Nations Unies

CAT/C/SR.909

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

4 décembre 2009

Original: français

Comité contre la torture

Quarante ‑troisième session

Co mpte rendu analytique (partiel)*de la 909 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 10 novembre 2009, à 15 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CAT/C/AZE/3; CAT/C/AZE/Q/3; CAT/C/AZE/Q/3/Add.1 (document distribué en russe, en anglais et en espagnol seulement); HRI/CORE/AZE/2008) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation azerbaïdjanaise reprend place à la table du Comité.

2.M. Zalov (Azerbaïdjan) indique qu’en 2009, un plan national de lutte contre la traite des personnes pour 2009-2013 a été adopté par décret présidentiel. Il a pour objectif de renforcer l’efficacité des poursuites pénales en matière de lutte contre la traite, de garantir la sécurité des victimes, d’assurer leur réadaptation et de favoriser la coordination des activités menées dans ce domaine et de sensibiliser les groupes concernés à ce phénomène. Dans ce cadre, deux projets de loi portant respectivement sur le fonctionnement du mécanisme national chargé de la réadaptation des victimes de la traite et sur la reconnaissance du statut de victime de la traite ont été élaborés et soumis pour examen au Conseil des Ministres. En outre, conformément au nouveau plan d’action national adopté en mars 2009, le Ministère de l’intérieur et une coalition de 45 organisations non gouvernementales ont signé un mémorandum d’accord en vue de coordonner leurs activités de lutte contre la traite. Des fonctionnaires du service chargé de la lutte contre la traite des personnes ont participé à des séminaires et des programmes de formation organisés en Autriche, en Serbie, en Finlande, en Géorgie, en Ukraine et en Turquie et ont eu des entretiens avec des experts de l’ONU et de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la question.

3.En 2005, le Code pénal a été complété par l’incorporation des articles 144-1 (Traite des personnes), 144-2 (Travail forcé) et 316-1 (Diffusion d’informations confidentielles sur une victime de la traite des êtres humains). Pendant la période 2006-2008, 248 personnes ont été jugées au titre de l’article 144-1 et 17 groupes criminels ont été démasqués et leurs membres ont fait l’objet de poursuites pénales. Pendant les neuf premiers mois de 2009, 71 victimes de la traite ont été recensées, dont 44 femmes et 2 mineurs; 22 d’entre elles ont été accueillies dans un foyer, 31 ont bénéficié d’un soutien financier, 3 ont été aidées à trouver un emploi et 22 ont été orientées vers une formation professionnelle.

4.En réponse à la question relative à l’enregistrement des suspects au moment de leur arrestation, M. Zalov indique que chaque fois qu’une personne est conduite dans un poste de police, son nom, l’heure et le motif de son arrestation, les mesures prises à la suite de celle‑ci et la date et l’heure à laquelle le suspect a quitté le poste de police doivent obligatoirement être consignés dans un registre spécial, qui est gardé en lieu sûr. Pour que les renseignements qui y figurent ne soient pas susceptibles d’être modifiés ou falsifiés. En 2008, le Ministère de l’intérieur a installé un réseau informatique auquel tous les organes chargés de l’application des lois sont connectés, ce qui signifie que dès qu’un suspect est placé en garde à vue, les renseignements qui le concernent sont immédiatement transférés dans la base de données centrale du Ministère de l’intérieur. En outre, de nouvelles rubriques ont été ajoutées aux registres des centres de détention temporaire (IVS) afin d’y faire figurer le nom et la signature de l’avocat et du médecin que le suspect a vus, ainsi que la date et l’heure de l’entretien ou de la consultation médicale. Enfin, des directives sur la protection des suspects durant leur transfert dans un IVS et un règlement sur le maintien de la discipline à l’intérieur de ces établissements ont été adoptés.

5.En réponse à la question no 9 de la liste des points à traiter, M. Zalov signale que, conformément au Code de procédure pénale, les personnes soupçonnées d’une infraction ne peuvent pas être retenues dans un centre de détention temporaire (IVS) de la police pendant plus de quarante-huit heures. Lorsqu’une ordonnance de placement en détention provisoire a été émise à son encontre, le suspect doit être transféré dans les vingt-quatre heures dans l’un des centres de détention provisoire (SIZO) du Ministère de la justice. À la fin du premier semestre de 2009, 5 830 suspects étaient détenus dans les IVS du pays.

