NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.64513 mai 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 645e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève

le vendredi 6 mai 2005, à 10 heures

Président: M. MARIÑO MENENDEZ

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique de la Suisse

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de la Suisse (CAT/C/55/Add.9; HRI/CORE/1/Add.29/Rev.1; CAT/C/34/L/CHE) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation suisse, composée de M.  Stadelmann , M.  Rechsteiner , M.  Zumwald , M me Bellal , M me Kemileva et M me Von Barnekow  Meyer, prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation suisse à présenter le quatrième rapport périodique de la Suisse (CAT/C/55/Add.9) et à répondre aux questions posées par le Comité dans la liste de points à traiter (CAT/C/34/L/CHE).

3.M. STADELMANN (Suisse) se dit heureux, au nom de son Gouvernement, de poursuivre le dialogue entamé avec le Comité en 1989. La Suisse n’a jamais ménagé ses efforts dans son action dans le domaine des droits de l’homme et la lutte contre la torture fait partie de ses traditions politiques. Faut‑il rappeler qu’elle a été l’initiateur de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et a activement participé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, la Suisse a joué un rôle moteur en vue de l’adoption du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Après avoir signé ce Protocole en juin 2004, elle a mis en place un groupe de travail interdépartemental qui a élaboré un avant‑projet de loi fédérale régissant la composition et les tâches de la commission nationale qui doit être constituée pour que le Protocole facultatif puisse être ratifié. Cet avant‑projet sera prochainement soumis à une procédure de consultation.

4.La Suisse a reçu à quatre reprises la visite du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). En octobre 2003, une délégation du Comité a visité le centre de détention aux fins d’expulsion de l’aéroport de Kloten dans le canton de Zurich; elle s’est aussi penchée sur la procédure suivie en matière d’expulsion et a étudié la manière dont la Suisse mettait en œuvre les normes en matière d’éloignement d’étrangers par la voie aérienne. À l’issue de sa visite, la délégation a déclaré n’avoir relevé aucun indice permettant de conclure qu’il y avait eu recours à la torture ou à de mauvais traitements graves et a indiqué avoir même constaté des progrès importants depuis sa dernière visite.

5.En ce qui concerne l’importante question de l’asile, M. Stadelmann tient à évoquer déjà le nouveau statut proposé en la matière en 2002 par le Conseil fédéral et qui est actuellement discuté au sein du Parlement. Il s’agit de l’admission pour raisons humanitaires. Le Conseil fédéral a proposé de conserver la procédure d’admission provisoire déjà en vigueur lorsque l’exécution du renvoi n’est pas possible, par exemple pour des questions techniques ou parce que le pays d’origine n’est pas disposé à coopérer. En revanche, s’agissant des personnes pour lesquelles la Confédération a constaté que l’exécution du renvoi était illicite ou n’était pas raisonnablement exigible doivent bénéficier d’un meilleur statut, puisque l’expérience montre que leur séjour en Suisse a de fortes chances de se prolonger. C’est pourquoi, contrairement à l’admission provisoire, l’admission pour raisons humanitaires prévoit des mesures d’intégration, un accès des personnes concernées au marché du travail et un droit au regroupement familial sous certaines conditions. Actuellement, la première Chambre du Parlement a adopté la procédure d’admission pour raisons humanitaires, alors que la seconde Chambre l’a rejetée, mais a maintenu la procédure d’admission provisoire en l’améliorant.

6.Répondant à la question 1 de la liste des points à traiter, M. Stadelmann dit que l’avant‑projet de code de procédure pénale du 21 juin 2001 a fait l’objet d’une très large consultation et a été remanié à l’issue de l’évaluation des réponses reçues. Il sera soumis au Parlement au cours de l’année 2005. S’agissant des droits des personnes arrêtées, plusieurs dispositions de l’avant‑projet de code sont particulièrement importantes, comme les articles 231, 167 et 168. La police est tenue d’informer sans délai la personne arrêtée, dans une langue qu’elle comprend, des motifs de l’arrestation et de la rendre attentive à ses droits. La personne arrêtée peut communiquer librement avec son défenseur. Si une personne est privée de liberté par une mesure de contrainte, l’autorité pénale compétente doit immédiatement renseigner ses proches, le cas échéant aussi son employeur et la représentation étrangère dont il relève. Il est renoncé à l’obligation d’information si la personne concernée s’y oppose expressément et si le but de l’instruction l’interdit. L’avant‑projet de code de procédure pénale ne contient pas de disposition expresse sur le droit d’être examiné par un médecin. En effet, le droit à une prise en charge médicale, comme le droit à la nourriture, est une obligation générale de l’État. L’arrestation provisoire étant limitée à 24 heures, il n’est souvent pas possible de faire appel au médecin traitant de la personne concernée et l’examen médical est donc en général assuré par un médecin du service des urgences.

