Nations Unies

CAT/C/MOZ/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

10 décembre 2013

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le rapport initialdu Mozambique *

Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial du Mozambique (CAT/C/MOZ/1) à ses 1171e et 1173e séances, les 28 et 29 octobre 2013 (CAT/C/SR.1171 et 1173), et a adopté les observations finales ci-après à sa 1197e séance (CAT/C/SR.1197), tenue le 14 novembre 2013.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Mozambique (CAT/C/MOZ/1). Il regrette néanmoins que ce rapport ne soit pas pleinement conforme à ses directives concernant la forme et le contenu des rapports initiaux (CAT/C/4/Rev.3) et qu’il ait été présenté avec douze ans de retard, ce qui a empêché le Comité de procéder à une analyse de la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie depuis l’adhésion, en 1999.

Le Comité apprécie le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, ainsi que les renseignements complémentaires qui ont été apportés pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 4 novembre 2008;

b)Les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 6 mars 2003 et le 19 octobre 2004, respectivement;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 30 janvier 2012;

d)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 19 août 2013.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a pris les mesures législatives ci‑après dans les domaines relevant de la Convention:

a)La promulgation, le 16 novembre 2004 de la Constitution (révision de 2007), qui établit le cadre général de la protection des droits de l’homme, notamment sous son titre III (Droits, obligations et libertés fondamentaux). L’article 40 de la Constitution dispose que «[c]hacun a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale et nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements cruels ou inhumains» et que «[l]a peine de mort n’existe pas dans la République du Mozambique»;

b)L’adoption de la loi no 6/2008 portant prévention et répression de la traite d’êtres humains, en particulier de femmes et d’enfants, le 9 juillet 2008;

c)L’adoption de la loi no 29/2009 relative à la violence intrafamiliale infligée aux femmes, le 29 septembre 2009.

Le Comité prend également note avec satisfaction de la mise en place de la Commission nationale des droits de l’homme en septembre 2012, en application de la loi no 33/2009 du 22 décembre 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

Le Comité note qu’il existe un projet de Code pénal qui définirait l’infraction de torture, mais regrette que la torture, telle que définie à l’article premier de la Convention, ne constitue toujours pas une infraction spécifique dans le Code pénal, mais simplement une circonstance aggravante de certaines infractions pénales. En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel il existe dans la législation interne d’autres infractions pénales qui couvrent les actes de torture (CAT/C/MOZ/1, par. 59), le Comité appelle l’attention sur son Observation générale no 2 (2007) relative à l’application de l’article 2 par les États parties, dans laquelle il souligne la valeur préventive de la qualification d’infraction distincte de torture (par. 11) (art. 1er et 4).

L ’ État partie devrait ériger la torture en incrimination spécifique dans son droit interne et adopter une définition de la torture qui comporte tous les éléments de l ’ article premier de la Convention. Il devr ait également veiller à ce que l es infractions d ’ une telle nature soient punies de peines appropriées qui tiennent compte de leur gravité, conformément aux dispositions du paragraphe  2 de l ’ article  4 de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’offre pas toujours aux personnes arrêtées et détenues toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la privation de liberté. Selon les informations dont il dispose, il est fréquent que les personnes arrêtées et détenues ne soient pas suffisamment informées de leurs droits et n’aient pas le droit de s’entretenir avec un avocat. En outre, les détenus ne font pas l’objet d’un examen médical à leur arrivée au poste de police et la police ne présente pas les suspects devant un juge dans les quarante-huit heures suivant leur arrestation. Ces informations font état également de cas d’arrestation et de détention arbitraires, en particulier de personnes défavorisées − hommes jeunes, chômeurs ou travailleurs indépendants, en particulier. Le Comité est également préoccupé par le fait que des avocats dont les services ont été retenus pour assurer l’aide juridictionnelle, qui travaillent aux côtés du personnel salarié de l’Instituto de Patrocínio e Assistência Jurídica (IPAJ, Institut pour la représentation et l’aide juridictionnelle), facturent des honoraires pour leurs services, comme l’a confirmé la délégation au cours de son dialogue avec le Comité (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour garantir, en droit et dans la pratique, que toute personne placée en détention dispose dès le début de la privation de liberté de toutes les garanties juridiques fondamentales, dont le droit d ’ être informée des motifs de sa détention, de consulter un avocat, de prévenir des proches ou d ’ autres personnes de son choix, d ’ être rapidement soumise à un examen médical indépendant et d ’ être présentée à un juge dans les quarante-huit heures suivant son arrestation. L ’ État partie devrait également prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un véritable système d ’ aide juridi ctionnelle gratuite, en particulier pour les personnes indigentes soupçonnées d ’ une infraction.