6.Concernant les mesures prises contre les fonctionnaires de police ayant commis ou laissé commettre des violations de la Convention, M. Zalov dit que les allégations selon lesquelles la torture serait systématiquement pratiquée dans les SIZO sont dénuées de tout fondement. Il précise que seuls les IVS relèvent du Ministère de l’intérieur et que les suspects qui y sont amenés doivent obligatoirement être examinés dès leur arrivée par un médecin et que toute lésion constatée ou plainte formulée est signalée dans le registre de police, que le Procureur consulte régulièrement. Tous les IVS sont accessibles à tout moment aux représentants de la Médiatrice et d’organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme. Il est donc impossible que l’accès à ces centres ait été refusé à des organisations non gouvernementales comme cela a été affirmé au cours de la première partie de l’examen du rapport.

7.Concernant les violations de la liberté de religion dont auraient été victimes des témoins de Jéhovah, M. Zalov fait valoir qu’en Azerbaïdjan, la Constitution garantit la liberté de conscience et de culte et autorise la diffusion de messages religieux et que 31 minorités religieuses non musulmanes, dont 20 communautés chrétiennes, y cohabitent pacifiquement avec la majorité musulmane. S’agissant de l’allégation selon laquelle trois personnes auraient été empêchées de pratiquer leur culte, M. Zalov indique que les intéressés ont certes été appréhendés par la police pour violation de la législation interdisant l’agitation religieuse mais ils ont été immédiatement relâchés après avoir reçu un simple avertissement.

8.M. Usubov (Azerbaïdjan) indique à propos de l’affaire Mahir Mustafayev que cet homme avait été condamné à la réclusion à perpétuité pour plusieurs crimes graves, dont un assassinat. Pendant qu’il exécutait sa peine à la prison du district du Qobustan, il a été pris d’une crise d’épilepsie alors qu’il fumait une cigarette et, étant dans l’impossibilité de se mouvoir, il a été grièvement brûlé. L’examen médico-légal a montré que cet homme, qui était épileptique avant son entrée en prison, était mort d’une insuffisance cardiaque provoquée par des brûlures aux premier et deuxième degrés . Pour cette raison, il n’a pas été jugé opportun d’entamer une procédure pénale.

9.À propos de Farida Kunqurova, M. Usubov indique que cette femme a été arrêtée alors qu’elle était en possession d’une importante quantité de drogue et poursuivie en application de l’article 234 du Code pénal. L’examen médico-légal effectué à la suite de son décès en détention, survenu en novembre 2007, a montré qu’elle était morte d’un double œdème cérébral et pulmonaire. En conséquence, il n’a pas été jugé nécessaire d’engager une procédure pénale.

10.S’agissant de Novruzali Mamadov, M. Usubov précise que cet homme a été jugé pour haute trahison en raison des liens qu’il entretenait avec la République islamique d’Iran et qu’en juin 2008, il a été condamné à dix ans de réclusion. Après son incarcération à la colonie pénitentiaire no 15, il a été examiné par un médecin, parce qu’il souffrait de plusieurs maladies, dont un cancer de la prostate. On lui a proposé plusieurs fois de le transférer à l’hôpital de l’administration pénitentiaire, mais il a refusé. C’est seulement en juillet 2009 qu’il a été envoyé dans cet établissement où, malgré les soins de qualité qui lui ont été dispensés par des spécialistes, il est décédé. Le rapport médico-légal a montré que le décès avait été causé par une attaque cérébrale et, en conséquence, il n’a pas été jugé opportun d’entamer une action pénale.

11.Pour ce qui est du cas de Kamil Sadreddinov, M. Usubov souligne que cet homme faisait partie d’un groupe criminel organisé qui enlevait des personnes pour obtenir une rançon et qui commettait des meurtres. Après avoir été arrêté, Sadreddinov a eu accès à un avocat et aucune atteinte à ses droits n’a été commise.

