NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/HUN/CO/217 mars 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante et unième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: Hongrie

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Hongrie (CRC/C/70/Add.25) à ses 1100e et 1102e séances, tenues le 18 janvier 2006, et adopté les observations finales ci‑après à sa 1120e séance, tenue le 27 janvier 2006.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie, qui est rédigé sans complaisance, des réponses écrites détaillées à sa liste de points à traiter ainsi que du dialogue franc qui s’est instauré avec une délégation polyvalente et compétente, ce qui lui a permis de se faire une idée plus précise de la situation des enfants en Hongrie.

B. Mesures de suivi adoptées par l’État partie et progrès réalisés

3.Le Comité accueille avec satisfaction les progrès enregistrés au cours de la période visée par le rapport, et notamment:

a)Les nombreuses modifications apportées à la loi sur la protection de l’enfance;

b)L’adoption, en 2003, de la loi sur l’égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances qui interdit la discrimination directe et indirecte;

c)Les fonctions de surveillance indépendante assumées par les commissaires parlementaires aux droits civils et aux minorités ethniques et nationales, et notamment l’attention portée aux questions relatives aux droits de l’enfant;

d)L’interdiction des châtiments corporels au sein de la famille consacrée par l’adoption d’un amendement à la loi de 2004 sur la protection de l’enfance;

e)L’élargissement des programmes d’intégration sociale des enfants roms.

4.Le Comité se félicite en outre de la ratification par l’État partie:

a)De la Convention (no 182) de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, le 20 avril 2000;

b)Du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 30 novembre 2001;

c)De la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, le 4 décembre 2003;

d)De la Convention de La Haye no33 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, le 6 avril 2005.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

Recommandations précédentes du Comité

5.Le Comité note avec satisfaction qu’il a été donné suite à certaines des préoccupations qu’il avait exprimées et des recommandations qu’il avait faites (CRC/C/15/Add.87 de juin 1998) après avoir examiné le rapport initial de l’État partie (CRC/C/70/Add.34), par l’adoption de mesures législatives, administratives ou autres. Il regrette par contre que d’autres préoccupations et recommandations n’aient pas été suffisamment prises en compte, notamment celles concernant la nécessité d’un plan d’action national, le manque de coordination des politiques, l’absence de données ventilées, l’affectation de crédits, la formation des différentes catégories professionnelles, la discrimination exercée à l’égard des enfants appartenant à une minorité ethnique (en particulier la minorité rom), les questions de santé, l’exploitation sexuelle et la traite.

6. Le Comité engage instamment l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations contenues dans les observations finales adoptées à la suite de l’examen du rapport initial qui n’ont pas encore été mises en œuvre et qui seront par conséquent répétées dans le présent document, ainsi qu’à la liste de préoccupations soulevées dans les présentes observations finales portant sur le deuxième rapport périodique.

Législation et application

7.Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle la législation nationale est entièrement conforme aux dispositions de la Convention et, en cas de conflit, les tribunaux hongrois appliquent les dispositions de la Convention. Il se déclare toutefois préoccupé par le fait que la décentralisation instituée par la loi de 1997 sur la protection de l’enfance confère des responsabilités aux comitats et aux autorités municipales sans leur donner des moyens suffisants pour leur permettre d’instaurer un système efficace de protection des enfants et de mettre en place des services d’aide sociale à leur intention.

8. Le Comité recommande à l’État partie de réévaluer les obligations dévolues aux comitats et aux autorités locales et de leur octroyer des ressources humaines et financières suffisantes pour leur permettre d’instaurer un système efficace de protection des enfants et de mettre en place des services d’aide sociale à leur intention.

Coordination et plan d’action national

9.Le Comité reconnaît l’existence de divers plans d’action dans des domaines précis mais se dit une nouvelle fois préoccupé par l’absence de plan d’action national détaillé en faveur des enfants et de politique coordonnée de mise en œuvre de la Convention, notamment au niveau local.

