comme des faits avérés. La majorité des membres de la Commission ont souligné que les déclarations de l’auteure semblaient incohérentes et de plus en plus élaborées sur plusieurs points essentiels. La Commission a relevé aussi des incohérences relativement à l’identité de la personne qui aurait aidé l’auteure à quitter la Jordanie.

L’État partie souligne que, dans son entretien avec la police du 24 avril 2013, l’auteure a affirmé qu’elle avait préféré quitter la République arabe syrienne en raison de la guerre et de la maladie de l’un de ses enfants, et qu’elle voulait divorcer. Au Service danois de l’immigration, le 9 septembre 2013, elle a affirmé qu’elle entretenait une relation très difficile avec son mari, qu’ils s’étaient brouillés en 2011, et que son époux lui avait imposé des relations sexuelles et l’avait contrainte à cuisiner des plats que son enfant le plus âgé vendait dans un parc. Elle avait ajouté que son époux la battait et qu’il l’enfermait chaque fois qu’il quittait la maison. Elle a dit craindre d’être expulsée du domicile familial et redouter que ses enfants lui soient retirés en cas de retour.

Devant la Commission, le 13 mars 2014, l’auteure a affirmé que sa relation avec son mari était une véritable torture ; qu’il l’avait violée et battue avec tant de brutalité qu’elle avait fait deux fausses couches ; qu’elle n’avait pas le droit de sortir de la maison ; que son mari l’avait brûlée au visage avec une cigarette et qu’il avait versé de l’huile bouillante sur sa main. L’État partie estime par conséquent que les affirmations de l’auteure ont considérablement évolué depuis sa demande d’asile. Tant dans ses procédures de demande d’asile que dans sa demande au Comité, l’auteure n’a pas réussi à expliquer ces divergences.

L’État partie note également que l’auteure affirme avoir réussi à quitter son époux au moins deux fois alors qu’il était réputé l’enfermer systématiquement dans la maison. Selon ses propres déclarations, l’auteure a réussi à quitter le domicile avec ses enfants en 2011. Le 9 septembre 2013, dans son entretien avec le Service danois de l’immigration, elle a indiqué que son époux l’avait expulsée du domicile et qu’elle avait engagé un avocat qui l’avait aidée à le réintégrer.

L’auteure s’est également contredite sur d’autres points. Au Service, elle a affirmé qu’elle n’avait pas signalé les actes violents de son mari à la police. À la Commission, elle a par contre indiqué qu’elle avait communiqué avec la police à cinq reprises, et qu’elle était alors ensanglantée et portait des marques de violence, mais que les services policiers ne lui avaient procuré aucune aide et l’avaient simplement informée du fait qu’elle pouvait engager des poursuites judiciaires. L’État partie considère par conséquent que les allégations de l’auteure quant au fait qu’elle aurait, ou pas, signalé les actes violents de son époux à la police sont contradictoires et incompatibles avec ses déclarations selon lesquelles son mari l’enfermait dans la maison.

L’État partie relève que l’auteure a indiqué à la police et au Service que son mari l’avait emmenée à Dubaï. À la Commission, cependant, l’auteure a affirmé que c’était une connaissance de l’un de ses amis qui l’avait emmenée à Dubaï, et que le Service l’avait mal comprise. À cet égard, l’État partie souligne que le compte rendu de l’entretien initial a été lu à voix haute à l’auteure et qu’elle l’a accepté sans y ajouter de commentaire.

L’auteure s’est également contredite au sujet du moment où elle a quitté la Jordanie. À la police, elle a indiqué qu’elle s’était enfuie en République arabe syrienne trois ans auparavant, puis qu’elle s’était rendue au Danemark via Dubaï et Le Caire. Lors de son entretien avec le Service, elle a par contre affirmé qu’elle était restée en Jordanie jusqu’à son départ pour le Danemark, en avril 2013.

Au Service, elle a en outre indiqué qu’elle avait convaincu son mari de la laisser partir avec les enfants parce qu’ils jouiraient de meilleures conditions de vie au Danemark. Plus tard, dans le même entretien, elle a affirmé qu’elle avait dit à son mari que son père était malade et qu’il fallait qu’elle aille le voir, mais qu’elle avait assuré son mari qu’elle retournerait en Jordanie ensuite. Interrogée sur cette contradiction, l’auteure a expliqué qu’elle avait annoncé à son mari son intention de rester au Danemark seulement après l’expiration de son visa. À la Commission, elle a par contre affirmé qu’elle s’était sauvée de son domicile en brisant la serrure avant son départ.