12.S’agissant de l’affaire des trois mineurs qui avaient été jugés et condamnés en 2005 pour le meurtre d’un de leurs camarades et qui ont porté plainte par la suite, faisant valoir qu’ils avaient été torturés et maltraités au cours de l’enquête ainsi que pendant leur détention, M. Usubov indique qu’une enquête a été diligentée par le Procureur général afin de faire la lumière sur ces allégations, mais l’existence de tortures et de mauvais traitements dont ces mineurs prétendent avoir été victimes n’a pas pu être établie. En conséquence, il n’a pas été jugé utile d’engager une procédure pénale.

13.En ce qui concerne l’affaire Sardar Mammadov, M. Usubov rappelle que l’intéressé, arrêté et condamné en 2003 pour avoir pris la parole lors d’une manifestation interdite, a saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour mauvais traitements et discrimination. La Cour a condamné l’Azerbaïdjan pour violation des articles 3 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ordonné le versement d’une indemnité de 10 000 euros au requérant (Mammadov c. Azerbaïdjan, requête no 34445/04). L’arrêt de la cour a été dûment transmis aux autorités compétentes et il est actuellement en cours d’examen. En ce qui concerne M. Emin Hüseynov, Directeur de l’Institut pour la liberté et la sécurité des reporters, qui avait été arrêté en juin 2008 pour avoir participé à une réunion illégale organisée en commémoration du décès du révolutionnaire argentin Che Guevara et emmené au poste de police du district de Nasimi à Bakou, où il aurait été victime de mauvais traitements, une enquête officielle a été ouverte et une expertise médicale a permis d’établir que le corps de l’intéressé ne présentait aucune lésion. En ce qui concerne le décès en détention de M. Mammadov Zaur Golmammad Oglu le 25 octobre 2008, l’enquête diligentée par le Procureur de la région de Lenkaran sur les circonstances de sa mort a établi que l’intéressé n’avait subi aucun acte de violence; l’affaire a par conséquent été classée sans suite pour manque de preuves. Pour ce qui est du décès de M. Rahimov Mahammad Ali Oglu, survenu le 31 août 2008 pendant son transfert au commissariat de Delimamedli, des expertises médico-légales ont permis d’établir que l’intéressé avait succombé à un infarctus, de sorte que le Procureur de la région de Goranboy a décidé de ne pas engager de poursuites pénales.

14.M. Abbasov (Azerbaïdjan), répondant à une question relative à la répartition des compétences entre les tribunaux civils et militaires, rappelle qu’il existe trois degrés de juridiction en Azerbaïdjan, à savoir les tribunaux de première instance, les tribunaux d’appel et la Cour suprême, instance de cassation. Leur compétence étant strictement limitée aux affaires mettant en cause le personnel militaire, les tribunaux militaires ne traitent pas d’affaires civiles. Quant au tribunal militaire chargé de statuer sur les infractions graves (par. 172 du rapport), il n’intervient quasiment pas dans les affaires où sont impliqués des civils. S’agissant des actes de torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’Azerbaïdjan n’épargne aucun effort pour mettre sa législation en conformité avec les instruments internationaux auxquels il est partie, notamment la Convention contre la torture. Aux fins de donner effet aux dispositions de la Convention, les recommandations formulées par le Comité à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CAT/C/59/Add.1) ont fait l’objet d’un décret adressé à l’ensemble des organes chargés de l’application de la loi, notamment les tribunaux et les services qui s’occupent des enquêtes préliminaires. Dans ce décret, il est notamment souligné qu’un cas de recours à la torture, à des traitements cruels ou à des pressions physiques ou morales, les faits doivent être qualifiés comme il se doit et donner lieu à des poursuites pénales car aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour les justifier. Il est en outre rappelé qu’aucune décision de justice ne peut être fondée sur des preuves obtenues par des moyens illégaux. En ce qui concerne les amendes imposées en remplacement des peines d’emprisonnement, elles ne sont en aucun cas appliquées aux auteurs d’infractions graves. Ces peines non privatives de liberté n’ont rien d’inéquitable et sont tout à fait conformes aux principes généraux du droit pénal. Quant aux méthodes d’interrogatoire et autres moyens d’enquête, ils font l’objet de règles très précises qui s’appliquent dès qu’un suspect est arrêté et jusqu’à son inculpation. Conformément à l’article 85 du Code de procédure pénale, le fonctionnaire de police chargé de l’interrogatoire est tenu, dès l’arrestation, de veiller au respect du droit du suspect d’être assisté par un avocat. Toute atteinte aux droits de la défense est sévèrement sanctionnée.

