NATIONS UNIES

CATOP

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/OP/MDV/126 février 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

SOUS‑COMITÉ POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE

RAPPORT SUR LA VISITE AUX MALDIVES DU SOUS ‑COMITÉ POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS* **

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Observations préliminaires1 − 54

Introduction6 − 165

I.GARANTIES FORMELLES CONTRE LES MAUVAISTRAITEMENTS17 − 647

A.Cadre juridique − lois, règlements et instructions/codes18 − 337

B.Cadre institutionnel − systèmes de plaintes, suiviet aide juridique34 − 6410

II.INSTITUTION DU MÉCANISME NATIONALDE PRÉVENTION65 − 7215

A.Réunion avec le mécanisme national de prévention67 − 7016

B.Lignes directrices71 − 7217

III.SITUATION DES PERSONNES PRIVÉES DE LEUR LIBERTÉ73 − 25419

A.Dans les locaux de police73 − 16619

B.Dans les prisons167 − 24338

C.Centre de réadaptation pour jeunes244 − 25054

D.Centres de désintoxication251 − 25455

IV.COOPÉRATION255 − 26556

A.Facilitation de la visite255 − 25656

B.Accès25756

C.Entretiens privés258 − 25956

D.Dialogue avec les autorités, retour d’information et réponses260 − 26557

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Paragraphes Page

V.RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS ET DEMANDES DE RENSEIGNEMENTS266 − 36057

A.Cadre juridique et institutionnel266 − 27857

B.Mécanisme national de prévention279 − 28059

C.Police281 − 31859

D.Prisons319 − 35665

E.Centres de réhabilitation pour jeunes357 − 35969

F.Coopération36069

Annexes

I.Liste des lieux de privation de liberté visités par le SPT70

II.Liste des fonctionnaires gouvernementaux et des représentants d’organisationset autres personnes que les membres de la délégation ont rencontrés71

Observations préliminaires

1.Le Sous‑Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT) a été constitué à la suite de l’entrée en vigueur, en juin 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il a entamé ses travaux en février 2007.

2.Le Protocole facultatif a pour objectif «l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté» afin de prévenir les mauvais traitements. L’expression «mauvais traitements» doit être interprétée au sens le plus large; en font partie notamment les mauvais traitements découlant de conditions matérielles de privation de liberté laissant à désirer. Le travail du SPT s’organise selon deux axes: la visite des lieux de privation de liberté qui vise à étudier le fonctionnement et les caractéristiques du système afin de déterminer s’il y a des insuffisances dans la protection et si les garanties doivent être renforcées, et l’aide à la création et au fonctionnement des organes chargés par les États parties de faire des visites régulières, à savoir les mécanismes nationaux de prévention. Le SPT a une action concrète, focalisée sur les faits et les améliorations pratiques qu’il convient d’apporter pour prévenir les mauvais traitements.

3.Conformément au Protocole facultatif, un État partie est tenu d’autoriser le SPT à effectuer des visites dans tout lieu placé sous sa juridiction et sous son contrôle, où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite. Les États parties s’engagent également à accorder au SPT l’accès sans restriction à tous les renseignements concernant les personnes se trouvant privées de liberté et à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention. Ils sont en outre tenus de lui accorder la possibilité de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins. Le SPT a la liberté de choisir les lieux qu’il visitera et les personnes qu’il rencontrera. Des pouvoirs analogues doivent être accordés aux mécanismes nationaux de prévention, conformément au Protocole facultatif. Les travaux du SPT sont fondés sur les principes de confidentialité, d’impartialité, de non‑sélectivité, d’universalité et d’objectivité, conformément au paragraphe 3 de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.Que des mauvais traitements soient infligés ou non dans la pratique, les États doivent toujours faire preuve de vigilance et prendre des mesures de prévention. Le champ de la prévention est large et vise toute forme de violence exercée contre des personnes privées de liberté, qui, à défaut d’intervention, risque de dégénérer en actes de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le SPT a une approche préventive tournée vers l’avenir. En examinant des exemples de bonnes et de mauvaises pratiques, il vise à tirer parti des protections existantes et à éliminer ou à réduire au minimum les risques de violence.

5.La prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, repose sur le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, quel que soit le caractère de cette détention. Lors de ses visites dans les États parties au Protocole facultatif, le SPT s’efforce surtout de déterminer les facteurs susceptibles de favoriser ou au contraire de désamorcer les situations qui peuvent être à l’origine de mauvais traitements, en vue de faire des recommandations pour que de tels traitements ne se produisent ou ne se reproduisent pas. En ce sens, plutôt que de se borner à vérifier si des actes de torture ont été commis, le SPT a pour objectif ultime d’anticiper et de prévenir la commission de ces actes, en persuadant les États d’améliorer le fonctionnement du système de garanties permettant de prévenir toutes les formes de mauvais traitements.

Introduction

6.Conformément aux articles 1er et 11 du Protocole facultatif, le SPT a effectué une visite aux Maldives du lundi 10 au lundi 17 décembre 2007.

7.Lors de cette première visite aux Maldives, la délégation du SPT s’est essentiellement attachée à examiner le processus d’institution du mécanisme national de prévention ainsi que la situation des personnes privées de liberté qui se trouvent dans des locaux de la police, des prisons, des établissements pour mineurs et des centres de réadaptation pour toxicomanes, et leur protection contre les mauvais traitements.

8.La délégation se composait des membres suivants du SPT: M. Hans Draminsky Petersen (chef de la délégation), Mme Marija Definis‑Gojanovic, M. Zdeněk Hájek, M. Zbigniew Lasocik, M. Victor Rodriguez Rescia et M. Miguel Sarre. Elle était accompagnée de M. Mark Kelly et de M. R. Vasu Pillai, experts.

9.Les membres du SPT étaient assistés de Mme Claudine Haenni Dale, conseillère du SPT, et de M. José Doria et M. Edo Korljan, fonctionnaires du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), ainsi que d’interprètes.

10.Au cours de sa visite aux Maldives, la délégation a examiné le traitement des personnes privées de liberté et a fait des observations. Elle a eu des entretiens privés avec des personnes privées de liberté dans divers types d’établissements: 12 établissements policiers, dont des postes de police et des centres de détention, et deux prisons. Elle s’est également rendue dans deux prisons en construction, un centre d’éducation et de formation pour les enfants, un foyer pour enfants dans le besoin et un centre de réadaptation pour toxicomanes. Elle a en outre visité le centre de formation des services nationaux de sécurité des Maldives à Girifushi.

11.Outre ses visites dans des lieux de privation de liberté, la délégation du SPT s’est entretenue avec des représentants des autorités publiques et des membres de la société civile afin d’avoir une vue d’ensemble du cadre juridique concernant l’administration de la justice pénale et des lieux de privation de liberté et du fonctionnement du système dans la pratique. Elle s’est également entretenue avec des représentants des organismes chargés d’examiner les plaintes et des organismes de surveillance et avec des membres de la Commission des droits de l’homme des Maldives que le Gouvernement avait chargés, très peu de temps avant la visite, de former le mécanisme national de prévention.

12.À la fin de la visite, la délégation a communiqué ses observations préliminaires à titre confidentiel aux autorités maldiviennes.

13.Le présent rapport sur la première visite du SPT aux Maldives, établi conformément à l’article 16 du Protocole facultatif, contient les conclusions de la délégation et les observations et recommandations du SPT au sujet du traitement des personnes privées de liberté, en vue d’améliorer leur protection contre toutes les formes de mauvais traitements. Ce rapport est un élément important du dialogue que mènent le SPT, les autorités maldiviennes et la société civile dans le but de prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants. Il est en principe confidentiel jusqu’à ce que les autorités maldiviennes demandent sa publication.

14.Le premier chapitre du présent rapport est consacré au cadre juridique et institutionnel des Maldives du point de vue de la prévention de la torture. En effet, l’absence de cadre juridique et institutionnel approprié garantissant les droits des personnes privées de liberté peut être à l’origine de situations susceptibles de favoriser la torture.

15.L’un des principaux facteurs qui empêchent les mauvais traitements est l’existence d’un système de visites indépendantes permettant de surveiller tous les lieux où des personnes peuvent être privées de liberté. C’est pourquoi le deuxième chapitre du présent rapport est consacré à l’institution du mécanisme national de prévention aux Maldives.

16.Dans les chapitres suivants, le SPT examine les situations concrètes des personnes privées de liberté dans les différents lieux où il s’est rendu, compte tenu de ces garanties et de leur accessibilité; à cet égard, il estime que lesdites garanties, si elles sont dûment mises en place et/ou appliquées, réduiront le risque que des personnes privées de liberté soient maltraitées. Il fait des recommandations au sujet des modifications à apporter pour améliorer les situations existantes et pour assurer l’élaboration et l’amélioration d’un système cohérent de garanties, en droit et dans la pratique.

I. GARANTIES FORMELLES CONTRE LES MAUVAIS TRAITEMENTS

17.Le SPT a examiné les éléments du cadre juridique et institutionnel susceptibles d’offrir des garanties aux personnes privées de liberté, et ceux susceptibles de favoriser les mauvais traitements.

A. Cadre juridique − lois, règlements et instructions/codes

1. La Constitution de la République des Maldives

18.Le SPT croit comprendre que la nouvelle Constitution de la République des Maldives, qui était à l’état de projet au moment de sa visite, a été adoptée. Cette Constitution contient une version révisée du chapitre II sur les droits et libertés fondamentaux, y compris l’interdiction de la détention arbitraire et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou de la torture, ainsi qu’une disposition sur le traitement humain des personnes arrêtées ou détenues. Le  SPT se félicite que le Président ait ratifié la nouvelle Constitution le 7 août 2008.

19.La Constitution est la loi suprême des Maldives; les articles 31 et 148 de la Constitution en vigueur lors de la visite prévoyaient que tout règlement ou principe ayant force de loi et toute loi incompatibles avec les droits fondamentaux ou avec d’autres dispositions de la Constitution étaient nuls dans la mesure de cette incompatibilité.

20.Le chapitre II de la Constitution contenait des dispositions sur les droits fondamentaux et les obligations des citoyens. En vertu de l’article 31, les droits fondamentaux prévus par la Constitution ne pouvaient pas être déniés, à titre temporaire ou autre, sauf conformément aux dispositions de ladite Constitution. Celle‑ci était cependant moins claire en ce qui concerne les relations entre droit national et droit international et donnait peu d’indications sur la question de savoir si les traités relatifs aux droits de l’homme dûment ratifiés par les Maldives pouvaient être considérés comme directement applicables dans l’ordre juridique interne.

21.À ce sujet, le SPT rappelle que, conformément aux articles 26 et 27 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités à laquelle la République des Maldives a adhéré le 14 septembre 2005, tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. Quant à la relation entre droit national, droit international et respect des traités, la Convention de Vienne dispose clairement qu’un État partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non‑exécution d’un traité ou le non‑respect de ses dispositions.

22. Le SPT recommande aux Maldives, en vue de garantir la meilleure protection possible contre les mauvais traitements, de continuer à examiner toutes les lois et les règlements administratifs pour s ’ assurer qu ’ ils sont conformes aux dispositions et principes des instruments et normes internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, et de  redoubler d ’ efforts à cette fin. Lorsqu ’ elles incorporent des obligations juridiques internationales, les autorités devraient prêter attention au texte des instruments juridiques internationaux .

2. L ’ infraction de torture et autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans la législation maldivienne

23.Le SPT note que le Gouvernement maldivien est actuellement engagé dans un ambitieux programme de réforme de la justice, qui comprend un nouveau Code pénal, un projet de loi sur la détermination de la peine, un Code de procédure pénale et des projets de loi relatifs à la preuve, à la police, à la sécurité nationale, aux procédures de détention et à la libération conditionnelle. Il  souhaite être informé du processus d ’ adoption de ces nouveaux projets de loi et de leur entrée en vigueur. Il souhaite également obtenir les textes des projets de loi mentionnés ci ‑dessus qui ont été adoptés .

24.Bien que la nouvelle Constitution prévoie une interdiction générale de la torture et des mauvais traitements, la législation pénale en vigueur ne contient pas de définition de la torture et n’incrimine pas les actes de torture. Le SPT craint que cette situation ne conduise à tolérer des actes interdits par la Constitution et les obligations internationales des Maldives, et à créer des vides juridiques réels ou potentiels propices à l’impunité.

25.Conformément à l’Observation générale no 2 du Comité contre la torture, le SPT recommande aux Maldives d ’ ériger la torture en infraction passible de sanctions pénales et  de prévoir des réparations appropriées pour les victimes de torture et/ou de mauvais traitements. Le texte de cette disposition doit contenir à tout le moins la définition de la torture figurant à l ’ article  premier de la Convention, et les dispositions de l ’ article  4. En  outre, de l ’ avis du SPT, les conditions qui sont à l ’ origine des mauvais traitements facilitent souvent la torture; en conséquence, les mesures nécessaires pour prévenir la torture doivent être appliquées également pour prévenir les mauvais traitements.

3. Châtiments corporels

26.Lors des premiers entretiens avec le Ministre de la justice (Attorney général) et le Ministre des affaires intérieures, la délégation a été informée que la flagellation était toujours applicable pour certaines infractions. Les autorités ont noté, cependant, que cette peine était destinée à infliger une humiliation plutôt qu’une souffrance physique. La délégation a cru comprendre que même les enfants pouvaient être soumis à ce châtiment; en ce qui concerne les infractions emportant la flagellation, les enfants sont pénalement responsables une fois qu’ils ont atteint l’âge de la puberté.

27.Le fait d’infliger délibérément une souffrance comme moyen de contrôle ou de sanction est à la fois inhumain et dégradant. Le SPT partage l’avis exprimé par le Comité des droits de l’homme dans son Observation générale no20 sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, qui indique que l’interdiction de la torture énoncée à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiquesdoit s’étendre aux peines corporelles. Le Rapporteur spécial chargé d’examiner les questions se rapportant à la torture a également estimé que le châtiment corporel est en contradiction avec l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, telle qu’elle est énoncée dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. En ce qui concerne la pratique de la flagellation, le SPT souligne que le Comité des droits de l’homme a estimé que cette pratique est un traitement cruel et inhumain prohibé par l’article 7 du Pacte, et le Comité contre la torture qu’elle n’est pas compatible avec la Convention contre la torture.

28.En outre, le SPT note avec préoccupation que l’article 44 du projet de code pénal légaliserait les châtiments corporels infligés aux enfants à l’école et dans les institutions. Il partage l’avis du Comité des droits de l’enfant qui, dans ses dernières observations finales sur les Maldives, a estimé que la pratique de la flagellation est contraire à l’alinéa a de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il considère que cette pratique, qu’elle soit infligée à un enfant ou à un adulte et indépendamment du fait qu’elle soit destinée à infliger une humiliation ou une souffrance physique, est inacceptable parce qu’elle est intrinsèquement humiliante et dégradante. Aucune infraction ne devrait donc emporter cette peine.

29. Le SPT recommande au Gouvernement maldivien d ’ interdire toutes les formes de châtiment corporel à titre de sanction pénale ou disciplinaire, y compris la flagellation, que  celle ‑ci soit destinée à causer une souffrance ou une humiliation .

4. Administration de la justice pour mineurs et garanties pour les enfants en conflit avec la loi

30.Le principal cadre juridique de l’administration de la justice pour mineurs comprend les textes suivants: le Code pénal, la loi no 9/91 relative à la protection des droits de l’enfant, le Règlement sur l’interrogatoire, les décisions et les peines dans les affaires de mineurs (modifié en 2004), la loi no 4/2000 relative à la famille et le Règlement applicable aux enquêtes, à la procédure judiciaire et au choix des peines pour les infractions commises par des mineurs. Le SPT croit comprendre que le Gouvernement s’emploie à réformer l’administration de la justice pour mineurs et prévoit notamment d’élaborer un projet de loi sur la justice pour mineurs.

31.Il existe un seul tribunal pour enfants, à Malé, de sorte que les enfants doivent se rendre dans la capitale dans certains cas précis. Cela étant, certaines affaires mettant en cause des enfants en conflit avec la loi peuvent être traitées par les tribunaux de l’île.

32.Le SPT rappelle que, conformément à l’article 37 b) de la Convention relative aux droits de l’enfant, toute privation de liberté d’un enfant, notamment l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement, doit n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible, afin que le droit de l’enfant au développement soit pleinement respecté et garanti. Les garanties spécifiques prévues pour les enfants privés de liberté et la possibilité pour ceux‑ci de bénéficier de ces garanties sont examinées plus en détail aux sections A et C du chapitre V.

33. Le SPT recommande aux autorités maldiviennes de veiller à ce que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit la considération primordiale dans toutes les décisions prises dans le cadre de l ’ administration de la justice pour mineurs et dans tous les plans visant à réviser la législation applicable. Sont visés le premier contact avec la police, l ’ éventuel placement en garde à vue et en détention provisoire et le séjour dans une prison ou un autre établissement pour enfants dont ceux ‑ci ne peuvent pas sortir de leur plein gré .

B. Cadre institutionnel − systèmes de plaintes, suivi et aide juridique

34.La délégation a rencontré les représentants de la Commission des droits de l’homme des Maldives, du Comité de surveillance des prisons, du Bureau chargé d’examiner les plaintes émanant du public, du Bureau du Procureur général et de la Commission chargée de veiller à l’intégrité de la police. Le SPT a reçu des informations sur le mandat et le cadre juridique des organismes mentionnés ci‑dessus et a discuté des pratiques actuelles et des éventuels problèmes que les représentants de ces organismes avaient mis en évidence dans leurs domaines de travail respectifs.

1. Commission des droits de l ’ homme des Maldives

35.La Commission des droits de l’homme des Maldives a été créée par un décret du Président de la République des Maldives en date du 10 décembre 2003. Conformément à la nouvelle loi d’août 2005 relative à la Commission des droits de l’homme, modifiée en août 2006, la Commission est une entité juridique indépendante habilitée à ester en justice et à réaliser des opérations en son nom propre. La délégation n’a cependant pas pu avoir la certitude que cette loi était entrée en vigueur. Le SPT demande aux autorités d ’ indiquer si la loi relative à la Commission des droits de l ’ homme est entrée en vigueur, et, dans le cas contraire, de préciser le calendrier prévu à cet effet.

36.Dans une déclaration faite par le Président de la République des Maldives à l’occasion de la Journée des droits de l’homme, le 10 décembre 2007, le Gouvernement maldivien a indiqué que la Commission des droits de l’homme des Maldives assumerait le rôle de mécanisme national de prévention.

37.La Commission se compose de sept membres nommés par le Président en accord avec le Conseil du Majlis du peuple (Parlement). Ces membres sont nommés pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Lors de la visite du SPT, la Commission était assistée par 13 membres du personnel. Elle soumet un rapport annuel au Président de la République et au Majlis du peuple.

38.Le mandat de la Commission est prévu à l’article 19 de la loi, selon lequel les travaux de la Commission portent sur les trois principaux domaines suivants: enquête sur les allégations de violations des droits de l’homme, sensibilisation de la population aux droits de l’homme et conseil aux organismes publics pertinents en ce qui concerne la réparation des griefs de violations des droits de l’homme et la sensibilisation.

39.Conformément à l’article 20 de la loi, pour s’acquitter du mandat prévu à l’article 19, la Commission mène des enquêtes sur les plaintes pour violations des droits de l’homme, conseille le Gouvernement au sujet de la ratification des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme et de l’élaboration de lois, recense les lacunes des lois existantes dans le domaine des droits de l’homme et mène des travaux de recherche sur les droits de l’homme. Elle est en outre chargée de visiter les lieux où des personnes sont incarcérées ou détenues en vertu d’une décision judiciaire ou d’un ordre légal, de surveiller leurs conditions de vie et de mener des enquêtes à ce sujet et de faire des recommandations sur le traitement des détenus aux organismes publics concernés.

40.Lors d’une réunion avec la Commission nationale des droits de l’homme, la délégation a été informée que celle‑ci reçoit quelque 300 plaintes par an et qu’elle s’est récemment rendue à la prison de Maafushi. Les membres de la Commission ont indiqué qu’ils n’avaient eu aucune difficulté à accéder aux lieux de privation de liberté et qu’ils n’avaient pas entendu parler de représailles contre des détenus après leur visite. Cependant, il a été souligné que la Commission considère que la sensibilisation est son activité principale. En outre, la délégation a été informée que la Commission ne disposait pour mener des enquêtes que d’un responsable assisté de trois stagiaires.

41.La délégation n’a pas pu évaluer précisément la portée du mandat de la Commission. Comme indiqué ci‑dessus, l’article pertinent de la loi applicable restreint ce mandat aux lieux où des personnes sont détenues en vertu d ’ une décision judiciaire ou d ’ un ordre légal. Cela semble exclure la possibilité que la Commission se rende, par exemple, dans des postes de police, des institutions pour les personnes dans le besoin, des institutions psychiatriques et des établissements militaires. En outre, lors de la réunion avec la Commission, la délégation a été informée que celle‑ci ne se rend pas dans les établissements psychiatriques ou militaires. Il semble donc que le mandat de la Commission ne lui permette pas de se rendre dans tous les lieux où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté, comme le prévoit l’article 4 du Protocole facultatif.

42.Lors de la réunion avec la Commission, cependant, la délégation a été informée que celle‑ci avait récemment effectué une visite dans un établissement placé sous l’égide du Ministère de l’éducation et de la sécurité sociale. En outre, selon son rapport annuel pour 2005, la Commission s’était rendue dans le Centre d’éducation et de formation des enfants et dans trois locaux de la police. Le SPT demande aux autorités de lui donner des renseignements sur la portée exacte du mandat de la Commission des droits de l ’ homme en matière de visites et de préciser si ce mandat couvre également les locaux de la police. Il souhaite également avoir des informations sur le nombre de visites effectuées en 2008 et sur celles prévues en 2009, sur les établissements visités et sur les éventuelles propositions faites par la Commission en vue de modifier les lois ou règlements existants en ce qui concerne les garanties contre les mauvais traitements.

43.Le mandat actuel de la Commission des droits de l’homme des Maldives est examiné plus en détail au chapitre II au regard des dispositions du Protocole facultatif relatives au mécanisme national de prévention.

2. Comité de surveillance des prisons

44.Le Comité de surveillance des prisons a été créé en avril 2004. Ses membres sont nommés par le Président et comprennent des avocats, des juges et des parlementaires. Il opère indépendamment du Ministère des affaires intérieures et de la police et rend compte directement au Président et au Ministère des affaires intérieures.

45.Le Comité a d’abord été chargé d’inspecter la prison de Maafushi, mais son mandat a récemment été élargi pour couvrir le centre de détention de Dhoonidhoo. Il est habilité à inspecter ces établissements, sans avertir au préalable le Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation (DPRS).

46.Selon les informations reçues par la délégation, cet organisme n’est pas opérationnel pour le moment. En outre, il ressort des discussions que la délégation a eues avec l’administration pénitentiaire et avec des détenus que les uns et les autres jugeaient cet organisme indispensable.

47. Le SPT invite les autorités à revoir le mandat du Comité de surveillance des prisons en vue d ’ en faire un organisme indépendant d ’ examen des plaintes et de surveillance des prisons.

3. Bureau chargé d ’ examiner les plaintes émanant du public

48.Le Bureau chargé d’examiner les plaintes émanant du public a été créé en juin 2004 et a d’abord été chargé d’enquêter sur les cas de torture. Les activités d’enquête du Bureau ont pris fin en mai 2006. Les affaires traitées ont été soumises au Président et les 35 affaires pendantes ont été transmises à la Commission chargée de veiller à l’intégrité de la police. Dans le cadre de son mandat initial, le Bureau avait enquêté sur 69 affaires, dont 57 portaient sur des allégations de torture et/ou de mauvais traitements, essentiellement des violences et des coups infligés au cours de l’enquête afin d’extorquer des aveux, ainsi que des plaintes concernant la privation de sommeil. Selon les informations données par les représentants du Bureau, les actes de torture n’ont été prouvés dans aucune des affaires qu’il a examinées. Le SPT souhaite avoir des informations sur la manière dont la véracité de ces allégations a été évaluée ainsi que des copies des examens médicaux effectués pour évaluer ces allégations dans les 57 affaires mentionnées ci ‑dessus portant sur des allégations de torture ou de mauvais traitements.

