Communication présentée par  :

S.T. (représentée par des conseils, Aleksei Ponomarev et Vanessa Kogan)

Au nom de  :

L’auteure

État partie  :

Fédération de Russie

Date de la communication  :

8 novembre 2013 (date de la lettre initiale)

Références  :

Communiquée à l’État partie initialement le 20 janvier 2014 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations  :

25 février 2019

Contexte

L’auteure de la communication est S. T., de nationalité russe, née en 1959. Elle affirme que la Fédération de Russie a violé les droits que lui confèrent les paragraphes c) et d) de l’article 2, lus en parallèle avec l’article premier, et le paragraphe a) de l’article 5 de la Convention, les autorités du pays ayant été incapables de prévenir et d’enquêter efficacement sur les graves violences physiques et psychologiques qui lui ont été infligées par son ex-mari. La Convention est entrée en vigueur dans l’État partie le 3 septembre 1981, et le Protocole facultatif, le 28 octobre 2004. L’auteure de la communication est représentée par des conseils, Vanessa Kogan et Aleksei Ponomarev.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1Le 20 août 1980, l’auteure et M. Timagov ont contracté un mariage religieux qu’ils ont officiellement enregistré en décembre 1982. Ils ont trois enfants : Islam, Martan et Zalina. En 1984, ils ont construit une maison familiale. En 2010, toute la famille étendue, dont leurs fils, leurs épouses et leurs enfants, ainsi que leur fille et son enfant, vivaient ensemble dans la maison familiale. Pendant des années, M. Timagov a systématiquement maltraité physiquement et émotionnellement ses enfants et l’auteure, cette dernière ayant subi la plupart des violences.

2.2Le 12 décembre 2009, l’auteure a signalé à la police que M. Timagov l’avait battue avec une pelle jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. À son retour à la maison, Islam, le fils de l’auteure, l’a trouvée inconsciente et a appelé une ambulance. Elle souffrait d’un traumatisme crânien fermé et présentait des contusions au niveau des articulations du coude et du genou gauche. Elle a cependant refusé d’être hospitalisée pour ne pas ébruiter cet épisode de violence et éviter un affrontement entre ses proches et ceux de son mari.

2.3Le mari de l’auteure et ses proches l’ont menacée à plusieurs reprises tout au long de la procédure judiciaire. Le 23 février 2010, après toute une série d’insultes et de menaces, un proche du mari de l’auteure lui a donné un coup de poing dans l’avant-bras droit.

2.4Le 26 avril 2010, le tribunal d’instance d’Achkhoy-Martan a déclaré le mari de l’auteure coupable d’avoir infligé intentionnellement des lésions corporelles en vertu du paragraphe 1 de l’article 115 du Code pénal de la Fédération de Russie. Le tribunal d’instance a tenu compte des informations fournies par la police concernant les violences et mauvais traitements systématiques infligés à l’auteure par son époux. Cependant, M. Timagov a seulement été condamné à payer une amende de 15 000 roubles, sans aucune sanction supplémentaire. L’auteure a continué de vivre sous le même toit que son agresseur car elle n’avait nulle part où aller du fait de sa dépendance économique.

2.5L’auteure a demandé le divorce à la suite de l’attaque violente du 12 décembre 2009. Son mari était vivement opposé à ce qu’elle s’adresse au tribunal au lieu de recourir à la charia. Il la harcelait constamment, et ses proches ont fait venir à plusieurs reprises des représentants religieux, dont un cadi (juge islamique), un imam et le chef d’un conseil de mosquée, pour s’entretenir avec le père de l’auteure et tenter de régler la question selon la loi islamique. L’auteure et son père ont cependant tenu à se soumettre à la loi civile de la Fédération de Russie.

2.6Après l’introduction de la demande de divorce, M. Timagov a expulsé l’auteure, ainsi que leurs trois enfants et leur famille, de la maison familiale. Il les a menacés physiquement et ne leur a pas laissé l’occasion de prendre leurs effets personnels. Il a justifié ses actes en invoquant la charia, qui dispose que lorsqu’un couple divorce, l’épouse doit retourner vivre chez ses parents.

2.7Le 6 février 2010, alors que l’auteure et lui étaient toujours légalement mariés, M. Timagov a contracté un mariage religieux, selon la charia, avec R., qu’il avait rencontrée un mois plus tôt. Le tribunal de district d’Achkhoy-Martan a prononcé le divorce le 6 avril 2010 et conclu que l’auteure et ses deux fils avaient droit à la moitié de la maison, soit une chambre et un couloir, ainsi qu’à la moitié des trois véhicules, c’est-à-dire une voiture, un camion et un tracteur. Le 25 mai 2010, la Cour suprême de Tchétchénie (Fédération de Russie) a partiellement annulé la décision du tribunal de première instance. Le 22 juillet 2010, le tribunal de district d’Achkhoy-Martan a rendu une décision modifiée concernant les arrangements familiaux confirmant que l’auteure avait droit à la moitié de la maison. Elle a donc pu se réinstaller dans la maison familiale, où M. Timagov vivait avec sa nouvelle épouse. Dans l’intervalle, soit une période de huit mois, l’auteure a dû vivre avec ses parents.

2.8Au début du mois de novembre 2010, M. Timagov a coupé le chauffage dans les pièces occupées par l’auteure et ses fils. L’auteure a saisi des huissiers de justice. Le 15 novembre 2010, un huissier de justice a demandé à M. Timagov d’allumer le chauffage et de s’installer dans la partie de la maison qui lui avait été attribuée par le tribunal. Le 27 décembre 2010, l’huissier de justice l’a de nouveau invité à respecter les instructions qui lui avaient été données auparavant.

2.9Le même jour, vers 16 h 30, alors que l’auteure utilisait les toilettes dans la cour arrière, son ex-mari a brusquement ouvert la porte de la toilette et s’est jeté sur elle avec une hache en lui disant : « je vais te tuer ». Elle a tout juste réussi à se protéger la tête avec son bras gauche. La lame de la hache l’a cependant touchée directement à la tête, et elle a perdu connaissance. L’auteure précise que cet épisode n’a été déclenché par aucun conflit ponctuel. M. Timagov n’est pas venu en aide à l’auteure et l’a laissée là, inconsciente, en train de saigner, à côté de la toilette. Il a en outre empêché l’épouse enceinte de son fils d’accéder à la cour arrière et s’est justifié plus tard en disant qu’il craignait que la vue de l’auteure dans un tel état, ensanglantée, ne lui fasse un choc susceptible d’entraîner des complications au niveau de la grossesse. Il est ensuite parti avec sa voiture. Les fils de l’auteure ont alors été en mesure de porter secours à leur mère.

2.10M. Timagov a été arrêté le 6 janvier 2011, soit dix jours après la tentative de meurtre. Le 21 janvier 2011, les membres de sa famille ont déclaré avoir coupé tout lien familial avec les enfants de l’auteure, étant donné qu’ils avaient pris le parti de leur mère contre leur père. Cette coutume est appelée « dollar dovla ».