15.En ce qui concerne l’exercice par l’Azerbaïdjan de sa compétence universelle, tout ressortissant azerbaïdjanais ou étranger et tout apatride ayant commis un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, des actes de torture ou d’autres infractions visées par les instruments internationaux auxquels l’Azerbaïdjan est partie, est pénalement responsable au regard du droit azerbaidjanais, quel que soit le lieu où le crime a été commis.

16.M. Alekberov (Azerbaïdjan),répondant à une question relative à l’accès à un conseil et à un médecin, indique que toute personne arrêtée en Azerbaïdjan est tout d’abord placée dans les locaux de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale. À l’expiration d’un délai de vingt-quatre heures, l’intéressé doit être libéré ou inculpé et transféré dans un des centres de détention provisoire relevant du Ministère de la justice, où un examen médical est systématiquement effectué. Le droit des détenus de demander et d’obtenir un examen médical est garanti et l’accès d’une personne placée en garde à vue à un avocat l’est aussi en temps utile. Il y a lieu en outre de signaler qu’un nouvel établissement pénitentiaire a été inauguré en mai 2009 à Bakou en présence de représentants du Conseil de l’Europe, du CICR et de défenseurs des droits de l’homme, qui ont pu constater que les normes internationales relatives aux conditions de détention y sont dûment respectées.

17.Présentant quelques données statistiques sur la délinquance des femmes et des mineurs, M. Alekberov signale que 109 femmes font actuellement l’objet de poursuites pénales, dont 39 pour des infractions liées à la traite des personnes, 33 pour trafic de stupéfiants, 15 pour vol, 6 pour homicide et 16 pour des délits de moindre gravité. Pour ce qui est des mineurs, 26 font actuellement l’objet de poursuites pénales, dont 4 sont pour homicide, 6 pour coups et blessures graves, 4 pour vol et 12 pour des délits de moindre gravité. Les femmes et les hommes sont détenus dans des établissements pénitentiaires distincts et les mineurs sont séparés des adultes. Les femmes employées dans les établissements pénitentiaires sont au nombre de 239, ce qui représente environ 5 % des effectifs; elles sont 33 à travailler dans l’unique prison pour femmes que compte l’Azerbaïdjan, où elles représentent 8 % du personnel. Pour ce qui est des fouilles à corps des détenues, elles sont régies par des règles très strictes et seul le personnel de sexe féminin est habilité à les pratiquer.

18.Le Comité a salué les mesures prises pour lutter contre la tuberculose, tout en faisant observer à juste titre que cette maladie continuait de faire des victimes parmi la population carcérale. Toutefois, grâce au programme de lutte contre la tuberculose en milieu carcéral, dans le cadre duquel 700 détenus font actuellement l’objet d’un suivi médical, dès qu’un cas est détecté, les soins requis sont immédiatement prodigués, de sorte que l’Azerbaïdjan a pu stabiliser le taux de mortalité lié à cette maladie.

19.La délégation n’est malheureusement pas en mesure d’indiquer si parmi les 9 000 prisonniers remis en liberté en application de la loi d’amnistie du 17 mars 2009, certains avaient été reconnus coupables de torture. Il y a toutefois peu de chances pour que cela soit le cas, dans la mesure où la loi d’amnistie concernait principalement les infractions les moins graves et si la loi a également pu bénéficier à des auteurs de délits plus graves, seuls ceux qui avaient déjà exécuté l’essentiel de leur peine ont été remis en liberté.

