NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.501

8 janvier 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PARTIE PUBLIQUE*DE LA 501e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 22 novembre 2001, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES

Projet de déclaration du Comité à l’adresse des États parties

Désignation des rapporteurs et corapporteurs pour les rapports des États qui seront examinés à la vingt‑huitième session du Comité

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Conclusions et recommandations concernant le rapport initial de l’Indonésie

_______________

* Le compte rendu analytique de la partie privée de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.501/Add.1.

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications. Les participants qui désirent en apporter pendant la session sont priés de les remettre, sous forme dactylographiée, au Secrétaire du Comité. Les rectifications aux comptes rendus des séances privées du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 5.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l’ordre du jour) (suite)

Projet de déclaration du Comité à l’adresse des États parties (CAT/C/XXVII/Misc.7)

1.Le PRÉSIDENT rappelle qu’à la 497e séance, il avait présenté un projet de lettre, en réponse à la lettre de la Haut‑Commissaire aux droits de l’homme en date du 11 octobre 2001 et qu’il rédigerait, sur cette base, un projet de déclaration à l’adresse des États parties. C’est maintenant chose faite et il invite donc les membres à se prononcer sur le texte qui a été distribué en séance (document sans cote).

2.Mme GAER propose que, au troisième paragraphe, les termes exacts de l’article 2 de la Convention soient repris («aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit … ne peut être invoquée pour justifier la torture»).

3.La proposition est adoptée.

4. Sous réserve de cette modification, le projet de déclaration du Comité aux États parties est adopté.

Désignation des rapporteurs et corapporteurs pour les rapports des États qui seront examinés à la vingt‑huitième session du Comité

5.Le PRÉSIDENT propose de répartir les tâches comme suit: M. Mavrommatis et M. Yakovlev seraient respectivement rapporteur et corapporteur pour le Danemark, M. El Masry et M. Burns pour la Suède, M. González Poblete et M. Rasmussen pour le Venezuela, M. Burns et M. Yu Mengjia pour la Norvège, M. Yu Mengjia et M. Mavrommatis pour le Luxembourg, M. Yakovlev et M. Camara pour l’Ouzbékistan, Mme Gaer et M. Camara pour la Fédération de Russie et M. Burns et M. Yakovlev pour l’Arabie saoudite. Si l’un de ces États parties ne venait pas présenter son rapport, le rapport de l’Espagne serait examiné et MM. Rasmussen et González Poblete seraient respectivement rapporteur et corapporteur.

6.Répondant à une question de M. CAMARA, le PRÉSIDENT dit que les rapports sont examinés dans l’ordre dans lequel ils sont parvenus au secrétariat. La question de savoir si les rapports initiaux devraient être examinés en priorité a déjà fait l’objet d’une discussion, à l’issue de laquelle il avait été décidé de traiter les rapports dans l’ordre chronologique de leur soumission.

7. La proposition concernant la désignation des rapporteurs et corapporteurs est approuvée.

La séance est suspendue à 15 h 15; elle est reprise à 15 h 25.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le rapport initial de l’Indonésie (CAT/C/47/Add.3; CAT/C/XVII/Concl.3)

8. Sur l’invitation du Président, la délégation indonésienne reprend place à la table du Comité.

9.Mme GAER (Rapporteuse pour l’Indonésie) donne lecture en anglais des conclusions et recommandations du Comité sur le rapport initial de l’Indonésie, dont le texte est le suivant:

«A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Indonésie, tout en relevant que le rapport, qui aurait dû être présenté en novembre 1999, a été soumis avec plus d’un an de retard. Il note que le rapport traite principalement de dispositions juridiques et ne contient pas de renseignements détaillés sur l’application de la Convention contre la torture dans la pratique. Toutefois, le Comité tient à remercier l’État partie des efforts qu’il a déployés pour fournir des informations complémentaires lorsqu’il a engagé un dialogue constructif avec le Comité.

Le Comité se félicite que l’État partie ait précisé qu’il reconnaissait la compétence du Comité comme le prévoit l’article 20 de la Convention.

