Communication présentée par :

R. S. A. A. et al. (représentée par un conseil, Marie Louise Frederiksen)

Au nom de :

L’auteure et ses deux filles, S. A. et H. A.

État partie :

Danemark

Date de la communication :

28 avril 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Communiquée à l’État partie le 30 avril 2015 (non publiée sous forme de document)

Date d’adoption des constatations :

15 juillet 2019

Exposé des faits

L’auteure de la communication est R. S. A. A., réfugiée palestinienne de la République arabe syrienne détentrice d’un passeport jordanien, née en 1970. La communication est présentée au nom de l’auteure et de ses deux filles, S. A. et H. A., nées en 1998 et 2005, respectivement. L’auteure affirme que son expulsion et celle de ses filles du Danemark vers la Jordanie violerait leurs droits prescrits à l’article premier et à l’alinéa d) de l’article 2, lus conjointement avec les alinéas e) et f) de l’article 2 et le paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention. La Convention et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur au Danemark en 1983 et 2000, respectivement. L’auteure est représentée par un conseil, Marie Louise Frederiksen.

La demande d’asile de l’auteure a été rejetée par le Service de l’immigration danois le 11 octobre 2013. La Commission de recours des réfugiés a rejeté l’appel introduit contre cette décision en date du 21 janvier 2014. Dans une lettre datée du 9 juillet 2014, l’auteure a demandé à la Commission de rouvrir la procédure d’asile. Le 14 avril 2015, la Commission a rejeté cette demande. Le 23 avril, les autorités danoises ont informé l’auteure qu’elle serait expulsée vers la Jordanie dans les semaines qui suivaient.

Le 30 avril, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail sur les communications présentées conformément au Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de se garder d’expulser l’auteure et ses enfants vers la Jordanie avant qu’il n’ait examiné son cas, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 de son règlement intérieur. Le 7 mai, la Commission de recours des réfugiés a suspendu jusqu’à nouvel avis le délai fixé pour le départ de l’auteure et de ses enfants, conformément à la demande formulée par le Comité.

Le 4 février 2016 et le 15 décembre 2016, le Comité a rejeté les demandes de l’État partie de lever les mesures provisoires.

Rappel des faits présentés par l’auteure

L’auteure est une Palestinienne apatride, née et élevée dans le camp de réfugiés de Yarmouk géré par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), à Damas. Elle a bénéficié d’un passeport jordanien à la faveur de son mariage avec un ressortissant jordanien en 1990. À la suite de ce mariage, elle a résidé en République arabe syrienne et en Jordanie. Elle a cinq enfants, dont trois résident toujours à Zarqa’, en Jordanie. Les parents et frères et sœurs de l’auteure ont obtenu le statut de réfugiés au Danemark en 1994.

L’auteure et ses filles sont arrivées au Danemark en novembre 2012. L’auteure a quitté la Jordanie car elle-même et ses filles étaient victimes de menaces et de mauvais traitements de la part de son mari et de la famille de celui-ci, qui appartiennent à un clan jordanien influent. Ces maltraitances se sont aggravées lorsque l’auteure s’est opposée au mariage forcé de sa fille de 20 ans à un homme bien plus âgé, ce qui a conduit son mari à la battre et à la torturer.

Par la suite, au début d’août 2012, un homme d’environ 35 ans a demandé en mariage la cadette, âgée alors de 15 ans. L’auteure a feint de donner son accord, mais a décidé de fuir au Danemark avec ses filles en faisant croire à son mari que, accompagnée de ses enfants, elle ne faisait que se rendre au chevet de sa mère prétendument malade.

Pour voyager hors de la Jordanie non accompagnée de son mari, l’auteure avait besoin d’une autorisation écrite de celui-ci, signée et enregistrée auprès de la police de Zarqa’. L’auteure a réussi à convaincre son mari de la nécessité de sa visite au Danemark en se faisant accompagner de ses deux plus jeunes filles. L’auteure a présenté la déclaration signée aux autorités pour les formalités de visa et de départ à l’aéroport.

Le 17 novembre 2012, l’auteure et ses deux filles sont entrées au Danemark avec leurs passeports jordaniens et des visas en règle délivrés par l’ambassade du Danemark en Jordanie.

Le 16 août 2013, l’auteure a introduit une demande d’asile, qui a été rejetée le 11 octobre 2013 par le Service de l’immigration danois. Le 21 janvier 2014, la Commission de recours des réfugiés a confirmé la décision de refus de la demande d’asile. La Commission a conclu que la demande de l’auteure manquait de crédibilité et que les explications données ainsi que l’exposé des faits présentés par l’auteure étaient évasifs, peu clairs et, parfois, contradictoires. Ces faits semblaient avoir été inventés.

