Comité contre la torture
Quarante-sixième session
Compte rendu analytique de la premièrepartie (publique)* de la 996e séance
Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 18 mai 2011, à 10 heures
Président: M. Grossman
Sommaire
Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)
Cinquième et sixième rapports périodiques de la Finlande
La séance est ouverte à 10 h 10.
Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention
Cinquième et sixième rapports périodiques de la Finlande (CAT/C/FIN/5-6)
1.Sur l’invitation du Président, la délégation finlandaise prend place à la table du Comité.
2.M. Kosonen (Finlande) dit que le Comité a souvent appelé l’attention sur l’absence de disposition spécifique sur la torture dans le droit interne finlandais et la Finlande a précisé chaque fois, comment sa législation, par l’effet conjugué de plusieurs articles, répondait aux exigences de la Convention. La Finlande a depuis lors étudié de près la question de l’incorporation d’une définition explicite de la torture dans son Code pénal et a apporté des changements à sa législation pénale après un large débat national, auquel ont participé les membres d’un groupe de travail interministériel, des universitaires et des représentants de la société civile.
3.Une nouvelle disposition visant à renforcer l’interdiction absolue de la torture, à exposer le caractère particulièrement grave de ce type d’infraction et à souligner que la Finlande appuie l’interdiction absolue de la torture en toutes circonstances a été ajoutée au chapitre 11 du Code pénal, relatif aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité. En outre, les dispositions de ce chapitre ont été modifiées par la loi no 212/2008 afin qu’elles correspondent aux dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Il y est à présent fait mention de la torture en tant que crime spécifique contre l’humanité et élément constitutif de crime de guerre.
4.Au début de 2012, un centre indépendant des droits de l’homme, satisfaisant aux Principes de Paris, sera créé sous l’égide de l’Ombudsman parlementaire. Il sera notamment chargé de la promotion et du suivi de l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par la Finlande. Il comportera un Conseil multipartite des droits de l’homme, qui aura pour tâche de faciliter la coordination des questions relatives aux droits fondamentaux de l’homme et servira de plate-forme de partage d’informations et d’organe de coopération.
5.Concernant la ratification du Protocole facultatif à la Convention, le Gouvernement proposera au Parlement à l’automne 2011 que l’Ombudsman parlementaire soit désigné mécanisme national de prévention de la torture, et qu’il soit doté des compétences prévues par le Protocole. Au printemps de 2011, plusieurs textes modifiant la loi sur les enquêtes préliminaires, la loi sur les mesures coercitives et la loi sur la police ont été adoptés par le Parlement. Ils ont permis de renforcer les droits fondamentaux et les droits de l’homme et d’améliorer le contrôle judiciaire des mesures coercitives. Le droit du suspect de faire appel des mesures prises à son égard par la police sera étendu. La loi a également été modifiée de sorte que la légalité des perquisitions, qui nécessitent un mandat du juge, puissent faire l’objet d’un contrôle. Une meilleure protection juridique est en outre offerte aux détenus avant jugement qui peuvent désormais faire appel des restrictions à leur droit de communiquer avec leurs proches et les restrictions au droit de circuler remplacent désormais plus souvent le placement en détention provisoire.
6.Depuis le début de 2011, même les voies de fait sans gravité constituent des infractions donnant lieu à des poursuites lorsqu’elles visent un mineur, un proche de l’auteur de l’infraction ou une personne dans l’exercice de ses fonctions. Les violences mineures entre époux, concubins ou dont sont victimes des ascendants peuvent désormais être poursuivies d’office. Une enquête préliminaire est ordonnée et une procédure est engagée même si aucune requête n’est formulée par la victime.
7.La Finlande a adopté les textes de loi nécessaires à la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. Quant au Code pénal, il sera modifié de façon à ériger la sollicitation des enfants à des fins sexuelles en infraction pénale. Les peines prévues en cas d’infraction à caractère sexuel contre les enfants seront alourdies. Il convient également de signaler que l’Union européenne élabore actuellement une nouvelle directive sur l’exploitation d’enfants à des fins sexuelles, les sévices sexuels à enfant et la pornographie mettant en scène des enfants, qui imposera aux États membres des obligations accrues. En mars 2011, le Parlement a adopté un texte législatif en vertu duquel les agents de la protection sociale, de la santé et d’autres professions apparentées, sont tenus de signaler à la police les cas présumés d’abus sexuels.