Le Comité note que l’Indonésie n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

B. Aspects positifs

Le Comité prend note des aspects positifs suivants:

a)Les efforts que déploie actuellement l’État partie pour réformer son système juridique et réviser sa Constitution et sa législation aux fins de protéger les droits universels de l’homme, en particulier le droit de toute personne de ne pas être soumise à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)L’adoption de la loi n° 26/2000 sur la création de tribunaux des droits de l’homme, qui sont compétents pour connaître des violations flagrantes des droits de l’homme, y compris des actes de torture, et les assurances données par l’État partie selon lesquelles les tribunaux des droits de l’homme commenceront à exercer leurs activités au début du mois de décembre 2001;

c)Les plans exposés par les représentants de l’État partie concernant la mise au point imminente d’une nouvelle loi relative à la constitution d’une Commission de la vérité et de la réconciliation chargée de réexaminer les affaires concernant des violations de droits de l’homme commises dans le passé qui ont eu des conséquences importantes sur la nation, ainsi qu’une loi sur la protection des victimes et des témoins;

d)La séparation officielle de la police et de l’armée en 1999, qui constitue un aspect essentiel de l’effort visant à veiller à ce qu’une autorité civile indépendante soit chargée du maintien de l’ordre;

e)La reconnaissance par l’État partie du fait que, pour éliminer la torture, il faut mettre un terme à une culture de la violence au sein de la société, en particulier au sein de l’armée (TNI) et de la police (notamment la police mobile, «Brimob»), et les assurances selon lesquelles des efforts continueront d’être déployés pour atteindre cet objectif qui constitue une grande priorité du Gouvernement;

f)La reconnaissance de la nécessité de mettre en place d’urgence un registre centralisé des détenus portant sur l’ensemble du pays, et les assurances selon lesquelles l’État partie étudie actuellement la possibilité d’établir un tel système;

g)L’intérêt exprimé par l’État partie à l’égard de la possibilité que le Gouvernement coopère avec des ONG nationales aux fins de la surveillance des prisons et des lieux de détention;

h)La déclaration faite par le représentant de l’État partie concernant une visite éventuelle l’année prochaine du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

Le Comité est conscient de la difficulté à laquelle se heurte l’État partie en raison des conflits sécessionnistes armés dans plusieurs parties de son territoire. En outre, le Comité reconnaît aussi les difficultés que l’État partie a rencontrées dans sa transition politique en vue de mettre en place un système démocratique de gestion des affaires publiques.

D. Sujets de préoccupation

Le Comité est préoccupé par ce qui suit:

a)Le grand nombre d’allégations d’actes de torture et de mauvais traitements commis par les membres des forces de police [en particulier les unités de police mobile («Brimob»)], l’armée (TNI) et les groupes paramilitaires qui seraient liés aux autorités, en particulier dans les zones de conflit armé (Aceh, Papua, Maluku, etc.). Le Comité est également préoccupé par le climat d’impunité instauré dans le pays en partie parce qu’il y a eu très peu de cas où il a été possible de traduire en justice des membres des forces armées, de la police ou d’autres représentants de l’État, en particulier ceux qui occupent des postes élevés dans l’administration, qui auraient planifié, ordonné et/ou perpétré de tels actes;

b)Les allégations de recours à une force excessive à l’encontre de manifestants ou dans le cadre d’enquêtes;

c)Les allégations selon lesquelles des groupes paramilitaires qui auraient perpétré des actes de torture et des mauvais traitements en Indonésie sont soutenus par l’armée et que du personnel militaire se joindrait parfois à eux;

d)Les nombreuses informations faisant état d’actes de harcèlement et parfois d’agressions à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme;

e)Les allégations selon lesquelles des violations des droits de l’homme mentionnées dans la Convention sont parfois commises par du personnel militaire employé par des sociétés étrangères en Indonésie pour protéger leurs installations et éviter des conflits du travail;

f)Les allégations concernant la protection insuffisante contre le viol et d’autres formes d’agression sexuelle, qui seraient souvent utilisés comme formes de torture et de mauvais traitements.

Le Comité est également préoccupé par ce qui suit:

a)La législation pénale du pays ne définit pas suffisamment l’infraction de torture dans des termes conformes à l’article premier de la Convention; de ce fait, la torture n’est pas punissable par des peines appropriées dans le Code pénal de l’État partie, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention. Le Comité note à cet égard que la définition de la torture figurant dans la loi n° 2000/26 n’est pas pleinement conforme à l’article premier de la Convention;

b)L’État partie s’est abstenu d’entreprendre dans chaque cas des enquêtes rapides, impartiales et complètes concernant les nombreuses allégations de torture signalées aux autorités, ainsi qu’à engager des poursuites contre leurs auteurs présumés, comme le prévoient les articles 12 et 13 de la Convention;