7.En réponse à la question 2, M. Stadelmann note, en ce qui concerne l’éventuelle administration de sédatifs dans le cadre d’une opération d’éloignement forcé d’étrangers, qu’en vertu de l’article 13 des Directives relatives aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne, l’utilisation de médicaments aux fins de calmer contre son gré une personne qui doit être rapatriée est admissible uniquement lorsque les conditions suivantes sont réunies: le comportement de la personne laisse supposer qu’elle pourrait se blesser ou blesser autrui ou mettre sérieusement en danger sa vie et celle des autres; une visite médicale a été effectuée avant le renvoi; le médicament est administré par un médecin ou à sa demande expresse; et une personne ayant une formation médicale surveille l’intéressé pendant toute la durée du rapatriement. Conformément à l’avis des experts, l’article 13 des Directives exclut strictement l’administration de médicaments à titre préventif. Les Directives peuvent donc être considérées comme conformes aux Principes d’éthique médicale des Nations Unies applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

8.En ce qui concerne les instructions données pour éviter les risques d’asphyxie posturale ainsi que d’autres types de blessures possibles, M. Stadelmann dit que, selon les Directives relatives aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne, seuls des agents expérimentés et d’un caractère équilibré sont habilités à procéder à des rapatriements. Dans les cours de formation dispensés aux agents d’escorte, une attention particulière est accordée aux risques d’asphyxie posturale. Ces cours portent également sur la question de la légalité des moyens de contrainte et le principe de la proportionnalité. Ils incluent aussi des exercices pratiques ainsi que des exposés présentés par des médecins spécialisés. Les Directives relatives aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne n’interdisent pas expressément le port d’un masque ou d’une cagoule par les policiers lors d’une opération d’éloignement. La teneur de ces Directives a été reprise dans les règlements de service des polices cantonales. Un projet de loi fédéral sur l’usage de la contrainte a été communiqué pour consultation aux cantons, aux partis politiques et aux milieux intéressés au mois de novembre 2004. Les réponses sont actuellement en cours d’évaluation.

9.La question 3, concernant les statistiques sur les plaintes liées à la torture ou aux mauvais traitements, reçues depuis janvier 2001 et les poursuites éventuellement engagées, a été transmise aux cantons. La plupart de ceux‑ci ont indiqué qu’ils n’avaient pas eu connaissance de telles plaintes. Cependant, les cantons d’Argovie, de Neuchâtel, de Bâle, des Grisons, du Valais et de Genève ont signalé de rares affaires dans lesquelles soit la plainte a été classée, soit la procédure s’est soldée par un non‑lieu.

10.Répondant à la question 4 concernant des données sur l’asile ventilées par âge, sexe et nationalité pour les années 2001, 2002 et 2003, M. Stadelmann signale qu’en 2001 21 000 personnes ont déposé une demande d’asile et plus de la moitié des demandes émanait de ressortissants des 10 pays suivants par ordre décroissant: Serbie‑et‑Monténégro; Turquie; Bosnie‑Herzégovine; Iraq; Macédoine; Algérie; Sri Lanka; Guinée; République démocratique du Congo et Angola.

11.En 2002, 26 678 personnes ont demandé l’asile. Plus de la moitié des demandes émanait de ressortissants des 10 pays suivants par ordre décroissant: Serbie‑et‑Monténégro; Turquie; Bosnie‑Herzégovine; Iraq; Macédoine; Nigéria; Algérie; Roumanie; Angola et République démocratique du Congo.

12.En 2003, 21 037 personnes ont déposé une demande d’asile. Comme en 2001 et 2002 la tranche d’âge majoritairement représentée était celle comprise entre 25 et 39 ans et les personnes de sexe masculin étaient largement majoritaires. Les 10 pays d’origine principaux étaient les suivants par ordre décroissant: Serbie‑et‑Monténégro; Turquie; Iraq; Algérie; Géorgie; Bosnie‑Herzégovine; Guinée; République démocratique du Congo; Russie et Nigéria.

13.En ce qui concerne le nombre de personnes auxquelles l’asile a été accordé, des renseignements détaillés sont mis à la disposition des membres du Comité. Il convient cependant de noter qu’en 2001 2 252 personnes ont reçu l’asile, dont 1 508 par regroupement familial. En 2002, ces chiffres étaient respectivement de 1 738 et 1 216 personnes et en 2003 de 1 636 et 1 151 personnes. Pour ce qui est du nombre de personnes auxquelles l’asile a été accordé aux motifs qu’elles avaient été victimes de torture ou été en danger d’être soumises à la torture (cas de non‑refoulement), M. Stadelmann souligne qu’aux termes de l’article 3 de la loi sur l’asile, sont considérées comme réfugiées les personnes exposées à de sérieux préjudices ou craignant à juste titre de l’être pour des motifs pertinents. Sont notamment considérés comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l’intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. La notion de sérieux préjudice contenue dans la loi sur l’asile ne recouvre donc pas seulement la torture. En outre, le principe de non‑refoulement s’applique à tout réfugié. Dès lors, les données statistiques de l’Office fédéral des migrations ne permettent pas de distinguer les différentes formes de préjudice qui ont conduit à la reconnaissance de la qualité de réfugié et d’évaluer par âge, sexe et nationalité le nombre de personnes auxquelles l’asile a été accordé pour cause de torture ou risque de torture.