10. Le Comité recommande à l’État partie, compte tenu de son Observation générale n o 5 sur les mesures d’application générales:

a) D’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action national en faveur des enfants doté de ressources suffisantes, en prévoyant un calendrier et un système de surveillance, en vue de promouvoir la réalisation des principes et des dispositions de la Convention, en s’inspirant notamment du plan d’action intitulé «Un monde digne des enfants» que l’Assemblée générale a adopté à sa session extraordinaire, en mai 2002;

b) De prendre les mesures nécessaires pour assurer une véritable coordination entre les activités des organes de tutelle (à l’échelon des comitats, des villes et des communes) et celles des représentants des enfants et des comités d’experts.

Structures de suivi indépendantes

11.Le Comité apprécie l’action menée par les commissaires parlementaires aux droits civils et aux droits des groupes ethniques et minoritaires, mais il déplore que ces institutions ne soient pas dotées de ressources suffisantes pour s’acquitter efficacement de leur mandat de surveillance indépendante.

12. Le Comité recommande que:

a) L’État partie confère aux commissaires parlementaires des pouvoirs accrus en matière de surveillance de la mise en œuvre des droits de l’enfant, notamment aux niveaux du comitat et de la commune, en les dotant de ressources humaines et financières supplémentaires et qu’il tienne dûment compte de l’Observation générale n o  2 concernant le rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme;

b) Les recommandations émises par les commissaires parlementaires sur les questions touchant les enfants soient dûment prises en compte et mises en pratique;

c) L’on envisage la création d’un mécanisme d’examen des plaintes et de suivi accessible aux enfants.

Ressources consacrées aux enfants

13.Le Comité déplore le peu d’informations fournies sur les ressources allouées à la mise en œuvre de la Convention, et en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la protection des enfants et des services sociaux. Tout en relevant que des crédits prélevés sur le budget national sont alloués de manière uniforme aux différents services et aux collectivités locales, le Comité constate avec préoccupation que les municipalités pauvres ont des difficultés à trouver des ressources complémentaires.

14. Le Comité recommande à l’État partie de prévoir des allocations budgétaires suffisantes et l’invite à fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur les ressources allouées à la mise en œuvre de la Convention et en particulier des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, et notamment de ceux qui vivent dans des familles à revenu modeste, «dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale». Il lui recommande en outre de faire en sorte que toutes les municipalités disposent de ressources suffisantes pour pouvoir s’acquitter de leurs responsabilités d’une manière efficace et contribuer ainsi à la réduction des inégalités entre les zones urbaines et les zones rurales en ce qui concerne la jouissance des droits de l’enfant.

Collecte de données

15.Le Comité estime qu’il est essentiel de disposer de données statistiques afin de pouvoir recenser et combattre les discriminations directes et indirectes et concevoir et mettre en œuvre des programmes d’action positive, complétés par des mesures de suivi visant à évaluer les progrès réalisés. À cet égard, il relève à nouveau avec inquiétude que la loi sur la protection des données empêche la compilation de statistiques ventilées, en particulier sur les groupes d’enfants les plus vulnérables, tels que ceux qui appartiennent à des minorités, et notamment les Roms, les enfants handicapés, les demandeurs d’asile et les enfants en conflit avec la loi.

16. Le Comité recommande à l’État partie d’examiner attentivement les dispositions de la législation et de la réglementation actuellement en vigueur qui font obstacle à la collecte de données ventilées, en se référant à l’avis de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, selon lequel la collecte et la publication de données ventilées selon l’origine ethnique peuvent se faire dans le plein respect des droits de l’homme, pour autant que certaines conditions soient remplies. Il recommande en outre à l’État partie d’améliorer sensiblement la collecte de données pertinentes pour la mise en œuvre de la Convention en mettant en place un mécanisme complet et bien coordonné, de façon à pouvoir évaluer les progrès accomplis et concevoir et mettre en œuvre les programmes d’action positive nécessaires.