2.11Le rapport de l’examen médico-légal du 29 mars 2011 conclut que « la présence de deux blessures, l’une dans la région pariétale droite et l’autre dans la région occipitale, indique qu’au moins deux coups ont été portés à la tête ». D’après l’examen psychiatrique de M. Timagov, mené le 11 février 2011, au cours de l’enquête préliminaire, l’ex-mari de l’auteure ne présentait aucun trouble mental, ni lors de l’infraction ni lors de l’examen, et il n’avait pas été victime d’une folie temporaire. Il a été établi qu’il était conscient de la nature et du danger social de ses actions et qu’il était maître de ses actes, tant au moment de l’infraction qu’au moment de l’examen.

2.12L’enquête a pris fin le 31 mars 2011. Le 11 avril 2011, le Bureau du Procureur interdistrict d’Achkhoy-Martan a approuvé l’acte d’accusation, et l’affaire a été transmise au tribunal de district d’Achkhoy-Martan. Dans l’acte d’accusation, les actions de l’ex-mari de l’auteure ont été qualifiées de tentative de meurtre, en vertu du paragraphe 3 de l’article 30, et de meurtre, en vertu du paragraphe 1 de l’article 105 du Code pénal.

2.13Le 6 juin 2011, le tribunal a débouté la demande de saisie de la voiture de M. Timagov introduite par l’auteure, concluant qu’il s’agissait d’un élément de preuve, et a confié le véhicule au frère de son ex-mari. Dans la pratique, cela signifiait que la voiture de M. Timagov était toujours en sa possession.

2.14Le 11 juillet 2011, le conseil de l’auteure a présenté un certificat médical et demandé au tribunal de reporter l’audience en raison de la mauvaise santé de l’auteure. Le tribunal a rejeté la demande et a tenu une audience le 12 juillet 2011, en l’absence de l’auteure et de son représentant. Au cours de cette audience, le tribunal a « pris le parti de la défense » et a ordonné un nouvel examen psychiatrique externe de l’accusé. À ce stade de la procédure, l’avocat de la défense a radicalement changé sa stratégie et a présenté de nouveaux témoins qui ont prétendu que l’auteure ne cessait d’insulter son ex-mari. La défense a ensuite affirmé que le véritable coupable n’était pas M. Timagov, mais l’auteure, et le ministère public n’a pas contesté cette affirmation.

2.15Le 15 juillet 2011, un nouvel examen psychiatrique de l’accusé a été réalisé en l’absence de l’auteure et de son représentant. Le rapport d’examen a conclu que l’ex-mari de l’auteure avait été victime d’une folie temporaire lors de l’infraction. Le ministère public a donc demandé au tribunal d’atténuer la gravité de l’infraction en la qualifiant, non plus de tentative de meurtre, mais de lésions corporelles graves infligées dans un état de folie temporaire, en vertu de l’article 113 du Code pénal.

2.16Le conseil de l’auteure, signalant les contradictions que présentaient les deux rapports, a demandé au tribunal d’ordonner un examen psychiatrique supplémentaire de l’accusé. Le 6 septembre 2011, le tribunal de district d’Achkhoy-Martan a ordonné au laboratoire de criminalistique de Krasnodar, du Centre de criminalistique fédéral russe du Ministère de la justice, de procéder à une nouvelle évaluation psychologique et psychiatrique combinée. Le 28 septembre 2011, la Cour suprême de Tchétchénie a annulé cette décision, indiquant que le tribunal de première instance n’avait pas présenté les raisons pour lesquelles les deux examens psychiatriques disponibles différaient et n’avait pas tenté d’interroger les experts médicaux.

2.17En outre, le ministère public s’est rangé du côté de l’avocat de la défense et s’est opposé à la décision du tribunal d’ordonner une indemnisation pour le préjudice matériel et moral subi par l’auteure. Le tribunal a rejeté toutes les demandes d’indemnisation de l’auteure et a conclu que « par son action en justice (le divorce et la procédure relative aux arrangements familiaux), la victime [l’auteure] continue d’humilier et d’adresser de terribles insultes à l’accusé et à sa seconde épouse, ce qui ne fait qu’aggraver le conflit. Compte tenu de ces circonstances, le tribunal conclut que l’accusé souffrait de troubles psychotraumatiques prolongés, provoqués par les insultes systématiques de la victime, qui ont finalement abouti à la crise de nerfs de M. Timagov, le 27 décembre 2010 ». Le tribunal a estimé que l’accusé avait « infligé de graves lésions corporelles dans un état de tourmente émotionnelle (folie temporaire) soudaine découlant d’une situation psychotraumatique prolongée liée au comportement immoral systématique de la victime ».

2.18Le 14 octobre 2011, l’ex-mari de l’auteure a été reconnu coupable en vertu de l’article 113 du Code pénal et condamné à neuf mois et huit jours d’emprisonnement. Compte tenu du temps passé en détention provisoire depuis son arrestation, il a immédiatement été libéré au tribunal. Dans la décision rendue, le tribunal a indiqué que celle-ci était « guidée par le principe de justice et tient compte de la nature et de l’ampleur du danger social ayant donné lieu à l’infraction mineure [c’est-à-dire les coups de hache portés à l’auteure], des traits positifs de l’accusé, des circonstances atténuantes et aggravantes, et des effets de la peine sur la sanction de l’accusé et la prévention de nouvelles infractions ».

2.19Le 12 octobre 2011, le conseil de l’auteure a introduit un recours en cassation contre les décisions du tribunal de district d’Achkhoy-Martan de rejeter un certain nombre de demandes, notamment la demande de report d’une audience, la demande introduite pour qu’un deuxième représentant ait suffisamment de temps pour lire les pièces du dossier, la demande d’interrogation des experts légistes, la demande d’exclusion d’un témoignage et du procès-verbal d’interrogatoire de l’accusé, et la demande de récusation du juge et du procureur.

2.20Le 14 novembre 2011 et le 10 janvier 2012, les représentants de l’auteur ont estimé, dans d’autres recours en cassation, que le tribunal de district d’Achkhoy-Martan avait violé le code de procédure pénale et les principes d’impartialité et d’indépendance en prenant le parti de la défense et en rejetant toutes les demandes de l’auteure sans motif valable.

2.21Le 28 mars 2012, la Cour suprême de Tchétchénie a confirmé le jugement du tribunal de district d’Achkhoy-Martan en y apportant une modification visant à supprimer la mention de la condamnation antérieure de M. Timagov par le tribunal d’instance d’Achkhoy-Martan. Les demandes ultérieures de contrôle juridictionnel introduites par l’auteure ont été rejetées par la Cour suprême de Tchétchénie, le 8 août 2012 et le 19 février 2013, respectivement.