Concernant son séjour au Danemark depuis 2013, l’auteure a également produit des déclarations incohérentes et de plus en plus élaborées. Le 9 septembre 2013, devant le Service, elle a affirmé que son époux communiquait parfois avec elle pour prendre des nouvelles des enfants, qu’ils s’étaient parlé pour la dernière fois dans les jours précédents, et qu’il l’expulserait du domicile et garderait les enfants avec lui si elle retournait en Jordanie. Elle a par ailleurs affirmé que son mari lui avait promis de bien la traiter si elle retournait auprès de lui, qu’il ne l’avait pas menacée pendant qu’elle était au Danemark, mais lui avait plutôt dit de revenir et promis de la rendre heureuse. À la Commission, par contre, l’auteure a indiqué que son mari l’avait menacée par téléphone à plusieurs reprises et qu’il avait également menacé son père et sa sœur.

L’État partie indique qu’il est d’accord avec l’évaluation de la Commission relativement aux éléments cruciaux des motifs de la demande d’asile de l’auteure. Il observe qu’il ne peut pas considérer comme des faits avérés les violences et abus sexuels qu’elle dit avoir subis dans ses années de mariage, certains éléments cruciaux de ses déclarations semblant incohérents et de plus en plus élaborés.

Concernant la transcription, datée du 25 décembre 2012, d’un jugement d’un tribunal jordanien dans lequel la cour accorde au père la garde des fils de l’auteure et renvoie celle-ci aux autorités compétentes pour lui assurer protection contre les menaces de son mari, l’État partie observe que l’adultère constitue le motif du transfert de garde selon le document du tribunal précité. L’État partie note en outre que l’auteure n’a mentionné aucune décision prise en 2012 relativement à la garde des enfants lors de son entretien avec le Service en septembre 2013, et ce, en dépit du fait qu’elle a affirmé craindre que son mari lui retire les enfants s’ils retournaient en Jordanie. Le conseil de l’auteure a produit le document en question seulement avant l’audience de la Commission. Devant la Commission, l’auteure a affirmé que son mari avait obtenu la garde des enfants parce qu’elle ne pouvait pas subvenir elle-même à leurs besoins. Elle a également indiqué qu’un an plus tard, elle avait soumis une autre requête aux autorités pour récupérer la garde de ses enfants.

L’État partie s’étonne du fait que l’auteure n’a pas indiqué au Service que le tribunal s’était penché sur la question de la garde des enfants quatre mois avant son départ de la Jordanie. L’auteure n’a pas réussi à expliquer pourquoi le tribunal aurait décidé de transférer la garde des enfants si son mari et elle vivaient encore ensemble à cette époque. L’État partie considère par conséquent que le document a été fabriqué pour la circonstance dans le but d’étayer les allégations de l’auteure relativement à des conflits antérieurs avec son époux. L’auteure n’a pas réussi à montrer qu’elle serait probablement soumise à des violences si elle retournait en Jordanie.

Concernant la possibilité d’obtenir la protection des autorités jordaniennes, l’État partie souligne que, bien qu’elle soit née dans un camp de réfugiés, l’auteure est de nationalité jordanienne et dispose à ce titre des mêmes droits que les autres Jordaniens. L’État partie souligne en outre qu’en tout état de cause, il n’est pas avéré que l’auteure a été soumise à des violences et à des abus sexuels dans ses années de mariage ni qu’elle subira de tels mauvais traitements à l’avenir. Il n’y a par conséquent pas lieu de chercher à établir si les autorités jordaniennes lui offriraient protection.

L’État partie ajoute que les déclarations de l’auteure dans lesquelles elle affirme que son père a organisé son départ du Danemark en 2002 ainsi que son mariage forcé ne peuvent pas en elles-mêmes justifier une évaluation différente de sa demande d’asile ni du risque de persécution auquel elle serait exposée en cas de retour en Jordanie. Les difficultés auxquelles l’auteure pourrait se heurter pour obtenir la garde de ses enfants en cas de divorce et le handicap de son enfant le plus jeune ne peuvent en eux-mêmes justifier l’octroi de l’asile.