Formation et diffusion de la Convention

17.Le Comité note que la Convention a été traduite dans les langues des groupes minoritaires mais il demeure préoccupé par le fait que ses dispositions ne font pas l’objet d’une diffusion et d’une information auprès des catégories professionnelles qui travaillent avec et pour les enfants.

18. Le Comité encourage l’État partie à continuer de promouvoir la reconnaissance de la Convention, en s’attachant particulièrement à la diffuser auprès des groupes vulnérables tels que les immigrés et les minorités ethniques ou linguistiques et à intensifier ses efforts pour mettre en place une formation systématique et permanente sur les droits de l’enfant à l’intention de tous les groupes de professionnels qui travaillent avec et pour les enfants (comme les juges, les avocats, les agents de la force publique, les fonctionnaires, les responsables locaux, les enseignants, les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé). Il importe en outre que l’État partie veille à familiariser les enfants eux ‑mêmes et leurs parents avec les principes de la Convention par l’intermédiaire du système éducatif.

2. Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non‑discrimination

19.Nonobstant les progrès réalisés dans le domaine législatif avec l’adoption, en 2003, de la loi sur l’égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances et de plusieurs mesures et programmes visant à éliminer la discrimination, le Comité relève avec préoccupation la persistance d’attitudes discriminatoires et xénophobes, notamment à l’égard de la population rom, et le fait que les enfants de cette communauté sont particulièrement touchés par la stigmatisation, l’exclusion et les inégalités socioéconomiques, notamment dans les domaines de l’accès au logement, au travail, aux services de santé, à l’éducation et de l’adoption.

20. Le Comité recommande vivement à l’État partie:

a) D’organiser des campagnes en vue de mettre fin aux comportements discriminatoires qui consistent à refuser aux membres de la communauté rom l’accès aux services qui doivent être accessibles à tous les citoyens, indépendamment de leur appartenance ethnique ou de toute autre considération;

b) De continuer à collaborer avec la communauté rom afin d’aider les parents à prendre conscience de l’importance de l’épanouissement et de l’éducation des enfants;

c) De renforcer et développer les programmes d’aide aux enfants défavorisés dont le développement a été entravé par les conditions socioéconomiques précaires qu’ils ont connues pendant leur petite enfance;

d) D’interdire systématiquement la ségrégation dans les établissements d’enseignement; et

e) De mettre fin sans délai à la pratique qui consiste à dégager la responsabilité de l’État en ce qui concerne l’éducation de certains enfants en les cataloguant «élèves privés».

21. Le Comité demande en outre que le prochain rapport contienne des informations précises sur les mesures et les programmes se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant qui ont été entrepris par l’État partie dans le cadre du suivi de la Déclaration et du Programme d’action adoptés par la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, compte tenu de l’Observation générale n o  1 sur le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (buts de l’éducation).

Intérêt supérieur de l’enfant

22.Le Comité relève que, alors que bon nombre de textes législatifs réclament que soit pris en compte le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant, il est préoccupant de constater que ce principe n’est pas toujours respecté dans la pratique, notamment dans les décisions impliquant des enfants qui appartiennent à des groupes vulnérables, tels que les enfants réfugiés, les demandeurs d’asile ou ceux qui appartiennent à des minorités ethniques comme les Roms.

23. Le Comité recommande à l’État partie de déployer des efforts accrus pour s’assurer que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit bien compris, dûment énoncé dans toutes les dispositions législatives et mis en œuvre dans toutes les décisions judiciaires et administratives ainsi que dans tous les projets, programmes et services ayant une incidence sur les enfants, y compris ceux qui appartiennent à des groupes vulnérables.

Respect des opinions de l’enfant

24.Tout en se félicitant des efforts entrepris par l’État partie pour promouvoir le respect des opinions de l’enfant, le Comité constate que, de manière générale, on accorde peu d’attention aux opinions de l’enfant dans la société, et qu’en particulier elles ne sont pas suffisamment prises en compte lors de l’adoption de décisions concernant la garde des enfants ou leur placement dans des structures de remplacement.