En mars 2014, l’auteure a appris que son mari l’accusait d’avoir enlevé leurs deux filles, qui l’avaient accompagnée au Danemark. Le fils de l’auteure, qui résidait toujours en Jordanie, avait eu vent d’une conversation entre son père et des membres de sa famille, dans laquelle il avait été question d’un mandat d’arrêt délivré contre l’auteure. Quelques semaines plus tard, le fils de l’auteure avait pu prendre une photo du mandat d’arrêt, selon lequel l’auteure avait été, en date du 24 août 2013, condamnée par contumace à deux ans de prison pour l’enlèvement de ses filles.

Le 9 juillet 2014, l’auteure a demandé à la Commission de recours des réfugiés de rouvrir son dossier de demande d’asile sur la base du mandat d’arrêt. Le 14 avril 2015, la Commission a rejeté cette demande au motif présumé que le mandat d’arrêt était un faux destiné à confirmer le bien-fondé de la demande d’asile.

Le 23 avril 2015, les autorités danoises ont informé l’auteure qu’elle serait expulsée en Jordanie dans les semaines suivantes.

L’auteure affirme qu’elle a épuisé toutes les voies de recours internes disponibles et que la communication n’est pas examinée au titre de toute autre procédure internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

L’auteure soutient qu’en les renvoyant en Jordanie, elle et ses filles, l’État partie violerait les obligations que lui imposent l’article premier et l’alinéa d) de l’article 2, lus conjointement avec les alinéas e) et f) de l’article 2 et le paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention.

S’agissant de l’article premier et de l’alinéa d) de l’article 2, lus conjointement avec les alinéas e) et f) de l’article 2, l’auteure affirme qu’à leur retour en Jordanie, elle et ses filles seraient victimes de traitements inhumains et dégradants, de violence domestique et de maltraitance grave. Elle craint en particulier la fureur de son mari déshonoré par elle, et craint qu’il ne les tue, elle et ses filles. L’auteure a souligné que pendant vingt-cinq ans de mariage, elle et ses enfants ont été exposés à la violence et à des traitements dégradants et se sont trouvés sous le contrôle permanent de son mari. Elle n’avait également aucun moyen de demander la protection des autorités jordaniennes compte tenu de leurs pratiques discriminatoires et de la situation avantageuse de la famille de son mari, tous faits qui, ensemble, pouvaient être caractérisés de discrimination et de violence liées au genre. Elle affirme que son voyage au Danemark, les menaces qui ont suivi de la part de son mari et le mandat d’arrêt délivré à son encontre n’ont fait qu’exacerber le conflit qui l’opposait à son mari. Elle estime que, nonobstant ses demandes répétées formulées dans le contexte de la procédure d’asile, les autorités de l’État partie n’ont pas recouru à une approche faisant valoir ses droits en tant que femme. À cet égard, elle se réfère à la recommandation générale no 19 (1992) du Comité relative à la violence à l’égard des femmes et à la recommandation générale no 32 (2014) relative aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d’asile et la nationalité et l’apatridie des femmes.

L’auteure précise également qu’à son retour, elle ne serait pas en mesure de solliciter la protection des autorités jordaniennes, compte tenu de la législation, des pratiques juridiques et des normes culturelles du pays qui sont discriminatoires envers les femmes. Elle ajoute que, même si elle détient un passeport jordanien, elle est réfugiée palestinienne apatride, et que son statut la fragilise encore davantage devant les autorités jordaniennes.

L’auteure soutient qu’ayant fait l’objet d’un mandat d’arrêt et ayant été condamnée par contumace à deux ans de prison, elle sera arrêtée dès son retour en Jordanie. Son mari bénéficiera alors de la garde pleine et entière de leurs filles, qu’elle ne pourra plus défendre. En outre, l’auteure affirme qu’elle sera contrainte d’accepter le mariage forcé de sa fille avec un homme bien plus âgé qu’elle.

L’auteure indique également que le fait qu’elle n’a aucun lien familial en Jordanie et qu’elle a vécu dans l’isolement sous le contrôle de son mari devrait être pris en considération. Elle ne dispose en conséquence d’aucun lien social qui l’aiderait là-bas.

L’auteure indique en outre que le fait d’avoir été dans l’obligation de demander à son mari la permission de quitter la Jordanie avec ses filles conformément aux pratiques établies par les autorités jordaniennes constitue une violation de ses droits au sens du paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

Le 30 octobre 2015, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication et a demandé au Comité de retirer sa demande de mesures provisoires de protection.