Concernant la prise en considération du genre dans les procédures d’examen de la demande d’asile, l’État partie observe que la Commission, non seulement est bien informée, mais connaît aussi parfaitement les diverses formes de persécution et d’abus que les femmes subissent parce qu’elles sont des femmes. La Commission dispose d’une documentation générale exhaustive, y compris sur la situation des femmes. La jurisprudence de la Commission reconnaît par ailleurs que certains types d’abus infligés à des femmes par des personnes privées, y compris des conjoints, sont d’une telle ampleur et d’une telle intensité qu’ils peuvent être considérés comme des persécutions si les autorités ne peuvent pas ou ne veulent pas assurer la protection des victimes.

L’auteure a dit craindre les persécutions fondées sur le genre si elle retourne en Jordanie. Ainsi que l’indique clairement le compte rendu d’entretien avec le Service et les déclarations de l’auteure à la Commission, tel est le point que les autorités danoises responsables de l’immigration se sont efforcées de clarifier dans les procédures d’asile. Lors de son entretien avec le Service, l’auteure a également été invitée à faire des déclarations concernant sa situation et à en préciser différents éléments. Lors de l’audience devant la Commission, l’auteure a été une fois de plus invitée à faire des déclarations, avec l’assistance de son conseil, puis la Commission et le Service ont demandé des éclaircissements. Le fait que l’auteure a été interrogée sur les événements dans leur ensemble, y compris son départ, ne signifie pas que les autorités chargées de l’immigration se sont intéressées uniquement à cette question. Tout demandeur d’asile doit être en mesure de relater la manière dont il a quitté son pays d’origine, et ce récit peut faire partie intégrante de ses déclarations concernant sa situation et en constituer un élément pertinent.

L’État partie ajoute que la police danoise a rencontré l’auteure à plusieurs reprises pour préparer son départ à la suite du rejet de sa demande d’asile. Ces entretiens ont permis d’établir que l’auteure avait détenu un permis de séjour des Émirats arabes unis du 6 janvier 2004 au 5 janvier 2007, puis du 26 décembre 2005 au 25 janvier 2009. Elle et ses cinq enfants auraient également été titulaires de permis de séjour de ce pays du 21 mars 2012 au 20 mars 2014. L’auteure a indiqué que son mari vivait à Abou Dhabi depuis 1998, qu’elle-même y a emménagé en 2005 et qu’elle y est restée jusqu’en 2013. Quatre de ses enfants sont nés dans ce pays et deux d’entre eux y ont été scolarisés en 2012-2013. L’information disponible montre également que l’auteure est passée par Istanbul, en Turquie, pour se rendre de Dubaï au Danemark.

L’auteure a expliqué qu’elle avait tenté de dissimuler son visa des Émirats arabes unis aux autorités danoises parce qu’elle craignait d’être renvoyée dans ce pays auprès de son mari. Pour la même raison, elle n’a pas indiqué le véritable lieu de naissance de ses enfants dans ses déclarations.

L’État partie observe que l’information reçue de la police contredit les affirmations antérieures de l’auteure, y compris quant à ses conditions de vie, son départ et son itinéraire, et ses déclarations à la police et procédures judiciaires alléguées en Jordanie. L’État partie considère que l’auteure n’a pas réussi à expliquer de manière convaincante pourquoi elle n’avait pas divulgué toute l’information sur ses conditions de vie et n’avait pas décrit son itinéraire de manière véridique.

L’État partie considère que la Commission a pris en considération toute l’information pertinente dans sa décision, et que la présente communication ne révèle aucune information établissant que l’auteure risque de subir des persécutions ou des violences susceptibles de justifier l’octroi de l’asile.

L’État partie rappelle qu’il convient d’accorder un poids important aux déclarations faites dans le cadre des entretiens menés par l’État partie, sauf s’il est établi que l’évaluation était manifestement arbitraire ou représentait un déni de justice, et que c’est généralement aux organes de l’État qu’il appartient d’examiner ou d’apprécier les faits et les éléments de preuve en vue d’établir l’existence d’un tel risque. L’État partie souligne que la Commission, organe collégial quasi judiciaire, ayant réalisé une évaluation soigneuse de la crédibilité de l’auteure, des circonstances particulières de sa situation et de l’information contextuelle disponible, a conclu qu’elle n’avait pas réussi à montrer qu’elle risquerait de subir des persécutions ou des violences susceptibles de justifier l’octroi de l’asile si elle retournait en Jordanie.