25. Le Comité recommande à l’État partie de consentir des efforts supplémentaires pour assurer la mise en œuvre du principe du respect des opinions de l’enfant. L’accent devrait être mis en particulier sur le droit de chaque enfant d’exprimer librement son opinion dans toutes les affaires qui le concernent, celle ‑ci étant dûment prise en considération en fonction de son âge et de sa maturité. Ce principe général devrait aussi être reflété dans toutes les lois, décisions judiciaires et administratives, politiques et mesures concernant les enfants et appliqué au sein de la famille, de l’école et de la communauté ainsi que dans tous les établissements fréquentés par des enfants et tous les services qui travaillent avec des enfants.

3. Droits et libertés civils (art. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

Interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

26.Le Comité prend note avec préoccupation de l’information selon laquelle des enfants sont toujours détenus arbitrairement et soumis à des brutalités policières et des mauvais traitements dans des établissements de détention.

27. Le Comité recommande à l’État partie de mener des enquêtes approfondies sur toutes les allégations faisant état de tortures et de mauvais traitements commis, en particulier dans le cadre de l’administration de la justice pour mineurs, par des fonctionnaires de l’administration publique et de veiller à ce que les coupables soient rapidement traduits en justice et jugés. Il encourage aussi l’État partie à accorder réparation aux victimes et à mettre en place des programmes de réadaptation et de réinsertion à leur intention.

Accès à l’information

28.Le Comité s’inquiète de ce que les enfants sont exposés à la violence, au racisme et à la pornographie, notamment par le biais du réseau Internet.

29. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger efficacement les enfants de la violence, du racisme et de la pornographie auxquels ils sont exposés par le canal de la technologie mobile, des films et jeux vidéo ainsi que d’autres technologies, y compris le réseau Internet.

4. Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Séparation d’avec les parents

30.Le Comité est préoccupé par la forte proportion d’enfants, y compris de très jeunes enfants et d’enfants handicapés, ayant fait l’objet de mesures de protection de remplacement, bien souvent pour des raisons financières et pendant une longue période. Il note avec regret qu’environ la moitié de ces enfants ne sont pas placés dans des familles d’accueil mais dans des institutions. Il s’inquiète en particulier de la proportion écrasante d’enfants roms qui se trouvent dans ce cas. Il est aussi extrêmement préoccupé par le fait que l’on ne fait guère d’efforts pour rendre les enfants à leur famille dans les meilleurs délais.

31.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la piètre qualité de nombreuses institutions et par le fait que les enfants qui ont été pris en charge par l’État viennent ensuite grossir les rangs des sans‑abri.

32. Le Comité recommande à l’État partie de fournir une assistance suffisante aux familles afin d’éviter la séparation et de promouvoir le placement dans des familles nourricières. Il suggère en outre que le placement en institution ne soit envisagé qu’en dernier ressort, en prenant en considération l’intérêt supérieur de l’enfant. À cet égard, l’État partie devrait soutenir au maximum les activités des représentants des enfants et des responsables des services de protection de l’enfance en vue d’éviter, dans la mesure du possible, le placement d’enfants en institution. Le Comité recommande à l’État partie d’affecter des ressources suffisantes aux établissements d’accueil et au système des familles nourricières, de veiller à leur bon fonctionnement, d’en assurer la surveillance ainsi que de procéder à un examen périodique du placement, en application de l’article 25 de la Convention.

33. Le Comité recommande à l’État partie de mener une action préventive pour s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et éviter que des enfants ne soient séparés de leurs parents pour des raisons socioéconomiques. Pendant la durée du placement en institution, les enfants devraient être encouragés à garder le contact avec leur famille de façon à faciliter leur réinsertion. Il convient d’améliorer la qualité des établissements, d’offrir au personnel une formation complémentaire, de fournir aux enfants une assistance psychosociale et de veiller à ce que l’enseignement dispensé aux enfants les prépare à mener une vie indépendante à l’âge adulte. Il importe que les enfants soient directement consultés pendant toute la durée du placement.