Exécutions extrajudiciaires et usage excessif de la force

Le Comité est profondément préoccupé par les allégations indiquant que des homicides illégaux, y compris des exécutions extrajudiciaires, sont imputés à des membres de la police au cours de la période considérée. Il est également préoccupé par les allégations de recours à une force excessive et parfois meurtrière par la police, surtout lorsque celle-ci appréhende des suspects et contrôle des manifestations. Il prend note des informations données par l’État partie sur plusieurs affaires très médiatisées, comme l’affaire Costa do Sol, mais regrette de n’avoir pas reçu d’informations complémentaires sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les peines infligées dans les affaires d’usage excessif de la force et d’exécutions extrajudiciaires qui se sont produites au cours de la période considérée (art. 2, 12 et 16).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour mener promptement des enquêtes efficaces et impartiales sur toutes les allégations relatives à l ’ implication de membres des forces de l ’ ordre dans des exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux. Il devrait également enquêter sans retard sur les allégations d ’ usage excessif de la force, en particulier de la force meurtrière, par des membres de la police, traduire en justice les responsables de tels actes et accorder réparation aux victimes.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de mettre en place des mesures propres à empêcher les agents de la force publique de commettre des actes tels que des exécutions extrajudiciaires et l ’ usage excessif de la force, en veillant à ce que ceux-ci respectent la Convention, le Code de conduite pour les responsables de l ’ application des lois et les Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois (1990). Les dispositions de ces instruments devraient être intégrées dans le nouveau règlement disciplinaire de la police. En particulier, l ’ État partie devrait dispenser une formation appropriée aux membres des forces de l ’ ordre, qui devraient recevoir des instructions claires sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu autorisé s par les normes internationales et être informés que des poursuites peuvent être engagées contre eux s ’ ils recourent inutilement à la force ou en font un usage excessif.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité note avec satisfaction que la Commission nationale des droits de l’homme a été établie en 2012, mais regrette l’absence d’informations sur les ressources et le budget alloués par l’État partie pour garantir qu’elle opère efficacement (art. 2).

L ’ État partie devrait veiller à ce que la Commission nationale des droits de l ’ homme dispose des ressources financières, humaines et matérielles dont elle a besoin pour s ’ acquitter de son mandat efficacement et en toute indépendance, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris). Le Comité recommande en outre que la Commission nationale des droits de l ’ homme demande son accréditation auprès du Sous-Comité d ’ accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme.

Accès à la justice et indépendance de la magistrature

Le Comité prend note de l’adoption d’un plan stratégique intégré pour le secteur de la justice et des informations données par la délégation au sujet des salaires et émoluments des magistrats. Toutefois, il reste préoccupé par le nombre insuffisant de magistrats, l’arriéré judiciaire et le «manque de respect de la présomption d’innocence (...), la lenteur des procédures (…) et la mise en œuvre insuffisante du principe d’égalité devant la loi», signalés par la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, le 10 décembre 2010 (voir ses Conclusions et observations préliminaires à la visite au Mozambique, art. 2).

L ’ État partie devrait veiller au fonctionnement efficace du système judiciaire et garantir l ’ accès à la justice pour toutes les victimes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dé gradants. Il devrait prendre de nouvelles mesures pour assurer l ’ indépendance et l ’ impartialité du pouvoir judiciaire dans l ’ exercice de ses fonctions, notamment en mettant en œuvre les recommandations de la Rapporteuse spéciale sur l ’ indépendance des juges et des avocats (A/HRC/17/30/Add.2, par. 118 à 123).

