Nations Unies

CCPR/C/FRA/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

31 janvier 2013

Original: français

Comité des droits de l’homme

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l'article 40 du Pacte

Cinquième rapport périodique des États parties

France *

[3 août 2012]

Table des matières

Paragraphes Page

Introduction1-75

A. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté8-105

B. Le Défenseur des droits11-136

C. La question prioritaire de constitutionnalité14-166

I.Recommandation figurant au §10 des observations finales du Comité17-227

II.Recommandation figurant au §11 des observations finales du Comité23-828

A. La liberté de pensée, de conscience et de religion34-419

B. La politique d’apprentissage de langues régionales42-5810

C. Les dispositifs spécifiques à l’Outre-Mer59-8213

III.Recommandation figurant au §12 des observations finales du Comité83-9417

IV.Recommandation figurant au §13 des observations finales du Comité95-17219

A. L’égalité hommes-femmes : les constats96-11019

B. L’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes111-14922

C. L’accès des femmes à la prise de décision dans le monde économique150-16127

D. L’accès des femmes aux postes de haut niveau dans la fonction publique162-16829

E. Les actions spécifiques à l’Outre-Mer169-17229

V. Recommandation figurant au §14 des observations finales du Comité173-17431

A. Durée de la garde à vue et présentation à un juge175-18431

B. Droits de la personne gardée à vue (hors le droit à l’assistance d’un avocat)185-19032

C. Le droit à l’assistance d’un avocat191-20333

VI.Recommandation figurant au §15 des observations finales du Comité204-22334

A. Les compétences du juge des libertés et de la détention en matière de détention provisoire206-21735

B. La durée moyenne de la détention provisoire dans les procédures criminelles et délictuelles ayant entrainé une condamnation définitive218-22337

VII.Recommandation figurant au §16 des observations finales du Comité224-23739

A. Un champ d’application étroitement limité226-22739

B. Une prise en charge médicale et psychologique renforcée228-22939

C. Des conditions de fond très restrictives23039

D. Des garanties procédurales importantes231-23540

E. Des droits préservés pendant la rétention au centre médico-socio-judiciaire de sûreté236-23741

VIII.Recommandation figurant au §17 des observations finales du Comité238-30041

A. Le renforcement du contrôle des établissements pénitentiaires et de l’action de l’administration à l’égard des personnes détenues238-26541

B. Les politiques mises en œuvre visant à diminuer la surpopulation carcérale266-30044

IX.Recommandation figurant au §18 des observations finales du Comité301-31949

A. Maintien en zone d’attente et maintien rétention administrative305-30750

B. Des mesures de privation de liberté strictement encadrées par la loi et contrôlées308-31450

C. Les conditions matérielles d’hébergement31551

D. Les mineurs isolés31651

E. Les collectivités d’outre-mer317-31851

F. La surpopulation dans les centres de rétention et dans les zones d’attente31952

X.Recommandation figurant au §19 des observations finales du Comité320-34352

XI.Recommandation figurant au §20 des observations finales du Comité344-34755

A. Les recours juridictionnels en cas de décision de refus d’asile348-34955

B. L’information sur les droits et la garantie des droits en matière d’asile350-35155

C. La procédure prioritaire d’examen de la demande d’asile352-35856

D. Le cas particulier des demandes d’asile présentées en rétention par des étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement359-36157

E. La prise en compte des risques en cas de retour au stade des procédures d’éloignement362-36557

F. Evolutions récentes en matière d’asile et perspectives366-36857

XII.Recommandation figurant au §21 des observations finales du Comité369-37558

XIII.Recommandation figurant au §22 des observations finales du Comité376-39958

A. Une collecte et une conservation des données dans des traitements régis par la loi377-38059

B. Des mesures effectives pour garantir que ces informations ne sont pas accessibles à des personnes non autorisées381-38460

C. L’accès aux données par les intéressés385-38760

D. La limitation dans le traitement EDVIGE, des données enregistrées388-39061

E. La limitation, dans le fichier STIC, du traitement des données391-39961

XIV.Recommandation figurant au §23 des observations finales du Comité400-43362

A. La loi de 2004 interdisant le port ostensible de signes religieux dans les établissements publics d’enseignement402-41763

B. Présentation de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation

du visage dans l’espace public418-43365

XV.Recommandation figurant au §24 des observations finales du Comité434-46267

A. Les actions éducatives441-45067

B. La répression pénale des propos ou des actes à caractère racistes ou antisémites451-45569

C. Le Défenseur des droits456-45970

D. Le plan national d’action contre le racisme et l’antisémitisme 2012-2104460-46271

XVI.Recommandation figurant au §25 des observations finales du Comité E463-48072

A.L’anonymisation des CV466-46872

B. Le label diversité469-47272

C. La Charte pour la promotion de l’égalité et de la diversité473-47573

D. Le parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de de l’Etat (PACTE)47674

E. Les soutiens spécifiques à la préparation aux concours et examens d’accès à la fonction publique477-47974

F. Le guide méthodologique visant à aider les entreprises à identifierd’éventuelles discriminations en leur sein.48074

XVII.Recommandation figurant au §26 des observations finales du Comité481-49575

A. La représentation de la diversité en politique481-48376

B. La représentation de la diversité au sein des forces de l’ordre et des services du ministère de la Justice484-49576

Annexe Presentation institutionnelle de l’outre-mer79

Introduction

1.La France prie le Comité des droits de l’homme de bien vouloir trouver ci-dessous le cinquième rapport périodique sur l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

2.La préparation du présent rapport a été réalisée en concertation avec la société civile à travers la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Cette institution nationale, qui existe depuis 1947 et dont la loi n°2007-292 du 5 mars 2007 a entériné l’existence, est composée de 30 représentants de la société civile (organisations non gouvernementales [ONG] et syndicats), de 30 personnalités qualifiées (représentants de religions et de courants de pensée, experts indépendants dans les instances internationales des droits de l’homme, Anciens ministres et hauts fonctionnaires, avocats, magistrats, universitaires) ainsi que du Défenseur des droits, d’un représentant du Conseil économique, social et environnemental, d’un député et d’un sénateur. Elle est destinée à assurer la promotion et la protection des droits de l’Homme.

3.Le projet de rapport du Gouvernement a été présenté à la CNCDH à l’occasion d’une réunion de travail. La Commission a fait connaître aux représentants des administrations ses observations sur le projet oralement et par une note écrite, dont il a été tenu compte dans la mesure du possible dans le présent rapport.

4.La France ayant eu l’opportunité à l’occasion de ses trois premiers rapports de présenter les mécanismes garantissant les droits garantis par le Pacte, le présent rapport, à l’instar du quatrième rapport, est constitué des réponses aux recommandations formulées par le Comité (CCPR/C/FRA/4 du 18 juillet 2007) à l’occasion de l’examen du quatrième rapport.

5.Le gouvernement ne manquera pas de tenir informé le Comité, à l’occasion des questions préalables à l’audition, des évolutions éventuelles qui interviendraient entre le dépôt du présent rapport et l’audition.

6.Outre ces réponses détaillées apportées aux recommandations du Comité, depuis le dernier rapport déposé par le Gouvernement en 2007, trois évolutions institutionnelle et juridictionnelle significatives visant à un renforcement effectif des droits et libertés méritent d’être portées à la connaissance du Comité.

7.Il s’agit du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, du Défenseur des droits et de la question prioritaire de constitutionnalité.

A.Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

8.La loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, complétée par le décret n° 2008-246 du 12 mars 2008, a institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en application du Protocole facultatif à la Convention contre la torture. Cette autorité qui a pour mission « de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux » peut être saisie par « toute personne physique ainsi que toute personne morale s’étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux » de faits ou de situations susceptibles de relever de sa compétence.

9.Le CGLPL est une institution indépendante, dont la compétence s’étend à tous les lieux de privation de liberté (établissements pénitentiaires, locaux de police et de gendarmerie, zones d’attente et locaux de rétention administrative, centres éducatifs fermés, locaux disciplinaires dans les enceintes militaires, locaux de rétention douanière ainsi que les établissements hospitaliers où se trouvent des personnes enfermées contre leur volonté). Il a pour mission de s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, mais également de prévenir toute violation de ces droits. Afin d’accomplir sa mission, il est habilité à visiter à tout moment sur le territoire de la République tout lieu où des personnes sont privées de liberté. Il peut être saisi par toute personne physique, ainsi que toute personne morale dont l’objet est de protéger les droits fondamentaux, qui estiment que les droits fondamentaux sont méconnus en raison des conditions de détention, de garde à vue, de rétention ou d’hospitalisation, à l’organisation ou au fonctionnement d’un service. Le CGLPL peut également se saisir de sa propre initiative. Il adresse aux ministres concernés des rapports de visite ainsi que des recommandations et remet annuellement au Président de la République un rapport. S’il constate des manquements de nature pénale ou disciplinaire, le CGLPL a également la possibilité de les porter à la connaissance du Procureur de la République, ainsi que des autorités investies du pouvoir disciplinaire.

10.Au 1er janvier 2012, le CGLPL avait émis 14 recommandations. Il a par ailleurs présenté quatre rapports d’activité (au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011).

B.Le Défenseur des droits

11.Une institution nouvelle, le Défenseur des droits, a été inscrite dans la Constitution par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elle a été créée par la loi organique n° 2011-33 et la loi ordinaire n° 2011-334 du 29 mars 2011. Cette institution, indépendante, regroupe les missions du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) et de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS). Elle a pour missions de défendre les droits et libertés individuels dans le cadre des relations avec les administrations, de défendre et promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant, de lutter contre les discriminations prohibées par la loi, de promouvoir l’égalité et de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité.

12.Afin d’accomplir ces missions, le Défenseur des droits est habilité à recevoir des réclamations individuelles, dispose de pouvoirs d’instruction et a le pouvoir de rechercher des règlements amiables ou encore d’intervenir dans des procédures judiciaires à l’appui d’un réclamant.

13.Mais au-delà du traitement des réclamations individuelles, il vise à prévenir toute violation des droits en mettant en œuvre des actions concrètes de promotion de l’égalité, notamment en accompagnant le changement des pratiques des acteurs de l’emploi, du logement, de l’éducation et de l’accès aux biens et aux services, publics et privés. Il formule des propositions de modifications législatives ou réglementaires et des recommandations aux autorités publiques comme privées. Il conduit et coordonne des travaux d’études et de recherche.

C.La question prioritaire de constitutionnalité

14.La question prioritaire de constitutionnalité a été instaurée par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 et par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009. Tout justiciable peut, depuis le 1er mars 2010, soutenir, à l’occasion d’une instance devant une juridiction administrative ou judiciaire, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Avant cette réforme, seuls les Parlementaires, le Premier ministre et le Président de la République disposaient de la possibilité de contester la constitutionnalité d’une disposition législative uniquement avant qu’elle n’entre en vigueur. La réforme permet donc aux justiciables d’obtenir une protection accrue de leurs droits et libertés, puisqu’une disposition législative déclarée inconstitutionnelle ne peut plus être appliquée et disparaît de l’ordonnancement juridique.

15.En termes qualitatifs, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’être saisi d’importantes questions en relation avec les libertés et les droits fondamentaux et a déclaré contraires à la Constitution un certain nombre de dispositions législatives qui lui ont été soumises dans le cadre de ce recours. A titre d’exemple, on peut citer en particulier les questions relatives à la législation sur la garde à vue.

16.Entre mars 2010 et juillet 2012, 281 questions avaient été transmises au Conseil constitutionnel par le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation, ce qui témoigne de l’appropriation par les justiciables et leurs conseils de cette nouvelle voie de recours permettant un contrôle du respect des droits fondamentaux.

I.Recommandation figurant au §10 des observations finales du Comité

17.La réserve et la déclaration relative aux articles 4 § 1 et 27 du Pacte résultent de la nécessaire conciliation des stipulations du Pacte avec les dispositions constitutionnelles nationales.

18.La réserve générale formulée au regard de la Charte des Nations Unies et la déclaration relative aux articles 19, 21 et 22, évoquant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ont pour objet d’assurer la cohérence des engagements conventionnels de la France en matière de droits de l’Homme.

19.Depuis le dernier rapport déposé en 2007, le gouvernement français a demandé la modification de la réserve relative à l’article 14 §5, suite à l’introduction de la possibilité d’appels des décisions en matière criminelle devant la Cour d’assises. La réserve à l’article 14§5 ne portera plus que sur certaines infractions jugées par le Tribunal de police – certaines infractions au code de la route comme des amendes pour stationnement illicite par exemple. Il convient de souligner que même ces jugements sont susceptibles de recours en cassation.

20.La déclaration relative à l’article 13 concernant l’expulsion d’étrangers se trouvant légalement sur le territoire national est motivée par le droit national applicable, qui permet la mise en œuvre d’une mesure d’expulsion sans procédure administrative préalable en particulier en cas d’urgence absolue. Le gouvernement ne peut toutefois que rappeler que dans ce domaine, conformément aux obligations résultant de la Constitution française et de l’ensemble de ses engagements internationaux, toute décision administrative d’expulsion peut faire l’objet d’un recours devant les tribunaux nationaux et ainsi être soumise à un contrôle juridictionnel effectif.

21.La réserve formulée par la France au sujet des articles 9 et 14 du Pacte est maintenue en raison des règles gouvernant le régime disciplinaire des membres des forces armées. Ainsi qu’il avait été exposé à l’occasion des rapports précédents, une privation de liberté dénommée « arrêt » compte parmi les sanctions disciplinaires prévues par la loi et susceptibles d’être infligées aux membres des forces armées (article L4137-2 du code de la défense). Le gouvernement considère que cette sanction disciplinaire ne relève pas du champ d’application des articles 9 et 14 du Pacte.

22.Le gouvernement français n’envisage pas la levée ou la modification d’autres réserves ou déclarations.

II.Recommandation figurant au § 11 des observations finales du Comité

23.Ainsi que cela a été exposé de manière constante dans les rapports périodiques précédemment présentés, la France ne reconnaît pas en son sein l’existence de minorités.

24.Cette approche résulte de l’histoire de France et des principes inscrits dans la Constitution française, qui dispose en particulier dans son article premier que : « la France est une République indivisible ».

25.Cette conception, dans laquelle il n’existe pas de subdivisions au sein du peuple français, répond philosophiquement à une volonté des pouvoirs constituants de laisser à chaque citoyen la liberté fondamentale individuelle de choisir de se définir – ou de ne pas se définir – par rapport à une culture, à une religion ou à une langue particulières et non d’y être automatiquement inclus en raison de critères préalablement arrêtés et impliquant l’appartenance à un groupe.

26.La France a exprimé, à ce sujet, une position claire dès la ratification du Pacte, puisque l’article 27 a fait l’objet d’une déclaration interprétative ainsi qu’il a été rappelé plus haut (cf supra réponse à la recommandation § 10), dont le Comité des droits de l’homme, saisi de réclamations individuelles sur ce fondement a d’ailleurs pris acte par deux décisions d’incompétence.

27.Les conséquences juridiques de cette conception philosophique ont été rappelées par les juridictions suprêmes de l’Etat français.

28.Le Conseil constitutionnel, devant se prononcer sur la constitutionnalité d’un projet de loi, a ainsi jugé que la mention « le peuple corse, composante du peuple français » était contraire à la Constitution, laquelle ne reconnaît que le peuple français, dans distinction d’origine, de race ou de religion (Décision n° 91-290 DC du 09 mai 1991).

29.De même en 1999 a-t-il considéré à propos de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaire que cette Convention « en ce qu’elle confère des droits spécifiques à des “groupes” de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de “territoires” dans lesquels ces langues sont pratiquées, porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français » (Décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999).

30.Et le Conseil d’Etat, appelé à donner son avis sur la ratification alors envisagée de la Convention cadre pour la protection des minorités nationales, a estimé qu’une telle Convention était en elle-même contraire au principe constitutionnel d’indivisibilité de la République, lequel ne reconnait que le peuple français composé de tous les citoyens français « sans distinction d’origine, de race ou de religion » (avis du 6 juillet 1996).

31.Il convient toutefois de souligner que l’absence de reconnaissance d’un statut juridique spécifique à des minorités n’empêche pas la mise en œuvre de nombreuses politiques destinées à mettre en valeur la diversité culturelle nationale et à accompagner les choix individuels dans ce domaine.

32.Ces politiques visent en particulier à assurer la plénitude de la liberté religieuse et de conscience ainsi qu’à favoriser l’apprentissage de langues dites régionales.

33.Pour répondre aux attentes exprimées par le Comité à l’occasion du dernier rapport présenté par la France, l’accent est mis également sur les actions spécifiques visant à préserver et favoriser la culture des populations autochtones d’Outre-mer.

A.La liberté de pensée, de conscience et de religion

34.La liberté religieuse est consacrée en France par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui affirme que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. ». Le Préambule de la Constitution de 1946 réaffirme que « tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés », et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 proclame que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

35.Dans le cadre de ces principes de nature constitutionnelle, la République française garantit le libre exercice des cultes, sans distinction. La loi du 9 décembre 1905, relative à la séparation des Eglises et de l’Etat, réaffirme dans son article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public».

36.Consacrée depuis plus d’un siècle, la laïcité constitue ainsi une valeur fondatrice de la République française. Elle emporte une triple dimension :

la neutralité des agents du service public à l’égard de toutes les opinions et croyances. La neutralité est la loi commune de tous les agents publics dans l’exercice de leur service ;

la liberté de conscience : la laïcité ne se résume pas à la neutralité de l’Etat, ni à la tolérance. Elle ne peut ignorer le fait religieux. La laïcité n’est pas le reniement ou le cantonnement des religions. Elle n’est pas une option spirituelle particulière mais la condition de l’existence même de toutes les options. Elle est la condition du respect des choix personnels les plus profonds dans une société ouverte où histoire et patrimoine ont été, en partie, forgés par les grandes traditions spirituelles ou religieuses ;

le pluralisme : toutes les convictions ont droit à la liberté d’expression. La laïcité implique l’égale attention des pouvoirs publics à l’égard des différentes religions.

37.La laïcité est la condition du respect des choix personnels les plus profonds dans une société ouverte. Elle rend possible l’expression de l’ensemble des convictions religieuses, dans les seules limites posées par l’ordre public. La laïcité est un principe de liberté.

38.Au nom de cette liberté, des dispositions du droit français permettent d’accorder des autorisations d’absence pour le respect des jours de fêtes religieuses juives, musulmanes ou arméniennes ainsi que pour les occasions solennelles propres à chaque confession (communions ou bar mitzvah par exemple). A titre d’exemple, on peut citer la circulaire du 23 septembre 1967 qui s’applique dans la fonction publique et qui est rappelée à chaque début d’année civile avec le calendrier des différentes fêtes concernées. Des dispositions spécifiques ont également été édictées en matière d’abattage rituel dans les abattoirs pour les religions juive et musulmane. Sont également prévus des espaces particuliers dans les cimetières pour les religions non chrétiennes.

39.En outre, le cadre juridique français permet aux pouvoirs publics d’accorder des aides indirectes à la construction ou à l’entretien des lieux de culte, sous forme de garantie d’emprunts ou de dispositifs de baux de longue durée. Pour ce qui concerne les lieux de culte musulmans, on dénombrait en 1999 un peu plus d’un millier de mosquées, dont la plupart étaient des petites salles de prière. Désormais, la plupart des villes à forte implantation musulmane se sont engagées à accompagner l’installation d’un lieu de culte (près de 200 projets de ce type). Aujourd’hui, le nombre de mosquées en France métropolitaine s’établit à environ 2000, dont la majorité est constituée par des bâtiments de taille moyenne.

40.Par ailleurs, les pouvoirs publics ont depuis longtemps soutenu la création d’institutions représentatives des communautés religieuses permettant un dialogue quotidien avec les administrations et les élus. Il en est ainsi de la Conférence épiscopale s’agissant de l’Eglise catholique, du Consistoire de Paris créé le 11 décembre 1808, qui a pour tâche d’organiser le culte israélite pour une communauté qui rassemble aujourd’hui près de 600 000 personnes (organisation des lieux de culte, de l’instruction religieuse, de la célébration des mariages et de l’abattage rituel), de la Fédération protestante, qui rassemble depuis 1905 la plupart des Eglises et des associations protestantes de France. Cette dernière a pour mission de représenter le protestantisme français auprès des pouvoirs publics et des médias et assure, par ailleurs, un certain nombre de services communs, tels que la télévision (Présence protestante), la radio, l’aumônerie aux armées et aux prisons, la recherche biblique, les relations œcuméniques. De création plus récente, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a vocation à devenir l’instance représentative des musulmans de France. Le CFCM a pour objet de s’occuper de la construction de mosquées, des carrés musulmans dans les cimetières, de l’organisation des fêtes religieuses, de la nomination des aumôniers dans les hôpitaux, les prisons, les lycées et collèges et de la formation des imams.

41.Enfin, la France met en œuvre une politique volontariste pour réprimer très fortement et prévenir les atteintes aux personnes et aux biens motivées par des considérations religieuses. En effet, d’une part, le code pénal érige, pour de très nombreuses infractions, en circonstance aggravante le fait que l’infraction visée ait été commise au regard de considérations raciales et religieuses (cf infra réponse à la recommandation figurant au § 24 des observations du Comité). D’autre part, l’Etat finance des dispositifs de sécurisation des lieux de culte, met en place des surveillances des lieux de culte à l’occasion des principales fêtes religieuses, afin que chacun puisse librement pratiquer sa religion et que la dignité et la sérénité des lieux de culte soient préservées.

B.La politique d’apprentissage de langues régionales

1. Présentation générale

42.L’article 75-1 de la Constitution, introduit par la réforme du 23 juillet 2008, dispose que : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. ».

43.L’inscription de l’enseignement des langues régionales a été affirmée par le premier alinéa de l’article L312-10 du code de l’éducation qui a en outre précisé que cet enseignement était dispensé selon des modalités définies par voie de convention entre l’Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont enseignées.

44.A l’heure actuelle, sont enseignés dans les écoles françaises les langues régionales suivantes : breton, le basque, le catalan, le corse, le créole, le gallo, l’occitan - langue d’oc, les langues régionales d’Alsace, les langues régionales des pays mosellans, le tahitien, les langues mélanésiennes (ajïé, drehu, nengone, paici).

45.Le développement des enseignements de langues régionales repose sur ces deux piliers : existence d’une politique des langues régionales définie au niveau académique et intégrée dans la politique des langues vivantes arrêtée par le recteur, appui de cette politique par un partenariat actif concrétisé par la signature d’une convention.

46.Par ailleurs, il convient de mentionner l’extension, dans le cadre de la formation continue, de la prise en compte des enseignements de langues régionales, par la création d’un diplôme de compétence en langue régionale institué par l’arrêté du 13 décembre 2010 (Journal officiel du 29 décembre 2010). Ce diplôme peut être délivré, pour le moment, pour le breton et l’occitan.

a)Un cadre conventionnel renouvelé et en extension

47.Des conventions ont été renouvelées ou signées entre l’Etat et les collectivités territoriales. Trois concernent la langue occitane et des académies où celle-ci est bien représentée. Elles couvrent également la langue basque, la langue catalane ainsi que les langues corse, bretonne, les langues régionales d’Alsace.

48.La convention de partenariat sur l’enseignement du créole signée le 22 février 2011 par le ministre de l’éducation nationale et le président de la Région Martinique, officialise l’apprentissage de la langue et de la culture créoles et définit les modalités de l’offre d’enseignement du créole à tous les niveaux de la scolarité.

b)L’organisation de l’enseignement

49.Il existe ainsi deux modalités d’organisation de l’enseignement des langues régionales à l’école primaire. Cet enseignement est soit inclus dans le cadre général des horaires de l’école, ce qui correspond au modèle le plus répandu, soit dispensé dans des classes bilingues français-langue régionale. Dans les classes bilingues, l’enseignement commence souvent à l’école maternelle. Il repose sur la parité horaire en français et en langue régionale, l’horaire de français étant maintenu intégralement à l’école élémentaire. La langue régionale est aussi une langue d’enseignement dans plusieurs domaines d’apprentissage. Au collège, les élèves peuvent poursuivre leur scolarité dans les sections de langue régionale. Le cadre réglementaire de l’enseignement bilingue à parité horaire a été rénové. Depuis 2002, les professeurs des écoles qualifiés en langues régionales peuvent être recrutés par concours spécial, dans les académies concernées. Ils peuvent aussi présenter une épreuve facultative de langue régionale lors du concours de recrutement. Aux termes de la loi, les langues régionales bénéficient du « renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d’en faciliter l’usage. La loi n°51-46 du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux leur est applicable ». Ainsi, dans les établissements secondaires, peuvent-elles concerner les enseignements des disciplines autres que linguistiques, conformément aux horaires et aux programmes en vigueur dans les classes considérées.

c)Les effectifs

50.Pour l’année scolaire 2009-2010, 219 763 élèves des écoles primaires (âgés de 6 à 11 ans), collèges (âgés de 11 à 15 ans) et lycées (âgés de 15 à 18 ans) ont suivi un enseignement de langues régionales. Au sein de cet ensemble, l’enseignement bilingue à parité horaire, implanté dans les trois niveaux d’enseignement, est choisi par 51 765 élèves dont 42 919 à l’école (35 880 dans les écoles publiques et 7039 dans les écoles privées), 8 281 au collège et 565 au lycée.

2.Enseignement des langues régionales dans l’enseignement primaire

51.A l’école primaire, l’enseignement des langues régionales (116 236 élèves) est dispensé selon ces quatre modalités, sauf dispositions particulières (cas de la Corse et de la Polynésie française) :

enseignement d’une langue régionale à raison d’1h30 hebdomadaire : en 2009, 47 543 élèves étaient concernés;

enseignement renforcé d’une langue régionale : 21 601 élèves ;

enseignement bilingue à parité horaire : 42 919 élèves ;

enseignement en immersion totale d’une langue régionale : 4 173 élèves.

3.Enseignement des langues régionales dans l’enseignement secondaire

52.L’enseignement des langues régionales est présent dans 13 académies métropolitaines. Pour l’année scolaire 2009-2010, 103 527 élèves des collèges et des lycées publics et privés sous contrat des académies concernées ont étudié une langue régionale.

4.Les enseignants

53.Dans le premier degré, l’enseignement des langues régionales dans les écoles est dispensé par des professeurs des écoles titulaires d’une habilitation délivrée par l’inspecteur d’académie ou ayant été reçus au concours spécial de recrutement de professeur des écoles.

54.Dans le second degré, l’enseignement des langues régionales dans le second degré dispose d’un corps de professeurs titulaires du certificat d’aptitude à l’enseignement du second degré (Capes) section langues régionales qui, à l’exception de la langue corse avec le Capes langue corse, sont tous bivalents. Cette bivalence porte, selon les langues concernées, sur l’histoire-géographie, les langues étrangères, anglais et espagnol, les lettres modernes, ainsi que les mathématiques pour le breton et le tahitien.

55.Pour 2009-2010, 570 professeurs certifiés de langues régionales ont été recensés.

56.Dans le cadre de la formation continue, la prise en compte des enseignements de langues régionales a été étendue grâce à la création d’un diplôme de compétence en langue régionale institué par l’arrêté du 13 décembre 2010 publié au journal officiel du 29 décembre 2010.

5.Les bénéficiaires de l’enseignement des langues régionales

57.Au collège :

occitan-langue d’oc : 19 758 élèves, soit 1,8 % des élèves des collèges et lycées dans 8 académies ;

tahitien : 9 108 élèves ;

corse : 7 874 élèves (soit 49 % des élèves) ;

breton : 4 325 élèves soit 2 % des élèves (1,1 % pour le public et 3 % pour le privé) dans 36 % des collèges ;

basque : avec 2633 élèves, la langue basque est choisie par 10 % des élèves des collèges du département des Pyrénées-Atlantiques, dont 15 % d’élèves de l’enseignement privé et 6 % d’élèves de l’enseignement public, dans 29 % des collèges du département ;

catalan : 2 268 élèves, soit 10,6 % des élèves dans 70 % des collèges ;

créole : 2 615 élèves dans les quatre départements d’outre-mer ;

langues mélanésiennes : 2 080 élèves.