L’État partie rappelle en outre que le Comité des droits de l’homme a estimé dans une autre décision qu’en l’absence d’éléments établissant que la Commission avait traité les allégations de l’auteure de manière manifestement déraisonnable ou arbitraire, il ne pouvait pas conclure de l’information dont il disposait que l’expulsion de l’auteure l’exposerait à un risque réel de traitements contraires à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’État partie estime que la communication de l’auteure exprime simplement son désaccord à l’égard de l’évaluation de sa crédibilité par la Commission et qu’elle n’a pas réussi à mettre en lumière quelque irrégularité que ce soit dans le processus de prise de décisions ni un quelconque facteur de risque ayant été insuffisamment pris en considération par la Commission. L’État partie croit que l’auteure cherche à utiliser le Comité comme organe de recours afin qu’il procède à une nouvelle appréciation des éléments factuels présentés à l’appui de sa demande d’asile. L’État partie conclut que le retour de l’auteure en Jordanie ne constituerait pas un traitement contraire à la Convention.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

L’auteure a présenté ses commentaires le 25 novembre 2015. Concernant la crédibilité, elle note que l’État partie est d’accord avec l’évaluation de la Commission, qui a estimé que ses déclarations sur la violence, les abus et la coercition pendant ses années de mariage manquaient de crédibilité. L’auteure indique qu’elle avait reconnu l’incohérence de ses déclarations relativement à son départ, mais que ces déclarations ne devraient pas en elles-mêmes mener à une évaluation négative de sa crédibilité. À cet égard, l’auteure cite le document du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) intitulé Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, qui précise que l’examinateur doit dans certains cas résoudre les contradictions et incohérences apparentes et trouver l’explication des fausses représentations ou de la dissimulation de faits pertinents. En elles-mêmes, des déclarations inexactes ne constituent pas une raison suffisante pour refuser le statut de réfugié, et l’examinateur a la responsabilité d’évaluer de telles déclarations à la lumière des diverses circonstances du cas.

L’auteure a expliqué à son avocat qu’elle avait d’abord tenté de dissimuler son visa pour les Émirats arabes unis de crainte d’être renvoyée auprès de son mari. Pour la même raison, elle n’a pas indiqué le véritable lieu de naissance de ses enfants.

Concernant son lieu de résidence, l’auteure a expliqué à l’avocat que son père lui avait pris son passeport quand elle est arrivée en Jordanie en 2002. Elle a été contrainte de se marier, et son mari lui a obtenu un nouveau passeport valide six mois. À la même époque, il a obtenu un visa et un permis de séjour temporaire pour les Émirats arabes unis, puisqu’il travaillait dans ce pays. Au cours des années suivantes, ils ont fait des allers-retours entre les Émirats arabes unis et la Jordanie en voiture. L’auteure est titulaire depuis 2002 de documents valides pour les Émirats arabes unis. Seul son fils aîné a été scolarisé en Jordanie.

L’auteure a également précisé à l’avocat qu’en 2011, elle avait échappé à l’emprise de son mari pour rejoindre son père en République arabe syrienne, mais que son père lui avait demandé de repartir.

Elle répète que son mari croyait que son père (celui de l’auteure) était malade, qu’elle allait lui rendre visite et qu’elle retournerait en Jordanie ensuite. Son mari l’a aidée à obtenir son visa et l’a emmenée en voiture à Dubaï, ainsi que leurs enfants.

L’auteure explique aussi qu’elle a sollicité la protection de la police jordanienne. Après avoir tenté de se suicider, elle a communiqué avec la police à l’hôpital Khalifa d’Abou Dhabi. Le personnel médical et la police ont été témoins des menaces et violences physiques qu’elle a subies de la part de son mari, qui voulait qu’elle rentre à la maison. La police ne l’a pas protégée. L’auteure a parlé de sa tentative de suicide aux autorités danoises, mais leur a dissimulé le fait qu’elle s’était produite aux Émirats arabes unis.

Le conseil déplore cette dissimulation d’information, mais note qu’à la lumière des craintes de l’auteure et des mesures qu’elle a prises pour éviter de retourner auprès de son mari aux Émirats arabes unis, cet aspect du cas ne devrait pas entraîner le rejet de sa demande d’asile pour cause de manque de crédibilité. Le fait que la famille a vécu aux Émirats arabes unis n’altère en rien les éléments fondamentaux du dossier, à savoir les persécutions fondées sur le genre et la violence familiale. En outre, l’auteure a aussi été victime de violence aux Émirats arabes unis. L’information relative au temps qu’elle a passé aux Émirats arabes unis ne change rien au fond de sa demande ni à la nature sexiste des persécutions subies. L’auteure a été contrainte de se marier et soumise à des actes de violence, d’abus et de harcèlement. Elle était assujettie à la volonté de son mari. Elle n’avait pas de réseau social pour la soutenir et n’a obtenu aucune protection de la part des autorités jordaniennes.