4. Commission chargée de veiller à l ’ intégrité de la police

49.L’enquête sur les plaintes visant des policiers sera confiée à la Commission chargée de veiller à l’intégrité de la police établie en août 2006, qui n’est pas encore opérationnelle. Le projet de loi sur la police dont le Parlement est saisi prévoit que cette Commission sera chargée d’enquêter sur les plaintes visant des policiers; de recenser et de vérifier les infractions commises par des policiers et de mener des enquêtes; de réduire au minimum la corruption, l’usage excessif de la force et la commission d’autres infractions par la police; et d’examiner toute action disciplinaire ou administrative engagée contre des policiers. La Commission rendra compte directement au Ministère des affaires intérieures.

50.Le SPT est profondément préoccupé par le conflit d’intérêts potentiel dont est porteur le projet de mandat de la Commission chargée de veiller à l’intégrité de la police. Il souligne que pour jouir de la confiance du public, cette Commission doit à la fois être indépendante et impartiale et doit être considérée comme telle. Le SPT souhaite avoir des renseignements détaillés sur les dispositions législatives et opérationnelles qui assurent l ’ indépendance de la Commission chargée de veiller à l ’ intégrité de la police et des informations sur ses moyens d ’ enquête ainsi que sur les ressources humaines et financières mises à sa disposition. Il demande également à être avisé au moment où la Commission entamera ses travaux. En outre, il souhaite être informé de l ’ issue de l ’ examen des 35 affaires pendantes que le Bureau chargé d ’ examiner les plaintes émanant du public a transmises à la Commission.

5. Surveillance exercée par les procureurs

51.L’article 220 de la nouvelle Constitution porte création du poste de procureur général de la République des Maldives. Le Procureur général s’acquitte de ses fonctions de manière indépendante mais sous réserve des directives générales données par le Ministre de la justice.

52.Le Procureur général est également habilité à contrôler et à examiner les circonstances et les conditions dans lesquelles une personne est arrêtée, détenue ou privée de liberté de toute autre manière avant le procès. Il est en outre habilité à ordonner toute enquête qu’il juge souhaitable sur les plaintes relatives à des activités criminelles ou sur toute autre activité criminelle dont il a connaissance. Le SPT se félicite de cette nouvelle disposition et demande des informations sur tous les plans visant à mener à bien le travail de surveillance dans la pratique.

6. Surveillance exercée par l ’ autorité judiciaire

53.En vertu de l’article 115 de la Constitution en vigueur lors de la visite, la Haute Cour des Maldives avait compétence pour entendre tous les appels des tribunaux des Maldives ainsi que d’autres affaires sur décision du Président de la République. Cette Constitution ne prévoyait pas la séparation du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif.

54.La nouvelle Constitution des Maldives prévoit l’indépendance de la magistrature. Conformément à l’article 141, le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, la Haute Cour et les tribunaux de première instance qui sont établis par la loi. La Cour suprême est la plus haute autorité de l’administration de la justice aux Maldives et le Président de la Cour suprême la plus haute autorité de cette Cour.

55.L’article 45 de la nouvelle Constitution interdit la détention et l’arrestation arbitraires. L’article 58 prévoit en outre que toute personne dont les droits ou les libertés constitutionnels n’ont pas été respectés ou ont été déniés peut exercer un recours auprès d’un tribunal.

56.En ce qui concerne le rôle du pouvoir judiciaire en tant que garant des droits de l’homme des détenus, la délégation a noté à l’occasion de ses discussions avec les autorités, les policiers et les détenus qu’au moment où elle a effectué la visite, ni les procureurs ni l’autorité judiciaire ne contrôlaient le placement initial en garde à vue des personnes détenues par la police. Conformément au Règlement régissant la saisie d’un juge au sujet de l’arrestation ou de la détention de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pour une période plus longue que celle approuvée par le Comité (14 octobre 2003), la magistrature ne commençait à jouer un rôle qu’après vingt‑deux jours de garde à vue.

57.Le SPT note que la nouvelle Constitution prévoit une disposition relative au contrôle de la garde à vue qui est exercé tant par l’autorité judiciaire que par les procureurs. L’alinéa d de l’article 48 prévoit que toute personne arrêtée ou détenue doit être présentée dans les vingt‑quatre heures à un juge qui est habilité à déterminer la validité de la détention, à remettre la personne en liberté, avec ou sans conditions, ou à ordonner la poursuite de la détention. Le SPT se félicite de cette nouvelle disposition .

7. Disposition relative à l ’ accès à un avocat et à l ’ aide juridique

58.En vertu du paragraphe 2 de l’article 16 de la Constitution en vigueur lors de la visite, toute personne mise en examen pour une infraction a le droit de se défendre, conformément à la charia. À cet effet, elle a le droit à l’assistance d’un avocat chaque fois que celle‑ci est nécessaire.

59.L’article 2 a) du Règlement de 2004 relatif à la demande et à l’obtention de l’assistance d’un avocat prévoit que dans tous les cas où une enquête est menée sur une infraction présumée, la personne visée par cette enquête doit pouvoir demander l’assistance d’un avocat. L’article 2 b) dispose qu’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction doit être informée de ce droit au moment de son arrestation. Cependant, l’article 11 indique clairement qu’il incombe au défendeur qui a demandé l’assistance d’un avocat de choisir celui‑ci et de le payer.

60.Lors de la visite du SPT, il n’existait pas de système d’aide juridique gratuite aux Maldives. En conséquence, la délégation a constaté que la plupart des détenus qu’elle a interrogés n’avaient pas pu bénéficier de conseils juridiques faute de ressources financières suffisantes. Cependant, lors de son entretien avec le Procureur général, elle a été informée que les autorités envisageaient de mettre en place un système d’aide juridique et que les possibilités de bénéficier de l’assistance d’un avocat privé seraient renforcées.

61.Dans une note verbale datée du 22 juin 2008 adressée au SPT, les autorités ont reconnu qu’il n’existait pas de système d’aide juridique aux Maldives mais ont indiqué que des mesures avaient déjà été prises pour en créer un. Le SPT note également que l’article 53 de la nouvelle Constitution, outre qu’il consacre le droit de toute personne de choisir un avocat dans tous les cas où une aide juridique est nécessaire, dispose que «dans les affaires pénales graves, l’État fournit un avocat à l’accusé qui n’a pas les moyens d’en engager un». Le SPT prend note avec satisfaction de la nouvelle disposition constitutionnelle relative à l ’ aide juridique. Il souhaite savoir si cette disposition se traduira par d ’ éventuelles modifications législatives, quelle est la définition d ’ une «infraction grave» et pendant combien de temps une personne peut être maintenue en garde à vue avant d ’ être officiellement inculpée d ’ une infraction. Il demande également des informations sur les plans et le calendrier concernant la mise en place de ce système, y compris les structures nécessaires pour qu ’ il fonctionne efficacement dans la pratique, et souhaite que le texte de toute nouvelle loi adoptée lui soit communiqué.

62.Du point de vue de la prévention, l’accès à un avocat est une garantie importante contre les mauvais traitements, ce qui va au‑delà de l’assistance juridique apportée à la seule fin d’assurer la défense d’une personne. La présence d’un avocat lors des interrogatoires de police peut non seulement dissuader les policiers de recourir à des mauvais traitements ou autres violences mais peut aussi les protéger en cas d’allégations de mauvais traitements infondées. En outre, l’avocat est le spécialiste qui est susceptible d’aider la personne privée de liberté à exercer ses droits, y compris devant des mécanismes de recours. Le SPT recommande aux autorités d ’ élargir le système à toutes les personnes privées de liberté qui ne peuvent pas, pour des raisons financières ou pour d ’ autres raisons, bénéficier de l ’ assistance d ’ un avocat privé, et ce, au stade le plus précoce possible de la privation de liberté, de préférence dès le début.

8. Conclusions

63.Le SPT est d’avis que la surveillance de tous les lieux de privation de liberté exercée par des organismes indépendants, le contrôle de la garde à vue exercé par l’autorité judiciaire et par les procureurs et la possibilité de déposer plainte auprès d’un organisme indépendant chargé d’examiner les allégations de mauvais traitements, associées à l’accès à un avocat en droit et dans la pratique, sont des garanties fondamentales contre la torture et les mauvais traitements. Il souligne également que tous les mécanismes chargés de l’examen des plaintes sont tenus de veiller à ce que les allégations de torture et/ou de mauvais traitements fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que les coupables soient traduits en justice.

64.Cependant, il ne suffit pas que ces garanties existent en théorie: pour assurer une protection contre les mauvais traitements, elles doivent s’exercer dans la pratique. À cet effet, le SPT souligne que les mécanismes d’examen des plaintes et de surveillance, l’autorité judiciaire et les procureurs ne doivent pas seulement être indépendants mais aussi être perçus comme tels, et être dotés des ressources humaines et financières nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions.

II. INSTITUTION DU MÉCANISME NATIONAL DE PRÉVENTION

65.Comme il est noté plus haut, les autorités maldiviennes ont indiqué le 10 décembre 2007 que la Commission des droits de l’homme des Maldives assumerait le rôle de mécanisme national de prévention.

66.En vertu du Protocole facultatif, le SPT est habilité à coopérer avec les États parties en vue de l’application du Protocole et à leur offrir des avis et une assistance aux fins de la mise en place des mécanismes nationaux de prévention, sans lesquels le nouveau système serait inefficace et ne permettrait pas d’atteindre l’objectif consistant à empêcher la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

A. Réunion avec le mécanisme national de prévention

67.Lors de la réunion avec la Commission des droits de l’homme, des discussions préliminaires ont eu lieu sur la portée du mandat de ce mécanisme au regard du mandat international prévu par le Protocole facultatif, et sur l’importance de sa création et de son fonctionnement conformément aux normes internationales énoncées dans le Protocole. Les débats ont porté sur la nécessité de prendre dûment en considération les principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), en particulier l’obligation d’énoncer le mandat de cette institution dans un texte constitutionnel ou législatif qui détermine la composition et le champ de compétence du mécanisme national de prévention, conformément au principe 2.

68.Au cours de cet échange de vues, les principaux obstacles rencontrés par ce nouveau mécanisme national de prévention dans ses activités quotidiennes dans le pays et sa relation avec le SPT ont été débattus et analysés. Ont notamment été examinées les principales questions ci‑après:

Il importe que ce mécanisme national soit établi par un texte législatif. À cet égard, le SPT reconnaît qu’un décret présidentiel est une étape importante, mais qui ne suffit pas à garantir le caractère permanent et la durabilité que le mécanisme national devrait avoir. Il demande donc instamment à la République des Maldives de poursuivre la mise en œuvre de ce processus jusqu’à l’adoption d’une loi répondant à cette exigence.

Si la Commission nationale des droits de l’homme conserve le caractère de mécanisme national de prévention, l’État maldivien doit la doter des ressources humaines et matérielles nécessaires pour lui permettre d’atteindre ses objectifs. Ces activités ne devraient pas s’ajouter à celles qu’elle mène déjà: l’entité chargée de la prévention devrait avoir son propre ordre du jour, distinct des activités que la Commission nationale des droits de l’homme mène généralement dans le cadre de son mandat. Cet ordre du jour doit prévoir un programme autonome de visites dans tous les lieux de détention et de garde à vue (prisons, postes de police, hôpitaux psychiatriques, centres pour mineurs, centres de rétention des immigrants, etc.).

En ce qui concerne les visites inopinées de lieux de détention effectuées par la Commission nationale des droits de l’homme en sa qualité de mécanisme national de prévention de la torture, outre le mandat déjà confié à la Commission conformément à ses statuts, celle‑ci doit être dotée d’un mandat lui permettant de s’acquitter des obligations internationales qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif, au titre des engagements pris par l’État partie dans le cadre du processus de ratification de ce traité. En conséquence, pour mener à bien les activités complémentaires à celles du SPT et conformément à l’obligation prévue par le Protocole facultatif à cet égard, le mécanisme national de prévention doit avoir libre accès à tous les types de lieux où des personnes sont ou peuvent être privées de liberté, y compris, notamment, les postes de police, les lieux de détention administrative, les prisons, les établissements psychiatriques et les institutions pour les personnes dans le besoin, les centres de détention militaires, les établissements destinés aux enfants en conflit avec la loi ou aux enfants dans le besoin et les moyens de transport utilisés pour les détenus.

69.À l’issue des discussions qu’il a eues avec les représentants de la Commission, le SPT est préoccupé par le fait que celle‑ci ne dispose pas de personnel dûment qualifié pour exercer les diverses fonctions liées aux travaux du mécanisme national de prévention et risque de pâtir de l’insuffisance de ses ressources financières. En l’état, les procédures budgétaires sont telles qu’elles risquent de ne pas garantir l’autonomie financière nécessaire; le SPT a été informé que le projet de budget de la Commission était en cours d’élaboration. Le SPT souhaite avoir des informations sur les ressources budgétaires et humaines mises à la disposition de la Commission nationale des droits de l ’ homme pour lui permettre de s ’ acquitter efficacement de ses fonctions de mécanisme national de prévention, y compris des données ventilées sur les ressources budgétaires allouées spécifiquement aux activités relevant du mécanisme national de prévention.

70.À l’issue de cette première réunion avec le mécanisme national de prévention, le SPT note avec satisfaction que l’État maldivien a lancé le processus de mise en place du mécanisme national de prévention et lui demande de poursuivre ses efforts en vue de le consolider et de l’institutionnaliser. À cette fin, il réaffirme les lignes directrices ci‑après qui sont destinées à l’État afin que ce mécanisme soit institué dans les meilleures conditions, ainsi qu’au mécanisme national en vue de l’adoption d’un plan global et complémentaire qui lui permettra d’assumer ses fonctions dans le domaine de la prévention de la torture.

B. Lignes directrices

1. Lignes directrices concernant l ’ État partie

71.Le SPT souhaite faire part à l’État partie de certaines lignes directrices concernant des questions fondamentales relatives au mécanisme national de prévention. L’État devrait:

a)Garantir l’indépendance réelle et perçue du mécanisme national de prévention, ainsi que l’indépendance de son personnel et des experts auxquels il peut avoir recours à titre de consultants afin de prévenir tout conflit d’intérêts réel ou perçu;

b)Adopter toutes les mesures nécessaires pour que les experts du mécanisme national de prévention aient toutes les compétences professionnelles requises, et assurer l’équilibre entre les effectifs des deux sexes et la représentation adéquate des groupes ethniques et minoritaires du pays;

c)Fournir les ressources nécessaires au fonctionnement du mécanisme national de prévention;

d)Fournir les moyens nécessaires pour que le mécanisme national de prévention puisse respecter durablement les principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris);

e)Donner au mécanisme national de prévention accès à toutes les informations concernant le nombre de personnes privées de liberté dans les lieux de détention et le nombre de lieux de détention et leur emplacement;

f)Donner au mécanisme national de prévention accès à toutes les informations concernant le traitement de ces personnes et leurs conditions de détention, y compris l’accès à tous les types de fichiers;

g)Donner au mécanisme national de prévention la possibilité de s’entretenir avec des personnes privées de liberté, en privé, avec l’assistance d’un interprète si nécessaire, et avec toute autre personne dont il estime qu’elle pourrait lui donner des informations pertinentes;

h)Ne pas sanctionner les personnes ou les organisations qui donnent des informations au mécanisme national et ne pas commettre d’actes qui pourraient leur porter préjudice;

i)Examiner les recommandations formulées par le mécanisme national de prévention et établir un dialogue avec ses représentants au sujet des éventuelles mesures d’application;

j)Publier et diffuser les rapports annuels établis par le mécanisme national de prévention.

2. Lignes directrices concernant le mécanisme national de prévention

72.Le SPT souhaite faire part au mécanisme national de prévention de certaines lignes directrices concernant des questions fondamentales. Le mécanisme national de prévention devrait:

a)Protéger et préserver son indépendance et celle de son personnel dans l’exercice de leurs fonctions. Mettre en place des modalités permettant à d’autres acteurs non gouvernementaux qui œuvrent dans le domaine de la promotion de la prévention de la torture de coopérer avec lui ou de prendre part à ses activités;

b)Assurer et maintenir le recrutement de personnel ayant les compétences professionnelles requises, en veillant à l’équilibre entre les effectifs des deux sexes et à la représentation adéquate des groupes ethniques et minoritaires du pays;

c)Suivre et évaluer son propre fonctionnement au regard des normes internationales établies par les principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris);

d)Planifier l’utilisation des ressources et prévoir des moyens de garantir des visites périodiques pour vérifier le traitement des personnes privées de liberté dans tous les types de lieux de détention et prendre des mesures appropriées pour les protéger;

e)Faire des recommandations aux autorités compétentes dans le but d’améliorer le traitement et les conditions de vie des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en tenant compte des normes pertinentes des Nations Unies ainsi que des recommandations faites par le SPT à l’issue de visites et dans ses rapports;

f)Définir une stratégie et faire des propositions et des observations concernant la législation en vigueur ou les projets de loi, notamment l’institution dans la loi du mécanisme national de prévention;

g)Insister sur l’accès à toutes les informations relatives au nombre de personnes privées de liberté dans des lieux de détention;

h)Entretenir des relations avec le SPT et faciliter l’échange de tous types d’informations afin de suivre l’application des recommandations faites par le SPT;

i)Assurer la confidentialité des informations recueillies et maintenir cette confidentialité au besoin;

j)Publier et diffuser des rapports annuels;

k)Former son personnel spécialisé aux procédures et aux bonnes pratiques et le tenir au courant de leur évolution afin d’appliquer une méthodologie rigoureuse et cohérente lors des visites des lieux de détention, y compris les méthodes d’entretien et de collecte et d’analyse systématique des informations et des données ayant trait à la prévention de la torture.

III. SITUATION DES PERSONNES PRIVÉES DE LEUR LIBERTÉ

A. Dans les locaux de police

1. Période initiale de garde à vue

73.L’article 15, paragraphe 1 b) de la Constitution en vigueur à l’époque de la visite disposait: «Nul ne sera arrêté ni détenu, si ce n’est dans les conditions prévues par la loi. Nul ne sera détenu pendant une période supérieure à vingt‑quatre heures sans être informé des motifs de son arrestation ou de sa détention.». La nouvelle Constitution contient une disposition analogue.

74.En vertu de la législation en vigueur à l’époque de la visite, un suspect pouvait être détenu pendant sept jours sur décision de la police. Au‑delà, en vertu du Règlement régissant l’arrestation ou la détention de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pour une période supérieure à sept jours, un comité de trois membres composé de fonctionnaires nommés par le Président pouvait approuver une prolongation de quinze jours.

75.Comme on le note plus haut à la section B 6 du chapitre I, le SPT croit comprendre que la nouvelle Constitution a quelque peu modifié la situation susmentionnée. L’article 48, alinéa d, de la nouvelle Constitution dispose qu’une personne arrêtée ou détenue doit être déférée dans les vingt‑quatre heures à un juge, qui a le pouvoir de déterminer la validité de la détention, de libérer la personne avec ou sans conditions, ou d’ordonner le maintien en détention de l’accusé. Le SPT recommande aux autorités compétentes de veiller à la bonne application de cette nouvelle procédure énoncée à l ’ article 48, alinéa d, de la Constitution.

76. Le SPT demande aux autorités de fournir une description détaillée de la procédure de prise de décisions concernant le placement d ’ une personne en garde à vue, la prolongation de la garde à vue et le placement en détention provisoire. Devraient figurer dans cette description, en particulier, des informations sur les autorités qui décident de la garde à vue et de sa prolongation, les délais dans lesquels ces décisions doivent être prises et des renvois aux lois et/ou règlements pertinents.

77.Le SPT est préoccupé par le fait que des personnes peuvent non seulement être privées de leur liberté sur la seule décision de la police pendant sept jours, mais encore être détenues dans des locaux placés sous la responsabilité de la police. Afin de prévenir les mauvais traitements, les enquêtes de police et la garde à vue devraient être distinctes aussi bien sur le plan institutionnel que sur le plan fonctionnel. Le fait que la police exerce aussi bien les fonctions d’enquête que les fonctions de garde à vue peut accroître le risque que les enquêteurs de police ne tentent d’exercer une forte pression sur les personnes placées en garde à vue ou même ne se livrent à des brutalités aux fins de l’enquête.

78. Le SPT recommande que la période initiale de garde à vue soit la plus courte possible et que la détention provisoire suivant la garde à vue se déroule dans des locaux placés sous la responsabilité du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation et pas de la police. Le SPT recommande aussi que les autorités compétentes veillent à ce qu ’ aucune pression ne soit exercée sur les personnes mises en détention aux fins de l ’ enquête ou à toutes autres fins.

79.Dans une note verbale du 22 juin 2008, les autorités ont donné l’assurance que le Gouvernement des Maldives travaillait déjà à renforcer la séparation des fonctions d’enquête et de garde à vue exercées par la police. En outre, il a été noté que la recommandation tendant à ce que la garde des détenus provisoires soit placée sous la responsabilité du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation était sérieusement examinée. Le SPT demande au Gouvernement de lui fournir des informations sur tous faits nouveaux à cet  égard.

2. La détention avant jugement et la procédure de libération sous caution

80.En vertu de l’article 5 du Règlement de 2004 sur la libération sous caution, la personne arrêtée peut faire une demande de libération sous caution. Une personne faisant l’objet d’une enquête préliminaire doit présenter cette demande à l’autorité qui l’a mise en état d’arrestation et une personne faisant l’objet de poursuites judiciaires doit présenter la demande au tribunal chargé de l’affaire ou au Comité judiciaire si celui‑ci est en session. Les infractions pour lesquelles la libération sous caution est autorisée sont énumérées à l’annexe 1 du Règlement.

81.En vertu des articles 6 et 7 a) du Règlement susmentionné, une personne arrêtée parce qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction doit bénéficier d’une décision sur les conditions de sa libération sous caution et se la voir communiquer par écrit dans les trente‑six heures suivant son arrestation. S’il est décidé que la demande de libération sous caution est rejetée, la personne dont la demande a été rejetée doit être informée des motifs de cette décision par écrit dans les trente‑six heures.

82.En vertu de la législation en vigueur à l’époque de la visite, ceci semblait signifier qu’au cours des sept premiers jours de garde à vue, la décision de libération sous caution était prise par la police. Après cette période initiale de garde à vue, la décision de libération sous caution était prise par le même comité qui décidait de la prolongation de la détention. Le SPT recommande aux autorités maldiviennes d ’ examiner le système de la libération sous caution pour faire en sorte que l ’ autorité responsable de l ’ enquête sur l ’ infraction ne soit pas aussi celle qui  décide en matière de libération sous caution. Le SPT demande des informations sur le  point de savoir si la nouvelle procédure énoncée à l ’ article 48, alinéa d, de la nouvelle Constitution apportera des modifications à la procédure concernant la détention provisoire avant jugement et la libération sous caution et, si tel est le cas, souhaite recevoir des informations sur ces modifications.

83.Au cours de la visite, la délégation a eu l’impression que les difficultés concrètes que posait la libération sous caution avaient une incidence sur le nombre de personnes placées en détention provisoire. Même si la libération sous caution était accordée, il pouvait encore y avoir des obstacles financiers à ce qu’elle prenne effet, car le montant de la caution exigé pouvait être très élevé et le plus souvent hors de portée des Maldiviens ordinaires. Pour faire de la libération sous caution une possibilité réelle dans la pra tique, le SPT recommande que le  montant de la caution soit à la portée des moyens financiers du détenu intéressé. Il demande des informations sur le nombre de demandes de libération sous caution faites en 2007 et dans la première moitié de 2008 ainsi que sur le nombre de personnes à qui elle a  été accordée.

3. Le déferrement au tribunal comme protection contre les mauvais traitements

84.En vertu du Règlement régissant la présentation à un juge de demandes de mandat d’arrêt ou de mise en détention de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pour une période plus longue que celle approuvée par le Comité (14 octobre 2003), le rôle du judiciaire ne commence qu’après les sept premiers jours de garde à vue décidée par la police et la prolongation de quinze jours accordée par le Comité. En conséquence, des personnes peuvent être gardées à vue pendant une période de vingt‑deux jours sans que leur détention ait été approuvée ou examinée par un organe judiciaire.

85.Le Règlement susmentionné n’indique pas la durée maximale de prolongation de la détention en cours d’enquête que les juges peuvent ordonner, mais il stipule en son article 6 que le juge doit fixer par écrit la durée de l’arrestation ou de la détention. En outre, il n’oblige pas le tribunal à motiver la prolongation de la détention par écrit, mais seulement une décision de rejet de la prolongation.

86.Par ailleurs, le Règlement ne fait aucune obligation au tribunal d’entendre le détenu lui‑même en personne; en vertu de l’article 4, seul un agent de l’autorité d’enquête est tenu de répondre aux éventuelles demandes d’information ou questions du juge. Le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et avocats a également déclaré dans son rapport sur les Maldives que le juge examine la demande de prolongation sans entendre le détenu ni son avocat. Ceci a par ailleurs été confirmé par les détenus interrogés par la délégation, qui ont affirmé avoir été détenus par la police pendant des semaines, voire des mois, avant d’être traduits devant le tribunal.

