Nations Unies

CAT/C/SR.1734

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

10 mai 2019

Original : français

Comité contre la torture

Soixante- sixième session

Co mpte rendu analytique de la 1734 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 2 mai 2019, à 10 heures

Président (e): M. Modvig

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’application de l’article 19 de de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique du Bénin

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique du Bénin (CAT/C/BEN/3 ; CAT/C/BEN/Q/3 ; CAT/C/BEN/Q/3/Add.1 et Add.2 ; HRI/CORE/1/Add.85)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation béninoise prend place à la table du Comité.

2.M.  Yabit (Bénin) dit que le troisième rapport périodique du Bénin au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a été élaboré par les instances de l’État en collaboration avec les acteurs de la société civile et certaines institutions spécialisées des Nations Unies, dans un souci de transparence et d’objectivité. Le Gouvernement béninois a adhéré le 5 juillet 2012 au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en conséquence de quoi il a commué en peine de réclusion criminelle à perpétuité la peine de mort à laquelle avaient été condamnés les 14 détenus alors en attente d’exécution. L’entrée en vigueur le 1er janvier 2019 d’un nouveau Code pénal exempt de toute référence à la peine capitale a d’ailleurs scellé irrévocablement le choix abolitionniste du Bénin. Ce nouveau Code définit l’infraction de torture en son article 523 et porte interdiction des actes de torture et des autres crimes de droit international en ses articles 464 et suivants.

3.Le Bénin a adopté un nouveau Code de procédure pénale en 2012 et a modifié en 2018 sa loi de 2002 portant organisation judiciaire en vue de mieux garantir les droits de la défense. Des mesures ont été prises pour rendre plus autonomes les organes d’enquête, de poursuites et d’instruction, créer un juge des libertés et de la détention et responsabiliser davantage les fonctionnaires en charge de l’administration de la justice. Pas moins de six nouveaux tribunaux ont été établis au cours de la période à l’examen pour garantir et faciliter l’accès à la justice. Pour accélérer les procédures criminelles de droit commun, des chambres criminelles ont en outre été créées au sein des tribunaux et cours d’appel en vue de remplacer le mécanisme des assises, jugé trop lourd, et de réduire ainsi la durée de la détention provisoire dans ce type d’affaires. Il convient de noter que le nouveau Code de procédure pénale régit les procédures d’extradition, la coopération avec la Cour pénale internationale et les modalités d’accès des organismes indépendants aux lieux de privation de liberté.

4.En décembre 2018 a été promulgué le décret portant nomination des membres de la nouvelle Commission nationale des droits de l’homme, qui est habilitée à effectuer des visites régulières, inopinées ou notifiées, dans les lieux de détention et de rétention et fait ainsi office de mécanisme national de prévention. Cette commission est conforme aux Principes de Paris en ce que l’indépendance de ses membres est garantie et qu’elle est dotée d’un budget propre et de moyens humains et matériels qui lui permettent de remplir sa mission et d’examiner toute atteinte aux droits de l’homme qu’elle constaterait ou qui serait portée à sa connaissance et de prendre des mesures à cet égard. Dans le but d’améliorer les conditions de détention, de nouveaux établissements pénitentiaires ont été construits à Savalou, Abomey, Parakou et Abomey-Calavi, et des travaux de rénovation ont été engagés dans plusieurs autres prisons. De plus, à des fins d’efficacité, la gestion des établissements pénitentiaires a été confiée à l’Agence pénitentiaire du Bénin, qui a été chargée notamment de redessiner la carte pénitentiaire. Le 1er janvier 2018, la police nationale et la gendarmerie nationale ont été fusionnées pour former un nouveau corps de sécurité, la Police républicaine, dont les membres sont soumis à une discipline stricte et bénéficient de formations. Cette mesure devrait permettre en particulier de lutter contre les gardes à vue abusives. Les registres de garde à vue sont désormais tenus de manière uniforme et actualisée, et tout manquement peut entraîner des sanctions disciplinaires. Depuis l’entrée en vigueur de ce dispositif, la Cour constitutionnelle n’a d’ailleurs plus été saisie d’affaires relatives à des gardes à vue arbitraires.