2.22L’auteure a brièvement vécu chez ses parents à Achkhoy-Martan, puis a loué un appartement à Grozny avec ses enfants et leur famille. Elle n’a pas eu d’autre choix que de louer un logement étant donné qu’elle ne pouvait pas vivre sous le même toit que son agresseur. De plus, après que M. Timagov a pratiquement été innocenté par le tribunal, les villageois religieux ont considéré que le comportement de l’auteure n’était pas digne de celui d’une femme tchétchène car elle avait, d’après le jugement rendu, « provoqué » son époux. Pour l’auteure, la vie dans son village est donc devenue insupportable.

2.23Après plusieurs opérations nécessaires pour traiter les blessures subies par l’auteure, son état a été qualifié d’incapacité de catégorie II. Elle souffre de graves maux de tête. Son état de santé requiert des examens médicaux périodiques, mais elle ne peut se permettre le traitement nécessaire.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure invoque une violation des paragraphes c) et d) de l’article 2, lus en parallèle avec l’article premier, et du paragraphe a) de l’article 5 de la Convention, l’État partie ayant été incapable de réagir efficacement à la violence fondée sur le genre qui lui a été infligée par son ex-mari.

3.2L’auteure fait valoir que la définition de la discrimination à l’égard des femmes énoncée dans l’article premier de la Convention inclut la violence fondée sur le genre, en particulier les actes causant un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté. Elle affirme que les États peuvent aussi être responsables d’actes privés s’ils ne prennent pas les précautions qui s’imposent pour prévenir les violations des droits ou enquêter sur les actes de violence et en poursuivre les auteurs. Elle affirme que son ex-mari lui a fait subir des actes de violence fondée sur le genre et que la réponse des autorités à cette violence était manifestement inadéquate et inadaptée à la gravité de l’infraction. Elle estime que l’ensemble des violences dont elle a été victime durant une longue période ne doivent pas être considérées comme des épisodes distincts et isolés, mais comme une série d’événements liés au cours desquels la violence s’est constamment intensifiée. Elle affirme que la violence, loin de se limiter à des lésions corporelles, prenait également la forme de pressions psychologiques et générait en elle un sentiment d’impuissance et de désespoir.

3.3L’auteure prétend avoir été revictimisée par l’État partie, étant donné que la légèreté excessive de la peine infligée à son ex-mari constitue une violation de son droit à la non-discrimination, et que l’État partie ne s’est pas acquitté de son obligation juridique de respecter, de protéger et de garantir ce droit. Elle déclare avoir été privée d’une protection juridique efficace, au mépris du paragraphe c) de l’article 2 de la Convention. Elle estime également que l’on peut difficilement considérer qu’un jugement fondé sur des mythes et idées fausses sexistes a pu être rendu par un tribunal juste, impartial et compétent.

3.4L’auteure soutient que dans les cas de violence domestique, où les victimes sont particulièrement vulnérables en raison de la nature de l’infraction et de l’étroitesse des liens qu’elles entretiennent avec leur agresseur, les droits de l’auteur des violences ne peuvent en aucun cas primer sur les droits à la vie et à l’intégrité physique et mentale des victimes. L’auteure fait valoir que, bien que l’organisme national de statistique de l’État partie ne compile pas de statistiques centralisées et ventilées par sexe sur la violence domestique, chacun sait qu’environ 14 000 femmes sont tuées par leur mari ou par d’autres proches chaque année.

3.5L’auteure affirme qu’elle n’aurait pas pu demander une ordonnance de protection car cette mesure n’existe pas dans la législation de l’État partie. Elle n’aurait pas non plus trouvé refuge dans un centre d’hébergement ou de secours, car il n’en existe aucun à Achkhoy-Martan. Elle fait valoir que l’article 2 de la Convention ne se limite pas à interdire la discrimination à l’égard des femmes pratiquée directement ou indirectement par les autorités publiques, mais impose également une obligation positive de diligence raisonnable aux États parties.

3.6L’auteure déclare en outre qu’il n’existe pas de dispositions ou de procédures particulières, dans le droit civil ou le droit de la famille, pour les cas de violences faites aux femmes, comme des dédommagements ou des réparations pour les préjudices pécuniaires et non pécuniaires. Elle a invoqué une disposition générale sur l’indemnisation, en vain. Elle affirme que le coût de ses deux interventions chirurgicales, à Grozny et à Saint-Pétersbourg, et des longues séances de traitements qu’elle a dû subir à la suite de l’attaque du 27 décembre 2010, s’élevait à environ 200 000 roubles. Par ailleurs, aucune aide juridique gratuite n’est prévue pour les victimes de violence domestique et seul l’accusé a le droit de bénéficier d’un conseil et d’une représentation juridiques gratuits au tribunal. Pendant le procès, le procureur et l’avocat de la défense ont contesté la décision du tribunal d’ordonner une indemnisation pour le préjudice matériel et moral subi par l’auteure, et le tribunal a rejeté toutes les demandes d’indemnisation.

3.7L’auteure affirme qu’aucun soutien efficace, prenant la forme de services de protection et de soutien comme des centres d’hébergement, des agents sanitaires spécialisés, des services de réadaptation ou un appui psychologique, n’est apporté aux victimes de violence domestique.

3.8L’auteure explique qu’elle ne pouvait prétendre à aucune protection tant qu’elle vivait sous le même toit que M. Timagov car la loi de l’État partie ne prévoit pas d’ordonnances de protection. De plus, toutes les mesures de protection ont été interrompues au moment de sa libération immédiate. Elle affirme que son intégrité physique, sa santé mentale et physique et sa vie étaient gravement menacées, et qu’elle a vécu dans une peur constante jusqu’au jour où elle a failli être tuée par son ex-mari, le 27 décembre 2010.

3.9En vertu de l’article 5 de la Convention, l’auteure fait valoir que la peine légère infligée à son ex-mari s’explique par le fait que les tribunaux des affaires familiales ont fondé leurs décisions sur des mythes et des idées fausses sexistes concernant la façon dont les femmes tchétchènes doivent se comporter vis-à-vis de leur mari. La réaction des autorités face aux actes de son ex-mari a été manifestement inadéquate et inadaptée à la gravité de l’infraction en question. L’auteure estime que, si le tribunal n’avait pas été influencé par des mythes et des stéréotypes fondés sur le genre, l’infraction commise par son ex-mari ne serait pas restée impunie. Elle affirme que le tribunal n’a tenu compte que des déclarations des témoins de la défense et a conclu, sur cette seule base, que l’auteure avait fait preuve d’un « comportement immoral systémique », c’est-à-dire indigne de celui que l’on attend du stéréotype de la femme tchétchène convenable. Le tribunal n’a pas pris en compte les nombreux témoins qui appuyaient la version des faits présentée par l’auteure et qui étaient, en outre, des témoins directs qui vivaient dans le même foyer que l’auteure et auraient pu attester son comportement.