87.Comme on l’a noté auparavant, le SPT est informé de la nouvelle disposition constitutionnelle selon laquelle un détenu devra désormais être traduit devant un juge dans les vingt‑quatre heures pour déterminer la validité de la détention et soit libérer la personne avec ou sans conditions, soit ordonner la prolongation de la détention de l’accusé. Le SPT demande des informations sur le point de savoir si le Règlement régissant la présentation à un juge d ’ une demande de mandat d ’ arrêt ou de mise en détention de personnes soupçonnées d ’ avoir commis une infraction pour une période plus longue que celle approuvée par le Comité sera modifié ou abrogé en raison de l ’ entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. En l ’ absence de durée maximale de détention, le SPT recommande que la décision de prolonger la détention soit périodiquement réexaminée par le tribunal.

88.Le contrôle judiciaire d’une décision de prolongation de la période de détention, c’est‑à‑dire la comparution d’une personne privée de liberté devant le tribunal et la possibilité de contester la décision de mise en détention et de faire état de tout mauvais traitement, constitue une garantie importante des droits du détenu en général et contre les mauvais traitements en particulier. Le SPT souligne que personne ne devrait être détenu sans s’être vu donner une possibilité effective d’être entendu sans délai par une autorité judiciaire ou autre. Le SPT recommande que les détenus soient non seulement présents à l ’ audition concernant la détention et sa prolongation, mais aussi que le tribunal leur donne la possibilité de s ’ exprimer et de signaler tous mauvais traitements. Il devrait toujours être loisible au tribunal de demander un examen médical s ’ il existe des motifs de croire que des mauvais traitements ont pu être infligés et de prendre des mesures pour faire en sorte que toute allégation de mauvais traitements fasse rapidement l ’ objet d ’ une enquête de la part d ’ un organisme compétent.

4. Du danger de se fonder sur des aveux pour prononcer une condamnation

89.En vertu de la loi en vigueur, un tribunal peut fonder une condamnation sur la seule base d’un aveu. De ses discussions avec les autorités, la délégation a tiré l’impression que les enquêtes de police avaient aussi tendance à être orientées vers l’obtention d’aveux, comme les poursuites et la procédure judiciaire. Cependant, la délégation a été informée de ce que les aveux ne sont généralement plus retenus comme motif unique de condamnation et que la plupart des condamnations et des peines (près de 90 %) sont déterminées sur la base d’éléments de preuve autres que les seuls aveux.

90.Cependant, plusieurs détenus interrogés par la délégation ont affirmé que la police avait toujours recours à l’extorsion de dépositions par la coercition et les mauvais traitements. Ainsi, certains détenus interrogés par la délégation ont déclaré avoir été frappés par des membres d’une unité spéciale d’investigation au cours de l’enquête pour les obliger à avouer leur participation à l’explosion de Himandhoo. Dans une autre entrevue, un détenu a affirmé qu’on lui avait lié les mains derrière le dos et qu’on l’avait roué de coups dans une salle d’interrogatoire des locaux de garde à vue de Malé hors du cadre d’une session d’interrogatoire légale. En outre, au Centre de détention de Dhoonidhoo, la délégation a questionné un détenu qui avait été, selon lui, obligé de dormir à la belle étoile pendant une semaine sans matelas, sur une dalle de béton à proximité d’une pompe bruyante. Ces brimades auraient été organisées par les surveillants à l’instigation de l’enquêteur de police chargé de l’affaire.

91.Le SPT considère que le fait qu’une condamnation pénale puisse être prononcée sur le seul fondement d’un aveu risque d’avoir permis à certains individus d’abuser de la procédure en tentant d’extorquer par la force des aveux à des personnes privées de liberté. À cet égard, le SPT tient à souligner l’interdiction de tirer un avantage indu de la situation d’une personne détenue ou emprisonnée afin de l’obliger à faire des aveux, à s’accuser elle‑même ou à témoigner contre toute autre personne et le principe selon lequel aucune personne détenue pour interrogatoire ne doit être soumise à la violence, à des menaces ou à des méthodes d’interrogatoire susceptibles d’entraver sa capacité de décision ou son jugement. Le SPT estime que le fait de conduire une enquête pénale en cherchant à obtenir des éléments de preuve et non des aveux constitue l’une des garanties fondamentales car cela rend le recours à l’extorsion d’aveux au moyen de mauvais traitements sans objet, réduisant ainsi considérablement le risque de brutalisation des personnes placées en garde à vue.

92.Le SPT se félicite de l’incorporation dans la nouvelle Constitution de l’article 52, qui dispose: «aucun aveu n’est recevable en tant qu’élément de preuve s’il n’a été fait devant le tribunal par un accusé sain d’esprit. Aucune déposition ni aucun témoignage ne doivent être obtenus d’aucune source par la contrainte ou par des moyens illégaux et toute déposition ou tout témoignage ainsi obtenus sont irrecevables en tant qu’éléments de preuve.». Le SPT se félicite aussi de l’article 2.4 du projet de règlement de procédure pénale selon lequel «lorsqu’il interroge une personne, quelles que soient les circonstances, un agent de la force publique ne doit pas recourir à la torture ni à l’intimidation pour persuader cette personne de répondre à ses questions ou de faire un aveu».

93. Le SPT recommande aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires pour veiller à l ’ application scrupuleuse de la nouvelle disposition consacrée à l ’ article 52 de la Constitution. Il demande des informations sur l ’ état d ’ avancement de la rédaction du règlement de procédure pénale et souhaite savoir si l ’ interdiction du recours à la torture ou aux mauvais traitements dans les enquêtes de police y est énoncée. Il recommande aussi que la formation de la police aux méthodes d ’ enquête mette l ’ accent sur la nécessité de partir des éléments de preuve pour arriver au suspect et non l ’ inverse. Il recommande en outre que les personnes privées de liberté ne signent une déposition faite devant la police qu ’ après en avoir reçu copie et qu ’ on leur en ait donné lecture ou qu ’ elles en aient la possibilité de la lire elles ‑mêmes.

5. Les fourniture s d ’ informations sur les droits comme protection contre les mauvais traitements

94.Tant la Constitution en vigueur à l’époque de la visite que d’autres textes pertinents ne donnaient aucune information sur les droits des détenus ni n’indiquaient expressément quels étaient ces droits.

95.Au cours de sa visite dans les postes de police, la délégation n’a vu aucune information écrite sur les droits, et presque tous les détenus qu’elle a interrogés ont indiqué qu’on ne leur avait donné aucune information sur leurs droits. En outre, la délégation a tiré de ces entretiens avec les détenus et avec les policiers l’impression que lorsque l’on donnait certaines informations sur les droits, cela n’était pas fait de manière homogène ni systématique dans tous les postes de police. Informer les détenus de leurs droits semblait donc laissé à la discrétion des policiers de service.

96.Il va de soi que si les individus ne connaissent pas leurs droits, cela entrave sérieusement leur aptitude à les exercer effectivement. Le droit des personnes privées de liberté d’être informées de leurs droits est un élément crucial de la prévention des mauvais traitements et une condition préalable à l’exercice effectif des droits de la défense. Le SPT se félicite de ce que l’article 48 de la nouvelle Constitution énonce certains droits fondamentaux des détenus.

97. Le STP recommande de modifier la législation pertinente pour tenir compte de la nouvelle Constitution et énoncer, dans le détail, tous les droits des personnes privées de liberté ainsi que le droit de ces personnes d ’ être informées de leurs droits dès le moment où elles sont privées de leur liberté, de même que l ’ obligation concomitante incombant aux agents de la force publique de veiller à ce que ces personnes soient notifiées et de les aider dans l ’ exercice de tous ces droits dès le tout début de la privation de liberté.

98. Le SPT recommande aussi qu ’ un avis officiel énumérant tous les droits des personnes privées de liberté soit établi dans les langues parlées par les détenus et affiché dans des endroits des lieux de privation de liberté où ils peuvent être facilement lus par les personnes placées en détention. En outre, les mêmes informations devraient figurer sur le formulaire que doit signer toute personne détenue, et le détenu devrait s ’ en voir remettre une copie.

6. La notification de la privation de liberté comme protection contre les mauvais traitements

99.Par une note verbale datée du 22 juin 2008, les autorités ont informé le SPT qu’en vertu du Règlement régissant la sollicitation et l’obtention des services d’un avocat, l’agent chargé de l’enquête doit informer de son arrestation un membre de la famille ou un parent du détenu dans les vingt‑quatre heures suivant celle‑ci et elles ont donné l’assurance que rien n’était ménagé pour appliquer cette disposition.

100.Cependant, malgré cela, plusieurs détenus interrogés par la délégation se sont plaints de ne pas pouvoir contacter les membres de leur famille ou les informer autrement de leur mise en détention. La délégation a constaté que, dans la pratique, les détenus ne pouvaient exercer ce droit que si le policier enquêtant à leur sujet y consentait. Ainsi, par exemple, au centre de détention de Dhoonidhoo, un détenu a affirmé qu’il s’y trouvait depuis cinquante et un jours sans que sa famille ne soit informée de sa détention. En outre, même si un enquêteur acceptait de notifier la famille, les détenus ne savaient apparemment pas eux‑mêmes si leur famille avait appris leur détention.

101.Une personne détenue sans que quiconque ne sache où elle se trouve est plus vulnérable aux mauvais traitements. Le droit de notifier quelqu’un de l’extérieur du fait de la privation de liberté d’une personne est une importante garantie contre les mauvais traitements; ceux qui seraient tentés de recourir à des mauvais traitements peuvent en être dissuadés s’ils savent que quelqu’un de l’extérieur a été notifié et se préoccuperont peut‑être du bien‑être de la personne détenue.

102. Le SPT recommande que les autorités compétentes veillent à ce que le droit de notifier dans les vingt ‑quatre heures un membre de la famille ou toute autre personne intéressée de la privation de liberté soit aussi effectivement respecté dans la pratique. Il recommande en outre que les détenus soient systématiquement informés de ce droit et qu ’ on leur demande de signer un formulaire officiel sur ces droits, indiquant la personne qu ’ elle souhaite voir notifiée. Le personnel de la police devrait être chargé d ’ informer les détenus de ce droit et de lui donner effet en notifiant la personne indiquée.

7. L ’ accès à un avocat comme protection contre les mauvais traitements

103.Comme indiqué au chapitre I, section B 7 ci‑dessus, l’article 2 a) du Règlement de 2004 régissant la sollicitation et l’obtention des services d’un avocat stipule que, dans toute affaire faisant l’objet d’une enquête sur suspicion d’infraction, la personne faisant l’objet de l’enquête doit se voir donner la possibilité de solliciter les services d’un avocat. Cependant, l’article 11 stipule clairement qu’il est de la responsabilité de l’accusé de choisir son avocat et aussi d’exposer tous les frais relatifs à cette assistance.

104.La délégation a eu l’impression que ce droit n’était pas réalisé dans la pratique car la grande majorité des détenus interrogés avaient déclaré qu’ils n’avaient pas les moyens de rémunérer les services d’un avocat privé et qu’ils n’avaient donc pas eu de représentant légal pendant le temps qu’ils avaient passé en garde à vue. En outre, certains des détenus interrogés ont affirmé qu’alors qu’ils avaient les moyens de s’offrir les services d’un avocat, les demandes qu’ils avaient faites pour en contacter un auprès de la police avaient été tout simplement ignorées ou même rejetées. Ainsi, par exemple, certains détenus du centre de détention de Dhoonidhoo ont indiqué qu’à la suite d’un incident survenu en novembre 2007, plusieurs d’entre eux avaient été battus et leurs demandes d’être représentés par un avocat rejetées. La délégation a également eu connaissance d’allégations selon lesquelles les détenus étaient contraints d’attendre longuement avant d’avoir accès à un avocat − jusqu’à quatre‑vingt‑seize heures.

105.La présence d’un avocat au cours d’un interrogatoire de police peut avoir un effet dissuasif sur des individus qui pourraient autrement tenter d’extorquer de personnes placées sous leur garde des informations ou des aveux par la force. Le détenu qui a le droit de consulter un avocat en privé dès le début de la garde à vue est aussi en mesure de signaler tout mauvais traitement subi; sur la demande du détenu, l’avocat peut déposer plainte. Si de telles informations sont données sous le sceau du secret professionnel, elles peuvent toujours être utilisées anonymement pour empêcher que des pratiques abusives ne se reproduisent dans l’avenir. La présence d’un avocat au cours de l’interrogatoire de police peut aussi être une protection pour les policiers en cas d’allégations de mauvais traitements mal fondées. Le droit à bénéficier d’un avocat au tout début de la privation de liberté est donc un moyen important de prévenir les mauvais traitements ainsi que de préserver les droits de la défense.

106.Cependant, l’utilité préventive de l’accès à un avocat dépend de la possibilité d’exercer ce droit dans la pratique. Si les personnes privées de liberté n’ont pas les moyens de s’attacher les services d’un avocat et que l’on ne leur en fournit pas, le droit à un avocat et sa valeur dans la prévention des mauvais traitements demeurent purement théoriques. Le SPT souligne que toutes les personnes privées de liberté devraient avoir accès à un avocat, et ce, au stade le plus précoce possible, y compris dès le premier interrogatoire de police.

107.Compte tenu de ce qui précède, le SPT recommande que les autorités veillent à ce que toutes les personnes privées de leur liberté aient le droit de bénéficier de l ’ assistance d ’ un avocat dès le début de la privation de liberté. Elles devraient être systématiquement informées de ce droit par la police et se voir fournir des facilités raisonnables pour consulter un avocat en privé. En outre, si une personne détenue n ’ a pas choisi d ’ avocat, elle devrait avoir le droit de s ’ en voir désigner un, et ce, sans frais si elle n ’ a pas les moyens de le rémunérer .

8. L ’ accès à un médecin comme protection contre les mauvais traitements

108.Si une personne privée de liberté est maltraitée par la police, il est compréhensible que cette personne, tant qu’elle se trouve entre les mains de la police, ait peur de le dire à quelqu’un d’autre. Si cette personne veut se plaindre de mauvais traitements, c’est vraisemblablement à un médecin qu’elle le fera, puisque les médecins sont supposés travailler indépendamment des forces de sécurité et que les consultations médicales sont censées être privées et confidentielles. En outre, si le détenu a été blessé, le médecin est le mieux placé et le mieux équipé pour l’examiner et constater ses blessures.

109.Du point de vue de la prévention, si les personnes privées de liberté sont régulièrement examinées par un médecin en privé alors qu’elles se trouvent en garde à vue, ceci peut avoir un effet dissuasif sur tout policier qui pourrait être tenté d’user de mauvais traitements. Le SPT considère que l’accès à un médecin hors de la présence du personnel de police constitue une protection importante contre les mauvais traitements.

110.Il est cependant ressorti clairement des récits des médecins, policiers et détenus que de tels examens de routine n’étaient effectués ni dans les postes de police locaux ni dans les grands centres de détention. En outre, la délégation a appris que les policiers étaient systématiquement présents lorsque les détenus consultaient un médecin. Ainsi, il est apparu qu’aucune culture du secret médical n’existait dans la relation entre le patient et le médecin. En outre, il a été dit à plusieurs reprises à la délégation que les patients étaient habituellement menottés pendant qu’ils étaient interrogés et examinés par le médecin. Cette routine n’est pas acceptable et constitue un traitement dégradant. Elle sape aussi la confiance entre le patient et le médecin.

111. Le SPT recommande que les autorités introduisent l ’ examen médical systématique de toutes les personnes placées en garde à vue et que ces examens soient effectués sans aucun recours à des mesures de contrainte. Le SPT recommande aussi que les examens médicaux soient conduits conformément au principe du secret médical; aucune personne n ’ appartenant pas au corps médical autre que le patient ne devrait être présente. Dans des cas exceptionnels, si un médecin le demande, des dispositions spéciales de sécurité peuvent être considérées comme pertinentes, par exemple, le fait de placer un policier à proximité. Le médecin devrait consigner les résultats de son examen, de même que les noms de toutes les personnes présentes. Cependant, les policiers devraient toujours être placés hors d ’ audition, et de préférence hors de vue, d ’ un examen médical.

112.Outre un examen médical approprié, un enregistrement approprié des lésions corporelles causées à des personnes privées de leur liberté par la police constitue une protection importante, contribuant à la prévention des mauvais traitements ainsi qu’à la lutte contre l’impunité. Il est fort possible qu’une constatation exhaustive des blessures dissuade certains individus qui autrement seraient tentés de recourir à des mauvais traitements. Le SPT recommande que tout examen médical de routine soit effectué en utilisant un formulaire officiel sur lequel figurent a) les antécédents médicaux, b) la description par la personne examinée de toute violence subie, c) le résultat de l ’ examen physique approfondi, y compris une description de toute blessure et d) si le médecin a été formé à cela, une évaluation de la cohérence interne des informations recueillies aux trois premiers alinéas. La fiche médicale devrait être remise au détenu ou à son avocat sur sa demande.

9. L ’ enregistrement de la garde à vue comme protection contre les mauvais traitements

113.Au cours de la visite, la délégation a examiné les registres de garde à vue dans tous les postes de police visités et a été informée du système d’établissement des registres et mains courantes. Dans certains postes de police visités, la délégation a aussi été informée de ce que la police avait l’obligation de présenter au détenu une fiche d’arrestation dans les vingt‑quatre heures suivant son arrestation. À l’époque de la visite, la plupart des registres étaient tenus manuellement. Le SPT prend note de l’information fournie par des gradés de la police selon laquelle un système électronique d’archivage a commencé à être installé.

114.En examinant les registres, la délégation a noté des omissions récurrentes d’importantes informations, comme l’heure de la libération ou du transfèrement du détenu, ou encore le numéro de la cellule où il avait été placé. En outre, les registres ne contenaient aucune trace du fait que les détenus avaient été informés de leurs droits.

115.L’absence d’archivage systématique se traduit invariablement par des imprécisions et des lacunes dans les registres, qui ne peuvent être recoupés. Le SPT peut citer comme exemple l’affaire de M. Hussein Solah qui a été trouvé mort dans le port de Malé le 15 avril 2007: les registres du centre ont confirmé qu’il avait été arrêté le 9 avril 2007 alors qu’il était soupçonné d’être en possession de stupéfiants. Le 12 avril, il s’est plaint de maux de tête à 21 h 17. Il a refusé de prendre les médicaments qu’on lui avait donnés. Il a été transféré dans la cellule no 2. Le 13 avril à 0 h 40, comme il se montrait violent, il a été transféré dans la cellule no 5. Cependant, l’heure de sa libération avant qu’il ne soit trouvé mort le 15 avril 2007 n’a été enregistrée nulle part. Outre le certificat de décès qu ’ il avait demandé dans la note verbale datée du 3 mars 2008, le SPT demande une copie du rapport d ’ autopsie de M. Solah.

116.Le SPT considère que l’enregistrement approprié de la privation de liberté, y compris tous les mouvements des détenus, les éventuelles plaintes, requêtes et la suite qui leur est donnée, constitue l’une des protections fondamentales contre les mauvais traitements ainsi qu’une condition préalable à l’exercice effectif des droits de la défense, tels que le droit de contester la légalité de la privation de liberté. En outre, l’enregistrement approprié de la garde à vue est aussi un instrument qui permet une supervision appropriée et effective de la garde à vue par les gradés et protège les policiers des allégations mensongères de mauvais traitements ou d’omissions.

117. Le SPT recommande que le Service de la police des Maldives mette au point un registre standardisé et unifié permettant d ’ enregistrer en temps réel et de façon exhaustive toutes les informations déterminantes sur la privation de liberté d ’ un individu et que le personnel de la police soit formé à utiliser ces informations de manière appropriée et systématique. Le SPT recommande que les registres comprennent au moins les informations suivantes:

a) Les motifs de la privation de liberté, l ’ heure exacte à laquelle elle a commencé et sa durée;

b) Le nom de la personne chargée d ’ autoriser la privation de liberté et celui de la personne qui en porte la mention dans le registre;

c) Des informations précises sur l ’ endroit où la personne a été détenue au cours de cette période, y compris sur tout transfèrement à l ’ intérieur d ’ un établissement ou entre établissements;

d) La date et l ’ heure à laquelle la personne a été traduite pour la première fois devant une autorité judiciaire ou autre;

e) Les requêtes et plaintes;

f) L ’ heure à laquelle la personne a été informée de ses droits, l ’ heure à laquelle la garde à vue a été notifiée, l ’ identité de la personne notifiée ainsi que de l ’ agent qui a procédé à la notification;

g) L ’ heure à laquelle la personne a été examinée par un médecin ou elle a reçu la visite d ’ un membre de sa famille, d ’ un avocat ou d ’ une autre personne.

118. En outre, le SPT recommande que pour garantir l ’ archivage systématique de toutes les informations pertinentes, les gradés exercent une stricte supervision de la tenue des registres.

10. Procédure de plainte

119.Comme indiqué plus haut au chapitre I, les enquêtes sur les plaintes contre la police seront confiées à la Commission de l’intégrité de la police, non encore en service, créée en août 2006 et il est également possible de déposer plainte devant la Commission des droits de l’homme des Maldives. En outre, la délégation a été informée par de hauts gradés de la police qu’un département des enquêtes internes examine les plaintes et qu’un conseil de discipline de la police avait été créé. Le SPT demande aux autorités maldiviennes de fournir de plus amples informations sur le mandat et les pouvoirs du département des enquêtes internes et du Conseil disciplinaire de la police, le nombre et le type de plaintes déposées dans les années 2007 ‑2008 et le résultat de ces enquêtes. Il souhaite aussi savoir s ’ il existe d ’ autres organismes ou bureaux dotés du pouvoir d ’ examiner les plaintes déposées contre la police et, si tel est le cas, avoir des informations sur leurs mandats, le nombre d ’ affaires examinées en 2007 et 2008 et le résultat de ces examens.

120.Au cours de la visite, la délégation a eu l’impression qu’il n’existait pas de règles officielles ni de pratiques établies concernant les moyens d’autoriser un détenu à déposer plainte relativement au traitement subi en garde à vue. Le détenu qui désire porter plainte semble tributaire de la bonne volonté et de l’esprit de compréhension de l’agent de service qui, dans la pratique, décide de transmettre ou non la plainte aux autorités compétentes. En outre, il a été dit à la délégation par de nombreux détenus qu’ils n’avaient aucune confiance dans le système de dépôt de plaintes confidentielles auprès d’organismes extérieurs. Ainsi, par exemple, les détenus du poste de police d’Addu Atholhu ont déclaré qu’ils ne feraient même pas confiance à la Commission des droits de l’homme, car ils la considéraient comme faisant partie du Gouvernement. Le SPT note avec préoccupation que, dans certains établissements visités, les détenus ont aussi affirmé qu’il y avait eu des représailles contre des personnes qui avaient porté plainte.

121.L’une des protections fondamentales contre les mauvais traitements est le droit de tout détenu ou de son conseil à présenter une requête ou une plainte au sujet de la façon dont elle est traitée en garde à vue aux autorités chargées de l’administration du lieu de détention et aux autorités supérieures, et, si nécessaire, aux autorités de contrôle ou de recours compétentes.

122. Le SPT recommande que le droit des détenus à porter plainte soit clairement établi de par la loi et que les détenus soient pleinement informés de ce droit par les agents de police et/ou le personnel travaillant dans les locaux de détention de la police. À cet égard, le SPT tient à souligner que les autorités maldiviennes ont le devoir de veiller à ce qu ’ aucunes représailles ne soient exercées comme suite au dépôt d ’ une plainte.

123. En outre, le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que les détenus aient la possibilité concrète de déposer plainte, et que le principe de la confidentialité des plaintes soit dûment respecté. Les agents de police ou le personnel travaillant dans les centres de détention ne devraient pas s ’ immiscer dans la procédure de plainte, filtrer les plaintes adressées aux autorités compétentes ni avoir accès à la teneur des plaintes. Le SPT recommande d ’ élaborer à l ’ usage des agents de police des règles concernant le traitement des plaintes, qui devraient comprendre des modalités concernant le renvoi de la plainte aux autorités compétentes, l ’ obligation de respecter l ’ anonymat du plaignant et le devoir de mettre à la disposition des détenus qui souhaitent déposer plainte le matériel nécessaire pour écrire et des enveloppes.