Principe du non-refoulement et accès à une procédure d’asile rapide et juste

Le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état de retards excessifs dans la détermination du statut de réfugié. Il regrette également que l’État partie n’ait pas donné de renseignements sur le nombre de cas de refoulement, d’extradition et d’expulsion enregistrés au cours de la période considérée et sur le nombre et le type de cas dans lesquels il a offert et/ou accepté des assurances ou des garanties diplomatiques (art. 3).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessair es, en coopération avec le Haut ‑ Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), pour revoir ses procédures de détermination du statut de réfugié afin de réduire l ’ arriéré de demandes d ’ asile.

Compétence aux fins de connaître des infractions de torture

Le Comité note que l’article 67 de la Constitution établit les principes régissant les extraditions, mais est préoccupé par l’absence de clarté au sujet de l’existence des mesures législatives nécessaires pour établir la compétence de l’État partie aux fins de connaître des infractions de torture (art. 5, 6, 7 et 8).

L ’ État partie devrait veiller à ce que sa législation interne permette l ’ établissement de sa compétence aux fins de connaître des infractions de torture, conformément à l ’ article  5 de la Convention. La législation nationale devrait prévoir l ’ ouverture d ’ une action pénale, conformément à l ’ article  7, contre les étrangers qui ont commis des actes de torture en dehors du territoire de l ’ État partie mais se trouvent sur son territoire et n ’ ont pas été extradés.

Formation

Le Comité prend note des informations données par l’État partie au sujet des cours de formation destinés aux juges, magistrats et autres agents publics, qui sont organisés au Centre de formation juridique et judiciaire. Cependant, il regrette qu’il n’y ait que peu d’informations disponibles sur l’évaluation de ces cours et leur efficacité s’agissant de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements. Il est en outre préoccupé par le fait que les agents des forces de l’ordre, les juges, les procureurs, les médecins légistes et le personnel médical qui s’occupent de détenus ne reçoivent pas de formation spéciale sur les dispositions de la Convention et sur les moyens de détecter les séquelles physiques et psychologiques de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 10).

L ’ État partie devrait:

a) Dispenser des cours de formation obligatoires afin de garantir que tous les agents publics, en particulier les policiers et le personnel pénitentiaire, connaissent parfaitement les dispositions de la Convention et aient bien conscience que les manquements ne seront pas tolérés et feront l ’ objet d ’ enquêtes et que les auteurs d ’ infractions seront traduits en justice;

b) Évaluer l ’ efficacité et l ’ incidence des cours de formation , s ’ agissant de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements;

c) Dispenser une formation sur l ’ utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) à tou te s les catégories de personnel concerné es, y  compris le personnel médical.

Conditions de détention dans les prisons et les postes de police

Tout en reconnaissant les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions dans les centres de détention, dont la construction de deux nouveaux établissements pénitentiaires et l’allocation de ressources supplémentaires, le Comité reste préoccupé par les niveaux extrêmement élevés de surpopulation et les conditions difficiles qui prévalent dans les lieux de détention, y compris les cellules de détention des postes de police. Selon les informations données par la délégation de l’État partie, 15 430 détenus se trouvent dans les prisons du pays, prévues pour en recevoir 7 804. En outre, l’État partie reconnaît dans son rapport initial l’existence d’insuffisances dans le système carcéral, comme des infrastructures délabrées, un système déficient d’approvisionnement en eau et d’assainissement, une alimentation dont la quantité et la qualité sont insuffisantes et la présence de maladies infectieuses (par. 140). Le Comité regrette de n’avoir pas reçu les informations qu’il avait demandées sur les cas de violence entre détenus. Il est également préoccupé par des rapports émanant de sources non gouvernementales qui font état de cas de détention provisoire prolongée au‑delà des limites fixées par la loi et de maintien en détention après l’exécution de la peine (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour améliorer les conditions carcérales et réduire la surpopulation dans les prisons . Il devrait en particulier:

a) Prendre les mesures nécessaires pour que les besoins fondamentaux des personnes privées de liberté en ce qui concerne l ’ assainissement, les soins médicaux , la nourriture et l ’ eau soient satisfaits, conformément à l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus;