14.En ce qui concerne le nombre d’individus expulsés ou éloignés de force, et parmi eux ceux qui étaient des demandeurs d’asile déboutés, M. Stadelmann signale que les chiffres dont il dispose ne concernent que le domaine de l’asile et non le domaine des étrangers relevant de la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers. En outre, ils portent seulement sur des cas de renvoi sous la contrainte, que ce soit sous la forme d’un simple accompagnement policier jusqu’à l’embarquement à l’aéroport ou un accompagnement jusque dans le pays d’origine. En 2003, 2 858 renvois forcés ont été effectués (contre 2 258 en 2001 et 2 751 en 2002), dont 2 062 vers le pays d’origine et 796 vers un pays tiers.

15.En réponse à la question 5, relative à la nouvelle loi sur l’asile, le représentant de la Suisse souligne que la révision partielle de la loi sur l’asile en cours prévoit une modification de la procédure à l’aéroport. En principe, les requérants ayant déposé une demande d’asile à l’aéroport pourront être retenus au maximum jusqu’à 60 jours en zone de transit. Après l’adoption de la décision sur l’asile, la suite de la rétention pourra s’effectuer dans un centre de détention en vue de l’exécution du renvoi. Le requérant peut en tout temps faire appel contre la rétention auprès de la Commission suisse de recours en matière d’asile simultanément au recours contre la décision d’asile et de renvoi. Actuellement, en vertu de la loi sur l’asile, les requérants d’asile bénéficient de plusieurs droits procéduraux. Ils peuvent être retenus au maximum 25 jours à l’aéroport. Pendant la durée de la procédure, ils sont installés dans un logement situé dans la zone de transit et équipé de douches et de toilettes, et ils peuvent se déplacer librement au sein de la zone de transit. De bons repas leur sont distribués quotidiennement.

16.En ce qui concerne la question de savoir si les demandeurs d’asile sont retenus dans d’autres lieux dans l’attente de la décision relative à leur statut, M. Stadelmann dit qu’il faut distinguer deux situations: la procédure à l’aéroport et la procédure sur le territoire suisse. Dans le premier cas, lorsqu’il n’est pas possible d’organiser un rapatriement dans les sept jours suite à une décision de renvoi exécutoire, les autorités cantonales peuvent ordonner une détention en vue de l’exécution du renvoi. S’agissant de la procédure sur le territoire suisse, il convient de distinguer la détention en vue de l’exécution du renvoi et la détention en phase préparatoire. La détention en vue de l’exécution du renvoi ne doit pas excéder neuf mois et les personnes détenues doivent pouvoir s’occuper de manière appropriée. La détention en phase préparatoire ne peut excéder trois mois et ne peut être ordonnée que pour autant qu’il existe certains motifs de détention, par exemple la violation d’une interdiction d’entrée sur le territoire. Dans la pratique, ce type de détention est rarement ordonné.

17.Répondant à la première partie de la question 6 sur la protection contre les risques d’expulsion des étrangères exposées à des violences conjugales et dont l’autorisation de séjour est conditionnée par la cohabitation avec leur conjoint suisse, M. Stadelmann indique que le conjoint étranger a droit à l’octroi et au renouvellement de son permis de séjour tant que l’union n’est pas dissoute par le divorce, même s’il y a séparation de fait ou judiciaire. Après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, le conjoint étranger a droit à un permis d’établissement, même après le divorce. De même, le conjoint ressortissant de l’Union européenne peut, si le mariage a duré moins de cinq ans, invoquer un droit au renouvellement de son permis à titre originaire. Dans certains cas, les autorités cantonales peuvent renouveler l’autorisation de séjour même après le divorce, notamment s’il est établi que le conjoint est victime de violences conjugales.

18.Dans le cadre de l’examen de la nouvelle loi sur les étrangers, le Parlement étudie une disposition qui prévoit qu’après dissolution du mariage, le droit à une autorisation de séjour ou au prolongement de sa validité subsiste lorsque l’union conjugale a duré au moins trois ans et si l’intégration a été réussie ou que la poursuite du séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures, notamment quand le conjoint est victime de violence conjugale et que la réintégration sociale dans le pays d’origine semble compromise. À la différence de la réglementation actuelle, la nouvelle loi introduit un droit au renouvellement de l’autorisation de séjour.