58.Au lycée :

occitan-langue d’oc : principale langue régionale, présente à ce niveau avec 3 722 élèves, 9 % des lycées la proposent ;

langues régionales d’Alsace : 2 708 élèves, dans 22 % des lycées ;

corse : 2 415 élèves (+ 1 058 élèves/2007-2008), soit 11 % des élèves ;

tahitien : 1 445 élèves ;

breton : 824 élèves, soit moins de 1 % des élèves, dans 18 % des lycées ;

langues mélanésiennes : 757 élèves (+ 118 élèves/2007-2008) ;

catalan : 663 élèves (+19 élèves/2007-2008), soit 5 % des élèves, dans 45 % des lycées ;

basque : 534 élèves (-372/2007-2008), soit 2,4 % des élèves (4 % pour le privé et 2 % pour le public), dans 17 % des lycées.

C.Les dispositifs spécifiques à l’Outre-Mer

1.Prise en compte des particularités des populations autochtones en droit français

59.En votant en 2007 en faveur de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la France s’est engagée à respecter les dispositions de cette Déclaration sur l’ensemble de son territoire, y compris dans les collectivités d’outre-mer. Ces collectivités comprennent des populations qui correspondent aux critères retenus pour définir les « peuples autochtones ». Il s’agit des Amérindiens en Guyane, des Polynésiens en Polynésie française, des Kanaks en Nouvelle Calédonie, des Mahorais à Mayotte et des Wallisiens et Futunien à Wallis et Futuna. Ces territoires sont différents les uns des autres et la situation de leurs populations au sein même de ces territoires est également différente. Alors qu’en Guyane, les Amérindiens ne représentent que 5 % de la population et qu’en Nouvelle-Calédonie, les Kanaks représentent un peu moins de 50 % de la population, à Wallis et Futuna, à Mayotte et en Polynésie française les populations autochtones sont majoritaires dans la population locale. Ils sont pour la plupart, régis par des statuts particuliers propres, qui y fixent les règles applicables et répartissent les compétences entre les différentes autorités. Certains territoires ont un statut proche des régions de métropole, alors que d’autres disposent d’un gouvernement local doté de larges compétences. Une présentation institutionnelle de l’Outre-Mer est jointe au présent rapport.

60.Ainsi, tout en respectant le principe d’indivisibilité, d’égalité, et d’unicité, la République s’est attachée à prendre en compte les aspirations exprimées par ces populations qui vivent outre-mer. Pour autant, ces principes constitutionnels ne permettent pas à la France de ratifier la Convention n°169 (1989) de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui reconnaît des droits collectifs aux « peuples indigènes et tribaux ». Cette incompatibilité n’a néanmoins jamais constitué un obstacle à l’adoption de politiques ambitieuses en faveur des populations d’outre-mer. La République s’est attachée à prendre en compte les aspirations exprimées par ces populations et a su intégrer depuis longtemps les pratiques, les usages et les savoirs locaux des communautés outre-mer dans ses politiques de reconnaissance et de protection des populations autochtones.

61.Si on prend l’exemple des Kanaks en Nouvelle-Calédonie, les dispositions de l’accord de Nouméa font souvent échos à celles de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. L’accord de Nouméa qui est relatif à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, est un accord signé entre l’Etat et des représentants politiques de population autochtone. Cet accord a été signé par les représentants des deux principales familles politiques du territoire, dont le Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS - rassemblement de partis politiques représentant majoritairement les Kanaks) et les représentants du Gouvernement français. La loi statutaire de Nouvelle-Calédonie a traduit en droit les dispositions de cet accord.

62.Conformément à l’invitation permanente dont les rapporteurs spéciaux des Nations Unies bénéficient de la part du Gouvernement français, M. Anaya, rapporteur de la commission des droits de l’homme chargé des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, s’est rendu en Nouvelle-Calédonie en février 2011. La ministre chargée de l’outre-mer a ensuite reçu M. Anaya à Paris au mois de juin 2011. Cette visite a été l’occasion pour lui de constater le consensus qui existe autour de l’accord de Nouméa (rapport A/HCR/18/35/Add.6).

63.La France a choisi de ne pas adopter une politique globale et uniforme en faveur des populations de ces territoires, qui présentent elles-mêmes une grande diversité. Elle a privilégié l’adoption de mesures propres à chaque population, prises en concertation avec les représentants de ces collectivités. Les lois régissant la Nouvelle-Calédonie (loi du 19 mars 1999), la Polynésie française (loi du 27 février 2004) et Mayotte (loi du 7 décembre 2010) ont été adoptées après consultation des assemblées locales de ces collectivités. Des consultations des populations ont été organisées en Nouvelle-Calédonie (décret du 20 aout 1998) et à Mayotte (décret du 20 janvier 2009). La mise en place du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenges permet sa consultation sur tout projet ou toute proposition de délibération du conseil général ou régional emportant des conséquences sur l’environnement, le cadre de vie ou intéressant la culture des ces populations. Les mesures décidées par le Gouvernement français ont été adaptées à chacune de ces populations et en fonction des réalités locales, tant culturelles qu’économiques et sociales.

64.Jusqu’à présent, ces spécificités étaient plus faciles à prendre en compte dans le cadre des statuts des collectivités d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, et Wallis et Futuna,), que dans le cadre des statuts des départements d’outre-mer (Guyane et Mayotte depuis le 31 mars 2011). En effet, le régime de l’identité législative, c’est-à-dire l’application à l’identique du droit métropolitain, appliqué aux départements d’outre-mer pouvait rendre plus difficile la compréhension des situations spécifiques propres aux populations autochtones, inconnues en métropole. En revanche, la plus large autonomie conférée aux pouvoirs des collectivités de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie, accompagnée de transferts de compétence, contribue à la prise en compte des besoins des populations locales.

65.Dans le prolongement de la résolution 18/8 du Conseil des droits de l’homme intitulée « droits de l’homme et peuples autochtones » et en vue du 5ème anniversaire de l’adoption par l’Assemblé générale des Nations Unies de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la France a répondu au questionnaire établi par le mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, relatif aux bonnes pratiques en matière de mesures et de stratégies pour atteindre les objectifs de la Déclaration. Elle y précise les mesures adoptées dans les collectivités d’outre-mer pour assurer la participation pleine et entière de leurs populations à la prise de décisions qui concernent directement ou indirectement leurs modes de vie. Elle a pris en considération les traditions culturelles et les aspirations de ces populations, notamment s’agissant des questions relatives à la terre. Elle a favorisé l’enseignement des langues et des cultures régionales locales ainsi que la restauration, la préservation et la protection de leurs sites.

2.Politique en matière de langues régionales Outre-Mer

66.La France dispose d’une politique de protection et de valorisation des langues régionales. Sur les 75 langues régionales répertoriées à côté du français, environ 50 langues le sont en outre-mer. Les actions entreprises concernent l’instauration d’un régime de protection mais également l’apprentissage de ces langues, des recherches universitaires et une prise en compte culturelle.

67.Créée en octobre 2001 et rattachée au ministère de la culture et la communication, la délégation générale à la langue française et aux « langues de France », a consacré la place particulière que l’Etat reconnaît à ces dernières dans la vie culturelle de la Nation.

68.Afin de prendre en compte la réalité coutumière des collectivités françaises d’outre-mer, une réglementation spécifique s’est progressivement constituée au bénéfice des communautés autochtones en matière de langues régionales et de stratégies éducatives et culturelles dans les collectivités françaises d’outre-mer. Ce qui a été mis en place en Guyane est différent de ce qui a été mis en place en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française pour tenir compte des spécificités propres à chaque collectivité et des réalités géographiques et coutumières. La compétence nécessaire à la mise en œuvre de cette politique est parfois une compétence partagée comme en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française où les autorités locales sont compétentes en matière de programme scolaire ou de mise en valeur de la culture locale.

69.Sous l’impulsion d’une demande sociale croissante de reconnaissance des identités culturelles locales, des langues locales ont été introduites dans les cursus scolaires dans un volume horaire allant de 3 à 5 heures hebdomadaires. Le système éducatif français accorde ainsi une place à part entière aux langues régionales qui peuvent être étudiées par les élèves de France métropolitaine et d’outre-mer. Les programmes scolaires intègrent les réalités linguistiques des populations autochtones. Les instituts universitaires de formation des maîtres organisent des stages d’initiation aux langues locales. En Polynésie, une épreuve obligatoire de tahitien est prévue pour le recrutement des instituteurs territoriaux. Les universités mènent des programmes de recherche pour approfondir la connaissance de ces langues. La politique de la France en matière de plurilinguisme passe également par les actions en faveur de l’utilisation de ses langues notamment dans la littérature, le spectacle vivant et les médias.

70.L’ensemble de ces évolutions normatives a permis de renforcer la place des langues régionales outre-mer mais des améliorations peuvent encore être apportées. C’est pourquoi la France a organisé en décembre 2011 en Guyane les « Etats généraux du multilinguisme dans les outre-mer ». Cette rencontre a permis d’élaborer un ensemble de nouvelles préconisations adossées à des principes qui pourront prendre la forme d’une charte pour améliorer le cadre et les actions entreprises en matière de protection des langues locales. Au programme de cette rencontre notamment, un état des lieux des pratiques langagières et une présentation sur les outils nécessaires à la propagation des langues. Le français n’est pas la langue maternelle de la majorité des populations des départements et territoires d’outre-mer, caractérisés par la richesse de leur patrimoine linguistique. Face à un tel constat, il est nécessaire de définir une politique des langues spécifique, qui concilie tout à la fois la maîtrise du français et la valorisation des langues régionales. Les États généraux du multilinguisme dans les outre-mer avaient pour objectif d’aboutir à une politique linguistique en outre-mer, afin de favoriser la coexistence de ces multiples langues aux côtés du français.

71.En Polynésie française, depuis sa création en 1972 l’Académie Tahitienne - Fare Vana’a s’est attachée à répondre à sa mission, à savoir : la conservation et la promotion de la langue tahitienne, soutenue en cela par les gouvernements successifs. La mission dévolue à l’Académie tahitienne - Fare Vāna’a est de sauvegarder et d’enrichir la langue, et notamment de normaliser le vocabulaire, la grammaire et l’orthographe, d’en étudier les origines, l’évolution et la parenté avec d’autres langues parlées dans le Pacifique, de favoriser la publication d’ouvrages rédigés en langue tahitienne et la traduction en langue tahitienne de la littérature mondiale, faire de la langue tahitienne un outil de recherche pour tous ceux qui s’intéressent au folklore à l’ethnologie, à l’archéologie, à l’histoire et d’une manière plus générale à tous les aspects de la science concernant le Pacifique, de rendre à la langue tahitienne les lettres de noblesse que lui a valu une tradition séculaire, de promouvoir l’enseignement généralisé de la langue tahitienne, et de veiller à l’utilisation correcte de la langue tahitienne dans toutes les formes d’expression (chants, publicité, etc...).

72.En Nouvelle Calédonie existe également une académie des langues kanaks (ALK). Né de l’Accord de Nouméa mais créé en 2007, ce jeune établissement public du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a pour missions de « fixer les règles d’usage et de concourir à la promotion et au développement de l’ensemble des langues et dialectes kanak » qui font partie de la famille austronésienne du groupe océanien. L’ALK se compose de huit sections régionales, installées dans les huit aires coutumières. Chaque antenne se compose d’un(e) chargé(e) de mission, d’un(e) académicien(ne) et d’un(e) linguiste de référence qui supervise et accompagne les travaux menés par chaque antenne. Les académicien(ne)s sont désigné(e)s par le sénat coutumier pour une durée de cinq ans renouvelable. Ils doivent être locuteurs et maîtriser l’écriture d’une langue ou de l’un des dialectes de l’aire considérée et relever coutumièrement de celle-ci. L’ALK met en place un certain nombre d’actions pour la valorisation et la promotion des langues kanak et du patrimoine oral qui y est associé : conférences, colloques, réunions de travail avec les différents partenaires, animations, festivals, chroniques radio, etc.

3.Promotion et protection de la culture

73.Le ministère de la Culture est présent en Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon grâce aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC). La DCRAC est chargée de conduire la politique culturelle de l’État notamment dans les domaines de la connaissance, de la conservation et de la valorisation du patrimoine, de la promotion de l’architecture, du soutien à la création et à la diffusion artistiques dans toutes leurs composantes, du développement du livre et de la lecture, de l’éducation artistique et culturelle et de la transmission des savoirs, de la promotion de la diversité culturelle et de l’élargissement des publics, du développement de l’économie de la culture et des industries culturelles, de la promotion de la langue française et des langues de France. Elle assure la conduite des actions de l’État, développe la coopération avec les collectivités territoriales à qui elle peut apporter, en tant que de besoin, son appui technique.

74.Les actions entreprises en faveur de la protection de la culture des populations autochtones sont nombreuses et variées. On peut citer la vingtaine de musées situés dans les départements d’outre-mer mais également le Musée du Quai Branly. Inauguré en juin 2006, il met à l’honneur les arts et les civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques afin de sillonner la planète à la découverte des peuples autochtones et de leurs cultures et traditions, avec notamment une large place consacrée aux civilisations des collectivités d’outre-mer.

75.On trouve des scènes théâtrales à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique. En septembre 2011, à l’occasion d’un déplacement en Guyane, le ministre de la culture a déclaré vouloir ouvrir une scène théâtrale en Guyane.

76.Conformément à la convention de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) relative à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) ratifiée par la France en 2006, l’Etat a commencé à dresser l’inventaire de son PCI. Dans ce cadre, il a notamment inventorié le rituel de Maraké en Guyane (rituel d’initiation propre aux communautés amérindiennes) et le PCI de l’aire de Aije-Aro en Nouvelle-Calédonie.

77.En Nouvelle Calédonie, l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 et la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ont confirmé le rôle prépondérant des provinces en matière culturelle. Afin d’accompagner le développement culturel de la Nouvelle-Calédonie, une direction des affaires culturelles, placée auprès du haut-commissariat, a été instituée en 1989. Cette structure, devenue délégation des affaires culturelles en 1992, s’est transformée en janvier 2001 en mission aux affaires culturelles. Les missions de l’Etat dans ce domaine sont celles qui sont rappelées dans la constitution : garantir aux citoyens un égal accès à la culture. Ceci se traduit en Nouvelle-Calédonie d’une part, par l’accompagnement financier des politiques culturelles des Provinces, du gouvernement et des communes, d’autre part, par une fonction, de conseil et de proposition auprès de l’ensemble des acteurs de la vie culturelle néo-calédonienne.

78.La loi du 19 mars 1999 a prévu dans son article 215 que « dans le but de contribuer au développement culturel de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci après avis des provinces, conclut avec l’Etat un accord particulier ». Cet accord culturel et politique a été signé à Paris le 22 janvier 2002 par le ministère de l’Outre-mer et le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en présence des présidents des trois provinces. Il donne ainsi, en 11 points, un cadre précis aux actions prioritaires à mener par l’Etat dans le domaine culturel en Nouvelle-Calédonie.

79.On notera particulièrement l’inauguration en 1998 du centre culturel Tjibaou, établissement public chargé de promouvoir la culture kanak, prévu par les accords de Matignon. Son nom lui a été attribué en hommage au leader indépendantiste kanak Jean Marie Tjibaou. Il est géré par l’agence de développement de la culture kanak. Il est un pôle de développement de la création artistique Kanak et un centre de diffusion de la culture contemporaine Kanak.

80.En Polynésie française, la compétence culturelle relève exclusivement du gouvernement de la Polynésie. Le ministère de la culture de l’artisanat et de la famille conduit une politique dynamique en matière de promotion de la culture polynésienne. La Polynésie française dispose notamment pour cela de deux musées, d’un conservatoire artistique, d’une maison de la culture et de deux académies (polynésienne et marquisienne). Ouvert depuis plus de 30 ans, le conservatoire artistique de la Polynésie française a pour vocation d’assurer la promotion et la valorisation de la culture artistique ; l’enseignement théorique et pratique de la musique, du chant, de la danse et des arts plastique la préparation et l’accès à leur enseignement ; la promotion des danses et des chants polynésiens ; la conservation par la reproduction écrite et mécanique du patrimoine musical polynésien ; la mise en place et la promotion de toutes formations orchestrales ou chorales. Le conservatoire prodigue des cours en matière d’art classique mais également en matière d’art traditionnel Ori Tahiti (danse traditionnelle), la Orero (art oratoire), les percussions et la guitare et le Ukelele.

81.Depuis l’an 2000, la Journée du reo ma’ohi a lieu chaque 28 novembre. Le reo ma’ohi est le nom générique donné aux dialectes vernaculaires des archipels de Polynésie française. Cette journée est l’occasion de promouvoir ce patrimoine unique à travers une série de manifestations culturelles : conférences, pièces de théâtre, expositions…

82.Enfin, depuis 125 ans, au mois de juillet, toutes les îles de la Polynésie organise le Heiva (fête), autrefois Tiurai (juillet en tahitien) qui célèbre la culture polynésienne. Des danses, des chants (concours de chant et de danse) et des concours sportifs (courses de pirogues, lancer de javelots, courses de porteurs de fruits, lever de pierre, concours individuels ou par équipes) sont organisés pendant plusieurs semaines. Le heiva fait revivre le passé et donne aux jeunes générations le sens des traditions. Il permet également à la culture de s’exprimer et d’évoluer librement au travers des différentes activités rassemblées pendant cette manifestation. Si la culture est de la compétence du gouvernement de la Polynésie française, le gouvernement français apporte son appui lorsque cela est nécessaire, notamment dans le cadre des demandes présentées par la Polynésie pour faire inscrire au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO les Marquises et le Marae de taputapuhatea.

III.Recommandation figurant au § 12 des observations du Comité

83.La création de statistiques ethno-raciales a été appelée de ses vœux par le Comité à l’occasion de ses recommandations de 2008.

84.Les raisons de l’absence de telles statistiques ont été longuement présentées au Comité à l’occasion des premières réponses aux recommandations du Comité (CCPR/C/FRA/CO/4/Add.1).

85.La conception française de la société, fondée sur l’égalité et la non discrimination, et ne reconnaissant en son sein qu’un peuple un et indivisible, fait directement obstacle à la réalisation de statistiques ventilées par origine raciale ou ethnique. Elle est reflétée par l’article 1er de la Constitution, qui dispose précisément que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Appelé à se prononcer en 2007 sur la constitutionnalité d’un projet de loi qui prévoyait d’autoriser la collecte de données faisant « apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques » des personnes dans le but de « mesurer la diversité (…), l’intégration et la discrimination », le Conseil constitutionnel a d’ailleurs confirmé que « si les traitements nécessaires à la conduite d’études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l’intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l’article 1er de la Constitution, reposer sur l’origine ethnique ou la race » (DC2007-557 du 15 novembre 2007).

86.La question de la possibilité d’introduire des statistiques reposant sur des notions d’origine ou de race a fait l’objet d’un débat nourri et renouvelé depuis 2007. Il ressort des différents rapports rédigés depuis lors que la création de telles statistiques en fonction de l’ethnie ou de la race présente, aux yeux des différents intervenants, plus d’inconvénients que d’avantages au regard des valeurs républicaines qui fondent la tradition de l’Etat français.

87.En revanche, ces études ont mis en exergue que l’absence de statistiques fondées sur ces critères ne faisait pas obstacle à ce que les phénomènes de discriminations soient mieux appréhendés sur la base d’autres éléments statistiques.

88.La commission nationale informatique et libertés a ainsi, dans un rapport du 15 mai 2007, émis « de fortes réserves sur la création d’une nomenclature nationale de catégories « ethno-raciales » en raison en particulier des « risques de renforcement des stéréotypes, de stigmatisation, de communautarisme, classification incertaine, non scientifique, réductrices, approximative».

89.Un comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution, présidé par Simone Veil, s’est prononcé dans son rapport de décembre 2008 en défaveur d’une modification de l’article 1er de la Constitution qui assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » et a estimé « que la collecte de données objectives telles que le nom, l’origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française, tout cela éventuellement joint à la considération du « ressenti d’appartenance » exprimé par les enquêtés pourrait donner des résultats d’une lisibilité finalement assez comparable à celle que permettrait le maniement d’un référentiel de type ethno-racial».

90.Le Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations, présidé par le directeur de l’Institut national d’études démographiques, s’est vu confier en mars 2009 par le Président de la République le soin d’évaluer « les dispositifs et les outils nécessaires à l’observation et à la connaissance de la diversité et des discriminations en France ». Il a rendu son rapport le 5 février 2010 et a proposé en particulier différents critères (nationalité et langue maternelle) qui selon lui permettraient de mieux appréhender la diversité de la population à travers les statistiques.

91.Les recommandations du Comité ont toutefois fait l’objet de critiques d’associations de défense des droits de l’homme et par ailleurs une Commission alternative de réflexion sur les « statistiques ethniques » et les discriminations s’est fermement opposée aux conclusions du comité.

92.La dernière réflexion sur le sujet a été menée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui a rendu le 22 mars 2012 un avis sur les statistiques « ethniques ». La Commission s’est prononcée en défaveur de l’autorisation de statistiques par « ethnie », mais a souhaité que « soient mis en place des outils quantitatifs permettant d’améliorer la mise en œuvre du droit de la non discrimination ».

93.Le 11 mai 2012, le Défenseur des droits et la Commission nationale de l’informatique et des libertés ont élaboré un guide méthodologique à destination des entreprises afin d’aider ces dernières à mieux appréhender, par des indicateurs fiables, les éventuelles discriminations pouvant exister dans leurs structures et ainsi pouvoir être à même de promouvoir l’égalité en leur sein.

94.Par ailleurs, l’Institut national des études démographiques (INED) mène depuis 2008 une enquête visant à identifier l’impact des origines sur les conditions de vie et les trajectoires sociales, tout en prenant en considération les autres caractéristiques sociodémographiques que sont le milieu social, le quartier, l’âge, la génération, le sexe, le niveau d’études. Les premiers résultats de ces travaux sont publiés sur le site de l’INED . Ce même organisme a également rendu une enquête auprès des agents de la ville de Paris relative à « l’égalité professionnelle et perception des discriminations »

IV.Recommandation figurant au § 13 des observations finales du Comité

95.Partant du constat que les femmes dans le milieu professionnel étaient moins valorisées que les hommes (A), le gouvernement français mène une politique volontariste en matière d’égalité professionnelle et salariale (B). Cette politique est complétée par des dispositifs plus spécifiques visant à augmenter la place des femmes dans les plus hauts postes des entreprises privées (C) ainsi qu’au sein de l’administration publique (D). Enfin, il sera fait état des dispositifs spécifiques existant Outre-Mer (E).

A.L’égalité hommes-femmes : les constats

1.L’activité professionnelle des femmes

96.L’entrée massive des femmes sur le marché du travail est un des phénomènes majeurs de la seconde moitié du XXème siècle en France. La féminisation de la population active a accompagné la montée du salariat et le développement du secteur tertiaire.

97.Bien que les femmes aient globalement de meilleurs résultats scolaires que les hommes et fassent plus souvent des études supérieures, elles rencontrent plus de difficultés que les hommes face à l’emploi. Elles sont en effet moins souvent présentes sur le marché du travail qu’eux et sont davantage confrontées aux formes particulières d’emploi (contrat à durée déterminée, temps partiel…) et au chômage. Les femmes perçoivent donc des revenus et des salaires nettement inférieurs à ceux des hommes. En conséquence et du fait également de la non-linéarité de leurs carrières professionnelles, elles perçoivent des retraites moins importantes que celles des hommes, même si elles les perçoivent plus longtemps du fait d’une longévité supérieure.

a)Évolution de l’activité :

98.On constate néanmoins que de 1975 à 2009, l’activité des femmes a progressé presque continûment quels que soient le nombre et l’âge des enfants (sauf pour les femmes vivant avec deux enfants dont le plus jeune a moins de 3 ans). En 2010, les femmes représentent près de la moitié de la population active (47,7 %). Les comportements féminins et masculins se sont nettement rapprochés depuis une trentaine d’années : le taux d’activité des femmes s’est accru tandis que celui des hommes a diminué. L’écart entre le taux d’activité des femmes et des hommes s’est donc réduit (27,6 points d’écart en 1978 contre 8,8 points en 2010). Tous secteurs confondus, les femmes salariées sont plus nombreuses que les hommes à occuper des contrats à durée déterminée (CDD) (10,7 % contre 6,5 %) mais aussi des contrats à durée indéterminée (CDI). L’intérim et l’apprentissage sont des formes d’emploi salarié très majoritairement masculines.

b)L’emploi à temps partiel :

99.D’après le rapport du Conseil économique, social et environnemental : « L’essentiel de la hausse de l’emploi des femmes durant la période 1983-2002 est dû à celle de l’emploi à temps partiel. » Alors que 30,1 % des femmes salariées travaillent à temps partiel, en 2010, seuls 6,7 % des hommes salariés sont dans cette situation. De 1980 à 2010, parmi les femmes ayant un emploi, la part de celles qui travaillent à temps partiel a doublé, passant de 15 % à 30,1 % (légèrement en dessous de la moyenne européenne). Sur cette période, elle est passée de 2 % à 6,7 % pour les hommes. Depuis 1980, la part des femmes parmi les travailleurs à temps partiel reste supérieure à 80 %.

100.Les situations de temps partiels subis sont plus fréquentes pour les femmes. Entre 15 et 64 ans, 8,4 % des emplois féminins sont des temps partiels subis en 2010, soit un peu plus d’un quart des emplois féminins à temps partiel, contre 2,3 % des emplois masculins.

c)Les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes emplois :

101.Tout comme les élèves et les étudiants ne s’orientent pas vers les mêmes filières d’études selon leur sexe, les hommes et les femmes ne se dirigent pas vers les mêmes familles professionnelles. Près de la moitié des femmes actives ayant un emploi (47,5 %) sont employées, tandis que plus d’un tiers des hommes sont ouvriers (33,7 %). De fait, les métiers d’ouvriers sont occupés à 82,4 % par des hommes tandis que plus des trois quarts des employés sont des femmes. La concentration des femmes est manifeste dans certains métiers des services (aides à domicile, aides ménagères, assistantes maternelles), de l’éducation et de l’action sanitaire et sociale. La moitié des emplois occupés par les femmes (50,6 %) sont concentrés dans 12 des 87 familles professionnelles : on y trouve une part élevée de femmes (77,5 % en moyenne) et leurs effectifs y sont très importants (516 000 femmes en moyenne). À titre de comparaison, les 12 premières familles occupées par les hommes regroupent 35,7 % de leurs emplois et en moyenne 218 000 hommes. La mixité progresse dans certaines professions qualifiées. La polarisation des métiers entre les hommes et les femmes s’accentue du côté des emplois moins qualifiés. Les métiers mixtes sont rares. Seuls cinq métiers peuvent être considérés comme « paritaires » (de 48 à 52 % de femmes). Ils regroupent moins de 10 % des emplois.

d)La charge de la parentalité repose essentiellement sur les femmes :

102.Malgré l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail à partir des années 1960 et une progression de la « norme » égalitaire, le partage des tâches domestiques reste inégalitaire au sein du couple. L’écart entre femmes et hommes s’est un peu réduit, mais c’est principalement parce que les femmes consacrent moins de temps à la cuisine et aux courses grâce à des nouvelles offres de services (plats préparés, livraisons). La participation aux tâches domestiques est restée stable chez les hommes. Les femmes consacraient en moyenne en 2010, 3h52 par jour aux tâches domestiques contre 2h24 pour les hommes. Les congés parentaux sont pris par les femmes dans 95 % des cas.

e)Les écarts de rémunération demeurent importants :

103.Les écarts de salaire entre les femmes et les hommes reflètent les inégalités sur le marché du travail entre les deux sexes. Ils sont de l’ordre de 27 % toutes causes confondues, l’écart de salaire horaire brut étant de 14 % (Source : DARES Analyses mars 2012 « les écarts de salaire entre les hommes et les femmes en 2009 »)

104.Le positionnement moins favorable des femmes dans l’échelle des salaires s’explique notamment par leurs situations professionnelles. Les femmes sont en effet moins nombreuses que les hommes aux postes d’encadrement et occupent plus souvent des emplois peu qualifiés.

2.Les femmes et les postes de prises de décisions dans les entreprises privées

105.En 2008, les femmes occupent un peu moins d’un tiers des postes d’encadrement dans les entreprises du secteur privé et semi-public alors qu’elles sont majoritaires au sein de l’Université. La féminisation des postes de cadre est en augmentation dans tous les secteurs. Le secteur de la construction enregistre la plus faible proportion de femmes cadres (13,5 %) tandis qu’elle est la plus élevée dans le secteur des services (34,2 %). Sous-représentées chez les cadres, les femmes le sont encore davantage parmi les dirigeants salariés d’entreprise (17,1 %). Cette proportion stagne et varie selon le secteur d’activité, de 7,2 % dans la construction à 21,3 % dans le commerce. Elle diminue avec l’augmentation de la taille ou du chiffre d’affaires des entreprises.