124.Étant donné que plusieurs autorités des Maldives ont actuellement le pouvoir d’examiner les plaintes, il importe d’avoir une vue générale du type de plaintes déposées, de la suite donnée aux enquêtes et des sanctions éventuellement prises. Le recueil systématique de ces informations serait un outil efficace de prévention des mauvais traitements car il donnerait aux autorités une vue générale du respect par les policiers des devoirs qu’ils ont à l’égard des détenus et la possibilité de dégager et d’analyser les lacunes des protections existantes ainsi que la nécessité d’une formation, de modifications législatives ou d’autres mesures ciblées en vue d’éradiquer les mauvais traitements. Le SPT recommande aux autorités maldiviennes d ’ examiner la possibilité d ’ établir un tel système d ’ information.

125.Le SPT tient aussi à souligner que la simple existence de mécanismes de plainte n’est pas suffisante; ceux‑ci doivent être indépendants et impartiaux, et perçus comme tels, et ils devraient offrir des garanties d’efficacité, de promptitude et de célérité.

11. L ’ accès aux organismes de surveillance comme protection contre les mauvais traitements

126.Comme il est indiqué plus haut au chapitre I, section B 1, le SPT ne sait toujours pas clairement si la Commission des droits de l’homme des Maldives a mandat de contrôler les lieux de privation de liberté gérés par la police ou placés sous sa responsabilité.

127.Cette Commission ayant été désignée comme le mécanisme national de prévention, le SPT attend avec intérêt la mise au point d’un programme proactif de visites périodiques dans les postes de police et autres lieux de garde à vue. Ces visites régulières, notamment les visites non annoncées, dans les locaux de police devraient comprendre des entretiens en privé avec les détenus.

128.Comme indiqué plus haut au chapitre I, section B 5, la nouvelle Constitution a également donné au Procureur général le pouvoir de surveiller et d’examiner les circonstances et conditions dans lesquelles toute personne est arrêtée, détenue ou autrement privée de sa liberté avant jugement.

12. Formation et supervision des agents de police

129.Le SPT note avec préoccupation que les policiers qui travaillent au centre de détention de Dhoonidhoo ont déclaré qu’ils n’avaient reçu aucune formation professionnelle dans ce centre de détention. Le SPT recommande que les agents de police et les autres membres du personnel des postes de police et des locaux de détention de la police se voient donner une formation suffisante au travail dans les conditions de la garde à vue.

130.Au cours de la visite, la délégation a accordé une attention particulière au contrôle et à la supervision exercés par les gradés responsables et autres officiers supérieurs de la police sur le travail des agents de police. La délégation a observé que dans la pratique et en particulier dans les atolls les plus reculés, les officiers de police responsables semblaient être très peu supervisés eux‑mêmes par les officiers supérieurs. Par exemple, au poste de police de Ha. Dhidhdoo, la délégation a appris qu’un inspecteur de la police de Malé ne venait qu’une fois tous les six ou huit mois et qu’aucun autre mécanisme interne de contrôle supérieur n’existait.

131.Le SPT considère qu’une supervision et un contrôle appropriés des subordonnés constituent une protection essentielle contre les mauvais traitements. Il estime que l’absence de contrôle effectif de la part des officiers supérieurs sur le traitement des détenus par les policiers, voire leur approbation tacite des méthodes utilisées, peut conduire certains agents à recourir à des mauvais traitements. La délégation ne pense pas que les mauvais traitements allégués soient le résultat d’ordres directs, mais l’absence de contrôle et de supervision ne dispensent pas les officiers supérieurs de s’acquitter de la responsabilité qui leur incombe de veiller à prévenir les mauvais traitements. Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que les officiers supérieurs et les autorités supérieures contrôlent et supervisent effectivement le travail des agents de police.

132.En outre, le SPT tient à souligner que les titulaires de l’autorité supérieure ne peuvent éviter de rendre des comptes ni échapper à leur responsabilité pénale en cas de torture ou de mauvais traitements commis par des subordonnés s’ils savaient ou auraient dû savoir qu’un tel comportement inacceptable se produisait ou allait probablement se produire et s’ils n’ont pas pris les mesures raisonnables de prévention qui s’imposaient. Le SPT recommande que les autorités compétentes veillent à ce que la responsabilité de tout haut fonctionnaire pour des actes de torture ou des mauvais traitements commis à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, ou encore encouragés par lui, fasse l ’ objet d ’ une enquête en bonne et due forme menée par des autorités judiciaires et des autorités de poursuites compétentes, indépendantes et impartiales .

133.Le SPT accueille favorablement les informations fournies par les officiers supérieurs de police sur les mesures que prend la police pour assurer un meilleur contrôle en vue de prévenir la survenance de mauvais traitements. Ces mesures comprendraient, entre autres, l’élaboration d’un code de déontologie intitulé «Déclaration des valeurs», couvrant des questions telles que la façon dont la police devrait se comporter à l’égard des détenus, la façon de mener les interrogatoires et l’enregistrement audio et vidéo des interrogatoires. Le SPT souhaite être tenu informé de tous faits nouveaux en ce sens. Le SPT recommande que, comme moyen d ’ éviter les cas de torture et de mauvais traitements, l ’ on procède à la surveillance systématique des règles, instructions, méthodes et pratiques en matière d ’ interrogatoire ainsi que des dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit .

13. Enfants privés de leur liberté

134.Au cours de la visite, le SPT a interrogé des enfants privés de leur liberté détenus au poste de police de Ha. Dhidhdoo et au centre de détention de Dhoonidhoo.

135.Le SPT souligne que les enfants ayant maille à partir avec la justice devraient bénéficier non seulement des mêmes protections que les détenus adultes, mais aussi de protections spécifiques visant à garantir que les enfants soient traités d’une manière conforme à leurs besoins particuliers. À cet égard, le SPT se réfère en particulier à l’Observation générale no10 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs.

136. Compte tenu de ce qui précède, et comme suite aux recommandations faites ailleurs dans le rapport, le SPT recommande que les autorités veillent à ce qu ’ un parent ou un autre représentant légal soit présent toutes les fois qu ’ un enfant est questionné par la police et que les enfants jouissent d ’ un accès sans restriction à un avocat. Il recommande en outre que les enfants soient toujours détenus séparément des détenus adultes, de préférence dans des établissements distincts; que les locaux de détention des enfants satisfassent à des normes d ’ hygiène suffisantes et offrent des possibilités d ’ exercice en plein air; enfin, que l ’ on donne au personnel de ces locaux une formation adéquate au travail avec des détenus mineurs.

137.Par une note verbale datée du 22 juin 2008, les autorités ont reconnu que les conditions de détention des mineurs placés dans le centre de détention de Dhoonidhoo étaient généralement médiocres et ont donné au SPT l’assurance qu’il était prévu, avec l’assistance du Ministère du genre et de la famille, de leur construire un établissement séparé, respectant des normes acceptables pour les mineurs. Le SPT demande à être informé de l ’ ouverture d ’ un établissement de détention distinct pour les enfants en conflit avec la loi.

138.La délégation a pu consulter un «rapport médico‑légal» concernant une adolescente maldivienne de 15 ans qui, en 2007, a été emmenée par la police dans un hôpital local pour un examen gynécologique «parce que la police voulait vérifier si elle avait eu des relations sexuelles ou non». Il ressort implicitement de ce document médical que l’examen a été fait sans le consentement de l’adolescente, et le rapport ne contenait aucune observation sur le point de savoir si ses parents avaient été informés et convoqués à l’examen. En outre, le fondement juridique de cet examen était obscur: nulle part dans le rapport il n’était indiqué qu’elle avait prétendu être victime d’un crime et l’on n’y trouvait aucune information pouvant laisser penser qu’elle était soupçonnée d’avoir commis une infraction.

139. Compte tenu de ce qui précède, le SPT souligne que tout examen médico ‑légal doit être clairement fondé sur le plan juridique et que l ’ examen de mineurs devrait toujours être protégé par la présence des parents ou d ’ un autre représentant légal, à moins que le mineur ne s ’ y oppose clairement. Le rapport médical d ’ un tel examen devrait contenir mention du fondement juridique sur lequel il repose, des noms de toutes les personnes présentes à l ’ examen, du fait que des mesures de contrainte ont été appliquées ou non et, dans le cas où l ’ on a recouru à la contrainte, de la nature des moyens de contrainte employés et des motifs de leur utilisation.

14. Conditions matérielles dans les locaux de police

140.Centre de détention provisoire de Malé (centre de détention d ’ Atholhuvedi): Cet établissement de détention consistait en six grands dortoirs et une petite cour qui était aussi utilisée pour héberger des détenus. La capacité d’accueil totale de cet établissement serait de 120 personnes. Au moment de la visite, 137 personnes y étaient détenues; quatre mineurs étaient détenus en compagnie de détenus adultes dans l’une des cellules.

141.Les cellules de 16,4 m2 contenaient 20 personnes, ce qui signifie que chaque personne disposait de moins d’un mètre carré. Ceci est inacceptable. L’effectif de détenus était si élevé que même la petite cour était utilisée pour loger un grand nombre d’entre eux dans un espace resserré. Presque tous étaient menottés, certains à leur chaise. Ces détenus ne pouvaient pas se protéger de la pluie et la délégation en a également entendu un certain nombre se plaindre d’avoir des difficultés à accéder aux toilettes. La délégation a également interrogé deux femmes qui lui ont dit qu’elles avaient été détenues pendant plusieurs jours dans la cour, menottées à leur chaise et entourées de détenus de sexe masculin, avant d’être transférées dans un autre centre de détention. Le SPT considère que la pratique consistant à maintenir les détenus menottés jour et nuit constitue un traitement inhumain et dégradant. Il recommande qu ’ il soit immédiatement mis fin à cette pratique. En outre, le SPT estime qu ’ une cour n ’ est pas un  endroit approprié pour loger des détenus, en particulier des femmes.

142.Hormis la cellule no 5, les cellules étaient équipées de toilettes intégrales et de douches. Les détenus de la cellule no 5 se plaignaient de problèmes d’accès aux toilettes. L’une des cellules n’avait aucun accès à la lumière naturelle et était mal ventilée. Le seul robinet d’eau courante se trouvait dans la pièce où les détenus subissaient des tests de dépistage des abus de stupéfiants. En conséquence, presque tous les détenus se plaignaient de problèmes d’accès à l’eau potable. Les installations sanitaires, en général, et les lavabos où l’on pouvait se laver les mains, en particulier, étaient de qualité médiocre, surtout si l’on considère que la nourriture de tous les détenus de cette cellule était servie sur un plat commun et qu’ils devaient manger avec leurs mains. D’après les informations recueillies, ils n’avaient aucune possibilité de se doucher ni de prendre soin de leur hygiène personnelle.

143.Le centre de détention de Dhoonidhoo était composé de cinq quartiers cellulaires. Au moment de la visite, environ 187 personnes étaient détenues dans l’établissement, y compris des femmes et des enfants délinquants.

144.Le quartier A était séparé du reste du complexe par un haut mur. Il était composé de 10 petites cellules, de 4,4 m2 chacune (certaines d’entre elles endommagées et non utilisées). Les cellules étaient censées n’accueillir qu’une seule personne mais deux d’entre elles étaient occupées par deux personnes chacune. Chaque cellule possédait une annexe supplémentaire équipée d’un WC. La face avant des cellules était constituée de barreaux, ce qui permettait aux insectes et aux rongeurs d’entrer dans les cellules. Celles‑ci étaient équipées d’une étagère, d’une table, d’une chaise et d’un châlit. Elles laissaient passer suffisamment de lumière naturelle et étaient raisonnablement bien ventilées. Cependant, il n’y avait aucune lumière artificielle et, selon les détenus, elles étaient totalement obscures la nuit. Le quartier B était également séparé du reste de l’établissement par un mur et comprenait 10 cellules, de 7,05 m2, équipées de toilettes intégrales. Ces cellules pouvaient accueillir deux détenus, et étaient équipées d’une étagère, d’une table, de chaises et d’un châlit. Le second détenu devait apparemment dormir par terre puisque le châlit ne pouvait accueillir qu’une seule personne. Les détenus interrogés par la délégation se sont plaints qu’il faisait très chaud dans les cellules et que, quand il pleuvait, l’eau y pénétrait.

145.Le quartier C était d’un type classique et comprenait 30 cellules. Chacune avait une superficie de 5,45 m2 et pouvait accueillir deux à trois détenus. Elles étaient équipées de lits de béton sans matelas. Il n’y pénétrait qu’un mince filet de lumière naturelle. Le quartier D était utilisé pour accueillir les enfants en conflit avec la loi. On y comptait cinq pavillons composés de cellules pouvant accueillir plusieurs détenus, de 15 à 20 m2. Les conditions hygiéniques dans les cellules étaient médiocres et elles n’étaient équipées ni de lits ni de matelas. Les rongeurs et les insectes pouvaient facilement y pénétrer.

146.Le quartier G accueillait les femmes. Il était composé de cellules de 6 m2 équipées d’un cabinet de toilettes intégrales de 1,5 m2, accueillant deux détenues chacune. Comme les cellules n’étaient équipées que d’un seul lit, la seconde détenue devait dormir par terre. Un oreiller, un matelas et une couverture étaient fournis par le centre. Il y avait des barreaux à la porte et à la petite fenêtre et il n’y avait pas assez d’air ni de lumière à l’intérieur. Les cellules étaient en général sales.

147.Poste de police de Ha. Dhidhdoo: Il y avait cinq cellules de 5,6 m2 chacune destinées à n’accueillir qu’un seul détenu. On y trouvait cependant jusqu’à trois détenus. Aucun matelas n’était fourni et lorsqu’il pleuvait l’eau inondait la cellule. Il y avait une courette, mais tous les détenus n’avaient pas l’autorisation de s’y rendre.

148.Poste de police d ’ Addu Atholhu: Cet établissement était composé de sept cellules, de 6,3 m2 chacune, pouvant accueillir normalement deux à trois personnes. Ces cellules n’avaient pas de fenêtre, la lumière naturelle n’y pénétrait que parcimonieusement et il n’y avait pas de lumière artificielle la nuit. Les effets personnels des détenus étaient rangés par terre. Il y avait un petit cabinet de toilettes dans l’arrière‑cour. Tant les détenus que le personnel ont déclaré que les cellules étaient inondées par temps de pluie. Il n’y avait aucune possibilité d’exercice en plein air.

149.Poste de police de Fuamulah (Fuahmulaku): Il y avait trois cellules de 5,2 m2 chacune pouvant accueillir deux à trois personnes. Ces cellules n’étaient pas équipées de matelas.

150.Poste de police de Kulhudhufushi: Les deux cellules, de 7 m2 chacune, ne pouvaient accueillir plus de deux personnes chacune et étaient équipées de toilettes à la turque et de matelas. Elles étaient bien éclairées, ventilées et propres. Deux petites fenêtres équipées de barreaux étaient placées en haut du mur; la lumière artificielle pénétrait dans la cellule à partir du couloir à travers la porte métallique dotée de barreaux. La nourriture était servie régulièrement quatre fois par jour. Selon les informations communiquées à la délégation, cette nourriture était la même que celle servie aux policiers; les détenus prenaient leurs repas dans la cour, où ils pouvaient également passer un certain temps.

151. Le SPT recommande que chaque personne détenue dans les locaux de garde à vue des postes de police ou dans les centres de détention de la police puisse dormir dans des conditions répondant à toutes les exigences de l ’ hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d ’ air, la superficie minimale, l ’ éclairage, le chauffage et la ventilation et qu ’ elle dispose d ’ un matelas pour dormir ainsi que d ’ un accès aux installations sanitaires, à la nourriture et à l ’ eau potable. Il convient de prendre soin d ’ éviter que l ’ eau ne pénètre dans les cellules lorsqu ’ il pleut, et d ’ éviter aussi que les insectes et les rongeurs n ’ entrent dans les cellules. Toute p ersonne détenue pendant plus de  vingt ‑quatre heures devrait se voir offrir la possibilité de faire quotidiennement de l ’ exercice en plein air.

15. Séparation des détenus provisoires et des détenus condamnés

152.Le SPT a constaté plusieurs situations dans lesquelles on ne pouvait savoir clairement si le statut juridique des détenus était celui de personnes gardées à vue par la police, de personnes placées en détention provisoire ou de personnes purgeant leur peine car elles étaient apparemment toutes détenues dans les mêmes locaux du centre de détention provisoire de Malé. Le SPT recommande que les détenus non jugés soient détenus séparément des condamnés .

16. Soins de santé

a) L ’ accès aux soins de santé

153.Dans les postes de police ordinaires visités, il n’y avait aucun système effectif de couverture médicale. Les demandes des détenus qui souhaitaient consulter un médecin étaient filtrées par des policiers qui n’avaient aucune formation en matière de santé, et la délégation a entendu de nombreuses allégations émanant de diverses institutions selon lesquelles on ne faisait aucun cas des demandes de consultation médicale. Lorsqu’un examen médical d’un détenu était effectué, cela se passait dans un établissement médical, par exemple à l’hôpital. La situation était légèrement meilleure dans les deux principaux centres de détention, le centre de détention provisoire de Malé et le centre de détention de Dhoonidhoo, dotés d’installations médicales où travaillaient à plein temps des médecins et des infirmières. Cependant, dans ces établissements, la délégation a entendu de nombreuses allégations selon lesquelles les demandes de consultation étaient filtrées par des personnels de police n’ayant aucune formation sanitaire, qui parfois n’en faisaient aucun cas.

154. Le SPT recommande, puisque aucun membre du personnel présent dans les locaux de  police ne possède la qualification médicale nécessaire pour évaluer les besoins sanitaires des personnes privées de liberté, que les demandes de consultation médicale soient satisfaites sans délai et sans filtrage préalable de la part des agents de police.

155.Certaines demandes étaient motivées par de graves symptômes de sevrage, notamment des convulsions et évanouissements. Des détenus du centre de détention provisoire de Malé ont dit à la délégation qu’ils avaient été témoins de trois crises de convulsions d’un compagnon de cellule; celui‑ci − selon les indications d’autres détenus − a été extrait de la cellule, menotté et laissé dans la cour sans aucune attention médicale. En outre, durant sa visite, la délégation a vu un détenu être pris d’une attaque. Plusieurs policiers qui étaient autour de lui ne sont nullement intervenus, ce qui indiquait un manque de formation du personnel à la gestion des problèmes de santé des détenus. Selon toute probabilité, cette attaque résultait d’une situation de sevrage, ce qui souligne l’insuffisance de la gestion des situations graves de sevrage qui doivent être très fréquentes parmi les détenus puisque plus de 75 % de toutes les incarcérations résulteraient d’infractions liées aux stupéfiants.

156. Le SPT recommande que les demandes de consultation médicale émanant des détenus ne soient pas filtrées par le personnel non médical. Les agents de police devraient être formés et des instructions devraient leur être données sur la manière de réagir aux situations d ’ urgence médicale, même si les détenus ne demandent pas expressément une intervention médicale. Les détenus ayant un besoin évident de soins médicaux, par exemple ceux qui souffrent de convulsions, devraient être transférés sans délai pour être soignés.

b) Dossiers médicaux

157.Au centre de détention provisoire de Malé, il n’y avait pas de dossiers médicaux individuels tandis qu’à Dhoonidhoo, on n’en constituait que pour les détenus qui demandaient une assistance médicale soit à leur arrivée, soit ultérieurement. En outre, à Dhoonidhoo, certains dossiers ne contenaient pas toutes les informations nécessaires.

158.Le SPT souligne qu’une bonne tenue des registres est une partie essentielle du travail des médecins; ceci s’applique non seulement à l’examen de routine effectué à l’arrivée, mais aussi à tout aspect de chaque visite médicale. Par ailleurs, la documentation des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements est le premier pas dans la contribution médicale à la prévention de la torture et des autres formes de mauvais traitements ainsi qu’à la lutte contre l’impunité. Le médecin doit aussi avoir des directives claires sur la façon dont les cas allégués et médicalement documentés de mauvais traitements devraient être signalés, à qui et à quel moment. Si le détenu ne veut pas que son nom figure dans le dossier, le médecin devrait le consigner d’une manière qui préserve l’anonymat du détenu. Le SPT recommande qu ’ un dossier individuel soit ouvert pour chaque détenu à son arrivée dans les centres de détention de la police et soit mis à jour systématiquement et complètement après chaque visite ou intervention médicale et que des instructions claires soient établies à l ’ intention des médecins sur la façon de documenter et de signaler d ’ éventuels cas de torture ou de mauvais traitements.

159.La délégation a jugé préoccupant le fait que le secret médical semblait virtuellement absent de l’archivage des dossiers dans les cliniques, lorsqu’ils en existaient. Les membres de la délégation ont constaté que les agents de police avaient accès aux dossiers médicaux. Le SPT considère que le secret des échanges entre le patient et le médecin est une partie essentielle de leur relation, notamment dans le cadre de la garde à vue et de la prison et qu’il constitue potentiellement un facteur important de prévention des mauvais traitements et de lutte contre l’impunité. Le SPT recommande que des mesures soient prises immédiatement pour établir et maintenir le secret de l ’ archivage des documents et dossiers médicaux.

c) Détenus souffrant de troubles psychiatriques

160.Des allégations selon lesquelles des détenus souffrant de troubles psychiatriques étaient traités durement pour contrôler leur comportement étrange sont parvenues à la connaissance des délégués.

161.Le SPT sait que les psychiatres sont rares dans le pays; cependant, la pénurie de spécialistes souligne la nécessité d ’ une formation de base des policiers à l ’ identification des troubles mentaux graves et d ’ instructions claires quant à l ’ envoi de tels détenus dans un établissement médical.

17. Constatations corroborant les allégations de mauvais traitements

162.La délégation a entendu de nombreuses allégations crédibles émanant de personnes détenues selon lesquelles elles avaient été physiquement maltraitées alors qu’elles étaient gardées par des policiers, tant au moment de leur appréhension ou arrestation que dans les locaux de garde à vue dans lesquelles elles avaient été transférées.

163.Un scénario systématique se dégageait de ces allégations: les détenus disaient qu’alors qu’ils étaient menottés, ils avaient été malmenés et frappés à coups de pied par les policiers. En outre, à plusieurs reprises et en divers endroits de différents atolls, le SPT a entendu parler d’un usage abusif des menottes pour maîtriser les personnes interrogées ou détenues dans les centres de détention de la police où elles étaient placées dans des positions accroupies pénibles pendant de longues périodes. Par exemple, au centre de détention provisoire de Malé, la délégation a entendu dire que les détenus de cet établissement étaient souvent maintenus menottés pendant des semaines. En outre, presque tous les détenus placés dans la cour étaient menottés, certains à leur chaise. La délégation a également entendu de nombreuses allégations selon lesquelles les détenus étaient frappés dans la cour par les policiers et les mains de certains d’entre eux avaient été brûlées avec des mégots de cigarette. À deux reprises, on a dit à la délégation que des détenus auraient été suspendus dans le vide accrochés à leurs menottes. Les constatations cliniques et les lésions corporelles documentées par les membres médecins de la délégation concordaient entièrement avec ces allégations de mauvais traitements.

164.Dans des entretiens avec le SPT, les membres du Bureau des plaintes ont accueilli avec scepticisme l’assertion selon laquelle la torture est pratiquée aux Maldives parce que les enquêtes de police se déroulent désormais en présence des avocats et sont enregistrées sur bande vidéo. En outre, ils ont souligné que le Bureau n’avait jusqu’à présent constaté aucun cas étayé de torture. Dans la note verbale du 22 juin 2008, les autorités ont noté que si des incidents isolés pouvaient se produire, ils ne souscrivaient pas à la conclusion selon laquelle les mauvais traitements étaient une pratique répandue aux Maldives. Dans cette note, il était aussi fait mention de ce que le personnel des locaux de détention était continuellement surveillé par le système de télévision en circuit fermé, et il a été noté que les autorités pensent que ces allégations s’expliquent par une collusion permanente entre certains détenus pour discréditer le Service de la police et le Gouvernement des Maldives.

165.Le SPT reconnaît qu’un système de télévision en circuit fermé peut être un important moyen pour prévenir les mauvais traitements mais souligne que l’existence d’un tel système n’empêche pas que se produisent des actes de torture et des mauvais traitements. En outre, le SPT note que les mauvais traitements allégués avaient eu lieu dans des endroits situés hors de portée du système de télévision en circuit fermé. Sur la base des allégations de mauvais traitements proférées par les détenus et des constatations des membres médecins de la délégation, le SPT a conclu que des mauvais traitements sont encore infligés aux personnes privées de leur liberté aux Maldives.