8.Le nombre de détenus, qui a fortement diminué en 2010, est actuellement de 3 291 c’est-à-dire un des plus faibles en Europe. Une série de mesures législatives, autorisant notamment le sursis probatoire ou limitant la possibilité de convertir des amendes non payées en peines d’emprisonnement, ont permis de réduire la population carcérale. En revanche, le nombre de prévenus de sexe féminin ou d’origine étrangère a augmenté et en raison de la répartition inégale des établissements pénitentiaires entre les régions, certaines prisons pour hommes sont surpeuplées. D’autre part, 222 cellules se trouvant dans trois prisons différentes ne sont pas équipées de toilettes mais l’accès aux W.C. extérieurs est assuré à toute heure.
9.Des modifications ont été apportées à la réglementation relative à la prise en charge et au placement des enfants dont les parents exécutent une peine de prison, les droits des intéressés ayant été considérablement renforcés. Un quartier familial a ainsi été créé à la prison de Vanaja. Les parents prévenus ou exécutant une peine ont le droit de garder leur enfant avec eux si celui-ci est âgé de moins de 2 ans. Dans tous les cas, un enfant peut être remis à ses parents dans le quartier familial si son intérêt supérieur le commande.
10.Le nombre de prisonniers de moins de 18 ans reste très faible; il y en avait quatre en mars 2001. L’Ombudsman parlementaire a effectué une enquête sur le placement en détention et les conditions de détention des mineurs et demandé à l’administration pénitentiaire de lui présenter d’ici à juin 2011 un rapport sur les mesures prises pour améliorer la situation. Une des solutions serait de placer davantage de mineurs condamnés à une peine d’emprisonnement dans des centres distincts des établissements pénitentiaires, ce qui est possible en vertu de la loi sur l’emprisonnement. À l’automne 2010, une étude a été menée sur le cas des prisonniers qui ont peur d’autres prisonniers; des mesures seront mises en œuvre sur le long terme pour traiter cette question.
11.Concernant les détenus roms, ils ne sont généralement pas gardés séparément des autres prisonniers, n’étant placés dans des quartiers distincts que dans six établissements.
12.En novembre 2010, un Groupe de travail du Ministère de la justice a remis un rapport sur le traitement des personnes gardées à vue, qui contient un projet d’amendement à la loi devant permettre de transférer plus rapidement les intéressés des postes de police vers des établissements pénitentiaires.
13.Une nouvelle forme de peine sera instituée en Finlande en novembre 2011; il s’agit d’une mesure restrictive de la liberté de circulation qui se situe entre le service d’intérêt général et l’emprisonnement ferme. Elle se substituera à une peine de six mois de prison ferme lorsque la personnalité du délinquant concerné le permet et que le service d’intérêt général n’est pas possible.
14.Un programme de prévention de la violence à l’égard des femmes a été adopté le 11 juin 2010. Il met l’accent sur les femmes migrantes, considérées comme un groupe vulnérable. La formation, qui est dispensée aux autorités et aux personnes travaillant avec des migrants ou des membres de minorités, pour leur apprendre à mieux déceler les formes de violence dont les migrantes sont victimes et améliorer leur capacité d’intervention, constitue un outil efficace pour réduire la violence à l’égard des groupes vulnérables. La violence au foyer ou entre partenaires et la violence à l’égard des migrantes peuvent être prévenues et combattues par des mesures d’intégration. Une nouvelle loi sur la promotion de l’intégration entrera en vigueur le 1er septembre 2011. Il convient aussi de signaler que le 11 mai 2011, la Finlande a rejoint les 12 premiers signataires de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
15.Enfin, en 2007, la Finlande a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant. La Finlande tient en conclusion à saluer les efforts déployés par le Comité pour améliorer ses méthodes de travail et se félicite en particulier de la nouvelle procédure de présentation de rapports, axée sur une liste de points à traiter qui favorise un dialogue plus ciblé.