106.Le taux de féminisation des conseils d’administration du Cac 40 a fait un bond en avant, passant de 10,5 % en 2009 à 21,1 % en 2011. La proportion des entreprises qui comptent plus de 20 % de femmes dans leurs conseils d’administration est passée de 13 % en 2009 à 30 % en 2010.

3.Les femmes et la haute fonction publique

107.Les femmes représentent 59,1 % des emplois des trois fonctions publiques, mais seulement 27,6 % des 4 480 emplois supérieurs. C’est dans la fonction publique territoriale que leur part est la plus faible.

a)La fonction publique d’État (FPE)

108.La part des femmes parmi les dirigeants est de 21,4 %. Elle reste très faible au regard de la place majoritaire qu’elles occupent parmi les postes de cadre (58,1 % d’emplois civils de catégorie A sont occupés par des femmes). Les 191 emplois de préfets ne comprennent que 10,5 % de femmes, les 100 emplois de trésoriers-payeurs généraux 8 %, les 160 emplois d’ambassadeurs 15,6 %. C’est dans les emplois de chefs de service, directeurs adjoints et sous-directeurs que la proportion est la plus importante (30,6 %).

b)La fonction publique territoriale (FPT)

109.Les femmes représentent 60,4 % des effectifs de la FPT et 60 % des cadres. Au 31 décembre 2007, 16,6 % des directeurs généraux des conseils régionaux et départementaux, 18,4 % des directeurs des communes de plus de 40 000 habitants et 17 % des directeurs des structures intercommunales sont des femmes. Leur part est plus importante dans les établissements publics nationaux : 28,4 %.

c)La fonction publique hospitalière (FPH)

110.Les femmes représentent 62,3 % des personnels de catégorie A. Au 31 décembre 2009, elles sont 40,2 % parmi les emplois de direction de la fonction publique hospitalière dont 16 % parmi les membres du corps des directeurs d’hôpitaux et 53 % parmi ceux des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

B.L’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes

111.La promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui bénéficie aux salariés, aux entreprises et à la société tout entière, s’appuie sur deux principes :

l’égalité des droits, qui interdit toute discrimination entre salariés à raison du sexe,

l’égalité des chances, qui vise à remédier aux inégalités de fait rencontrées par les femmes.

112.La politique d’égalité professionnelle est mise en œuvre au travers d’une double approche, à la fois intégrée et spécifique :

intégrée, car il s’agit de prendre en compte les besoins respectifs des hommes et des femmes dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques, de branches et d’entreprises ;

spécifique, puisque les inégalités de fait qui subsistent nécessitent des actions en faveur des femmes.

113.Juridiquement encadrée au niveau international, européen ou national, l’égalité professionnelle relève également de la compétence des partenaires sociaux et des entreprises, avec l’aide, notamment financière, de l’État.

1.Élargir les choix d’orientation scolaire et professionnelle des filles dans le cadre de la formation initiale

114.Diverses actions ont été entreprises pour promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons et diversifier les orientations professionnelles en les déconnectant de préjugés sexués.

115.La deuxième convention pour l’égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, dans le système éducatif a été signée le 29 juin 2006 par neuf ministères : celui en charge des Droits des femmes et de l’égalité, l’Education nationale, l’Enseignement supérieur et la Recherche, la Justice, l’Equipement, l’Agriculture, la Culture et la Communication, l’Emploi, la Santé et les Sports. C’est une feuille de route qui comprend trois axes prioritaires :

améliorer l’orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l’emploi : production d’études et de statistiques sur l’orientation et l’insertion professionnelle des filles et des garçons, prise en compte de la dimension sexuée dans l’information sur les filières et les métiers ; orientation des filles vers les filières scientifiques, technologiques et professionnelles,

assurer auprès des jeunes une éducation à l’égalité entre les sexes: intégration dans les programmes d’enseignement de la thématique de la place des femmes et des hommes dans la société ; prévention et lutte contre les violences sexistes,

intégrer l’égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des acteurs du système éducatif: formation des acteurs éducatifs ; intégration de l’égalité dans les projets des établissements d’enseignement.

116.La prochaine Convention pour l’égalité entre les filles et les garçons sera signée à l’automne 2012 par les ministres concernés.

117.Le parcours de découverte des métiers et des formations, généralisé à la rentrée 2009, qui concerne tous les élèves de la cinquième à la terminale, vise au respect du principe d’égalité des chances, non seulement entre milieux sociaux d’origine mais aussi entre jeunes gens et jeunes filles. Il a également pour but de permettre aux jeunes filles de diversifier leur choix d’orientation en dehors de tout préjugé sexué. Au collège (élèves de 11 à 15 ans), le parcours de découverte des métiers et des formations, contribue à la connaissance des métiers et des parcours de formation correspondants. Il développe aussi l’autonomie des élèves et leur capacité d’initiative, compétences inscrites dans le socle commun de connaissances et de compétences. Au lycée (élèves de 15 à 18 ans), il permet d’aider les élèves et les familles dans des choix déterminants : c’est pourquoi il inclut la visite d’un établissement d’enseignement supérieur, des entretiens personnalisés d’orientation et le dispositif d’orientation active. Toutes les actions contribuant à encourager l’égalité des chances sont valorisées (diversification des cursus, organisation de conférences métiers, forums, visites d’entreprises, témoignages de professionnels). Les banques académiques de stages développées depuis la rentrée 2009 visent à garantir une plus grande équité dans l’accès aux stages et lutter contre toute discrimination. Elles participent de l’enjeu d’égalité en se donnant pour objectif d’ouvrir le champ des possibles aussi bien pour les filles que pour les garçons.

118.L’Office national d’information sur les informations et les professions (Onisep) développe tous les outils (publications écrites, numériques et vidéos) en mettant l’accent sur le développement de la parité dans différents secteurs d’activités.

119.Publiée à l’occasion de la Journée internationale de la femme le 8 mars 2010, la brochure ministérielle « Filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’école à l’enseignement supérieur » regroupe les principales données statistiques sur les parcours scolaires comparés des filles et des garçons : répartition sexuée selon les niveaux d’enseignement, choix d’orientation, types d’établissement, réussite aux examens. Ce document est proposé aux académies comme outil de référence ; il leur fournit, à l’échelle nationale, des éléments de comparaison, d’analyse et de décision pour impulser des actions en faveur d’une orientation positive des jeunes et mieux construire l’égalité des filles et des garçons à l’école. La sixième édition de ce rapport a été publiée en mars 2012.

120.De plus, la plupart des académies proposent dans l’enseignement secondaire, notamment dans les lycées professionnels et les lycées d’enseignement technologique mais aussi dans les collèges, des sensibilisations à l’entrepreneuriat. Ces actions, souvent conduites avec des partenaires extérieurs aux établissements d’enseignement, privilégient l’innovation, le travail en équipe, la conduite de projet, voire la création virtuelle ou réelle de petites entreprises limitées dans la durée. Ces projets sont habituellement accompagnés par des enseignants volontaires qui y jouent un rôle essentiel de conseil et de pédagogue.

121.A titre d’exemple, le dispositif « mini entreprise » mis en place en partenariat avec l’Association Entreprendre pour Apprendre, a permis de constituer plus de 500 mini entreprises, et les championnats régionaux comme le championnat national font apparaitre une participation très active des filles dans les équipes constituées et dans les projets récompensés.

2.Promouvoir la mixité et l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise 

122.Le « contrat pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » est ouvert aux entreprises sans condition de seuil d’effectif, pour aider au financement d’un plan d’actions exemplaires en faveur de l’égalité professionnelle ou de mesures permettant d’améliorer la mixité des emplois.

123.Ce contrat peut notamment aider au financement d’actions de formation et d’adaptation au poste de travail dans des métiers majoritairement occupés par les hommes.

3.Réduire les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes 

124.La réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes fait l’objet d’une politique volontariste de la France. Pour s’en tenir aux deux lois les plus récentes, la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes tend à résorber ces écarts en imposant aux entreprises et aux branches professionnelles l’obligation de négocier pour définir et programmer des mesures de nature à les supprimer, sur la base d’un diagnostic de la situation comparée des femmes et des hommes.

125.Depuis 2008, le dispositif légal visant à faire respecter l’égalité salariale entre les femmes et les hommes a été encore renforcé afin de réduire effectivement des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise. Il en est ainsi de l’article 99 de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, lequel prévoit que :

Les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle ou, à défaut d’accord, par les objectifs et les mesures constituant un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l’année écoulée, ce plan d’action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre et l’évaluation de leur coût.

Le montant de cette pénalité est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action. Le montant est fixé par l’autorité administrative, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance.

126.Ce dispositif de pénalité financière est un mécanisme unique en Europe concernant la thématique de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il constitue une menace forte pour les entreprises et revêt un caractère avant tout incitatif, l’objectif n’étant pas de récolter des fonds mais d’être un levier efficace pour que les obligations existant depuis longtemps dans le code du travail en matière d’égalité femme-homme (obligation de négocier et obligation de produire un rapport de situation comparée) trouvent enfin une traduction concrète dans la vie des entreprises.

127.Le décret n° 2011-822 du 7 juillet 2011 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévoit la possibilité pour l’autorité administrative, de fixer une sanction financière pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale lorsque l’employeur n’a pas satisfait à ses obligations légales et ne s’est pas mis en conformité avec celles-ci après avoir été mis en demeure de le faire. L’obligation légale est de prévoir des objectifs de progression associés à des indicateurs chiffrés portant sur au moins 2 domaines d’action parmi les 8 domaines d’action du rapport de situation comparée pour les entreprises de moins de 300 salariés et au moins 3 domaines d’action sur les 8 pour les entreprises d’au moins 300 salariés. Les 8 thèmes du rapport de situation comparée sont l’embauche, la formation, la promotion professionnelle, la qualification, la classification, les conditions de travail, la rémunération effective et l’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.

128.La sanction financière peut être décidée par l’autorité administrative au terme de 6 mois suivant la mise en demeure. L’autorité administrative pourra ne pas appliquer la sanction financière en présence de certains motifs de défaillance spécifiques qui sont : les difficultés économiques, des restructurations ou fusions en cours, une procédure collective en cours, le franchissement du seuil d’effectifs de 50 salariés (seuil de l’obligation d’établir un accord ou un plan d’action) au cours des douze mois précédant l’envoi de la mise en demeure de l’inspection du travail.

129.En outre, la loi portant réforme des retraites (article 99) et le décret du 7 juillet 2011 prévoient qu’une synthèse du plan d’action, obligatoire pour les entreprises d’au moins 50 salariés, doit faire l’objet d’un affichage au sein de l’entreprise, être insérée sur le site Internet de l’entreprise et être communicable à toute personne qui le demande.

130.Une circulaire du 28 octobre 2011 a pour objet de présenter, notamment aux agents de l’inspection du travail, le champ et les conditions d’application de la pénalité financière prévue par l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. Deux annexes jointes à cette circulaire concernent plus spécifiquement le rapport de situation comparée et un schéma récapitulatif de la procédure de sanction.

131.Des outils à destination des services déconcentrés de l’inspection du travail pour aider aux contrôles, mais aussi des entreprises dont les accords ou plans d’action seraient insuffisants, ont été élaborés conjointement avec le service aux droits des femmes et de l’égalité. Des fiches de bonnes pratiques ont été ainsi mises en ligne sur le site Internet du ministère du travail, accompagnées d’exemples d’objectifs de progression et d’actions permettant de les atteindre ainsi que d’indicateurs chiffrés de suivi dans les 8 domaines thématiques du rapport de situation comparée.

132.S’agissant du dispositif de sanction financière, entré en vigueur depuis le 1er janvier 2012, il apparaît qu’aujourd’hui, l’inspection du travail a adressé aux entreprises, à l’occasion de ses actions de contrôle, environ 70 courriers d’observations et dressé une dizaine de mises en demeure afin de permettre aux entreprises concernées de régulariser leur situation au regard de leurs obligations légales en matière d’égalité femmes/hommes.

133.Par ailleurs, depuis 2009, à l’initiative de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) puis du Défenseur des droits, un groupe de travail est en train d’élaborer un guide intitulé « Un salaire égal pour un travail de valeur égale, agir pour l’égalité femmes/hommes ». Ce guide, dont la parution est annoncée pour la fin de l’année 2012, a pour objectif de donner de nouveaux moyens aux acteurs de la négociation collective de branches et d’entreprises, pour mieux prendre en compte la valeur des emplois dans le cadre d’une renégociation de la classification ou de négociations sur les salaires – qui doivent obligatoirement porter sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

4.Favoriser l’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle

134.La France demeure un modèle de société où l’augmentation de la part des femmes dans la population active n’a pas eu d’impact négatif sur l’indice de fécondité. Depuis l’an 2000, le modèle français est atypique : il combine des taux de fécondité parmi les plus élevés de l’Union européenne – en 2009 ce dernier atteint 1,99 enfant par femme – et une forte implication des femmes dans la vie professionnelle.

135.Les actions à mener impliquent la mobilisation de trois acteurs principaux pour guider l’action : l’Etat, les collectivités locales et les entreprises, en lien avec les initiatives européennes sur l’évolution démographique.

136.Ce thème fait partie des axes pris en compte dans le cadre de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il mobilise les acteurs du territoire qui mènent des actions innovantes, financées pour partie par le fonds social européen ou s’inscrivant dans le cadre de programmes européens.

137.L’Etat a fait en sorte de mobiliser les partenaires sociaux sur ce thème en organisant en juin 2011 une conférence nationale sur le partage des responsabilités familiales et professionnelles.

138.La Conférence a réuni les organisations syndicales et patronales mais aussi responsables associatifs, universitaires, élus et entreprises. A cette occasion, une large réflexion a été conduite sur les thèmes des stéréotypes de genre, de l’organisation du travail et des congés familiaux. Il s’en est suivi des rencontres bilatérales de la Ministre des solidarités et de la cohésion sociale avec les organisations syndicales et patronales. Les partenaires sociaux, qui ont inscrit à leur agenda social des délibérations sur la question de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle, et de l’égalité des sexes, n’ont toutefois pas encore pris de position à ce jour.

5.Favoriser l’insertion professionnelle des jeunes femmes 

139.Avec le contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), il s’agit de proposer à chaque jeune non qualifié un accompagnement jusqu’à l’emploi durable, personnalisé et renforcé, assuré par un conseiller référent unique. La loi du 21 avril 2006 pour l’accès des jeunes à la vie active en entreprise est venue conforter ce dispositif en étendant son accès aux jeunes diplômés de l’enseignement supérieur particulièrement éloignés de l’emploi (totalisant une durée de 12 mois de chômage sur 18 mois) et en intensifiant le parcours d’accès à la vie active.

140.Il s’agit, en particulier, d’aider à résoudre les questions de parentalité pour les jeunes parents, notamment les femmes qui sont isolées avec un enfant. Il convient aussi de prendre en compte les représentations qu’ont les jeunes et les employeurs eux-mêmes de certains métiers. À ce titre, les plates-formes de vocation, mises en œuvre par Pôle emploi, en associant les employeurs, permettent d’orienter vers les métiers qui recrutent localement, indépendamment de leur sexe, les jeunes qui possèdent les « habiletés » nécessaire à l’exercice des emplois proposés. Ainsi, par exemple, un jeune garçon pourra-t-il être orienté vers les métiers de service à la personne, comme une jeune fille vers les métiers du bâtiment. En outre, le baromètre des métiers, outil national mis à disposition des jeunes et des familles concours au même objectif.

141.Depuis 2005, début du programme, un million de jeunes ont ainsi bénéficié d’un parcours vers l’emploi, accompagné par les missions locales. Plus de la moitié d’entre eux n’a pas un premier niveau de qualification ou de diplôme et 91 % n’ont pas le baccalauréat. Il s’agit majoritairement de jeunes femmes (53 % depuis 2005 et 51,6 % pour la seule année 2010).

142.Trente-quatre (34) % des jeunes sortis du dispositif (en cumul depuis 2005) sont en situation d’emploi durable (et 41 % en emploi quelle qu’en soit la durée), pour des parcours de moins de 18 mois en moyenne. Les résultats au bout d’un an de dispositif sont plus faibles (19 % d’emploi durable).

143.Parallèlement, la mise en oeuvre de l’allocation CIVIS, destinée à sécuriser financièrement les parcours des jeunes (versée en 2010 à 43 % des jeunes éligibles, pour un montant moyen annuel de 409 €) et du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Jeunes, destiné à compléter au plan local l’offre d’insertion ont constitué des outils propres à lever les freins d’accès à l’emploi.

6.Développer la création et la reprise d’entreprises par les femmes  

144.En France, selon un sondage de l’Institut français d’opinion publique réalisé en 2000, sur 13 millions de Français qui souhaitaient créer leur entreprise, 50 % étaient des femmes. Or l’enquête « système d’information sur les nouvelles entreprises », qui visait à étudier la naissance et la vie des nouvelles entreprises, montre qu’en 2006 29 % des entreprises seulement ont été créées ou reprises par des femmes.

145.Afin d’augmenter le nombre de femmes créatrices d’entreprise, des actions sont menées, consistant notamment à développer l’accès au crédit bancaire, via le Fonds de garantie pour la création, la reprise et le développement d’entreprise à l’initiative des femmes (FGIF), et à veiller à la prise en compte et à la participation des femmes dans les dispositifs d’aide à la création d’entreprise.

7.Donner la possibilité de choisir un temps partiel 

146.La législation relative au travail à temps partiel tend à assurer un temps partiel choisi destiné à permettre aux salariés de mieux concilier leur vie familiale, personnelle et leur vie professionnelle.

147.Le travail à temps partiel est un des thèmes principaux de discussion dans le cadre des négociations obligatoires triennales organisées par branche, c’est à dire par secteur d’activités professionnelles, sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, et également dans le cadre des négociations annuelles au sein de chacune des entreprises sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

148.Le temps de travail “choisi”, considéré comme le moyen privilégié de concilier les obligations de la vie professionnelle et de la vie personnelle, fait l’objet d’accords négociés, dans lesquels il est rappelé que le temps de travail partiel ne doit pas constituer un frein au déroulement de carrière des femmes et des hommes. Les accords de branche, c’est à dire conclus pour toutes les entreprises intervenant dans le même domaine d’activité, laissent aux entreprises le soin d’examiner l’organisation du travail en tenant compte de la diversité des temps travaillés afin qu’ils ne soient pas source de discrimination.

149.En outre, lors de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, il a été acté que les partenaires sociaux lanceront le 21 septembre prochain leur négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, avec pour objectif d’aboutir avant la fin du 1er trimestre 2013. Un point d’étape sera réalisé avec le Gouvernement à la fin 2012. Cette négociation traitera de l’articulation des temps professionnels et des temps personnels et de la prise en compte de la parentalité dans l’entreprise.

C.L’accès des femmes à la prise de décision dans le monde économique

150.Le gouvernement français a entrepris des actions volontaristes pour permettre aux femmes d’accéder aux postes décisionnels des entreprises.

151.La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle prévoit les dispositions suivantes.

152.L’obligation de respecter un quota minimum de membres de chaque sexe permettant une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance des entreprises est imposée dans les conditions décrites ci-dessous.

153.Pour les entreprises privées, plus précisément les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, et les sociétés qui, trois ans durant, emploient un nombre moyen d’au moins 500 salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros :

en l’absence de femme au conseil d’administration ou de surveillance à la date de publication de la loi, obligation est faite de nommer au moins une femme lors de la prochaine assemblée générale ordinaire ayant à statuer sur la nomination d’administrateurs ou de membre du conseil de surveillance,

un quota de 40 % le 1er janvier de la sixième année suivant l’année de la publication de la loi (donc à partir du 1er janvier 2017),

lorsque le conseil d’administration ou le conseil de surveillance est composé au plus de huit membres, l’écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux.

concernant plus spécifiquement les sociétés cotées, un quota intermédiaire de 20 % devra être respecté à l’issue de la première assemblée générale ordinaire qui suit le 1er janvier de la troisième année suivant l’année de la publication de la loi (donc à partir du 1er janvier 2014, voire 2015 selon les situations).

154.Le conseil d’administration ou le conseil de surveillance dispose d’un délai de 6 mois pour procéder à des nominations à titre provisoire lorsque la composition du conseil n’est plus conforme au quota fixé.

155.Les listes pour l’élection des représentants des salariés au conseil d’administration ou au conseil de surveillance doivent être paritaires.

156.Pour les entreprises publiques nationales, les établissements publics industriels et commerciaux et les établissements publics mixtes de l’Etat dont le personnel est soumis à des règles de droit privé, s’appliquent les règles suivantes concernant les membres du conseil d’administration ou de surveillance nommés par décret :

en l’absence de femme au conseil d’administration ou au conseil de surveillance à la date de publication de la loi, au moins une femme devra être nommée lors de la plus prochaine vacance,

un quota de 20 % devra être respecté lors du 1er renouvellement suivant la publication de la loi,

un quota de 40 % devra être respecté lors du second renouvellement du conseil suivant la publication de la loi. Lorsque sont nommés par décret au plus 8 membres, l’écart entre le nombre des membres de chaque sexe ne peut être supérieur à 2.

157.Les sanctions prévues par la loi sont la nullité des nominations qui méconnaissent les quotas instaurés et la suspension de la rémunération des jetons de présence en cas de composition irrégulière du conseil.

158.En outre le conseil d’administration ou le conseil de surveillance régis par le code du commerce doit délibérer chaque année sur la politique de la société en matière d’égalité professionnelle et salariale sur la base du rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi des femmes et des hommes dans l’entreprise.

159.Dans les sociétés cotées le rapport du président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance à l’assemblée générale des actionnaires doit rendre compte de l’application du principe de la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance. Lorsque ce rapport doit faire état des rémunérations des mandataires sociaux, il doit indiquer également, s’il y a lieu, les suspensions de jetons de présence du fait de la composition irrégulière du conseil d’administration ou du conseil de surveillance.

160.L’Etat devra produire un rapport sur ses établissements publics administratifs et établissements publics à caractère industriel et commercial dont le personnel est soumis à des règles de droit public.

161.Le taux de féminisation des conseils d’administration du Cac 40 a fait un bond en avant, passant de 10,5 % en 2009 à 20,8 % en 2011. La proportion des entreprises qui comptent plus de 20 % de femmes dans leurs conseils d’administration est passée de 13 % en 2009 à 30 % en 2010.

D.L’accès des femmes aux postes de haut niveau dans la fonction publique

162.Le Gouvernement a proposé au Parlement un ensemble de mesures pour renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans les administrations publiques, dans le cadre de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

163.En 2018, 40 % au moins des nominations dans les emplois d’encadrement supérieur de la fonction publique bénéficieront à des femmes. Ce dispositif fera l’objet d’une montée en charge progressive : le taux sera ainsi de 20 % au 1er janvier 2013 puis de 30 % le 1er janvier 2015. Le respect de ces objectifs par les employeurs publics sera garanti par la mise en place d’un mécanisme de pénalités financières.

164.La loi étend également aux conseils d’administration des établissements publics les dispositions de la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, qui ont fixé un taux d’au moins 40 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises cotées.

165.La loi a également retenu le principe d’une composition paritaire des jurys de recrutement et des instances de dialogue social.

166.Enfin, les modalités de la prise du congé parental ont été améliorées. La première année est désormais comptabilisée comme une année de service effectif pendant laquelle le fonctionnaire conserve l’ensemble de ses droits, notamment le droit à l’avancement.

167.Parallèlement, le Gouvernement poursuit avec les partenaires sociaux la négociation d’un protocole d’accord qui prévoit d’améliorer la connaissance statistique en matière d’égalité professionnelle, le déroulement des carrières des femmes et l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle.

168.Les politiques menées en faveur de l’égalité professionnelle dans la fonction publique feront l’objet, chaque année, d’un rapport qui sera débattu devant le Conseil commun de la fonction publique avant d’être transmis au Parlement.

E.Les actions spécifiques à l’Outre-Mer

169.Les lois en matière d’égalité professionnelle s’appliquent de la même manière en métropole et en outre-mer. Cependant, les actions que le gouvernement met en place outre-mer doivent toujours prendre en compte les réalités locales et s’adapter à chaque collectivité d’outre-mer. En effet, les collectivités d’outre-mer françaises se différencient de la métropole, mais également des unes des autres, par leur histoire, leurs cultures et leurs mentalités propres.

170.Dans chacune des préfectures situées outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon) il existe un délégué aux droits des femmes. Ce service est chargé de la mise en oeuvre au niveau local de la politique gouvernementale en faveur de l’égalité des hommes et des femmes dans quatre champs en particulier s’agissant de l’accès des femmes aux responsabilités dans la vie politique, économique et associative et de l’égalité professionnelle.

171.En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le droit des femmes relève de la compétence des gouvernements locaux. Dans ces deux gouvernements, on trouve des ministères chargés de la condition féminine. Les questions relatives à la condition féminine font l’objet d’une attention croissante dans le Pacifique notamment à travers la communauté du Pacifique sud (CPS). Le département du développement humain du CPS a organisé en 2011 la 11ème conférence régionale sur la condition féminine au cours de laquelle il a présenté les résultats et les avancées des programmes consacrées aux femmes. C’est à l’occasion de la 4ème conférence sur la condition féminine que la plateforme d’action pour le Pacifique, déclaration de portée régionale élaborée régionalement, avait été approuvée. Les domaines fondamentaux d’actions sont répartis en 13 secteurs d’intervention, notamment l’éducation et la participation à la prise de décision, les droits des peuples autochtones.

172.Il est à signaler qu’en Nouvelle-Calédonie, depuis 2004, le ministère à la condition féminine créé au sein du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis en place plusieurs outils pour améliorer la situation de toutes les femmes calédoniennes. En particulier, en 2006, un observatoire de la condition féminine a été créé avec pour objectif de déterminer les domaines pour lesquels le gouvernement devait prioritairement agir. Parallèlement, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a pour tâche de conseiller le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans l’élaboration de sa politique en faveur des femmes. A la demande formulée par les femmes calédoniennes de toutes ethnies confondues, le ministère de la condition féminine a élaboré un guide éducatif sur les droits des femmes. Celui-ci fait une place à part aux textes internationaux, notamment au Pacte des droits civils et politiques en consacrant une page entière à sa présentation et en y détaillant les droits qu’il protège. En 2009, une étude a été dirigée sur « les femmes dans l’emploi et la formation ». Selon ces résultats, les femmes calédoniennes représentent 42,9 % des salariés mais l’évolution du nombre de femmes salariées a augmenté plus que celui des hommes. De 1989 à 2009, le taux d’emploi des femmes en Calédonie a ainsi gagné 11 points, grâce à l’élévation de leur niveau de formation, la croissance du secteur tertiaire, l’expansion du salariat, l’ouverture de certains métiers aux femmes, mais aussi un désir accru d’émancipation. Aujourd’hui donc, 43 % des emplois totaux de Nouvelle-Calédonie sont occupés par des femmes, contre 37 % en 1989. De plus, cette féminisation s’est opérée de manière homogène entre les trois provinces et elle concerne toutes les communautés, par delà les disparités des modes de vie. Ainsi, les femmes représentent désormais 45 % des actifs occupés chez les Kanak, 42,5 % chez les Européens et 38,3 % chez les Wallisiens-Futuniens. Les femmes exercent principalement des métiers en lien avec l’enseignement ou l’administratif. Si on considère les postes de direction (gérants, responsables d’exploitation…), on constate que ces derniers sont principalement occupés par des hommes, avec seulement 21,6 % de femmes dirigeantes. Cependant, la présence des femmes dans les secteurs traditionnellement masculins tend à augmenter dans les secteurs de la «mine et métallurgie», du «bâtiment/travaux publics» et, dans une moindre mesure, dans le secteur de l’agriculture. L’action du gouvernement visant à rétablir une égalité hommes/femmes commence à porter ses fruits. Les résultats des actions de communication et de sensibilisation sont perceptibles.

V.Recommandation figurant au § 14 des observations finales du Comité

173.Au cours de l’année 2011, la législation française en matière de garde-à-vue a évolué de façon significative. En effet, la loi relative à la garde à vue du 14 avril 2011 poursuit deux objectifs principaux :

limiter strictement le recours à la garde-à-vue, mesure attentatoire, par nature, à la liberté d’aller et venir ;

mettre le droit français en conformité avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles relatives aux droits de la défense et au droit à un procès équitable.