5.Malgré toutes ces avancées, force est de constater qu’il reste encore beaucoup à faire pour mettre pleinement en œuvre les recommandations précédentes du Comité, même si le Gouvernement béninois s’est efforcé de donner suite à certaines d’entre elles en améliorant le dispositif de répression des actes de torture, en multipliant les formations à l’intention des agents de la force publique, en créant des instances disciplinaires très réactives au sein de la Police républicaine, et en recourant plus fréquemment à des mesures d’amnistie ou de grâce présidentielle et à la mise en liberté conditionnelle, entre autres. Pour accélérer la justice afin de réduire la surpopulation carcérale, le Gouvernement béninois s’est employé à accroître régulièrement le nombre de magistrats, qui est passé de 73 en 2008 à 290 aujourd’hui. L’accès universel à un avocat étant l’un des axes majeurs de la politique gouvernementale dans ce domaine, le Gouvernement étudie actuellement avec le Barreau les modalités de l’instauration de l’aide juridictionnelle.

6.M.  Hani (Rapporteur pour le Bénin) constate que depuis sa ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention en 2006, l’État partie n’a toujours pas désigné de mécanisme national de prévention. Il se félicite néanmoins de ce que l’État partie a accepté que soient publiés les rapports établis par le Sous-Comité pour la prévention de la torture à l’issue des visites qu’il a effectuées dans le pays, en 2006 et 2016 respectivement. La question se pose de savoir comment, juridiquement, l’État partie entend confier à la Commission béninoise des droits de l’homme les fonctions généralement attribuées à un mécanisme national de prévention, étant donné que la loi n°2012‑36 portant création de la Commission ne lui confère pas officiellement ce mandat. La délégation voudra bien indiquer si l’État partie entend modifier cette loi, ou encore légiférer par décret, pour se conformer aux obligations découlant du Protocole facultatif. À ce sujet, le Rapporteur rappelle qu’à la différence des institutions nationales des droits de l’homme, dont le mandat consiste notamment à se saisir de plaintes pour violation des droits de l’homme, les mécanismes nationaux de prévention ont par définition un rôle préventif, que l’État partie ne saurait mettre de côté.

7.Lisant au paragraphe 44 du rapport à l’examen qu’une procédure a été engagée en 2012 contre un commandant de brigade pour « arrestation irrégulière, arbitraire, abus de garde à vue, traitements sauvages, inhumains et dégradants », M. Hani aimerait savoir en quoi consistent ces « traitements sauvages », s’ils se rapprochent des actes visés par la Convention, et quelle est leur qualification pénale. Lisant par ailleurs au paragraphe 34 du rapport que le juge de droit commun reste confronté à des difficultés d’application des textes dues à l’absence de définition de la torture dans le droit pénal national, le Rapporteur demande si les juges de droit commun ne pourraient pas suivre les décisions rendues par la Cour constitutionnelle, qui applique les dispositions des instruments juridiques internationaux en vertu de la primauté du droit international sur le droit interne. Étant donné que le Service de la jurisprudence de la Direction des affaires civiles, pénales et des grâces n’est pas en mesure de fournir des statistiques sur les affaires dans lesquelles la Convention a été invoquée devant les tribunaux nationaux, il serait utile que la délégation indique combien de décisions de la Cour constitutionnelle se sont fondées sur la Convention.

8.L’État partie indique dans ses réponses écrites (CAT/C/BEN/Q/3/Add.2) que la loi no 2018‑15 du 28 décembre 2018 portant Code pénal définit la torture en son article 465, et que cette définition est conforme à l’article premier de la Convention. Or la définition retenue ne vise pas les actes commis à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique, et le nouveau Code pénal ne prévoit pas d’exclure les actes de torture du champ de la prescription, alors que les victimes de tels actes ne sont pas en mesure de les dénoncer tant qu’elles sont en situation de faiblesse, notamment lorsqu’elles sont détenues. De plus, ce code dispose en son article 541, qu’il « n’y a ni crime ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et commandés par l’autorité légitime », et en son article 542 qu’« il n’y a ni crime ni délit lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui ». Le Rapporteur invite donc la délégation à indiquer quelles mesures l’État partie entend prendre pour aligner sa définition de la torture sur celle de l’article premier et de l’article 4 de la Convention, complétée par les paragraphes 2 et 3 de l’article 2 de la Convention. Dans le cadre de la modification de sa législation interne, l’État partie pourrait s’inspirer de l’observation générale no 2 du Comité relative à l’application de l’article 2 par les États parties, qui énonce que « l’obligation de prévenir la torture consacrée à l’article 2 est de portée large, et que cette obligation et celle de prévenir les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après les « mauvais traitements »), énoncée au paragraphe 1 de l’article 16, sont indissociables ».