19.En réponse à la deuxième partie de la question 6 relative aux programmes de protection contre les violences domestiques et notamment les mutilations génitales féminines, le représentant de la Suisse indique que des services d’intervention sont désormais en place, parallèlement aux centres de consultation et aux maisons d’accueil. Ces services assurent la coordination des différents services concernés en cas de violence domestique: police, services sociaux, structures d’accueil pour femmes battues, centres de consultation, services médicaux, etc. La loi fédérale de 1993 sur l’aide aux victimes a permis de renforcer l’aide aux victimes de violence et dans certains cantons, la police a désormais compétence pour éloigner durant plusieurs jours la personne violente du logement familial. Depuis le 1er avril 2004, le Code pénal permet de poursuivre d’office divers délits de violence commis dans le couple et le partenariat et, en mai 2003, l’administration fédérale a institué un service de lutte contre la violence, dont la priorité est de combattre la violence domestique. Le Parlement devrait également se prononcer, à la fin 2005 ou en 2006, sur l’introduction dans le Code civil d’une norme relative à la protection de la victime de violence domestique. Quant à la mutilation génitale féminine, elle est réprimée dans le cadre des infractions contre la vie et l’intégrité corporelle figurant dans le Code pénal, mais elle ne fait pas l’objet de dispositions juridiques spécifiques. M. Stadelmann précise qu’une campagne de l’UNICEF Suisse contre ce type de pratique est en cours dans le pays et qu’elle reçoit le soutien de l’Office fédéral de la santé publique.

20.À propos des informations demandées sur les textes législatifs internes (questions 7 et 8), M. Stadelmann dit que le législateur n’a pas érigé en infraction spécifique la torture car le droit pénal suisse couvre déjà tous les aspects de la notion de torture telle que définie à l’article premier de la Convention. De plus, la Constitution fédérale interdit expressément en son article 10 (troisième alinéa) la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants.

21.Répondant à la première partie de la question 8 relative aux textes législatifs internes établissant la juridiction universelle en matière de torture, M. Stadelmann précise que l’article 6 bis du Code pénal consacre la compétence de la Suisse pour poursuivre une infraction commise à l’étranger quand l’acte est aussi réprimé dans l’État où il a été commis, quand l’auteur se trouve en Suisse et n’est pas extradé et quand il existe une obligation découlant d’un traité international ratifié par la Suisse. Lorsque des actes tels que la séquestration accompagnée de lésions corporelles et de contrainte sont commis à l’étranger et que les éléments constitutifs de l’infraction de torture sont réunis, la Suisse engage elle-même une procédure pénale si l’auteur se trouve en Suisse. En outre, le Code pénal contient des dispositions particulières instituant le principe d’universalité même lorsque la Suisse n’est pas liée, par une convention bilatérale ou multilatérale, à l’État où l’infraction a été commise. Enfin, en 2002, le Parlement a adopté un nouvel article 7, alinéa 2, qui prévoit la compétence de la Suisse également dans les cas où «l’auteur a commis un crime particulièrement grave proscrit par la communauté internationale».

22.Répondant à la deuxième partie de la question 8 relative à l’adoption d’une loi sur l’engagement d’une procédure contre toute personne soupçonnée de crime de guerre, M. Stadelmann indique que le 19 décembre 2003, l’Assemblée fédérale a précisé l’article 9, alinéa 1 bis, du code pénal militaire en ce sens que les criminels de guerre présumés ne doivent pas seulement se trouver en Suisse, mais doivent en plus avoir un «lien étroit» avec la Suisse. M. Stadelmann tient à souligner qu’il s’agit là d’une codification de la pratique actuelle et non d’un changement dans l’intensité de l’engagement du pays à poursuivre les crimes de guerre. Par «lien étroit», il faut entendre les personnes qui ont leur séjour, leur domicile ou le centre de leurs intérêts en Suisse, qui y ont des proches et qui entretiennent des contacts avec ces derniers, qui se font soigner dans le pays ou qui y possèdent un immeuble. La précision apportée à la loi permet d’éviter certains excès, constatés dans d’autres pays, dans l’application du principe.

23.En réponse à la question 9 a) relative aux cours dispensés par le Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire eu égard à l’interdiction de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Stadelmann signale qu’un cours de formation continue de trois jours est consacré à l’identification et à la prise en charge de maladies telles que la schizophrénie, la dépression et les troubles de la personnalité. Concernant la question 9 b), qui porte sur la formation des policiers aux dispositions de la Convention et à l’interdiction de la torture, il indique que les aspirants suivent un cours intitulé «Éthique et droits de l’homme» qui traite, entre autres, de la problématique de la torture. Des rappels figurent également dans les programmes de formation continue à l’intention des cadres. Par ailleurs, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés et Amnesty International participent régulièrement à des rencontres organisées au niveau cantonal. Répondant à la question 9 c), M. Stadelmann indique que l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants figure clairement dans la Constitution fédérale. Elle doit être respectée par les établissements pénitentiaires et fait partie intégrante des règles et instructions sur les devoirs et fonctions des policiers et du personnel pénitentiaire. Ces textes réglementaires régissent le traitement des personnes détenues (fouille, visite médicale, équipement des cellules, etc.) et leurs droits (relations personnelles, promenade, effets personnels, etc.). Enfin, la formation du personnel pénitentiaire comprend un volet intitulé «Droits de l’homme et droits fondamentaux». Quant aux policiers, ils sont soumis aux normes cantonales qui disposent que la police doit respecter les principes de la légalité, de la proportionnalité et de l’intérêt public, ce qui implique forcément l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Bon nombre de cantons adoptent en outre des dispositions spécifiques dans leur loi cantonale sur la police ou leur code de procédure pénale, voire des codes de déontologie.