174.Elle a aussi rapproché, autant que possible, les différents régimes de garde-à-vue existant en droit français. Les dispositions essentielles concernant les droits de la personne gardée à vue sont les suivantes.

A.Durée de la garde à vue et présentation à un juge

175.La durée de garde à vue ne peut excéder 24 heures. Toutefois, elle peut être prolongée pour un nouveau délai de 24 heures au plus s’il est reproché à la personne un crime ou un délit puni d’au moins un an d’emprisonnement. En 2009, 82,7 % des gardes à vue ont duré 24 heures ou moins, soit un taux de prolongation de la mesure de 17,3 % (Observatoire nationale de la délinquance et des réponses pénales, juillet 2010).

176.La prolongation est décidée et motivée par le procureur de la République et ne peut être accordée qu’après présentation de la personne, le cas échéant, avec un moyen de télécommunication audiovisuelle. A titre exceptionnel, elle peut être accordée sans présentation préalable au procureur de la République.

177.Pour les infractions de délinquance organisée et de terrorisme, la garde-à-vue peut être prolongée jusqu’à 96 heures si les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent.

178.La prolongation au-delà des 48 premières heures de garde-à-vue est décidée et motivée :

par le juge des libertés et de la détention (JLD) à la requête du procureur de la République, lorsqu’il s’agit d’une enquête dirigée par le procureur ;

par le juge d’instruction (JI) lorsqu’une information judiciaire est ouverte.

179.La décision de prolongation est prise pour une durée de 24 heures par décision écrite et motivée après que la personne gardée-à-vue a été présentée au juge compétent.

180.Une seconde prolongation de 24 heures peut être décidée dans les mêmes conditions. Néanmoins, à titre exceptionnel, la seconde prolongation peut être autorisée sans présentation préalable en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.

181.Par dérogation aux règles précédemment énoncées, si à l’issue des 48 premières heures de garde-à-vue, la durée prévisible des investigations restant à réaliser le justifie, le JLD ou le JI peuvent décider que la garde-à-vue fera l’objet d’une unique prolongation de 48 heures.

182.A titre exceptionnel, en matière de terrorisme, pour les personnes majeures, s’il ressort des premiers éléments de l’enquête ou de la garde-à-vue elle-même qu’il existe un risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à l’étranger ou si les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la République, peut à l’issue des 96 premières heures de garde-à-vue ordonner, par décision écrite et motivée, que la garde-à-vue fera l’objet d’une prolongation supplémentaire de 24 heures.

183.Cette décision est renouvelable une fois (à l’expiration de la 120ème heure).

184.Ces dispositions qui autorisent une garde-à-vue de 144 heures n’ont été utilisées qu’une fois en France depuis 2006, année de leur adoption.

B.Droits de la personne gardée à vue (hors le droit à l’assistance d’un avocat)

185.L’officier de police judiciaire doit informer immédiatement la personne gardée à vue:

de la qualification juridique des faits qu’elle est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre ainsi que de leur date présumée,

du droit lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire,

du droit à être examinée par un médecin qui se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue de la personne et procède à toutes constatations utiles.

186.En matière de délinquance organisée et de terrorisme, si la garde-à-vue est prolongée au-delà de 48 heures, la personne gardée-à-vue est obligatoirement examinée par un médecin qui se prononce notamment sur la compatibilité de la prolongation de la mesure avec l’état de santé de l’intéressé. En cas de prolongation de la mesure au-delà de 96 heures, dès le début de chacune des deux prolongations supplémentaires, la personne gardée-à-vue est à nouveau obligatoirement examinée par un médecin.

187.Dans l’hypothèse d’une garde-à-vue prolongée au-delà de 48 heures, la personne gardée-à-vue est en outre avisée par l’officier de police judiciaire qu’elle peut demander à tout moment un nouvel examen médical, qui est de droit, ainsi que du droit à faire prévenir une personne avec laquelle elle vit habituellement ou un de ses frères et sœurs ou un de ses parents en ligne directe ou son tuteur, curateur et son employeur et les autorités consulaires du pays, dont elle ressortissante, si la personne est de nationalité étrangère.

188.Les diligences pour informer les tiers susvisés doivent intervenir, au plus tard, dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne en fait la demande.

189.En raison des nécessités de l’enquête – c’est-à-dire si l’information d’un tiers paraît de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête ou comporte un risque d’entraîner un dépérissement des preuves, le procureur de la République peut différer cet avis. 

190.En matière de délinquance organisée et de terrorisme, s’il n’a pas été fait droit à la demande du gardé à vue de faire prévenir un proche et dans l’hypothèse où la mesure de garde à vue dont il fait l’objet est prolongée au-delà de la quatre-vingt-seizième heure, le gardé à vue peut réitérer sa demande d’avis à un proche.

C.Le droit à l’assistance d’un avocat

1.Le principe d’assistance de la personne gardée par un avocat dès le début de la garde à vue

191.Avant la loi du 14 avril 2011, le droit français prévoyait que la personne placée en garde-à-vue pour des faits de terrorisme ne pouvait être assistée d’un avocat qu’à compter de la 72ème heure de garde-à-vue.

192.Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, toutes les personnes placées en garde à vue, peuvent s’entretenir avec un avocat dès le début de la mesure et ce quelle que soit la nature des faits commis. La loi prévoit en outre un délai de deux heures à partir du moment où l’avocat a été avisé, délai durant lequel les enquêteurs ne peuvent auditionner le gardé à vue sur le fond du dossier. En raison des nécessités de l’enquête, le procureur de la République peut toutefois autoriser une audition immédiate sans attendre l’avocat.

193. La loi prévoit que l’entretien entre l’avocat et la personne gardée à vue est confidentiel. En pratique, l’entretien se déroule hors la présence d’un enquêteur et dans un espace permettant un échange sans être écouté. L’avocat a accès à certains des procès-verbaux de la procédure limitativement énumérés (et dont il ne peut obtenir ou réaliser une copie) : procès-verbaux de placement en garde à vue et des droits y étant attachés, certificat médical et procès-verbaux d’audition et confrontation de la personne. L’avocat peut assister à toutes les auditions et confrontations de la personne gardée à vue. L’avocat peut, à l’issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste le gardé à vue, poser des questions. L’officier ou agent de police judiciaire peut s’opposer aux questions si celles-ci lui semblent de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête. Ce refus est mentionné au procès-verbal. L’avocat peut à l’issue de chaque entretien, audition ou confrontation, présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

2.Les conditions restrictives de report de l’accès à un avocat dès le début de la garde à vue

194.Les conditions de report de l’accès à un avocat sont strictement définies par la loi. Elles sont les suivantes.

a)Le report de l’accès à l’avocat en droit commun

195.De manière exceptionnelle, le procureur de la République peut reporter l’intervention de l’avocat pour une durée limitée si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes (cas d’une personne soupçonnée d’enlèvement et dont les déclarations doivent être immédiatement recueillies pour tenter de retrouver la victime).

196.Ce report ne peut donc être systématique, ni envisagé en considération de la seule qualification de l’infraction. La décision, écrite et motivée, est prise pour une durée de 12 heures.

197.La prolongation du report ne peut être décidée que par le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République, pour une nouvelle durée maximale de douze heures et uniquement pour les crimes ou les délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 5 ans. Le report ne porte que sur la consultation des pièces de la procédure et la présence de l’avocat au cours des auditions : l’entretien de trente minutes dès le début de la mesure ne peut en revanche être reporté.

198.Si la personne gardée à vue est mineure, le procureur de la République peut décider de reporter l’assistance de l’avocat lors des auditions et confrontations, pour une durée de 12 heures. Ce premier report peut être prolongé d’une nouvelle durée de 12 heures sur décision du juge des libertés et de la détention, lorsque la mesure a été prise pour un crime ou un délit puni d’une peine supérieure ou égale à 5 ans. L’avocat a cependant toujours accès au procès-verbal de placement en garde à vue et au certificat médical.

b)Le report de l’accès à l’avocat en matière de criminalité organisée et de terrorisme

199.Par exception, l’intervention de l’avocat peut être différée et reportée, pour les mêmes motifs qu’en droit commun, pendant une durée maximale :

de 72 heures pour les actes terroristes et les crimes et délit des trafics de stupéfiants

de 48 heures pour l’ensemble des autres infractions visées à l’article 706-73 du code de procédure pénale.

200.Si les gardes à vue ont lieu dans le cadre d’une instruction judiciaire, c’est le juge d’instruction qui décide de ce report.

201.Dans l’hypothèse d’une enquête dirigée par le procureur de la République, ce dernier peut décider de ce report jusqu’à la 24ème heure ; au-delà, le juge des libertés et de la détention qui statue sur le report à la requête du procureur de la République.

202.Dans tous les cas, la décision du magistrat, écrite et motivée, précise la durée pour laquelle l’intervention de l’avocat est différée.

203.L’assistance du gardé à vue par un avocat est désormais la règle en droit français. Le report de l’accès à un avocat n’est possible que dans des hypothèses limitativement énumérées par la loi et strictement contrôlées par le juge.

VI.Recommandation figurant au § 15 des observations finales du Comité

204.C’est dans l’optique d’un meilleur respect des droits fondamentaux des individus que le juge des libertés et de la détention a été créé par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, loi dite « présomption d’innocence ». Les dispositions concernant ce nouveau magistrat sont entrées en vigueur au 1er janvier 2001.

205.La loi du 15 juin 2000 a ainsi posé un certain nombre d’exigences qui participent au renforcement de la présomption d’innocence. Elle pose comme principe que le juge des libertés et de la détention doit être :

un magistrat expérimenté : l’article 137-1 en son alinéa 2 du Code de procédure pénale prévoit que le juge des libertés et de la détention doit être un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président, ou de vice-président. Ces magistrats ont au moins cinq années d’ancienneté et leur rang leur confère une certaine autorité morale ;

un magistrat impartial : la loi du 15 juin 2000 prévoit encore, dans le statut du juge des libertés et de la détention, son impartialité. En effet, au terme de l’article 137-1 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu ;

un magistrat statuant dans le cadre de garanties procédurales strictes : lorsque ce juge entend placer en détention provisoire la personne mise en examen, il doit l’aviser que cette décision ne peut intervenir qu’au terme d’un débat contradictoire (article 145 du code de procédure pénale). Il doit également préciser à la personne mise en examen qu’elle a le droit de se faire assister d’un avocat et de demander à ce que le débat contradictoire soit retardé, lui permettant ainsi de préparer sa défense correctement. Le juge des libertés et de la détention, en informant le mis en examen de ce dernier droit, doit également lui expliquer qu’il pourra être incarcéré durant le délai de préparation de sa défense. Le dossier doit comporter une enquête rapide de personnalité (article 41 al.6 du code de procédure pénale). La décision de placement en détention est rendue par une ordonnance qui doit être motivée au regard de critères limitatifs. Elle est susceptible d’appel. Le juge des libertés peut également refuser de placer en détention et ordonner le placement sous un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique.

A.Les compétences du juge des libertés et de la détention en matière de détention provisoire

206.Le juge des libertés et de la détention dispose d’une compétence exclusive en matière de détention provisoire s’agissant du placement en détention et du renouvellement. Dans un souci de protection des libertés individuelles, ces décisions sont strictement encadrées quant à la durée de la mesure de privation de liberté. Il convient de distinguer les procédures d’instruction des procédures de poursuites rapides devant le tribunal correctionnel.

1.Dans le cadre d’une procédure d’instruction

207.La durée de la détention provisoire est fonction d’une part de la majorité ou de la minorité de la personne mise en examen et d’autre part de la nature criminelle ou délictuelle de l’infraction pour laquelle la personne présentée au juge des libertés et de la détention est mise en examen. Ainsi :

208.Pour les majeurs :

En matière criminelle, la détention provisoire ne peut en principe excéder un an. Mais, plusieurs prolongations sont possibles en raison de la nature des peines encourues, si bien que la détention provisoire peut être portée à quatre ans. Bien évidemment, chaque prolongation fait l’objet d’une décision motivée par le juge des libertés et de la détention et est susceptible d’appel.

En matière correctionnelle, la détention des majeurs est en principe prévue pour une durée de quatre mois, pouvant aller jusqu’à deux ans par le jeu des prolongations.

209.Pour les mineurs :

En matière criminelle, la détention provisoire est impossible pour les mineurs de moins de 13 ans, ne peut en principe excéder 6 mois pour les mineurs de 13 à moins de 16 ans (renouvelable une fois) et ne peut excéder un an pour les mineurs de 16 ans et plus (renouvelable par tranche de 6 mois jusqu’à deux ans maximum au total).

En matière correctionnelle :

la détention provisoire est impossible pour les mineurs de moins de 13 ans,

la détention provisoire n’est possible pour les mineurs de 13 ans à moins de 16 ans qu’en cas de non respect d’un contrôle judiciaire,

la détention provisoire n’est possible que si la peine encourue est supérieure ou égale à 3 ans et en cas de non respect d’un contrôle judiciaire.

210.La durée détaillée dans le tableau ci-dessous dépend de l’âge du mineur et de la gravité des faits. En toute hypothèse, elle ne peut excéder un an.

Age

Peine encourue

Durée de la détention initiale

Prolongation de la détention

Maximum

- de 13 ans

-

impossible

impossible

-

de 13 à 16 ans, et uniquement en cas de révocation du contrôle judiciaire

Moins de 10 ans

15 jours

15 jours

1 mois

10 ans et plus

1 mois

1 mois

2 mois

16 ans et +

de 3 à 7 ans

1 mois

1 mois

2 mois

supérieure à 7 ans

4 mois

2 x 4 mois

1 an

Source : cadres du parquet

211.Les données transmises par les juridictions sur le nombre de placements en détention provisoire dans le cadre de procédures d’instruction concernant les majeurs et les mineurs démontrent, selon le tableau visé ci-dessous, que depuis 2003, le nombre de personnes placées en détention provisoire a diminué de façon constante. Ainsi, la baisse entre 2003 et 2010 est de - 27,1 %.

Nombre de détention provisoire dans le cadre de l’instruction (majeurs et mineurs)

Année

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Nombre

24002

23741

23196

20205

19087

18709

17058

16625

Source : cadres du parquet

212.Cette baisse est aussi visible sur le nombre de placements en détention provisoire par durée entre 2003 et 2010 ainsi que cela est indiqué dans le tableau visé ci-dessous. La durée de détention provisoire comprise entre 6 jours et 4 mois reste très majoritaire en 2010 à hauteur de 4863 sur un total de 11624 soit 41,8 % des cas.

Durée de la détention provisoire dans le cadre de l’instruction (majeurs et mineurs)

Année

Inférieur à 6 jours

Entre 6 jours et 4 mois

Entre 4 mois 1 jour et 6 mois

Entre 6 mois et 1an

Supérieur à 1 an

2003

490

7847

2665

4661

1796

2004

408

7925

2478

4869

2336

2005

313

7718

2397

4258

2042

2006

350

7434

2346

3967

1862

2007

290

6574

2207

3456

1706

2008

297

5870

2017

3173

1526

2009

313

5275

1934

3419

1450

2010

314

4863

1743

3145

1559

Source : cadres du parquet

2.Dans le cadre des procédures de comparution préalable

213.Le juge des libertés et de la détention a aussi la compétence de placer le prévenu majeur en détention provisoire dans l’hypothèse où la procédure de comparution immédiate est juridiquement possible, envisagée par le procureur de la République mais ne peut avoir lieu le jour même. Dans cette hypothèse qualifiée de comparution préalable, le législateur a encadré et limité les pouvoirs de coercition du juge des libertés et de la détention.

214.A titre préalable, selon l’article 395 du code de procédure pénale, il est nécessaire que :

le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi soit égal à 6 mois en cas de délit flagrant et au moins égal à deux ans dans les autres cas ;

les charges réunies soient suffisantes et l’affaire en l’état d’être jugée.

215.Pour autant, si la réunion du tribunal est impossible le jour même et si les éléments de l’espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention, statuant en chambre du conseil avec l’assistance d’un greffier (article 396 du code de procédure pénale).

216.Le juge, après avoir fait procéder, sauf si elles ont déjà été effectuées, aux vérifications prévues par le septième alinéa de l’article 41 du code de procédure pénale, statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de détention provisoire, après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat.

217.Il peut placer le prévenu en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le tribunal. L’ordonnance prescrivant la détention est rendue suivant les modalités prévues par l’article 137-3, premier alinéa du code de procédure pénale, et doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision par référence aux dispositions des 1° à 6° de l’article 144 du même code. Cette décision énonce les faits retenus et saisit le tribunal ; elle est notifiée verbalement au prévenu et mentionnée au procès-verbal dont copie lui est remise sur-le-champ. Le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. A défaut, il est mis d’office en liberté.

B.La durée moyenne de la détention provisoire dans les procédures criminelles et délictuelles ayant entrainé une condamnation définitive

1.Condamnations délictuelles

a)Les condamnations délictuelles rendues en premier ressort

218.Les deux premiers tableaux visés ci-dessous rapportent entre 2003 et 2010 en premier ressort les procédures avec détention provisoire traitées en comparutions immédiates et hors comparutions immédiates, ces dernières incluant de fait les procédures traitées par les juges d’instruction.

219.On peut constater s’agissant des condamnations prononcées en comparution immédiate et précédées d’une détention provisoire que leur nombre est en légère diminution de - 11,8 % entre 2003 et 2010. Parallèlement, la durée moyenne de la détention provisoire pour ces procédures rapides stagne à 10 jours en moyenne.

Condamnations délictuelles prononcées en comparution immédiate

Année

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Nombre

11332

11102

11537

10655

10990

10464

9748

9996

Durée moyenne de la DP en jours

10

9

9

8

9

10

9

10

Source : casier judiciaire

220.S’agissant des procédures hors comparution immédiate, le nombre de condamnations précédées d’une détention provisoire est également en déclin de - 17, 9 % entre 2003 et 2010. La durée moyenne de la détention provisoire reste sur l’ensemble de la période à une moyenne autour de 6 mois.

Condamnations délictuelles prononcées en premier ressort hors comparution immédiate

Année

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Nombre

15555

15788

15949

15225

15242

14459

12876

12770

Durée moyenne de la DP en mois

5,9

6,3

6,7

6,5

6,3

6,1

6,1

6,1

Source : casier judiciaire

b)les condamnations délictuelles rendues en appel

221.Comme en première instance, le nombre de condamnations précédées d’une détention provisoire est également en baisse s’agissant des condamnations prononcées en appel. Le nombre de condamnations précédées d’une détention provisoire a baissé de 16,2 %. La durée moyenne de la détention provisoire a légèrement augmentée entre 2003 et 2010, passant de 5,9 mois à 6,5 mois.

Condamnations délictuelles prononcées en appel

Année

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Nombre

4840

4696

4311

4370

4198

4634

4380

4055

Durée moyenne de la DP en mois

5,9

6,3

6,5

6,6

6,3

6

6,3

6,5

Source : casier judiciaire

2.Condamnations criminelles

222.Le nombre de condamnations criminelles précédées d’une détention provisoire est également en baisse de 16,5 % entre 2003 et 2010. La durée de la détention provisoire est quant à elle stable sur ces huit années entre 2,1 et 2,3 ans.

Condamnations criminelles prononcées en premier ressort et en appel

Année

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Nombre

2061

2174

2266

2174

2077

1841

1780

1720

Durée moyenne de la DP en année

2,1

2,1

2 ,2

2,3

2,3

2,3

2,2

2,2

Source : casier judiciaire

223.Il ressort des éléments présentés ci-dessus que :

la législation nationale encadre strictement la durée des détentions provisoires ;

les décisions de placement en détention provisoire sont des décisions juridictionnelles susceptibles d’appel ;

dans les faits, depuis 2003, on constate une diminution du nombre de personnes placées en garde à vue avant jugement.

VII.Recommandation figurant au § 16 des observations finales du Comité

224.La France a veillé à ce que la rétention de sûreté, créée par la loi n° 2008-174 du 25 février 2008, soit très strictement encadrée afin de concilier la prévention des atteintes à l’ordre public et de la récidive et l’exercice des libertés individuelles, notamment la liberté d’aller et de venir. Il convient de souligner que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 25 février 2008, seule une personne a été placée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté, et sur une période de très courte durée (du 24 décembre 2011 au 2 février 2012).

225.L’encadrement de ce dispositif se décline en cinq axes.

A.Un champ d’application étroitement limité

1.Crimes d’atteintes aux personnes les plus graves

226.La rétention de sûreté est susceptible de s’appliquer, à titre exceptionnel, aux personnes condamnées à quinze ans de réclusion criminelle au moins pour les crimes d’assassinat, meurtre, torture ou acte de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration commis sur une victime mineure, ou sur une victime majeure lorsque ces crimes sont accompagnés d’une ou plusieurs circonstances aggravantes, commis après l’entrée en vigueur de la loi du 25 février 2008.

2.Personnes particulièrement dangereuses souffrant d’un trouble grave de la personnalité

227.La Cour d’assises doit avoir expressément prévu en son arrêt de condamnation la possibilité de réexaminer la situation du condamné en vue d’une éventuelle rétention de sûreté, s’il est établi que le condamné présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’il souffre d’un trouble grave de la personnalité (articles 706-53-13 et 706-53-14 du code de procédure pénale).

B.Une prise en charge médicale et psychologique renforcée

228.Tout condamné auquel la rétention de sûreté est susceptible de s’appliquer suit un parcours individualisé d’exécution de sa peine défini par le juge de l’application des peines, comprenant, le cas échéant, une pris en charge psychiatrique (article 717-1-A du code de procédure pénale).

229.Par ailleurs, deux ans avant sa libération, ce condamné doit justifier auprès du juge de l’application des peines des suites données au suivi médical et psychologique adapté qui a été proposé. Au vu du bilan qu’il établit, le juge de l’application des peines peut lui proposer le suivi d’un traitement dans un établissement pénitentiaire spécialisé (article 717-1 du code de procédure pénale). Ce renforcement de la prise en charge du condamné est conçu pour permettre, autant que possible, une libération avec des risques limités de récidive, sans rétention de sûreté.

C.Des conditions de fond très restrictives

230.Afin de garantir le caractère exceptionnel de la rétention de sûreté, la loi du 25 février 2008 a fixé six conditions cumulatives au prononcé de la rétention de sûreté (article 706-53-14 du code de procédure pénale) :

la cour d’assises doit avoir expressément prévu la possibilité d’une rétention de sûreté dans son arrêt de condamnation ;

la personne condamnée doit avoir été en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre (article 706-53-15 du code de procédure pénale);

à l’issue de sa peine, la personne doit présenter une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive constatée par expertise médicale ;

la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté doit proposer la rétention spécialisée aux fins d’évaluation de dangerosité assortie d’une expertise médicale réalisée par deux experts ;

les obligations résultant de l’inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile, dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une surveillance judiciaire, doivent apparaître insuffisantes pour prévenir la commission de nouveaux crimes qui entrent dans le champ d’application de la rétention de sûreté ;

la rétention de sûreté doit constituer l’unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces crimes.

D.Des garanties procédurales importantes

1.Les garanties au stade du placement en rétention de sûreté

231.La décision de rétention de sûreté est prononcée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté, composée d’un président de chambre et de deux conseillers de Cour d’appel, par une décision spécialement motivée, exclusivement au regard de la dangerosité du condamné à l’issue de la peine, après un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public, au cours duquel il est obligatoirement assisté par un avocat. La contre-expertise sollicitée par le condamné est de droit.

232.La décision de rétention de sûreté peut faire l’objet d’un appel devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, composée de trois conseillers à la Cour de cassation, dont la décision peut faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation (article 706-53-15 du code de procédure pénale).

2.Les garanties au stade du maintien et du renouvellement de la rétention de sûreté :

233.La décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d’un an qui peut être prolongée, si les conditions ci-dessus rappelées sont toujours remplies, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (article 706-53- 16 du code de procédure pénale).

234.Par ailleurs, la personne peut former une demande de fin de mesure devant la juridiction régionale de la rétention de sûreté après un délai de trois mois à compter de la décision définitive de placement en rétention de sûreté. La juridiction doit statuer dans les trois mois, faute de quoi il est mis fin à la mesure. En cas de rejet, la personne peut présenter une nouvelle demande à l’expiration d’un délai de trois mois. Enfin, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut à tout moment ordonner d’office qu’il soit immédiatement mis fin à la rétention de sûreté dès lors que les conditions n’en sont plus remplies (article 706-53-18 du code de procédure pénale).

235.Les décisions ainsi rendues sont susceptibles d’appel devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, puis un pourvoi en cassation peut être interjeté devant la Cour de cassation (article 706-53-17 du code de procédure pénale).

E.Des droits préservés pendant la rétention au centre médico-socio-judiciaire de sûreté

236.L’exercice des droits reconnus aux personnes retenues ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles strictement nécessaires au maintien de l’ordre et de la sécurité dans les centres, à la protection d’autrui, à la prévention des infractions et de toute soustraction des personnes retenues à la mesure dont elles font l’objet (article R. 53-8-66 du code de procédure pénale). Sont par ailleurs affirmés les droits de la personne retenue de suivre des actions d’éducation et de formation, d’exercer un emploi compatible avec sa présence au sein du centre, de pratiquer des activités religieuses ou philosophiques, de se livrer à des activités culturelles, sportives et de loisirs, de correspondre par écrit et par téléphone et de recevoir des visites (article R. 53-8-68 du code de procédure pénale).

237.L’absence de rétroactivité de ce dispositif, les conditions de mise en œuvre et les garanties procédurales qui encadrent son usage font de la rétention de sûreté une mesure compatible avec les dispositions des articles 9, 15 et 16 du Pacte.

VIII.Recommandation figurant au § 17 des observations finales du Comité

A.Le renforcement du contrôle des établissements pénitentiaires et de l’action de l’administration à l’égard des personnes détenues

238.Il convient d’observer que la prison est, parmi les institutions, celle qui fait l’objet des contrôles les plus étroits, permettant ainsi de surveiller les pratiques et de prévenir les violations. Il existe différents types de contrôle.

1.Les contrôles juridictionnels sur les actes de l’administration pénitentiaire durant la détention

239.Toutes les mesures individuelles susceptibles de faire grief peuvent faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative (cf. loi du 12 avril 2000).

240.Ces dernières années, la jurisprudence administrative a renforcé de manière notable la protection des droits des personnes détenues, lesquels doivent être traités « avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » (article 10 du Pacte).

241.Cette protection accrue des droits des personnes détenues résulte de deux avancées jurisprudentielles relatives, d’une part, au rétrécissement du champ des mesures d’ordre intérieur et, d’autre part, à l’intensification du contrôle du juge administratif en matière de responsabilité de l’administration pénitentiaire.

242.Les mesures d’ordre intérieur désignent certaines décisions des autorités administratives dont la faible importance n’affecte en principe que des intérêts mineurs. Elles ne peuvent, de ce fait, être contestées devant le juge administratif. A l’origine, cette catégorie comprenait essentiellement des mesures de gestion et de discipline dans l’armée, les prisons et les écoles. Pour les prisons, il s’agissait, par exemple, des punitions infligées aux personnes détenues, des transferts d’un établissement pénitentiaire à un autre ou des placements dans un quartier de plus grande sécurité.

243.Or, après avoir longtemps qualifié de mesures d’ordre intérieur, insusceptibles de recours, les décisions de l’administration pénitentiaire concernant les personnes détenues, le Conseil d’Etat a progressivement étendu son contrôle sur ces décisions dans le cadre de contestations formées par des personnes incarcérées. Ainsi, par l’arrêt Marie (Assemblée, 17 février 1995, n° 97754), se prononçant sur la légalité d’une sanction disciplinaire, le Conseil d’Etat a réalisé une avancée jurisprudentielle en posant le principe selon lequel c’est au regard de la nature et de la gravité d’une mesure qu’il convient de déterminer si elle doit ou non pouvoir faire l’objet d’une contestation devant le juge administratif.