3.10D’autre part, le tribunal a conclu que l’accusé, et non la victime (l’auteure), souffrait « de troubles psychotraumatiques prolongés en raison des insultes systématiques de la victime ». L’accusé n’a montré aucun remord et a choisi de nier les faits plutôt que de plaider coupable. L’auteure affirme que les comportements traditionnels ont joué un rôle déterminant dans le raisonnement du tribunal. Fidèle aux opinions répandues et à l’attitude générale des autorités en matière de violence domestique, le tribunal a fait fi de la situation vulnérable de l’auteure, ainsi que des antécédents de violence domestique de M. Timagov et de sa condamnation antérieure pour avoir infligé des lésions corporelles à l’auteure, et n’a tenu compte que de la description positive de la personnalité de l’accusé présentée à l’appui de la défense par les témoins de l’administration locale de la mosquée.

3.11L’auteure estime que les idées traditionnelles selon lesquelles la femme est considérée comme inférieure à l’homme contribuent aux violences faites aux femmes, et que les jugements tels que celui qui a été rendu dans son cas renforcent ces stéréotypes. Le tribunal a privilégié la version des faits, présentée par la défense, selon laquelle l’auteure aurait insulté son ex-mari à maintes reprises, sans accorder la même importance au fait que celui-ci lui avait sans cesse fait subir des violences physiques et mentales, une version appuyée par des témoins et que confirment ses blessures. En outre, le parquet a de sa propre initiative demandé au tribunal de retenir un chef moins grave contre M. Timagov de sorte que celui-ci ne soit plus accusé de tentative de meurtre, mais de lésions corporelles graves infligées dans un état de folie temporaire. La Cour suprême de Tchétchénie a tenu à supprimer la mention de la condamnation antérieure de M. Timagov par le tribunal d’instance d’Achkhoy-Martan dans son jugement. D’après l’auteure, ces décisions judiciaires témoignent d’un certain degré de tolérance vis-à-vis du comportement des agresseurs potentiels et n’ont aucun effet préventif ou dissuasif. Elles sont inefficaces car elles laissent entendre que la violence domestique est tolérée par les autorités. Un tel jugement discriminatoire équivaut à une revictimisation de l’auteure et justifie de fait l’agression de son ex-mari.

3.12L’auteure déclare qu’elle et sa famille ont infiniment souffert de la publicité donnée à l’affaire et de la condamnation minimale imposée par le tribunal, qui présentait son ex-mari comme la victime. L’auteure a été rejetée et stigmatisée dans une communauté où les liens familiaux sont extrêmement importants. Tous ces facteurs ont aggravé les troubles post-traumatiques dont elle souffrait depuis l’attaque dont elle a été victime. Elle a subi une atteinte à son intégrité physique et mentale qui l’empêche de reconstruire sa vie. Elle souffre aujourd’hui, en raison de ses blessures, d’une incapacité permanente qui l’empêche de travailler et de gagner sa vie. Elle ne peut pas vivre dans la moitié de la maison qui lui appartient légalement, et ni l’État ni son ex-mari ne contribuent financièrement à son traitement. Elle ne suit donc aucun traitement médical car elle ne peut se le permettre.

3.13L’auteure déclare que, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, seuls les recours effectifs et disponibles doivent être épuisés. La condamnation de son ex-mari met fin aux procédures qu’elle avait à sa disposition. Elle a donc épuisé tous les recours internes disponibles à sa portée. L’auteure a déposé plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, mais sa plainte a été rejetée car elle ne répondait pas aux critères de recevabilité. Étant donné que l’affaire n’a pas été examinée sur le fond, la plainte répond néanmoins aux conditions énoncées à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif.

3.14L’auteure demande au Comité de conclure qu’elle a été victime de discrimination et que l’État partie n’a pas respecté les obligations que lui imposent les articles 2 et 5 de la Convention. Elle demande également au Comité de recommander à l’État partie de lui accorder une indemnisation financière à la mesure de la violation grave de ses droits et des souffrances physiques, mentales et sociales qu’elle a subies afin de lui permettre de poursuivre son traitement et d’autres soins nécessaires.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Les 17 mars et 22 avril 2014, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication. Il fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention car, en 2012, l’auteure a déposé une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme et celle-ci l’a déclarée irrecevable.

4.2Le 22 avril 2014, l’État partie a présenté des observations supplémentaires. Il affirme que l’auteure n’a pas introduit de demande de contrôle juridictionnel auprès de la Cour suprême de la Fédération de Russie concernant les décisions judiciaires du 26 avril 2010 et du 14 octobre 2011 déclarant son mari coupable de lui avoir infligé des lésions corporelles, et ce, alors qu’elle estime que cette condamnation est légère et influencée par des stéréotypes fondés sur le genre. La communication devrait donc être déclarée irrecevable au regard du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention.

4.3Le 12 mars 2015, l’État partie a de nouveau présenté le même argument de non-épuisement par l’auteure des voies de recours internes disponibles.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Les 3 et 11 juin 2014, l’auteure a présenté des commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité. L’auteure conteste l’argument avancé par l’État partie selon lequel la communication est irrecevable en vertu de l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif. Elle soutient en particulier que l’objet de la plainte déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme diffère de celui de la plainte présentée au Comité. La plainte présentée à la Cour portait sur la condamnation excessivement légère et la violation des garanties judiciaires de l’auteure, et non sur la discrimination fondée sur le genre. En vertu de la jurisprudence de la Cour, les plaintes pour discrimination ne peuvent être examinées que si elles relèvent d’un autre droit protégé par la Convention européenne des droits de l’homme. La plainte déposée par l’auteure auprès du Comité porte, elle, sur la discrimination dont elle a été victime, c’est-à-dire les épisodes répétés de violence fondée sur le genre suivis d’une agression mortelle à laquelle elle a survécu. Dans sa plainte, l’auteure affirme également que l’État partie a violé ses obligations positives au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, étant donné qu’il est impossible d’obtenir une ordonnance de protection émise en vertu de la législation nationale, qu’il n’existe pas de services de soutien appropriés pour les victimes, comme des centres d’hébergement ou de secours, et que ses demandes d’indemnisation ont été rejetées. Par ailleurs, elle présente cette plainte au Comité non seulement car elle estime que ses droits ont été violés, mais aussi pour faire la lumière sur le problème de la violence domestique dans le nord du Caucase, en particulier les stéréotypes et les préjugés sexistes qui entretiennent la violence à l’égard des femmes et en font un phénomène acceptable, et pour mettre au jour l’exclusion imposée par la communauté aux femmes qui la dénoncent.

5.2L’auteure affirme également que la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas examiné sa requête sur le fond et n’a pas expliqué précisément pourquoi celle-ci avait été déclarée irrecevable. D’après la lettre d’irrecevabilité de la Cour datée du 6 décembre 2012, sa requête ne répondait pas aux critères de recevabilité établis dans les articles 34 et 35 de la Convention européenne des droits de l’homme. La lettre a été publiée deux mois après la réception de la demande par la Cour. La demande a donc été rejetée à un stade très précoce auquel il n’est pas procédé à un examen sur le fond. L’auteure cite en outre l’affaire N.S.F. c. Royaume-Uni (CEDAW/C/38/D/10/2005), dans laquelle le Comité a conclu que la déclaration d’irrecevabilité de la Cour ne l’empêchait pas d’examiner l’affaire.