L’État partie rappelle les faits de l’espèce et présente une description complète de l’organisation, de la composition, des fonctions, des prérogatives et de la compétence de la Commission de recours des réfugiés. Il prend aussi en compte les garanties en place pour préserver l’équité des procédures liées à l’asile, notamment la représentation juridique, la présence d’un interprète et le droit des demandeurs d’asile de faire appel. Il fait observer que la Commission dispose d’un ensemble complet de documents de référence généraux sur la situation des droits de l’homme dans les pays d’origine des demandeurs d’asile, documents régulièrement actualisés et dûment examinés lors des processus de prise de décisions.

L’État partie fait observer que l’auteure s’appuie sur la portée extraterritoriale de la Convention, qui ne s’applique que lorsqu’une femme que l’on entend expulser court un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence fondée sur le genre.L’auteure n’ayant pas donné de preuves suffisantes qu’elle serait exposée à un tel risque en cas de retour forcé en Jordanie, la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, parce qu’elle est manifestement mal fondée. 

Pour l’État partie, même si le Comité devait considérer que la communication est recevable et que l’affaire doit être examinée quant au fond, l’auteure n’a pas présenté de renseignements suffisants prouvant qu’elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence fondée sur le genre, en cas de retour avec ses enfants en Jordanie. L’État partie fait observer que l’auteure n’a pas fourni de renseignements nouveaux et spécifiques sur sa situation, en complément des renseignements sur la base desquels la Commission de recours des réfugiés avait refusé sa demande d’asile.

L’État partie rappelle que les déclarations de l’auteure devant le Service danois de l’immigration et la Commission de recours des réfugiés étaient incohérentes. Au cours des entretiens avec les autorités danoises, l’auteure a affirmé qu’elle avait vécu une relation oppressante et violente et qu’elle avait été surveillée et empêchée de quitter son domicile si elle n’était pas accompagnée d’un homme. L’État partie a estimé que si cela avait été le cas, il est improbable que le mari l’aurait autorisée à se rendre, ainsi que ses filles, dans un autre pays sans accompagnateur, sachant notamment qu’une des filles était sur le point de se marier. Cela est d’autant plus improbable que l’auteure s’était opposée au mariage forcé de sa fille aînée. La position de l’auteure concernant cette question devait être bien connue de son mari, et les explications qu’elle lui a fournies concernant son voyage auraient dû éveiller des doutes.

L’État partie considère également que l’affirmation de l’auteure selon laquelle le mari a autorisé les filles à l’accompagner au Danemark seulement parce qu’elles étaient trop jeunes pour être autonomes n’était pas crédible. À cet égard, l’État partie fait remarquer que l’auteure, selon ses propres dires, avait vécu avec la famille de son mari en Jordanie. Il est donc invraisemblable que personne n’ait pu veiller sur les filles, nées en 1998 et 2005, respectivement.

En outre, l’État partie met en doute les propos de l’auteure lorsqu’elle affirme qu’elle avait convaincu son mari de l’autoriser à se rendre au Danemark en l’aidant volontairement dans ses activités illégales. L’État partie doute également de la déclaration de l’auteure concernant le meurtre de son cousin par son époux. À cet égard, l’État partie note que l’auteure a fait part pour la première fois de cette information lors de sa rencontre avec son conseil, le 11 décembre 2013, et qu’elle l’a répétée lors de l’audition devant la Commission de recours des réfugiés, le 21 janvier 2014, mais n’en avait jamais parlé auparavant malgré l’importance de cet élément et les nombreuses occasions qu’elle avait eues de le faire, que ce soit dans la demande ou, par la suite, durant les entretiens. L’État partie doute de la crédibilité de l’excuse de l’auteure, qui a affirmé qu’elle ne pouvait pas révéler cette information, craignant de subir les représailles de sa famille. Il considère que l’auteure a dû se rendre compte de l’importance de cette information au regard de l’évaluation de sa demande d’asile et qu’elle était dûment informée de l’obligation de confidentialité qui s’impose aux autorités danoises en ce qui concerne tous les renseignements qui peuvent leur être révélés au cours de la procédure. L’État partie observe que la Commission de recours des réfugiés attache également de l’importance à plusieurs autres déclarations peu plausibles.

En ce qui concerne la demande de l’auteure de rouvrir la procédure d’asile, l’État partie note que la crédibilité d’ensemble de l’auteure est fragilisée par le fait que la Commission de recours des réfugiés ne peut accepter comme des faits les déclarations de l’auteure relatives aux motifs originaux de la demande d’asile. En outre, la Commission n’a pas été convaincue par l’affirmation selon laquelle les enfants de l’auteure ont eu connaissance fortuitement de l’existence d’un mandat d’arrêt, alors qu’ils avaient entendu leur père en parler en mai 2014, sachant en outre qu’elle n’a apporté aucune explication raisonnable sur la manière dont le document est parvenu entre les mains de ses enfants. L’État partie partage les conclusions de la Commission concernant le mandat d’arrêt, qui est une pure invention. Il note à ce titre, compte tenu de l’évaluation de la crédibilité de l’auteure, qu’il n’y a pas de raison de demander de vérifier l’authenticité du document. Il fait également observer que l’auteure n’a pas produit de document supplémentaire étayant l’action en justice intentée contre elle en Jordanie pour l’enlèvement de ses filles.

