Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/CO/79/GNQ

13 août 2004

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre‑vingt‑unième session

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales sur la situation des droits civils et politiques en Guinée équatoriale *

1.Le Comité a examiné la situation des droits civils et politiques en Guinée équatoriale consacrés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en l’absence de rapport périodique à sa 2147e séance, le 27 octobre 2003 (CCPR/C/SR.2147). À ses 2160e et 2162e séances, les 4 et 5 novembre 2003 (CCPR/C/SR.2160 et 2162), le Comité a adopté les observations finales provisoires ci‑après, conformément au paragraphe 1 de l’article 70 de son règlement intérieur.

Introduction

2.Le Comité regrette que l’État partie ne se soit pas acquitté des obligations qu’il a contractées en vertu de l’article 40 du Pacte et que, malgré les nombreux rappels qui lui ont été adressés, il n’ait pas envoyé un seul rapport au Comité, ne serait‑ce que le rapport initial, qui aurait dû être soumis en 1988. Ce manquement constitue une grave violation par l’État partie de ses obligations en vertu de l’article 40 du Pacte. De même, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas envoyé de représentants à la séance du Comité, dont il avait pourtant été dûment avisé.

Principaux sujets de préoccupation et observations provisoires

3.Le Comité se déclare préoccupé par les allégations fondées faisant état du recours systématique à la torture et aux mauvais traitements dans l’État partie, ainsi que de l’utilisation des déclarations et aveux obtenus sous la torture.

L’État partie devrait adopter toutes les mesures voulues pour garantir la protection de toute personne contre les actes visés à l’article 7 du Pacte. De même, il devrait mettre fin à la culture de l’impunité dont bénéficient les auteurs de tels actes et veiller à ce que tous les cas signalés fassent l’objet d’une enquête afin que les personnes soupçonnées de les avoir commis soient traduites en justice, que les coupables soient punis et que les victimes soient indemnisées. Enfin, il devrait assurer le respect des règles énoncées à l’article 14 du Pacte et veiller à ce qu’en aucun cas les déclarations et aveux obtenus par la torture ne puissent être retenus comme élément de preuve.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la commutation des 15 condamnations à mort prononcées en 1998. Toutefois, il se déclare préoccupé par le fait que la peine de mort n’ait pas été abolie.

Le Comité encourage l’État partie à prendre les mesures législatives nécessaires concernant la peine de mort en vue de parvenir à l’abolition et à garantir le droit à la vie (art. 6 du Pacte).

5.Le Comité est préoccupé par les informations reçues faisant état de détentions illégales, de l’existence de centres de détention semi clandestins, comme celui qui se trouve dans la caserne de la gendarmerie nationale de Bata, et par les déficiences du système de registres d’écrou.

L’État partie devrait adopter les mesures voulues pour garantir l’application de l’article 9 du Pacte. Pour ce faire, il devrait prendre des dispositions expresses pour interdire les pratiques illégales en matière de détention. En outre, la détention devrait se faire dans des lieux officiellement reconnus et les autorités devraient établir et tenir à jour des registres systématiques des admissions et sorties.

6.Le Comité relève avec inquiétude les mauvaises conditions carcérales et en particulier le fait que les centres de détention soient sous la responsabilité des autorités militaires. Il est également préoccupé par la pratique consistant à imposer des travaux forcés aux personnes privées de liberté, dans les différents centres de détention.

L’État partie devrait garantir le plein respect de toutes les dispositions de l’article 10 du Pacte dans les prisons et autres lieux de détention.

7.Le Comité se déclare préoccupé par l’absence d’un pouvoir judiciaire indépendant dans l’État partie, ainsi que par les conditions de nomination et de révocation des magistrats, qui ne respectent pas le principe de la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Il est également préoccupé par le fait que des procès aient été menés par la Chambre des représentants du peuple, ce qui constitue une usurpation des compétences propres aux organes judiciaires. Le Comité regrette en outre qu’aucune disposition n’existe pour garantir que les civils soient jugés exclusivement par les tribunaux civils et non par des tribunaux militaires.

À la lumière de l’article 14 du Pacte, l’État partie devrait prendre des mesures pour garantir dans la pratique l’indépendance du pouvoir judiciaire et sa compétence exclusive dans l’administration de la justice et veiller à ce que les juges soient qualifiés, indépendants et inamovibles. De plus, l’État partie devrait limiter la juridiction militaire, afin qu’elle n’ait pas compétence pour juger les civils.

8.Le Comité se déclare préoccupé par la discrimination dont les femmes font l’objet dans la vie politique, sociale et économique du pays. Il relève que les femmes sont emprisonnées si elles ne restituent pas leur «dot» lorsqu’elles se séparent de leur mari, que la garde des enfants est confiée au père en cas de divorce, et que l’autorité parentale conjointe n’est pas reconnue.