166.Du point de vue de la prévention, il est important de reconnaître le risque de torture et d’autres formes de mauvais traitements au cours de l’arrestation, de l’enquête de police et de la garde à vue. En outre, si des protections suffisantes étaient en place, et si les policiers savaient qu’ils devraient rendre compte de leurs actes, ce type de brutalités serait beaucoup moins susceptible de se produire. Le SPT recommande que les autorités prennent des mesures pour veiller à ce que des protections suffisantes soient en place pour prévenir la torture et les mauvais traitements. En outre, il recommande que toutes les allégations de mauvais traitements fassent l ’ objet d ’ une enquête complète de la part d ’ autorités compétentes, indépendantes et impartiales.

B. Dans les prisons

1. Observations préliminaires

167.La délégation a visité la prison de Maafushi et le centre de détention provisoire de Malé − ce dernier étant aussi appelé aux Maldives prison/maison d’arrêt de Malé −, ces deux établissements étant placés sous la tutelle du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation. La délégation a cru comprendre que la prison de Maafushi est la seule prison officielle des Maldives destinée à héberger les détenus condamnés, le centre de détention provisoire de Malé étant une installation temporaire qui devra être fermée lorsque les nouvelles prisons prévues seront ouvertes. Au moment de la visite, les personnes purgeant leur peine et les personnes condamnées au bannissement étaient détenues dans cet établissement jusqu’à ce qu’elles puissent être transférées sur l’île. En outre, la délégation a visité deux prisons en construction, l’une à Malé et l’autre à Hithadhoo.

168.Aux Maldives, il n’existe aucun établissement carcéral réservé aux enfants de moins de 18 ans qui purgent leur peine. De ses entretiens avec les autorités, la délégation a cru comprendre qu’au lieu d’être jetés en prison, les enfants condamnés à une peine privative de liberté sont assignés à domicile. Le SPT prend note des informations fournies par le Ministère de l’intérieur, selon lequel les autorités projettent d’ouvrir une prison d’enfants âgés de moins de 18 ans. Le SPT demande à être informé de l ’ ouverture de cette prison pour enfants. En outre, il demande des informations détaillées sur les locaux réservés aux garçons et aux filles dans cet établissement.

2. Déduction de la période de détention provisoire du reliquat de la peine à purger

169.De nombreux détenus ont déclaré à la délégation qu’ils avaient passé beaucoup de temps en détention provisoire parce qu’ils n’avaient pas les moyens de payer une caution. Cependant, comme cette période n’était pas déduite du reliquat de la peine à purger, la durée totale de leur séjour en prison était augmentée d’autant. Cette pratique peut favoriser le sentiment que le système actuel n’est pas équitable. En outre, elle exacerbe les tensions et aggrave la surpopulation dans les établissements pénitentiaires.

170. Le SPT souhaite savoir si, dans le cadre de la réforme du système de justice pénale, le Gouvernement a prévu de modifier sa politique en ce qui concerne la déduction de la période de détention provisoire du reliquat de la peine à purger.

3. Les femmes détenues

171.Les femmes étaient détenues dans un quartier distinct de la prison de Maafushi (l’unité no 5, composée de trois sous‑unités F1, F2 et F3). La délégation a été informée qu’en général les détenues étaient surveillées par des gardiens car le personnel féminin n’était pas assez nombreux. Les mesures disciplinaires étaient également exécutées par des hommes.

172.Presque toutes les détenues interrogées par la délégation ont dit qu’elles ne se sentaient pas en sécurité dans les dortoirs parce que les détenus du sexe masculin pouvaient y entrer facilement. Elles ont cité un cas où deux détenus qui s’étaient échappés du quartier des hommes avaient pu venir librement dans celui des femmes, avant d’être reconduits dans leur unité par le Groupe d’appui pour les interventions d’urgence.

173.Pour le SPT, cela montre que les autorités doivent faire des efforts pour qu’il y ait suffisamment de gardiennes dans tous les établissements pénitentiaires qui accueillent des femmes, et pour que les quartiers réservés aux détenues soient totalement séparés de ceux des hommes. Lors de ses entretiens avec le directeur du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation, la délégation a appris qu’un nouveau bâtiment pour femmes venait d’être achevé, mais qu’il abritait provisoirement des détenus étrangers. Dans une note verbale adressée au SPT le 22 juin 2008, les autorités ont indiqué qu’une nouvelle «maison d’arrêt pour femmes», sûre et séparée des autres unités, avait été inaugurée le 13 décembre 2007 dans le centre pénitentiaire de Maafushi, et que 16 gardiennes avaient été formées pour s’occuper des 51 détenues qui s’y trouvaient à cette date. Il était précisé dans la note que trois gardiennes étaient de service en permanence et qu’hormis dans des circonstances très particulières le personnel masculin n’était pas autorisé à entrer dans le bâtiment; d’ailleurs, même dans un tel cas, il devait être accompagné d’une gardienne. Le SPT prend note de cette amélioration et recommande aux autorités de veiller à ce que tous les locaux destinés aux femmes soient totalement séparés de ceux qui accueillent des hommes. En outre, il est nécessaire qu ’ un nombre suffisant de gardiennes y soit présent jour et nuit.

174.Les détenues interrogées par la délégation ont déclaré qu’elles avaient un accès très limité à des activités − par exemple, seules deux des 40 détenues de la sous‑unité F2 pouvaient travailler (ménage) − et que les accords conclus à cette fin devaient être renouvelés tous les six mois. Elles ont toutefois souligné un aspect positif, à savoir que depuis octobre 2007 elles avaient la possibilité de suivre des cours d’anglais, de mathématiques, d’art et de langue autochtone (jusqu’au sixième niveau), et pouvaient aussi se déplacer librement dans leur quartier entre 6 et 18 heures.

175.La délégation a constaté qu’aucune femme n’était présente en permanence parmi le personnel médical de la prison de Maafushi, mais qu’une femme médecin venait une fois par mois. Les détenues ne pouvant pas être examinées par le médecin de la prison, qui est un homme, cela signifiait qu’en pratique elles devaient attendre, parfois pendant des semaines, avant de pouvoir être transférées à Malé pour y consulter un médecin. Le SPT recommande qu ’ une femme médecin soit plus souvent présente dans la prison de Maafushi de sorte que les détenues puissent voir un médecin lorsque leur état de santé le requiert.

4. Les détenus étrangers condamnés ou en attente de procès

176.La délégation a constaté qu’à la population carcérale déjà importante s’ajoutait un certain nombre de détenus étrangers déjà condamnés ou en attente d’être jugés aux Maldives. Lorsqu’ils ont été interrogés par la délégation, ces détenus ont affirmé qu’ils étaient souvent victimes de discrimination, à de nombreux égards: par exemple, ils ne disposaient pas de moyens adéquats pour préparer leur défense, ni d’un interprète, et leur détention était fréquemment notifiée avec retard à l’ambassade ou au consulat de leur pays. Il ressort en outre de certains témoignages que les étrangers ne bénéficiaient pas du même régime que les autres détenus s’agissant des contacts avec la famille et de la promenade. La discrimination qu’ils dénonçaient se manifestait également dans l’accès aux soins médicaux et la distribution de nourriture.

177.Le SPT tient à souligner qu’un des principes fondamentaux du traitement des détenus est que ceux‑ci ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination sur la base, entre autres, de leur origine nationale. Le SPT recommande que les autorités compétentes veillent à ce que les détenus de nationalité étrangère déjà condamnés ou en détention provisoire ne soient pas traités de façon discriminatoire et qu ’ ils bénéficient des mêmes garanties élémentaires que les autres détenus.

178.La délégation a jugé particulièrement préoccupant le cas d’un Chinois qui se trouvait apparemment en détention provisoire depuis treize ans (depuis le 4 novembre 1994) sans avoir été jugé ni même officiellement inculpé. Au moment de la visite, il était détenu à Maafushi. La délégation a porté son cas à l’attention du Procureur général, à l’issue des derniers entretiens, et le SPT accueille avec satisfaction les efforts déployés par le Gouvernement maldivien pour trouver une solution à cette affaire. Le SPT souhaite être informé de toute mesure qui serait prise pour remédier à cette situation et pour transférer l ’ intéressé dans son pays d ’ origine, ainsi que de toute réparation qui lui serait accordée par les autorités maldiviennes.

5. Examen médical après la garde à vue pour prévenir les mauvais traitements

179.La vérification de l’état des personnes qui sont incarcérées à l’issue d’une garde à vue est essentielle pour prévenir les brutalités policières. L’entrée en prison est un moment capital pour repérer d’éventuelles lésions et détecter s’il y a eu mauvais traitements. La délégation s’est donc enquise de la pratique en vigueur en ce qui concerne la vérification de l’état de santé des détenus à leur arrivée ainsi que des procédures prévues pour signaler, le cas échéant, des mauvais traitements imputables à la police.

180.La délégation a appris qu’à la prison de Maafushi tous les nouveaux détenus étaient examinés par un infirmier à leur arrivée, mais elle a cru comprendre qu’aucun examen de ce genre n’était prévu au centre de détention provisoire de Malé. Elle a noté qu’un formulaire devait être rempli par le médecin immédiatement après l’arrivée de chaque nouveau détenu, et que la visite médicale n’incluait pas obligatoirement une exploration des orifices naturels. La délégation a constaté cependant que si une procédure d’examen médical systématique existait bien, elle n’était suivie que sporadiquement; le plus souvent, les examens étaient effectués uniquement à la demande des détenus eux‑mêmes.

181.Le SPT est d’avis qu’une visite médicale systématique à l’arrivée du détenu et un enregistrement efficace des informations sont des outils importants pour prévenir la torture et les mauvais traitements. Il est tout aussi important d’évaluer quels sont les soins dont le détenu a besoin. En particulier, compte tenu de la prévalence très élevée de la toxicomanie chez les détenus, la visite médicale d’entrée pourrait être un moyen d’aborder ce problème individuellement, ainsi que l’occasion d’offrir des conseils et un traitement des symptômes du sevrage, afin d’aider les nouveaux arrivants à ne pas recourir aux drogues qui circulent illégalement dans la prison.

182.En outre, le SPT estime qu’une procédure devrait être instituée pour que les médecins recensent et signalent toute violence qui aurait été subie par le détenu avant son incarcération. L’absence d’une telle procédure est une brèche dans la protection contre les mauvais traitements et risque de favoriser l’impunité, qui compromet à son tour la prévention des violences.

183. Le SPT recommande que tous les détenus passent une visite médicale à leur arrivée en prison. Si l ’ examen initial est effectué par un infirmier, les détenus devraient avoir la possibilité de voir un médecin dans les meilleurs délais. L ’ examen médical doit être suffisamment approfondi pour permettre la détection de toute lésion éventuelle. Le SPT recommande en outre que ces visites médicales systématiques soient effectuées à l ’ aide d ’ un formulaire standard sur lequel seront consignés: a) les antécédents médicaux; b) une description, par l ’ intéressé, des violences éventuellement subies; c) les conclusions de l ’ examen physique approfondi, y compris la description des lésions éventuellement constatées; et d) une appréciation de la cohérence entre les informations relatives aux trois premiers points, pour autant que le médecin ait les compétences suffisantes pour ce faire. Le rapport devrait être mis à la disposition du détenu et de son avocat.

184. Le SPT recommande en outre qu ’ une procédure soit instituée pour que les médecins puissent signaler directement au directeur de l ’ établissement, dans le respect du secret médical et avec le consentement de l ’ intéressé, tous les cas de violences et de mauvais traitements présumés qu ’ ils constateraient, afin que ceux ‑ci soient portés à la connaissance des organes chargés de surveiller les conditions de détention dans les locaux de la police et dans les prisons et de recevoir les plaintes à ce sujet.

6. Le personnel pénitentiaire

185.Le SPT prend note des efforts qui ont été faits pour former le personnel pénitentiaire. Lors de ses entretiens avec le directeur du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation, la délégation a été informée qu’une formation sur les droits de l’homme destinée à la police avait été dispensée en 2006 avec le soutien du Commonwealth. Ce programme a été organisé par le Centre de formation au maintien de l’ordre de la police des Maldives, en collaboration avec le Ministère de l’intérieur et le Service des droits de l’homme du Secrétariat du Commonwealth. Dix employés du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation ont participé à cette formation. En outre, une vingtaine d’agents pénitentiaires sont envoyés chaque année à l’étranger pour approfondir leur expérience.

186.La délégation a été informée, tant par le personnel que par les responsables, qu’avant d’être engagée toute nouvelle recrue devait suivre un cours de six semaines sur l’administration, la légitime défense, la communication, le règlement des problèmes et les bases du droit, ainsi qu’un stage pratique de quatre semaines. La délégation a assisté à des séances de formation du personnel pénitentiaire, qui lui ont fait bonne impression. Le SPT se félicite qu ’ une importante procédure de recrutement et de formation de nouveaux gardiens soit en cours et encourage les autorités à poursuivre leurs efforts dans ce sens.

187.La délégation a toutefois constaté que, malgré ces efforts, le personnel féminin était insuffisant, de même que les effectifs des équipes de nuit. Le directeur du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation lui a indiqué que le personnel pénitentiaire, pour une population carcérale totale de 700 détenus, comptait 400 employés travaillant par roulement, y compris le personnel dit en civil et le personnel médical. À Maafushi, par exemple, le responsable de la sécurité a signalé qu’en raison du manque d’effectifs les gardiens avaient peur de pénétrer dans les grands dortoirs, en particulier la nuit.

188.Au moment de la visite du SPT, le personnel de la prison de Maafushi se composait de 150 hommes et de 30 femmes travaillant par roulement. Dans le centre de détention provisoire de Malé, les 70 détenus étaient surveillés par des équipes successives de trois ou quatre personnes seulement, qui, semble‑t‑il, n’entraient pas dans la cour de l’établissement. Les détenus ont déclaré à la délégation qu’ils ne voyaient les gardiens qu’au moment des repas, et même alors, les rations étaient remises à trois détenus qui étaient chargés de les distribuer aux autres. La délégation a également constaté qu’il n’y avait aucun moyen efficace d’alerter le personnel en cas d’urgence et généralement pas de système d’appel dans les cellules.

189.Lorsque les détenus sont livrés à eux‑mêmes en raison du manque de gardiens ou de l’utilisation inadéquate des moyens disponibles, le risque de violence entre détenus s’accroît facilement et le personnel peut aussi avoir plus de difficultés à réagir si une urgence, d’ordre médical ou autre, se produit. En outre, si celui‑ci ne peut pas avoir accès à toutes les parties de la prison parce qu’il craint pour sa propre sécurité, cela favorise un sentiment général d’insécurité dans tout l’établissement, ce qui a une incidence négative sur la gestion du quotidien et augmente le risque d’un recours à la force disproportionné en cas d’incident. Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que le personnel pénitentiaire soit suffisamment nombreux à tout moment, y compris le personnel féminin dans les établissements accueillant des femmes.

7. La violence entre détenus

190.De nombreux détenus ont déclaré à la délégation qu’ils craignaient d’être brutalisés par leurs codétenus et qu’il y avait apparemment des tensions entre certains groupes de détenus, souvent liées au trafic de drogues dans la prison. Un détenu de Maafushi a affirmé en outre qu’il était parfois battu par des codétenus et que les gardiens n’avaient pris aucune mesure pour faire cesser cette pratique et le protéger. Cette inaction l’avait conduit à se plaindre à la Commission des droits de l’homme des Maldives. Mais les autres détenus avaient trouvé sa lettre pendant qu’il était en permission et l’avaient roué de coups à son retour. Après cet incident, il avait été transféré dans une autre unité. Par la suite, lorsqu’il avait voulu récupérer des effets personnels restés dans son ancienne cellule, les gardiens lui avaient dit que tout avait été volé par les autres détenus.

191.Lorsqu’un État prive une personne de sa liberté, il devient responsable de sa sécurité. Cela inclut l’obligation de protéger l’intéressé contre ses codétenus. Même si la violence entre détenus peut être extrêmement difficile à gérer, ne pas offrir de protection contre cette violence constitue un manquement au devoir de prise en charge qui incombe à l’État. Le personnel pénitentiaire doit être dûment formé et préparé pour travailler au contact des détenus, pour savoir détecter les signes avant ‑coureurs avant qu ’ un conflit ne s ’ aggrave et pour prendre en cas de besoin les mesures qui s ’ imposent. Le SPT recommande que la formation du personnel pénitentiaire soit centrée sur la création et le maintien de relations positives entre les détenus, ainsi qu ’ entre ceux ‑ci et les gardiens: une approche du travail en prison fondée sur la sécurité dynamique.

8. La procédure disciplinaire

192.La délégation a cru comprendre que la procédure disciplinaire suivie à l’époque de sa visite n’était pas énoncée dans une loi donnée, mais reposait sur les règlements et les pratiques en vigueur. Lors de ses entretiens avec le directeur du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation, elle a appris par exemple que la suppression des visites familiales ou des permissions était utilisée comme sanction disciplinaire. Le directeur de la prison de Maafushi a indiqué que le placement à l’isolement, jusqu’à sept jours durant, pouvait également être imposé à titre de punition. Le SPT croit savoir que le Gouvernement examine actuellement un projet de règlement relatif aux prisons, centres de détention et centres pour jeunes délinquants dont certaines dispositions seront consacrées aux sanctions et procédures disciplinaires.

193.La délégation a pu consulter le nouveau registre des incidents récemment mis en place à la prison de Maafushi. D’après les informations qui y étaient consignées, la plupart des incidents étaient bénins et les punitions imposées consistaient par exemple à priver le détenu de visites familiales pendant un mois ou d’appels téléphoniques pendant quelques semaines. Le SPT tient à féliciter les autorités pour la mise en place de ce registre, qui constitue une protection importante contre les mauvais traitements. La délégation a relevé cependant certaines lacunes dans la tenue du registre, dont les entrées ne contenaient que des informations succinctes et peu détaillées (par exemple, la sanction n’était pas toujours indiquée). Le SPT recommande que tous les incidents ainsi que les sanctions et autres mesures disciplinaires soient systématiquement consignés dans le registre des incidents, d ’ une manière qui permette de surveiller convenablement le recours à ces mesures.

194.Plusieurs détenus ont donné à la délégation des témoignages cohérents faisant état du recours aux coups et aux menottes à titre disciplinaire, ainsi que d’actes humiliants comme l’obligation de se déshabiller devant les autres détenus et les gardiens ou avoir les yeux bandés. Les détenus interrogés par la délégation ont également fait état de punitions collectives. Par exemple, à Maafushi, certains ont affirmé qu’à une occasion leurs effets personnels avaient été détruits à titre de punition collective, et dans le centre de détention provisoire de Malé, des détenus ont raconté qu’après la tentative d’évasion de l’un d’entre eux la police était venue fouiller les cellules et avait confisqué toutes les cigarettes. La suppression des visites familiales était également utilisée comme forme de sanction collective; les autorités pénitentiaires l’ont elles‑mêmes confirmé.

195.L’impression retenue par la délégation est que les mesures disciplinaires étaient appliquées de façon arbitraire, quasiment à la guise de l’administration pénitentiaire, et que le système ne visait pas à punir une personne donnée, le recours aux sanctions collectives étant également courant.

196.Le SPT considère que la discipline dans les établissements pénitentiaires est un facteur important de la sécurité, tant pour les détenus que pour le personnel. Toutefois, il est important d’instituer des mesures de protection pour éviter un recours abusif à la procédure disciplinaire et empêcher les mauvais traitements. Le SPT encourage le Gouvernement à adopter le projet de règlement pénitentiaire à l ’ examen, en espérant qu ’ il veillera à ce que celui ‑ci soit conforme aux normes internationales relatives au traitement des prisonniers que les Maldives sont tenues de respecter. Le SPT recommande en outre aux autorités de veiller à ce qu ’ aucune punition ne soit collective. Les administrateurs devraient surveiller davantage la procédure disciplinaire suivie en cas d ’ incident, de façon à s ’ assurer que seules des sanctions prévues par la loi sont appliquées, et uniquement dans le cadre de la procédure officielle. Tout incident donnant lieu à des mesures disciplinaires doit être rigoureusement consigné dans un registre à cet usage, de même que toute sanction disciplinaire, et un contrôle indépendant doit être exercé sur l ’ ensemble de la procédure.

9. Ségrégation et isolement

197.À Maafushi, la délégation a visité le quartier d’isolement qui accueillait, au moment de la visite, à la fois les détenus considérés comme «dangereux», souvent pour avoir commis des infractions aggravées au règlement, et ceux tenus à l’écart pour leur propre sécurité. Ce quartier est situé en bordure de mer, loin des autres bâtiments du centre pénitentiaire, et est ceint d’un haut mur. Il compte trois unités séparées, de 10 cellules chacune.

198.La délégation a été informée que les détenus considérés comme «dangereux» étaient transférés dans l’unité no1 sur décision de l’administration pénitentiaire, et que ces décisions n’étaient pas susceptibles d’appel. Aucun détenu ne doit jamais être placé à l’isolement en permanence, cette mesure ne pouvant être prise qu’à titre temporaire et en dernier recours, pour une courte période et sous la supervision d’une autorité judiciaire ou autre. Le SPT recommande que la décision de transférer un détenu dans l ’ unité n o  1 soit susceptible d ’ appel. Il recommande également que la situation de toute personne placée à l ’ isolement ou soumise à d ’ autres formes de restriction extrême soit réexaminée régulièrement, en vue d ’ appliquer progressivement un régime moins restrictif.

10. La réponse aux émeutes de juin et décembre 2007

199.Lors de ses entretiens avec les autorités, la délégation a été informée que la sécurité, tant celle du personnel que celle des détenus, restait un grave problème dans les deux établissements pénitentiaires. Elle a appris qu’en 2007 deux incidents de grande ampleur s’étaient produits dans la prison principale, celle de Maafushi, le premier à la date du 5 juin et le second au moment de la visite du SPT. Dans les deux cas, les détenus étaient apparemment bien organisés et équipés de matériel divers, notamment de téléphones portables.

200.La délégation a été informée que la première émeute avait été motivée par l’absence d’activités ou de programmes de réinsertion. Les autorités ont reconnu que les détenus n’avaient à l’époque quasiment aucune possibilité de travailler; seuls trois ou quatre sur 700 avaient un emploi (blanchisserie ou vaisselle). Cette mutinerie avait fait prendre conscience aux autorités de la nécessité de prévoir du travail et d’autres activités pour les détenus. D’après l’administration pénitentiaire, la seconde émeute avait été provoquée par une mesure collective consistant à priver tous les détenus de visites familiales.

201.Le SPT est préoccupé par la manière dont le Groupe d’appui pour les interventions d’urgence et la police ont réagi à ces émeutes. Selon le témoignage des détenus interrogés par la délégation, une fouille effectuée à l’occasion du transfert d’un grand nombre de détenus d’une unité à l’autre avait été conduite de manière humiliante: les détenus auraient eu les yeux bandés pendant le déplacement et été soumis à une fouille à corps en présence du personnel de sécurité.

202.Le SPT est d’avis que, même dans des conditions de sécurité très difficiles, les autorités pénitentiaires doivent respecter la dignité des personnes privées de liberté. Le SPT recommande aux autorités d ’ adopter une stratégie proactive de gestion efficace des établissements pénitentiaires, afin de remédier aux causes profondes des incidents, au lieu de l ’ approche réactive qui est actuellement suivie. À son sens, ces mesures doivent consister notamment à proposer du travail et d ’ autres activités aux détenus. Il recommande en outre que les administrateurs soient vus quotidiennement dans la prison et qu ’ ils côtoient le personnel et les détenus, afin de superviser directement leurs subordonnés et contrôler ce qui se passe dans toutes les parties de l ’ établissement. Ils doivent prêcher par l ’ exemple et promouvoir la sécurité dynamique, afin de renforcer la sécurité de tous et prévenir les mauvais traitements.

11. Recours à la force et à la contrainte

203.Le SPT considère qu’une des fonctions du personnel pénitentiaire est de désamorcer les situations qui risquent de dégénérer. Le personnel pénitentiaire ne devrait recourir à la force que dans le cas d’incidents qu’il n’a pas été en mesure d’éviter et qui présentent un danger pour les détenus ou lui‑même.

204.Lors de sa courte visite, la délégation s’est intéressée en particulier au recours à la force par le Groupe d’appui pour les interventions d’urgence. Lors de ses entretiens avec le responsable de cette unité des forces de sécurité spéciales, elle a été informée que celle‑ci était composée de 60 agents. Au moment de la visite, 23 d’entre eux étaient encore en train de suivre leur formation, tandis que les 37 autres l’avaient terminée. Cette formation portait essentiellement sur le renforcement de la confiance, les méthodes de contrainte, la fouille à corps et l’isolement des détenus agités. La délégation a constaté qu’aucune formation n’était dispensée sur les compétences relationnelles.