9.Passant aux conclusions que le Sous-Comité pour la prévention de la torture a formulées à l’issue de sa deuxième visite au Bénin en 2016, le Rapporteur relève que le Sous‑Comité a remercié les autorités béninoises d’avoir contribué au bon déroulement de sa visite, notamment en lui accordant un accès sans restriction aux lieux de détention, ce qui constituait une nette amélioration par rapport à la visite de 2008. Le Sous‑Comité a toutefois regretté que les informations et documents qu’il avait requis préalablement à sa visite ne lui aient été fournis que très tardivement, ce qui ne lui a pas permis de préparer la visite de manière totalement satisfaisante, et que d’une manière générale, très peu de progrès aient été réalisés depuis la visite précédente huit ans plus tôt. L’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale et la sensibilisation des fonctionnaires de police à ce nouveau code avaient certes eu un effet positif sur le respect des garanties juridiques fondamentales, mais les dispositions de ce nouvel instrument n’étaient visiblement pas encore appliquées de manière systématique. M. Hani souhaiterait donc savoir quelles mesures l’État partie a mises en œuvre pour garantir le droit de toute personne privée de liberté d’être informée de ses droits et des motifs de son arrestation ainsi que le droit d’avoir accès à un avocat, sachant que les avocats seraient apparemment concentrés dans les grandes villes. Un complément d’information sur le respect du droit à un examen médical, consacré aux articles 59 et 63 du nouveau Code de procédure pénale et, plus précisément, du droit des personnes arrêtées et condamnées de consulter un médecin de leur choix, serait également le bienvenu. Dans son précédent rapport, le Sous-Comité avait relevé plusieurs manquements au droit d’informer sa famille, prévu à l’article 59 du nouveau Code de procédure pénale. Il a constaté en 2016 une nette amélioration de la situation, même si ce droit n’était pas encore pleinement respecté. La délégation voudra bien indiquer si d’autres progrès ont été réalisés depuis 2016 et détailler les mesures prises pour appliquer la recommandation du Sous-Comité à ce sujet.

10.Au cours de sa visite, le Sous-Comité a noté que les registres étaient d’une façon générale correctement tenus dans les commissariats, les gendarmeries et les prisons, mais il a constaté qu’il manquait des feuilles dans les registres de la prison d’Abomey, qui étaient en mauvais état, et qu’à l’infirmerie de la prison d’Akpro-Missérété, il n’existait pas de registre des admissions ni de registre des décès. La délégation voudra bien indiquer si une enquête a été menée à Abomey et si des mesures ont été prises pour remédier aux dysfonctionnements constatés dans ces deux prisons. Il serait en outre intéressant de connaître les dispositions prises pour mettre en place un registre central informatisé. Le Rapporteur aimerait également connaître la situation des détenus condamnés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Dans son rapport, le Sous‑Comité a par ailleurs demandé à l’État partie de veiller à ce que les autorités abolissent les différences de conditions de détention à la prison de Cotonou. La délégation est invitée à détailler les dispositions prises pour mettre en œuvre cette recommandation.