Le conseil cite en outre les lignes directrices du HCR en matière de détermination de la crédibilité, qui sont décrites dans le document Au-delà de la preuve. Évaluation de la crédibilité dans les systèmes d ’ asile européens, résumé, et précisent qu’un demandeur pourrait témoigner en toute bonne foi des principaux motifs de sa demande de protection internationale après avoir présenté de fausses informations relatives à son itinéraire, mais que :

Un tel comportement ne saurait être automatiquement employé comme motif pour imposer un seuil de crédibilité plus élevé, ou refuser d’accorder au demandeur le bénéfice du doute. Lorsque la présentation de fausses informations […] concerne un fait pertinent […], l’autorité responsable de la détermination doit vérifier si le demandeur est en mesure de fournir une explication satisfaisante pour justifier son comportement. […] En outre, le HCR rappelle que les déclarations inexactes ne constituent pas à elles seules un motif pouvant justifier un refus d’accorder le statut de réfugié.

Le conseil estime que l’auteure a fourni une explication plausible quant à son séjour aux Émirats arabes unis.

Concernant les mesures prises par l’époux pour retrouver l’auteure, le conseil relève que la police danoise, dans ses derniers rapports, indiquait avoir reçu une lettre du mari en date du 22 mars 2014, dans laquelle l’époux déclarait avoir tenté de retrouver l’auteure et lui demandait de retourner au domicile conjugal avec les enfants. Le mari ne communique plus avec le père de l’auteure, car celui-ci ne l’a pas renvoyée en Jordanie. L’auteure a changé de numéro de téléphone et son mari ne peut plus la joindre.

Concernant l’insuffisance de la prise en compte du genre dans la procédure d’asile, le conseil note que la plupart des questions posées à l’auteure par le Service danois de l’immigration et la Commission de recours des réfugiés portaient sur les aspects factuels de sa situation, et que rares étaient celles qui abordaient la nature de la violence et des abus subis pendant ses années de mariage. Une véritable prise en compte de la situation particulière des femmes dans les procédures d’asile ne se résume pas à permettre à la demanderesse de présenter son récit, mais consiste aussi à veiller à ce que l’information pertinente fasse l’objet d’un examen adéquat. Le conseil rappelle que, selon le Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés du HCR, la tâche d’établir et d’évaluer tous les faits pertinents doit être menée conjointement par le demandeur et l’examinateur. Le conseil estime que les autorités chargées de l’examen de la demande d’asile de l’auteure n’ont pas analysé de manière suffisamment approfondie ses déclarations concernant le châtiment qu’elle a subi pour ne s’être pas conformée aux normes traditionnelles de genre, le mariage forcé et les actes et comportements violents de son mari.

Même si c’est en 2002 que l’auteure a été punie pour avoir désobéi aux normes traditionnelles, ce châtiment n’en reste pas moins pertinent pour déterminer si elle a été victime de violence et de discrimination fondées sur le genre et si elle risque de l’être à l’avenir. Pour le conseil, le fait que la famille a accepté le mariage forcé est étroitement relié au risque qui pèserait sur l’auteure si elle était renvoyée à une relation matrimoniale violente. Selon le conseil, l’absence de prise en considération du rapport entre le châtiment infligé à l’auteure par sa propre famille pour avoir désobéi aux normes traditionnelles, d’une part, et la nature violente de sa relation matrimoniale, d’autre part, et ce, dans le contexte d’un manque de protection de la part des autorités jordaniennes, démontre l’insuffisance de la prise en compte du genre dans l’examen et l’évaluation de la demande d’asile.

L’État partie indique que, bien qu’elle soit née dans un camp de réfugiés, l’auteure bénéficie, en tant que citoyenne jordanienne, de protections identiques à celles qui sont accordées à tous les Jordaniens, mais cette affirmation ne s’appuie pas sur la documentation d’information disponible. Au contraire, elle contredit le rapport de la Rapporteuse spéciale, qui observait que les Palestiniennes, même si elles détiennent la nationalité jordanienne, ne bénéficient pas des mêmes protections que les autres Jordaniennes contre la violence familiale.