16.M. Mariño Menéndez (Rapporteur pour la Finlande)se réjouit que l’État partie ait opté pour la nouvelle procédure de présentation de rapports qui permet effectivement de se concentrer sur des points essentiels et concrets. Le Comité accueille favorablement les dernières mesures prises par la Finlande, dont certaines restent semble-t-il encore à appliquer. Ces mesures, qui concernent plusieurs domaines couverts par la Convention sont ambitieuses et le Comité ne peut que s’en féliciter. Il faut également saluer la ponctualité avec laquelle l’État partie s’est acquitté de ses obligations de suivi depuis la présentation de son précédent rapport périodique. La participation de représentants d’organisations non gouvernementales à l’élaboration du rapport périodique mérite également d’être saluée.
17.Une disposition reprenant la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention a été ajoutée au chapitre 11 du Code pénal qui a trait aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité. On peut se demander si en droit finlandais, la torture est obligatoirement liée à ces crimes internationaux ou si elle constitue une infraction de droit commun indépendante. Des précisions à ce sujet seraient les bienvenues.
18.En ce qui concerne les articles 2 et 4 de la Convention, le Rapporteur a pris note des réponses détaillées de l’État partie et des nouvelles mesures adoptées. Quelques points appellent toutefois des éclaircissements, et pourraient faire l’objet de recommandations de la part du Comité. La délégation pourra peut-être donner des précisions sur le déroulement des interrogatoires et indiquer s’ils font l’objet d’enregistrements audio ou vidéo. Le Comité a pris note des mesures prises par le Gouvernement en matière de détention provisoire, dont la durée moyenne serait apparemment de six mois. Il semblerait pourtant que des migrants en situation irrégulière puissent être détenus jusqu’à dix-huit mois. La délégation a-t-elle des chiffres à ce sujet? Au paragraphe 88 du rapport, il est dit que lorsqu’une décision de rejet intervient dans le cadre de la procédure normale d’asile, une mesure d’expulsion ne peut être exécutée tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue. L’appel semble avoir parfois un effet suspensif, mais pas dans tous les cas. Qu’en est-il exactement? Dans le rapport, il est indiqué qu’en vertu de l’article 193.1.3 de la loi sur les étrangers, il peut être fait appel d’une décision d’expulsion prise dans le cadre de la procédure d’asile et que cet appel doit être interjeté dans les trente jours qui suivent la notification de la décision. Qu’en est-il des recours dont disposent les étrangers qui ne sont pas demandeurs d’asile mais des migrants en situation irrégulière? Il semblerait d’autre part que des migrants soient détenus à la frontière pendant des périodes prolongées. La délégation dispose-t-elle de données sur la durée moyenne de ce type de détention? Des renseignements sur les conditions dans les centres de rétention pour étrangers seraient également les bienvenus. Il ressort du tableau 2 (Décisions en matière d’asile ayant fait l’objet d’un appel devant le Tribunal administratif en 2009), qu’il aurait été fait droit à huit demandes d’asile par souci de compassion. Le Comité voudrait en savoir davantage sur ce motif d’action du statut de réfugié. Par ailleurs, on peut regretter que le tableau susmentionné n’indique pas le nombre de fois où le principe de non-refoulement a été appliqué.
19.Concernant la protection des Samis, M. Mariño Menéndez demande si l’État partie prévoit de ratifier la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants. Il souhaite aussi savoir si, indépendamment de la position, généralement défavorable, des autres pays de l’Union européenne sur la question, la Finlande a étudié la possibilité de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
20.À propos de la lutte contre la discrimination à l’égard des minorités, M. Mariño Menéndez demande si la législation finlandaise applicable dans ce domaine a été invoquée devant les autorités administratives ou les tribunaux. Il prend note avec satisfaction des éléments d’information présentés dans le rapport périodique de l’État partie concernant les Roms et demande si de nouveaux éléments significatifs sont intervenus depuis le rapport.