11.Le Sous-Comité a également constaté que dans les prisons de Cotonou et d’Akpro-Missérété, des détenus avaient été placés à l’isolement dans des conditions qui n’étaient pas conformes aux Règles Nelson Mandela. En effet, alors que la législation nationale dispose que la période d’isolement ne peut dépasser huit jours, certains détenus sont restés plus d’un mois dans cette situation, ce qui s’apparente à une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant. Conformément auxdites Règles, tout placement à l’isolement est soumis à l’autorisation d’une autorité compétente et doit faire l’objet d’un contrôle indépendant. Les commentaires de la délégation à ce sujet seront les bienvenus. Dans son rapport, le Sous-Comité s’est aussi alarmé du fait que la détention provisoire semblait être la règle plutôt que l’exception en matière de détention. Ainsi, sur 40 enfants détenus à la prison de Cotonou, seuls quatre avaient été condamnés, et un enfant était en détention provisoire depuis près de trois ans. Le Sous‑Comité a recommandé à l’État partie d’éviter de recourir systématiquement à la détention provisoire, de répondre autant que possible favorablement aux demandes de libération provisoire, de libérer immédiatement toutes les personnes placées en détention provisoire qui avaient déjà passé en détention plus de temps que ne le justifierait la peine de prison maximale dont était passible l’infraction qui leur était reprochée, et de veiller à ce que les autorités judiciaires appliquent pleinement les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la durée maximale de la détention provisoire. L’État partie est invité à décrire les mesures prises pour appliquer ces recommandations et à fournir des statistiques sur cette question.

12.Les organisations de la société civile sont en théorie autorisées à effectuer des visites dans les lieux de privation de liberté, mais elles doivent désormais, en vertu d’un arrêté ministériel, demander une autorisation tous les trois mois (contre six mois auparavant) ainsi qu’à chaque changement de gouvernement et soumettre leur rapport au directeur de la prison avant publication. La surveillance des lieux de détention par la société civile ne peut donc plus être exercée dans de bonnes conditions, alors que les rapports de visite aident l’État à remédier aux dysfonctionnements. La délégation est invitée à expliquer les raisons de ce changement, à communiquer une copie de l’arrêté en question et à détailler les mesures prévues pour lever ces obstacles. Dans les renseignements qu’il a fournis concernant la suite donnée à certaines des recommandations figurant dans les précédentes observations finales, l’État partie a indiqué que la Cour constitutionnelle, dans plusieurs de ses décisions, avait jugé que certaines détentions étaient illégales et arbitraires. Il serait intéressant de disposer de statistiques à ce sujet et de connaître les mesures prises pour corriger ces dysfonctionnements.

13.Dans son rapport, l’État partie a déclaré qu’il n’était pas envisagé à ce stade de modifier le Code de procédure pénale afin de prévoir le « risque d’être soumis à la torture » parmi les motifs de refus d’extradition. La délégation est invitée à préciser si une réflexion est néanmoins en cours sur cette question, puisque la Constitution dispose que nul ne sera soumis à la torture. La loi no86-12 du 26 février 1986 portant régime des étrangers en République du Bénin − qui réglemente l’expulsion des étrangers sans-papiers, l’extradition et l’asile − étant antérieure à l’adhésion de l’État partie à la Convention (en 1992), le cadre législatif national ne contient aucune disposition relative au principe de non-refoulement. Des accords de coopération judiciaire ont été conclus avec des pays tiers entre 1961 et 1984, et l’État partie a ratifié la Convention de la CEDEAO relative à l’entraide judiciaire en matière pénale. Il serait donc utile de disposer de renseignements sur la façon dont l’État partie s’acquitte de ses obligations en matière de non-refoulement et de savoir si la Convention de la CEDEAO, en l’absence de cadre national, est appliquée dans les cas d’extradition.

14.Les données communiquées par l’État partie mettent en évidence une augmentation du nombre de réfugiés, qui est passé de 413 en 2014 à 1 174 en 2018, ainsi que du nombre de demandes d’asile, qui est passé de 68 à 320 sur la même période. Il serait intéressant de disposer de statistiques concernant l’issue de ces demandes et le nombre d’expulsions et de renvois, et de savoir où se trouvent actuellement les personnes qui ont été déboutées, si elles ont pu déposer un recours suspensif devant un juge en faisant valoir le risque de torture ou de mauvais traitement, et si des décisions d’expulsion ou de renvoi ont été annulées par la justice sur la base de l’article 3 de la Convention contre la torture ou de l’article 5 de la Convention de la CEDEAO. Enfin, l’accord conclu par l’État partie avec les États‑Unis d’Amérique en vertu duquel les ressortissants américains se trouvant sur le territoire béninois ne peuvent être transférés devant la Cour pénale internationale en vue d’être jugés pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité constitue une entrave à l’application de la Convention. La délégation est invitée à indiquer les mesures prévues pour y remédier.