Adoption

34.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification de la Convention de La Haye et la désignation d’une autorité centrale de réglementation mais se déclare toutefois préoccupé par la brièveté du délai accordé à la mère après la naissance pour retirer son consentement. Il est également préoccupé par la forte proportion d’enfants roms placés dans des établissements, alors que certains d’entre eux pourraient bénéficier de l’adoption.

35. Le Comité recommande à l’État partie de doter l’autorité centrale de réglementation de ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat. Il demande qu’une attention particulière soit accordée au droit de tous les enfants de connaître leurs origines. Il demande instamment à l’État partie de recenser les enfants susceptibles de bénéficier d’une adoption et de mettre en route la procédure d’adoption, en tenant compte de l’origine culturelle de ces enfants, conformément à l’article 20 de la Convention.

Violence, brutalités, négligence et mauvais traitements

36.Le Comité est préoccupé par le grand nombre d’enfants qui sont victimes de violence au sein de leur famille et de sévices sexuels et par l’insuffisance des mesures de prévention et de réinsertion adoptées.

37. Compte tenu de l’article 19 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’entreprendre d’autres études approfondies sur la violence à l’égard des enfants, y compris les sévices sexuels, en vue d’évaluer l’ampleur, les causes, la portée et la nature de ces violations;

b) D’intensifier les activités de sensibilisation et d’éducation avec la participation des enfants de façon à prévenir et combattre le phénomène de la maltraitance des enfants;

c) De revoir la législation pertinente en vue de renforcer la protection de l’enfant si nécessaire;

d) D’améliorer le système de signalement des cas de violence dirigée contre des enfants, notamment en s’assurant que les personnes qui travaillent avec ou pour des enfants respectent bien dans la pratique l’obligation qui leur est faite de signaler les cas de maltraitance et en prévoyant des dispositifs de signalement qui tiennent compte de la sensibilité des enfants;

e) De fournir les services nécessaires pour favoriser une réadaptation physique et psychologique complète et la réinsertion sociale des enfants victimes de violence;

f) D’élaborer un mécanisme de surveillance pour évaluer la façon dont les autorités locales s’acquittent de leurs responsabilités;

g) D’envisager sérieusement de mettre en place des dispositifs d’aide d’urgence tels que des permanences téléphoniques gratuites fonctionnant 24 heures sur 24 et des centres d’accueil pour les enfants et les femmes accompagnées d’enfants.

38. Concernant l’étude approfondie réalisée par le Secrétaire général sur la question de la violence dont sont victimes les enfants et du questionnaire y relatif qui a été adressé aux gouvernements, le Comité accueille avec satisfaction les réponses écrites fournies par l’État partie et la participation de ce dernier à la Consultation régionale pour l’Europe et l’Asie centrale, qui s’est tenue en Slovénie, du 5 au 7 juillet 2005. Il recommande à l’État partie de s’inspirer des résultats de cette consultation régionale pour adopter des mesures concrètes, en partenariat avec la société civile, en vue d’assurer la protection de tous les enfants contre toutes formes de violence physique ou psychologique et de favoriser l’adoption de mesures concrètes assorties, le cas échéant, de délais pour prévenir et sanctionner ce genre de violence et de mauvais traitements.

5. Santé et bien ‑être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

39.Le Comité est préoccupé par l’absence de politique d’inclusion et de mécanismes d’intégration et par l’insuffisance des mesures d’assistance destinées aux enfants handicapés.

40. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’assurer l’application des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés qui ont été adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies le 23 décembre 1993;

b) De continuer à s’attacher à ce que les enfants handicapés puissent exercer leur droit à l’éducation dans toute la mesure possible et à faciliter leur intégration dans le système éducatif ordinaire;

c) De déployer des efforts accrus en vue de mettre à disposition les ressources professionnelles (spécialistes du handicap) et financières nécessaires, en particulier à l’échelon local, et de promouvoir et développer des programmes de réadaptation communautaire, notamment sous forme d’associations de soutien aux parents;

d) De redoubler d’efforts pour éviter la marginalisation et l’exclusion des enfants handicapés et des enfants de parents handicapés.