205.La délégation a appris que les membres du Groupe d’appui pour les interventions d’urgence sont des gardiens ordinaires formés pour réagir aux situations d’urgence. Ils ne sont pas appelés à être quotidiennement en contact direct avec les détenus: ils interviennent en cas d’incident grave, comme les émeutes de juin et de décembre. Leur équipement habituel comprend des pulvérisateurs de gaz poivre et des matraques en bois, mais pas d’armes ni de matraques électriques. Certains ont des matraques Bianchi et d’autres seront équipés prochainement de matraques PR24. La délégation a eu l’impression que le Groupe d’appui pour les interventions d’urgence était particulièrement craint par les détenus.

206.Hormis l’établissement d’un rapport sur l’émeute de juin, qui a été mis à la disposition de la délégation, il ne semble pas que le recours à la force par les gardiens ou par le Groupe d’appui pour les interventions d’urgence soit consigné dans un registre particulier. Le SPT estime important de consigner rigoureusement tous les incidents impliquant un risque de mauvais traitement, de façon à protéger les détenus et de connaître les situations dans lesquelles le recours à la force ou à la contrainte a été jugé nécessaire. Le SPT recommande d ’ instaurer et de tenir à jour un registre spécifique pour consigner systématiquement tous les incidents au cours desquels il y a eu recours à la force. Les informations enregistrées doivent être au moins les suivantes: date et nature de l ’ incident, méthode de contrainte ou de force employée, durée, motifs, noms des personnes impliquées et autorisation accordée pour le recours à la force.

207.La délégation a également entendu plusieurs témoignages faisant état de l’utilisation de menottes, d’une manière particulièrement humiliante et douloureuse, aux fins de sanction et de contrainte. Une autre information préoccupante était que des moyens de contrainte seraient utilisés par mesure de sécurité en cas d’incident. Le SPT insiste sur le fait qu’aux fins du maintien de l’ordre et de la discipline il ne faut pas exercer plus de restrictions qu’il n’est nécessaire pour assurer des conditions de détention sûres et une vie carcérale bien organisée. Les moyens de contrainte, tels que les menottes, ne devraient jamais être utilisés à titre disciplinaire. Le SPT recommande qu ’ il soit mis fin immédiatement à la pratique consistant à menotter les détenus pour les punir.

208.Les émeutes qui se sont produites à Maafushi en juin et en décembre, ainsi que la réaction du personnel pénitentiaire à cette occasion, donnent à penser qu’il est nécessaire d’exercer un contrôle plus attentif sur les interventions qui font suite à des incidents en prison. Il est risqué de faire appel à des équipes spéciales dont les membres n’ont pas travaillé quotidiennement avec les détenus et n’ont donc aucun intérêt à préserver une relation positive entre ces derniers et les gardiens lorsqu’un conflit survient. Le SPT est d’avis que les incidents qui se produisent en prison devraient en principe être résolus par le personnel pénitentiaire qui travaille régulièrement avec les détenus; la sécurité dynamique doit être privilégiée.

209.L’un des principaux moyens de protéger les détenus contre les mauvais traitements est d’assurer la présence de professionnels dûment formés, dotés des compétences relationnelles requises pour être en mesure de s’acquitter de leurs fonctions sans recourir à la violence ou à des méthodes de coercition excessives. Le SPT recommande de revoir en profondeur la procédure d ’ intervention spéciale en cas d ’ incident en prison. Il convient de prévoir notamment: un roulement du personnel affecté à cette fonction, une formation sur le recours à la force conforme aux principes relatifs aux droits de l ’ homme, une surveillance accrue des incidents par les administrateurs, un déploiement strictement réglementé des équipes d ’ intervention, et la mise en place d ’ un mécanisme indépendant chargé de contrôler le recours aux interventions spéciales et la manière dont celles ‑ci se déroulent.

12. Conditions de vie

210.Des conditions de vie décentes sont essentielles pour le bien‑être des détenus et du personnel. Lorsque les conditions carcérales sont mauvaises, elles sont aggravées par la surpopulation et ont une incidence néfaste sur toute personne qui vit ou travaille dans la prison; elles favorisent les tensions et la dégradation des relations, non seulement entre les détenus mais aussi entre ceux‑ci et les gardiens, ce qui accroît à son tour le risque de mauvais traitements.

211.Le centre pénitentiaire de Maafushi est une ancienne usine transformée en prison il y a une dizaine d’années. Elle se compose de 10 unités, dont neuf sont réservées aux hommes et une aux femmes (l’unité no 5). L’unité no 4 était fermée pour rénovation. La capacité officielle de l’établissement est de 453 détenus; au moment de la visite de la délégation, il en accueillait 505, parmi lesquels 30 étrangers, dont l’un se trouvait en détention provisoire.

212.Les conditions de vie dans cet établissement étaient globalement satisfaisantes. Par exemple, les dortoirs de l’unité no 3 étaient propres, bien aérés et éclairés à la fois par de la lumière naturelle et de la lumière artificielle. Ils étaient équipés d’espaces cloisonnés pour les sanitaires, de lits superposés, de quelques placards et armoires, d’étagères, de tables et de chaises.

213.La seule exception était l’unité no 1, qui servait pour isoler les détenus. Les cellules mesuraient 3,1 x 2,2 m dans l’aile A, et étaient plus petites ailleurs. Les détenus interrogés par la délégation se sont plaints de l’absence de matelas et de l’hygiène. Lors de ses entretiens avec le directeur du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation, la délégation a été informée que les détenus, selon toute apparence, détruisaient eux‑mêmes les matelas. Le SPT recommande que tous les détenus, y compris ceux qui sont placés à l ’ isolement, disposent d ’ une literie appropriée, y compris d ’ un matelas, lequel devra être composé, si nécessaire, d ’ un matériau indestructible spécialement adapté à l ’ usage en milieu carcéral. Il recommande en outre que l ’ unité d ’ isolement soit équipée d ’ installations sanitaires adéquates.

214.Dans le centre de détention provisoire de Malé, les détenus dormaient dans des dortoirs de type cage équipé d’une vingtaine de lits. L’établissement accueillait 55 personnes lorsqu’il a été visité par la délégation, laquelle a entendu dire qu’un grand nombre de détenus avaient été transférés ailleurs avant sa venue. Le bâtiment lui‑même était très mal entretenu; la lumière naturelle pénétrait peu dans les dortoirs, qui n’avaient pas de système de ventilation efficace. L’hygiène laissait à désirer et il n’y avait quasiment pas d’autres meubles que les lits. Le SPT considère que les conditions de détention dans ce centre sont inacceptables, quelle que soit la catégorie de détenus qu’il accueille; en particulier, elles sont totalement inadaptées aux prisonniers déjà condamnés, qui doivent parfois purger de très longues peines d’emprisonnement.

215.Lors de ses entretiens avec le directeur du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation, la délégation a appris que les autorités étaient conscientes des mauvaises conditions de détention qui régnaient dans le centre de Malé, et que celui‑ci serait fermé peu après l’ouverture de la nouvelle prison. Le SPT souhaite être informé de la fermeture du centre de détention provisoire de Malé.

216.La délégation a également visité la nouvelle prison de Malé. Celle‑ci a été conçue selon un nouveau modèle architectural d’établissement correctionnel. Sa principale caractéristique est une unité formée de plusieurs cellules situées autour d’une cour intérieure, avec une guérite en verre pour les gardiens. Les cellules sont de trois tailles: cellules individuelles de 10 m2, cellules plus grandes prévues pour deux ou trois détenus, et dortoirs pouvant accueillir 16 personnes. Chaque cellule dispose de toilettes et d’un point d’eau.

217.La délégation a observé que ces nouvelles cellules étaient sombres du fait que la lumière naturelle n’y pénétrait guère, qu’elles étaient peintes de couleurs sombres, comme le reste de la prison (rouge et vert foncés), et qu’il n’y avait pas de fenêtres ouvrant sur l’extérieur, mais seulement des petites fenêtres intérieures. La délégation a constaté en outre que le coin des sanitaires manquait d’intimité, qu’il n’y avait pas de cour à ciel ouvert pour la promenade, ni d’espace réservé aux activités et aux visites familiales. Le SPT recommande que ces lacunes dans la conception soient corrigées avant l ’ ouverture de la prison, dont il souhaite être informé.

218.Les autorités ont informé la délégation que la construction d’une nouvelle prison sur l ’ atoll méridional de Gan était en cours. Cependant, lorsqu’elle s’est rendue sur place, la délégation a constaté que le futur bâtiment semblait destiné à abriter de nouveaux locaux et un centre de détention pour la police de Hithadhoo, plutôt qu’une nouvelle prison. Ce nouvel établissement comprenait un groupe de 10 cellules de 6,3 m2 chacune, séparé du reste du bâtiment par un mur qui plongeait le couloir et les cellules dans la pénombre. En outre, les fenêtres des cellules, petites et mal situées, ne laissaient pas entrer beaucoup de lumière naturelle. Il n’y avait pas de cour ou de zone destinée à la promenade, mais l’espace libre de part et d’autre du couloir pourrait facilement servir à cette fin. Le SPT demande aux autorités de confirmer si ce nouvel établissement sera un centre pénitentiaire relevant du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation ou un centre de détention pour la police, et de préciser quelle sera sa capacité d ’ accueil maximale.

219.Lors de ses entretiens avec le directeur du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation, la délégation a été informée qu’au moment de sa visite le nombre de prisonniers déjà condamnés aux Maldives s’élevait à plus de 900. Elle a également appris que cette catégorie de la population carcérale avait augmenté de 243 % entre février 2000 et septembre 2007, et que les autorités étaient conscientes que, si le nombre de condamnations pour infractions mineures à la législation relative aux stupéfiants se poursuivaient au rythme actuel, le nombre de prisonniers atteindrait environ 2 500 d’ici à trois ans.

220.Le SPT prend note des projets de nouveaux établissements qui permettront d’améliorer la situation dans la prison de Maafushi et de fermer le centre de détention provisoire de Malé. Cependant, la construction de nouvelles prisons ne doit pas être considérée comme la seule solution − ce qu’elle ne saurait être. Une stratégie cohérente de réduction de la population carcérale doit inclure une série de mesures autres que la construction de nouvelles prisons: recours accru à la libération sous caution, réduction de la durée de la détention avant le procès, déduction de la période de détention provisoire du reliquat de la peine à purger, recours accru aux peines non privatives de liberté, octroi plus fréquent de remises de peine, de libérations conditionnelles ou d’autres formes de libération, programmes de réinsertion sociale et de désintoxication afin de réduire le risque de récidive, entre autres. En outre, le SPT est d’avis qu’il convient de réexaminer à la lumière du principe de proportionnalité les dispositions relatives aux peines maximales (telles que les peines allant jusqu’à vingt‑cinq ans d’emprisonnement ou la réclusion à perpétuité pour des infractions mineures à la législation relative aux stupéfiants), afin de réduire l’incidence de telles peines sur le système pénitentiaire et la surpopulation carcérale qui en résulte.

13. Activités et éducation

221.La délégation a constaté que pratiquement aucune activité n’était proposée aux détenus dans la prison de Maafushi et dans le centre de détention provisoire de Malé. Les autorités lui ont expliqué que c’était là la principale cause de l’émeute de juin 2007.

222.Le SPT juge cependant encourageant que les autorités aient l’intention, ainsi qu’elles l’ont annoncé, de proposer des occupations élémentaires, comme des travaux d’artisanat et d’agriculture, et de mettre en place des bibliothèques, des salles de sport et des espaces de loisirs pour améliorer le bien‑être des détenus. Des activités éducatives sont aussi proposées à la prison de Maafushi, mais, à l’époque de la visite de la délégation, moins de 10 % des détenus y participaient.

223.Le SPT est d’avis que l’absence d’activités peut avoir de graves conséquences sur la santé et le bien‑être des personnes privées de liberté. Le travail et l’éducation sont également des éléments importants de la préparation des détenus à la réinsertion. En outre, la mise en œuvre de programmes et d’activités joue un rôle important dans le maintien de la sécurité, tant celle des détenus que celle du personnel, et constitue donc un facteur clef de la prévention des mauvais traitements. Si un trop grand nombre de détenus sont contraints à l’oisiveté pendant de longues périodes, cela exacerbe les tensions dans l’établissement, de la même manière que des mauvaises conditions de vie, et compromet les efforts visant à instaurer une sécurité dynamique grâce à des relations positives et des activités. Le SPT recommande aux autorités de faire davantage d ’ efforts concertés pour proposer des programmes et des activités, y compris de type professionnel et éducatif, à tous les détenus.

14. Promenade et contacts avec l ’ extérieur

224.La délégation a constaté que les détenus des unités no 1 (isolement) et no 2 (détenus considérés comme «dangereux») de la prison de Maafushi n’avaient pas la possibilité de sortir à l’air libre. Il semble en outre que la plupart de ceux qui pouvaient sortir dans la cour restaient dans leurs cellules. Des gardiens ont confirmé que les détenus ne sortaient pas. L’unité no 2 possède une vaste cour idéale pour faire de l’exercice, mais celle‑ci n’était pas utilisée depuis plusieurs mois. Le SPT recommande que tous les détenus puissent sortir en promenade, y compris ceux qui se trouvent dans l ’ unité d ’ isolement. Les détenus qui semblent requérir une attention spéciale pour des raisons de sécurité pourraient sortir à tour de rôle.

225.Les autorités ont informé la délégation que les dernières émeutes survenues à Maafushi en décembre 2007 avaient été provoquées par la suppression des visites familiales. Le SPT considère que le maintien de contacts avec l’extérieur et notamment de liens affectifs, en particulier avec la famille, est un élément important de la prise en charge des détenus et un facteur clef de leur réinsertion ultérieure sans récidive. En outre, le fait de pouvoir communiquer avec sa famille et ses amis peut constituer une protection contre les mauvais traitements, qui tendent à être plus fréquents dans les établissements fermés. Le SPT recommande que des règles claires soient établies en ce qui concerne les horaires et la durée des visites, et affichées à l ’ entrée de chaque établissement. La restriction des contacts avec l ’ extérieur ne doit pas être utilisée comme mesure disciplinaire.

15. Assistance médicale

226.Au cours de sa visite, la délégation a été informée des problèmes que rencontrent les autorités maldiviennes pour dispenser des soins médicaux aux détenus, et elle a conclu de ses entretiens avec des responsables du Ministère de la santé et de la Commission médicale de Maafushi que d’importants efforts étaient engagés pour trouver des solutions. La délégation a ainsi appris que l’objectif principal de la Commission médicale de Maafushi était d’améliorer la qualité de l’assistance médicale aux détenus. À titre de premier pas vers cet objectif, il était prévu d’établir à l’intention des médecins pénitentiaires des directives sur les procédures spécifiques à suivre, comme l’examen médical à l’entrée en prison; il était également prévu de construire un nouvel hôpital pour la prison de Maafushi.

227.Au moment de la visite, le personnel médical de la prison de Maafushi comptait deux médecins à plein temps et un troisième à temps partiel, un manipulateur d’électroradiologie médicale, six infirmiers, un laborantin et deux pharmaciens. La délégation a appris qu’il était difficile de recruter du personnel et de faire venir des médecins spécialisés à la prison de Maafushi, en particulier des psychiatres, des psychologues, des gynécologues et des femmes généralistes pour s’occuper des détenues. Les consultations de spécialistes et les traitements spécialisés avaient lieu à Malé et les détenus qui voulaient y être conduits devaient s’inscrire sur de longues listes d’attente, en partie à cause des contraintes logistiques. Il n’y avait cependant pas de personnel médical dans le centre de détention provisoire de Malé, ce qui retardait apparemment l’accès des détenus à un médecin. Cela étant, il semble que les soins dispensés en milieu carcéral soient de même qualité de ceux dont bénéficie la population en général, et ils sont gratuits.

228. Le SPT se félicite des mesures prises par les autorités pour améliorer la qualité de l ’ assistance médicale en milieu carcéral et recommande que des initiatives coordonnées soient entreprises par l ’ administration pénitentiaire et par le Ministère de la santé en vue de mettre en place des solutions pratiques. Il convient de veiller en particulier à ce que tous les détenus qui ont besoin d ’ un traitement spécialisé puissent consulter des spécialistes, notamment des psychiatres.

229.Le SPT note avec préoccupation qu’à la prison de Maafushi, notamment dans l’unité no 1, c’est le personnel pénitentiaire qui reçoit les demandes de visite médicale des détenus, et qui en évalue le bien‑fondé, procédant de ce fait à un filtrage. Un détenu a déclaré à la délégation qu’un jour où il avait demandé à voir un médecin pour faire constater et soigner des blessures infligées par des gardiens, sa demande avait été rejetée par ces mêmes gardiens. Le médecin de la délégation a examiné ce détenu et a constaté qu’il présentait des traces corroborant la description des mauvais traitements qu’il affirmait avoir subis quelques semaines auparavant. Ce détenu n’avait pas de dossier médical. Pour le SPT, cet exemple montre qu’en ce qui concerne l’accès des détenus à un médecin la voie hiérarchique n’est pas suivie correctement. Le SPT recommande vivement que toute fonction de filtrage liée à l ’ assistance médicale soit assumée par du personnel dûment formé, comme des infirmiers.

230.En outre, la délégation a appris qu’à l’infirmerie de la prison de Maafushi les consultations et les examens médicaux se déroulaient en présence de deux gardiens. Elle a cru comprendre également que des gardiens assistaient aux visites médicales des détenus de l’unité no 1, et que ceux‑ci étaient menottés à cette occasion. En outre, les médecins de la prison lui ont déclaré qu’ils avaient remarqué que les détenus blessés refusaient souvent de révéler l’origine de leurs blessures. Ce refus pourrait fort bien s’expliquer par la présence des gardiens. Il semble par ailleurs qu’à la prison de Maafushi le personnel non médical pouvait avoir accès au dossier médical des détenus.

231. Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que le secret médical soit scrupuleusement respecté en toutes circonstances. Il insiste sur le fait qu ’ au cours d ’ un entretien entre un détenu et un médecin les gardiens doivent rester hors de portée auditive, et de préférence hors de portée visuelle également. Exceptionnellement, si le médecin en fait la demande, des mesures de sécurité particulières peuvent être jugées nécessaires, comme la présence d ’ un gardien à portée de voix. Le médecin doit consigner cette appréciation des circonstances dans le dossier et décrire les mesures de sécurité appliquées, en précisant le nom de toutes les personnes présentes. En outre, le personnel non médical ne doit pas être autorisé à avoir accès aux dossiers médicaux.

232.La délégation a constaté que, parfois, même si un détenu avait vu un médecin et été soigné, son dossier médical n’était pas correctement rempli et il y manquait des informations essentielles; dans un cas, le détenu n’avait même pas de dossier. Le SPT souligne que la bonne tenue des dossiers médicaux est un élément essentiel de la dimension médicale de la protection de l ’ intégrité physique des personnes privées de liberté. Tout cas de blessure doit être consigné, non seulement dans le dossier individuel du détenu, mais aussi dans un registre des incidents qui doit être transmis au directeur de l ’ établissement.

233.Le SPT estime que les conditions de détention dans l’unité no 1 équivalent à celles d’un quartier disciplinaire. Par conséquent, le SPT recommande que le personnel médical vérifie quotidiennement l ’ état de santé des personnes détenues dans cette unité, étant entendu que le médecin doit, comme toujours, agir dans l ’ intérêt de la santé du détenu.

a) Dépistage du VIH et de la toxicomanie et traitement des détenus toxicomanes

234.La Commission médicale de la prison de Maafushi a informé la délégation qu’il n’y avait pas de dépistage systématique obligatoire du VIH ou de la toxicomanie, et que seuls trois détenus séropositifs avaient été identifiés à ce jour aux Maldives. Il était cependant prévu d’introduire ces dépistages à l’avenir. Le SPT souhaite avoir des informations sur les modalités pratiques de ces dépistages.

235.La délégation a appris qu’aucun traitement spécifique n’était prévu pour les toxicomanes. Elle a également appris que les stupéfiants circulaient en abondance dans les établissements pénitentiaires. Étant donné que la grande majorité des détenus a été condamnée pour des infractions liées aux stupéfiants, les autorités devraient mettre en place des programmes de désintoxication et de réadaptation pour les toxicomanes, non seulement pour atténuer leur souffrance individuelle, mais aussi pour réduire la demande et, partant, le trafic illégal. Des membres de la délégation ont été informés que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) était en train de mettre en œuvre le Programme 71 visant à prévenir la consommation de drogues en milieu carcéral, et que des programmes de sensibilisation étaient également envisagés. Le SPT souhaite avoir des informations actualisées sur la mise en œuvre de ces programmes.

b) Formation du personnel médical

236.La délégation a été informée que le personnel médical n’avait aucune formation sur les questions touchant la santé en milieu carcéral, comme les droits de l’homme et l’éthique médicale, la santé et l’hygiène publiques, les maladies infectieuses, les épidémies, et l’évaluation et la description médico‑légales des lésions traumatiques. Compte tenu de la rotation importante des médecins travaillant en milieu carcéral et des difficultés que pose leur recrutement, le SPT recommande que le personnel médical des prisons, et en particulier les médecins, bénéficie régulièrement de formations de remise à niveau sur les questions touchant son travail. En outre, le personnel médical n’intervenait pas dans la surveillance de l’hygiène et de la qualité alimentaires ou des éventuelles incidences des régimes pénitentiaires sur la santé. Le SPT recommande que les médecins, après avoir reçu une formation appropriée, soient associés à ces responsabilités.

c) Suivi psychiatrique des détenus

237.La délégation a interrogé des détenus, dans la prison de Maafushi et dans le centre de détention provisoire de Malé, qui souffraient de problèmes psychiatriques de longue date, remontant même, pour certains, à l’époque des faits qui leur avaient valu d’être incarcérés. Le SPT constate que les Maldives n’ont pas de législation spécifique en matière de santé mentale, ni d’établissement spécialisé pour accueillir les délinquants atteints de troubles psychiatriques. Le SPT recommande aux autorités maldiviennes d ’ adopter une loi sur la santé mentale de façon que la privation de liberté des personnes souffrant de problèmes psychiatriques s ’ inscrive dans un cadre juridique concret. À défaut de créer un établissement spécialisé pour les accueillir, les autorités doivent veiller à ce que tous les délinquants atteints de troubles psychiatriques qui purgent de longues peines soient suivis régulièrement, de préférence toujours par le même psychiatre.

16. Allégations de sévices et témoignages concordants

238.Un certain nombre de prisonniers, en particulier ceux de l’unité no 1, ont fait état de sévices de la part des gardiens. Les mauvais traitements invoqués étaient les mêmes dans les deux établissements visités par la délégation: coups de pied et coups de poing infligés par les gardiens à des prisonniers menottés, et immobilisation dans des positions pénibles, menottes aux mains, pendant de longues périodes. Les multiples lésions constatées par les médecins de la délégation concordaient entièrement, de par leur ancienneté, leur forme ou leur emplacement, avec les allégations des prisonniers. De plus, les prisonnières ont raconté comment certaines de leurs compagnes de la prison de Maafushi qui s’étaient plaintes de ne pas avoir de travail, avaient été enfermées dans la cellule dite «disciplinaire» et tabassées par des gardiens de l’unité des forces spéciales avant d’être conduites, menottées, dans la cour de la prison où elles étaient forcées de rester agenouillées pendant de longues heures. Le SPT recommande que les autorités rappellent à tout le personnel pénitentiaire à tous les échelons que toutes les formes de mauvais traitements des personnes placées sous leur garde sont interdites.

239.Il va de soi que si les mauvais traitements infligés aux prisonniers restent impunis, le système pénitentiaire perdra de son crédit aux yeux des prisonniers et les membres du personnel pénitentiaire qui seraient tentés d’infliger des mauvais traitements aux prisonniers se diront qu’ils peuvent le faire en toute impunité. Compte tenu des obligations qui incombent à l’État en vertu des articles 12 et 16 de la Convention contre la torture, le SPT recommande que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’elles sont en possession de renseignements dignes de foi, émanant de quelque source que ce soit, indiquant que des mauvais traitements ont été infligés à des personnes privées de liberté, même en l’absence de plainte formelle.