c)Les garanties insuffisantes de l’indépendance et de l’impartialité de la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas‑HAM) qui l’empêchent d’accomplir pleinement son mandat, et notamment de s’acquitter seule de la fonction qui lui a été confiée en application de la loi n° 2000/26 de mener des enquêtes préliminaires sur les violations flagrantes des droits de l’homme, y compris de la torture, avant de transmettre leurs résultats au Procureur général pour qu’il engage éventuellement des poursuites contre les auteurs de tels actes. Comme le Procureur général, et non Komnas‑HAM, est seul habilité à décider d’engager ou non des poursuites, le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les rapports de Komnas‑HAM sur les enquêtes préliminaires ne sont pas pleinement publiés, et que Komnas‑HAM n’a pas le droit de contester une décision du Procureur général de ne pas engager des poursuites dans une affaire déterminée;

d)Les restrictions géographiques et temporelles concernant le mandat du tribunal spécial des droits de l’homme sur le Timor oriental;

e)L’insuffisance des mesures prises pour faire en sorte que le deuxième amendement à la Constitution de 1945, qui concerne le droit de toute personne de ne pas être poursuivie sur la base d’une loi rétroactive, ne s’applique pas aux infractions telles que la torture et les crimes contre l’humanité qui sont déjà criminalisées en vertu du droit international;

f)L’absence de protection suffisante des témoins et des victimes de torture, qui peuvent faire l’objet d’actes d’intimidation et de brimades par des fonctionnaires;

g)La durée et les conditions de la garde à vue, et l’absence de garanties suffisantes des droits des personnes privées de liberté et notamment de la possibilité d’aviser un proche parent ou un tiers de leur détention, d’avoir accès à des soins médicaux et à un avocat de leur choix;

h)Le fait que, en dépit de la séparation officielle de la police et de l’armée, celle‑ci continue de jouer un rôle central dans les questions de sécurité intérieure et d’être mise en cause dans des allégations de torture et de mauvais traitements. Le Comité est préoccupé par l’absence de recours en habeas corpus pour les militaires;

i)L’insuffisance de la protection juridique pour veiller, comme le prévoit l’article 3 de la Convention, à ce qu’aucune personne ne sera expulsée, refoulée, ni extradée vers un autre État où elle risque d’être soumise à la torture;

j)Le fait qu’il n’ait pas été répondu aux communications envoyées par le Rapporteur spécial sur la question de la torture, et que celui‑ci n’ait pas été invité à se rendre dans le pays par l’État partie, en dépit des demandes qu’il a formulées depuis 1993;

k)La coopération insuffisante avec le Groupe d’enquête sur les crimes graves de la force de maintien de la paix de l’ONU au Timor oriental (ATNUTO);

l)L’absence de statistiques et d’autres informations concernant la torture et d’autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ventilées par sexe, groupe ethnique, région géographique et type et lieu de détention.

E. Recommandations

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De modifier sa législation pénale pour que la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants constituent des infractions strictement interdites par le Code pénal, dans des termes pleinement conformes à la définition énoncée à l’article premier de la Convention, et de prévoir des sanctions appropriées, traduisant la gravité de tels crimes;

b)D’instituer un système de plainte bien conçu, fiable et indépendant, propre à permettre de mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces portant sur des allégations de mauvais traitements et d’actes de torture commis par la police et d’autres fonctionnaires et, lorsque les conclusions de ces enquêtes le justifient, de poursuivre et de punir leurs auteurs, y compris les hauts fonctionnaires qui seraient mis en cause;

c)De veiller à ce que les personnes, y compris les hauts fonctionnaires, qui ont appuyé, planifié, encouragé et financé des opérations paramilitaires où la torture a été utilisée ou qui y ont participé, soient poursuivies en justice;

d)De prendre immédiatement des mesures pour renforcer l’indépendance, l’objectivité, l’efficacité et la mise en jeu de la responsabilité publique de la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas‑HAM), et de veiller à ce que ses rapports au Procureur général soient publiés en temps opportun;

e)De faire en sorte que le tribunal spécial des droits de l’homme au Timor oriental soit doté de la compétence nécessaire pour connaître des nombreuses violations des droits de l’homme, qui auraient été commises sur ce territoire entre le 1er janvier et le 25 octobre 1999;