24.Répondant à la question 10 portant sur la formation dispensée aux agents du nouveau service fédéral swissREPAT, M. Stadelmann rappelle que ce service se limite à coordonner l’engagement et la formation des agents chargés de l’escorte au rapatriement et que l’organisation et la conduite des cours de formation sont assurées par l’Institut suisse de police (ISP).

25.Concernant l’incarcération (question 11), M. Stadelmann précise notamment que le nombre de personnes incarcérées était d’environ 5 000 au cours des années 2001, 2002 et 2003 et le nombre de décès de 16 en 2003, dont 8 suicides. À la fin 2004, l’Institut de recherche sur la toxicomanie a mené une enquête sur la pratique en matière d’enregistrement et de traitement des hépatites A, B et C, du sida et de la tuberculose dans les établissements pénitentiaires. Des brochures explicatives, des explications orales et des préservatifs sont, au besoin, fournis aux détenus, ainsi que du matériel de désinfection, voire des seringues/aiguilles stériles.

26.En ce qui concerne la question 12 relative à la mise au secret et à sa suppression éventuelle, M. Stadelmann explique que même si l’expression figure encore dans trois codes de procédure cantonaux, cette mesure ne correspond plus à la pratique qui était en vigueur dans le passé, comme cela est précisé dans le rapport initial de la Suisse. La mise au secret n’est pas prévue dans l’avant-projet de code de procédure pénale actuellement à l’examen. Les restrictions imposées par ce régime de détention, tel qu’appliqué actuellement, sont entièrement conformes au Pacte international relatif aux droits de l’homme, à la Convention européenne des droits de l’homme, à la Convention contre la torture ou encore à la Constitution fédérale. M. Stadelmann souligne toutefois que dans des cas exceptionnels, la libre communication d’une personne en détention préventive peut être limitée, par exemple en cas de risque concret d’abus. Ces restrictions doivent toutefois être limitées dans le temps et approuvées par un tribunal.

27.S’agissant de la question 13 relative au nouveau système de transport des détenus par wagon (Train-Street), M. Stadelmann précise qu’à la suite des plaintes reçues en 2001 et en 2002, des modifications ont été apportées aux modalités de transport des détenus, notamment en ce qui concerne la nécessité d’entraver ou de ne pas entraver la personne transportée, même si dans bon nombre de cas, il a été établi que les plaintes n’étaient pas justifiées.

28.Répondant à la question 14, M. Stadelmann souligne que les plaintes déposées à l’encontre de la police pour mauvais traitement ou abus de pouvoir sont en augmentation dans plusieurs cantons mais que, dans l’ensemble, les condamnations restent très rares. Il mentionne toutefois la condamnation d’un policier à trois mois d’emprisonnement pour lésions corporelles simples, injures et menaces dans le canton de Soleure. Il ne dispose pas de statistiques complètes et détaillées étant donné que ces chiffres relèvent pour l’essentiel de la compétence des cantons, toutefois les éléments dont il dispose permettent d’affirmer que les plaintes déposées à l’encontre de la police sont traitées sérieusement. Elles sont instruites et donnent lieu, le cas échéant, à condamnation et à indemnisation. Quant à l’allégation selon laquelle la police réagirait fréquemment à ce type de plainte par l’ouverture d’une enquête à l’encontre de l’auteur de la plainte, il convient de préciser que ce type d’enquête ne peut en aucun cas être déclenché par la police, étant du ressort du ministère public ou du juge d’instruction. Tous les cantons qui se sont prononcés sur ce point estiment qu’il n’y a pas de pratique visant à intimider le plaignant par le dépôt d’une plainte simultanée.

29.En réponse à la question 15 relative à la mise en place d’un mécanisme cantonal pour recevoir les plaintes dirigées contre des membres du corps de police, recommandée dans les observations finales précédentes, M. Stadelmann dit que seul le canton de Genève dispose d’un mécanisme d’enquête sur les allégations de mauvais traitements mettant en cause la police, à savoir une commission de déontologie indépendante du corps de police. Les autres cantons sont toutefois sensibles aux questions d’indépendance et d’impartialité et prennent différentes mesures visant à garantir le respect des principes constitutionnels. Dans plusieurs cantons, la plainte est transmise directement au procureur et l’enquête est menée par un juge d’instruction. Dans certains cantons, le juge désigne les personnes devant procéder à l’enquête.