244.La jurisprudence récente du Conseil d’Etat (CE) a élargi le champ des décisions susceptibles d’être contestées en justice par les personnes détenues. Ainsi, peuvent désormais être déférées au juge administratif les décisions :

de changement d’affectation d’un établissement pour peines à une maison d’arrêt (CE, 14 décembre 2007) ;

de déclassement d’emploi (CE, 14 décembre 2007) ;

de soumission d’une personne détenue à un régime dit « de rotation de sécurité » (CE, 14 décembre 2007) ;

de placement, à titre provisoire ou de manière préventive, d’une personne détenue à l’isolement (CE, 17 décembre 2008) ;

de soumission d’une personne détenue à un régime de fouilles corporelles intégrales (CE, 14 novembre 2008) ;

d’inscription et de maintien d’une personne détenue au répertoire des détenus particulièrement signalés (CE, 30 novembre 2009) ;

de fixation des modalités essentielles de l’organisation des visites aux personnes détenues (CE, 26 novembre 2010) ;

de placement en « régime différencié portes fermées » (CE, 28 mars 2011).

245.Ces recours juridictionnels sont accessibles en pratique aux personnes détenues. Ainsi, en 2011, 309 recours pour excès de pouvoir ont été introduits par les personnes détenues à l’encontre des décisions de l’administration pénitentiaire. Ils étaient de 257 en 2010.

246.Parallèlement à cette jurisprudence permettant de faire contrôler la légalité des décisions de l’administration pénitentiaire susceptibles d’affecter les droits et libertés fondamentaux des personnes détenues, le détenu a également la possibilité de voir leur préjudice né de mauvaises conditions de détention réparé (Cour administrative d’appel de Versailles a, par arrêt du 16 décembre 2010 n° 08VE00299 ; Cour administrative d’appel de Lyon 31 mars 2011 n° 10LY01579 et 10LY01580).

2.Les contrôles par les autorités judiciaires et les organes spécialisés

247.L’autorité judiciaire a obligation de visiter régulièrement les établissements pour s’assurer de leur fonctionnement général.

248.L’article 10 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire (dite ci-dessous loi pénitentiaire) a élargi notablement la liste des autorités judiciaires devant visiter au moins une fois par an chaque établissement pénitentiaire de leur ressort.

249.Chaque année, à l’occasion de ces visites, le président de la chambre de l’instruction vérifie la situation des personnes prévenues en détention provisoire. Le procureur de la République entend quant à lui les personnes détenues qui auraient des réclamations à présenter. Enfin, un rapport conjoint du premier président et du procureur général rend compte chaque année au ministre de la justice du fonctionnement des établissements pénitentiaires de leur ressort et du service assuré par le personnel de ces établissements.

250.En outre, le président du tribunal de grande instance, le juge des libertés et de la détention, le juge d’instruction, le juge de l’application des peines et le juge des enfants visitent au moins une fois par an chaque établissement pénitentiaire situé dans leur ressort territorial de compétence.

251.Par ailleurs, l’article 5 de la loi pénitentiaire a institué au sein de chaque établissement pénitentiaire un conseil d’évaluation, chargé « d’évaluer les conditions de fonctionnement de l’établissement et de proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer ».

252.Ces conseils d’évaluation rassemblent des magistrats, des représentants des collectivités territoriales, des représentants des services de l’Etat et des intervenants extérieurs œuvrant au sein de l’établissement (associations, visiteurs de prison, aumôniers agréés). Ils se réunissent au moins une fois par an pour examiner le rapport d’activité présenté par le chef d’établissement et peuvent entendre toute personnalité extérieure susceptible d’éclairer leurs travaux.

253.La présence au sein des conseils d’évaluation d’élus et de partenaires associatifs assure l’ouverture et l’impartialité de ces organes de contrôle.

254.En outre, les parlementaires ont depuis juin 2000 un droit de visite permanent des établissements pénitentiaires. Une large majorité d’entre eux l’exerce depuis cette date. La loi pénitentiaire a étendu ce pouvoir de visite aux représentants au Parlement européen élus en France.

255.Enfin, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) effectue en moyenne une visite tous les deux ans dans plusieurs établissements.

3.Le contrôle par les autorités administratives indépendantes

a)Le contrôle spécifique du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), autorité administrative indépendante

256.Ainsi qu’il a été présenté en introduction, la France a institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).

257.Au 1er janvier 2012, le CGLPL avait émis sept recommandations spécifiques, relatives à des établissements pénitentiaires et sept avis généraux, relatifs au traitement des personnes détenues. Il a par ailleurs présenté quatre rapports d’activité (au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011).

b)Le contrôle par le Défenseur des droits

258.Le Défenseur des droits peut être saisi par une personne détenue qui s’estime lésée en raison d’un dysfonctionnement administratif, d’une discrimination ou d’un manquement au respect de la déontologie de la sécurité. Cette autorité intervient également lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant est mis en cause.

259.Une convention, signée le 8 novembre 2011 entre le Défenseur des droits et le CGLPL, organise une procédure d’information réciproque, notamment sur les saisines dont ils sont l’objet, afin de coordonner leurs interventions et actions publiques respectives et d’éviter que des démarches redondantes soient imposées aux personnes détenues ou que des réponses divergentes ne leur soient apportées.

4. Les contrôles internes réalisés par les autorités administratives elles-mêmes

260.Depuis plusieurs années, l’administration pénitentiaire a renforcé ses contrôles internes réalisés par l’inspection des services pénitentiaires (ISP), que ce soit au travers des enquêtes administratives effectuées à la suite d’incidents ou des inspections approfondies des établissements.

261.Ses missions sont définies par l’arrêté du 29 décembre 2010.

262.Ainsi, l’ISP peut être saisie par le Directeur de l’administration pénitentiaire pour mener notamment des enquêtes administratives portant sur des incidents et des comportements individuels. Ces enquêtes administratives ont pour objectif de déterminer les circonstances dans lesquelles est survenu un incident, d’en analyser les causes et d’en mesurer les conséquences concernant d’éventuels manquements professionnels.

263.Les rapports remis par l’inspection au Directeur de l’administration pénitentiaire comprennent des recommandations de portée générale ou spécifiques à l’établissement visant à supprimer ou à réduire les risques de reproduction de l’événement et, éventuellement, proposent l’engagement de poursuites disciplinaires.

264.En 2010, l’inspection des services pénitentiaires a produit 42 rapports relatifs à des enquêtes administratives.

265.A ces différents contrôles s’ajoutent ceux effectués par l’inspection du travail et l’ensemble des inspections ministérielles dans leurs domaines de compétence ainsi que la tenue sous l’autorité du préfet d’une commission de surveillance annuelle dans chaque établissement.

B.Les politiques mises en œuvre visant à diminuer la surpopulation carcérale

266.Un pic historique de surpopulation carcérale a été atteint en 2008 avec un taux d’occupation de 126,5 % tout type d’établissements pénitentiaires confondu. Au 1er juin 2012, le taux d’occupation s’élevait à 117,13 % (66 915 personnes incarcérées pour une capacité opérationnelle de 57 127 places). La surpopulation carcérale concerne pour l’essentiel les établissements accueillant les personnes détenues placés en détention provisoire ou condamnés à une peine d’emprisonnement inférieure à 2 ans.

267.En revanche, les établissements accueillant les personnes détenues condamnées à des peines supérieures à 2 ans ou des mineurs ont des taux d’occupation qui ne peuvent excéder leur capacité d’accueil.

268.Le gouvernement a mis en œuvre des mesures volontaristes pour lutter contre la surpopulation carcérale, qui se traduisent d’une part par des aménagements de peine et l’exécution des fins de peine d’emprisonnement en dehors des établissements pénitentiaires et d’autre part par la mise en œuvre d’un nouveau programme immobilier.

269.Si la situation pour certains territoires d’Outre-Mer est préoccupante, des mesures spécifiques y sont également mises en œuvre pour lutter contre la surpopulation carcérale.

1.La politique mise en œuvre afin de développer les aménagements de peine et l’exécution des fins de peine d’emprisonnement en dehors des établissements pénitentiaires

270.L’une des actions engagées pour lutter contre la surpopulation carcérale repose sur la mise en œuvre d’une politique de développement des aménagements de peine et des mesures alternatives à l’incarcération.

271.Ainsi, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 est venue consacrer la politique déjà initiée antérieurement en faveur des aménagements de peines et des alternatives à l’incarcération, en étendant les possibilités d’aménagement de peine (élargissement des critères d’octroi), en en facilitant le prononcé (mise en place d’un procédure simplifiée pour l’octroi d’un aménagement de peine aux personnes détenues) et en créant parallèlement une mesure permettant d’exécuter sous surveillance électronique la fin des peines d’emprisonnement.

272.Le développement des aménagements de peine s’est ainsi poursuivi et le nombre de bénéficiaires d’un aménagement de peine sous écrou a augmenté de près de 47 % entre le 1er juin 2010 (8 597 personnes) et le 1er juin 2012 (12 627 personnes). Ce nombre de bénéficiaires d’un aménagement de peine sous écrou représentait ainsi 16,5 % des condamnés au 1er juin 2010 et 20,7 % au 1er juin 2012.

273.Le placement sous surveillance électronique est la mesure d’aménagement de peine sous écrou la plus prononcée (74 % au 1er janvier 2012), la semi-liberté représente 17 % de ces mesures (1 857 personnes) et le placement à l’extérieur 9 % (947 personnes).

274.Les décrets n° 2010-1276 et n° 2010-1278 du 27 octobre 2010 pris en application de la loi pénitentiaire ont en outre été complétés par la circulaire du 10 décembre 2010 relative à la procédure simplifiée d’aménagement des peines (PSAP) et la circulaire du 10 mai 2011 relative à la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP).

275.Depuis janvier 2011, un dispositif d’évaluation de la PSAP et de la SEFIP a été mis en place par la direction de l’administration pénitentiaire et ces dispositions font l’objet d’un suivi très régulier afin d’identifier les difficultés rencontrées, poursuivre l’accompagnement des services et envisager toute évolution utile à l’amélioration de l’efficacité de ces procédures. L’analyse des premiers résultats révèle que ces dispositions sont en cours d’appropriation par les services pénitentiaires et les autorités judiciaires.

276.Ainsi, au cours de l’année 2011, 18 881 dossiers ont été traités par les services pénitentiaires d’insertion et de probation dans le cadre de la PSAP, 2 232 ont fait l’objet d’une proposition au Parquet d’aménagement de peine (12 % des dossiers) et 820 mesures d’aménagement de peine ont été accordées. Ces premiers résultats peuvent s’expliquer par un nombre important de personnes incarcérées en exécution d’une courte peine d’emprisonnement ne permettant pas de mettre en œuvre cette procédure, mais également par une préférence accordée à la procédure classique d’aménagement de peine.

277.Au cours de l’année 2011, 28 876 dossiers ont été traités par les SPIP dans le cadre de la SEFIP : 5 493 ont fait l’objet d’une proposition au parquet (19 % des dossiers), 3 069 SEFIP ont été accordées. Parmi les dossiers n’ayant pas été proposés par le SPIP au parquet, près de la moitié (49 %) ne l’ont pas été en raison d’une impossibilité matérielle de mise en œuvre de la mesure (notamment en raison d’une fin de peine trop proche).

2.La mise en œuvre du nouveau programme immobilier

278.Présenté le 5 mai 2011 par le garde des Sceaux, le nouveau programme immobilier (NPI) traduit la volonté du gouvernement et du ministère de la Justice et des libertés d’augmenter le nombre de places et de mettre les établissements en conformité avec les critères posés par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et les règles pénitentiaires européennes élaborées dans le cadre du Conseil de l’Europe. 

279.La nouvelle politique immobilière répond à une volonté d’amélioration des conditions de détention et des conditions de travail des personnels. Elle vise à mieux préparer la réinsertion et à prévenir la récidive. Cette démarche vise également à participer à la prévention des suicides.

280.Il convient de relever, parmi les projets de construction issus de la loi de programmation, la construction de nouveaux établissements dédiés aux courtes peines (ECP). Les centres courtes peines et quartiers courtes peines ont vocation à recevoir exclusivement et par principe les personnes condamnées à une ou plusieurs peines dont la durée totale est inférieure ou égale à deux ans, et dont la durée de l’incarcération restant à subir est inférieure ou égale à un an

281.Il s’agit d’un nouveau concept immobilier porté par la direction de l’administration pénitentiaire qui permet de garantir l’exécution effective des courtes peines et d’individualiser leur exécution. Il permet par ailleurs de favoriser la mise en œuvre et la progressivité du parcours d’exécution de peine de la personne placée sous main de justice destinée à accompagner son retour à la vie libre, notamment sous la forme d’un aménagement de peine.

282.Ce NPI est un plan de restructuration du parc immobilier pénitentiaire qui vise également à augmenter les capacités d’hébergement de l’administration pénitentiaire afin d’améliorer le taux de mise à exécution des peines d’emprisonnement prononcées par les juridictions pénales et d’assurer l’encellulement individuel des personnes détenues.

283.Ainsi, à l’échéance du nouveau programme immobilier, près des 16 000 nouvelles places (pour un total 28 sites, dont 27 nouvelles constructions et une extension) remplaceront 6 672 places vétustes soit un solde net de 9 253 places.

284.La France sera alors dotée de plus de 70 000 places de prison dont plus de la moitié auront été ouvertes après 1990.

285.Par ailleurs, la loi de programmation relative à l’exécution des peines du 27 mars 2012 prévoit de renforcer le programme pénitentiaire annoncé au mois de mai en fixant un objectif de 80 000 places disponibles en 2017. A ce titre, il est notamment proposé de construire des structures à sécurité allégée pour les personnes condamnées ne présentant pas de risque de dangerosité ou d’évasion et de renforcer le nouveau programme immobilier. Environ 7 500 nouvelles places à sécurité allégée sont prévues. Ces structures pour les condamnés à de courtes peines pourront être adossées à des établissements classiques, avec une capacité de 150 places, ou prendre la forme d’établissements autonomes pouvant accueillir jusqu’à 190 personnes détenues.

286.Ce nouveau chiffre de 80 000 places et 71 000 cellules prévues (à comparer aux 48 000 cellules au 1er janvier 2011) pour 2017 (NPI et loi de programmation) correspond à une projection statistique. On estime que la population sous écrou s’élèvera alors à 96 000 personnes dont 16 000 personnes placées sous surveillance électronique

287.La priorité de l’administration pénitentiaire s’agissant des nouvelles constructions est de rechercher des sites très proches des grandes agglomérations, afin de bénéficier d’une offre de services indispensable à ce type d’établissement (hôpitaux, police, éducation nationale, réseau associatif dense, offres de logements) et d’une desserte satisfaisante par les transports en communs.

288.En outre, le choix des établissements à fermer a été dicté par leur vétusté, leur inadaptation fonctionnelle, sauf à engager d’importants travaux de restructuration, et par l’impossibilité de mettre en œuvre les prescriptions de la loi pénitentiaire et des règles pénitentiaires européennes.

289.La conception de ces structures met en application les nouvelles normes édictées par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, notamment l’exigence d’encellulement individuel et le développement des offres d’activités dans un objectif de réinsertion de la personne détenue.

290.Par ailleurs, l’administration pénitentiaire a mené, de sa propre initiative, un vaste retour d’expérience des programmes immobiliers précédents. Un bilan des usages a été effectué sur 16 établissements issus des précédents programmes de construction et des groupes de travail, réunissant des responsables de l’agence publique pour l’immobilier de la justice, de l’administration pénitentiaire et des partenaires externes, se sont réunis régulièrement pendant un an. Ces groupes de travail ont notamment abordé la vie en détention, l’organisation de la journée de la personne détenue, le projet de réinsertion, les activités, les déplacements au sein de l’établissement et la déclinaison des modalités de sûreté. De plus, les services de l’administration pénitentiaire se sont également rendus en Angleterre, en Suède, en Allemagne et en Espagne afin d’étudier leur système pénitentiaire et visiter des établissements récents. Enfin, un cycle d’échanges s’est déroulé régulièrement avec les organisations syndicales depuis 18 mois.

291.Les conclusions de ces échanges fructueux ont été prises en compte dans la rédaction des programmes fonctionnels des futurs établissements qui seront déclinés selon le concept d’établissement à « réinsertion active » qui s’articule autour des points majeurs suivants :

le taux d’encellulement individuel est fixé à 95 %. Autrement dit, 95 % des personnes détenues seront seules en cellule.

la dimension des unités (40 places = 2x20 places) et des quartiers (160 places soit 4 unités de 40 places) reste à taille humaine afin de maintenir les liens entre surveillants et personnes détenues. Ces dimensions ont été revus à la baisse par rapport au programme 13 200 (de calibrage jusqu’à 210 places par quartier). Par ailleurs des demi-nefs sont prévues ce qui renforcera la lumière naturelle ainsi que la sécurité des personnes détenues et des agents (co-visibilité entre étages). Un soin particulier sera apporté à l’isolation phonique de la cellule, et au traitement des coursives. De plus, des espaces de vie / détente ouverts sur un coin office sont prévus au sein de chaque unité en régime ouvert.

les cours de promenade seront aménagées et comporteront une zone engazonnée et arborée, équipée de mobiliers robustes ;

le mode de détention sera adapté à la personnalité et à la dangerosité de chaque détenu. La mise en place des nouveaux établissements reposera sur l’évaluation / diagnostic des condamnés et des prévenus à partir d’entretiens faits par les différents intervenants. Les modes de prise en charge seront adaptés à la personnalité, à la dangerosité et à la volonté de réinsertion de chaque détenu. Il est ainsi prévu deux régimes de détention : un régime dit « ouvert » et un régime dit « fermé ». Cette évaluation préalable permettra d’obtenir une population plus homogène au sein des quartiers, et donc une réduction des troubles en détention, tout en étant facteur de réinsertion. Le régime de détention « mode ouvert » est fondé sur la libre circulation du détenu au sein du quartier, qui reproduit le plus possible les conditions de vie à l’extérieur afin de faciliter la resocialisation ;

la prise en charge des personnes détenues présentant des troubles mentaux sera améliorée avec la création systématique, en accord avec le ministère en charge de la santé, de locaux pour les services de psychiatrie au sein des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) ;

la surface des locaux d’activités sera augmentée de 40 % par rapport au programme 13 200. A ce titre, il sera construit un pôle dit PIPR « pôle d’insertion et de prévention de la récidive » qui intégrera l’ensemble des locaux d’activités communs à l’établissement (salles d’enseignement, cyberbase, bibliothèque, salle de spectacles, salle polyvalente, des salles d’activités, salle multicultuelle, canal interne). Il est également prévu la construction d’une salle de spectacle et d’une bibliothèque / médiathèque centrale permettant des animations en groupe (en lieu et place de petites bibliothèques). En outre, la construction d’un pôle d’insertion dédié permettra notamment aux personnes détenues de rencontrer des partenaires institutionnels (pôle emploi, caisse d’allocations familiales, accès au logement…). De plus, chaque quartier sera équipé de locaux socio-éducatifs mis à la disposition de la population pénale, dans lesquels sont organisées des activités comme par exemple la pratique de l’informatique, salle de musculation ;

le nombre d’unités de vie familiale (UVF) et de parloirs familiaux sera augmenté pour favoriser les rencontres longues et améliorer le maintien des liens familiaux (sur la base d’un ratio d’une unité pour 75 places) ;

Par ailleurs, un effort particulier sera fait pour l’amélioration de la qualité de l’aménagement des parloirs familles et avocats (exigence de lumière naturelle, augmentation des surfaces d’attente, traitement acoustique) ;

la sûreté périmétrique de certains sites sera adaptée (absence de miradors, de filins antihélicoptères) ;

292.Dans ces établissements ne seront affectées, par la direction de l’administration pénitentiaire, que des personnes détenues dont la dangerosité pénitentiaire (risque d’évasion ou de troubles au fonctionnement de la détention) aura préalablement été évaluée « à faible risque ».

293.L’ensemble de ces mesures contribuera d’une part à améliorer les conditions de vie des personnes détenues ainsi que les relations à l’intérieur des futurs établissements, et d’autre part à mieux préparer la réinsertion et donc prévenir la récidive.

294.En conclusion, l’augmentation de la capacité totale des établissements pénitentiaires et le développement des mesures alternatives à la détention sont des actions complémentaires visant à réduire la surpopulation carcérale.

3.Les mesures mises en œuvre Outre-Mer

295.En Guadeloupe, Martinique, Guyane, et à Mayotte, le nombre de places est passé de 2 501 à 3 101 en cinq ans, soit une augmentation de + 24 %. Le taux d’occupation global a ainsi diminué de 121,4 % à 115,5 % sur cette période. La situation demeure toutefois préoccupante dans les maisons d’arrêt de Tahiti et de Nouméa. En revanche, il n’y a pas de surpopulation à La Réunion.

296.Pour faire face à cette situation, les aménagements de peine ont été développés. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation effectuent un très bon travail de repérage des personnes placées sous main de justice pouvant bénéficier d’un aménagement de peine. Ainsi, le nombre de placements sous surveillance électronique a quasiment doublé entre 2009 et 2011. Au 1er juillet 2012, il y avait 329 personnes placées sous surveillance électronique (contre 132 en 2009) et 60 mesures de surveillance électronique fin de peine.

297.Parallèlement à ces mesures, de nombreux projets de construction ou de rénovation sont en cours de réalisation ou envisagés :

en Martinique, la construction d’une extension de 160 places supplémentaires est actuellement en cours. La livraison est prévue au premier semestre 2014 ;

en Guyane, la construction de 75 places supplémentaires est en cours pour une mise en service prévue en octobre 2012 ;

à Mayotte, les travaux d’extension de la maison d’arrêt viennent de débuter, ce qui permettra de porter la capacité d’accueil à 267 places, soit 162 places supplémentaires et ce dans des conditions modernes de détention. La livraison devrait intervenir au cours du 2ème semestre 2014 ;

en Polynésie, il a été décidé la construction d’un nouvel établissement de 410 places à Papeari à l’horizon 2016 sur la base du nouveau concept d’établissement à réinsertion active ;

en Nouvelle Calédonie, un plan d’action de maintien en condition opérationnelle du site existant est mis en œuvre par l’administration pénitentiaire. La reconstruction du quartier fermé du centre de détention est en cours de réalisation avec 48 places livrées en décembre 2011 et mai 2012 ; 24 autres places seront livrées en septembre 2012 et 24 places supplémentaires sont programmées pour 2013. La reconstruction du quartier ouvert du centre de détention est prévue pour 2013, puis la restructuration de la maison d’arrêts des hommes. De plus, le lancement du marché public pour la construction d’un centre pour peines aménagées de 80 places est en cours, avec une livraison envisagée en octobre 2013.

298.Par ailleurs, et en complément des opérations ci-dessus déjà engagées, un nombre important d’opérations sont en cours d’études préalables :

en Guadeloupe, s’agissant de la maison d’arrêt de Basse Terre, des études sont en cours dans l’objectif de reconstruire et d’étendre la maison d’arrêt de Basse-Terre. L’établissement serait totalement démoli et reconstruit sur site. Des parcelles foncières voisines sont en cours d’acquisition, ce qui garantira à la fois la possibilité de la mise aux normes de l’établissement et du développement de la capacité d’accueil de la structure (de 130 à 180 places en cellules individuelles). S’agissant du centre pénitentiaire de Baie-Mahault, des études sont en cours afin d’augmenter la capacité de 180 places nettes tout en rénovant les fonctions support de l’établissement ;

en Guyane, des études sont en cours pour la création de 130 places supplémentaires à l’extérieur de l’enceinte actuelle du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly ;

en Polynésie, des études sont menées pour la restructuration du centre pénitentiaire de Faa’a ;

à la Réunion, des études préalables de sites sont en cours dans le cadre de la construction d’un nouvel établissement en substitution de l’établissement actuel de Saint-Pierre.

299.Des politiques de formation et de réinsertion originales de la population carcérale sont par ailleurs mises en œuvre. Ainsi, le ministère de la justice a lancé le projet Bradzour qui prévoit d’utiliser des terres laissées libres autour du centre pénitentiaire du Port de Rivière des Galets à La Réunion pour y implanter une centrale photovoltaïque. Cette exploitation agricole permettrait à une douzaine de détenus de se former à la culture sous serre (2 ha) de plantes médicinales destinées aux laboratoires médicaux et à la parfumerie (ylang ylang, aloe vera), de géraniums qui seront vendus à la CAHEB (Coopérative Agricole des Huiles Essentielles de Bourbon) pour pallier l’absence de jeunes plants (et permettre la rémunération des détenus) et même du maraîchage bio destiné à la restauration collective du centre. Ce projet est en attente d’agrément pour être mis en œuvre.

300.A titre d’illustration de cette politique en Guadeloupe, des actions de formation professionnelle rémunérées (matériaux composites, informatique, projet de formation coiffure au quartier des femmes) et non rémunérées (lutte contre l’illettrisme, préparation à la sortie, création d’entreprise, peintre en bâtiment (non débutée), Français Langue Etrangère - FLE - au quartier femmes (non débutée) sont proposées au centre pénitentiaire de Baie-Mahaut. Des formations rémunérées (informatique, peintre en bâtiment (non débutée) et non rémunérées (lutte contre l’illettrisme, préparation à la sortie, création d’entreprise, FLE) sont également proposées à la maison d’arrêt de Basse-Terre.

IX.Recommandation figurant au §18 des observations finale du Comité

301.Le Président de la République s’est engagé à réexaminer les conditions de la rétention des étrangers en situation irrégulière. L’objectif est de privilégier des formes alternatives à la rétention et lorsque celle-ci est nécessaire de veiller à des conditions de vie pleinement respectueuses de la dignité et des droits des personnes. Les réflexions sont actuellement en cours et le Comité sera informé des évolutions qui interviendront en ce domaine.

302.Par conséquent, à la date à laquelle le gouvernement transmet son rapport au Comité, il invite le Comité à se reporter aux explications données en 2009 (CCPR/C/FRA/CO/4/Add.1), complétées et actualisées en 2010 (CCPR/C/FRA/CO/4/Add.2) ainsi qu’en 2011 (CCPR/C/FRA/CO/4/Add.3), qui exposent de manière détaillée la législation et la pratique en ce domaine.

303.Le Comité, par lettre en date du 27 avril 2012, a par ailleurs souhaité connaître « les mesures adoptées par l’Etat partie pour améliorer l’exercice de leurs droits par les personnes en rétention administrative en matière de santé, éducation, travail, famille et régularisation de leur situation légale ».

304.Les aspects suivants méritent d’être soulignés s’agissant de la question de la privation de liberté des étrangers.

A.Maintien en zone d’attente et maintien rétention administrative

305.Les mesures de privation de liberté concernant des étrangers entrés ou séjournant irrégulièrement sur le territoire peuvent recouvrir deux situations distinctes :

le “maintien en zone d’attente” concernant les étrangers ayant fait l’objet d’une décision de refus d’admission à la frontière ou qui ont présenté une demande d’asile à la frontière,

le “maintien en rétention administrative” concernant les étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire.

306.Depuis l’audition de la France par le Comité, seul le régime de la rétention a été modifié par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, qui a assuré la transposition de la directive européenne 2008/115/CE du 16 juin 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers (dite directive retour).

307.On soulignera que la loi du 16 juin 2011 a réformé les procédures d’éloignement pour séjour irrégulier et a érigé en priorité le retour volontaire des étrangers en situation irrégulière (celui-ci devant s’effectuer dans un délai de 30 jours) sauf en cas de menace à l’ordre public ou de risque de soustraction à l’obligation de quitter le territoire français.

B.Des mesures de privation de liberté strictement encadrées par la loi et contrôlées

308.Les mesures de maintien en zone d’attente ou en rétention administrative sont limitées dans le temps :

le maintien en zone d’attente ne peut en principe avoir une durée supérieure à vingt jours. Dans la pratique, la durée de maintien en zone d’attente est de deux jours pour un étranger faisant l’objet d’une décision de refus d’admission à la frontière et de six jours pour un étranger qui a fait une demande d’asile à la frontière ;

le maintien en rétention ne peut avoir une durée supérieure à quarante cinq jours et en pratique sa durée moyenne est de dix jours.

309.Ces mesures sont strictement contrôlées par le juge.

310.La décision initiale de maintien en zone d’attente peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative. Au-delà d’un délai de quatre jours, le maintien en zone d’attente ne peut être autorisé que par le juge des libertés et de la détention, devant lequel est entendu l’étranger assisté d’un conseil.

311.La décision administrative de placement en rétention est soumise au contrôle du juge administratif et au-delà de cinq jours, le maintien en rétention doit être autorisé par le juge des libertés et de la détention.