b) Mettre en place un système de contrôle régulier des lieux de détention afin de s ’ assurer que les conditions de détention dans les prisons du pays sont compatibles avec la Convention et les autres normes internationales relatives aux droits de l ’ homme;

c) Redoubler d ’ efforts pour réduire la surpopulation carcérale, en particulier en mettant en place des mesures de substitution aux peines privatives de liberté, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok);

d) Prendre des mesures pour prévenir la violence entre détenus et enquêter sur tous les incidents de ce type, afin de poursuivre les auteurs présumés de tels actes et de protéger les victimes;

e) Veiller, en droit et dans la pratique, à ce que la détention provisoire ne soit pas indûment prolongée et que les prisonniers ne soient pas détenus au-delà de l ’ exécution de leur peine.

Justice pour mineurs

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la détention provisoire est fréquemment appliquée aux mineurs et que la privation de liberté n’est pas une mesure de dernier recours en ce qui les concerne. Bien qu’il y ait des quartiers pour mineurs dans deux des principales prisons du pays, le Comité reste préoccupé par le fait que des mineurs et des adultes sont placés dans les mêmes lieux, d’autant qu’il ne peut pas être garanti qu’il n’y aura aucun contact entre eux (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour améliorer le système de justice pour mineurs conformément à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing). En particulier, il devrait veiller à ce que la détention provisoire ne soit qu ’ une mesure de dernier ressort en ce qui concerne les mineurs et soit d ’ une durée aussi brève que possible. Il devrait également veiller à ce que les établissements pour mineurs soient en nombre suffisant pour que tous les mineurs en conflit avec la loi soient détenus séparément des adultes.

Conditions dans les hôpitaux psychiatriques

Tout en prenant acte de l’information fournie pendant le dialogue au sujet des services de santé mentale au Mozambique, le Comité regrette que peu de renseignements aient été donnés sur les conditions des personnes internées sans leur consentement dans un établissement psychiatrique et sur les garanties juridiques dont ces personnes bénéficient. À cet égard, il juge préoccupant qu’il ne soit pas établi de statistiques sur les placements sans consentement, ainsi que l’a indiqué la délégation (art. 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les personnes faisant l ’ objet d ’ un traitement sans leur consentement aient accès à des mécanismes de plainte. L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les cas d ’ internement de force dans des établissements de soins psychiatriques soient co rrect ement et dûment enregistrés. Il demande à l ’ État partie de lui fournir des informations sur la situation des personnes placées dans des hôpitaux psychiatriques.

Enquêtes rapides, approfondies et impartiales

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que l’impunité persiste pour les policiers et les agents pénitentiaires qui soumettent des personnes arrêtées ou détenues à la torture ou à des mauvais traitements. Il note que, selon les informations fournies par la délégation de l’État partie, des condamnations ont été prononcées dans 50 affaires de torture pendant la période considérée, les peines allant de six mois à vingt‑sept ans d’emprisonnement. Cependant, l’État partie n’a pas été en mesure de fournir des données complètes et ventilées sur les plaintes déposées, les enquêtes menées, les poursuites engagées et les condamnations prononcées dans les affaires de torture et de mauvais traitements (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Prendre les mesures voulues pour que toutes les allégations d ’ actes de torture ou de mauvais traitements fassent rapidement l ’ objet d ’ enquê tes approfondies et impartiales et que les auteurs de tels actes soient dûment poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes;

b) Veiller à ce que les enquêtes sur les allégations de torture ou de mauvais traitements soient menées par un organe indépendant, qui n ’ est pas soumis à l ’ autorité de la police;

c) Mettre en place un mécanisme indépendant de plainte s ’ adressant à toutes les personnes privées de liberté;

d) Réaffirmer clairement l ’ interdiction absolue de la torture, en con damner publiquement la pratique et avertir clairement que quiconque commet de tels actes, s ’ en rend complice ou participe à leur commission en sera tenu personnellement responsable devant la loi, fera l ’ objet de poursuites pénales et se verra infliger les peines appropriées.