21.En matière de prévention des mutilations génitales féminines, le Rapporteur aimerait avoir des précisions sur la qualification juridique de ces pratiques. Certains pays non seulement en punissent les auteurs, mais appliquent le principe de non-refoulement aux victimes. Il souhaiterait également des statistiques détaillées sur les cas de prostitution forcée et d’exploitation de femmes migrantes dans l’État partie.
22.S’agissant de l’affaire du ressortissant rwandais condamné en Finlande pour génocide, M. Mariño Menéndez souhaiterait obtenir des précisions concernant les bases juridiques de la procédure engagée. Est-ce le principe de la juridiction universelle qui a été appliqué conformément au Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda ou est-ce que la loi finlandaise permet directement d’exercer une juridiction extraterritoriale?
23.À propos de la stratégie de l’État partie en matière de lutte contre le terrorisme, M. Mariño Menéndez demande si la Finlande s’est déjà trouvée en situation de devoir transférer dans des pays tiers des personnes suspectées de terrorisme. Dans l’affirmative, il aimerait savoir si le processus s’est déroulé dans le cadre des règles de l’Union européenne en matière d’extradition et si des garanties diplomatiques ont été demandées aux pays tiers concernés quant au traitement des suspects, notamment pour empêcher qu’ils soient soumis à la torture. Des garanties diplomatiques sont-elles systématiquement demandées par l’État partie, dans les cas d’extradition qui ne sont pas liés au terrorisme?
24.M. Wang Xuexian note avec satisfaction que comme pour la période précédente aucun cas de torture n’a été signalé en Finlande. Il relève que d’après le rapport périodique de la Finlande (CAT/C/FIN/5-6, par. 106), la formation des policiers est évaluée et agréée par le Conseil national de la police, ce qui peut éventuellement poser un problème de conflit d’intérêts; il souhaiterait des éclaircissements à ce sujet.
25.En ce qui concerne la situation dans les prisons, M. Wang Xuexian demande à propos de ce qui est dit au paragraphe 115 du rapport périodique si une suite a été donnée à la suggestion de l’Ombudsman parlementaire adjoint tendant à ce que les règles de comportement au travail soient affichées dans les établissements pénitentiaires afin de prévenir les cas de harcèlement sexuel dans les situations de travail effectué ensemble par des détenus de sexe masculin et de sexe féminin. Il demande en outre des précisions sur le fait que les conditions de détention des minorités ethniques ne se sont pas améliorées dans tous les établissements pénitentiaires à la suite de la mise en œuvre du plan en faveur de l’égalité mentionné au paragraphe 128, et se sont même détériorées dans certains établissements. Il prend note avec intérêt du projet de loi prévoyant un nouveau type de peine qui serait exécuté à l’extérieur de la prison (voir ibid., par. 136) et souhaiterait que le Comité soit tenu informé de son évolution. Au sujet des quartiers familiaux qui ont été ouverts dans certaines prisons afin d’améliorer la situation des enfants dont les parents sont incarcérés, il demande si les parents sont consultés dans le cadre des décisions concernant le placement d’un enfant dans ce type de structure.
26.À propos des mauvais traitements infligés par des policiers à un étranger soupçonné d’une infraction, dont il est question au paragraphe 144 du rapport, M. Wang Xuexian souhaiterait avoir des renseignements sur le dénouement de l’affaire en ce qui concerne la victime elle-même et son éventuelle indemnisation. Des explications seraient également les bienvenues sur le nombre de cas de privation de liberté injustifiée, qui peut paraître élevé pour un pays comme la Finlande. S’agissant de l’absence dans le droit pénal finlandais de dispositions interdisant certains types d’éléments de preuve, y compris des déclarations obtenues par la torture (voir par. 163), M. Wang Xuexian se demande, tout en étant conscient que de telles déclarations ne seraient pas utilisées en pratique dans le cadre de procédures judiciaires en Finlande, s’il n’y a pas là une contradiction avec le texte de la Convention.