L’État partie devrait adopter des mesures pour permettre aux femmes d’exercer tous les droits civils et politiques consacrés dans le Pacte, en application des articles 3 et 26 et du paragraphe 4 de l’article 23. Il devrait mettre fin à la pratique consistant à emprisonner les femmes qui ne restituent pas leur «dot» lorsqu’elles se séparent de leur mari, incompatible avec les dispositions de l’article 11 du Pacte.

9.Le Comité se déclare préoccupé par le fait que les restrictions légales à l’accès aux services de planification familiale donnent lieu à des taux élevés de grossesses et d’avortements clandestins, qui constituent l’une des principales causes de mortalité maternelle.

L’État partie devrait lever les restrictions légales concernant la planification familiale dans le cadre de la prévention de la mortalité maternelle (art. 23, 24 et 6 du Pacte).

10.Le Comité constate avec préoccupation l’absence de mesures de protection de l’enfance, dont pâtissent autant les enfants natifs du pays que ceux qui viennent des pays voisins, dans les domaines de la santé, du travail et de l’éducation; en témoignent les faibles taux de scolarisation, la fréquence des redoublements et des abandons scolaires et l’insuffisance du montant des dépenses publiques par élève. Le Comité est également préoccupé par le recours aux châtiments corporels comme moyen de corriger les enfants et par la prostitution des fillettes.

L’État partie devrait mettre en œuvre des programmes relatifs à la protection de l’enfance dans ces domaines, conformément aux articles 24 et 7 du Pacte.

11.Le Comité constate avec inquiétude que la loi no 1 de 1999, qui régit le fonctionnement des organisations non gouvernementales, n’a toujours par été modifiée parce qu’elle ne vise pas les organisations s’occupant des droits de l’homme. Il note également avec préoccupation que certaines associations, comme l’Association de la presse de Guinée équatoriale (ASOPGE) ou l’ordre des avocats, auraient été interdites sans motif valable. Enfin, il prend note aussi avec préoccupation de l’absence de syndicats dans le pays.

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour garantir les droits de réunion et d’association, en particulier le droit de constituer des syndicats (art. 19, 21 et 22 du Pacte). Il devrait modifier la loi n o 1 de 1999 de façon à permettre l’enregistrement et le fonctionnement des organisations non gouvernementales des droits de l’homme et autoriser l’Association de la presse de Guinée équatoriale (ASOPGE) et l’ordre des avocats à fonctionner librement.

12.Tout en prenant note de la mise en place d’un système pluripartite et de l’adoption de l’Accord national entre le Gouvernement et les partis politiques reconnus, le Comité regrette que les opposants politiques continuent de faire l’objet de harcèlement, notamment sous la forme d’arrestations, d’amendes et de difficultés pour trouver un emploi ou pour sortir du pays, par exemple pour prendre part à des réunions à l’étranger. Il constate aussi avec préoccupation que les partis de l’opposition sont l’objet de discriminations et que certains auraient même des difficultés pour obtenir leur enregistrement. Enfin, le Comité relève avec inquiétude les irrégularités qui ont entaché les élections tenues récemment dans le pays, ce qui s’est soldé par le retrait de tous les candidats de l’opposition

L’État partie devrait traiter tous les partis politiques sur un pied d’égalité et appuyer de la même manière leurs activités légitimes, en favorisant de fait le pluralisme politique, conformément aux dispositions des articles 25 et 26 du Pacte. Il devrait en outre garantir la libre expression de la volonté des électeurs par un suffrage universel et égal, au scrutin secret, respectant ainsi les droits énoncés à l’article 25 du Pacte.

13.Le Comité regrette que le droit de circuler librement continue de faire l’objet de restrictions, d’après les sources d’information qui signalent l’existence de nombreux barrages militaires, l’obligation d’obtenir un visa pour sortir du pays et la pratique de l’assignation à résidence pour des motifs politiques.

L’État partie devrait garantir le respect du droit de circuler librement, reconnu à l’article 12 du Pacte, en supprimant les barrages militaires ou en adoptant des mesures pour que ces barrages ne soient pas utilisés comme moyen d’extorsion, en supprimant le visa de sortie et en mettant fin à la pratique de l’assignation à résidence pour des motifs politiques, afin de donner effet aux principes énoncés aux articles 9, 12 et 25 du Pacte.

14.Le Comité se déclare préoccupé par les traitements discriminatoires et les persécutions dont seraient victimes les groupes ethniques minoritaires, en particulier les Bubis.

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour garantir le droit à l’égalité de tous les groupes ethniques, conformément aux articles 26 et 27 du Pacte.

15.Le Comité encourage l’État partie à solliciter une assistance technique aux organes des Nations Unies compétents, en particulier au Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, pour l’aider à s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu du Pacte.

16.Le Comité demande à l’État partie de soumettre son rapport initial avant le 1er août 2004.

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