5.3L’auteure conteste l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif. Elle fait valoir qu’elle a épuisé tous les recours internes qui auraient pu aboutir à une réparation satisfaisante et dont l’application n’aurait pas excédé les délais raisonnables. Elle a introduit un recours en cassation et une demande de contrôle juridictionnel. L’État partie a reconnu qu’elle avait présenté les mêmes arguments en cassation que dans sa communication au Comité, et que ses plaintes avaient été considérées comme non fondées par les juridictions nationales. Il a également admis que sa demande de contrôle juridictionnel avait été rejetée par la Cour suprême de Tchétchénie à deux reprises, le 8 août 2012 et le 19 février 2013.

5.4En ce qui concerne les constatations formulées par le Comité dans l’affaire Vertido c. Philippines, l’auteure affirme qu’un verdict d’acquittement fondé sur des mythes et stéréotypes sexistes ne constitue pas une réparation adaptée ou satisfaisante au regard du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif. Il est en outre peu probable que la procédure de contrôle juridictionnel soit un recours utile étant donné que c’est un recours extraordinaire dont l’introduction relève de la discrétion de l’autorité responsable et qu’elle n’apporterait pas une réparation adaptée dans un cas de violence domestique. L’auteure soutient que cette procédure s’est de surcroît déjà avérée inefficace dans son cas. L’État partie n’a pas étayé l’argument selon lequel le contrôle juridictionnel est un recours efficace, que ce soit en invoquant sa jurisprudence interne ou par un autre moyen.

5.5L’auteure insiste par ailleurs sur le fait que, malgré la gravité de l’infraction, l’État partie porte la charge de la preuve sur l’auteure, qui a été victime de violence domestique et qui doit trouver les ressources financières et psychologiques nécessaires pour persévérer dans sa quête de justice. Elle s’est déjà tournée vers chaque instance, y compris la cassation et les procédures de contrôle juridictionnel, en vain.

5.6L’auteure fait valoir que la procédure de contrôle juridictionnel ne serait utile que pour sanctionner l’agresseur, dans la mesure où la Cour suprême annulerait le jugement et renverrait l’affaire aux tribunaux qui avaient déjà tranché en sa faveur pour un nouvel examen. Cependant, dans la logique de la pratique du Comité, les recours internes effectifs pour les cas de violence domestique sont ceux qui portent sur l’obligation qui incombe à l’État partie concerné d’agir avec diligence raisonnable pour protéger, enquêter sur l’infraction, sanctionner l’auteur et fournir une indemnisation, comme l’indique la recommandation générale no 19 du Comité.

5.7L’auteure affirme que les femmes ne sont généralement pas assez protégées dans l’État partie. Dans l’affaire qui la concerne, la durée excessive de l’action en justice témoigne de graves lacunes dans la législation et le système judiciaire de l’État partie en ce qui concerne les cas de violence domestique.

5.8En outre, le 15 juin 2015, en réponse aux observations de l’État partie du 12 mars 2015, l’auteure a réfuté l’argument de l’État partie selon lequel elle n’avait pas épuisé toutes les voies de recours internes et a rappelé que la procédure de contrôle juridictionnel était un recours extraordinaire, qu’une telle procédure ne lui donnerait pas satisfaction et que l’introduction d’une demande auprès de la Cour suprême de la Fédération de Russie serait excessivement longue et peu susceptible d’aboutir à une réparation effective.

5.9L’auteure souligne que les demandes d’indemnisation ont été déposées au cours du procès pénal et sont étroitement liées à la qualification du statut de l’agresseur. Elles ont été rejetées car le tribunal a reconnu que l’agresseur avait été victime d’une folie temporaire lorsqu’il a manqué de tuer l’auteure à coups de hache. C’est ainsi que l’auteure a été prise dans un cercle vicieux. D’après la règle juridique générale, le préjudice devrait être entièrement indemnisé par l’individu qui en est l’auteur. Le tribunal dispose cependant de la liberté de décision quant à l’octroi d’une indemnisation lorsque les auteurs ne sont pas conscients de leurs actes, comme dans le cas d’une folie temporaire. Par conséquent, en concluant que M. Timagov était victime d’une folie temporaire lors de l’agression, le tribunal de district a également exclu toute possibilité d’indemnisation de l’auteure. En défendant la position de la juridiction inférieure concernant l’état mental de l’agresseur au moment des faits, la Cour suprême de Tchétchénie a automatiquement confirmé que l’auteure n’avait pas droit à indemnisation.

5.10L’auteure déclare qu’il n’existe pas de dispositions ou de procédures particulières, dans le droit civil ou le droit de la famille, pour les cas de violence fondée sur le genre, comme des dédommagements ou des réparations pour les préjudices pécuniaires et non pécuniaires. Elle a invoqué une disposition générale sur l’indemnisation, en vain. Les efforts qu’elle a déployés afin d’obtenir réparation pour les dommages et le préjudice irréparable (incapacité de catégorie II) qu’elle a subis n’ont pas abouti. Intenter une action en dommages-intérêts séparée au civil en marge du procès pénal n’aurait fait qu’aggraver son isolation et son exclusion car elle aurait été interprétée comme une tentative d’enrichissement personnel. Elle conclut que le refus des tribunaux de lui accorder toute forme d’indemnisation ou de soutien renforce l’impunité pénale et financière dans les affaires de violence domestique.

5.11L’auteure ajoute qu’aucune aide juridique gratuite n’est prévue pour les femmes victimes de violence, ni avant ni pendant les procédures exigées par la loi. Seul l’accusé a le droit de bénéficier d’un conseil et d’une représentation juridiques gratuits au tribunal.

5.12L’auteure affirme que les autorités de l’État partie étaient au courant du caractère systématique de la violence à l’égard des femmes en Tchétchénie et de la situation en matière de violence domestique, et qu’elles connaissaient tout à fait sa situation étant donné les maltraitances signalées le 12 décembre 2009, les menaces notifiées le 23 février 2010, la décision du tribunal d’instance à cet égard, l’intervention de l’huissier de justice dans l’affaire du chauffage en hiver, et la tentative de meurtre à la hache de l’auteure par M. Timagov.