17. Procédures de recours et système de surveillance en tant que mesures de sauvegarde contre les mauvais traitements

240.Comme on l’a vu au chapitre IV, c’est à la Commission des droits de l’homme des Maldives qu’il appartient d’examiner les plaintes des prisonniers et de surveiller les prisons. Par ailleurs, la délégation a appris au cours d’entretiens avec le directeur du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation que les prisonniers pouvaient aussi déposer plainte auprès du chef de ce Département, du Ministère de l’intérieur et du Bureau chargé d’examiner les plaintes émanant du public. Quoi qu’il en soit, la fonction d’enquête du Bureau a pris fin en mai 2006.

241.Parmi les prisonniers interrogés par la délégation, beaucoup se sont montrés sceptiques quant à l’intérêt des mécanismes de recours, disant que les enquêtes n’avaient pas de suite et qu’ils craignaient que le dépôt d’une plainte donne lieu à des représailles.

242.Le SPT considère qu’une des garanties fondamentales contre les mauvais traitements est le droit de toute personne emprisonnée ou de son conseil de présenter une requête ou une plainte au sujet de la façon dont elle est traitée, en particulier dans le cas de tortures ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, aux autorités chargées de l’administration du lieu de détention et aux autorités supérieures et, si nécessaire, aux autorités de contrôle ou de recours compétentes.

243. Le SPT recommande que les autorités veillent à ce qu’il existe un mécanisme de recours et de surveillance efficace, confidentiel et indépendant qui soit opérationnel. Toute  requête ou plainte doit être examinée sans retard et une réponse doit être donnée sans retard injustifié. Le SPT demande que lui soit fournie une décomposition des statistiques concernant tous les cas de plaintes déposées contre des gardiens de prison en  2007, ainsi que des renseignements sur toute procédure engagée, disciplinaire ou autre, et toute sanction prise en conséquence à l’encontre de gardiens.

C. Centre de réadaptation pour jeunes

244.La délégation a visité le centre de formation pour enfants de Maafushi et le foyer pour enfants de Vilingili et tient à féliciter les ministères compétents pour les efforts sensibles qui ont été faits afin d’offrir aux enfants placés dans ces institutions des activités éducatives et récréatives et de bonnes conditions matérielles. Les locaux étaient propres, les registres bien tenus et l’atmosphère agréable.

1. Centre de rééducation et de formation pour enfants de Maafushi

245.Ce centre relève du Ministère de l’éducation. Il accueille des jeunes de sexe masculin en difficulté scolaire ou présentant des problèmes de comportement ou de contrôle de soi. Au moment de la visite de la délégation, il comptait 34 jeunes de 10 à 18 ans, encadrés par 48 personnes travaillant en équipe.

246.Les enfants étaient répartis dans des chambres de six lits, d’une superficie d’environ 37 m2, qui n’étaient pas fermées à clef la nuit. Les chambres étaient propres, les ateliers bien conçus et équipés, et un ample espace était réservé aux loisirs. L’état et la propreté des toilettes étaient satisfaisants. L’établissement n’avait rien d’un lieu de privation de liberté. Les membres de la délégation ont interrogé plusieurs jeunes, et n’ont recueilli aucune doléance. Le SPT recommande que ce genre de centre serve de modèle pour la création de centres destinés à des enfants en rupture avec la loi.

247.Les enfants étaient autorisés à parler au téléphone avec leurs parents une fois par mois, sans limite de temps. Ils étaient également autorisés à quitter l’établissement pour passer des vacances avec leurs parents. Le SP T recommande l’augmentation du nombre d’appels étant donné l’âge des enfants accueillis dans ce centre.

248.En ce qui concerne les sanctions disciplinaires, le directeur a précisé que le règlement ne prévoyait pas les châtiments corporels. Quand il y avait lieu de prendre des mesures disciplinaires, les enfants étaient privés par exemple de leur programme de télévision préféré. Les décisions en matière de mesures disciplinaires étaient prises par les enseignants. Le SPT recommande que tous les incidents, ainsi que tous les châtiments et autres mesures disciplinaires, soient systématiquement consignés dans un registre de façon à permettre une surveillance adéquate de l’emploi de ces mesures.

2. Foyer pour enfants de Vilingili

249.Ce centre, ouvert il y a deux ans, relève du Ministère de la condition de la femme et de la famille. Il accueille des enfants victimes de sévices, des enfants dont les parents sont en prison et des enfants qui ont été abandonnés à l’hôpital à la naissance. Au moment de la visite de la délégation du SPT le centre abritait 38 enfants, dont 20 garçons et 18 filles. La plupart étaient âgés de 2 à 12 ans; les deux plus jeunes avaient moins de 7 mois. Les enfants peuvent rester dans l’établissement jusqu’à la fin du cycle primaire. Le Ministère décide de leur placement dans le foyer et est également informé de l’arrivée de l’enfant. Les enfants sont scolarisés et ceux qui présentent des problèmes sont suivis par un psychologue. Quand leurs parents sont en prison, ils peuvent les rencontrer au Ministère.

250.Les enfants sont répartis en divers points du bâtiment selon l’âge et le sexe. Les locaux sont bien tenus, joliment meublés et décorés. Les enfants sont encadrés par 45 personnes qui travaillent en équipe et qui semblent compétentes et attentives à leurs besoins. Les membres de la délégation ont interrogé plusieurs enfants et n’ont recueilli aucune doléance. Le SPT félicite les autorités pour les excellentes conditions qui sont offertes aux enfants nécessitant des mesures de protection accueillis dans ce centre.

D. Centres de désintoxication

251.Au moment de la visite, il existait aux Maldives trois centres de désintoxication: le centre de désintoxication d’Immafushi, le centre de désintoxication d’Addu Atholhu et le centre de désintoxication de Feydhoofinolhu. La délégation a visité le troisième.

252.Le centre de Feydhoofinolhu a été ouvert en 2006. Il est géré par le Bureau national de contrôle des stupéfiants situé à Malé, qui est placé sous l’égide du Ministère de la condition de la femme et de la famille. Si des traces d’une drogue illégale sont décelées dans l’urine d’une personne arrêtée par la police, le Bureau national de contrôle des stupéfiants peut prendre un arrêté ordonnant le placement de l’intéressé dans ce centre pour une durée de trois mois, à condition que celui‑ci accepte de se faire traiter. En l’absence d’arrêté, la personne reste entre les mains de la police et l’affaire est portée devant les tribunaux. Les personnes sur lesquelles moins d’un gramme de haschisch a été trouvé peuvent aussi être placées dans ce centre. Au moment de la visite, le personnel du centre se composait d’un médecin, de 2 infirmières et de 3 psychologues, ainsi que de 6 autres personnes, plus 6 fonctionnaires du Bureau national de contrôle des stupéfiants. Des psychologues apportaient un soutien psychologique. Vingt policiers assuraient la sécurité de l’établissement.

253.Au moment de la visite on comptait 41 pensionnaires, répartis dans deux pavillons équipés de deux dortoirs chacun. Un cours spécial de désintoxication, organisé avec le concours des médecins et des psychologues, était proposé aux pensionnaires. Au bout de quatre‑vingt dix jours, un psychologue établissait un rapport à partir duquel le Bureau national de contrôle des stupéfiants décidait si la personne pouvait quitter le centre ou si elle devait rester quatre‑vingt dix jours de plus. Ceux qui enfreignaient les règles de l’institution étaient remis à la police et transférés dans un autre centre.

254.Les personnes détenues dans le centre, bien que vivant sur une île et donc coupées du monde, étaient autorisées à se déplacer librement autour de l’établissement et à participer à des activités sportives et autres l’après‑midi et à aller à la plage le soir. Elles bénéficiaient aussi de programmes d’enseignement, même si certaines se sont plaintes du nombre insuffisant de personnel enseignant. Des visites mensuelles étaient autorisées, mais pas les visites de conjoint. Les pensionnaires se sont plaints de la mauvaise qualité de la nourriture, et des conditions matérielles, et ont relevé que les conditions d’hygiène des toilettes laissaient à désirer.

IV. COOPÉRATION

A. Facilitation de la visite

255.Avant la visite, les autorités maldiviennes avaient désigné Mme Luischa Aisath Zahir, fonctionnaire au Ministère des affaires étrangères, comme agent de liaison en vue de la visite du SPT. En prévision de la visite, le SPT avait demandé aux autorités de lui fournir une documentation en anglais sur la législation relative à la privation de liberté ainsi que la liste et l’adresse des lieux de privation de liberté.

256.Le SPT tient à exprimer sa gratitude aux autorités maldiviennes pour avoir tout fait pour faciliter le bon déroulement de la visite, et à remercier l’agent de liaison qui a beaucoup contribué à son succès.

B. Accès

257.Dans l’ensemble, le SPT n’a eu aucune difficulté à accéder aux lieux qu’il avait décidé de visiter. La rapidité avec laquelle dans l’ensemble, les portes lui ont été ouvertes, montre que les autorités compétentes avaient été informées à l’avance de la visite du SPT et de la faculté que lui confère à cet égard le Protocole facultatif. Les fonctionnaires des établissements visités ont fait preuve d’esprit de coopération et les rares fois où ils ont mis en doute la mission du SPT et se sont montrés réticents à permettre à la délégation d’avoir accès à certains documents, le problème a été rapidement réglé. Le SPT se félicite de la bonne volonté dont il a été fait preuve pour informer les personnes dont les travaux ont un lien avec le mandat du SPT.

C. Entretiens privés

258.Le SPT constate avec satisfaction que la délégation a eu la possibilité sans restrictions de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins, ainsi qu’avec toute autre personne dont elle pensait qu’elle pourrait fournir des renseignements pertinents, conformément au paragraphe 1 d) de l’article 14 du Protocole facultatif.

259.Le SPT constate avec satisfaction que conformément à l’obligation imposée à l’État partie en vertu de l’article 15 du Protocole facultatif, aucune allégation de représailles consécutive à la visite ne lui a été signalée. Il invite les autorités à rester en alerte afin d’empêcher que de tels incidents se produisent.

D. Dialogue avec les autorités, retour d’information et réponses

260.Les nombreux entretiens de la délégation avec des fonctionnaires ont été d’une grande utilité pour comprendre comment est conçu le système de privation de liberté. Le SPT tient à remercier les ministères et les institutions pour les précieux renseignements qu’ils lui ont communiqués.

261.À la fin de la visite, la délégation a présenté ses observations préliminaires aux autorités maldiviennes, en toute confidentialité. Le SPT leur a également fait parvenir une copie des observations préliminaires. Le SPT tient à les remercier pour le bon esprit avec lequel elles ont accueilli les observations de la délégation et les échanges constructifs sur ce qu’il y avait lieu de faire.

262.Par ailleurs, le 3 mars 2008, le SPT a adressé une lettre aux autorités pour leur demander des renseignements à jour sur les mesures éventuelles prises au sujet de certaines questions qui auraient pu ou qui auraient dû être examinées à la suite de la visite. Le SPT attend toujours la réponse du Gouvernement sur un certain nombre de ces questions.

263.Le SPT accuse réception de la note verbale en date du 22 juin, dans laquelle le Gouvernement maldivien remerciait le SPT pour la copie des observations préliminaires et présentait des renseignements à jour sur un certain nombre des questions soulevées. Après avoir examiné ces réponses, le SPT a ajouté à son rapport des précisions sur un certain nombre de questions. Le SPT tient également à remercier la Mission permanente de la République des Maldives auprès de l’Office des Nations Unies à Genève de lui avoir fait tenir la version anglaise de la nouvelle Constitution.

264. Le SPT demande aux autorités maldiviennes de lui faire parvenir dans un délai de six mois une réponse écrite complète concernant le présent rapport sur la visite, et plus précisément une réponse aux conclusions, recommandations et demandes de complément d’information. Cette période de six mois leur donne le temps de mener à bien à tout le moins quel ques ‑ unes des mesures prévues ou en cours d’exécution et de mettre en route le programme d’action à plus long terme.

265.Le SPT compte poursuivre la coopération avec les autorités maldiviennes, pour donner suite à l’engagement commun d’améliorer les garanties pour la prévention de toutes les formes de mauvais traitements des personnes privées de liberté.

V. RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS ET DEMANDES DE RENSEIGNEMENTS

A. Cadre juridique et institutionnel

266.Le SPT recommande aux Maldives, en vue de garantir la meilleure protection possible contre les mauvais traitements, de continuer à examiner toutes les lois et les règlements administratifs pour s’assurer qu’ils sont conformes aux dispositions et principes des instruments et normes internationaux relatifs aux droits de l’homme, et de redoubler d’efforts à cette fin. Lorsqu’elles incorporent des obligations juridiques internationales, les autorités devraient prêter attention au texte des instruments juridiques internationaux.

267.Le SPT souhaite être informé du processus d’adoption de ces nouveaux projets de loi [nouveau Code pénal, projet de loi sur la détermination de la peine, Code de procédure pénale et projets de loi relatifs à la preuve, à la police, à la sécurité nationale, aux procédures de mise en détention et à la libération conditionnelle] et de leur entrée en vigueur. Il souhaite également obtenir le texte des projets de loi mentionnés ci‑dessus une fois qu’ils auront été adoptés.

268.Conformément à l’Observation générale no 2 du Comité contre la torture, le SPT recommande aux Maldives d’ériger la torture en infraction passible de sanctions pénales et de prévoir des réparations appropriées pour les victimes de torture et/ou de mauvais traitements. Le texte de cette disposition doit contenir à tout le moins la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, et les dispositions de l’article 4. En outre, de l’avis du SPT, les conditions qui sont à l’origine des mauvais traitements facilitent souvent la torture; en conséquence, les mesures nécessaires pour prévenir la torture doivent être appliquées également pour prévenir les mauvais traitements.

269.Le SPT recommande au Gouvernement maldivien d’interdire toutes les formes de châtiment corporel à titre de sanction pénale ou disciplinaire, y compris la flagellation, que celle‑ci soit destinée à causer une souffrance ou une humiliation.

270.Le SPT recommande aux autorités maldiviennes de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit la considération primordiale dans toutes les décisions prises dans le cadre de l’administration de la justice pour mineurs et dans tous les plans visant à réviser la législation applicable. Sont visés le premier contact avec la police, l’éventuel placement en garde à vue et en détention provisoire et le séjour dans une prison ou un autre établissement pour enfants dont ceux‑ci ne peuvent pas sortir de leur plein gré.

271.Le SPT demande aux autorités d’indiquer si la loi portant création de la Commission des droits de l’homme est entrée en vigueur, et, dans le cas contraire, de préciser le calendrier prévu à cet effet.

272.Le SPT demande aux autorités de lui donner des renseignements sur la portée exacte du mandat de la Commission des droits de l’homme en matière de visites et de préciser si ce mandat couvre également les locaux de la police. Il souhaite également avoir des informations sur le nombre de visites effectuées en 2008 et sur celles prévues en 2009, sur les établissements visités et sur les éventuelles propositions faites par la Commission en vue de modifier les lois ou règlements existants en ce qui concerne les garanties contre les mauvais traitements.

273.Le SPT invite les autorités à revoir le mandat du Comité de surveillance des prisons et d’en faire un organisme indépendant d’examen des plaintes et de surveillance des prisons.

274.Le SPT souhaite avoir des informations sur la manière dont la véracité des allégations a été évaluée [par le Bureau chargé d’examiner les plaintes émanant du public] ainsi que des copies des examens médicaux effectués pour évaluer ces allégations dans les 57 affaires mentionnées portant sur des allégations de torture ou de mauvais traitements.

275.Le SPT souhaite avoir des renseignements détaillés sur les dispositions législatives et opérationnelles qui assurent l’indépendance de la Commission chargée de veiller à l’intégrité de la police et des informations sur ses moyens d’enquête ainsi que sur les ressources humaines et financières mises à sa disposition. Il demande également à être avisé au moment où la Commission entamera ses travaux. En outre, il souhaite être informé de l’issue de l’examen des 35 affaires pendantes que le Bureau chargé d’examiner les plaintes émanant du public a transmises à la Commission.

276.Le SPT se félicite de cette nouvelle disposition [l’article 220 de la nouvelle Constitution, qui prévoit la création du poste de procureur général des Maldives] et demande des informations sur tous les plans visant à mener à bien le travail de surveillance dans la pratique.

277.Le SPT prend note avec satisfaction de la nouvelle disposition constitutionnelle relative à l’aide juridique. Il souhaite savoir si cette disposition se traduira par d’éventuelles modifications législatives, quelle est la définition d’une «infraction grave» et pendant combien de temps une personne peut être maintenue en garde à vue avant d’être officiellement inculpée d’une infraction. Il demande également des informations sur les plans et le calendrier concernant la mise en place de ce système, y compris les structures nécessaires pour qu’il fonctionne efficacement dans la pratique, et souhaite que le texte de toute nouvelle loi adoptée lui soit communiqué.

278.Le SPT recommande aux autorités d’élargir le système à toutes les personnes privées de liberté qui ne peuvent pas, pour des raisons financières ou pour d’autres raisons, bénéficier de l’assistance d’un avocat privé, et ce, au stade le plus précoce possible de la privation de liberté, de préférence dès le début.

B. Mécanisme national de prévention

279.Le SPT souhaite avoir des informations sur les ressources budgétaires et humaines mises à la disposition de la Commission nationale des droits de l’homme pour lui permettre de s’acquitter efficacement de ses fonctions de mécanisme national de prévention, y compris des données ventilées sur les ressources budgétaires qui lui sont allouées en tant que mécanisme national de prévention.

280.Le SPT note avec satisfaction que l’État maldivien a lancé le processus de mise en place du mécanisme national de prévention et lui demande de poursuivre ses efforts en vue de le consolider et de l’institutionnaliser. À cette fin, il réaffirme les lignes directrices [ci‑après] qui sont destinées à l’État afin que ce mécanisme soit institué dans les meilleures conditions, ainsi qu’au mécanisme national en vue de l’adoption d’un plan global complémentaire qui lui permettra d’assumer ses fonctions dans le domaine de la prévention de la torture.

C. Police

281.Le SPT recommande aux autorités compétentes de veiller à la bonne application de la nouvelle procédure énoncée à l’article 48, alinéa d, de la Constitution.

282.Le SPT demande aux autorités de fournir une description détaillée de la procédure de prise de décisions concernant le placement d’une personne en garde à vue, la prolongation de la garde à vue et le placement en détention provisoire mettant en lumière les modifications qui résultent de l’adoption de la nouvelle procédure énoncée à l’alinéa d de l’article 48 de la Constitution. Devraient figurer dans cette description, en particulier, des informations sur les autorités qui décident de la garde à vue et de sa prolongation, les délais dans lesquels ces décisions doivent être prises et des renvois aux lois et/ou règlements pertinents.

283.Le SPT recommande que la période initiale de garde à vue soit la plus courte possible et que la détention provisoire suivant la garde à vue se déroule dans des locaux placés sous la responsabilité du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation et pas de la police. Le SPT recommande aussi que les autorités compétentes veillent à ce qu’aucune pression ne soit exercée sur les personnes mises en détention aux fins de l’enquête ou à toutes autres fins.

284.Le SPT demande au Gouvernement de lui fournir des renseignements sur tout fait nouveau à cet égard [séparation des fonctions d’enquête et de garde à vue exercées par la police].

285.Le SPT recommande aux autorités maldiviennes d’examiner le système de la libération sous caution pour faire en sorte que l’autorité responsable de l’enquête sur l’infraction ne soit pas aussi celle qui décide en matière de libération sous caution. Le SPT demande des informations sur le point de savoir si la nouvelle procédure énoncée à l’article 48, alinéa d, de la nouvelle Constitution apportera des modifications à la procédure concernant la détention provisoire avant jugement et la libération sous caution et, si tel est le cas, souhaite recevoir des informations sur ces modifications.

286.Pour faire de la libération sous caution une possibilité réelle dans la pratique, le SPT recommande que le montant de la caution soit à la portée des moyens financiers du détenu intéressé. Il demande des informations sur le nombre de demandes de libération sous caution faites en 2007 et dans la première moitié de 2008 ainsi que sur le nombre de personnes à qui elle a été accordée.

287.Le SPT demande des informations sur le point de savoir si le Règlement régissant la présentation à un juge d’une demande de mandat d’arrêt ou de mise en détention de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pour une période plus longue que celle approuvée par le Comité sera modifié ou abrogé en raison de l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. En l’absence de durée maximale de détention, le SPT recommande que la décision de prolonger la détention soit périodiquement réexaminée par le tribunal.

288.Le SPT recommande que les détenus soient non seulement présents à l’audition concernant la détention et sa prolongation, mais aussi que le tribunal leur donne la possibilité de s’exprimer et de signaler tous mauvais traitements. Il devrait toujours être loisible au tribunal de demander un examen médical s’il existe des motifs de croire que des mauvais traitements ont pu être infligés et de prendre des mesures pour faire en sorte que toute allégation de mauvais traitements fasse rapidement l’objet d’une enquête de la part d’un organisme compétent.

289.Le SPT recommande aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires pour veiller à l’application scrupuleuse de la nouvelle disposition consacrée à l’article 52 de la Constitution. Il demande des informations sur l’état d’avancement de la rédaction du règlement de procédure pénale et souhaite savoir si l’interdiction du recours à la torture ou aux mauvais traitements dans les enquêtes de police y est énoncée. Il recommande aussi que la formation de la police aux méthodes d’enquête mette l’accent sur la nécessité de partir des éléments de preuve pour arriver au suspect et non l’inverse. Il recommande en outre que les personnes privées de liberté ne signent une déposition faite devant la police qu’après en avoir reçu copie et qu’on leur en ait donné lecture ou qu’elles en aient la possibilité de la lire elles‑mêmes.

290.Le STP recommande de modifier la législation pertinente pour tenir compte de la nouvelle Constitution et énoncer, dans le détail, tous les droits des personnes privées de liberté ainsi que le droit de ces personnes d’être informées de leurs droits dès le moment où elles sont privées de leur liberté, de même que l’obligation concomitante incombant aux agents de la force publique de veiller à ce que ces personnes soient notifiées et de les aider dans l’exercice de tous ces droits dès le tout début de la privation de liberté.

291.Le SPT recommande aussi qu’un avis officiel énumérant tous les droits des personnes privées de liberté soit établi dans les langues parlées par les détenus et affiché dans des endroits des lieux de privation de liberté où ils peuvent être facilement lus par les personnes placées en détention. En outre, les mêmes informations devraient figurer sur le formulaire que doit signer toute personne détenue, et le détenu devrait s’en voir remettre une copie.

292.Le SPT recommande que les autorités compétentes veillent à ce que le droit d’aviser dans les vingt‑quatre heures un membre de la famille ou toute autre personne intéressée de la privation de liberté soit aussi effectivement respecté dans la pratique. Il recommande en outre que les détenus soient systématiquement informés de ce droit et qu’on leur demande de signer un formulaire officiel sur ces droits, indiquant la personne qu’ils souhaitent voir aviser. Le personnel de la police devrait être chargé d’informer les détenus de ce droit et de lui donner effet en avisant la personne indiquée.

293.Le SPT recommande que les autorités veillent à ce que toutes les personnes privées de leur liberté aient le droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la privation de liberté. Elles devraient être systématiquement informées de ce droit par la police et se voir fournir des facilités raisonnables pour consulter un avocat en privé. En outre, si une personne détenue n’a pas choisi d’avocat, elle devrait avoir le droit de s’en voir désigner un, et ce, sans frais si elle n’a pas les moyens de le rémunérer.

294.Le SPT recommande que les autorités introduisent l’examen médical systématique de toutes les personnes placées en garde à vue et que ces examens soient effectués sans aucun recours à des mesures de contrainte. Le SPT recommande aussi que les examens médicaux soient conduits conformément au principe du secret médical; aucune personne n’appartenant pas au corps médical autre que le patient ne devrait être présente. Dans des cas exceptionnels, si un médecin le demande, des dispositions spéciales de sécurité peuvent être considérées comme pertinentes, par exemple, le fait de placer un policier à proximité. Le médecin devrait consigner les résultats de son examen, de même que les noms de toutes les personnes présentes. Cependant, les policiers devraient toujours être placés hors de portée auditive, et de préférence hors de portée visuelle, d’un examen médical.

295.Le SPT recommande que tout examen médical de routine soit effectué en utilisant un formulaire officiel sur lequel figurent a) les antécédents médicaux, b) la description par la personne examinée de toute violence subie, c) le résultat de l’examen physique approfondi, y compris une description de toute blessure et d) si le médecin a été formé à cela, une évaluation de la cohérence interne des informations recueillies aux trois premiers alinéas. Le dossier médical devrait être remis au détenu ou à son avocat sur sa demande.

296.Outre le certificat de décès qu’il avait demandé dans la note verbale datée du 3 mars 2008, le SPT demande une copie du rapport d’autopsie de M. Solah.