15.M me Zhang Honghong (Corapporteuse pour le Bénin) regrette que l’État partie n’ait pas fourni plus d’informations détaillées et de statistiques actualisées permettant au Comité d’évaluer les progrès réalisés. Par exemple, il serait utile de connaître la profession des 1 112 personnes qui ont suivi le programme de formation mentionné aux paragraphes 170 et 171 du rapport et d’avoir des détails sur ce programme, qui a pris fin en 2014 et dont le Comité recommande la reconduction sur l’ensemble du territoire national. De même, les données relatives au recrutement et à la formation du personnel judiciaire, qui portent sur la période 2008-2012, devraient être mises à jour. La délégation est invitée à préciser si la Convention contre la torture et les autres instruments internationaux pertinents font partie intégrante des programmes de formation et d’indiquer s’il est prévu de réaliser des études pour évaluer et renforcer l'efficacité des formations dispensées.

16.Le recours excessif à la détention provisoire demeure un problème majeur dans l’État partie. Lors d’une visite de la prison de Lokossa en décembre 2018, le Président de la Cour suprême lui-même a déploré les cas de détention provisoire de longue durée. Selon la législation nationale, la durée de la détention provisoire est de cinq ans au plus pour les crimes et de trois ans au plus pour les délits. Or, il n’est apparemment pas rare qu’elle excède la durée de la peine maximale encourue pour l’infraction commise. En outre, parmi les personnes en détention provisoire dans l’État partie figurent de très nombreux enfants, dont plus de 90 % sont en attente de jugement. La Corapporteuse souhaiterait donc savoir combien exactement l’État partie compte de personnes en détention provisoire, et si les membres de l’appareil judiciaire ont bien connaissance du fait que la détention provisoire doit être une mesure de dernier ressort, dont la nécessité doit être déterminée au cas par cas. Sachant que la population carcérale est en augmentation constante et que les prisons demeurent surpeuplées, ce qui n’est pas sans conséquences sur les conditions de vie et la santé des détenus, Mme Zhang voudrait connaître le chiffre de cette population ainsi que le taux d’occupation des différentes prisons et les mesures que l’État partie entend prendre pour remédier à leur surpeuplement. Elle voudrait également avoir des données statistiques à jour concernant les viols commis contre des détenues, ainsi que des informations sur les mesures visant à faire en sorte que les femmes soient détenues séparément des hommes et gardées par du personnel féminin. Elle demande en outre combien d’enfants vivent avec leur mère incarcérée.

17.Selon les informations dont dispose le Comité, certains enfants placés en détention ne mangeraient qu’une seule fois par jour, voire un jour sur deux seulement. Depuis 2012, les détenus ont normalement droit à deux repas par jour. Cependant, leur alimentation est, dans toutes les prisons de l’État partie, souvent, voire systématiquement, insuffisante qualitativement et quantitativement. Depuis le 22 février 2019, les détenus de la prison civile de Natitingou seraient de surcroît privés d’accès à l’eau potable, ce qui appelle des explications de la délégation. De manière générale, les prisons de l’État partie sont fréquemment critiquées pour leur vétusté et leur insalubrité. Les détenus se plaignent notamment que l’éclairage est insuffisant et que les toilettes ne sont pas accessibles la nuit. La majorité d’entre eux dorment à même le sol, sans avoir la possibilité de se mouvoir. Les infirmeries des prisons ne disposent pas des médicaments nécessaires pour assurer les soins de base. De fait, des détenus décèdent par manque de prise en charge médicale. Mme Zhang souhaiterait donc savoir ce que l’État partie compte faire pour rendre les conditions de détention conformes aux Règles Nelson Mandela et aux autres normes internationales et régionales en vigueur. Elle voudrait aussi entendre la délégation sur les informations selon lesquelles les 14 prisonniers condamnés à mort, dont la peine a été commuée en peine de réclusion criminelle à perpétuité en vertu d’un décret adopté en février 2018 par le Conseil des Ministres, seraient détenus dans des conditions déplorables.