En ce qui concerne la situation de vulnérabilité de l’auteure face aux autorités jordaniennes en tant que réfugiée palestinienne, l’État partie note que bien que née dans un camp de réfugiée, elle est une ressortissante jordanienne et détient un passeport jordanien. Elle a donc les mêmes droits que les autres ressortissants jordaniens. Les autorités de l’État partie n’ayant pu donner crédit aux allégations de l’auteure concernant les mauvais traitements qu’elle aurait subis tout au long de son mariage ou au risque qu’elle subisse par la suite des mauvais traitements, l’État partie n’a pas estimé nécessaire d’établir si les autorités jordaniennes pouvaient assurer la protection de l’auteure et de ses deux filles à leur retour.

L’État partie souligne que le fait que la Commissions de recours des réfugiés n’ait pas explicitement cité la Convention dans sa décision ne signifie pas que les dispositions de celle-ci n’ont pas été prises en compte. Il est admis dans la jurisprudence de la Commission que certains types de mauvais traitements commis contre des femmes par des individus, y compris leurs maris, peuvent être suffisamment importants pour être assimilés à de la persécution si les autorités ne sont pas capables ou désireuses d’offrir protection à la femme concernée. Les autorités de l’immigration de l’État partie ont tout particulièrement insisté pour savoir si la crainte de l’auteure de subir des persécutions liées au genre à son retour en Jordanie était véridique.

L’État partie note qu’une grande importance a été accordée au fait que l’auteure n’a demandé l’asile que cinq mois après son départ de son pays d’origine, qu’elle a décidé de détruire son passeport et qu’elle n’a fourni aucun autre document pour étayer ses dires.

L’État partie considère que la situation globale en Jordanie ne peut à elle seule justifier l’octroi de l’asile. L’État partie a tenu compte des informations disponibles sur la Jordanie, qui ne peuvent justifier la demande d’asile de l’auteure du point de vue des prétendus risques de persécution.

L’État partie conclut que la Commission de recours des réfugiés, organe collégial de caractère quasi judiciaire, a soigneusement évalué la crédibilité de l’auteure, les informations générales disponibles sur son pays et les circonstances propres à l’auteure, et jugé qu’elle n’avait pas prouvé qu’il était probable qu’à leur retour en Jordanie, elle et ses filles seraient exposées à un risque de persécution ou de mauvais traitements justifiant l’octroi de l’asile. La communication de l’auteure n’est que le reflet du désaccord de l’auteure concernant l’évaluation que la Commission a faite de son cas. L’auteure n’a pas prouvé qu’une quelconque irrégularité ait entaché la prise de décisions ni mis au jour un quelconque facteur de risque que la Commission n’aurait pas dûment pris en compte. En réalité, l’auteure essaie d’utiliser le Comité comme un organe d’appel pour que les faits présentés à l’appui de sa demande d’asile soient réexaminés. L’État partie considère que le Comité doit donner un crédit considérable aux faits constatés par la Commission, qui est mieux à même d’établir les faits dans le dossier de l’auteure. Il est d’avis qu’il n’y a aucune raison de remettre en cause, et moins encore de rejeter, l’évaluation faite par la Commission, selon laquelle l’auteure n’a pas prouvé qu’il y avait des motifs sérieux de croire qu’elle et ses filles seraient exposées à un risque réel, personnel et prévisible de persécution ou de mauvais traitement relevant du droit d’asile, si elles retournaient en Jordanie. Leur expulsion en Jordanie ne constituerait donc pas une violation des articles 1 et 2 d), lus conjointement avec les paragraphes e) et f) de l’article 2 et le quatrième alinéa de l’article 15 de la Convention.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

Le 26 janvier 2016, l’auteure a contesté les arguments de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la communication.

S’agissant de sa crédibilité, l’auteure soutient que le critère fondant l’acceptation de la demande d’asile doit reposer non pas sur la probabilité mais sur l’éventualité raisonnable qu’elle ait des craintes bien fondées d’être persécutée ou exposée à la persécution à son retour. Elle souligne que lors de l’évaluation de sa crédibilité, l’État partie n’a tenu compte ni de sa spécificité en tant que femme ni des garanties procédurales liées à cette spécificité. Elle affirme que les documents généraux présentés lors de sa plainte initiale auraient dû être pris en compte, quelle que puisse être l’évaluation de sa crédibilité par l’État partie. Elle fait aussi valoir que l’État partie n’a pas examiné les effets cumulés des faits présentés et ne s’est pas penché sur des questions importantes telles que : a) les ressentiments suscités par le passé chez l’auteure pendant son mariage ; b) la crainte ressentie pour ses filles, notamment la cadette, qui sera forcée à se marier à son retour en Jordanie ; c) la crainte exprimée par l’auteure de retourner en Jordanie ; d) le fait qu’elle a laissé derrière elle les autres enfants ; e) son statut de réfugié palestinienne, qui pourrait l’obliger à demander refuge dans un camp pour personnes déplacées ou dans un camp de réfugiés à son retour en Jordanie, compte tenu de l’absence de liens familiaux ou sociaux dans ce pays.