20.M. Shafi y ev (Azerbaïdjan)dit que l’Azerbaïdjan n’a pas pu donner suite à la recommandation du Comité tendant à ce que le centre de détention provisoire du Ministère de la sécurité nationale soit fermé. Les autorités ont estimé qu’il fallait maintenir ce centre et le garder sous l’autorité du Ministère de la sécurité nationale pour des raisons d’efficacité dans la répression des infractions les plus graves, telles que le terrorisme, le financement des activités terroristes, la trahison, la subversion ou l’espionnage. Force est de rappeler que depuis les années 80, plus de 130 actes terroristes contre des biens ou des personnes ont été commis en Azerbaïdjan. Dans ces circonstances, les autorités ont considéré qu’il n’était pas souhaitable de fermer un centre grâce auquel les fonctionnaires compétents du Ministère de la sécurité nationale ont pu obtenir de francs succès dans la lutte antiterroriste. Il y a lieu de signaler à cet égard que 7 groupes terroristes dangereux ayant des ramifications internationales ont récemment été démantelés. Le maintien du centre s’explique également par la nécessité de protéger le secret d’État et d’éviter toute fuite d’informations dans les affaires sensibles.

21.Le centre de détention provisoire en question, a été entièrement rénové en 2005. Les cellules ont été réaménagées et un système de climatisation et de chauffage a été installé. Les détenus ont accès à une salle de sport et une bibliothèque, ainsi qu’à un service médical dans lequel travaille un médecin d’État ayant près de trente ans d’expérience. Des membres de la Croix-Rouge et des observateurs du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) y ont effectué plusieurs visites. En février 2008, une délégation de diplomates et de représentants de l’OSCE a également inspecté le centre. Tous les visiteurs ont pu constater que les conditions de détention y étaient satisfaisantes. En ce qui concerne l’assassinat du rédacteur en chef du journal Monitor, commis le 2 mars 2005, l’affaire a été transférée au Ministère de la sécurité nationale dès avril 2005 car elle concernait un acte terroriste. Dans le cadre de l’enquête, plus de 600 personnes ont été interrogées et plusieurs experts étrangers de la criminalité ont été consultés. Le procureur a prononcé l’inculpation des deux principaux suspects, Tahir Khubanov et Teimuraz Aliyev, tous deux de nationalité géorgienne. La procédure en est toujours au stade de l’enquête préliminaire, les autorités azerbaïdjanaises n’ayant pas reçu de réponse à leurs demandes d’extradition. Hadji Mamedov, qui a été jugé et condamné pour enlèvements, extorsion de fonds et meurtres, a déclaré lors de son procès avoir organisé l’assassinat du journaliste du Monitor. L’instruction sur ce crime se poursuit. Ceci dit, la raison pour laquelle M. Mamedov se trouve toujours dans le centre de détention temporaire est que lui-même ne souhaite pas être transféré, craignant des actes de représailles de la part de personnes influentes, notamment de nationalité tchétchène.

22.M. Khalafo v (Azerbaïdjan) indique que des modifications ont été apportées à la loi constitutionnelle sur le médiateur, pour allonger la durée de son mandat et augmenter son salaire. Il rappelle que le médiateur peut adresser les plaintes qu’il reçoit aux organes d’enquête compétents ou décider de procéder lui-même à une enquête. Il est assisté d’un conseiller spécial sur la torture et les droits des détenus pour l’examen des plaintes ayant trait à des actes de torture. Il est indiqué dans le rapport que la Médiatrice actuellement en poste a reçu plusieurs plaintes émanant de personnes placées dans les centres de détention temporaire ou de détention provisoire. Toutes ces plaintes ont été adressées aux organes compétents et ont fait l’objet d’enquêtes. Les autorités judiciaires ont conclu à des violations des droits de l’homme et pris les mesures qui s’imposaient. En 2008, 134 violations de ce type ont été recensées et 154 agents de l’État, notamment des membres du personnel pénitentiaire et du parquet, ont été sanctionnés. Les actes commis n’étaient pas des actes de torture mais des violations graves, comme des arrestations ou des détentions arbitraires. Plusieurs agents du Ministère des affaires intérieures ont ainsi été mutés, mis à pied ou rétrogradés. Cinq fonctionnaires ont également été traduits en justice au pénal.