312.Les étrangers placés en zone d’attente ou en rétention bénéficient de droits garantis : assistance d’un interprète et d’un médecin, droit à communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix. Ces droits leur sont notifiés, dans une langue qu’ils comprennent, dans les meilleurs délais suivant leur placement. En zone d’attente, à l’aéroport de Roissy, l’Assocation nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers collectif d’associations (ANAFE), est susceptible d’assurer l’assistance juridique des étrangers. La Croix Rouge y assure une assistance humanitaire permanente. En centre de rétention, une assistance juridique est apportée par la Cimade (association oeuvrant en faveur des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile) ou des associations spécialisées et une aide humanitaire est apportée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

313.Ces mesures d’accès à de l’assistance médicale et juridique, ainsi que les conditions d’hébergement exposées ci-dessous, permettent aux étrangers concernés de bénéficier des droits garantis par le Pacte. En revanche, il convient de rappeler que le maintien en zone d’attente ou le placement en centre de rétention est prononcé pour une durée extrêmement limitée par la loi et en pratique d’une durée moyenne maximale de 6 jours s’agissant du maintien en zone d’attente et de 10 jours s’agissant du maintien en centre de rétention administrative. Aucune mesure en matière de travail ou d’éducation n’a donc vocation à être développées dans ces zones et centres de rétention, ainsi que le suggérait le Comité à l’occasion de la question posée en date du 24 avril 2012.

314.Les conditions de maintien en zone d’attente et en rétention ainsi que le respect des droits des étrangers sont contrôlés par l’autorité judiciaire (procureur de la République et le juge des libertés et de la détention), par les parlementaires ainsi que par le contrôleur général des lieux de privation de liberté. L’expérience montre que le dialogue instauré entre le contrôleur général des lieux de privation de liberté, institution indépendante, et les pouvoirs publics, contribue à l’amélioration des conditions de la rétention et du maintien en zone d’attente. Par ailleurs, des instances internationales sont également susceptibles d’exercer leur contrôle sur ces lieux de privation de liberté : le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe (CPT), le Commissaire aux droits de l’Homme de cette même organisation ainsi que le sous-comité de prévention de la torture.

C.Les conditions matérielles d’hébergement

315.Les centres de rétention administrative relèvent de dispositions du décret du 30 mai 2005, qui fixe les conditions matérielles d’accueil des personnes retenues. Ce texte prévoit en particulier une surface de 10 m2 par personne, des normes sanitaires et de confort, la présence de téléphone en libre accès, la présence d’équipements hôteliers et de restauration collective. Des locaux permettant des entretiens confidentiels avec les avocats, sont prévus ainsi que la possibilité de recevoir des visites. Des locaux permettant une présence médicale et infirmière quotidienne sont mis en place. Ces normes prennent en compte les recommandations du CPT. Les pouvoirs publics veillent à assurer un effort continu de rénovation et de constructions nouvelles, conformes à ces normes. Les mêmes exigences sont d’application en ce qui concerne les zones d’attente.

D.Les mineurs isolés

316.Il ne peut pas y avoir de mineur isolé placé en rétention dans la mesure où le droit français interdit le prononcé d’une mesure d’éloignement à l’égard d’un mineur. En revanche, si se présente à la frontière un mineur isolé démuni des documents réguliers d’entrée ou demandant l’asile, il peut être placé en zone d’attente le temps strictement nécessaire à l’examen de sa situation. Au-delà des garanties légales prévues pour tous les étrangers, un administrateur ad hoc doit être désigné sans délai par le Procureur de la République, chargé de l’assister et d’assurer sa représentation dans toutes les procédures judiciaires et administratives. S’il apparait que le mineur serait exposé à des risques en cas de retour, il sera admis en France et orienté vers un centre d’accueil spécialement dédié et bénéficiera de mesures de protection. Dans le cas où le besoin de protection en France n’est pas établi, il est veillé à ce que le mineur soit effectivement récupéré par sa famille dans son pays d’origine, dans des conditions de sécurité nécessaires.

E.Les collectivités d’outre-mer

317.L’ensemble des garanties juridiques applicables à la rétention et au maintien en zone d’attente s’appliquent aux collectivités d’outre-mer. Les mécanismes de visites et de contrôle s’appliquent dans les mêmes conditions. Il en est de même des dispositions du décret du 30 mai 2005 relatives aux conditions matérielles de la rétention. Des efforts particuliers ont été réalisés entre 2008 et 2011, notamment en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte.

318.Il a été rendu compte de ces efforts à l’occasion des réponses présentées au Comité en novembre 2011 (CCPR/C/FRA/CO/4/Add.3). Des travaux de rénovations ont été effectués entre 2008 et 2011, dans les centres de rétention administrative (CRA) situés en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte (recommandation du CGLP en date du 30 juin 2010).S’agissant du CRA de Guyane, il est prévu la construction de nouvelles zones d’hébergement comprenant notamment une zone famille, puis la démolition de l’actuel CRA. Un nouveau CRAde 136 places et d’une zone d’attente de 12 placessera ouvert à Mayotte au début de l’année 2015.

F.La surpopulation dans les centres de rétention et dans les zones d’attente

319.Il n’existe pas, de manière générale, de situation de surpopulation dans les centres de rétention et les zones d’attente de la France métropolitaine. Cela peut cependant se produire de manière exceptionnelle comme cela a été le cas à Roissy en décembre 2007 du fait d’une pression migratoire particulièrement forte. La situation (évoquée dans la réponse de 2009 au Comité) a été réglée fin janvier 2008. Le taux d’occupation moyen des centres de rétention est de 55 % (57 % en outre-mer). S’agissant de Mayotte, en 2010, 27 000 personnes ont été admises au CRA de Mayotte avec un taux d’occupation journalier de 70/80 personnes (capacité 60 places) et une durée moyenne de rétention inférieure à 1 journée (0,78 jour). Il convient de noter que la surpopulation dans le CRA de Mayotte est très ponctuelle, le nombre de personnes admises variant considérablement au cours d’une même journée.

X.Recommandation figurant au § 19 des observations finales du Comité

320.Les autorités françaises tiennent à rappeler qu’elles ne tolèrent en aucune manière les actes de mauvais traitements commis par les agents des forces de l’ordre, quelles que soient les situations ou les personnes les subissant.

321.A cet égard, les autorités françaises sont très attentives aux conditions dans lesquelles doivent être traitées les personnes lors d’une interpellation, d’une garde à vue ou de toute autre mesure privative de liberté ainsi que lors de l’exécution d’une mesure d’éloignement prise à l’égard d’un étranger.

322.S’agissant du personnel pénitentiaire, un très grand soin est apporté à l’enseignement des droits de l’homme, tant lors de sa formation initiale à l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire que de la formation continue. Au titre de la formation initiale, les agents de l’administration pénitentiaire reçoivent tous, qu’ils soient appelés à devenir surveillants ou directeurs d’établissement, une formation aux droits de l’homme ainsi que sur la recommandation du 11 janvier 2006 relative aux règles pénitentiaires européenne. En formation continue, 30 personnels pénitentiaires sélectionnés suivent annuellement un master 2 de droit de l’exécution des peines et droits de l’homme à l’université de Pau.

323.Par ailleurs, l’administration pénitentiaire s’est engagée dans la transcription des règles pénitentiaires européennes en bonnes pratiques professionnelles. Cette démarche se concrétise par une labellisation des établissements pénitentiaires français dans la prise en charge des personnes détenues arrivantes par un organisme certificateur indépendant.

324.Les mauvais traitements ne sont pas plus tolérés de la part du personnel de l’administration pénitentiaire que de celle des forces de l’ordre. Ils sont de nature à engager la responsabilité pénale et la responsabilité disciplinaire de l’agent qui en serait l’auteur.

325.S’agissant des forces de police et de gendarmerie, une très grande attention est notamment portée à trois grands principes, énoncés dans le code de déontologie du 18 mars 1986 et déclinés dans le guide pratique de déontologie revu en 2001 : le respect absolu des personnes, quelle que soit leur nationalité ou leur origine, l’utilisation strictement nécessaire et proportionnée de la force, la protection des personnes appréhendées et le respect de leur dignité.

326.La circulaire du ministre de l’intérieur du 11 mars 2003 relative à la dignité des personnes placées en garde à vue, le nouveau règlement général d’emploi de la police nationale du 6 juin 2006 ainsi que le schéma directeur de la police nationale 2008 – 2012 ont mis l’accent sur le respect de ces principes. Une rénovation du code de déontologie est, en outre, en cours afin d’actualiser ces principes et d’introduire de nouvelles prescriptions.

327.Par ailleurs, la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 a interdit les fouilles de sécurité à nu des personnes gardées à vue. Les mesures de sécurité qui peuvent dorénavant être mises en œuvre ont été précisées par un arrêté pris le 1er juin 2011 par le ministre de l’intérieur. Les deux textes rappellent expressément la nécessité du respect de la dignité de la personne.

328.Pour assurer une mise en œuvre effective de ces principes, les autorités françaises s’emploient à organiser une formation adaptée, à assurer un contrôle vigilant et sanctionnent avec rigueur tout manquement avéré.

329.Dans le cadre de la formation, le volet consacré à la déontologie a été renforcé depuis 1999 et le principe de respect de la dignité de toutes les personnes et l’interdiction de mauvais traitements sont particulièrement soulignés.

330.Des modules de formation associaient la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Un dispositif identique est en cours d’élaboration avec le Défenseur des droits, qui a succédé à ces autorités indépendantes. D’ores et déjà, le Défenseur des droits est convié à intervenir dans le cadre des formations initiales des cadres de la police française (officiers et commissaires).

331.Une grande attention est également portée à la formation aux gestes techniques professionnels d’intervention, intégrant les principes précités, notamment s’agissant des procédures d’éloignement des étrangers. On peut notamment citer la note du directeur de l’inspection générale de la police nationale du 8 octobre 2008 sur les modalités de l’exercice de la contrainte physique.

332.Des stages spécifiques peuvent également être organisés. Ainsi, un stage a été mis en place sur le thème “[du] policier face aux différences”, afin de permettre une meilleure prise en compte des personnes, respectueuse de différences notamment culturelle ou religieuse.

333.Parallèlement à la formation, l’effort est mis sur l’encadrement des agents par leur hiérarchie et le contrôle, notamment par les corps d’inspection, des conditions d’interpellation et de rétention des personnes.

334.Enfin, parce qu’elles sont chargées de l’application de la loi et disposent de l’exercice de la force légitime, les forces de sécurité intérieure font partie des services publics les plus contrôlés par des mécanismes aussi bien externes qu’internes.

335.Sur un plan interne, le respect des droits de l’homme fait l’objet d’un contrôle de la part de l’autorité hiérarchique ainsi que des corps spécifiques que sont l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). En outre, les policiers et gendarmes sont soumis à un contrôle juridictionnel et exercent sous l’autorité des magistrats les attributions que la loi leur confère sur le plan judiciaire.

336.Par ailleurs, de nombreux mécanismes de contrôle externes ont été mis en place.

337.Tout d’abord, on peut souligner que des poursuites pénales sont engagées en cas d’infractions pénales commises par des policiers.

338.Ensuite, la France a institué des autorités administratives indépendantes chargées par le législateur de missions spécifiques de protection des droits de l’homme, parmi lesquels figurent le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de libertés. Les recommandations du Défenseur des droits (et celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité à laquelle il a succédé) ont été prises en compte dans de nombreuses instructions. Ces textes, qui abordent tous les aspects de l’exercice des prérogatives de la puissance publique portent notamment sur l’usage des armes à feu individuelles et collectives et des moyens de force intermédiaire (lanceurs de balles de défense et pistoles à impulsions électriques notamment ; sur les conditions du maintien des habilitations à l’emploi de ces équipements; sur les mesures de sécurité et le menottage (note du directeur général de la police nationale du 7 juin 2008). Suite aux recommandations du Défenseur des droits, le ministère de l’intérieur a également entamé plusieurs réflexions notamment sur l’évaluation des lanceurs de balles de défense et les évolutions envisageables quant à l’emploi de cette arme.

339.En outre, il convient d’ajouter que plusieurs mécanismes internationaux permettent de contrôler le respect des droits de l’homme en France que ce soit par une juridiction comme la Cour européenne des droits de l’homme ou des comités, notamment le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) ou le Comité contre la torture (CAT).

340.Enfin, tout fonctionnaire de police qui s’écarte des lois et des règles déontologiques s’expose à une double sanction pénale et disciplinaire.

341.En 2011, 2 969 sanctions disciplinaires ont été prononcées à l’égard de policiers (contre 2 698 en 2010 et 3 109 en 2009). 132 se rapportaient à des violences avérées dont 11 ont conduit à la révocation des agents concernés ou à une mesure assimilée et 2 à la mise en retraite d’office.

342.Au cours de la même année, l’IGPN a été saisie, pour enquête, de 1 542 faits allégués mettant en cause des policiers (contre 1 385 en 2010 et 1 479 en 2009). Sur ceux-ci, 758 (49 % des faits allégués) concernaient des atteintes aux personnes dont 652 des violences (42 % des faits allégués et 86 % des atteintes aux personnes alléguées), contre 698 (50 % des faits allégués) dont 672 de violences (49 % des faits allégués et 96 % des atteintes aux personnes alléguées) en 2010 et 690 (47 % des faits allégués) dont 668 de violences (45 % des faits allégués et 97 % des atteintes aux personnes alléguées) en 2009.

343.Ces faits sont à rapprocher des 4 millions d’interventions de police réalisées chaque année.

XI.Recommandation figurant au § 20 des observations finales du Comité

344.Le gouvernement français a eu l’occasion de s’exprimer de manière approfondie et détaillée sur ces recommandations en 2009, 2010 et 2011. Il invite donc à se reporter aux explications données dans les rapports CCPR/C/FRA/CO/4/Add.1, CCPR/C/FRA/CO/4/Add.2 et CCPR/C/FRA/CO/4/Add.3.

345.Seuls les aspects les plus importants et les évolutions les plus saillantes sont donc présentées dans le présent rapport ainsi que les réponses précises aux nouvelles questions posées par le Comité le 27 avril 2012 relatives à « fréquence » et aux « conditions d’application de la « procédure prioritaire » ainsi qu’aux « mesures prises pour garantir que les demandeurs d’asile soient effectivement informés de leurs droits et obligations une fois qu’ils sont sur le territoire français ».

346.Les risques qu’un étranger peut encourir en cas de retour dans son pays peuvent être invoqués à l’occasion de différentes procédures : ils peuvent l’être en effet dans le cadre d’une demande d’asile, ce qui est le cas le plus général mais également l’être au stade des procédures d’éloignement que l’étranger ait ou non préalablement fait une demande d’asile.

347.Une demande d’asile peut être présentée à la frontière ou sur le territoire, à tout moment. L’instruction des demandes d’asile s’effectue par référence à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de Genève), mais aussi au regard de “la protection subsidiaire” qui couvre les personnes qui ne répondent pas aux critères de la Convention de Genève mais sont exposées à un risque de peine de mort, de torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants ou à des menaces résultant d’une situation de violence généralisée. L’examen de la demande relève d’un établissement public indépendant disposant d’un personnel qualifié et spécialisé, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

A.Les recours juridictionnels en cas de décision de refus d’asile

348.Une décision de refus d’asile peut faire l’objet de recours juridictionnels.

349.Depuis la loi du 20 novembre 2007, la décision de refus d’asile à la frontière peut faire l’objet devant le juge administratif d’un recours en annulation qui a un caractère pleinement suspensif (c’est-à-dire qu’il empêche la mise en œuvre de toute mesure de reconduite), conformément aux prescriptions de la Cour européenne des droits de l’homme. Les décisions de refus d’asile prises par l’OFPRA sur le territoire peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juridiction administrative spécialisée. En principe ce recours devant la CNDA est suspensif sauf dans trois séries de cas, passibles de la procédure d’examen “prioritaire” (menace grave pour l’ordre public, demande est manifestement frauduleuse ou abusive ou présentée en vue de faire échec à une mesure d’éloignement, appartenance à un pays considéré comme sûr). En tout état de cause, les étrangers dont la demande d’asile a été rejetée dans le cadre de cette procédure bénéficient d’un recours pleinement suspensif devant le juge administratif de l’éloignement.

B.L’information sur les droits et la garantie des droits en matière d’asile

350.Ainsi que présenté à l’occasion de la réponse à la recommandation figurant au § 18 des observations finales du Comité, l’étranger qui sollicite son entrée en France au titre de l’asile bénéficie des droits conférés à l’étranger placé en zone d’attente, qui lui sont indiqués dans les meilleurs délais dans une langue qu’il comprend. Il est susceptible de bénéficier de l’assistance juridique de l’ANAFE. Il est informé de son droit à former un recours juridictionnel contre la décision de refus de sa demande et dans le cadre de cette procédure, l’étranger peut présenter oralement ses observations, peut demander le concours d’un interprète et être assisté d’un conseil, le cas échéant désigné d’office, et pris en charge par l’aide juridictionnelle.

351.L’étranger qui présente une demande d’asile sur le territoire, bénéficie d’une information sur ses droits et d’une aide à la constitution de sa demande d’asile, apportée par les plateformes d’accueil ou les centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA). En cas de recours devant la Cour nationale du droit d’asile, il peut être entendu assisté d’un interprète et d’un conseil en bénéficiant de l’aide juridictionnelle.

C.La procédure prioritaire d’examen de la demande d’asile

352.Le Comité a souhaité par la question qu’il a posée le 24 avril 2012 que soient exposées les cas de mise en œuvre de la procédure prioritaire.

353.Il convient de rappeler que cette procédure signifie que la demande d’asile présentée par l’étranger sera examinée par priorité par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.

354.Il ne peut être que souligné que cet examen est fait par l’Office dans les mêmes conditions que l’étude de toute autre demande d’asile et l’étranger ne peut être reconduit à la frontière tant que l’Office ne s’est pas prononcé sur la demande d’asile.

355.Les conditions de mise en œuvre de la procédure prioritaire sont strictement définies par la loi (articles L 723-1 et L 741-4 2°,3°et 4° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). La procédure prioritaire ne peut être mise en œuvre que si :

“l’étranger qui demande à bénéficier de l’asile a la nationalité d’un pays pour lequel ont été mises en œuvre les stipulations du 5 du C de l’article 1er de la Convention de Genève susmentionnée ou d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr. Un pays est considéré comme tel s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d’origine ne peut faire obstacle à l’examen individuel de chaque demande” (article L 741-4 -2° du code précité). Il est nécessaire d’indiquer ici que la reconnaissance à un Etat de la qualité de “pays sûr” est soumise à un contrôle effectif du juge. Ainsi Au 1er juin 2012, et à la suite des décisions juridictionnelles du Conseil d’Etat (annulation le 23 juillet 2010 de l’Arménie, de la Turquie, de Madagascar et du Mali – en ce qui concerne les femmes – et le 26 mars 2012 du Kosovo et de l’Albanie), la liste des pays d’origine sûrs comporte 18 pays (Arménie, Bangladesh, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Croatie, Ghana, Inde, Mali (en ce qui concerne les hommes), Maurice, Macédoine, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal, Serbie, Ukraine et Tanzanie).

“La présence en France de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat » (article L 741-4 -3° du code précité) ;

“La demande d’asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d’asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d’admission au séjour au titre de l’asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d’asile la demande d’asile présentée dans une collectivité d’outre-mer s’il apparaît qu’une même demande est en cours d’instruction dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Constitue une demande d’asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités” (article L 741-4 -4° du code précité).

356.Il faut encore indiquer au Comité que la mise en œuvre de la procédure prioritaire n’est pas automatique et qu’elle est soumise à un examen de la situation individuelle de l’intéressé.

357.Enfin, il est également important de rappeler que la décision d’examen par la procédure prioritaire est susceptible d’être contestée devant le juge.

358.En 2011, les demandes placées en procédure prioritaire représentent 26 % de la demande totale. La demande en provenance de pays d’origine sûre représente 6,9 % de la demande totale.

D.Le cas particulier des demandes d’asile présentées en rétention par des étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement

359.Il s’agit d’un des cas d’application de la procédure “prioritaire”.

360.Dès son arrivée en centre de rétention, l’étranger est précisément informé de son droit à présenter une demande d’asile dans un délai de cinq jours suivant la notification de ce droit. L’étranger peut bénéficier de l’assistance juridique apportée par les associations présentes de manière permanente en centres de rétention.

361.Dans un arrêt du 2 février 2012 (requête n° 9152/09 I.M. c. France), la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les modalités de la procédure d’asile en rétention administrative méconnaissaient le droit au recours effectif, combiné avec le principe d’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, tels que garantis par la Convention. Cet arrêt met principalement en cause le caractère automatique du placement en procédure prioritaire de la demande d’asile dès lors qu’elle est présentée en rétention, postérieurement à la mesure d’éloignement. Le gouvernement français, conformément à ses engagements internationaux, entend respecter l’arrêt de la Cour et apportera rapidement les réponses qui s’imposent dans le régime juridique des demandes d’asile en rétention.

E.La prise en compte des risques en cas de retour au stade des procédures d’éloignement

362.Que l’étranger ait ou non préalablement présenté une demande d’asile sur le territoire, la loi française, conformément aux engagements internationaux en la matière, prohibe l’éloignement à destination d’un pays dans lequel il existe des motifs sérieux de croire que l’étranger court un risque réel de mauvais traitements. Cette règle s’applique quelle que soit la mesure d’éloignement prononcée.

363.Dans tous les cas, dès lors que sont allégués des risques, l’autorité administrative procède à un examen de situation. L’appréciation qui est faite des risques en cas de retour peut être contrôlée par le juge administratif qui peut annuler la décision fixant le pays de destination. Ce recours est pleinement suspensif s’il s’agit d’un contentieux contre une obligation de quitter le territoire ou une décision de reconduite à la frontière.

364.Dans le cadre d’un tel recours, l’étranger est entendu si nécessaire en présence d’un interprète et peut être assisté d’un conseil, le cas échéant désigné d’office.

365.Les autorités françaises entendent rappeler qu’elles n’ont en aucun cas recours aux « assurances diplomatiques ».

F.Evolutions récentes en matière d’asile et perspectives

366.Pour la quatrième année consécutive, la France est en 2011 le premier pays d’accueil dans l’Union européenne des demandeurs d’asile avec 57 337 demandes présentées auprès de l’OFPRA.

367.L’augmentation de la demande d’asile a conduit à un allongement des délais d’instruction des demandes d’asile et à la saturation du dispositif d’accueil. Pour remédier à ces difficultés, des mesures de renforcement des moyens en personnel de l’OFPRA et de la CNDA ont été prises en 2010/2011. Simultanément, des dispositions législatives ont été prises visant à améliorer le fonctionnement de la juridiction, à l’occasion notamment de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 (encadrement des délais et des conditions d’octroi de l’aide juridictionnelle, possibilité de recourir à la visioconférence pour les audiences devant la CNDA).

368.Comme l’a souligné le Président de la République, le droit fondamental d’asile doit être protégé et renforcé et il est de la vocation de la France d’accueillir celui qui est persécuté dans son pays. La politique d’asile sera donc réformée autour de deux objectifs principaux : l’amélioration des délais d’examen et le renforcement des droits des demandeurs d’asile. Le Comité sera informé des évolutions qui interviendront.

XII. Recommandation figurant au § 21 des observations finales du Comité

369.Les réfugiés ne sont pas soumis aux règles applicables aux autres étrangers en matière de regroupement familial. Les conditions de durée de séjour préalable en France, de ressources et de logement ne leur sont pas opposables. Le droit à la réunification familiale est garanti dés lors qu’est établie la réalité des liens familiaux entre le réfugié et les membres de sa famille se trouvant dans le pays d’origine.

370.Ce droit se matérialise par la délivrance d’un visa d’entrée en France. En 2010, 4 467 visas ont été délivrés à des membres de famille de réfugiés.

371.Depuis 2009, une réforme des modalités de réunification des réfugiés a été engagée afin de réduire les délais d’instruction. Les démarches ont été simplifiées, l’information des personnes a été améliorée et des mesures ont été prises pour tenir compte des difficultés auxquelles peuvent être exposées les familles dans certains pays d’origine.

372.Les délais de délivrance des visas restent tributaires de la diligence des intéressés à fournir les justificatifs de leur lien avec le réfugié et de la fiabilité de l’état civil local. Dans les pays où l’état civil est fiable et où les services locaux répondent rapidement aux demandes des postes diplomatiques et consulaires, la délivrance du visa peut intervenir dans un délai de quelques semaines ou quelques mois. Les délais peuvent être plus longs dans les cas où la preuve de la filiation ou du lien est plus difficile à apporter. Même si le niveau d’exigences en matière de preuve peut être assoupli dans certains cas, on ne peut, au risque de susciter des fraudes, s’en dispenser totalement.

373.Les autorités françaises poursuivent leurs efforts dans ce domaine.

374.La loi du 20 novembre 2007 a ouvert la possibilité aux demandeurs de visas de long séjour de solliciter l’identification par ses empreintes génétiques, afin d’apporter un élément de preuve de filiation avec la mère.

375.Cette disposition devait faire l’objet d’un décret en Conseil d’Etat, pris après avis du comité consultatif national d’éthique, prévoyant les conditions de sa mise en œuvre. Ce décret n’a pas été pris et cette disposition législative n’a par conséquent pas eu de suite.

XIII.Recommandation figurant au § 22 des observations finales du Comité

376.De nombreuses mesures ont été prises pour garantir la compatibilité de la collecte, du stockage et de l’utilisation de données personnelles sensibles avec les obligations qui incombent à l’Etat en vertu de l’article 17 du Pacte :

la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée encadre strictement les conditions de création et d’utilisation de tels fichiers ;

une autorité administrative indépendante, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), composée de 4 parlementaires, 2 membres du Conseil économique et social, 6 représentants des juridictions suprêmes, 5 personnalités qualifiées désignées par le Conseil des ministres, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, a été créée par cette loi pour veiller au respect des droits et libertés fondamentales dans ce domaine ;

un contrôle juridictionnel très large permettant à tout requérant de faire contrôler la compatibilité de tels fichiers avec l’article 17 du Pacte ou de dispositions de portée équivalente telles que l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En outre, il convient de souligner que le nouveau recours constitutionnel institué par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 et présenté en introduction de ce rapport permet également à un requérant de faire contrôler la compatibilité de tels fichiers avec les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment le droit à la vie privée (garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).

A.Une collecte et une conservation des données dans des traitements régis par la loi

377.La loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés régit les règles fondamentales en matière de protection des données à caractère personnel. Les responsables de traitements de données, qu’ils soient publics ou privés, ne peuvent recueillir des données et les traiter que s’ils respectent les obligations prescrites par cette loi. La méconnaissance de certaines de ces obligations peut donner lieu à des sanctions pénales.

1.Un régime d’autorisation ou de déclaration pour les données les plus sensibles

378.Les traitements de données « à risque » ou « sensibles » ne peuvent être mis en œuvre que sur autorisation expresse de la CNIL (article 25 de la loi du 6 janvier 1978) ou sur décision du ministre compétent, après avis motivé et publié de cette même autorité administrative indépendante (articles 26 et 27 de cette même loi).

379.Les autres traitements de données sont en principe soumis à une obligation de la déclaration à la CNIL (article 22 I. de la loi du 6 janvier 1978), sauf dans les cas expressément mentionnés par la loi pour lesquels aucune autorisation ou déclaration ne sont requises (article 22, II de cette même loi).

2.Des sanctions pénales pour les manquements les plus graves

380.Les atteintes aux droits de la personne résultant de fichiers ou des traitements informatiques, qui ne répondraient pas aux obligations imposées par la loi du 6 janvier 1978, sont sanctionnées pénalement (articles 226-16 à 226-24 du code pénal) par des peines pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Il en va notamment ainsi :

du traitement de données sans respect des formalités préalables à leur mise en œuvre prévue par la loi du 6 janvier 1978 (article 226-16 du code pénal),

de la défaillance du responsable du traitement dans la préservation de la sécurité des données, en particulier en cas d’accès de tiers non autorisés à ces informations (article 226-17 du code pénal),

de la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite (article 226-18 du code pénal).

B.Des mesures effectives pour garantir que ces informations ne sont pas accessibles à des personnes non autorisées

381.S’agissant de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté, la loi énumère limitativement les personnes susceptibles d’avoir accès à ces fichiers (article 9).