30.S’agissant de la question 16 (recours dont disposent les détenus pour contester les mesures disciplinaires prises à leur encontre et garanties données par la Suisse quant à l’équité et l’impartialité de ces mesures), il convient de rappeler que dans tous les cantons, ces mesures doivent respecter les principes constitutionnels de la proportionnalité et du droit d’être entendu. Tous les cantons prévoient une voie de recours hiérarchique et, le cas échéant, un recours auprès du tribunal administratif. À un stade ultérieur, un recours est encore possible auprès du tribunal fédéral.

31.À propos de la question 17, il convient de préciser, du point de vue de l’objectif visé, que la procédure disciplinaire pour actes de torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est différente de la procédure pénale applicable aux mêmes actes, dans la mesure où la procédure disciplinaire est une procédure administrative qui vise à sanctionner un comportement contraire au statut de la fonction publique, alors que la procédure pénale vise à réprimer une infraction. Toutefois, ces procédures présentent des similitudes quant aux moyens d’investigation et elles peuvent être menées indépendamment l’une de l’autre.

32.En réponse à la question 18 de la liste des points à traiter, M. Stadelmann indique que la Commission d’enquête extraparlementaire a conclu dans son rapport que l’État de Genève s’était acquitté des missions essentielles qui lui incombaient à l’occasion de la tenue du Sommet du G‑8 et que les quelques échecs liés aux débordements d’un petit nombre d’individus et aux dégâts matériels qu’ils ont causés ne devaient pas faire passer ce succès à l’arrière‑plan.

33.À la question de savoir s’il est envisagé d’adopter des dispositions réglementaires imposant aux policiers d’arborer une forme d’identification individuelle lorsqu’ils sont en contact avec le public au cours de manifestations, M. Stadelmann répond par la négative, invoquant le droit des policiers à la protection de leur personnalité et de leur vie privée, notamment le droit à l’anonymat, dans l’exercice de leurs fonctions. Au sujet de l’utilisation par les représentants des forces de l’ordre d’armes tirant des balles enrobées de caoutchouc, des pistolets incapacitants à fléchettes et des gaz irritants incapacitants, il est signalé que les balles en caoutchouc et les gaz lacrymogènes ont été autorisés par la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et de police dans le cadre du maintien de l’ordre et que les pistolets incapacitants, s’ils sont utilisés dans d’autres corps de police, ne sont pas en service à Genève.

34.En ce qui concerne l’exercice du droit à réparation, il convient de faire une distinction entre l’indemnisation basée sur le droit de la responsabilité civile et l’indemnisation fondée sur la loi sur l’aide aux victimes. Dans le premier cas, l’action en dommages et intérêts ne présuppose l’existence ni d’un jugement pénal, ni d’une sanction disciplinaire. Elle se fonde sur la loi qui régit la responsabilité de la collectivité publique dont les employés ont causé le dommage, cette dernière répondant exclusivement du dommage causé de manière illicite par ses employés dans l’exercice de leurs fonctions. La personne lésée n’a aucune action contre le fonctionnaire qui a causé le dommage. Dans le deuxième cas, dans la mesure où un acte de torture ou traitement cruel, inhumain ou dégradant constitue une infraction pénale, la victime peut prétendre à une indemnisation de l’État sur la base de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions. Il s’agit essentiellement d’une loi sociale destinée à venir en aide aux victimes d’infractions qui ont des difficultés matérielles, en particulier lorsque l’auteur n’a pas été retrouvé ou qu’il est insolvable. Si en soi, l’indemnisation fondée sur la loi sur l’aide aux victimes n’est pas subordonnée à l’identification ou à la condamnation pénale de l’auteur des faits, la victime, pour avoir droit à une indemnisation, doit en revanche avoir subi une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle résultant directement d’une infraction. L’octroi d’une indemnisation est subordonné à des conditions de ressources et le montant de l’indemnisation fixé en fonction du dommage et des revenus de la victime, le plafond étant de 100 000 francs suisses.

35.Il n’existe pas en Suisse de statistiques sur les affaires dans lesquelles l’État a indemnisé des victimes de tortures ou de mauvais traitements commis par ses agents. Après interrogation des cantons, deux cas seulement ont été signalés pour 2002. Il n’existe pas non plus de statistiques sur les mesures d’indemnisation dont auraient bénéficié les victimes d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis janvier 2001 et aucun canton interrogé n’a pu fournir d’indications sur ce point. Concernant la demande d’informations relatives à l’indemnisation des familles respectives de Khaled Abu Zarifa et Samson Chukwu, les informations communiquées par les autorités cantonales concernées indiquent, dans le premier cas, que des indemnités n’ont pas encore été versées aux survivants car la famille n’a pas encore fait valoir ses prétentions auprès du Conseil d’État du canton et, dans le second cas, que l’instruction pénale à l’encontre des agents de police s’est soldée par un non‑lieu et qu’aucune procédure civile d’indemnisation n’est en cours.