Décès en détention

Le Comité note que malgré la demande qu’il a faite à la délégation de l’État partie de lui fournir des informations sur les cas de décès en détention survenus pendant la période considérée, il n’a reçu aucun renseignement à cet égard (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que tous les cas de décès en détention fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes et que les personnes jugées responsables de décès en détention résultant d ’ actes de torture, de mauvais traitements ou de négligence délibérée soient condamnées et dûment punies .

Réparation, y compris indemnisation et réadaptation

Le Comité prend note du contenu de l’article 58 de la Constitution (Droit à indemnisation et responsabilité de l’État) ainsi que de l’existence de plusieurs mécanismes institutionnels permettant de demander réparation d’atteintes aux droits de l’homme, mais il est préoccupé par les informations indiquant que les victimes de torture ou de mauvais traitements n’obtiennent presque jamais réparation, notamment une indemnisation et des moyens de réadaptation appropriés. À ce sujet, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné suffisamment d’informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation, y compris les moyens de réadaptation, ordonnées par les tribunaux ou par d’autres organes de l’État et effectivement garanties aux victimes ou à leur famille depuis l’entrée en vigueur de la Convention dans l’État partie (art. 14).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir réparation aux victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements, dont une indemnisation juste et appropriée et les moyens d ’ une réadaptation la plus complète possible. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o 3 (2012) relative à l ’ application de l ’ article  14 de la Convention par les États parties, qui explique le contenu et la portée de l ’ obligation qui incombe aux États parties de fournir une réparation complète aux victimes de la torture.

Aveux obtenus par la contrainte

Le Comité est préoccupé par les informations indiquant qu’un certain nombre de détenus ont affirmé avoir été forcés de signer des aveux sans comprendre les documents qu’ils signaient et sans en connaître le contenu. Le Comité prend note des garanties constitutionnelles établissant l’irrecevabilité des preuves obtenues par la torture, mais il est préoccupé par l’absence d’informations sur d’éventuelles décisions par lesquelles les tribunaux mozambicains auraient refusé de recevoir comme élément de preuve des aveux obtenus par la torture (art. 15).

L ’ État partie doit adopter des mesures efficaces pour que, dans la pratique, les aveux ou déclarations obtenus sous la contrainte soient irrecevables, sauf dans les cas où ils sont invoqués contre une personne accusée de torture en tant que preuve de la déclaration faite. Il devrait aussi veiller à ce qu ’ une formation sur les méthodes à utiliser pour détecter les cas d ’ aveux obtenus par la torture et enquêter à ce sujet soit dispensée aux agents de la force publique, aux juges et aux avocats.

Le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations sur toute jurisprudence spécifique excluant la prise en compte de déclarations faites sous la torture, et sur tous les cas où des agents de l ’ État ont été poursuivis et punis pour avoir extorqué des aveux par la torture.

Lynchages

Le Comité note que, selon la délégation, le nombre de cas de lynchages a récemment commencé à reculer, mais il demeure préoccupé par la persistance de ce phénomène. Il regrette de ne pas avoir reçu les renseignements qu’il avait demandés sur l’issue des enquêtes, les poursuites pénales engagées pour de tels faits et les peines infligées aux auteurs (art. 2, 12 et 16).

L ’ État partie devrait poursuivre l ’ action qu ’ il mène pour prévenir les lynchages, mener des enquêtes sur de tels actes et juger et condamner le ur s auteurs, notamment en poursuiv ant ses campagnes de sensibilisation au niveau local .

Violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment dans la famille

Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie sur les mesures prises pour lutter contre la violence au foyer (voir par. 5 c) des présentes observations finales), mais demeure inquiet de l’importance de ce phénomène dans le pays. Il prend note également avec inquiétude du fait que l’âge au-delà duquel la législation ne considère plus qu’il y a atteinte sexuelle sur mineur est de 12 ans, selon l’article 394 du Code pénal, et relève que l’article 392 du Code retient la virginité et la séduction comme conditions de l’établissement de l’infraction d’atteinte sexuelle sur mineur, et qu’en vertu de l’article 400 du Code pénal, l’accusée de viol n’est pas soumis à la détention provisoire s’il épouse la victime (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les cas de violence à l ’ égard des femmes fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, que leurs auteurs soient traduits en justice et, s ’ ils sont reconnus coupables, punis de peines appropriées, et à ce que les victimes obtiennent réparation, notamment par une indemnisation équitable et suffisante .

