NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/MKD/CO/710 juillet 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑dixième sessionGenève, 19 février-9 mars 2007

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE

1.Le Comité a examiné les quatrième à septième rapports périodiques de l’ex-République yougoslave de Macédoine qui étaient attendus respectivement en 1998, 2000, 2002 et 2004, et ont été soumis en un seul document (CERD/C/MKD/7), à ses 1798e et 1799e séances (CERD/C/SR.1798 et 1799), tenues les 26 et 27 février 2007. À sa 1813e séance (CERD/C/SR.1813), tenue le 8 mars 2007, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les quatrième à septième rapports périodiques de l’ex-République yougoslave de Macédoine soumis en un seul document et apprécie l’occasion qui lui a ainsi été donnée de reprendre un dialogue ouvert et constructif avec l’État partie. Il se félicite de la présence d’une délégation de haut niveau et des réponses détaillées et approfondies apportées à la liste de points à traiter et aux questions diverses et variées posées par ses membres.

B. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de la déclaration faite par l’État partie en décembre 1999 au titre de l’article 14 de la Convention, reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes.

4.Le Comité prend acte avec intérêt des réformes de portée générale menées dans l’État partie suite à la signature de l’Accord-cadre d’Ohrid, en particulier de l’adoption des amendements V à XVII à la Constitution, qui instaurent un cadre juridique élaboré pour la promotion et la protection des droits des personnes appartenant aux minorités ethniques.

5.Le Comité note avec satisfaction que l’Accord-cadre d’Ohrid, mis actuellement en application, vise à réduire le niveau de tensions interethniques et à promouvoir tolérance et compréhension à l’égard de la culture et de l’histoire des différents groupes ethniques vivant dans l’État partie.

6.Le Comité note avec satisfaction que la Convention est incorporée dans le droit interne de l’État partie et peut être directement appliquée par les juridictions nationales.

7.Le Comité tient à féliciter l’État partie de l’adoption de la Stratégie nationale pour les Roms qui tend à promouvoir l’insertion des Roms dans le tissu socioéconomique et à renforcer leurs capacités à cet égard, et de sa participation à l’initiative régionale «Décennie pour l’intégration des Roms, 2005-2015». En particulier, il salue les efforts consentis pour associer les communautés roms à l’élaboration et à l’application des politiques et programmes qui les intéressent.

8.Le Comité se félicite de l’adoption, en janvier 2007, d’une stratégie qui a pour objet d’assurer une représentation équitable des membres des communautés ethniques dans l’administration de l’État et les entreprises publiques.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

9.Le Comité relève avec inquiétude que, selon certaines informations, le Code d’éthique des journalistes qui vise à interdire et réprimer le délit d’incitation à la haine commis par le biais des médias n’a pas été appliqué de manière à sanctionner les journalistes qui en violaient les principes (art. 4 a) de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour veiller à ce que le Code d’éthique des journalistes soit effectivement appliqué, de même que les sanctions pénales prévues à l’article 319 du Code pénal contre les journalistes qui promeuvent la discrimination, le racisme, les tensions et l’hostilité interethniques à travers les médias.

10.Le Comité s’inquiète de ce que, aux termes de l’article 9 de la Constitution, seuls les citoyens sont égaux devant la loi et autorisés à exercer leurs libertés et leurs droits sans distinction de sexe, de race, de couleur, d’origine nationale ou sociale, de convictions politiques et religieuses, de fortune et de statut social (art. 5 de la Convention).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXX (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants et recommande à l’État partie de revoir sa législation afin de garantir l’égalité des ressortissants et des non-ressortissants dans la jouissance des droits énoncés dans la Convention dans la mesure reconnue par le droit international.

11.Tout en appréciant l’ouverture historique de l’État partie qui a accueilli en grand nombre des personnes fuyant des pays voisins en guerre, le Comité constate avec inquiétude que les autorités compétentes de l’État partie ont rejeté de nombreuses demandes d’asile ou de statut de réfugié, au motif du dysfonctionnement des mécanismes de détermination du statut de réfugié (art. 5 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir la loi sur l’asile et la protection temporaire de façon à garantir une application équitable et efficace des procédures de détermination du statut de réfugié qui permette de statuer sur le fond des demandes.