297.Le SPT recommande que le Service de la police des Maldives mette au point un registre standardisé et unifié permettant d’enregistrer en temps réel et de façon exhaustive toutes les informations déterminantes sur la privation de liberté d’un individu et que le personnel de la police soit formé à utiliser ces informations de manière appropriée et systématique. Le SPT recommande que les registres comprennent au moins les informations suivantes:

a)Les motifs de la privation de liberté, l’heure exacte à laquelle elle a commencé et sa durée;

b)Le nom de la personne chargée d’autoriser la privation de liberté et celui de la personne qui en porte la mention dans le registre;

c)Des informations précises sur l’endroit où la personne a été détenue au cours de cette période, y compris sur tout transfèrement à l’intérieur d’un établissement ou entre établissements;

d)La date et l’heure à laquelle la personne a été traduite pour la première fois devant une autorité judiciaire ou autre;

e)Les requêtes et plaintes;

f)L’heure à laquelle la personne a été informée de ses droits, l’heure à laquelle la garde à vue a été notifiée, l’identité de la personne notifiée ainsi que de l’agent qui a procédé à la notification;

g)L’heure à laquelle la personne a été examinée par un médecin ou à laquelle elle a reçu la visite d’un membre de sa famille, d’un avocat ou d’une autre personne.

298.Le SPT recommande en outre que pour garantir l’archivage systématique de toutes les informations pertinentes, les gradés exercent une stricte supervision de la tenue des registres.

299.Le SPT demande aux autorités maldiviennes de fournir de plus amples informations sur le mandat et les pouvoirs du département des enquêtes internes et du Conseil disciplinaire de la police, le nombre et le type de plaintes déposées dans les années 2007‑2008 et le résultat de ces enquêtes. Il souhaite aussi savoir s’il existe d’autres organismes ou bureaux dotés du pouvoir d’examiner les plaintes déposées contre la police et, si tel est le cas, avoir des informations sur leur mandat, le nombre d’affaires examinées en 2007 et 2008 et le résultat de ces examens.

300.Le SPT recommande que le droit des détenus à porter plainte soit clairement établi de par la loi et que les détenus soient pleinement informés de ce droit par les agents de police et/ou le personnel travaillant dans les locaux de détention de la police. À cet égard, le SPT tient à souligner que les autorités maldiviennes ont le devoir de veiller à ce qu’aucune représaille ne soit exercée comme suite au dépôt d’une plainte.

301.En outre, le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que les détenus aient la possibilité concrète de déposer plainte, et que le principe de la confidentialité des plaintes soit dûment respecté. Les agents de police ou le personnel travaillant dans les centres de détention ne devraient pas s’immiscer dans la procédure de plainte, filtrer les plaintes adressées aux autorités compétentes ni avoir accès à la teneur des plaintes. Le SPT recommande d’élaborer à l’usage des agents de police des règles concernant le traitement des plaintes, qui devraient comprendre des modalités concernant le renvoi de la plainte aux autorités compétentes, l’obligation de respecter l’anonymat du plaignant et le devoir de mettre à la disposition des détenus qui souhaitent déposer plainte le matériel nécessaire pour écrire et des enveloppes.

302.Le SPT recommande aux autorités maldiviennes d’examiner la possibilité d’établir un tel système d’information [contenant des précisions sur le type de plaintes déposées, la suite donnée aux enquêtes, et les sanctions éventuelles prises].

303.Le SPT recommande que les agents de police et les autres membres du personnel des postes de police et des locaux de détention de la police se voient donner une formation suffisante au travail dans les conditions de la garde à vue.

304.Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que les officiers supérieurs et les autorités supérieures contrôlent et supervisent effectivement le travail des agents de police.

305.Le SPT recommande que les autorités compétentes veillent à ce que la responsabilité de tout haut fonctionnaire pour des actes de torture ou des mauvais traitements commis à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, ou encore encouragés par lui, fasse l’objet d’une enquête en bonne et due forme menée par des autorités judiciaires et des autorités de poursuites compétentes, indépendantes et impartiales.

306.Le SPT souhaite être tenu informé de tous faits nouveaux en ce sens. Le SPT recommande que, comme moyen d’éviter les cas de torture et de mauvais traitements, l’on procède à la surveillance systématique des règles, instructions, méthodes et pratiques en matière d’interrogatoire ainsi que des dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit.

307.Le SPT recommande que les autorités veillent à ce qu’un parent ou un autre représentant légal soit présent toutes les fois qu’un enfant est questionné par la police et que les enfants jouissent d’un accès sans restriction à un avocat. Il recommande en outre que les enfants soient toujours détenus séparément des détenus adultes, de préférence dans des établissements distincts; que les locaux de détention des enfants satisfassent à des normes d’hygiène suffisantes et offrent des possibilités d’exercice en plein air; enfin, que l’on donne au personnel de ces locaux une formation adéquate au travail avec des détenus mineurs.

308.Le SPT demande à être informé de l’ouverture d’un établissement de détention distinct pour les enfants en conflit avec la loi.

309.Le SPT souligne que tout examen médico‑légal doit être clairement fondé sur le plan juridique et que l’examen de mineurs devrait toujours être protégé par la présence des parents ou d’un autre représentant légal, à moins que le mineur ne s’y oppose clairement. Le rapport médical d’un tel examen devrait contenir mention du fondement juridique sur lequel il repose, des noms de toutes les personnes présentes à l’examen, du fait que des mesures de contrainte ont été appliquées ou non et, dans le cas où l’on a recouru à la contrainte, de la nature des moyens de contrainte employés et des motifs de leur utilisation.

310.Le SPT considère que la pratique consistant à maintenir les détenus menottés jour et nuit constitue un traitement inhumain et dégradant. Il recommande qu’il soit immédiatement mis fin à cette pratique. En outre, le SPT estime qu’une cour n’est pas un endroit approprié pour loger des détenus, en particulier des femmes.

311.Le SPT recommande que chaque personne détenue dans les locaux de garde à vue des postes de police ou dans les centres de détention de la police puisse dormir dans des conditions répondant à toutes les exigences de l’hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d’air, la superficie minimale, l’éclairage, le chauffage et la ventilation et qu’elle dispose d’un matelas pour dormir ainsi que d’un accès aux installations sanitaires, à la nourriture et à l’eau potable. Il convient de prendre soin d’éviter que l’eau ne pénètre dans les cellules lorsqu’il pleut, et d’éviter aussi que les insectes et les rongeurs n’entrent dans les cellules. Toute personne détenue pendant plus de vingt‑quatre heures devrait se voir offrir la possibilité de faire quotidiennement de l’exercice en plein air.

312.Le SPT recommande que les détenus non jugés soient séparés des condamnés.

313.Le SPT recommande, puisque aucun membre du personnel présent dans les locaux de police ne possède la qualification médicale nécessaire pour évaluer les besoins sanitaires des personnes privées de liberté, que les demandes de consultation médicale soient satisfaites sans délai et sans filtrage préalable de la part des agents de police.

314.Le SPT recommande que les demandes de consultation médicale émanant des détenus ne soient pas filtrées par le personnel non médical. Les agents de police devraient être formés et des instructions devraient leur être données sur la manière de réagir aux situations d’urgence médicale, même si les détenus ne demandent pas expressément une intervention médicale. Les détenus ayant un besoin évident de soins médicaux, par exemple ceux qui souffrent de convulsions, devraient être transférés sans délai pour être soignés.

315.Le SPT recommande qu’un dossier individuel soit ouvert pour chaque détenu à son arrivée dans les centres de détention de la police et soit mis à jour systématiquement et complètement après chaque visite ou intervention médicale et que des instructions claires soient établies à l’intention des médecins sur la façon de documenter et de signaler d’éventuels cas de torture ou de mauvais traitements.

316.Le SPT recommande que des mesures soient prises immédiatement pour établir et maintenir le secret de l’archivage des documents et dossiers médicaux.

317.La pénurie de spécialistes renforce la nécessité d’une formation de base des policiers à l’identification des troubles mentaux graves et d’instructions claires quant à l’envoi de tels détenus dans un établissement médical.

318.Le SPT recommande que les autorités prennent des mesures pour veiller à ce que des protections suffisantes soient en place pour prévenir la torture et les mauvais traitements. Il recommande en outre que toutes les allégations de mauvais traitements fassent l’objet d’une enquête complète de la part d’autorités compétentes, indépendantes et impartiales.

D. Prisons

319.Le SPT demande à être informé de l’ouverture de cette prison pour enfants. En outre, il demande des informations détaillées sur les locaux réservés aux garçons et aux filles dans cet établissement.

320.Le SPT souhaite savoir si, dans le cadre de la réforme du système de justice pénale, le Gouvernement a prévu de modifier sa politique en ce qui concerne la déduction de la période de détention provisoire du reliquat de la peine à purger.

321.Le SPT prend note de cette amélioration [l’ouverture d’une prison de haute sécurité séparée, la «Maison d’arrêt pour femmes»] et recommande aux autorités de veiller à ce que tous les locaux destinés aux femmes soient totalement séparés de ceux qui accueillent des hommes. En outre, il est nécessaire qu’un nombre suffisant de gardiennes y soit présent jour et nuit.

322.Le SPT recommande qu’une femme médecin soit plus souvent présente dans la prison de Maafushi de sorte que les détenues puissent voir un médecin lorsque leur état de santé le requiert.

323.Le SPT recommande que les autorités compétentes veillent à ce que les détenus de nationalité étrangère déjà condamnés ou en détention provisoire ne soient pas traités de façon discriminatoire et qu’ils bénéficient des mêmes garanties élémentaires que les autres détenus.

324.Le SPT souhaite être informé de toute mesure qui serait prise pour remédier à cette situation et pour transférer l’intéressé dans son pays d’origine, ainsi que de toute réparation qui lui serait accordée par les autorités maldiviennes.

325.Le SPT recommande que tous les détenus passent une visite médicale à leur arrivée en prison. Si l’examen initial est effectué par un infirmier, les détenus devraient avoir la possibilité de voir un médecin dans les meilleurs délais. L’examen médical doit être suffisamment approfondi pour permettre la détection de toute lésion éventuelle. Le SPT recommande en outre que ces visites médicales systématiques soient effectuées à l’aide d’un formulaire standard sur lequel seront consignés: a) les antécédents médicaux; b) une description, par l’intéressé, des violences éventuellement subies; c) les conclusions de l’examen physique approfondi, y compris la description des lésions éventuellement constatées; et d) une appréciation de la cohérence entre les informations relatives aux trois premiers points, pour autant que le médecin ait les compétences suffisantes pour ce faire. Le rapport devrait être mis à la disposition du détenu et de son avocat.

326.Le SPT recommande en outre qu’une procédure soit instituée pour que les médecins puissent signaler directement au directeur de l’établissement, dans le respect du secret médical et avec le consentement de l’intéressé, tous les cas de violences et de mauvais traitements présumés qu’ils constateraient, afin que ceux‑ci soient portés à la connaissance des organes chargés de surveiller les conditions de détention dans les locaux de la police et dans les prisons et de recevoir les plaintes à ce sujet.

327.Le SPT se félicite qu’une importante procédure de recrutement et de formation de nouveaux gardiens soit en cours et encourage les autorités à poursuivre leurs efforts dans ce sens.

328.Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que le personnel pénitentiaire soit suffisamment nombreux à tout moment, y compris le personnel féminin dans les établissements accueillant des femmes.

329.Le SPT recommande que la formation du personnel pénitentiaire soit centrée sur la création et le maintien de relations positives entre les détenus, ainsi qu’entre ceux‑ci et les gardiens: une approche du travail en prison fondée sur la sécurité dynamique.

330.Le SPT recommande que tous les incidents ainsi que les sanctions et autres mesures disciplinaires soient systématiquement consignés dans le registre des incidents, d’une manière qui permette de surveiller convenablement le recours à ces mesures.

331.Le SPT encourage le Gouvernement à adopter le projet de règlement pénitentiaire à l’examen, en espérant qu’il veillera à ce que celui‑ci soit conforme aux normes internationales relatives au traitement des prisonniers que les Maldives sont tenues de respecter. Le SPT recommande en outre aux autorités de veiller à ce qu’aucune punition ne soit collective. Les administrateurs devraient surveiller davantage la procédure disciplinaire suivie en cas d’incident, de façon à s’assurer que seules des sanctions prévues par la loi sont appliquées, et uniquement dans le cadre de la procédure officielle. Tout incident donnant lieu à des mesures disciplinaires doit être rigoureusement consigné dans un registre à cet usage, de même que toute sanction disciplinaire, et un contrôle indépendant doit être exercé sur l’ensemble de la procédure.

332.Le SPT recommande que la décision de transférer un détenu dans l’unité no 1 soit susceptible d’appel. Il recommande également que la situation de toute personne placée à l’isolement ou soumise à d’autres formes de restriction extrême soit réexaminée régulièrement, en vue d’appliquer progressivement un régime moins restrictif.

333.Le SPT recommande aux autorités d’adopter une stratégie proactive de gestion efficace des établissements pénitentiaires, afin de remédier aux causes profondes des incidents, au lieu de l’approche réactive qui est actuellement suivie. À son sens, ces mesures doivent consister notamment à proposer du travail et d’autres activités aux détenus. Il recommande en outre que les administrateurs soient vus quotidiennement dans la prison et qu’ils côtoient le personnel et les détenus, afin de superviser directement leurs subordonnés et contrôler ce qui se passe dans toutes les parties de l’établissement. Ils doivent prêcher par l’exemple et promouvoir la sécurité dynamique, afin de renforcer la sécurité de tous et de prévenir les mauvais traitements.

334.Le SPT recommande d’instaurer et de tenir à jour un registre spécifique pour consigner systématiquement tous les incidents au cours desquels il y a eu recours à la force. Les informations enregistrées doivent être au moins les suivantes: date et nature de l’incident, méthode de contrainte ou de force employée, durée, motifs, noms des personnes impliquées et autorisation accordée pour le recours à la force.

335.Le SPT recommande qu’il soit mis fin immédiatement à la pratique consistant à menotter les détenus pour les punir.

336.Le SPT recommande de revoir en profondeur la procédure d’intervention spéciale en cas d’incident en prison. Il convient de prévoir notamment: un roulement du personnel affecté à cette fonction, une formation sur le recours à la force conforme aux principes relatifs aux droits de l’homme, une surveillance accrue des incidents par les administrateurs, un déploiement strictement réglementé des équipes d’intervention, et la mise en place d’un mécanisme indépendant chargé de contrôler le recours aux interventions spéciales et la manière dont celles‑ci se déroulent.

337.Le SPT recommande que tous les détenus, y compris ceux qui sont placés à l’isolement, disposent d’une literie appropriée, y compris d’un matelas, lequel devra être composé, si nécessaire, d’un matériau indestructible spécialement adapté à l’usage en milieu carcéral. Il recommande en outre que l’unité d’isolement soit équipée d’installations sanitaires adéquates.

338.Le SPT souhaite être informé de la fermeture du centre de détention provisoire de Malé.

339.Le SPT recommande que ces lacunes dans la conception soient corrigées avant l’ouverture de la prison [nouvelle prison de Malé], dont il souhaite être informé.

340.Le SPT demande aux autorités de confirmer si le nouvel établissement sera un centre pénitentiaire relevant du Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation ou un centre de détention pour la police, et de préciser quelle sera sa capacité d’accueil maximale.

341.Le SPT recommande aux autorités de faire davantage d’efforts concertés pour proposer des programmes et des activités, y compris de type professionnel et éducatif, à tous les détenus.

342.Le SPT recommande que tous les détenus puissent sortir en promenade, y compris ceux qui se trouvent dans l’unité d’isolement. Les détenus qui semblent requérir une attention spéciale pour des raisons de sécurité pourraient sortir à tour de rôle.

343.Le SPT recommande que des règles claires soient établies en ce qui concerne les horaires et la durée des visites, et affichées à l’entrée de chaque établissement. La restriction des contacts avec l’extérieur ne doit pas être utilisée comme mesure disciplinaire.

344.Le SPT se félicite des mesures prises par les autorités pour améliorer la qualité de l’assistance médicale en milieu carcéral et recommande que des initiatives coordonnées soient entreprises par l’administration pénitentiaire et par le Ministère de la santé en vue de mettre en place des solutions pratiques. Il convient de veiller en particulier à ce que tous les détenus qui ont besoin d’un traitement spécialisé puissent consulter des spécialistes, notamment des psychiatres.

345.Le SPT recommande vivement que toute fonction de filtrage liée à l’assistance médicale soit assumée par du personnel dûment formé, comme des infirmiers.

346.Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que le secret médical soit scrupuleusement respecté en toutes circonstances. Il insiste sur le fait qu’au cours d’un entretien entre un détenu et un médecin les gardiens doivent rester hors de portée auditive, et de préférence hors de portée visuelle également. Exceptionnellement, si le médecin en fait la demande, des mesures de sécurité particulières peuvent être jugées nécessaires, comme la présence d’un gardien à portée de voix. Le médecin doit consigner cette appréciation des circonstances dans le dossier et décrire les mesures de sécurité appliquées, en précisant le nom de toutes les personnes présentes. En outre, le personnel non médical ne doit pas être autorisé à avoir accès aux dossiers médicaux.

347.Le SPT souligne que la bonne tenue des dossiers médicaux est un élément essentiel de la dimension médicale de la protection de l’intégrité physique des personnes privées de liberté. Tout cas de blessure doit être consigné, non seulement dans le dossier individuel du détenu, mais aussi dans un registre des incidents qui doit être transmis au directeur de l’établissement.

348.Le SPT recommande que le personnel médical vérifie quotidiennement l’état de santé des personnes détenues dans cette unité, étant entendu que le médecin doit, comme toujours, agir dans l’intérêt de la santé du détenu.

349.Le SPT souhaite avoir des informations sur les modalités pratiques de ces dépistages [du VIH et de la toxicomanie].

350.Le SPT souhaite avoir des informations actualisées sur la mise en œuvre de ces programmes [de traitement des toxicomanes].

351.Compte tenu de la rotation importante des médecins travaillant en milieu carcéral et des difficultés que pose leur recrutement, le SPT recommande que le personnel médical des prisons, et en particulier les médecins, bénéficie régulièrement de formations de remise à niveau sur les questions touchant son travail.

352.Le SPT recommande que les médecins, après avoir reçu une formation appropriée, soient associés à ces responsabilités.

353.Le SPT recommande aux autorités maldiviennes d’adopter une loi sur la santé mentale de façon que la privation de liberté des personnes souffrant de problèmes psychiatriques s’inscrive dans un cadre juridique concret. À défaut de créer un établissement spécialisé pour les accueillir, les autorités doivent veiller à ce que tous les délinquants atteints de troubles psychiatriques qui purgent de longues peines soient suivis régulièrement, de préférence toujours par le même psychiatre.

354.Le SPT recommande aux autorités de rappeler à tout le personnel pénitentiaire à tous les échelons que toutes les formes de mauvais traitements des personnes placées sous leur garde sont interdites.

355.Compte tenu des obligations qui incombent à l’État en vertu des articles 12 et 16 de la Convention contre la torture, le SPT recommande que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’elles sont en possession de renseignements dignes de foi, émanant de quelque source que ce soit, indiquant que des mauvais traitements ont été infligés à des personnes privées de liberté, même en l’absence de plainte formelle.

356.Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce qu’il existe un mécanisme de recours et de surveillance efficace, confidentiel et indépendant qui soit opérationnel. Toute requête ou plainte doit être examinée sans retard et une réponse doit être donnée sans retard injustifié. Le SPT demande que lui soit fournie une décomposition des statistiques concernant tous les cas de plaintes déposées contre des gardiens de prison en 2007, ainsi que des renseignements sur toute procédure engagée, disciplinaire ou autre, et toute sanction prise en conséquence à l’encontre de gardiens.

E. Centres de réhabilitation pour jeunes

357.Le SPT recommande que les centres comme le Centre de rééducation et de formation professionnelle pour jeunes de Maafushi servent de modèle pour la création de centres pour mineurs en conflit avec la loi.

358.Le SPT recommande l’augmentation du nombre d’appels étant donné l’âge des jeunes accueillis dans ce centre.

359.Le SPT recommande que tous les incidents, ainsi que tous les châtiments et autres mesures disciplinaires, soient systématiquement consignés dans un registre de façon à permettre une surveillance adéquate de l’emploi de ces mesures.

F. Coopération

360.Le SPT demande aux autorités maldiviennes de lui faire parvenir dans un délai de six mois une réponse écrite complète concernant le présent rapport sur la visite, et plus précisément une réponse aux conclusions, recommandations et demandes de complément d’information. Cette période de six mois leur donne le temps de mener à bien à tout le moins quelques‑unes des mesures prévues ou en cours d’exécution et de mettre en route le programme d’action à plus long terme.

Annexe I

LISTE DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ VISITÉS PAR LE SPT

A. Installations de la police

1. Centres de détention de la police

Maison d’arrêt de Malé (centre de détention d’Atholhuvehi)

Centre de détention de Dhoonidhoo

2. Postes de police

Siège de la police de Malé (bâtiment Hussein Adam)

Poste de police de Maafanu

Poste de police de Vilingili

Poste de police d’Addu Atholhu

Poste de police de Fuvamulah (Fuahmulaku)

Poste de police de Hulhumeedhoo

Poste de police de Kulhudhufushi

Poste de police de Hoarafushi

Poste de police de Ha. Dhidhdoo

Poste de police de Hithadhoo

B. Service pénitentiaire

Prison de Maafushi

Prison de Malé (centre de détention provisoire de Malé)

Nouveau bâtiment de la prison de Malé

Nouveau bâtiment de la prison d’Hithadhoo

C. Autres institutions

Centre de rééducation et de formation pour jeunes de Maafushi

Foyer pour enfants de Vilingili

Centre de désintoxication de Feydhoofinolhu

Centre de formation des Services nationaux de sécurité de Girifushi

Annexe II

LISTE DES FONCTIONNAIRES GOUVERNEMENTAUX ET DES REPRÉSENTANTS D’ORGANISATIONS ET AUTRES PERSONNES QUE LES MEMBRES DE LA DÉLÉGATION ONT RENCONTRÉS

A. Autorités nationales

1. Ministère des affaires étrangères

Mme Dunya MaumoonMinistre des affaires étrangères adjointe

M. Ali Hussein DidiAmbassadeur

M. Ali Naseer MohamedDirecteur général

Mme Aishath Liusha ZahirAgent de liaison des Maldives

2. Ministère de l’intérieur

M. Abdullah KamaludheenMinistre de l’intérieur

M Abdullah WaheedMinistre de l’intérieur adjoint

3. Ministère de la justice

M. Mohamed Muizz AdranMinistre de la justice

Mme Aisha Shiyune MuhammedJuge

M. Ghaniya Abdul GhafoorJuriste adjoint

M. Mubuthaz MushinJuriste adjoint

4. Ministère de la condition de la femme et de la famille

Mme Aishath Mohamed DidiMinistre de la condition de la femme et de la famille

5. Ministère de la réforme de la justice, de l’information et des arts

M. Mohamed AnilCommissaire à la réforme de la justice

Mme Lubna Zahir HusseinDirectrice exécutive

6. Ministère de la santé

Mme Sheena MosaDirectrice générale des services de santé

M. Abdullah BaniyameenProgramme clinique

7. Ministère de l’éducation et de la sécurité sociale

M. Mohameed Bakul

Trois autres représentants du Ministère

8. Bureau du Procureur général

Mme Aishath Azima ShakoorProcureure générale

M. Hussein ShameenProcureur général de l’État adjoint

9. Commission nationale des droits de l’homme des Maldives (NHRC)

M. Ahmed SaleemPrésident de la NHRC

M. Mohamed ZaheedVice‑Président de la NHRC

M. Ali Nashath HameedDirecteur du Service des recours de la NHRC

10. Siège de la police

M. Adam ZahirCommissaire de police

M. Abulla RiyanCommissaire de police adjoint

M. Hussein WaheedChef inspecteur de police

M. Ismail NaveenSous‑inspecteur de police

M. Mohamed JinahSous‑inspecteur de police

M. Abdulla NavarSous‑inspecteur de police

M. Ahmed FaisalSous‑inspecteur de police

11. Département des services pénitentiaires et des services de réadaptation (DPRS)

M. Ahmed ShihanDirecteur général du DPRS

M. Hussein Rasheed YoosufInspecteur général des services pénitentiaires

B. Programme des Nations Unies pour le développement

M. Patrice Cœur‑BizotCoordonnateur résident des Nations Unies

M. Laurent MeillanConseiller des droits de l’homme des Nations Unies

C. Organisations non gouvernementales

Réseau des détenus

Journey and Women Association against Drugs

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