5.13L’auteure affirme que, compte tenu de l’absence de cadre normatif et structurel de protection des femmes contre la violence domestique dans l’État partie, celui-ci ne s’est pas acquitté de ses obligations en vertu de l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle n’a pas eu d’autre choix que de vivre avec son mari violent parce qu’elle n’avait pas accès à un centre d’hébergement, et elle n’a pas pu demander une ordonnance de protection puisque cette possibilité n’existe pas dans l’État partie.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 6 mai 2016, l’État partie a présenté ses observations sur le fond. Il affirme qu’en vertu de l’article 19 du Code pénal, seule une personne physique saine d’esprit ayant atteint l’âge légal prévu par le Code est pénalement responsable. En outre, conformément au paragraphe 1 de l’article 22 du Code, une personne qui commet un acte socialement dangereux dans un état de démence, c’est-à-dire en étant incapable de comprendre la vraie nature ou le danger social de ses actions (inaction), ou de les maîtriser en raison de troubles mentaux chroniques ou temporaires, d’une déficience mentale ou de tout autre problème de santé mentale, n’est pas pénalement responsable. Conformément à l’article 113 du Code, le fait d’infliger intentionnellement des lésions graves ou de gravité modérée dans un état de forte agitation mentale soudaine (folie temporaire) provoquée par des actes de violence, des moqueries ou de graves insultes, par d’autres actions illégales ou immorales (inaction) de la part de la victime, ou par une situation traumatisante trouvant son origine dans le comportement illégal ou immoral systématique de la victime, est passible d’une peine de rééducation par le travail, d’une peine de restriction de liberté, d’une peine de travail obligatoire, ou d’une peine de privation de liberté pouvant toutes aller jusqu’à deux ans. La responsabilité pénale est moins élevée que dans les cas prévus aux articles 111 (blessures graves infligées intentionnellement) et 112 (blessures de gravité modérée infligées intentionnellement) du Code.

6.2L’État partie fait également valoir que, aux termes de l’article 42 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, une victime est une personne physique qui subit un préjudice physique, matériel ou moral à la suite de l’infraction, et une personne morale, si ses biens et sa réputation professionnelle ont été dégradés par l’infraction. Selon l’article 131 du Code, les dépenses de procédure sont des dépenses liées au procès de l’affaire pénale qui seront imputés sur les fonds du budget fédéral ou les ressources des participants aux procédures pénales. La victime se voit garantir l’indemnisation pour les dommages matériels découlant de l’infraction, ainsi que pour les dépenses nécessaires à la participation à la procédure d’enquête préliminaire et au jugement, en ce compris les dépenses consacrées au représentant, conformément à l’article 131 du Code. Les règles régissant l’indemnisation pour préjudice moral et matériel sont établies dans le Code civil. Cela étant, si des dommages sont causés à la vie ou à la santé de la victime, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’ordonner aux auteurs de payer tout ou partie des indemnités pour les dommages, quel que soit leur état psychologique au moment où l’infraction a été commise.

6.3Le 14 octobre 2011, le tribunal de district d’Achkhoy-Martan a déclaré l’ex-mari de l’auteure coupable d’avoir infligé des lésions corporelles graves dans un état de folie temporaire, en vertu de l’article 113 du Code pénal, et l’a condamné à neuf mois et huit jours d’emprisonnement, soit une peine conforme aux sanctions prévues aux termes de l’article. Le tribunal a cependant rejeté la demande d’indemnisation pour préjudice moral introduite par l’auteure car, d’après l’arrêt no 4409-VIII de la Cour suprême du 26 juin 1973 sur l’indemnisation des dépenses liées au traitement médical de citoyens victimes d’une infraction, les personnes qui commettent une infraction dans un état d’affect ne sont pas tenues d’indemniser les victimes pour le coût du traitement médical.

6.4L’État partie fait également valoir qu’en vertu du paragraphe 1 de l’article 1078 du Code civil, les personnes qui causent des dommages alors que leur état psychologique ne leur permet pas de comprendre la portée de leurs actes ou de les contrôler ne sont pas responsables desdits préjudices. L’État partie ajoute que, s’ils ont introduit un recours en cassation et une demande de contrôle juridictionnel auprès de la Cour suprême de Tchétchénie au sujet du jugement rendu le 14 octobre 2011, l’auteure et son représentant n’ont pas exprimé de désaccord avec la partie de la décision relative à l’action civile, et ils n’ont pas non plus demandé de dédommagement pour préjudice moral ou matériel au civil.

Réponses complémentaires de l’auteure

7.1Le 6 septembre 2016, l’auteure a présenté des observations complémentaires et un point sur sa situation. Elle vit toujours avec ses fils et leur famille dans un appartement deux pièces qu’elle loue dans la ville de Grozny. Elle n’a pas reçu d’indemnisation ou de soutien, ni de son ex-mari ni de l’État partie. Victime de violence domestique, elle est désormais handicapée pour le restant de ses jours. Son état de santé se dégrade car elle ne peut bénéficier des soins médicaux nécessaires. Les services sociaux de l’État ne lui apportent aucune aide.

7.2L’auteure souligne que la faute retombe entièrement sur la victime et que l’État partie ne s’attarde que sur l’état psychologique de l’auteur des actes de violence pour faire oublier qu’il s’agit d’une affaire de violence domestique. Les arguments de l’État partie se fondent principalement sur l’affirmation selon laquelle l’auteure aurait provoqué son ex-mari, ce qui n’est pas sans rappeler l’argument de ceux qui font l’apologie du viol selon lequel les violeurs agissent parce qu’ils ont été provoqués par la tenue légère de la victime. L’agresseur se cache derrière l’argument de défense de la folie temporaire. La victime n’a donc droit à aucune aide ni aucune indemnisation. L’État partie affirme cependant que le tribunal dispose du pouvoir discrétionnaire d’accorder des dommages-intérêts, indépendamment de l’état psychologique de l’auteur de l’infraction au moment où celle-ci a été commise. Il en résulte que ni les autorités judiciaires, ni l’État partie ne considèrent la violence domestique et ses conséquences comme pouvant donner lieu à des dommages-intérêts. L’auteure ne peut prétendre aux biens qui lui ont été accordés par un tribunal local car il s’agit de la moitié de la maison dans laquelle réside son agresseur.

7.3L’auteure affirme que, tout au long de l’examen de son dossier, le stéréotype selon lequel un mari peut continuellement maltraiter sa femme en toute impunité a été renforcé par les représentants de l’État qui se sont servis du prétexte de la folie temporaire.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 66, il peut décider d’examiner la recevabilité de la communication en même temps que le fond. En application du paragraphe 4 de l’article 72, il est toutefois tenu de se prononcer sur la recevabilité avant de se prononcer sur le fond.

8.2En application du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité est tenu de s’assurer que la question n’a pas déjà fait l’objet et ne fait pas l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête internationale ou de règlement international. À cet égard, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être déclarée irrecevable sur le fondement de cette disposition au motif que l’auteure a présenté une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Il prend également note des arguments de l’auteure, qui affirme que l’État partie n’a formulé aucune réserve au moment de la ratification de la Convention et du Protocole facultatif, que la Cour n’a pas examiné sa requête sur le fond, et qu’elle a saisi la Cour et le Comité de questions juridiques différentes.