27.M. Gallegos Chiriboga dit que si la Finlande ratifie la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ce qui semble être son intention, le Comité contre la torture recommande qu’elle en applique les dispositions en renonçant à tous les moyens de contrainte comme l’immobilisation, la force physique, l’isolement, la répression du comportement, l’utilisation de médicaments et d’autres formes d’administration forcée ou contrainte, les mesures psychiatriques du type des électrochocs ou les médications altérant le psychisme qui peuvent être utilisées dans des établissements psychiatriques, médicosociaux ou autres d’un pays sur les personnes handicapées. Lorsqu’une personne handicapée est détenue pour quelque raison que ce soit, le Comité recommande qu’elle dispose d’aménagements raisonnables conformément au droit international et soit traitée sur un pied d’égalité avec les autres détenus.
28.M. Bruni demande si la définition du crime de torture incorporée dans le Code pénal finlandais, qui prévoit un emprisonnement de deux à douze ans couvre tous les cas de figure, y compris celui où la torture provoque une incapacité permanente, ou si des dispositions à part sont prévues pour ce cas. À propos des informations données au paragraphe 55 du rapport périodique sur les activités de l’Ombudsman parlementaire en matière d’inspection des lieux de détention, où l’utilisation de chaînes est mentionnée parmi les mesures de protection, M. Bruni souhaiterait savoir dans quels cas cette mesure est employée dans les prisons et pour quelle durée. Concernant le cas de François Bazaramba, ressortissant rwandais condamné pour génocide à la prison à vie en Finlande en juin 2010, condamnation dont l’intéressé a fait appel, il souhaiterait savoir quand le jugement définitif est attendu.
29.M. Bruni demande des précisions sur la préparation et la formation du personnel de l’Office des sanctions pénales, notamment sur le point de savoir si le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), qui contient des indications sur la manière de déceler les traces de torture psychologique ou physique, est utilisé pour cette formation. Il aimerait savoir également si des dispositions semblables à celles de la loi relative à l’indemnisation sur fonds publics pour arrestation ou mise en détention d’un innocent existent aussi pour les personnes qui seraient victimes de torture ou de mauvais traitements. À cet égard, et dans la mesure où le crime de torture a été inscrit dans le Code pénal, M. Bruni s’étonne de lire dans le rapport périodique que «le système judiciaire finlandais limite les possibilités d’obtenir réparation d’un dommage non pécuniaire causé par une violation des droits de l’homme» (par. 49). Par ailleurs, il souhaiterait des précisions sur les peines prévues et appliquées pour les auteurs de mutilations génitales féminines.
30.MmeBelmir demande si la lenteur excessive de la justice en Finlande, dont il est fait état dans de nombreux documents, est due à un nombre insuffisant de magistrats et de tribunaux ou aux délais fixés par les règles de procédure pénale et civile, si les juges sont réellement indépendants et si les minorités ethniques ont accès à la magistrature et aux carrières judiciaires.
31.Mme Belmir demande pourquoi l’État partie a décidé d’instaurer une procédure accélérée d’examen des demandes d’asile qui ne laisse manifestement pas suffisamment de temps au demandeur pour former un éventuel recours.
32.Enfin, l’État partie, ayant noté qu’il y a un nombre restreint de jeunes délinquants détenus dans des prisons pour adultes, Mme Belmir demande si l’État partie a instauré un système de justice pour mineurs applicable uniquement aux enfants et adolescents et créé des établissements pénitentiaires pour les jeunes en conflit avec la loi.
33.M. Gaye voudrait savoir quelle est la place de la Convention dans l’ordre juridique finlandais et si les traités internationaux font partie intégrante de la législation nationale dès leur ratification. À propos du paragraphe 33 du rapport à l’examen, il aimerait savoir qui fixe la liste des médecins privés agréés auxquels peuvent s’adresser les détenus qui ont les moyens de payer une consultation. La délégation finlandaise voudra bien aussi indiquer quelles mesures concrètes l’État partie compte prendre pour améliorer les conditions de détention des personnes appartenant à des minorités ethniques, que le plan en faveur de l’égalité ethnique n’a manifestement pas changées, et s’il envisage de créer un mécanisme indépendant pour recueillir les plaintes contre des membres des forces de l’ordre et enquêter sur ces plaintes. M. Gaye tient, d’autre part, à souligner que l’utilisation de déclarations obtenues par la torture comme élément de preuve est contraire à l’article 15 de la Convention. Il recommande que les actes de violence intrafamiliale perpétrés contre les femmes, qui entraînent parfois la mort de la victime, soient pris très au sérieux par l’État partie, qui devrait songer à mettre en place des moyens d’intervention rapide dans ce domaine.