23.En ce qui concerne l’extradition d’Elif Pelit, plusieurs mesures ont été prises pour s’assurer que l’intéressée serait correctement traitée à son retour en Turquie. Le Gouvernement azerbaïdjanais a reçu des assurances diplomatiques des autorités turques. En outre, il a demandé à ce que son ambassadeur à Ankara puisse vérifier les conditions de détention de l’intéressée. Plusieurs visites lui ont été rendues et les conclusions de ces visites ont été adressées à la Commission des droits de l’homme, dont les constatations ont été positives. Depuis lors, Mme Pelit a été relaxée et a quitté la Turquie pour l’Allemagne. Le Gouvernement azerbaïdjanais a donné son accord pour que le rapport 2008 du CPT soit publié et diffusé dans le pays. Il continue d’examiner la question de l’adhésion au statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui est particulièrement délicate dans la mesure où elle touche directement à certaines dispositions de la Constitution. Une initiative visant à revoir la législation relative aux ONG avait été lancée mais les amendements proposés n’ont pas été retenus par le Parlement.

24.M me Gaer (Rapporteuse pour l’Azerbaïdjan) remercie la délégation pour les nombreux éléments d’information qu’elle vient d’apporter au Comité mais regrette que plusieurs questions soient restées sans réponse. Elle aurait en particulier souhaité davantage d’éclaircissements sur les différentes allégations de non-respect de la procédure régulière. En ce qui concerne l’affaire Milli et Hadji Zadeh, la délégation a donné des précisions sur les chefs d’accusation retenus mais elle n’a pas expliqué pourquoi les intéressés n’ont pas pu avoir accès à un avocat. De même, aucune explication n’a été donnée sur les raisons pour lesquelles Kamil Sadraddinov a dû attendre seize jours avant de pouvoir être assisté par l’avocat de son choix, Novruzali Mamadov n’a été admis à l’hôpital − où il est mort − que cinq mois après l’approbation de sa demande de transfert et Mahir Mustafayev, gravement brûlé, serait resté onze heures sans recevoir de soins. Le Comité a besoin de comprendre ce qui a pu conduire à de telles situations. Il est également important qu’il sache quelles sont les voies de recours disponibles en cas de violations de ce type. Par ailleurs, la délégation a fourni des renseignements sur les registres de détenus mais elle n’a pas précisé si les recommandations du CPT concernant le contenu de ces registres ont été appliquées dans leur intégralité.

25.D’après les renseignements dont dispose le Comité, les inspections effectuées par les membres du Comité civil dans les lieux de détention sont soumises à un préavis de vingt-quatre heures, qui ne s’applique pas nécessairement aux autres ONG. Il serait intéressant que la délégation apporte des éclaircissements sur cette règle. En réponse aux allégations de violations à l’encontre des témoins de Jéhovah, la délégation a exposé la situation en matière de liberté de religion dans le pays mais elle n’a pas expliqué si les personnes de cette confession arrêtées par la police ont le droit et la possibilité de former un recours.

26.En ce qui concerne la compétence universelle, Mme Gaer souligne que la question qui l’intéresse est de savoir si, concrètement, des poursuites ont déjà été engagées en Azerbaïdjan pour des actes de torture commis en dehors de pays. De même, au sujet de l’application de l’article 133 du Code pénal, elle demande s’il est déjà arrivé qu’un policier soit poursuivi et condamné en vertu de cet article. Elle souhaiterait en outre des précisions sur les 161 personnes condamnées au titre de l’article 133, apparemment pour les actes de violence au foyer, en particulier sur leur identité, les motifs de leur condamnation et les peines prononcées.

27.Il serait aussi utile de savoir s’il existe des mécanismes autres que le Comité créés par décret présidentiel pour assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations du Comité contre la torture et d’autres organes. Pour ce qui est de la Médiatrice, il serait intéressant de connaître, outre le nombre de plaintes reçues, celui des plaintes formées par elle. Revenant sur la question de la définition de la torture, Mme Gaer insiste sur la nécessité pour le Comité de s’assurer que celle adoptée par l’État partie couvre bien les actes commis à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique, ainsi que toutes les formes de discrimination, conformément à l’article premier de la Convention. Mme Gaer salue la décision du Gouvernement de rendre public le rapport du CPT et demande si une date a déjà été fixée pour sa publication. En ce qui concerne l’affaire Elif Pelit, elle souhaiterait savoir quelles conditions minimales ont été fixées pour recevoir des assurances diplomatiques et quels critères ont été appliqués pour surveiller la situation de l’intéressée.