8.3Le Comité constate que l’auteure a adressé une requête à la Cour européenne des droits de l’homme en 2012. Il va donc se pencher sur la question de savoir si cette requête a été examinée par la Cour au sens du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif. En l’espèce, il constate que la Cour a déclaré la requête de l’auteure irrecevable au motif qu’elle ne « remplit pas les conditions des articles 34 et 35 de la [Convention européenne des droits de l’homme] ». Dans ces circonstances, il estime que la Cour s’est prononcée sur la base des règles de procédure et n’a pas procédé à un examen approfondi au fond. Pour cette raison, il conclut que le paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la présente communication.

8.4Le Comité rappelle que, aux termes du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, il n’examine aucune communication sans avoir vérifié que tous les recours internes ont été épuisés, à moins que la procédure de recours n’excède des délais raisonnables ou qu’il soit improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen. À cet égard, il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de cette disposition car l’auteure n’a pas saisi la Cour suprême de la Fédération de Russie d’une demande de contrôle juridictionnel des décisions rendues le 26 avril 2010 et le 14 octobre 2011. Néanmoins, le Comité note que l’auteure affirme avoir épuisé tous les recours internes qui auraient pu aboutir à une réparation satisfaisante dans un délai raisonnable. Elle a introduit un recours en cassation et deux demandes de contrôle juridictionnel, lesquelles ont été rejetées par la Cour suprême de Tchétchénie, le 8 août 2012 et le 19 février 2013. Le Comité note que l’auteure soutient que le contrôle juridictionnel est un recours extraordinaire qui relève de la discrétion de l’autorité compétente et a donc peu de chances d’aboutir à une réparation effective et satisfaisante dans les cas de violence domestique et qu’une procédure auprès de la Cour suprême de la Fédération de Russie excéderait les délais raisonnables.

8.5Le Comité note que l’État partie n’explique pas comment le contrôle juridictionnel aurait permis de garantir les droits de l’auteure. Le Comité conclut donc que, en l’espèce, il est peu probable que les recours internes mentionnés par l’État partie puissent apporter une réelle réparation à l’auteure. Par conséquent, les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’estimer que la présente communication soulève des questions au titre des articles 2 et 5 de la Convention.

Examen au fond

9.1Le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de tous les renseignements qui lui ont été transmis par l’auteure et par l’État partie, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 7 du Protocole facultatif.

9.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la peine prononcée contre l’ex-époux de l’auteure était proportionnée à la gravité de l’infraction commise en ce que le tribunal d’Achkhoy-Martan a reconnu l’intéressé coupable d’avoir infligé des lésions corporelles graves dans un état de folie temporaire et l’a condamné à neuf mois et huit jours d’emprisonnement, conformément aux dispositions de l’article 113 du Code pénal. Le Comité note en outre que l’État partie soutient que le tribunal a rejeté la demande d’indemnisation pour préjudice moral et matériel présentée par l’auteure, conformément à la législation nationale.

9.3Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 6 de sa recommandation générale no 19, la discrimination telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention inclut la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre. Ce type de discrimination n’est pas limité aux mesures prises par les États parties ou en leur nom. En effet, conformément au paragraphe e) de l’article 2, les États parties peuvent être également responsables d’actes commis par des acteurs privés s’ils ne prennent pas les précautions qui s’imposent pour prévenir les violations des droits et pour enquêter sur les actes de violence, punir les auteurs et octroyer réparation aux victimes.

9.4En ce qui concerne l’observation de l’auteure selon laquelle les décisions des autorités reposent sur des stéréotypes sexistes, au mépris de l’article 5 de la Convention, le Comité souligne à nouveau que la Convention impose des obligations à tous les organes de l’État et que les États parties peuvent être tenus responsables des décisions de justice contraires aux dispositions de la Convention. Le Comité précise en outre que la pleine application de la Convention exige non seulement que les États parties prennent des mesures pour éliminer la discrimination dans ses formes directe et indirecte et pour améliorer la situation des femmes, mais aussi qu’ils s’emploient à modifier et transformer les stéréotypes de genre et à éliminer les représentations stéréotypées des genres, qui sont à la fois une cause et une conséquence de la discrimination à l’égard des femmes. Les stéréotypes de genre peuvent être perpétués par différents instruments et dispositifs, notamment les lois et les systèmes juridiques, et être entretenus par des acteurs étatiques dans tous les organes et à tous les niveaux du gouvernement, ainsi que par des acteurs privés.

9.5Le Comité rappelle que, en application des paragraphes a), c), d) et e) de l’article 2 et du paragraphe a) de l’article 5 de la Convention, l’État partie est tenu de modifier ou d’abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes. Il souligne à cet égard que les représentations stéréotypées portent atteinte au droit des femmes à un procès équitable et que l’appareil judiciaire doit se garder de créer des précédents inflexibles sur la base d’idées préconçues de ce qui constitue un acte de violence domestique ou de violence fondée sur le genre, comme il l’a fait observer dans sa recommandation générale no 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice.

9.6En l’espèce, le respect par l’État partie des obligations mises à sa charge par les paragraphes c) et d) de l’article 2 et le paragraphe a) de l’article 5 de la Convention, qui lui imposent de garantir aux femmes une protection juridique contre tout acte de discrimination et d’éliminer les préjugés et stéréotypes sexistes, doit être évalué à l’aune de la prise en compte de la problématique femmes-hommes par l’appareil judiciaire. À cet égard, le Comité note que le parquet a de sa propre initiative demandé au tribunal de retenir un chef moins grave contre M. Timagov de sorte que celui-ci ne soit plus accusé de tentative de meurtre, mais de lésions corporelles graves infligées dans un état de folie temporaire. Il note également que le tribunal de district a accordé davantage de poids à la thèse de la défense selon laquelle l’auteure insultait systématiquement son ex-mari qu’aux antécédents de violence domestique de M. Timagov, pourtant confirmés par les dires des témoins et par les blessures de la victime. Le tribunal n’a pas tenu compte de la vulnérabilité de l’auteure, ni du fait que M. Timagov avait précédemment été condamné pour lui avoir infligé des lésions corporelles.

9.7Le Comité note en outre que le tribunal a accordé un poids considérable aux déclarations des témoins de la défense, d’après lesquels l’auteure avait un comportement provoquant et insultait son ex-mari, et a jugé la personnalité de l’agresseur sur la seule base de la description favorable faite par l’administration de la mosquée locale. Le tribunal a accordé moins de poids aux déclarations des témoins à charge, qui vivaient pourtant sous le même toit que la victime et son agresseur.