L’auteure réitère que son expulsion en Jordanie constituerait une violation des articles 1 et 2 d), lus conjointement avec les paragraphes e) et f) de l’article 2 et le quatrième alinéa de l’article 15 de la Convention.

Observations complémentaires de l’État partie

Le 7 novembre 2016, l’État partie a présenté ses observations complémentaires.

L’État partie confirme ses observations formulées en octobre 2015 et, en réponse aux commentaires particuliers de l’auteure sur l’absence d’une approche tenant compte de sa situation personnelle en tant que femme lors de l’évaluation de son cas, souligne que lors de l’examen de ce cas, les autorités de l’État partie se sont employées avec soin à clarifier la question de la persécution liée au genre, qui est sans conteste l’enjeu de cette affaire. Il est donc clair que l’évaluation a tenu compte de cette dimension personnelle.

En ce qui concerne les affirmations de l’auteure mettant en cause la décision de la Commission de recours des réfugiés de ne pas demander de vérifier l’authenticité du mandat d’arrêt, l’État partie réaffirme les arguments présentés dans ses précédentes observations.

S’agissant de la vulnérabilité présumée de l’auteure en tant que réfugiée palestinienne, l’État partie soutient qu’elle détient un passeport jordanien et qu’en tant que ressortissante jordanienne, elle bénéficie des mêmes droits que ses compatriotes jordaniens. L’État partie réfute les affirmations de l’auteure selon lesquelles il n’a pas tenu compte des documents généraux présentés lors de sa plainte initiale et souligne que la Commission de recours des réfugiés a procédé à une évaluation globale de toutes les circonstances citées par l’auteure en appui à ses déclarations, ainsi que de toutes les informations générales disponibles sur la Jordanie, y compris celles présentées par l’auteure.

À la lumière de ce qui précède et sachant que les commentaires additionnels de l’auteure n’ont pas donné lieu à une évaluation différente de son cas, l’État partie considère que la communication devrait être déclarée irrecevable parce qu’insuffisamment étayée. L’examen de l’affaire quant au fond par le Comité montre que l’État partie est d’avis que l’expulsion de l’auteure ne constituerait pas une violation de la Convention.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

Le Comité doit, conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 66, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité d’une communication et la communication elle-même quant au fond.

Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, que la même question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Le Comité note que l’auteure affirme avoir épuisé toutes les voies de recours internes et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication pour ce motif. Le Comité relève que, selon les renseignements dont il dispose, les décisions de la Commission de recours des réfugiés ne peuvent être contestées devant les tribunaux nationaux. En conséquence, il considère que rien ne s’oppose, dans les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, à ce qu’il examine la communication.

Le Comité prend note des allégations de l’auteure en vertu des articles 3 et 22 de la Convention relative aux droits de l’enfant. En l’absence de tout autre élément pertinent figurant au dossier, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable conformément à l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité note également, en ce qui concerne les déclarations de l’auteure au titre du quatrième alinéa de l’article 15 de la Convention, que conformément à la pratique établie par les autorités jordaniennes, elle devait demander la permission de son mari pour quitter la Jordanie avec ses enfants. Le Comité considère que les allégations de l’auteure à ce propos relèvent non pas de la responsabilité de l’État partie mais de celle de la Jordanie. De plus, le Comité n’est pas convaincu qu’une telle pratique constituerait une forme grave de violence fondée sur le genre ; donc, en l’absence de tout autre élément pertinent du dossier, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable conformément l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif.

Le Comité observe que l’auteure, en se fondant sur l’article premier et l’alinéa d) de l’article 2, lus conjointement avec les paragraphes e) et f) de l’article 2 de la Convention, soutient que si l’État partie la renvoyait avec ses filles en Jordanie, l’auteure et ses filles risqueraient alors d’être exposées à de graves formes de violence fondée sur le genre. Le Comité observe aussi que l’État partie a fait valoir que la communication devait être déclarée irrecevable conformément à l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif car insuffisamment étayée.

Le Comité réaffirme que, selon sa jurisprudence, la Convention n’a de portée extraterritoriale que lorsque la femme que l’on entend expulser court un risque réel, personnel et prévisible de subir des formes graves de violence fondée sur le genre.