34.MmeSveaass dit à propos du paragraphe 165 du rapport à l’examen, selon lequel «la violence à l’égard des femmes constitue une forme de discrimination» et [qu’en tant que telle], elle n’entre pas dans le champ d’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et […] ne réunit pas les éléments constitutifs de la torture au sens de la Convention, sauf lorsqu’elle est le fait de fonctionnaires», que la violence est bien visée à l’article premier de la Convention, qui dispose notamment que «le terme “torture” désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne» et entre donc bien dans le champ d’application de la Convention. Elle cite aussi l’Observation générale no 2 du Comité (2007) sur l’application de l’article 2 par les États parties selon laquelle «les hommes comme les femmes, adultes ou enfants, peuvent être victimes de violations de la Convention en raison de leur non-respect − réel ou supposé − du rôle dévolu à leur sexe par la société». Elle fait enfin observer que dans le nouvel article 9 a) 4) relatif à la torture du Code pénal finlandais, l’État partie a lui-même retenu le «genre» parmi les facteurs susceptibles de motiver la torture.
35.A propos de la violence contre les femmes, la délégation pourrait indiquer si l’État partie entend construire de nouveaux centres destinés à accueillir les femmes et les enfants victimes de sévices dans la famille − car ceux qui existent sont insuffisants −, et s’il songe à mettre en place une procédure spéciale pour repérer dès leur arrivée les demandeurs d’asile particulièrement vulnérables, à savoir ceux qui auraient été victimes de torture, afin de leur fournir des services de réadaptation.
36.À propos du paragraphe 153 du rapport, Mme Sveaass regrette que la classification des plaintes reçues et les examens effectués de sa propre initiative par l’Ombudsman parlementaire ainsi que l’établissement de statistiques s’y rapportant sont faits en fonction du type d’activité qu’exerce l’autorité et non de la violation commise. Des données ventilées par type de droits violés seraient particulièrement intéressantes et utiles à cet égard.
37.Enfin, la délégation finlandaise voudra bien indiquer s’il est prévu de placer l’Ombudsman parlementaire sous l’autorité du Centre indépendant des droits de l’homme qui doit être créé en 2012.
38.MmeKleopas dit que le paragraphe 18 de l’Observation générale no 2 du Comité (2007) sur l’application de l’article 2 par les États parties explique avec précision les raisons pour lesquelles les États parties ont l’obligation de faire figurer dans les rapports qu’ils soumettent au Comité des informations sur la violence faite aux femmes, et apprécie que l’État partie ait dressé le bilan de la situation à cet égard bien qu’il ne pense pas que cette question relève de la compétence du Comité. Elle aimerait, sur un autre plan, connaître les conditions de détention des ressortissants étrangers − dont les demandeurs d’asile − qui sont placés en rétention dans des locaux situés aux frontières ou en garde à vue, et savoir si l’État partie entend créer un nouveau centre d’accueil pour ces personnes. Compte tenu des mauvais traitements qui seraient infligés à ces personnes vulnérables par des membres de la police et des gardes frontière, Mme Kleopas voudrait savoir si les agents chargés de faire appliquer la loi sont tenus de suivre une formation aux normes relatives aux droits de l’homme et sont sensibilisés aux principes de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés.
39.MmeGaer demande si l’État partie s’est doté d’un plan en faveur de la réinsertion des détenus, quels que soient leur appartenance ethnique, leur niveau d’instruction, leurs coutumes et leur langue maternelle, qui leur permette de suivre des cours de formation professionnelle − voire d’alphabétisation au besoin − à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Un complément d’information sur le traitement réservé aux Roms dans ces établissements serait en outre le bienvenu.