18.La Corapporteuse note qu’en vertu de la législation nationale, les enfants de plus de 13 ans peuvent être condamnés à une peine privative de liberté, et que l’État partie n’a pas donné suite à la recommandation du Comité tendant à ce qu’il prenne les mesures voulues pour rendre l’âge de la responsabilité pénale conforme aux normes internationales. Elle aimerait savoir combien d’enfants sont en détention et combien parmi eux n’ont pas encore été jugés. Elle voudrait savoir également quelles démarches l’État partie a entreprises pour faire en sorte, d’une part, que les mesures privatives de liberté ne soient appliquées qu’en dernier ressort aux personnes de moins de 18 ans et, d’autre part, que les détentions de mineurs soient aussi brèves que possible. Se référant aux renseignements donnés au paragraphe 192 du rapport de l’État partie concernant les différentes entités qui effectuent périodiquement des visites dans les lieux de détention, elle invite la délégation à apporter un complément d’information, en indiquant notamment combien de visites ont été effectuées depuis l’examen du précédent rapport et si les autorités judiciaires et les services compétents du Ministère de la justice assurent un contrôle régulier de ces lieux. Elle voudrait aussi savoir si l’arrêté du Ministre de la justice relatif à la visite des lieux de détention par les ONG pourrait être révisé de manière que celles-ci puissent procéder à des visites inopinées.

19.En ce qui concerne l’examen des plaintes pour torture ou mauvais traitements visant des agents de l’État, Mme Zhang voudrait savoir combien de plaintes ont été déposées et combien ont donné lieu à des enquêtes et/ou à des poursuites et à des condamnations depuis l’examen du précédent rapport de l’État partie. Elle voudrait aussi connaître les mesures de protection dont bénéficient les victimes de torture et avoir des informations sur les résultats des travaux de la Commission permanente d’indemnisation des victimes de préjudices causés par l’État ainsi que sur les moyens dont dispose cette commission. Elle souhaiterait également savoir combien de demandes d’indemnisation émanant de victimes de torture et de mauvais traitements ont été déposées auprès de juridictions pénales et civiles et combien ont été acceptées, quelles indemnités ont été accordées et quelles sommes ont été effectivement versées. Elle invite en outre la délégation à donner des précisions sur les mesures prises pour interdire l’utilisation d’aveux obtenus par la torture.

20.Enfin, Mme Zhang relève que des infanticides rituels d’enfants dits « sorciers » continuent d’être commis dans le nord du pays. Selon des rapports de la société civile, près de 10 % des enfants vivant dans certaines régions seraient victimes de stigmatisation, et 3 % de ces enfants auraient été assassinés. La question se pose donc de savoir si l’État partie ne devrait pas prendre des mesures pour mieux faire connaître à l’ensemble de la population les dispositions du Code de l’enfant, qui incrimine expressément l’infanticide. Mme Zhang relève également que les corps d’enfants portés disparus ont été retrouvés mutilés et dépouillés de leurs organes et que plusieurs familles attendent encore que des enquêtes soient menées et que justice soit faite. Elle souhaiterait que la délégation fournisse des éclaircissements à ce sujet. La délégation pourrait aussi donner des explications sur l’ampleur des cas de vidomégons, de mariages précoces, de traite et de violences et châtiments corporels subis par les enfants dans l’État partie, ainsi que sur la pratique consistant à enfermer des enfants, surtout des filles, dans des couvents vaudous, où ils sont privés d’éducation et soumis à des mauvais traitements. Pour terminer, la Corapporteuse voudrait connaître le nombre et la nature des cas de violences faites aux femmes, l’issue des poursuites engagées, les condamnations prononcées et les sanctions infligées.