36.Concernant l’état d’avancement du projet de loi prévoyant d’ériger en infraction pénale les violences domestiques, M. Stadelmann indique que des dispositions sur le plan pénal permettant de sanctionner de tels actes existent depuis longtemps en Suisse. En outre, une révision de diverses dispositions du Code pénal permet, depuis le 1er avril 2004, de poursuivre d’office les délits relevant de la violence domestique. Sur le plan du droit civil, le Conseil national a donné suite à une initiative parlementaire demandant d’élaborer une loi qui assure la protection contre la violence dans la famille et dans le couple, notamment par l’expulsion immédiate du domicile des personnes violentes. Cette proposition est actuellement en discussion au Parlement.

37.S’agissant de la prévention et de l’interdiction de la production, du commerce, de l’exportation et de l’utilisation de matériel spécialement conçu pour infliger des actes de torture, la loi sur les armes et la loi sur le matériel de guerre contiennent quelques règles à cet effet. Le fait qu’il n’existe pas en Suisse de texte législatif ayant expressément pour objet de prévenir et interdire la production, le commerce, l’exportation et l’utilisation d’instruments de torture peut être expliqué par le fait que la torture est interdite en Suisse depuis longtemps. En outre, le matériel utilisé pour la torture se compose souvent d’objets conçus pour un tout autre usage que la torture, d’où la difficulté de parvenir à abolir la torture en élaborant un catalogue d’objets interdits par la législation.

38.En ce qui concerne les mesures prises par le Gouvernement pour répondre aux menaces terroristes, M. Stadelmann dit que le droit suisse, d’une manière générale, ne traite pas différemment les crimes s’inscrivant dans un contexte terroriste et que, par conséquent, il n’a pas été nécessaire d’entreprendre d’importantes modifications législatives après le 11 septembre 2001. Seule une nouvelle norme pénale réprimant le financement du terrorisme est entrée en vigueur le 1er octobre 2003 en vue de la ratification de la Convention de l’ONU pour la répression du financement du terrorisme. Aucune norme qui violerait des droits fondamentaux ou qui favoriserait ou autoriserait la torture n’a été introduite ni dans le Code pénal, ni dans la procédure pénale. De même, aucune restriction disproportionnée de la liberté d’expression n’a été constatée après le 11 septembre 2001. S’appuyant sur la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU contre Al‑Qaïda et les Talibans, la Suisse a édicté une ordonnance qui permet de geler les avoirs de personnes recensées par le Conseil de sécurité de l’ONU comme appartenant à ces deux organisations ou comme étant en cheville avec elles. Parallèlement, une interdiction d’entrer en Suisse a été décrétée pour ces personnes. La Suisse est intervenue à diverses reprises auprès de l’ONU pour que les conditions en vertu desquelles une personne figure sur la liste des sanctions du Conseil de sécurité soient définies avec plus de précision et pour que les personnes touchées par ces sanctions puissent disposer de possibilités de recours effectives.

39.M. GROSSMAN (Rapporteur pour la Suisse) demande si la recommandation formulée par le Comité européen pour la prévention de la torture dans son rapport sur sa visite effectuée en Suisse en 2003, qui visait à ce que les étrangers retenus dans la zone de transit d’un aéroport soient informés de leur droit d’effectuer une promenade à l’extérieur, a depuis été mise en œuvre. Par ailleurs, en ce qui concerne la protection des étrangères exposées à des violences conjugales contre les risques d’expulsion, le Comité a appris qu’il est désormais possible pour ces dernières de renouveler leur permis de séjour une fois divorcées à condition d’avoir été mariées à un ressortissant suisse pendant trois ans, au lieu des cinq ans exigés auparavant. Il serait utile que la délégation précise si cette nouvelle disposition permet le renouvellement automatique du permis de séjour dès lors que la durée exigée est respectée ou si ce dernier est assujetti au respect de conditions additionnelles.

40.Il serait intéressant de savoir pourquoi, alors que le nombre de plaintes déposées à l’encontre de la police pour mauvais traitements ou abus de pouvoir a augmenté dans plusieurs cantons, les condamnations restent très rares. Par ailleurs, le Rapporteur estime que le critère du «lien étroit» avec la Suisse auquel est subordonnée l’autorisation pour les tribunaux militaires suisses d’engager une procédure contre des criminels de guerre présumés se trouvant sur le territoire suisse constitue une restriction de la portée du principe de la compétence universelle et il demande des explications à cet égard.