L ’ État partie devrait achever de réviser le Code pénal en vue de mettre les dispositions qui criminalisent les différentes formes de violence et de sévices sexuels en conformité avec les obligations qui lui incombent à l ’ égard des femmes et des enfants en vertu du droit international des droits de l ’ homme.

Violences et sévices sexuels contre les filles à l’école

Le Comité est gravement préoccupé par les violences et les sévices sexuels infligés à des écolières par des enseignants et des camarades masculins. Selon les informations dont dispose le Comité, très peu de cas sont signalés, et moins encore donnent lieu à des poursuites, et la réponse institutionnelle à ce problème reste limitée (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait intensifier l ’ action qu ’ il mène pour éliminer la violence et les sévices sexuels infligés aux filles dans les écoles, et mettre en œuvre toutes les mesures de protection nécessaires, en particulier:

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter sur de tels actes, poursuivre et punir comme il se doit les personnes jugées coupables, et assurer réparation aux victimes;

b) Consacrer des ressources aux programmes de prévention et de protection visant à éliminer le phénomène persistant de la violence et des sévices sexuels infligés à des enfants à l ’ école;

c) Faire en sorte que les victimes et leur famille aient accès à des mécanismes de plainte;

d) Renforcer les programmes de sensibilisation et de formation continue obligatoire destinés au personnel enseignant sur le sujet;

e) Garantir pleinement l ’ accès des victimes aux services de santé spécialisés dans la planification familiale et la prévention et le diagnostic des maladies sexuellement transmissibles. L ’ État partie devrait veiller à ce que les vi ctimes obtiennent réparation, y  compris une indemnisation équitable et suffisante , et la réadaptation la plus complète possible.

Pratiques traditionnelles préjudiciables

Le Comité est conscient des efforts fournis par l’État partie en matière de prévention des mariages précoces. Il demeure néanmoins préoccupé par la persistance de cette pratique et d’autres pratiques traditionnelles préjudiciables, comme les mariages forcés, la polygamie, les rites initiatiques de passage à l’âge adulte et la servitude des enfants pour dettes. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de châtiments corporels (fouet) infligés par certaines autorités traditionnelles. Il regrette en outre l’absence d’informations sur les mesures prises pour garantir que le droit coutumier mozambicain ne soit pas incompatible avec les obligations contractées par l’État partie au titre de la Convention (art. 16).

L ’ État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour empêcher et combattre les pratiques traditionnelles préjudiciables, en particulier dans les zones rurales, et veiller à ce que de tels actes donnent lieu à des enquêtes et à ce que les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées;

b) Assurer aux victimes des services juridiques, médicaux et psychologiques et des moyens de réadaptation, ainsi qu ’ une indemnisation, et créer les conditions requises pour qu ’ elles puissent porter plainte sans craindre de subir des représailles;

c) Dispenser une formation aux juges, aux procureurs, aux agents des forces de l ’ ordre et aux autorités traditionnelles sur l ’ application stricte des dispositions pénales qui répriment les pratiques traditionnelles préjudiciables et les autres formes de violence à l ’ égard des femmes et des enfants.

D ’ une manière générale, l ’ État partie devrait faire en sorte que son droit coutumier et ses pratiques coutumières soient compatibles avec ses obligations dans le domaine des droits de l ’ homme, en particulier celles qui découlent de la Convention. Dans son prochain rapport périodique, l ’ État partie devrait faire figurer des informations sur la hiérarchie entre les pratiques traditionnelles et le droit codifié, spécialement en ce qui concerne les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des enfants.