Le Comité rappelle que, conformément à l’alinéa d) de l’article 2 de la Convention, les États parties s’engagent à s’abstenir de tout acte ou toute pratique discriminatoire à l’égard des femmes et à faire en sorte que les autorités et les institutions publiques se conforment à cette obligation. De plus, le Comité renvoie à sa recommandation générale no 32, dans laquelle il a indiqué, au paragraphe 21, qu’en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, le principe de non‑refoulement faisait obligation aux États de ne pas renvoyer une personne là où elle risquait de subir de graves violations des droits de l’homme, notamment la privation arbitraire de la vie ou la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, le Comité fait observer que les États parties doivent empêcher l’apatridie au moyen de dispositifs législatifs prévoyant de conditionner la perte de nationalité ou la renonciation à une nationalité à la possession ou l’acquisition d’une autre nationalité et permettre aux femmes restées apatrides faute de garanties d’acquérir de nouveau une nationalité. Le Comité renvoie également à sa recommandation générale no 19, dans laquelle il a constaté, au paragraphe 7, que la violence fondée sur le genre, qui compromet ou rend nulle la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes en vertu des principes généraux du droit international ou des conventions particulières relatives aux droits de l’homme, constituait une discrimination, au sens de l’article premier de la Convention, et que ces droits comprenaient le droit à la vie et le droit à ne pas être soumis à la torture. Il a encore précisé son interprétation de la violence à l’égard des femmes en tant que forme de discrimination fondée sur le genre dans sa recommandation générale no 35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale no 19, dans laquelle il a réaffirmé, au paragraphe 21, l’obligation qu’avaient les États parties d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes, y compris la violence fondée sur le genre, obligation qui créait une double responsabilité pour les États, celle qui découle des actes ou omissions de l’État partie ou de ses acteurs, d’une part, et celle qui résulte des actes ou omissions des acteurs non étatiques, d’autre part. Un État partie qui renverrait une personne vers un autre État où il est prévisible que de graves actes de violence fondée sur le genre se produiront commettrait donc une violation de la Convention. Il se produit également une violation lorsque, face aux actes de violence fondée sur le genre, il n’est prévu aucune protection de la part de l’État vers lequel la personne doit être expulsée. Ce qui peut constituer des formes graves de violence fondée sur le genre dépend des circonstances propres à chaque cas et doit être déterminé par le Comité au cas par cas au stade de l’examen au fond, à condition que l’auteure d’une communication ait établi qu’à première vue celle-ci est fondée en étayant suffisamment ses griefs.

Dans le cas présent, l’auteure souligne qu’en les expulsant, elle et ses filles, en Jordanie, l’État partie les exposerait à des formes graves de violence fondée sur le genre de la part de son mari et de sa famille. Au vu des renseignements qui lui ont été communiqués, le Comité considère que l’auteure a suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité. En conséquence, il procède à l’examen quant au fond de la communication.

Examen au fond

Conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 7 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l’auteure et l’État partie.

Le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles elle a été victime de violences fondées sur le genre au cours de son mariage et elle et ses filles ont subi des menaces et des mauvais traitements de la part de son mari et de la famille de ce dernier. Le Comité prend également note de l’affirmation de l’auteure relative à l’aggravation du différend entre elle et son mari et de sa crainte qu’elle-même et ses filles continuent, en cas d’expulsion, d’être exposées à de la violence fondée sur le genre et à de mauvais traitements de la part du mari et de sa famille, et qu’elles soient sous leur emprise, faute de liens sociaux sur place. Elle n’aura alors aucune perspective de demander la protection des autorités jordaniennes, compte tenu des pratiques légales discriminatoires en vigueur en Jordanie et de la position avantageuse dont jouit la famille de son mari. En outre, son statut de réfugiée palestinienne la fragilise davantage devant les autorités jordaniennes. Le Comité prend note en outre de la condamnation présumée de l’auteure en Jordanie pour avoir enlevé ses propres filles, et du mandat d’arrêt délivré contre elle par la suite. Le Comité prend note du grief de l’auteure, qui affirme que sa fille aînée a été mariée de force et qu’à son retour, sa cadette sera victime d’un mariage forcé elle aussi.

Le Comité rappelle que l’État partie a affirmé que toutes les allégations de l’auteure avaient été soigneusement examinées par les services de l’immigration de l’État partie, qui les ont rejetées dans leur intégralité parce qu’ils estimaient que la relation faite par l’auteure manquait de crédibilité, du fait d’un certain nombre d’incohérences factuelles et parce qu’elle était insuffisamment étayée. Outre la relation faite par l’auteure, la Commission de recours des réfugiés a également estimé que le mandat d’arrêt délivré contre l’auteure, sur la base duquel elle demandait la réouverture de son dossier de demande d’asile, était forgé de toutes pièces, compte tenu des circonstances dans lesquelles l’auteure était entrée en possession du document. Le Comité observe à cet égard que, sur la base de l’appréciation de la crédibilité de l’auteure, la Commission n’a pas jugé nécessaire de demander que l’authenticité du mandat d’arrêt soit vérifiée.