382.Par ailleurs, l’article 34 de la loi du 6 janvier 1978 fait obligation au responsable du traitement de prendre toute précaution utile, au regard de la nature des données et notamment d’empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès. Comme cela a été mentionné précédemment, la méconnaissance de ces dispositions est constitutive d’un délit puni de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros (article 226-17 du code pénal).

383.De manière plus générale, il convient d’indiquer que la CNIL exerce des fonctions de surveillance à l’égard de toute personne susceptible de procéder à un traitement automatisé de données et est autorisée à procéder à des investigations. En cas de manquements constatés aux obligations prévues par la loi du 6 janvier 1978, elle est elle-même habilitée à prononcer, après une procédure contradictoire, des avertissements, des mises en demeure, voire des sanctions à l’égard des responsables de traitement (article 45 de cette même loi).

384.En 2010, la CNIL a ainsi procédé à plus de 300 contrôles ayant donné lieu à 3 avertissements, 111 mises en demeure et 5 sanctions financières. Enfin, en cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés fondamentaux, le Président de la CNIL est habilité à saisir la juridiction par la voie de référé pour que le juge prononce toute mesure utile à mettre un terme à cette atteinte aux droits de l’homme.

C.L’accès aux données par les intéressés

385.La loi du 6 janvier 1978 prévoit expressément le droit de toute personne de s’opposer au traitement de données la concernant (article 38 de la loi) mais également l’exercice d’un droit d’accès pour toute personne sur laquelle des données sont recueillies (article 39 de cette même loi). Toute personne a également le droit de demander la modification des informations enregistrées dans l’hypothèse où ces dernières sont « inexactes, incomplètes, équivoques, périmées » (article 40 de la loi).

386.Les modalités d’exercice de ce droit sont aménagées s’agissant d’informations intéressant la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique. L’accès s’exerce par l’intermédiaire de la Commission nationale de l’informatique et des libertés qui désigne un magistrat d’une Cour suprême pour procéder aux investigations et procéder le cas échéant aux modifications nécessaires (article 41 de la loi). Cette procédure a pour objet de préserver la finalité de ces traitements sans toutefois priver les intéressés de leurs droits.

387.Pour informer les individus et faciliter leurs démarches, la CNIL a publié en 2010 un guide pratique consacré au droit d’accès aux données.

D.La limitation dans le traitement EDVIGE, des données enregistrées

388.Le traitement EDVIGE a été abandonné par le ministère de l’intérieur au profit de deux traitements distincts relatifs à la prévention des atteintes à la sécurité intérieure et aux enquêtes administratives (PASP et EASP), mis en œuvre par la police nationale. Pour sa part, la gendarmerie nationale utilise le traitement relatif à la gestion de l’information et la prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP). La création de ces fichiers a été soumise pour avis à la CNIL.

389.Les décrets n° 2009-1249 du 16 octobre 2009 et n° 2011-340 du 29 mars 2011 portant respectivement autorisation des traitements de prévention des atteintes à la sécurité publique et création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion de l’information et la prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP et GIPASP) apportent des garanties quant aux données collectées concernant les mineurs de 13 ans et plus. En effet, les mineurs ne peuvent figurer dans ces traitements qu’à condition que leur activité individuelle ou collective indique qu’ils peuvent porter atteinte à la sécurité publique. L’enregistrement de données les concernant se fonde donc nécessairement sur des agissements concrets.

390.Enfin, ces décrets ont instauré un magistrat référent qui concourt par ses recommandations au respect des garanties accordées aux mineurs. Ce magistrat s’assure notamment du respect des règles relatives à l’effacement des données.

E.La limitation, dans le fichier STIC, du traitement des données

391.Le système de traitement des infractions constatées (STIC) vise à faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs.

392.Créé par le décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001 modifié, le STIC a ensuite été encadré par l’article 21 de la loi du n 2003-239 du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure. Ces règles ont été récemment modifiées et enrichies par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), dont les dispositions ont été codifiées aux articles 230-6 à 230-11 du code de procédure pénale.

393.Peuvent être enregistrées dans ce fichier les données relatives aux personnes à l’encontre desquelles sont apparus, au cours d’une enquête préliminaire ou de flagrance ou d’une instruction, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission de crimes, de délits ou de contraventions de la cinquième classe.

394.Peuvent également y figurer, au terme de l’article 230-7 du code de procédure pénale et de l’article 2 du décret du 5 juillet 2001, des informations sur les victimes de ces infractions. Leur durée de conservation est au maximum de quinze ans, cette durée pouvant être prolongée, dans l’intérêt de ces victimes, jusqu’à la découverte des objets qui leur ont été dérobés, lorsque l’infraction porte sur des œuvres d’art, des bijoux ou des armes.

395.Ces mêmes victimes peuvent toutefois s’opposer à ce que les données à caractère personnel les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné. Elles sont également informées du droit d’accès prévu par l’article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

396.En outre, l’accès au STIC est restreint aux personnels individuellement désignés et spécialement habilités des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ainsi que les agents des douanes habilités à effectuer des missions de police judiciaire. De même, les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs peuvent y recourir pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis. Sous certaines conditions, les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet peuvent être autorisés à le consulter. Mais dans tous les cas, l’accès est limité à la seule connaissance de l’enregistrement de l’identité d’une personne en qualité de mis en cause, et non de victime.

397.Enfin, le STIC est placé sous le contrôle du procureur de la République, et la LOPSSI du 14 mars 2011 a accru le rôle de l’autorité judiciaire en instituant un magistrat spécialement désigné par le ministre de la justice et chargé de suivre la mise en œuvre et la mise à jour de ce fichier : ce magistrat peut agir d’office ou sur requête des particuliers, et dispose des mêmes pouvoirs d’effacement, de rectification ou de maintien des données personnelles que le procureur de la République.

398.L’ensemble de ces règles constitue des garanties suffisantes destinées à protéger le droit au respect de la vie privée dû aux victimes d’infractions pénales, dont l’identité est enregistrée dans le seul but de faciliter l’identification des auteurs de l’infraction pénale et par conséquent la réparation des préjudices de la victime. Pour autant, le rapport publié par la CNIL en 2009 avait relevé des insuffisances en matière de mises à jour de ce fichier, lesquelles avaient déjà été identifiées par le ministère de l’intérieur. En effet, alors que l’exactitude des données du fichier est largement tributaire des informations que doivent transmettre les parquets aux services de police sur les suites judiciaires, la transmission par les parquets de ces informations au gestionnaire du fichier, à savoir la police nationale, peut être défaillante. Une réponse définitive sera apportée dans les prochains mois aux problèmes de mise à jour du STIC, qui concernent également le fichier « système judiciaire de documentation et d’exploitation » (JUDEX) de la gendarmerie, grâce à l’entrée en service de traitement des procédures judiciaires (TPJ) qui regroupera STIC et JUDEX. En effet, l’alimentation de ce fichier d’antécédents judiciaires unique, créé par décret du 4 mai 2012, sera relié au fichier de suivi des procédures judiciaires du ministère de la justice, dénommé CASSIOPEE, qui transmettra automatiquement au fichier TPJ les informations sur les suites judiciaires.

399.En conclusion, les conditions de création et d’utilisation de tels fichiers, sous le contrôle d’une autorité administrative indépendante, la CNIL, et de l’autorité judiciaire permettent de garantir leur compatibilité avec les droits et libertés garanties par l’article 17 du Pacte. En outre, il est également important de rappeler que la compatibilité de tels fichiers avec l’article 17 du Pacte peut également être contestée devant les tribunaux à l’occasion d’un contentieux, que ce soit directement au regard des dispositions de l’article 17 du Pacte lui-même, ou encore de dispositions équivalentes (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales) ou encore par le biais de la question prioritaire de Constitutionnalité.

XIV.Recommandation figurant au § 23 des observations finales du Comité

400.Le Comité avait attiré l’attention du gouvernement français sur la loi de 2004 interdisant le port ostensible de signes religieux dans les établissements publics d’enseignement. Le gouvernement souhaite faire part au Comité des conditions dans lesquelles cette loi s’applique désormais depuis 8 ans en France.

401.L’invocation des articles 18 et 26 du Pacte l’amène également à présenter au Comité la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.

A.La loi de 2004 interdisant le port ostensible de signes religieux dans les établissements publics d’enseignement

1.Le dispositif législatif

402.La France est une République laïque, ainsi que le proclame l’article 1er de sa Constitution, au sein de laquelle il existe depuis 1905 une stricte séparation des Eglises et de l’Etat.

403.Le principe de laïcité vise à garantir la neutralité de l’Etat et à instaurer un espace public centré sur des valeurs démocratiques partagées : liberté de conscience, d’opinion et d’expression, égale dignité des personnes, cultures et religions, respect de l’autre. La loi du 15 mars 2004, qui interdit le port ostensible de signes religieux dans les établissements publics d’enseignement primaire et secondaire, décline ce principe de laïcité de deux façons.

404.En premier lieu, elle réaffirme la mission républicaine de l’école. Il revient, en effet, à celle-ci de « transmettre les valeurs de la République, parmi lesquelles l’égale dignité de tous les êtres humains, l’égalité entre hommes et femmes et la liberté de chacun, y compris dans le choix de son mode de vie. En préservant les écoles, les collèges et les lycées publics, qui ont vocation à accueillir tous les enfants, qu’ils soient croyants ou non croyants et quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques, des pressions qui peuvent résulter des manifestations ostensibles des appartenances religieuses, la loi garantit la liberté de conscience de chacun » (circulaire d’application du 18 mai 2004).

405.La loi ne remet d’ailleurs pas en cause les textes qui permettent de concilier, conformément aux articles L. 141-2, L. 141-3 et L. 141-4 du code de l’éducation, l’obligation scolaire avec le droit des parents de faire donner, s’ils le souhaitent, une instruction religieuse à leurs enfants.

406.La circulaire d’application précitée rappelle également que : « parce qu’elle repose sur le respect des personnes et de leurs convictions, la laïcité ne se conçoit pas sans une lutte déterminée contre toutes les formes de discrimination. Les agents du service public de l’éducation nationale doivent faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grand fermeté à l’égard de toutes les formes de racisme ou de sexisme, de toutes les formes de violence faites à un individu en raison de son appartenance, réelle ou supposée, à un groupe ethnique ou religieux (…).»

407.En second lieu, la loi du 15 mars 2004 protège l’unité de la communauté scolaire contre la montée des communautarismes religieux. Sont ainsi interdits toutes les tenues et tous les signes qui conduisent à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse. Celle loi ne stigmatise cependant aucune confession particulière et ne liste pas les signes religieux interdits. En outre, l’interdiction qu’elle pose n’est pas systématique. La circulaire d’application se borne à citer des exemples de signes et tenues interdits, tels que « le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix aux dimensions manifestement excessives ». Les « signes religieux discrets », comme « les accessoires et les tenues portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse », sont en revanche autorisés.

408.La loi s’applique à tous les élèves des écoles, collèges et lycées publics. En revanche, les élèves des écoles, collèges et lycées privés, les apprentis (qui relèvent du code du travail) ainsi que les étudiants ne sont pas concernés par ce texte.

2.La mise en œuvre de la loi

409.Le législateur a souhaité donner la priorité à la pédagogie et au dialogue. Il privilégie ainsi le pragmatisme et laisse aux acteurs de terrain la responsabilité de faire respecter la loi et de sanctionner ses éventuels contournements. Ainsi, est d’abord instaurée une phase préalable de dialogue avec l’élève contrevenant, qui doit être organisée et conduite par le chef d’établissement, en liaison avec l’équipe de direction et les équipes éducatives. C’est seulement à l’issue de cette phase que peut être engagée, si nécessaire, une procédure disciplinaire. Enfin, si le conseil de discipline prononce une décision d’exclusion, l’autorité académique examine avec l’élève et ses parents les conditions dans lesquelles l’élève poursuivra sa scolarité.

410.En effet, les élèves exclus ne sont pas pour autant privés d’un accès à l’éducation et à la formation. En application de l’article 5 du décret n° 85-1348 du 18 décembre 1985, ils doivent être signalés au recteur ou à l’inspecteur d’académie en vue de leur inscription dans un autre établissement ou un centre public d’enseignement par correspondance (article L. 131-2 du code de l’éducation). Ceux qui ne sont pas soumis à l’obligation scolaire peuvent également s’inscrire au centre national d’enseignement à distance pour poursuivre leur scolarité. En tout état de cause, les élèves ont toujours la possibilité de suivre un enseignement privé, éventuellement confessionnel, au financement duquel participent les collectivités locales, sur des fonds publics.

411.Conformément aux dispositions de la loi, une évaluation de son application a été établie un an après son entrée en vigueur, en juillet 2005. Dans ce cadre, les craintes liées à l’exclusion de certaines jeunes filles du système éducatif ont été démenties par les faits. Ainsi, au cours de l’année scolaire 2004-2005, seuls 39 élèves, dont 36 filles, ont été exclus définitivement, les autres cas ayant trouvé une solution par le dialogue.

412.Depuis 2005, la loi a été appliquée sereinement : les académies n’ont eu connaissance que de quelques cas isolés d’élèves se présentant avec un signe religieux ostensible. À l’occasion des rentrées 2008 et 2009, aucune procédure disciplinaire n’a été mise en œuvre, et aucun contentieux nouveau n’a été signalé au titre de la rentrée scolaire 2009-2010.

413.Ces chiffres sont le signe que les principes de la loi ont été bien acceptés par les élèves et leurs familles.

414.La compréhension du sens de la loi par l’immense majorité des élèves et des familles est, de plus, attestée par le fait que le médiateur de l’éducation nationale indique n’avoir jamais été saisi sur ce point.

415.Depuis l’entrée en vigueur de la loi, 33 jugements de tribunaux administratifs sont intervenus sur le fond et ont tous rejeté les demandes d’annulation dirigées contre les décisions d’exclusion définitive prises en application de la loi. Aucun jugement n’est actuellement pendant devant ces juridictions.

416.La Cour européenne des droits de l’Homme s’est prononcée par une décision en date du 30 (requête n° 14208/08 Bayrak c. France) sur l’interdiction du port des signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires français, à l’occasion d’une affaire relative à l’exclusion d’élèves français de confession sikh. Elle a confirmé que les restrictions prévues par la loi du 15 mars 2004 étaient justifiées par le principe constitutionnel de laïcité et conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

417.La loi du 15 mars 2004, destinée avant tout à contribuer à la neutralité et la laïcité des lieux d’éducation est ainsi entièrement compatible avec les articles 18 et 26 du Pacte.

B.Présentation de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public

418.La loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public marque la volonté de la représentation nationale de réaffirmer solennellement les valeurs de la République et les exigences du vivre ensemble. Les valeurs de la République - la liberté, l’égalité, la fraternité – sont le socle du pacte social ; elles garantissent la cohésion de la Nation ; elles fondent le respect de la dignité des personnes et de l’égalité entre les hommes et les femmes.

1.Les dispositions de la loi

419.L’article 1er de la loi énonce que « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». La loi sanctionne également le fait de contraindre un tiers à dissimuler son visage.

420.Les tenues destinées à dissimuler le visage sont celles qui rendent impossible l’identification de la personne. Sont notamment interdits, le port de cagoules, de voiles intégraux (burqa, niqab, etc.), de masques ou de tout autre accessoire ou vêtement ayant pour effet de dissimuler le visage.

421.L’article 2 de la loi prévoit plusieurs exceptions à l’interdiction de la dissimulation du visage. Restent autorisés : les protections du visage utilisées pour des raisons de santé, les protections du visage utilisées à titre professionnel ou dans le cadre de pratiques sportives, les tenues obligatoires (comme les casques pour les utilisateurs de deux roues), la dissimulation du visage à l’occasion des manifestations traditionnelles telles que les carnavals ou les processions, le port de vêtements ou d’accessoires n’ayant pas pour but de masquer intégralement le visage demeure possible (lunettes de soleil, chapeaux, voiles etc.).

422.L’espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public. L’interdiction ne s’applique pas aux lieux de culte ouverts au public. La loi n’a donc pas pour conséquence de restreindre la liberté religieuse en régissant les tenues lors des cérémonies religieuses dans les lieux de culte.

423.La loi a créé, d’une part, la contravention liée à la dissimulation intentionnelle de son visage dans l’espace public et, d’autre part, un délit sanctionnant le fait d’imposer à une personne, en raison de son sexe, la dissimulation de son visage.

424.Une personne qui dissimule son visage dans l’espace public peut faire l’objet d’une contravention d’un montant maximum de 150 €. À la place ou en plus de cette amende, le juge peut prononcer l’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté. Une personne qui contraint une autre à dissimuler son visage dans l’espace public commet un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Ces peines sont doublées si la personne contrainte est mineure.

425.La loi en date du 11 octobre 2010 a prévu un délai de six mois entre son vote et son application qui a permis de poursuivre une démarche de pédagogie et de persuasion auprès des personnes concernées, afin de promouvoir l’adhésion aux règles essentielles du pacte républicain, au premier rang desquelles figurent l’égalité et la dignité.

426.Entre le 11 avril 2011, date à laquelle la loi est entrée en application, et le 11 avril 2012, 354 contrôles ont été effectués et ont donné lieu à 299 verbalisations. Les forces de sécurité sont soucieuses d’appliquer cette loi avec humanité et professionnalisme sous le contrôle du juge judiciaire, auquel il appartient de se prononcer sur les infractions constatées.

427.L’application de la loi sur la dissimulation du visage dans l’espace public s’effectue, dans la très grande majorité des cas et sur l’ensemble du territoire de la République, sans recours à la contrainte et sans occasionner de trouble à l’ordre public. On soulignera d’ailleurs que les services de police ou de gendarmerie, dans le cadre de l’application de la loi du 11 octobre 2010, n’ont pas le pouvoir de contraindre une contrevenante à ôter son voile.

428.Il est important de rappeler que la loi du 11 octobre 2010 n’interdit pas la manifestation de son appartenance religieuse, y compris dans les espaces publics, par tout autre moyen, y compris vestimentaire. La prohibition ne porte que sur une dissimulation intégrale du visage dans un espace public.

2.Motifs ayant conduit à l’adoption de cette loi

429.Si la dissimulation volontaire et systématique du visage pose problème, c’est parce qu’elle est tout simplement contraire aux exigences fondamentales du « vivre ensemble » dans la société française. La défense de l’ordre public ne se limite pas à la préservation de la tranquillité, de la salubrité ou de la sécurité. Elle permet également de prohiber des comportements qui iraient directement à l’encontre de règles essentielles au contrat social républicain, qui fonde la société française.

430.Les exigences minimales de la vie en société impliquent que, dès lors que l’individu est dans un lieu public au sens large, c’est-à-dire dans lequel il est susceptible de croiser autrui de manière fortuite, il ne peut ni renier son appartenance à la société, ni se la voir déniée, en dissimulant son visage au regard d’autrui au point d’empêcher toute reconnaissance. Nul échange entre les personnes, nulle vie sociale n’est, en effet, possible, dans l’espace public, sans une visibilité entre les citoyens. La vie en société implique des modalités d’interaction et d’échange qui laissent apparaitre le visage de l’autre et permettent de s’adresser à lui dans son identité spécifique et reconnaissable. Des démarches courantes supposent, en effet, d’identifier les individus, par exemple, à la sortie des écoles lorsqu’un parent vient chercher son enfant, dans les bureaux de poste pour la remise d’un pli, dans les bureaux de vote ou encore pour régler un achat dans un commerce.

431.Par ailleurs, les personnes concernées sont placées dans une situation d’exclusion incompatible avec les principes de liberté, d’égalité entre l’homme et la femme et de dignité humaine tels que conçus dans la République française. En effet, le port d’un voile intégral empêche les femmes d’exercer certaines activités à l’égal des hommes. Ainsi, la recherche et l’exercice d’un emploi, suppose, dans la société française, de montrer son visage afin d’être identifié par son employeur, des clients ou le public. De plus, tout emploi dans la fonction publique est proscrit pour une femme refusant de dévoiler son visage pour des motifs religieux.

432.Par conséquent, le port d’un voile intégral entraîne une exclusion sociale des femmes qui le portent volontairement ou non, et crée une situation d’inégalité vis-à-vis des hommes. La loi tend donc à rétablir une égalité de fait entre les hommes et les femmes. Il est à noter que d’ailleurs le projet avait eu le soutien de nombreuses associations de défense des droits des femmes à l’occasion de sa discussion devant le Parlement national.

433.L’interdiction du port d’un voile intégral est également justifiée par des considérations d’ordre public. Les exigences de sécurité publique justifient de prescrire, en public, des tenues permettant l’identification des personnes. Tout citoyen, dans la société française, doit pouvoir être identifié en cas de besoin, afin de prévenir, par exemple, la survenance de comportements délictueux.

XV.Recommandation figurant au § 24 des observations finales du Comité

434.La lutte contre le racisme et l’antisémitisme est un objectif constant du gouvernement français.

435.La loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe a chargé la CNCDH de remettre annuellement un rapport sur la lutte contre le racisme. Ces rapports sont un véritable outil de méthode et de capitalisation des bonnes pratiques en matière de lutte contre le racisme et de suivi de la politique menée depuis 1990.

436.En 2003 a été créé le Comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, présidé par le Premier Ministre et composé du ministre chargé de la sécurité intérieure, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre des affaires étrangères, du ministre chargé des affaires sociales, du ministre chargé de la jeunesse, du ministre chargé de l’éducation nationale et le ministre chargé de la ville. Ce Comité est chargé de définir les orientations de la politique menée pour lutter contre les actes et agissements d’inspiration raciste ou antisémite. Il veille à la cohérence et à l’efficacité des actions engagées par les différents ministères, tant pour prévenir ces actes et agissements que pour assurer l’exemplarité des sanctions lorsqu’ils se produisent. Cette structure a été renforcée en 2012 par l’institution d’un délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

437.Sur le plan de la prévention, l’école est le lieu de l’apprentissage des valeurs républicaines, à travers la vie scolaire ou à travers des actions éducatives spécifiques.

438.Sur le plan de la répression, la France dispose d’un arsenal juridique pénal étendu et les propos ou actes à caractère raciste ou antisémites font l’objet d’une politique pénale stricte.

439.Le Défenseur des droits, autorité administrative indépendante, qui a succédé à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, joue un rôle central dans la lutte contre toutes les discriminations, y compris celles fondées sur la xénophobie.

440.La France s’est par ailleurs engagée pour la période 2012-2014 dans un plan d’envergure de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

A.Les actions éducatives

441.Le combat pour les valeurs d’égalité, de liberté et de respect d’autrui est au cœur de l’engagement de l’État républicain.

442.La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 rappelle d’ailleurs, dans son article 2, que : « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe pour mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre […] d’exercer sa citoyenneté. »

443.La transmission par le système éducatif des valeurs de la République (liberté, égalité, fraternité, laïcité, refus de toutes les discriminations) à travers les grands textes qui la fonde et l’apprentissage de l’éducation civique visant à dépasser les préjugés et favoriser l’autonomie du futur citoyen.

444.Elle se fait à tous les niveaux de scolarisation :

à l’école primaire, les élèves sont amenés à réfléchir sur l’estime de soi, l’interdiction absolue des atteintes à la personne d’autrui ;

au collège, l’éducation civique s’organise autour des notions de la personne humaine et du citoyen, pour préparer les élèves à se comporter en personnes responsables. En cinquième, par exemple, le thème « Différents mais égaux, égalité de droits et discriminations » permet d’identifier différentes formes de discriminations et d’en montrer les conséquences ;

au lycée, l’éducation civique juridique et sociale aborde les notions constitutives des droits de l’Homme.

445.L’éducation à la citoyenneté implique également des mesures éducatives et de prévention pour sensibiliser les élèves et d’autre part la condamnation et la sanction ferme et systématique de tout acte raciste, antisémite et xénophobe.

446.Les actions entreprises dans les académies et les établissements scolaires sont notamment menées en partenariat avec les collectivités territoriales et des associations agréées.

447.Une convention entre la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) et le ministère de l’éducation nationale a été signée en ce sens et renouvelée en juillet 2011. La nouvelle convention triennale est l’occasion pour la LICRA de s’engager autour de trois nouveaux axes :

exécution des nouvelles mesures de responsabilisation pour les élèves auteurs d’actes racistes, antisémites ou de nature discriminatoire ;

actions de médiation au sein des établissements scolaires qui en font la demande, confrontés à des situations de racisme, d’antisémitisme ou de nature discriminatoire ;

élaboration et expérimentation d’un module sur les risques d’Internet en matière d’incitation à la haine raciale.

448.La brochure «Agir contre le racisme et l’antisémitisme», a été diffusée dans tous les établissements scolaires. Elle présente les nombreuses initiatives, ressources et dispositifs qui sont au service des acteurs de l’éducation dans le domaine de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elle donne des exemples concrets d’action.

449.La HALDE, dont les missions sont désormais assurées par le Défenseur des droits, a mis en ligne un outil de formation, en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale. Ce site d’apprentissage sur internet de la HALDE permet, sur l’ensemble des discriminations, de ;

tester ses connaissances dans un établissement virtuel,

trouver des ressources adaptées.

450.En outre, des actions ponctuelles sont menées au sein des établissements scolaires en collaboration avec les organisations de droits de l’homme. Tel est le cas à l’occasion des journées de sensibilisation sur des thèmes spécifiques (Journée mondiale des droits de l’enfant le 20 novembre, la Journée mondiale pour l’abolition de l’esclavage le 2 décembre, la Journée mondiale des droits de l’homme le 10 décembre, la Journée mondiale des droits de la femme le 8 mars et la Journée mondiale de lutte contre le racisme le 21 mars). Des « semaines d’éducation contre le racisme » sont organisées par un collectif de 24 organisations dans le but d’impliquer les enfants et les jeunes adultes dans la lutte contre le racisme. Un concours (prix des droits de l’homme René Cassin), ouvert aux collégiens et aux lycéens, organisé par le ministère de l’éducation nationale et la CNCDH, vise à récompenser les meilleurs projets d’éducation à la citoyenneté. Dans le cadre des « Itinéraires de citoyenneté », l’association Citoyenneté et démocratie (Cidem) organise également des actions de sensibilisation et met des ressources pédagogiques à disposition des enseignants et des élèves qui s’investissent dans ces manifestations.

B.La répression pénale des propos ou des actes à caractère racistes ou antisémites

451.La France dispose d’un arsenal juridique très étendu et qui s’est progressivement renforcé en vue de réprimer les actes et les propos à caractère racistes ou antisémites :

la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme réprime notamment la provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée;

la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe et crée en particulier, le délit de contestation de crime contre l’humanité ;

le nouveau code pénal, entré en application le 1er mars 1994, a créé de nouvelles infractions et renforcé la répression des délits racistes (les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement) ;

la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations étend le droit de la non discrimination à l’ensemble de la relation de travail, y compris dans la fonction publique, tout en renforçant les possibilités d’intervention juridique des syndicats de salariés et des associations.

la loi n°2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe ;

la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité précise cette circonstance aggravante quand l’infraction est “précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes” racistes ou antisémites ;

la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances donne en particulier une base légale aux tests à l’improviste (“testing”), pratique déjà admise par la jurisprudence. Elle renforce les pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ;

la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations précise les notions de discrimination directe et indirecte et étend à l’ensemble des domaines de discrimination la procédure selon laquelle il appartient à la partie défenderesse, mise en cause sur la base de faits laissant présumer une discrimination, de faits laissant présumer une discrimination, de prouver avec des éléments objectifs que la mesure qu’elle a prise n’est pas discriminatoire.

452.La mise en œuvre de ces lois fait l’objet de directives du Garde des Sceaux.

453.Ainsi, par dépêche du 5 mars 2009, la Garde des Sceaux a demandé aux procureurs généraux d’étendre la compétence des pôles anti-discriminations à tous les actes commis à raison de l’appartenance de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ou de son orientation sexuelle. L’objectif visé était double. Il s’agissait, d’une part, de confier à un magistrat spécialisé le traitement de l’ensemble des infractions à caractère raciste ou xénophobe, certaines d’entre elles présentant des spécificités procédurales nécessitant une expertise particulière. Cela visait d’autre part, à favoriser les échanges entre les parquets, les associations et les représentants des communautés religieuses, cet échange étant essentiel pour apporter des réponses pertinentes aux faits à caractère raciste ou xénophobe.