28.M. Wang Xuexian (Corapporteur pour l’Azerbaïdjan) s’étonne de ce qu’aucun cas de torture ne figure parmi les plaintes sur lesquelles la Médiatrice a enquêté depuis le début de 2009 et souhaiterait des informations complémentaires à ce sujet. N’ayant pas obtenu les précisions demandées concernant les modifications apportées aux lois relatives aux ONG, qui tendraient à accroître le contrôle du Gouvernement sur celles-ci, il souhaiterait entendre la délégation à ce propos.

29.M me Sveaass dit qu’elle n’a pas entendu de réponse à sa question sur les allégations relatives au recours à l’internement psychiatrique comme moyen de réduire au silence des personnes qui dénoncent les violations dont elles-mêmes ou d’autres personnes ont été victimes et espère que la délégation pourra y répondre. Elle souhaiterait également savoir si l’État partie a l’intention d’ouvrir des enquêtes sur les violations commises lors des élections présidentielles de 2003 et des élections législatives de 2005.

30.M. Gaye demande si, en application des directives concernant le traitement des preuves obtenues par des moyens illégaux, y compris par la torture, formulées par la Cour suprême à l’intention des juridictions du fond dans un arrêt rendu en 2004, des éléments de preuve ont déjà été écartés par des juges au motif qu’elles avaient été obtenues par la torture. Des exemples seraient les bienvenus.

31.M me Belmir réitère sa préoccupation au sujet du traitement des mineurs délinquants et engage l’État partie à modifier sa pratique dans ce domaine de manière à la mettre en conformité avec les normes internationales des droits de l’homme. Revenant sur la question des juridictions militaires, elle rappelle que la jurisprudence de l’ensemble des organes conventionnels établit clairement que les tribunaux militaires sont des juridictions d’exception. Il importe donc de bien les distinguer des juridictions de droit commun.

32.M. Mariño Menéndez demande s’il est recouru aux assurances diplomatiques uniquement dans le cadre des procédures d’extradition ou dans d’autres cas. Le bureau du Médiateur, en tant que mécanisme national de prévention, doit pouvoir se rendre dans tous les lieux de détention sans exception, y compris les casernes et les prisons militaires. Il faudrait être sûr que ses attributions le lui permettent. M. Mariño Menéndez croit comprendre que le Service de l’immigration et les autorités chargées de la détermination du statut de réfugié sont tous deux habilités à prendre des arrêtés d’expulsion. Des précisions sur leurs compétences respectives seraient utiles. Il faudrait également savoir si leurs décisions font l’objet d’un contrôle judiciaire.

33.Le Président, s’exprimant en tant que membre du Comité, demande si un détenu qui affirme avoir été soumis à la torture ou à des mauvais traitements a le droit d’être examiné par un médecin de son choix ou s’il est obligatoirement examiné par un médecin désigné d’office. À la séance précédente, les membres de la délégation ont semblé convenir de la nécessité d’incorporer la discrimination en tant que motif de la torture dans la définition de la torture énoncée dans le Code pénal. Le Président souhaiterait en avoir confirmation. Enfin, il voudrait savoir si les autorités azerbaïdjanaises ont eu vent d’allégations selon lesquelles Mme Elif Pelitaurait subi des mauvais traitements en détention après son extradition vers la Turquie.

34.M. Khalafov (Azerbaïdjan) dit qu’il semble y avoir eu beaucoup de malentendus et que certaines choses doivent être clarifiées. Avant de procéder à l’extradition de Mme Elif Pelit vers la Turquie, les autorités azerbaïdjanaises ont entrepris toutes les démarches nécessaires pour s’assurer qu’elle serait traitée correctement par les autorités turques et ont obtenu par écrit les assurances diplomatiques voulues. Des représentants des autorités consulaires azerbaïdjanaises ont procédé à des vérifications sur place et ont rendu plusieurs visites à Mme Pelit pendant sa détention. Les comptes rendus de ces visites ont été communiqués à la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, qui a personnellement remercié le Gouvernement azerbaïdjanais de la manière dont il avait suivi cette affaire. Après son procès, Mme Pelit a été remise en liberté et est partie vivre à l’étranger. Le Gouvernement azerbaïdjanais considère donc que l’affaire est close.