À cet égard, le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux autorités nationales d’évaluer les faits et les éléments de preuve, ainsi que l’application de la législation interne dans un cas particulier, à moins qu’il ne puisse être établi que l’évaluation est partiale ou fondée sur des stéréotypes préjudiciables liés au genre qui constituent une discrimination à l’égard des femmes, qu’elle est manifestement arbitraire ou qu’elle représente un déni de justice. La question dont est saisi le Comité est donc de savoir si la décision concernant la demande d’asile de l’auteure a été entachée d’une irrégularité, en ce que les autorités de l’État partie n’auraient pas apprécié correctement le risque de violence grave fondée sur le genre auquel l’auteure et ses filles seraient exposées en cas de renvoi en Jordanie. Le Comité souligne à nouveau que, lorsqu’ils procèdent à leur évaluation, les États parties devraient accorder un poids suffisant au risque réel et personnel auquel la personne serait exposée si l’expulsion avait lieu.

En l’espèce, le Comité estime qu’il incombait à l’État partie de procéder à une évaluation individualisée du risque réel, personnel et prévisible auquel l’auteure s’exposerait en tant que femme ayant sciemment quitté son époux violent et fui la Jordanie avec leurs deux filles mineures qui risquaient d’être victimes d’un mariage forcé dans le pays, plutôt que de se contenter exclusivement d’un certain nombre de déclarations contradictoires et de se satisfaire de la non-crédibilité de l’auteure qui en découlait. À cet égard, le Comité rappelle ses observations finales concernant le sixième rapport périodique de la Jordanie (CEDAW/C/JOR/CO/6), publiées en 2017, dans lesquelles il s’est dit préoccupé par la persistance de stéréotypes discriminatoires profondément ancrés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui mettent trop en avant le rôle traditionnel des femmes en tant que mères et en tant qu’épouses et, partant, portent atteinte au statut social et à l’autonomie des femmes et entravent leurs parcours scolaires et leurs carrières professionnelles. Il avait également noté avec préoccupation, dans ses observations finales, que les attitudes patriarcales se multipliaient au sein des autorités de l’État et de la société, et que l’égalité femmes-hommes est de plus en plus ouvertement contestée par des groupes conservateurs. Ces observations sont particulièrement pertinentes non seulement relativement à l’évaluation des risques que l’auteure courrait elle-même à son retour en Jordanie, mais aussi relativement à l’évaluation des risques auxquels ses filles seraient exposées, à savoir un mariage forcé. À cet égard, le Comité observe que ce dernier argument, qui concerne les filles de l’auteure, semble n’avoir bénéficié d’aucune attention particulière de la part de la Commission de recours des réfugiés ou de toute autre autorité.

Le Comité observe qu’en s’appuyant en grande partie sur l’évaluation de la crédibilité de l’auteure, la Commission de recours des réfugiés a décidé de ne pas demander que l’authenticité du mandat d’arrêt délivré contre l’auteure soit vérifiée et, présumant que le document en question existait bel et bien, a décidé d’évaluer les risques auxquels l’auteure serait exposée en tant que femme et en tant que citoyenne d’origine palestinienne, si elle était poursuivie pour l’enlèvement des enfants.

Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteure selon laquelle elle n’a aucun moyen de demander la protection des autorités jordaniennes compte tenu de leurs pratiques discriminatoires et de la position avantageuse de la famille de son mari. Le Comité relève l’affirmation formulée par l’État partie en réponse à cet argument selon lequel, sachant que les autorités de l’État partie n’avaient pu donner crédit aux allégations de l’auteure concernant les mauvais traitements subis tout au long de son mariage ou le risque qu’elle subisse par la suite des mauvais traitements, l’État partie n’avait pas estimé nécessaire d’établir si les autorités jordaniennes pouvaient assurer la protection de l’auteure et de ses filles à leur retour. À cet égard, le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 29 de sa recommandation générale no 32, « au regard du droit international, ce sont les autorités du pays d’origine qui sont responsables au premier chef de la protection des citoyens, notamment de veiller à ce que les femmes jouissent pleinement des droits que leur confère la Convention et que c’est seulement faute d’une telle protection que l’on invoque la protection internationale, qui a pour but de préserver les droits fondamentaux de l’homme lorsqu’ils sont en danger ». En l’espèce, le Comité estime que l’argument de l’auteure, selon lequel elle n’avait pu demander la protection des autorités en Jordanie avant de quitter le pays et ne serait pas en mesure de le faire à son retour, n’aurait pas dû être directement rejeté par les autorités de l’État partie, compte tenu en particulier du niveau de tolérance envers la violence à l’égard des femmes en Jordanie, en particulier de la persistance des crimes commis au nom d’un prétendu « honneur » en dépit des modifications apportées récemment à la législation, de la tendance à ignorer les plaintes pour violence déposées par les femmes et du recours continu des autorités jordaniennes à la détention administrative, ou « garde à des fins de protection », des femmes et des filles susceptibles d’être victimes des crimes en question, dont il était fait état dans les observations finales du Comité relatives au rapport périodique de la Jordanie (ibid., par. 33) et dans les informations complémentaires sur le pays fournies par l’auteure.