Observations complémentaires de l’État partie

L’État partie a soumis ses observations complémentaires par une note verbale du 2 mars 2017. Il relève tout d’abord que les commentaires de l’auteure du 25 novembre 2015 n’apportent aucune information nouvelle sur son contexte social ou sur sa situation en Jordanie. Les explications fournies relativement à la dissimulation d’information concernant les Émirats arabes unis reprennent simplement celles qui avaient été soumises à la Commission de recours des réfugiés le 29 juillet 2015.

Concernant les affirmations de l’auteure selon lesquelles les incohérences dans ses déclarations n’auraient pas dû mener à une évaluation négative de sa crédibilité, et selon lesquelles également la dissimulation d’information n’aurait pas dû déboucher sur un rejet global de sa demande d’asile, l’État partie note que la Commission, dans sa décision du 13 mars 2014, a accordé une importance décisive au fait que le récit de l’auteure semblait incohérent et de plus en plus élaboré sur un certain nombre de points essentiels.

L’État partie rappelle que, dans sa communication, l’auteure exprime simplement son désaccord à l’égard des conclusions des autorités chargées de l’examen de sa demande d’asile. Elle n’a cependant pas établi que cette évaluation était arbitraire ou constituait un déni de justice ou une erreur manifeste, et n’a pas réussi non plus à mettre en lumière quelque irrégularité que ce soit dans le processus de prise de décisions ou un quelconque facteur de risque ayant été insuffisamment pris en considération par la Commission.

Concernant la lettre du mari de l’auteure datée du 22 mars 2014 et adressée à la police danoise, l’État partie note que l’auteure n’a pas mentionné ce document dans la communication qu’elle a soumise au Comité. La Commission a conclu que cette lettre n’aurait pas d’incidence sur l’évaluation de la demande d’asile ; considérée isolément, elle n’appuie pas de manière précise les affirmations de l’auteure quant aux risques de violences sexistes auxquels elle serait exposée en Jordanie.

Concernant les allégations d’insuffisance de la prise en compte de la dimension de genre dans l’analyse du dossier, l’État partie note que la demande d’asile de l’auteure s’appuyait sur sa crainte d’être victime de persécutions fondées sur le genre. Il ressort clairement des entretiens avec l’auteure que c’est sur ce point précis que les autorités de l’immigration ont fait porter leur analyse. L’auteure s’est présentée devant la Commission le 13 mars 2014 et cette dernière, dans sa décision relativement à la demande d’asile de l’auteure, a pris en considération sa situation dans son ensemble, y compris le fait qu’elle est une femme.

Commentaires complémentaires de l’auteure

L’auteure a présenté ses commentaires complémentaires le 3 août 2017. Elle relève que, le 26 juillet 2017, elle a indiqué à son conseil que son mari avait téléphoné à sa famille (celle de l’auteure) en Jordanie à plusieurs reprises et avait alors proféré des menaces. Elle a également appris qu’il tentait d’obtenir un visa Schengen pour le Danemark et elle craignait qu’il vienne au Danemark, leur fasse du mal, à elle et à leurs enfants, et les oblige à repartir.

En particulier, sur la question de sa crédibilité, l’auteure note que la Commission, le 13 mars 2014, a estimé que ses déclarations concernant l’ampleur et l’intensité des violences et abus sexuels qu’elle avait subis ne pouvaient pas être considérées comme des faits avérés. Elle rappelle qu’elle avait dit à la police qu’elle avait quitté la République arabe syrienne à cause de la guerre et des problèmes de santé de l’un de ses enfants, et qu’elle voulait divorcer d’avec son mari. Au Service danois de l’immigration, elle a indiqué qu’elle vivait une relation difficile avec son mari, qu’il lui avait imposé des relations sexuelles, l’avait contrainte à cuisiner, et qu’il l’avait battue et séquestrée ; qu’elle craignait d’être expulsée de la maison et redoutait que ses enfants lui soient retirés s’ils retournaient en Jordanie. À la Commission, elle a indiqué que sa relation avec son mari était une véritable torture ; qu’il l’avait violée et battue avec tant de brutalité qu’elle avait fait deux fausses couches ; qu’il lui interdisait de sortir de la maison, l’avait brûlée et avait versé de l’huile bouillante sur sa main.