454.Par dépêche du 27 juin 2012, la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a rappelé aux parquets généraux l’importance de la lutte contre les actes racistes et antisémites, invitant le ministère public à, notamment :

donner aux services d’enquêtes toutes instructions permettant d’identifier et d’interpeller les auteurs de tels faits,

remplir les états statistiques élaborés en 2007 par le ministère de la Justice, et les adresser avant le 20 juillet prochain pour ce qui concerne le 1er semestre 2012,

informer les victimes des suites judiciaires réservées à la procédure,

renforcer les relations entre le magistrat-référent du parquet et les associations juives et musulmanes.

455.Les données statistiques traduisent depuis 2007 une certaine constance du nombre des condamnations prononcées pour des infractions racistes.

Nombre de condamnations prononcées pour des infractions liées au racisme, à l’antisémitisme ou aux discriminations

Nombre de condamnations prononcées pour des infractions liées au racisme, à l ’ antisémitisme ou aux discriminations

2007

2008

2009

2010*

Nombre de condamnations comprenant une infraction en matière de racisme

577

682

579

567

Nombre de condamnations prononcées à titre principal pour une infraction en matière de racisme

423

469

397

397

Nombre de condamnations prononcées uniquement pour une infraction en matière de racisme

306

344

288

298

(*)Les données 2010 sont provisoires

C.Le Défenseur des droits

456.Cette institution indépendante a été présentée en introduction du présent rapport. Habilitée à recevoir des réclamations individuelles, elle contribue concrètement à lutter contre les mesures discriminatoires et à créer les conditions d’une égalité concrète, en ne se limitant pas à lutter contre les discriminations une fois qu’elles sont intervenues mais en anticipant pour permettre de les identifier et de les prévenir.

457.450 délégués du Défenseur des droits, présents sur l’ensemble du territoire national, sont à la disposition du public pour recueillir leurs réclamations. 12 467 réclamations ont ainsi été déposées en 2010 auprès de la HALDE, dont 27 % portaient sur des discriminations alléguées fondées sur l’origine. En 2011, la HALDE, puis le Défenseur des droits ont reçus 8 503 réclamations, dont 23,5 % portaient sur des discriminations alléguées fondées sur l’origine.

458.Le Défenseur des droits peut en outre se saisir d’office de discriminations dont il a connaissance. Pour mettre un terme aux discriminations qu’il a identifiées, le Défenseur des droits peut recourir à la médiation, mais il dispose également du pouvoir d’assister les requérants devant les tribunaux, d’intervenir dans les contentieux en cours devant les juridictions et d’informer le Procureur de la République de faits constitutifs d’un crime ou d’un délit.

459.Cette autorité administrative indépendante entreprend également des actions tendant à promouvoir l’égalité dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’éducation et de l’accès aux biens et aux services, publics et privés en sensibilisant les acteurs concernés (employeurs, bailleurs...). Elle formule des propositions de modifications législatives ou réglementaires et des recommandations aux autorités publiques comme privées. Enfin, elle conduit et coordonne des travaux d’études et de recherche.

D.Le plan national d’action contre le racisme et l’antisémitisme 2012-2104

460.La France a rendu public, le 15 février 2012, un « Plan national d’action contre le racisme et l’antisémitisme 2012-2014 » qui traduit l’engagement résolu du Gouvernement à combattre toutes les formes de discriminations en raison des origines. Le Plan prévoit en particulier :

un renforcement de l’action répressive sur la base du dispositif pénal rigoureux dont la France s’est doté,

une amélioration de la connaissance de ces phénomènes, notamment sur Internet,

et une meilleure prise en compte de ces questions dans les politiques sociales, éducatives, culturelles et sportives,

une meilleure intégration à l’égard des personnes immigrées et une promotion de l’égalité des chances à l’égard des populations défavorisées.

461.Pour assurer la cohérence de l’action gouvernementale dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, il a été confié à un délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, chargé de mettre en œuvre le plan d’action, la mission d’animer au quotidien le travail interministériel et la cohérence de l’action de l’Etat sur le terrain. Il s’est vu également confier un rôle d’impulsion, de proposition et d’évaluation.

462.Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies, a, par une lettre du 9 mars 2012, félicité la France pour l’adoption de ce plan.

XVI.Recommandation figurant au § 25 des observations finales du Comité

463.La lutte contre la discrimination raciale dans l’emploi et l’égal accès à l’emploi des personnes quelles que soient les origines nationale, raciale ou ethnique demeurent une préoccupation des pouvoirs publics français, qui agissent tant vis-à-vis de l’emploi privé que de l’emploi public.

464.De nombreuses lois tendent à réprimer toute forme de discrimination dans l’emploi (article 225-1 et 2 du Code pénal, articles L1132-1 et suivants du Code du travail, articles 6 et suivants de la loi n°83-634 sur la fonction publique et de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations) .

465.Des actions spécifiques ont été entreprises pour favoriser l’accès à l’emploi de tous tant vis à vis des employeurs du secteur privé que des employeurs relevant du secteur public.

A.L’anonymisation des CV

466.A la suite à l’adoption de l’article 24 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, a été inséré dans le code du travail un nouvel article L. 1221-7, qui dispose que dans les entreprises de cinquante salariés et plus, les informations communiquées par écrit par le candidat à l’emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat.

467.Une expérimentation, mise en place début 2009 dans une centaine de grandes entreprises, s’est heurtée à de nombreuses difficultés pratiques, et le rapport réalisé par une équipe de chercheurs du Centre de Recherche en Economie et Statistique/ J-PAL Europe/ Ecole d’économie de Paris en collaboration avec Pôle emploi, issu de cette expérimentation précise que « le CV anonyme agit certes contre la tendance des recruteurs à sélectionner les candidats du même sexe ou du même âge qu’eux ; mais comme on trouve des recruteurs des deux sexes et des recruteurs plus ou moins jeunes, les phénomènes d’homophilie se compensent d’un recruteur à l’autre et l’anonymisation du CV n’améliore pas, en moyenne, les chances ni des femmes, ni des seniors. Surtout, le CV anonyme dégrade les perspectives des candidats issus de l’immigration ou résidant en ZUS-[zone urbaine sensible]-CUCS-[contrat urbain de cohésion sociale]. La généralisation du CV anonyme ne semble donc pas se justifier. En revanche, les résultats sur l’homophilie ouvrent des pistes pour les entreprises allant de la sensibilisation de leurs recruteurs contre cette discrimination cachée à la diversification des personnes en charge de sélectionner les CV. »

468.Ce bilan, dont le Gouvernement a pris connaissance, confirme les difficultés de mise en œuvre des dispositions de l’article L.1221-7 du code du travail. Une nouvelle phase de réflexion et de concertation s’ouvre sur cette base pour éclairer les choix qui devront être faits pour que l’outil que constitue le CV anonyme soit pleinement adapté à son objet.

B.Le label diversité

469.La création du « Label diversité », annoncée par le Président de la République dans un discours prononcé à l’Ecole Polytechnique le 17 décembre 2008, vise à promouvoir la diversité et la prévention des discriminations dans le cadre de la gestion des ressources humaines. A cette fin, il entend valoriser les meilleures pratiques en matière de recrutement et d’évolution professionnelle non seulement au sein des entreprises, mais encore dans les services publics, les collectivités territoriales et les associations engagés de façon volontaire et active dans la promotion de la diversité.

470.Il s’adresse à tous les employeurs, publics comme privés, quelle que soit leur taille. Il concerne leur politique de recrutement et de gestion des carrières. Il porte sur la prévention de toutes les discriminations reconnues par la loi et donc notamment l’origine des personnes et leur religion.

471.Le Label, propriété de l’Etat, est délivré en son nom par un organisme tiers, AFNOR-Certification, sur avis d’une commission de labellisation de 20 membres (représentants de l’Etat, du patronat, des syndicats, et experts désignés par l’association nationale des directeurs des ressources humaines) présidée par le directeur de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté.

472.En mars 2011, au terme de 2 ans d’existence, les résultats témoignent de l’intérêt rencontré par le « Label diversité ». 255 labels ont été attribués à des entreprises privées et publiques ou à des organismes publics. Il concerne plus de 15 000 sites de travail et près de 770 000 salariés.

C.La Charte pour la promotion de l’égalité et de la diversité

473.La démarche de promotion de l’égalité et de la diversité sociale dans la fonction publique s’illustre notamment par la signature de la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique signée, le 2 décembre 2008, par les ministres en charge de la fonction publique et le Président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, devenue Défenseur des droits par la loi organique n°2011-334 du 29 mars 2011.

474.Cette Charte, applicable aux trois versants de la fonction publique (d’Etat, territoriale, hospitalière), constitue un engagement moral fort dans le sens des valeurs qui doivent guider l’action des administrations et des agents qui les composent : égalité, laïcité, impartialité et neutralité, principe de non discrimination. Dans son contenu, ce texte s’articule autour de cinq grands thèmes qui couvrent les grands domaines de la carrière, des recrutements aux parcours professionnels et à la formation. Dans chacun de ces domaines, la Charte formule des engagements qui appellent des traductions concrètes, dont certaines correspondent à des orientations déjà définies ou en cours de réalisation. Par exemple, les ministres ont été invités à prévoir, dans les formations destinées à professionnaliser les jurys de concours, des modules complémentaires de sensibilisations aux questions relatives à la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité.

475.La Charte prévoit également que son suivi sera assuré au sein d’instances de dialogue social comme le Conseil commun de la fonction publique. Trois rapports ont été élaborés depuis lors : ceux-ci comprennent une synthèse des bonnes pratiques ministérielles ainsi que des voies d’amélioration en matière de promotion de l’égalité. Des points d’actualité sont également effectués dans le cadre des conférences annuelles de gestion prévisionnelle des ressources humaines et lors des réunions du réseau des correspondants « égalité des chances » du gouvernement. Des formations sur la prévention des discriminations et la promotion de l’égalité, organisée conjointement par le gouvernement et le Défenseur des droits, à l’attention des correspondants « égalité des chances » et des praticiens des ressources humaines des ministères, se sont déroulées en 2010 et 2011.

D.Le parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de de l’Etat (PACTE)

476.Le PACTE, dispositif de formation par alternance, permet à des jeunes de 16 à 25 ans révolus sortis du système scolaire sans qualification ni diplôme ou sans avoir obtenu le baccalauréat, d’être recrutés dans les corps et cadres d’emplois de la catégorie C, via un contrat de droit public donnant vocation à être titularisé. Destiné à des jeunes qui se sont éloignés du système éducatif, il vise à lutter contre le phénomène des surdiplômés et à réaliser la meilleure adéquation possible entre le profil des jeunes bénéficiaires et les emplois proposés. Depuis sa mise en œuvre (début 2006), cette nouvelle voie a permis environ 3000 recrutements, et représenté, suivant les années, de 8 à 16 % des offres de recrutement externes en catégorie C (corps administratif et technique) au sein de la fonction publique de l’Etat. Le taux de titularisation des agents est de 70 à 75 % en moyenne.

E.Les soutiens spécifiques à la préparation aux concours et examens d’accès à la fonction publique

477.Des allocations pour la diversité sont attribuées à des étudiants et des demandeurs d’emploi pour les aider à préparer des concours de la fonction publique. Depuis le début de la mise en œuvre du dispositif, 5500 allocations de 2000€ ont été versées au total (septembre 2007/septembre 2011). A la suite des déclarations du Président de la République, à l’Ecole Polytechnique, le 17 décembre 2008, plusieurs ministres ont décidé de mettre en place des classes préparatoires intégrées (CPI) dans leurs écoles d’application. A ce jour, ces classes sont au nombre de vingt-six (Ecole nationale supérieure de police, Ecole nationale de la magistrature, Ecole nationale d’administration, instituts régionaux d’administration, Ecole des hautes études de santé publique, Ecole nationale des greffes…) et affichent des taux de réussite aux concours de la fonction publique supérieurs à 50 % (toutes écoles et toutes administrations confondues). Enfin, la révision générale du contenu des concours destinées à moderniser, simplifier et améliorer le dispositif de recrutement dans la fonction publique et permettre une sélection des candidats moins académique, moins centrée sur les connaissances, mais davantage sur les compétences, les aptitudes et ouverte à la diversité des profils se poursuit à un bon rythme. Depuis 2008, 420 voies de recrutement ont été réformées.

478.Parallèlement, la création et le développement de la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle, instituée par la loi de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007, permet une valorisation des compétences acquises par l’agent dans son parcours professionnel. Ce dispositif conduit à remplacer une épreuve de concours par de nouvelles modalités de sélection permettant au candidat de faire valoir ses compétences et savoir-faire professionnels. Celle-ci a été introduite dans 128 épreuves (chiffre fin 2011).

479.L’ensemble des ces mesures traduit une action volontariste du gouvernement français pour permettre de garantir l’égalité des chances des candidats à un emploi et favoriser la diversité au sein des entreprises privées comme de la fonction publique de l’Etat.

F.Le guide méthodologique visant à aider les entreprises à identifier d’éventuelles discriminations en leur sein

480.La CNIL et le Défenseur des droits, autorités administratives indépendantes, ont élaboré un guide méthodologiquevisant à aider les employeurs privés et publics à identifier les éventuelles discriminations dans le respect des lois relatives au traitement des données et de l’article 17 du Pacte. Ce guide, diffusé à compter du 11 mai 2012, constitue un outil à l’usage des acteurs de l’emploi qui souhaitent s’engager dans la mise en œuvre d’indicateurs fiables permettant de prévenir les discriminations et évaluer leurs actions en faveur de l’égalité de traitement sans enfreindre les règles en matière de collecte et de traitement de données sensibles.

XVII.Recommandation figurant au § 26 des observations finales du Comité

A.La représentation de la diversité en politique

481.En vertu des articles 3 et 88-4 de la Constitution, les élus du suffrage universel sont des citoyens français ou, dans certains cas, des ressortissants des Etats membres de l’Union européenne, jouissant de leurs droits civils et politiques, et dont l’origine ne constitue pas un critère pertinent de qualification. Une et indivisible, la République française ne reconnaît que ces éléments et laisse au suffrage universel le soin de déterminer ceux des citoyens qui seront appelés à siéger à l’Assemblée nationale. Aucune mesure de nature à favoriser l’accès d’une quelconque catégorie confessionnelle ou ethnique n’existe. L’édiction de telles mesures serait en rupture avec la tradition constitutionnelle de la France et le droit constitutionnel positif rappelé ci-dessus, les origines ethniques ou confessionnelles s’effaçant devant la citoyenneté.

482.Les principaux partis politiques font état de mesures prises en leur sein afin de présenter des candidats aux élections représentatives de la diversité de la société française.

483.Si aucune mesure statistique relative à la représentation de minorités n’est réalisée en France pour les raisons exposées ci-dessus (cf supra réponse à la recommandation du §11 des observations finales du Comité), le Haut Conseil à l’intégration, créé en 1989et dont la mission est en particulier de « donner son avis et de faire toute proposition utile, à la demande du Premier ministre sur l’ensemble des questions relatives à l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère » a mené deux études sur la base des patronymes des élus municipaux et régionaux afin de mesurer la diversité des origines géographiques des élus. Il a pu constater à cette occasion que bien que faible, la proportion des élus d’origine extra-européenne avait fortement augmentée entre 2001 et 2008 s’agissant des élections municipales et 2004 et 2010 s’agissant des élections régionales. Cette tendance tend à démontrer que les Français issus de l’immigration trouvent progressivement leur place au sein de la représentation politique.

Pourcentage d’élus issus de l’immigration extra européenne

Elections municipales

2001

3,2 %

2008

6,7 %

Evolution 2001-2008

+110 %

Elections régionales

2004

2,8 %

2010

5 %

Evolution 2004-2010

+79 %

Source : Haut Conseil à l’intégration – Etude : les élus issus de l’immigration dans les conseils régionaux (2004-2010).

B.La représentation de la diversité au sein des forces de l’ordre et des services du ministère de la Justice

484.Outre les mesures générales rapportées ci-dessus (cf réponse à la recommandation du § 25 des observations finales du Comité) et visant à assurer l’égal accès à l’emploi, des actions spécifiques ont été prises pour diversifier le recrutement des forces de l’ordre. Ces actions visent à apporter de l’aide à ceux qui disposent de la motivation et des qualités requises pour devenir membre des forces de l’ordre ou du personnel de la Justice, mais ne possèdent ni les relations, ni les moyens financiers de se préparer par eux-mêmes au concours.

1.Les forces de l’ordre

a)Les adjoints de sécurité (ADS).

485.En 1997, ont été institués les adjoints de sécurité (ADS) qui sont des jeunes, de 18 à 25 ans révolus, admis dans la police nationale par décision des préfets sur avis d’une commission de sélection (étude des dossiers et entretien). Les ADS sont recrutés sur contrat de droit public de 5 ans non renouvelable et rémunérés au SMIC plus une indemnité. Ils sont agents de police judiciaire adjoints et exercent des missions de protection générale de la population ou de lieux sensibles, d’accueil du public ou de soutien. Ils peuvent seconder les Officiers de Police Judiciaire (OPJ) en participant à des enquêtes et constater certaines infractions à la loi pénale.

486.Ils sont encouragés à se présenter au 2ème concours de gardien de la paix, institué spécialement car ce concours ne nécessite pas d’être titulaire du baccalauréat et fait une large part à la motivation et à l’expérience professionnelle. Par ailleurs des dispositions sont prises pour favoriser l’insertion professionnelle de ceux qui ne souhaitent pas intégrer la police à l’issue de leur contrat.

487.Entre 1997 et fin 2010, plus de 50.000 ADS ont été recrutés. Sur les 40.000 ADS ayant quitté le dispositif, 71 % ont trouvé une insertion professionnelle durable : 54 % dans la police, essentiellement comme gardiens de la paix, 7 % dans d’autres métiers de la fonction publique et 10 % dans le privé. Ce dispositif est très efficace pour accueillir des personnes de toute origine sociale et de faible qualification initiale. Il faut noter que 10 % des ADS sont issus des zones urbaines sensibles, qui ne regroupent que 7 % de la population, et que 36 % sont des femmes alors que celles-ci ne représentent que 17 % du corps d’encadrement et d’application (qui comprend les gardiens de la paix et les gradés).

b)Les cadets de la République

488.Créée en 2004, l’institution des cadets de la République a pour objectif de donner aux jeunes une meilleure connaissance de la police nationale et d’en diversifier le recrutement vers des jeunes de toute origine, moins diplômés mais très motivés. Âgés de 18 à 25 ans, les cadets sont sélectionnés, sans condition de diplôme, par une commission mixte police nationale-éducation nationale. Ils ont le statut d’ADS et perçoivent une allocation d’études de 600 € par mois. Ils suivent pendant 12 mois une formation en alternance. A l’issue, ils présentent le 2ème concours de gardien de la paix et, s’ils ne sont pas reçus, conservent le statut d’ADS qui leur permet de concourir ultérieurement. Entre 900 et 1000 cadets sont recrutés par an pour 4000 candidatures. Au total des 5 promotions, 4952 cadets ont entamé la scolarité et 4080 l’ont suivie jusqu’à son terme. Pour les 3 premières, les seules pendant lesquelles un second concours de gardien de la paix a eu lieu avant la fin de la scolarité, 57,2 % des cadets ont réussi le concours. 12 % d’entre eux sont issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

c)Les classes préparatoires intégrées (CPI).

489.Elles ont été crées en septembre 2005 à l’École Nationale supérieure de police (ENSP) qui forme les commissaires et à l’École nationale supérieure des officiers de police (ENSOP) qui forme les officiers. Les élèves doivent remplir des conditions d’aptitude physique, de moralité et de diplôme et disposer d’un revenu familial ou personnel inférieur à 30000€ par an : la pré-sélection prend en compte le parcours universitaire et le lieu d’habitation avec une priorité aux zones urbaines sensibles et aux zones très rurales. La sélection se fait après passage devant un jury. Les CPI se déroulent à l’école avec un hébergement pendant 8 mois. La formation est essentiellement méthodologique. A l’issue, les élèves (12 à 15 dans la CPI de l’ENSP et 20 dans la CPI de l’ENSOP) présentent plusieurs concours, dans la police et aussi dans d’autres institutions. Le bilan est le suivant en septembre 2010 : 129 élèves sur 171, soit environ les ¾, ont réussi un concours :

101 (59 %) sont dans la police nationale: 10 commissaires, 27 officiers et 64 gardiens (qui pourront ensuite passer les concours internes) ;

28 sont dans d’autres administrations publiques.

d)Les gendarmes adjoints volontaires (GAV)

490.La gendarmerie nationale recrute depuis 12 ans des jeunes, sans condition de diplôme, pour une durée maximum de 5 ans : les GAV. Les GAV étaient fin 2010 au nombre de 13.899 dont 31 % de femmes. La formation combine 3 mois en école et 3 mois en unité. Elle est sanctionnée par un diplôme homologué au niveau V. Les GAV qui le souhaitent bénéficient d’une préparation aux tests de sous-officier de gendarmerie (en 2010, 56 % des sous-officiers recrutés sont d’anciens GAV). Les GAV font l’objet d’un plan d’action (information, orientation, passeport professionnel, aide au projet, aide au reclassement) pour les accompagner vers l’accès à un emploi, ou à une reconversion après 4 ans. Le taux de reclassement en fin de contrat s’élève à 85 %.

e)Les aspirants de gendarmerie issus du volontariat (AGIV)

491.Les AGIV sont recrutés parmi les jeunes de 18 à 26 ans qui sont titulaires d’un diplôme supérieur ou égal à bac + 2, ou qui ont effectué une préparation militaire supérieure, ou qui ont été sélectionnés parmi les GAV du grade de maréchal des logis. Ils suivent une formation de 3 mois à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN). Ils étaient 164 fin 2010, dont 35 % de femmes. 37 AGIV ont été recrutés en 2010, dont 51 % de femmes. Afin de favoriser l’accès aux emplois publics des jeunes issus de milieux défavorisés, la gendarmerie apporte un soutien aux AGIV qui veulent se présenter au concours de l’EOGN.

f)La classe préparatoire intégrée (CPI) de l’École des officiers de la gendarmerie nationale

492.La gendarmerie nationale a mis en place une CPI pour la préparation du concours universitaire d’entrée à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (arrêté du 5 mai 2010). Cette classe d’une quinzaine d’élèves accueille des jeunes titulaires des diplômes requis, sélectionnés sur la base de la motivation et sur des critères sociaux. Les élèves ont le statut de volontaires de la gendarmerie avec la rémunération afférente et sont hébergés. A l’issue des épreuves écrites, sur les 13 inscrits, 8 élèves ont été admissibles à un ou plusieurs concours de catégorie A. Finalement, 3 ont été reçus comme officiers de gendarmerie, 2 comme officiers du corps technique et administratif de la gendarmerie et 1 comme inspecteur des douanes. Par ailleurs 4 élèves ont réussi les tests de sous-officier de gendarmerie.

2.Les services du ministère de la Justice

a)La classe préparatoire intégrée de l’École nationale de la magistrature

493.Une CPI a également été mise en place pour favoriser l’égalité des chances et la diversité de l’origine des magistrats et des greffiers. La sélection des étudiants pouvant intégrer ce dispositif est réalisée sur la motivation individuelle et sur des critères sociaux (ressources financières et origine géographique). 

494.S’agissant de l’Ecole nationale de la magistrature, une première classe préparatoire a été ouverte en 2007. Actuellement, il en existe trois à Paris, Douai et Bordeaux. Ces classes connaissent un grand succès et les résultats obtenus sont encourageants.

Année

Nombre d’élèves des classes préparatoires

Nombre de reçus à un concours

Dont reçus à l’ENM

rentrée 2007/

concours ENM 2008

15

6

3

(promotion 2009)

rentrée 2008/

concours ENM 2009

41

21

6 + 1 = 7

(promotion 2010)

rentrée 2009

concours ENM 2010

45

19

8       

(promotion 2011)

4

(promotion 2012)

rentrée 2010/

concours ENM 2011

45

15

11

(promotion 2012)

b)La classe préparatoire intégrée de l’Ecole nationale des greffes

495.S’agissant de l’Ecole nationale des greffes, il existe depuis 2007 une classe préparatoire accueillant vingt étudiants. Les résultats obtenus sont là aussi très satisfaisants puisque 8 d’entre eux ont été reçus au concours en 2008, 9 en 2009, 11 en 2010, 17 en 2011 et 14 en 2012.

Annexe

Présentation institutionnelle de l’Outre-Mer

La Constitution française du 4 octobre 1958 distingue :

1. Les collectivités relevant de l ’ article 73 de la Constitution

Depuis la départementalisation de Mayotte, devenue effective le 31 mars 2011, la France compte cinq collectivités régies par l’article 73 de la Constitution :

- quatre départements et régions d’outre-mer (DROM) situés dans la mer des Caraïbes (Guadeloupe, Martinique et Guyane) et au sud de l’océan Indien (La Réunion).

Ces régions monodépartementales sont dotées d’un conseil régional et d’un conseil général. L’organisation administrative y est proche de celle de la métropole. Les textes législatifs et réglementaires y sont applicables de plein droit, le cas échéant moyennant des mesures d’adaptation « nécessitées par leur situation particulière ». En outre, le législateur a la faculté d’habiliter ces collectivités à prendre elles-mêmes des mesures d’adaptations ou à fixer elles-mêmes (à l’exception de la Réunion) les règles dans un certain nombre de domaines.

La loi du 27 juillet 2011 dispose que la Guyane et la Martinique deviendront à partir de 2014 des collectivités uniques qui exerceront les compétences antérieurement dévolues au département et à la région : ainsi, à compter des élections de 2014, une assemblée unique se substituera au conseil général et au conseil régional en Martinique et en Guyane (Loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011).

- le Département de Mayotte doté d’une assemblée unique qui exerce les compétences d’un département et d’une région d’outre-mer. Les lois et règlements nouvellement adoptés sont applicables de plein droit, alors que les textes dérogatoires au droit commun, spécifiquement en vigueur à Mayotte, y demeurent applicables jusqu’à leur abrogation expresse

2. Les collectivités d ’ outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution.

Dans ces collectivités, la loi organique statutaire détermine l’organisation institutionnelle et le régime législatif et définit les conditions dans lesquelles les lois et les règlements sont applicables.

Les collectivités d’outre-mer regroupent :

- celles où s’applique le régime d’identité législative avec parfois des dérogations : Saint-Barthélemy et Saint-Martin, transformées en collectivités d’outre-mer par la loi organique n°2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, ainsi que Saint-Pierre et Miquelon ;

- celles où s’applique le régime de spécialité législative c’est-à-dire où, pour y être applicables, les lois et les règlements doivent être expressément étendus : la Polynésie française et les Iles Wallis-et-Futuna..

3. La Nouvelle-Calédonie : une collectivité sui generis

Son statut est fixé par l’article 77 de la Constitution, qui renvoie à l’accord de Nouméa (dont les orientations ont valeur constitutionnelle). La Nouvelle-Calédonie est régie par la loi statutaire du 19 mars 1999.

Les principales composantes spécifiques du statut de la Nouvelle-Calédonie sont :

- une « citoyenneté » locale, fondée sur un corps électoral restreint pour l’élection au congrès et aux assemblées de province ;

- un pouvoir législatif, avec des « lois du pays » déférables au Conseil constitutionnel ;

- une préférence locale en matière d’emploi, au bénéfice des « citoyens » locaux ;

- un transfert de compétences irréversible de l’Etat vers la Nouvelle-Calédonie (qui peut, tous les 5 ans, « appeler » des compétences étatiques sans que l’Etat ne puisse s’y opposer) ;

- une autodétermination programmée pour la période 2014-2018.

4. Les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF)

Cette collectivité dépourvue de population établie de façon durable, est régie par la loi du 6 août 1955. Elle fait l’objet d’une administration directe par l’Etat qui nomme un préfet.

5. Clipperton et les îles « éparses » de l’Océan Indien (Juan de Nova, Bassa da India, Tromelin, Europa, les Glorieuses)

Ces îles inhabitées sont soumises au principe d’identité législative. Elles sont désormais administrées par le préfet des TAAF pour les îles éparses, et par le Haut-commissaire en Polynésie française, pour Clipperton.

La Constitution consacre par ailleurs l’indivisibilité de la République. Elle ne reconnaît qu’une seule nationalité française à laquelle sont attachés des droits. Il n’existe pas de discrimination juridique entre les ressortissants de métropole et ceux de l’outre-mer. Ces derniers votent à toutes les élections, ils sont représentés au Parlement, ils sont libres de circuler et de s’installer sur l’ensemble du territoire. Ils disposent en outre de la citoyenneté européenne.