Le Comité estime également que l’État partie n’a pas accordé le poids voulu à la situation de vulnérabilité de l’auteure en tant que réfugiée palestinienne, compte tenu en particulier des observations finales du Comité concernant le rapport périodique de la Jordanie et de la teneur d’autres rapports, dans lesquels il était fait part de préoccupations quant aux cas de retrait arbitraire de la nationalité jordanienne aux citoyens d’origine palestinienne, y compris à des femmes [ibid., par. 11 e)]. Le Comité souligne que le retrait de la nationalité dans le cas de l’auteure en ferait une apatride, et précise qu’il avait déjà fait part de ses préoccupations quant à la situation de vulnérabilité des femmes apatrides en Jordanie, eu égard en particulier aux aspects de leur situation liées au genre. Par conséquent, le Comité estime que les particularités de l’affaire auraient imposé une évaluation plus approfondie des risques.

Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que l’État partie n’a pas dûment pris en considération le risque réel, personnel et prévisible que couraient l’auteure et ses filles de devenir victimes de violence fondée sur le genre si elles étaient renvoyées en Jordanie.

En conséquence, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif à la Convention, conclut que l’État partie a manqué à ses obligations et que l’expulsion de l’auteure et de ses filles constituerait une violation des alinéas d), e) et f) de l’article 2, lus conjointement avec l’article premier, en tenant compte des recommandations générales du Comité no 19 et no 35.

Le Comité adresse à l’État partie les recommandations suivantes :

a)En ce qui concerne l’auteure de la communication et ses filles :

i)Rouvrir le dossier relatif à leur demande d’asile en tenant compte des commentaires du Comité ;

ii)S’abstenir de les renvoyer de force en Jordanie, où elles courraient un risque réel, personnel et prévisible d’être victimes de formes graves de violence fondée sur le genre ;

b)De manière générale :

i)Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les victimes de formes de persécution fondées sur le genre qui ont besoin de protection ne soient en aucun cas et quel que soit leur statut de résidence refoulées vers un pays où leur vie serait mise en danger ou dans lequel elles pourraient être victimes de violence fondée sur le genre ou de torture ou mauvais traitements ;

ii)Veiller à ce que les demandes d’asile soient acceptées non pas à l’aune du critère de probabilité mais à celui de l’éventualité raisonnable que la demandeuse a des craintes bien fondées d’être persécutée ou exposée à la persécution à son retour ;

iii)Veiller à ce que les demandeuses d’asile soient informées en temps voulu de l’importance du premier entretien et de quel type d’informations sont pertinentes dans ce cadre ;

iv)Veiller à ce que, chaque fois que nécessaire, les examinateurs utilisent tous les moyens dont ils disposent pour produire et/ou vérifier les éléments de preuve nécessaires en appui à la demande, y compris en cherchant à recueillir des informations auprès de sources gouvernementales ou non gouvernementales fiables sur la situation des droits de l’homme dans le pays d’origine, surtout en ce qui concerne les femmes et les filles, et en prenant toutes les mesures nécessaires à cet égard ;

v)Faire en sorte, lors de l’interprétation des motifs d’octroi de l’asile prévus par la loi, que les demandes fondées sur le genre soient classées dans la catégorie de l’appartenance à un groupe social particulier, si nécessaire, et envisager d’ajouter dans la législation relative à l’asile les notions de sexe ou de genre ou le fait d’avoir un autre statut à la liste des motifs d’octroi du statut de réfugié.

Conformément au paragraphe 4 de l’article 7 du Protocole facultatif, l’État partie examinera dûment les constatations et les recommandations du Comité, auquel il soumettra, dans un délai de six mois, une réponse écrite, l’informant de toute action menée à la lumière de ses constatations et recommandations. L’État partie est également prié de publier les constatations et les recommandations du Comité et de les distribuer largement, de façon à ce qu’elles parviennent à tous les secteurs concernés de la société.