Santé et services de santé

41.Le Comité se déclare préoccupé par l’inégalité qui règne en matière d’accès aux services de santé dans l’ensemble du pays, et dont font les frais en particulier les enfants des zones rurales et les enfants roms.

42. Le Comité recommande à l’État partie de revoir ses allocations budgétaires destinées aux services de santé dans les zones rurales. Il préconise en outre l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie concrète visant à garantir l’absence de discrimination dans la fourniture de services médicaux.

Santé des adolescents

43.Le Comité se déclare préoccupé par le manque d’information des adolescents en matière de santé de la procréation et par l’augmentation du coût des contraceptifs, qui expliquent le taux élevé de grossesse parmi les adolescentes. Il est aussi préoccupé par la forte incidence de la toxicomanie chez les adolescents et par le taux élevé de suicide chez les enfants ainsi que par l’absence de services de santé mentale.

44. Le Comité recommande à l’État partie de se préoccuper sérieusement de la santé des adolescents, compte tenu de l’Observation générale n o  4 (2003) sur la santé et le développement des adolescents, dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, et d’intensifier ses efforts pour promouvoir la santé des adolescents, notamment grâce à l’organisation de cours d’éducation sexuelle et de santé de la procréation dans les établissements scolaires, et de mettre en place des services de santé scolaires, qui offrent notamment en toute confidentialité des conseils et des soins adaptés aux jeunes. Il recommande également à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’attaquer au problème du suicide et de mettre en place des services de santé mentale adaptés aux enfants.

Niveau de vie

45.Le Comité prend note de la réforme du système d’allocations familiales, et notamment de l’augmentation évidente du montant des allocations pour enfants. Il demeure préoccupé par le grand nombre de familles vivant dans la pauvreté et par le nombre encore plus élevé de familles monoparentales, de familles avec trois enfants ou plus et de familles ayant un enfant lourdement handicapé. Il s’inquiète notamment de la représentation importante parmi la population démunie de membres de la communauté rom, qui ont beaucoup de difficultés à échapper à la misère, du fait qu’ils n’ont pas d’emploi, vivent dans des quartiers séparés et présentent un déficit éducatif dû en grande partie à la discrimination.

46. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’examiner attentivement les effets du nouveau système d’allocations familiales pour s’assurer que tous les enfants jouissent sur un pied d’égalité du droit à un niveau de vie suffisant;

b) De renforcer, si nécessaire, les activités visant à améliorer le niveau de vie des enfants défavorisés, et en particulier de ceux qui vivent dans des familles monoparentales, des familles de trois enfants ou plus ou des familles ayant un enfant lourdement handicapé; et

c) De fournir une assistance matérielle et d’appuyer les programmes de renforcement des capacités afin de protéger les enfants des conséquences néfastes d’un niveau de vie insuffisant.

47. En outre, le Comité recommande à l’État partie d’engager un dialogue avec les ONG, et plus particulièrement celles qui s’occupent des problèmes des familles et des enfants et avec la société civile en général, pour élaborer des politiques sociales afin de mieux comprendre les raisons de l’exclusion et de trouver de nouvelles idées pour élever le niveau de vie des groupes d’enfants vulnérables.

6. Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

Éducation

48.Le Comité note avec satisfaction que l’enseignement est obligatoire et gratuit jusqu’à l’âge de 18 ans et que la grande majorité des enfants fréquentent les établissements d’enseignement primaire et secondaire. Il déplore toutefois que l’absentéisme scolaire ne fasse pas l’objet de contrôles suffisants et de mesures de prévention et que bon nombre d’enfants roms quittent l’école prématurément alors que le Gouvernement a mis en place des programmes et un système de bourses pour aider les enfants roms à réussir leur scolarité.