40.Notant que 153 condamnations pour viol ont été prononcées en 2009 dans l’État partie, Mme Gaer insiste sur le fait que la violence à l’égard des femmes relève bien de la compétence du Comité et dit ne pas comprendre que, tout en jouant un rôle déterminant sur la scène internationale dans les efforts visant à intégrer cette question dans le droit international des droits de l’homme, l’État partie estime que la violence contre les femmes n’entre pas dans le champ d’application de la Convention. Mme Gaer invite elle aussi la délégation finlandaise à se référer à l’Observation générale no 2 du Comité (2007) sur l’application de l’article 2 par les États parties, notamment à ses paragraphes 18 et 22, où il est question de l’obligation faite aux États d’exercer la diligence voulue pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements, qui peuvent engager leur responsabilité. Le fait que la question soit du ressort du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne signifie pas qu’elle ne relève pas de la compétence du Comité contre la torture.
41.La délégation finlandaise pourrait-elle commenter, d’autre part, les propos d’Allan Rosas, juge finlandais à la Cour européenne de justice, qui a déclaré le 5 février 2011 que les peines prononcées pour viol en Finlande étaient «légères» par rapport à d’autres pays européens? Enfin, s’étonnant de l’incidence particulièrement élevée de la violence dans la famille à l’égard des hommes dans l’État partie (avec un taux voisin de 25 %), Mme Gaer demande à la délégation finlandaise si elle dispose de statistiques sur ce phénomène ventilées par âge, par origine nationale ou encore par niveau de revenu.
42.Le Président, prenant la parole en qualité de membre, dit qu’il attend avec intérêt de connaître les résultats de l’étude que la Finlande a réalisée auprès de détenus et du personnel pénitentiaire afin de disposer d’un «baromètre des prisons». Il se félicite de la nouvelle disposition érigeant la torture en infraction pénale et demande si les législateurs ont scrupuleusement suivi la définition de l’article premier de la Convention ou s’ils en ont fait une interprétation plus restrictive. À propos de la mise à l’isolement de détenus roms mentionnée par le chef de la délégation finlandaise dans sa déclaration liminaire, le Comité aimerait savoir quelle est sa durée maximale et dans quelles conditions elle peut être appliquée. Il voudrait aussi savoir si les personnes dans l’attente d’un jugement sont placées dans les mêmes cellules que les condamnés.
43.S’étonnant de lire au paragraphe 36 du rapport à l’examen qu’un conseil peut s’opposer à l’idée de rencontrer son client, le Président demande à la délégation finlandaise de fournir des explications à ce sujet. Il voudrait aussi des informations sur l’état d’avancement du projet visant à traduire en d’autres langues que l’anglais et le russe un document énonçant aux personnes détenues tous leurs droits dès le début de la détention. Notant d’après le paragraphe 56 du rapport que les détenus peuvent en général solliciter des entretiens confidentiels avec les fonctionnaires chargés des inspections, le Président demande pourquoi cela n’est pas systématique. Relevant que nul ne peut être renvoyé ou expulsé vers un pays où il risquerait d’être soumis à la peine de mort, à la torture, à la persécution ou à tout autre traitement attentatoire à la dignité humaine (par. 83 du rapport), il demande des exemples de cas dans lesquels des personnes n’ont pas été expulsées de crainte qu’elles subissent un tel traitement. Il voudrait aussi savoir s’il existe d’autres motifs pour lesquels une personne ne peut être renvoyée ou expulsée vers un autre pays. Enfin, le Président note au paragraphe 92 qu’aussi longtemps qu’il n’a pas été statué sur l’appel, le Tribunal administratif d’Helsinki peut décider de surseoir à l’exécution de la décision d’expulsion, et demande si le Tribunal administratif d’Helsinki a souvent recours, dans la pratique, à des mesures suspensives.
La délégation finlandaise se retire.
La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 30.