21.M.  Touzé demande si les deux cas de tortures infligées à des personnes en garde à vue dont le Comité des droits de l’homme a été informé en 2015 par la Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture ont donné lieu à des enquêtes et à des condamnations. Il demande également sur la base de quels critères les procureurs peuvent étendre au-delà de quarante-huit heures la durée maximale de la garde à vue pour la prolonger jusqu’à huit jours. Il souhaiterait en outre des explications sur la manière dont est garanti le droit à l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue, sachant que les lieux de garde à vue sont parfois éloignés des grands centres urbains, où se trouvent la plupart des avocats. La délégation pourrait aussi préciser si la Commission béninoise des droits de l’homme est opérationnelle et dotée d’un budget propre, en adéquation avec ses différentes attributions, et si elle compte solliciter son accréditation auprès du Sous-Comité d’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

22.M.  Rodríguez  Pinzón souhaiterait des précisions sur les mesures de réparation prévues à l’article 286 de la loi de décembre 2015 portant Code de l’enfant. Il demande si, dans les affaires d’exécution extrajudiciaire, les proches de la victime peuvent demander réparation au civil sans attendre que la culpabilité de l’auteur ait été établie au pénal, conformément à l’observation générale no 3 du Comité concernant l’application de l’article 14 de la Convention. Il souhaiterait en outre connaître le nombre de centres de réadaptation pour les victimes de la torture et leur répartition sur le territoire national et savoir combien de victimes sont prises en charge par ces établissements. Enfin, il prie la délégation de fournir les informations demandées par le Comité sur les mesures prises pour renforcer les capacités de la commission permanente d’indemnisation des victimes des préjudices causés par l’État créée par le décret no 98‑23.

23.M me  Racu souhaiterait des renseignements à jour sur les conditions de détention des mineurs en conflit avec la loi. D’après les informations dont dispose le Comité, ceux‑ci ne seraient pas toujours séparés des adultes, recevraient des rations alimentaires insuffisantes et n’auraient pas accès à des services de santé ni à des activités de formation. La délégation voudra bien indiquer s’il existe des programmes d’enseignement et de formation professionnelle destinés aux mineurs en détention, si des séminaires de sensibilisation aux droits des mineurs en conflit avec la loi sont organisés à l’intention des agents pénitentiaires et des membres des forces de l’ordre et s’il existe des mesures de substitution à la détention applicables aux mineurs. Enfin, Mme Racu souhaiterait savoir si des mesures ont été prises pour améliorer les conditions de détention des condamnés à mort qui d’après un rapport parallèle n’ont que des contacts extrêmement limités avec le monde extérieur, ne sortent en plein air que cinq fois par semaine et ce, dans une cour de promenade séparée de celle des autres détenus, et ne reçoivent que deux repas par jour.

24.M me  Gaer, constatant qu’aucune des réponses de l’État partie aux questions posées aux paragraphes 25 à 27 de la liste de points n’est accompagnée de statistiques, invite la délégation à combler cette lacune. Elle l’invite également à préciser si, compte tenu du nombre alarmant d’allégations de violence sexuelle à l’égard des enfants, le cadre stratégique de protection intégrée des enfants dont la Rapporteuse spéciale sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants a recommandé la création a été mis en place et, si tel n’est pas le cas, pour quelle raison. Relevant avec satisfaction que plusieurs enquêtes ont été ouvertes sur des affaires de traite et d’exploitation sexuelle d’enfants et que des statistiques sont disponibles à ce sujet, Mme Gaer prie la délégation de citer des exemples d’affaires dans lesquelles des poursuites ont été engagées pour ce type d’infractions. Elle souhaiterait par ailleurs savoir s’il est exact que les autorités n’ont ouvert aucune enquête sur des allégations de traite concernant des personnes adultes et, dans l’affirmative, comment s’explique l’inaction de l’État dans les cas où la victime de la traite est un adulte.

25.Mme Gaer prie en outre la délégation de commenter les informations selon lesquelles la pratique des mariages forcés, précédés par l’enlèvement et le viol de la jeune fille, est encore répandue dans les zones rurales, malgré les efforts déployés par les autorités et les ONG pour éradiquer cette coutume. Relevant avec satisfaction que l’État partie collabore avec les pays voisins dans lesquels les mutilations génitales féminines ne sont pas encore interdites afin d’éviter que des personnes ne se rendent dans ces pays pour y faire exciser leurs filles et contourner ainsi l’interdiction en vigueur au Bénin, Mme Gaer invite la délégation à fournir des précisions sur les résultats de cette collaboration, en particulier des statistiques sur le nombre de cas dans lesquels des excisions ont pu être prévenues ou dans lesquels, au contraire, les efforts de prévention ont échoué, le nombre de personnes poursuivies pour avoir pratiqué l’excision et le nombre de victimes ayant obtenu une réparation. Il serait également intéressant de connaître le bilan des activités de sensibilisation organisées à l’intention des juges et des membres des forces de l’ordre concernant l’interdiction des mutilations génitales féminines.