49.Le Comité, tout en reconnaissant les efforts déployés pour réduire la ségrégation dans l’enseignement, est préoccupé par le nombre d’enfants roms qui sont encore arbitrairement placés dans des institutions ou des classes spéciales. Il s’inquiète en outre des disparités régionales en ce qui concerne la qualité des établissements et du fait que l’accès aux classes maternelles serait limité dans les régions très pauvres où la population rom est majoritaire.

50. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la pleine mise en œuvre des articles 28 et 29 de la Convention, compte dûment tenu de l’Observation générale n o  1 (2001), lors de l’élaboration de sa législation et de ses politiques relatives au secteur de l’éducation. Il faudrait s’attacher en particulier à abolir la ségrégation dans les écoles, dont les enfants roms continuent de pâtir.

51. Le Comité suggère en outre que l’on accorde l’attention voulue aux recommandations des commissaires parlementaires aux droits civils et aux droits des minorités nationales et ethniques concernant les mesures qu’il convient de mettre en place pour lutter contre la ségrégation dans l’enseignement.

52.Le Comité déplore que l’enseignement des droits de l’homme ne figure pas parmi les matières obligatoires des programmes scolaires de base de tous les établissements.

53. Le Comité recommande que l’enseignement des droits de l’homme soit obligatoirement incorporé dans les programmes scolaires car cela pourrait contribuer à faire évoluer les attitudes discriminatoires.

54.Le Comité est préoccupé par le fait que les châtiments corporels sont toujours pratiqués dans les écoles bien qu’ils soient interdits par la loi sur l’éducation.

55. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures, notamment des sanctions, en vue de rappeler aux professionnels de l’éducation, et en particulier aux enseignants, que les châtiments corporels sont interdits. Il recommande en outre l’organisation de campagnes de sensibilisation pour informer les enfants de leurs droits.

7. Mesures spéciales de protection (art. 22, 30, 38, 39, 40, 37 b) à d), et 32 à 36 de la Convention)

Enfants réfugiés et demandeurs d’asile

56.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a amélioré la situation des enfants réfugiés et demandeurs d’asile en leur garantissant le droit à l’éducation, en mettant à leur disposition des psychologues pendant la durée de la procédure de détermination du statut de réfugié et en prévoyant un établissement spécial à l’intention des enfants séparés de leur famille. Il demeure toutefois préoccupé par les problèmes que continue de poser la réunification familiale des réfugiés.

57. Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer les possibilités de réunification familiale en supprimant l’imposition de critères financiers. Il lui recommande aussi de prendre en considération, dans l’élaboration de sa législation et de ses politiques, l’Observation générale n o  6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine.

Exploitation sexuelle et traite des enfants

58.Le Comité se félicite que le Code pénal hongrois reprenne la définition de la traite qui figure dans le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000) mais déplore que ce Protocole, qui a été signé le 14 décembre 2000, n’ait toujours pas été ratifié.

59. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier sans tarder le Protocole susmentionné. À la lumière de l’article 34 et d’autres articles connexes de la Convention, il lui recommande de redoubler d’efforts pour repérer, prévenir et combattre la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou autre, notamment:

a) En réalisant des études pour évaluer la nature et l’ampleur du problème;

b) En offrant une formation aux professionnels, notamment de la police, de l’appareil judiciaire et du secteur social;

c) En offrant des programmes d’assistance et de réinsertion sociale adéquats aux enfants victimes d’exploitation sexuelle et/ou de traite, conformément à la Déclaration et au Programme d’action ainsi qu’à l’Engagement mondial adoptés lors des Congrès mondiaux de 1996 et 2001 contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Administration de la justice pour mineurs

60.Le Comité est préoccupé d’apprendre que des mineurs sont détenus de façon arbitraire et maltraités par des responsables de l’application de la loi ainsi que par des adultes qui sont détenus dans les mêmes structures. Il s’inquiète du nombre insuffisant d’avocats de la défense commis d’office. La surreprésentation des enfants roms dans l’administration de la justice pour mineurs demeure un grave problème.