12.Eu égard à sa déclaration du 8 mars 2002 sur la discrimination raciale et les mesures de lutte contre le terrorisme (A/57/18), le Comité regrette que M. Khaled al-Masri, ressortissant allemand d’origine libanaise soupçonné de terrorisme, ait été remis à un pays tiers aux fins de détention et d’interrogatoire.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration sur la discrimination raciale et les mesures de lutte contre le terrorisme, adoptée à sa soixantième session le 8 mars 2002 (A/57/18), dans laquelle il exige que les États et les organisations internationales veillent à ce que les mesures prises pour lutter contre le terrorisme n’aient pas pour but ou pour effet d’entraîner une discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique.

13.Tout en se félicitant des efforts consentis par l’État partie pour appliquer la législation sur l’emploi de langues «non majoritaires» dans les procédures civiles, pénales et administratives, le Comité s’inquiète de ce que, selon certaines informations, les tribunaux et d’autres institutions n’appliquent pas systématiquement cette législation (art. 5 a) de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à l’application effective de la législation concernant l’emploi des langues «non majoritaires» dans les procédures judiciaires, notamment en s’assurant que les juges, les avocats et les autres parties soient pleinement informés de ces dispositions. Il recommande aussi à l’État partie de recruter de nouveaux traducteurs et interprètes professionnels pour toutes les langues «non majoritaires» parlées localement.

14.Le Comité est profondément préoccupé par les difficultés rencontrées par certains Roms pour obtenir des documents personnels, notamment certificats de naissance, cartes d’identité, passeports et autres pièces nécessaires pour bénéficier des prestations d’assurance maladie et de sécurité sociale (art. 5 e) de la Convention).

À la lumière de sa recommandation générale XXVII (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms, le Comité prie instamment l’État partie de prendre immédiatement des mesures pour supprimer tous les obstacles administratifs qui empêchent actuellement les Roms d’obtenir les documents personnels dont ils ont besoin pour jouir des droits économiques, sociaux et culturels, en matière d’emploi, de logement, de soins de santé, de sécurité sociale et d’éducation notamment.

15.Le Comité note que le rapport soumis par l’État partie ne fournit pas d’informations suffisantes sur l’application de la nouvelle loi sur les relations professionnelles et, en particulier, sur les mesures prises pour lutter contre la discrimination sur le lieu de travail et veiller à l’exercice effectif par tous, y compris les femmes, les Roms et les membres des autres minorités ethniques, dans des conditions d’égalité, des droits des travailleurs (art. 5 e) i) et ii) de la Convention).

Le Comité prie instamment l’État partie de soumettre des informations détaillées sur les mesures législatives, judiciaires, administratives et autres adoptées pour donner effet à la nouvelle loi sur les relations professionnelles eu égard aux différents groupes ethniques qui vivent sur son territoire.

16.Tout en reconnaissant les efforts entrepris par l’État partie au titre de la Stratégie et de la Décennie pour les Roms afin d’améliorer la situation des Roms qui vivent dans des campements de fortune, le Comité reste préoccupé par la question du logement des Roms, en particulier par l’absence d’infrastructures de base, sans perdre de vue non plus leur droit à ne pas être expulsés (art. 5 e) iii) de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre le plan national d’action et le plan opérationnel pour le logement. En particulier, il encourage l’État partie à mener à bien à titre prioritaire l’adoption de la loi sur la légalisation, l’élaboration et la réalisation de plans d’urbanisation et la construction de nouveaux immeubles d’habitation destinés au logement social à Šuto Orizari. Il le prie instamment d’assurer un financement suffisant à la réalisation de ces projets. Il l’engage aussi à veiller à ce que des représentants des Roms et des organisations non gouvernementales continuent de participer à la conception et à l’application des stratégies et politiques qui les touchent directement.