f)De veiller à ce que le droit de ne pas être poursuivi sur la base d’une loi rétroactive soit interprété conformément au droit international, c’est‑à‑dire que les auteurs de crimes en vertu du droit international, comme la torture et les crimes contre l’humanité commis dans le passé, puissent être traduits devant les tribunaux indonésiens;

g)De continuer d’appliquer des mesures pour réformer la police en vue de renforcer l’indépendance à l’égard de l’armée de la police, en tant qu’institution civile indépendante chargée du maintien de l’ordre;

h)De réduire la durée de la détention provisoire, d’assurer une protection suffisante aux témoins et aux victimes de la torture et, conformément à l’article 15 de la Convention, d’adopter une législation prévoyant que toute déclaration obtenue par la torture ne puisse être invoquée dans une procédure;

i)D’adopter une législation spécifique sur l’extradition et les mesures qui s’y rapportent en vue de veiller à ce qu’aucune personne ne puisse être expulsée, refoulée ou extradée vers un autre État où elle risque d’être soumise à la torture, conformément à l’article 3;

j)De protéger les défenseurs des droits de l’homme contre les brimades et les menaces;

k)De renforcer l’éducation aux droits de l’homme pour donner des orientations et une formation concernant en particulier l’interdiction de la torture aux responsables de l’application des lois, aux juges et au personnel médical;

l)D’inviter le Rapporteur spécial sur la question de la torture à se rendre dans ses territoires, y compris dans les zones de conflit;

m)De coopérer pleinement avec l’ATNUTO, en particulier en permettant aux membres de son Groupe d’enquête sur les crimes graves d’avoir pleinement accès aux dossiers pertinents, en autorisant des visites en Indonésie et au Timor oriental et en transférant des suspects pour qu’ils soient jugés au Timor oriental, conformément au mémorandum d’accord signé en avril 2000;

n)De faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

o)De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques concernant la torture et d’autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ventilées notamment par sexe, groupe ethnique, région géographique et type et lieu de détention. En outre, des informations devraient être fournies concernant les plaintes et les affaires examinées par les juridictions internes, et notamment les résultats des enquêtes réalisées et leurs conséquences pour les victimes au regard des réparations et des indemnisations.»

10.M. WISNUMURTI (Indonésie) donne aux membres du Comité l’assurance que le Gouvernement prendra toutes les mesures voulues pour améliorer la législation et promouvoir l’application de la Convention. Il regrette toutefois que les membres du Comité n’aient pas, selon lui, bien évalué tous les aspects de la situation qui prévaut dans le pays; en effet, les conclusions du Comité passent sous silence certaines améliorations de la situation sur le terrain. Le Comité peut avoir l’assurance qu’il transmettra les conclusions et recommandations du Comité aux autorités de son pays, qui les examineront avec toute l’attention voulue.

11. La délégation indonésienne se retire.

La séance est suspendue à 16 heures; elle est reprise à 16 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le rapport initial du Bénin (CAT/C/21/Add.3;CAT/C/XXVII/Concl.1)

12. Sur l’invitation du Président, la délégation du Bénin reprend place à la table du Comité.

13.M. CAMARA (Rapporteur pour le Bénin) donne lecture des conclusions et recommandations du Comité, dont le texte est le suivant:

«Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Bénin, tout en relevant que ce rapport, qui aurait dû être présenté le 10 avril 1993, est parvenu avec un retard de sept ans. Le rapport a été rédigé, conformément aux directives concernant l’élaboration des rapports initiaux des États parties. Néanmoins, le Comité note que le rapport ne contient pas d’exemples concrets de mise en œuvre de la Convention. Toutefois, comme l’a expliqué le chef de la délégation, le Comité relève que le rapport fait seulement référence à l’époque dite “révolutionnaire” et à une courte période après la promulgation de la Constitution de 1990, ce qui empêche le Comité d’apprécier la situation actuelle de mise en œuvre de la Convention.

Le Comité se félicite des informations apportées par la délégation béninoise ainsi que du dialogue franc, honnête et constructif qui a eu lieu.

Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants:

a)Le rang accordé aux traités internationaux ratifiés par le Bénin par la Constitution béninoise, qui leur accorde une valeur supérieure à la loi interne;

b)La ratification par l’État partie d’une série de traités internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme. Le Comité note en particulier la signature le 24 septembre 1999 du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale;

c)La volonté de l’État partie de mettre un terme aux violations massives des droits de l’homme qui ont eu lieu pendant la période dite “révolutionnaire” et de leur accorder une meilleure protection par l’adoption de normes législatives et réglementaires;

d)L’article 558 du Code de procédure pénale, qui paraît être conforme aux dispositions de l’article 5.2 de la Convention sur la compétence universelle;

e)L’interdiction formelle de pratiquer la torture stipulée à l’article 18 de la Constitution;

f)La mise en place de la Commission béninoise des droits de l’homme et la création d’une direction des droits de l’homme au sein du Ministère de la justice et de la législation, par le décret n° 97-30 du 29 janvier 1997;

g)L’indemnisation de certaines personnes ayant été victimes de torture au cours de la période dite “révolutionnaire”, suite aux recommandations de la Commission interministérielle créée par le décret n° 91-95 du 27 mai 1991;

h)La construction en cours d’un nouveau centre pénitentiaire d’une capacité de 1 000 prisonniers.

Sujets de préoccupation

Le Comité est préoccupé par les faits suivants:

a)L’absence d’une définition de la torture strictement conforme à l’article premier de la Convention et l’inexistence de peines spécifiques au crime de torture, ce qui crée une lacune ne permettant pas une application complète de la Convention;

b)La défiance apparente des citoyens vis‑à‑vis du fonctionnement de la justice et la récurrence du phénomène de la vindicte populaire qui en découle;

c)La surpopulation et les mauvaises conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires, en particulier l’absence d’hygiène, de nourriture adéquate et de soins médicaux appropriés, malgré les efforts fournis par l’État partie et l’assistance des organisations non gouvernementales;

d)La place insuffisante faite aux droits de l’homme, en particulier la prohibition de la torture, dans les programmes de formation du personnel civil et militaire chargé de l’application de la loi et du personnel médical, malgré les initiatives positives de la Commission béninoise des droits de l’homme et de la Ligue pour la défense des droits de l’homme;

e)La possibilité de prolonger exceptionnellement la garde à vue jusqu’à huit jours en vertu de l’article 18 de la Constitution;

f)L’existence dans la législation béninoise de dispositions légales (art. 327 et 328 du Code pénal) exonérant de responsabilité tout coupable de délits ou de crimes lorsque les faits commis ont été ordonnés par la loi ou commandés par l’autorité légitime ou par la nécessité de la légitime défense, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 2.2 de la Convention;

g)L’absence de mise en place de programmes de réadaptation médicale et psychologique pour les victimes de torture.

Recommandations

Le Comité fait les recommandations suivantes:

1.L’État partie, pour s’acquitter réellement de ses obligations conventionnelles, doit adopter une définition de la torture strictement conforme à l’article premier de la Convention et prévoir des peines appropriées;

2.Des mesures doivent être prises pour réglementer le droit des victimes de la torture à une indemnisation équitable et adéquate à la charge de l’État et mettre en place des programmes pour leur réadaptation physique et psychologique;

3.L’État partie devrait adopter les mesures législatives nécessaires pour mettre en conformité les dispositions du Code pénal avec l’article 2 de la Convention;

4.L’État partie devrait renforcer les activités d’éducation et de promotion concernant les droits de l’homme, en particulier l’interdiction des actes de torture, pour les fonctionnaires chargés de l’application de la loi et le personnel médical;

5.L’État partie devrait prendre des mesures pour éradiquer la pratique de la vindicte populaire. Le Comité rappelle à l’État partie son obligation de mener des enquêtes immédiates et impartiales et de poursuivre en justice les auteurs présumés de violations des droits de l’homme, en particulier de torture;

6.Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.»

14.M. AMEHOU (Bénin) dit que la délégation béninoise a écouté avec intérêt les observations du Comité et ne craint pas de voir exposés les problèmes qui existent dans le pays; elle transmettra au Gouvernement béninois les recommandations pour qu’il prenne les mesures voulues et fasse en sorte que les lacunes observées ne se répètent pas. Il aimerait toutefois solliciter l’aide du Haut‑Comissariat aux droits de l’homme pour que le deuxième rapport périodique puisse être élaboré le plus tôt possible et que le pays puisse s’acquitter dignement des obligations qui lui incombent au titre de la Convention.

15.Le PRÉSIDENT se félicite de l’engagement pris par la délégation de présenter son prochain rapport périodique dans les délais impartis et d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays.

16. La délégation béninoise se retire.

La partie publique de la séance prend fin à 16 h 20.

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