L’auteure note qu’il est raisonnable de penser qu’une relation violente telle que celle qu’elle a décrite, et qui s’est déployée sur une aussi longue période, peut également avoir été marquée par d’autres types de violence, par exemple des coups provoquant une fausse couche ou des brûlures à la cigarette ou à l’huile chaude, et que l’on ne peut s’attendre à ce que de tels détails soient systématiquement divulgués lors d’une entrevue pendant laquelle l’auteure a déjà relaté plusieurs actes graves de violence conjugale. En outre, l’information complémentaire qu’elle a fournie sur les violences qu’elle a subies ne contredit pas celle qui était inscrite dans les motifs de sa demande d’asile et ne peut pas être considérée comme une tentative d’ajouter un motif à sa demande d’asile. La documentation d’information sur la Jordanie appuie du reste les déclarations de l’auteure. L’information complémentaire qu’elle a fournie à la Commission n’a rien de suspect et n’aurait par conséquent pas dû être utilisée pour miner sa crédibilité.

L’auteure a fourni d’autres commentaires le 13 novembre 2017. Elle ajoute qu’une déclaration établie par un juge d’Irbid confirme qu’elle s’est adressée au tribunal à plusieurs reprises en 2008 relativement à des questions de pension alimentaire pour les enfants et elle et de garde des enfants, requêtes qu’elle a par la suite retirées.

Observations complémentaires de l’État partie

L’État partie a soumis ses observations complémentaires par une note verbale du 23 février 2018. Il relève que les commentaires complémentaires de l’auteure en date du 3 août 2017 reprennent des éléments d’information contenus dans ses communications précédentes. L’auteure ajoute néanmoins qu’elle a appris que son mari envisageait de se rendre au Danemark. À la lumière des conclusions des autorités responsables de l’immigration relativement à la crédibilité de l’auteure, l’État partie rejette cette information.

Concernant les observations de l’auteure en date du 13 novembre 2017, l’État partie observe qu’elles ne contiennent pas d’information factuelle nouvelle. Il réaffirme qu’à son avis, l’auteure n’a pas établi que l’évaluation de la Commission était arbitraire ou constituait un déni de justice ou une erreur manifeste. Elle n’a pas réussi non plus à mettre en lumière quelque irrégularité que ce soit dans le processus de prise de décisions ou un quelconque facteur de risque ayant été insuffisamment pris en considération par la Commission. Tout au long des procédures, l’auteure a proposé des récits extrêmement peu crédibles et de plus en plus élaborés de sa situation. Les informations additionnelles qu’elle a produites ne peuvent en rien modifier l’évaluation qui a été faite de sa crédibilité.

Concernant le document émis par un tribunal et annexé aux commentaires de l’auteure du 13 novembre 2017 en tant que preuve qu’elle avait engagé des procédures judiciaires en 2008, l’État partie note que ce document ne saurait induire une conclusion différente en l’espèce. Il n’établit pas qu’il est probable qu’un jugement ait accordé la garde exclusive des enfants à l’époux en 2012. Il n’y a par conséquent pas lieu d’en solliciter l’authentification. L’État partie note par ailleurs que les décisions de demande d’authentification des documents présentés par les demandeurs d’asile se fondent sur une évaluation globale du cas considéré, notamment pour ce qui concerne la nature et le contenu des documents, et sur la probabilité qu’une telle vérification puisse induire une appréciation différente des éléments de preuve, le moment et les circonstances de la présentation du document considéré, et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, à la lumière de la documentation d’information relative au pays concerné. Renvoyant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’État partie note que la Commission n’a pas l’obligation de vérifier systématiquement l’authenticité des documents dans tous les cas portés à son attention.

L’État partie note en outre que l’auteure n’a pas établi la probabilité des motifs de sa demande d’asile. Il semble au contraire évident que ce cas particulier constitue plutôt une affaire de réunification familiale, les déclarations divergentes de l’auteure montrant qu’elle tentait ainsi d’obtenir un permis de séjour danois dans l’intention de rester avec sa famille. L’État partie ne pouvant considérer comme des faits avérés les éléments d’information contenus dans ses déclarations, y compris en ce qui concerne le conflit qui l’oppose à son mari, il maintient que l’expulsion de l’auteure n’enfreindrait pas les dispositions de la Convention.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit dire si la communication est recevable ou non en vertu du Protocole facultatif. Conformément au paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la même affaire n’avait pas déjà fait ou ne faisait pas l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement international.