35.La Médiatrice est dotée de tous les pouvoirs requis pour jouer pleinement le rôle de mécanisme national de prévention tel qu’il est défini par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Elle peut se rendre dans toutes sortes d’établissements et d’institutions, y compris dans les lieux où sont retenues les personnes dont l’extradition est demandée ou qui sont sous le coup d’une mesure d’expulsion. Les arrêtés d’expulsion sont susceptibles de recours qui ont un effet suspensif. Les modifications apportées aux lois relatives aux ONG évoquées par un membre du Comité n’ont pas encore été examinées par le Parlement. La question a été posée de savoir si les tribunaux azerbaïdjanais avaient déjà écarté des preuves au motif qu’elles avaient été obtenues par la torture. M. Khalafov dit qu’à sa connaissance, le cas ne s’est jamais posé.

36.Toutes les violations des droits de l’homme, y compris les infractions liées au décompte des voix, qui ont été commises lors des élections de 2003 et de 2005 ont donné lieu à des enquêtes et à des poursuites pénales. Des condamnations ont été prononcées dans une vingtaine d’affaires. Si le Comité le souhaite, des informations plus détaillées pourront lui être communiquées à ce sujet. Mme Gaer a posé une question au sujet de cas de violence au foyer or les violences perpétrées dans le cadre familial n’entrent pas dans le champ de la définition de la torture telle qu’elle figure dans la Convention. Les cas mentionnés par Mme Gaer ont néanmoins donné lieu à des enquêtes et les coupables ont été punis conformément à la loi. En ce qui concerne la définition de la torture, le Comité a mis en évidence la nécessité de compléter celle qui figure dans le Code pénal azerbaïdjanais et une réflexion sur les mesures législatives nécessaires à cet effet sera entreprise dans les meilleurs délais.

37.M. Zalov (Azerbaïdjan) dit que les mesures nécessaires ont été prises pour mettre en œuvre les recommandations du CPT au sujet des renseignements devant figurer dans le registre des détentions. En 2008 et au cours du premier semestre de 2009, la Médiatrice et ses collaborateurs ont effectué 318 visites dans des établissements relevant du Ministère de l’intérieur, sans notification préalable.

38.M. Usubov (Azerbaïdjan) dit qu’il n’y a pas eu de violation du droit d’être assisté par un avocat dans le cas des deux blogueurs Emin Milli et Adnan Hadji Zadeh ni dans celui de Kamil Sadreddinov puisqu’un avocat leur a été commis d’office dès leur arrestation. Ils ont souhaité par la suite solliciter les services d’un avocat de leur choix, ce à quoi il a été fait droit. En ce qui concerne M. Novruzali Mamadov, il a fait l’objet d’un suivi médical approprié tout au long de sa détention. Lorsqu’il a été informé en mars 2009 de la possibilité d’être transféré dans un établissement médical du système pénitentiaire, il a décliné la proposition, comme en attestent les documents versés à son dossier. M. Mamadov a finalement été transféré dans un hôpital du système pénitentiaire en juillet 2009, où il a reçu tous les soins requis par son état.

39.M. Khalafov (Azerbaïdjan) dit que le temps manque pour répondre de manière détaillée à toutes les questions des membres du Comité. Les autorités azerbaïdjanaises restent à la disposition du Comité pour tout complément d’information qu’il jugera nécessaire. L’Azerbaïdjan attache la plus grande importance au dialogue avec le Comité, dont les observations et les recommandations l’aident à améliorer sa législation et à faire mieux comprendre à ses organes chargés de l’application des lois ce qu’est la torture et comment la prévenir et la combattre. La définition de la torture est à cet égard essentielle et cette question recevra toute l’attention qu’elle mérite.

40. La délégation azerbaïdjanaise se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 5.