9.8Le Comité constate que la Cour suprême de Tchétchénie a confirmé la décision du tribunal de district dans son intégralité et n’y a apporté qu’une modification, soit la suppression de la mention de la condamnation antérieure de M. Timagov par le tribunal d’instance pour violence domestique. Il constate également que les tribunaux ont rejeté toutes les demandes d’indemnisation de l’auteure alors qu’ils avaient toute discrétion pour y faire droit. Le Comité note en outre que l’auteure n’a jamais eu accès à un centre d’hébergement et n’a jamais bénéficié d’un conseil ou d’une représentation juridiques gratuits, et qu’elle n’a pas non plus pu demander l’octroi de mesures de protection, pareille mesure n’étant pas prévues par la loi.

9.9Le Comité note que l’État partie n’a contesté aucun de ces faits et que, pris dans leur ensemble, ceux-ci montrent qu’en ne fournissant pas une protection juridique efficace à l’auteure et en ne tenant pas compte de la problématique femmes-hommes dans leurs raisonnements, les autorités nationales ont été influencées par des stéréotypes. Le Comité conclut donc qu’en ne faisant pas le nécessaire pour protéger l’auteure contre la violence domestique et punir son agresseur comme il se devait, les autorités de l’État partie ont failli aux obligations mises à leur charge par la Convention.

9.10Le Comité note également que, selon l’auteure, la législation de l’État partie ne prévoit aucune protection juridique utile contre la violence domestique. Il rappelle, à cet égard, qu’en application de l’article 3 de la Convention, les États parties prennent, dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de la personne et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes. Le Comité rappelle ses observations finales concernant le huitième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/RUS/CO/8), dans lesquelles il a recommandé à la Fédération de Russie d’adopter sans attendre un train de mesures législatives visant à prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, d’engager des poursuites d’office en cas de violences domestiques et sexuelles, de veiller à ce que les femmes et les filles qui sont victimes de violences aient immédiatement accès à des voies de recours et à des mesures de protection, et de faire en sorte que les agresseurs soient poursuivis et punis comme il se doit. Le Comité regrette qu’au lieu de renforcer la loi sur la violence domestique, les modifications récemment apportées à la législation nationale dépénalisent l’agression, motif de nombreux procès pour violence domestique, parce que l’expression « violence domestique » n’est pas définie en droit russe. Dans ces circonstances, il ne saurait souscrire à l’argument de l’État partie selon lequel la législation russe est pleinement compatible avec les règles et normes énoncées dans la Convention.

9.11Le Comité estime que l’incapacité de l’État partie de modifier sa législation sur la violence domestique a eu une incidence directe sur les droits de l’auteure de réclamer justice et d’avoir accès à des voies de recours et à une protection efficaces. Le Comité estime également qu’il ressort de l’espèce que l’État partie a failli à son devoir de prendre toutes les mesures appropriées pour modifier les comportements sociaux et culturels des hommes et des femmes, en vue d’éliminer les préjugés et les pratiques coutumières et autres qui sont fondés sur l’idée qu’un sexe est supérieur à l’autre et qui cantonnent les hommes et les femmes à des rôle stéréotypés.

9.12À la lumière de ce qui précède, le Comité estime que le traitement de l’affaire par les autorités de l’État partie constitue une violation des droits que l’auteure tient des paragraphes c) et d) de l’article 2 de la Convention, lus en parallèle avec l’article premier, et du paragraphe a) de l’article 5, lu en parallèle avec la recommandation générale no 19 et la recommandation générale no 35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale no 19. Le Comité constate en particulier que l’auteure a subi un préjudice moral. Elle a été soumise à de graves violences physiques et psychologiques fondées sur le genre du fait que l’État ne lui a pas fourni la protection suffisante face aux mauvais traitements continus infligés par son époux (à présent ex-époux) et a subi un nouveau traumatisme lorsque les autorités, en particulier la police et la justice, qui auraient dû la protéger, ont failli à leur devoir de prévenir les violences, de punir l’agresseur comme il se devait et d’indemniser la victime.

10.En vertu du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif et compte tenu des considérations exposées plus haut, le Comité estime que l’État partie a manqué à ses obligations et a donc violé les droits que l’auteure tient des paragraphes c) et d) de l’article 2, lus en parallèle avec l’article premier, et du paragraphe a) de l’article 5 de la Convention, lu en parallèle avec les recommandations générales nos 19 et 35.

11.Le Comité adresse les recommandations suivantes à l’État partie :

a)Concernant l’auteure de la communication : fournir une indemnisation financière appropriée et proportionnée à la gravité des violations commises :

b)En général :

i)S’acquitter, sur son territoire, de ses obligations de respecter, protéger, promouvoir et honorer les droits fondamentaux des femmes, y compris le droit de vivre à l’abri de toutes formes de violence fondée sur le genre, notamment la violence domestique, l’intimidation et les menaces de violence :

ii)Revoir rapidement sa législation pour la mettre en pleine conformité avec les normes internationales, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et, en particulier, faire en sorte que tous les actes de violence fondée sur le genre, y compris ceux commis au sein de la famille, soient érigés en crime et punis comme il se doit et que les victimes puissent bénéficier de mesures de protection juridique :

iii)Procéder rapidement à des enquêtes approfondies, impartiales et exhaustives sur les actes présumés de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, veiller à ce que des poursuites pénales soient engagées pour tous les actes de ce type, soumettre les auteurs présumés à des procès équitables, impartiaux et rapides et les punir comme il se doit :

iv)Donner aux victimes de violence un accès sûr et rapide à la justice, y compris, au besoin, à l’aide juridictionnelle, pour qu’elles disposent de recours et de moyens de réinsertion efficaces et suffisants, conformément aux orientations formulées dans la recommandation générale no 33 du Comité, et veiller à ce que les victimes de violence domestique et leurs enfants se voient fournir rapidement toute l’aide voulue, y compris l’accès à un centre d’hébergement et un accompagnement psychologique :

v)Mettre en place des programmes de réinsertion et des programmes sur les méthodes non violentes de règlement des conflits à l’intention des auteurs d’actes de violence :

vi)Signer et ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique :

vii)Organiser à l’intention des juges, des avocats et du personnel chargé de l’application des lois, y compris les magistrats du parquet, une formation obligation sur la Convention, le Protocole facultatif y afférent et les recommandations générales du Comité, en particulier les recommandations générales nos 19, 28 et 35 :

viii)Avec la participation active de toutes les parties concernées, telles que les associations de femmes et les chefs religieux, élaborer et appliquer des mesures permettant de lutter contre les stéréotypes, les préjugés, les coutumes et les pratiques qui excusent ou tolèrent la violence domestique :

ix)Appliquer rapidement et sans délai les observations finales du Comité concernant le huitième rapport périodique de la Fédération de Russie en matière de violence à l’égard des femmes et des filles.

12.Conformément au paragraphe 4 de l’article 7 du Protocole facultatif, l’État partie examinera dûment les constatations et les recommandations du Comité, auquel il soumettra, dans un délai de six mois, une réponse écrite, l’informant de toute action menée à la lumière de ses constatations et recommandations. L’État partie est également invité à rendre ces constatations et recommandations publiques et à les diffuser largement afin de toucher tous les secteurs concernés de la société.