26.M me  Belmir souhaiterait des renseignements sur les mesures prises pour renforcer l’indépendance et l’efficacité du pouvoir judiciaire, lutter contre la corruption des magistrats et prévenir les ingérences de l’exécutif et du législatif dans les activités des organes judiciaires.

27.M.  Hani (Rapporteur pour le Bénin) relève à la lecture du rapport que, dans le souci de rapprocher la justice des justiciables, l’État partie a modifié la carte judiciaire en créant des tribunaux dans six villes du pays. Constatant qu’il n’existe pas encore de prisons civiles ni de maisons d’arrêt à proximité de ces nouveaux tribunaux, il souhaiterait savoir comment les autorités comptent procéder au transfèrement des suspects. Il souhaiterait par ailleurs savoir pourquoi l’État partie n’estime pas opportun de revoir la loi d’amnistie de 1990. En ce qui concerne les conditions de détention des mineurs en conflit avec la loi, qui selon les informations portées à la connaissance du Comité sont assimilables à des mauvais traitements relevant de l’article 16 de la Convention, le Rapporteur souhaiterait savoir si les visites effectuées par les autorités dans les lieux de détention où se trouvent des mineurs ont débouché sur l’application de mesures qui ont permis d’améliorer la situation. Enfin, la délégation est invitée à commenter les résultats d’une enquête qui a montré que 74 % des élèves des collèges n’étaient pas au courant de l’existence du programme visant à mettre en place des unités chargées des droits de l’homme dans les communes et les collèges d’enseignement général.

28.M me  Zhang Honghong (Corapporteuse pour le Bénin) prie la délégation de citer des exemples concrets de cas dans lesquels les forces de sécurité n’ont pas respecté l’interdiction de procéder à des arrestations et des détentions arbitraires, et de décrire les mesures prises pour prévenir et combattre la détention arbitraire, les exécutions extrajudiciaires et l’usage excessif de la force par les membres des forces de sécurité. La délégation voudra bien aussi fournir des statistiques à jour sur les affaires de corruption dans lesquelles des fonctionnaires chargés de l’application des lois étaient impliqués et sur les sanctions prononcées contre ceux qui ont été reconnus coupables, ainsi que des renseignements sur les mesures prises pour renforcer la surveillance des conditions de détention par les organes judiciaires.

29.Compte tenu notamment des mutineries qui ont éclaté à la prison de Cotonou en 2016, la Corapporteuse souhaiterait savoir ce que l’État partie compte faire pour remédier à la pénurie d’agents pénitentiaires, qui a été relevée par le Comité des droits de l’homme en 2015. Elle souhaiterait aussi des précisions sur la composition et les attributions des commissions de surveillance habilitées à inspecter les établissements pénitentiaires, dont la création est prévue à l’article 808 du Code de procédure pénale, et demande si ces mécanismes sont déjà opérationnels. Elle aimerait en outre savoir si l’application du décret portant organisation et régime interne des établissements pénitentiaires a contribué à améliorer l’accès des détenus aux mécanismes de plainte et à garantir que des enquêtes approfondies soient ouvertes sans délai par une entité indépendante sur toute allégation de torture ou de mauvais traitements. Il serait intéressant à cet égard de savoir si le projet de loi portant création des corps spécialisés de l’administration pénitentiaire et le projet de loi portant régime pénitentiaire ont été adoptés.

30.La délégation voudra bien expliquer pourquoi très peu d’affaires d’exploitation sexuelle d’enfants ont été portées devant les tribunaux, alors que l’État partie s’est doté d’un cadre juridique solide en la matière. Elle est aussi invitée à décrire l’efficacité de l’application de la loi portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines ainsi que les mesures concrètes qui ont été prises afin de mettre en œuvre cette loi, et à fournir des données ventilées actualisées sur le nombre de cas signalés d’excision, le nombre de condamnations et le type de sanctions pénales prononcées contre les responsables.

La séance est levée à 18 heures.