17.Le Comité note avec préoccupation que, malgré les efforts déployés par l’État partie pour accroître la fréquentation des établissements d’enseignement secondaire et supérieur par les élèves de souche albanaise et turque, le taux d’abandon scolaire des enfants de ces communautés demeure élevé (art. 5 e) v) de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour réduire le taux élevé d’abandon scolaire aux niveaux de l’enseignement secondaire et supérieur enregistré chez les enfants de souche albanaise et turque. À cet égard, il encourage l’État partie à améliorer la qualité de l’enseignement dispensé dans les écoles albanaises et turques, notamment en veillant à ce que les enfants disposent de manuels dans les langues minoritaires et à ce que les enseignants qui travaillent dans ces langues acquièrent la formation voulue. Pour faciliter l’accès à l’enseignement supérieur, il recommande aussi à l’État partie de faire le nécessaire pour que les enfants de souche albanaise et turque aient accès à des cours de macédonien.

18.Tout en reconnaissant les efforts déployés par l’État partie au titre de la Stratégie et de la Décennie pour les Roms visant à améliorer l’accès des enfants roms à l’éducation, le Comité reste préoccupé par la faible fréquentation scolaire et le fort taux d’abandon scolaire des enfants roms dès l’école primaire (art. 5 e) v) de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour relever le niveau d’éducation des membres des communautés roms, notamment en:

a) Prenant immédiatement des mesures pour éliminer les préjugés négatifs et les stéréotypes à l’égard des Roms et de leur contribution à la société;

b) Fournissant une aide financière aux familles les plus démunies pour couvrir les frais d’éducation;

c) Assurant dans la mesure du possible aux enfants roms la possibilité de suivre un enseignement dans leur langue maternelle;

d) Assurant aux enfants roms l’accès à des cours de macédonien pour les préparer à entrer dans le système scolaire;

e) Assurant une formation spéciale aux enseignants pour leur permettre de mieux connaître la culture et les traditions roms et les sensibiliser aux besoins des enfants roms;

f) Facilitant le recrutement d’enseignants roms.

19.Le Comité note avec préoccupation que les dispositions du droit pénal qui répriment les actes de discrimination raciale, tels les articles 137, 138, 319 et 417 du Code pénal, sont rarement invoquées dans les juridictions nationales, au motif d’une méconnaissance générale de ces dispositions et d’un manque de confiance dans la justice (art. 4 a) et art. 6 de la Convention).

Appelant l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXXI (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité recommande à l’État partie de veiller à l’application effective des dispositions du droit pénal qui répriment les actes de discrimination raciale, en particulier en offrant une formation spécifique aux personnes qui travaillent au sein du système de justice pénale − policiers, avocats, procureurs et juges − afin de les sensibiliser aux dispositions pertinentes du Code pénal (par exemple aux articles 137, 138, 319 et 417), ainsi qu’à la Convention. Le Comité recommande aussi à l’État partie d’entreprendre des campagnes d’information pour sensibiliser l’opinion aux mécanismes et procédures prévus dans la législation nationale en matière de racisme et de discrimination.

20.Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité rappelle la résolution 59/176 du 20 décembre 2004 dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

21.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lorsqu’il incorpore la Convention dans l’ordre juridique interne, notamment les articles 2 à 7, et de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans ou autres mesures qu’il aura adoptés pour donner suite au niveau national à la Déclaration et au Programme en question.

22.Le Comité recommande à l’État partie de mettre à la disposition du grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de diffuser de la même manière les observations du Comité.

23.Dans le cadre de l’établissement du prochain rapport périodique, le Comité recommande à l’État partie d’engager de vastes consultations avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale.

24.En application du paragraphe 1 de l’article 65 du Règlement intérieur, l’État partie devrait, dans un délai d’un an, informer le Comité de la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 15, 16 et 18.

25.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses huitième, neuvième et dixième rapports périodiques en un seul document, au plus tard le 17 septembre 2010. Le rapport devrait être détaillé et répondre à tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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