61. Le Comité recommande à l’État partie de mettre le système de la justice pour mineurs en totale conformité avec la Convention, et en particulier ses articles 37, 40 et 39, ainsi qu’avec d’autres normes adoptées par les Nations Unies en la matière, notamment l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des  Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale, en tenant compte des recommandations formulées par le Comité lors de sa journée de débat général sur l’administration de la justice pour mineurs (CRC/C/46, par. 203 à 238). À cet égard, il recommande plus particulièrement à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la privation de liberté des personnes de moins de 18 ans ne soit envisagée qu’en dernier ressort et que les mineurs détenus soient séparés des adultes et protégés contre toute forme de mauvais traitement;

b) De mettre en œuvre d’autres mesures que la privation de liberté telles que le régime de la probation, les travaux d’intérêt général et le sursis;

c) De veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans en conflit avec la loi aient accès à l’aide juridictionnelle et à des mécanismes indépendants et efficaces d’examen des plaintes;

d) De s’assurer que le principe de non ‑discrimination soit strictement appliqué, en particulier en ce qui concerne les enfants de groupes vulnérables comme les Roms;

e) De poursuivre ses efforts pour développer l’enseignement des droits de l’homme et l’information sur les problèmes de racisme et de discrimination à l’intention des fonctionnaires de l’administration de la justice et en particulier de ceux qui sont régulièrement en contact avec des membres de groupes vulnérables.

Enfants appartenant à des groupes minoritaires

62.Le Comité se déclare préoccupé par les problèmes que continuent de rencontrer les enfants roms, et qui les empêchent de jouir pleinement de leurs droits. Il s’inquiète en particulier du taux élevé d’abandon scolaire, qui a des répercussions négatives sur leur éducation et leur accès à l’emploi.

63. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à promouvoir l’intégration sociale de ces enfants et à lutter contre la marginalisation et la stigmatisation dont ils font l’objet. Il préconise en outre d’adopter des mesures supplémentaires pour assurer aux enfants roms la pleine jouissance des droits consacrés par la Convention, en particulier en ce qui concerne leur accès à l’éducation et à un niveau de vie suffisant.

8. Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant

64.Le Comité note que l’État partie a signé mais n’a pas ratifié les Protocoles facultatifs à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et concernant la participation des enfants aux conflits armés.

65. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier de toute urgence les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et concernant la participation des enfants aux conflits armés.

9. Suivi et diffusion

Suivi

66. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux ministères concernés, au Parlement et aux administrations des comitats, pour examen et suite à donner.

Diffusion

67. Le Comité recommande en outre à l’État partie de diffuser largement son deuxième rapport périodique et ses réponses écrites ainsi que les recommandations y afférentes (observations finales) adoptées par le Comité, notamment (mais non exclusivement) par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupements de jeunesse et des enfants, de façon à susciter un débat et une prise de conscience concernant la Convention, sa mise en œuvre et son suivi.

10. Prochain rapport

68. Le Comité souligne l’importance de modalités de présentation des rapports qui soient pleinement conformes aux dispositions de l’article 44 de la Convention. Un aspect important des responsabilités des États parties à l’égard des enfants en vertu de la Convention est de veiller à ce que le Comité des droits de l’enfant ait régulièrement la possibilité d’examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre de cet instrument. Il est donc indispensable que les États parties présentent leurs rapports régulièrement et dans les délais prescrits et le Comité relève la ponctualité de l’État partie à cet égard. Il invite ce dernier à lui présenter un document de synthèse regroupant ses troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques, qui ne devra pas compter plus de 120 pages (voir CRC/C/118), avant le 5 mai 2012, soit 18 mois avant la date à laquelle était attendu son cinquième rapport périodique. Le Comité attend de l’État partie qu’il présente par la suite un rapport tous les cinq ans, comme le prévoit la Convention.

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