Le Comité note que l’auteure affirme avoir épuisé tous les recours internes à sa disposition et que l’État partie ne conteste pas l’admissibilité de la communication pour ce motif. Le Comité observe que, selon l’information dont il dispose, les décisions de la Commission de recours des réfugiés ne peuvent pas être portées en appel devant un tribunal national. Par conséquent, le Comité considère que le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif ne lui interdit pas d’examiner la présente communication.

Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteure selon laquelle le Danemark, s’il la renvoyait en Jordanie avec ses enfants, enfreindrait l’article 1 et l’alinéa d de l’article 2, lus à la lumière des alinéas e et f de l’article 2 de la Convention. Il prend note également des observations de l’État partie selon lesquelles l’auteure n’a pas réussi à établir le bien-fondé de ses affirmations de manière satisfaisante aux fins de la recevabilité, qu’elle est en désaccord avec les conclusions des autorités chargées de l’examen de sa demande d’asile et qu’elle tente de faire réévaluer son cas en utilisant le Comité comme organe de recours ; qu’elle n’a pas établi que l’évaluation de la Commission était arbitraire ou constituait un déni de justice ou une erreur manifeste, et qu’elle n’a pas non plus mis en lumière quelque irrégularité que ce soit dans le processus de prise de décisions ou un quelconque facteur de risque ayant été insuffisamment pris en considération par la Commission.

Le Comité rappelle qu’en vertu du droit international des droits de l’homme, le principe de non-refoulement fait obligation aux États parties de ne pas renvoyer une personne là où elle risque de subir de graves violations des droits de l’homme, notamment la privation arbitraire de la vie ou la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il rappelle également que la violence fondée sur le sexe, qui compromet ou rend nulle la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes en vertu des principes généraux du droit international ou des conventions particulières relatives aux droits de l’homme, constitue une discrimination, au sens de l’article premier de la Convention, et que parmi ces droits figurent notamment le droit à la vie et celui de ne pas être soumis à la torture. Il réaffirme l’obligation qui incombe aux États parties d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes, y compris la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, et rappelle que cette obligation crée une double responsabilité pour les États : celle qui découle des actes ou omissions de l’État partie ou de ses acteurs, d’une part ; celle qui résulte des actes ou omissions des acteurs non étatiques, d’autre part.

Le Comité note qu’en l’espèce, les autorités de l’État partie chargées de l’examen de la demande d’asile ont conclu que les déclarations de l’auteure manquaient de crédibilité en raison d’un certain nombre d’incohérences factuelles et de l’insuffisance des éléments présentés à l’appui de la demande. Le Comité prend note en outre de l’affirmation de l’État partie selon laquelle, dans la communication qu’elle a soumise au Comité, l’auteure n’a pas réussi à apporter, en plus des éléments déjà présentés aux autorités responsables de l’examen de sa demande d’asile, de nouveaux éléments susceptibles d’étayer son dossier. Il note par ailleurs l’observation de l’État partie selon laquelle, en tout état de cause, toutes les allégations de l’auteure ont été soigneusement examinées par les autorités chargées d’examiner sa demande d’asile, y compris la Commission de recours des réfugiés, mais ont été rejetées dans leur ensemble, particulièrement en raison du manque de crédibilité de ses affirmations.

Le Comité rappelle que c’est généralement aux autorités de l’État partie à la Convention qu’il revient d’évaluer les faits et les éléments de preuve se rapportant au cas à l’étude, sauf s’il peut être établi que cette évaluation était biaisée ou fondée sur des stéréotypes de genre discriminatoires à l’égard des femmes, ou qu’elle était manifestement arbitraire ou constituait un déni de justice.

Compte tenu de ce qui précède, et sans sous-estimer les préoccupations pouvant légitimement être exprimées sur la violence et la discrimination fondée sur le genre en Jordanie, le Comité considère que l’auteure n’a pas démontré, aux fins de la recevabilité, que l’évaluation de sa demande d’asile par les autorités danoises compétentes, y compris la Commission de recours des réfugiés, avait entraîné une telle discrimination . Le Comité considère par ailleurs que le dossier ne comporte aucun élément permettant de conclure que les autorités de l’État partie n’ont pas examiné la demande d’asile de l’auteure de manière adéquate et suffisamment approfondie, ou que le processus d’examen de sa demande, en tant que femme demandant l’asile, pourrait être entaché de vices de procédure ou d’arbitraire.

En conséquence, le Comité décide que :

a)la communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif ;

b)la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.