Traite d’êtres humains

Le Comité prend note de l’action menée par l’État partie en matière de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains. Toutefois, il est préoccupé par les informations faisant état de traite interne et transfrontière d’êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé ainsi qu’au sujet des informations données par la délégation sur le trafic d’organes. Le Comité constate aussi avec préoccupation que le rapport de l’État partie ne contient pas de statistiques, notamment sur les poursuites engagées contre les individus qui se livrent à la traite, les condamnations et les peines prononcées (art. 2, 12 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour empêcher et combattre la traite des êtres humains, notamment en appliquant la loi de 2 008 contre la traite (voir par. 5  b) des présentes observations finales), et pour protéger les victimes, notamment en mettant à leur disposition des refuges et des services d ’ assistance psychosociale;

b) Mener sans délai des enquêtes impartiales sur les affaires de traite, faire en sorte que les individus reconnus coupables de tels crimes soient condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes et veiller à ce que toutes les victimes de tels actes obtiennent réparation;

c) Mener des campagnes de sensibilisation nationales et dispenser une formation spécialisée aux inspecteurs du travail et aux agents des forces de l ’ ordre, y  compris aux unités d ’ assistance aux femmes et aux enfants victimes mises en place par la Police nationale, sur l ’ identification des victimes et la conduite des enquêtes.

Châtiments corporels

Le Comité relève que les châtiments corporels ne font plus partie des peines prévues en cas d’infraction et qu’ils sont interdits dans les établissements pénitentiaires, mais il s’inquiète de ce que ces châtiments ne soient pas expressément interdits dans le milieu familial, à l’école et dans toutes les structures de protection (art. 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ interdire les châtiments corporels à enfants en toutes circonstances, de mener des campagnes de sensibilisation aux effets néfastes de ces châtiments, et de promouvoir le recours à des formes de discipline non violentes et positives en remplacement des châtiments corporels.

Collecte de données

Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements commis par le personnel des forces de l’ordre et le personnel pénitentiaire, ainsi que sur les décès en détention, les exécutions extrajudiciaires, la violence sexiste, la traite, les lynchages et les comportements délictueux liés aux pratiques traditionnelles préjudiciables.

L ’ État partie devrait compiler des données statistiques utiles pour la surveillance de l ’ application de la Convention au niveau national, dont des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, de décès en détention, d ’ exécution extrajudiciaire, de disparition forcée, de violence sexiste , de traite des êtres humains, de lynchage et de comportements délictueux liés aux pratiques traditionnelles préjudiciables, ainsi que s ur les mesures de réparation, y  compris l ’ indemnisation et les moyens de réadaptation, accordées aux victimes.

Questions diverses

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications.

Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif s’y rapportant, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il l’invite également à retirer ses réserves à la Convention relative au statut des réfugiés (1951). En outre, l’État partie devrait envisager d’adhérer à la Convention relative au statut des apatrides (1954) et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961).

L’État partie est prié de diffuser largement le rapport qu’il a soumis au Comité ainsi que les observations finales de ce dernier, dans les langues appropriées, sur les sites Internet officiels, mais aussi par le biais des médias et des organisations non gouvernementales.

L’État partie est invité à soumettre son document de base commun et, à cet effet, à suivre les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6).

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, d’ici au 22 novembre 2014, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations qui figurent dans les paragraphes 8, 9 et 18 tendant à: a) appliquer ou renforcer les garanties juridiques pour les personnes placées en détention; b) mener sans délai des enquêtes impartiales et diligentes sur les affaires relatives à la participation de membres des forces de l’ordre à des exécutions extrajudiciaires et autres exécutions sommaires; et c) engager des poursuites contre les personnes soupçonnées de torture ou de mauvais traitements et punir les auteurs. En outre, le Comité aimerait recevoir des informations sur la suite donnée aux recommandations concernant les recours et la réparation à offrir aux victimes de torture et de mauvais traitements, dont il est question au paragraphe 20.

L’État partie est invité à faire parvenir son prochain rapport périodique, qui sera son deuxième rapport, avant le 22 novembre 2017. À cet effet, le Comité invite l’État partie à accepter d’ici au 22 novembre 2014 de faire rapport au titre de la procédure facultative d’établissement des rapports, qui comprend la transmission par le Comité à l’État partie d’une liste de questions à traiter avant la soumission du rapport périodique. Les réponses de l’État partie à la liste des points à traiter constitueront, conformément à l’article 19 de la Convention, son prochain rapport périodique.