41.Le Rapporteur regrette qu’une grande partie des statistiques demandées n’ait pas pu être fournie. Il souhaiterait savoir si l’État partie a l’intention de mettre en place un organe indépendant chargé de recevoir les plaintes contre certains membres de la police. S’agissant de l’éventualité d’imposer aux policiers une forme ou une autre d’identification individuelle, la Commission d’enquête extraparlementaire a indiqué dans son rapport sur les incidents survenus lors de la réunion du G‑8 que l’impossibilité d’identifier les policiers ayant outrepassé leurs droits avait empêché de donner suite à des plaintes. Amnesty International a recommandé l’adoption de mesures permettant l’identification des policiers car elle estime que cela aurait un effet dissuasif. Au vu de ces éléments, le Rapporteur, tout en admettant que les forces de l’ordre puissent avoir besoin de garder l’anonymat dans certaines circonstances, estime qu’il faut trouver un moyen de concilier maintien de l’ordre et prévention des abus des agents de la force publique.

42.Sur la question du droit à réparation, le Rapporteur se dit préoccupé par l’affirmation faite par l’État partie selon laquelle la personne lésée n’a aucune possibilité d’action contre le fonctionnaire qui a causé le dommage. Est‑ce à dire que seul l’État peut engager des poursuites? Il serait également intéressant de savoir si l’octroi d’une indemnisation est subordonné à la reconnaissance de l’existence d’une infraction. En ce qui concerne la définition de la torture dans l’ordre juridique suisse, il serait utile de savoir si les différents textes qui traitent de la question condamnent le consentement à des actes de torture au même titre que la pratique de la torture proprement dite, ainsi que le prévoit l’article premier de la Convention.

43.Le rapport mentionne le fait que lorsque des extraditions pouvant présenter un risque de violation des droits de l’homme ont été effectuées, l’État partie s’est assuré auprès de l’État requérant que ce dernier respecterait les droits de la personne extradée. Il serait intéressant de savoir combien de cas de ce type se sont présentés, quelles garanties l’État partie a cherché à obtenir pour s’assurer du respect des droits de la personne extradée, par quels moyens les garanties offertes par l’État de renvoi sont vérifiées, et quelle procédure l’État partie applique en cas de non‑exécution de ses engagements par l’État de renvoi.

44.Il y a lieu de se féliciter des dispositions qui ont été introduites dans les procédures d’asile pour tenir compte des préoccupations spécifiques des femmes. Des données rendant compte des résultats obtenus par la mise en œuvre de ces dispositions seraient les bienvenues. Par ailleurs, la disposition prévoyant l’envoi de représentants d’ONG aux auditions des requérants d’asile est‑elle mise en pratique? Il faudrait également savoir, d’une part, si les demandeurs d’asile peuvent saisir eux‑mêmes la Commission de recours en matière d’asile ou si c’est là la prérogative exclusive du canton et, d’autre part, comment, le cas échéant, les requérants d’asile sont informés de leurs droits en la matière et quel est le nombre de recours exercés.

45.Il est dit au paragraphe 34 du rapport que le constat par le Comité selon lequel le renvoi du requérant constituerait une violation de la Convention contre la torture ne fonde pas en soi un motif de révision. Le Rapporteur ne comprend pas comment un État qui a pourtant ratifié la Convention peut faire si peu de cas des décisions du Comité et souhaiterait entendre la délégation à ce sujet.

46.Le Rapporteur aimerait savoir si des demandeurs d’asile retenus dans la zone de transit d’un aéroport ont déposé des plaintes au motif que leur maintien en ce lieu constituait une privation de liberté. Par ailleurs, l’obligation imposée au requérant de démontrer «au‑delà de tout doute raisonnable» qu’il existe pour lui un véritable risque concret et sérieux d’être victime de tortures en cas de renvoi dans son pays est contraire à la Convention ainsi qu’à la jurisprudence du Comité. Il serait souhaitable que la délégation suisse précise si elle a utilisé cette expression de manière informelle ou si celle‑ci existe dans la législation suisse.

47.L’augmentation projetée des ressources humaines et techniques des organes cantonaux chargés de l’exécution des décisions a‑t‑elle eu lieu? Dans l’affirmative, des données chiffrées pourraient être utiles. Des renseignements sur les sédatifs utilisés lors des procédures de renvoi seraient également appréciés.

48.Le Rapporteur prend note des inquiétudes exprimées par l’État partie face aux représailles que pourrait entraîner la publication par le Comité du nom du requérant dans ses décisions. L’augmentation de la proportion de cas dans lesquels le Comité a demandé à la Suisse de surseoir à l’expulsion a également été évoquée par l’État partie comme étant une source de préoccupation. Il conviendrait peut‑être d’examiner cette augmentation à la lumière de l’accroissement du nombre de personnes qui ont été renvoyées dans leur pays, en vue de déterminer s’il y a une corrélation entre les deux phénomènes.

49.Le Rapporteur demande si l’État partie pourrait fournir des statistiques concernant l’application de la mise au secret. Il est par ailleurs préoccupé par le fait qu’en cas de garde à vue ou de détention d’un étranger, le Code de procédure pénale prévoit que la police ou le juge d’instruction doit informer le consulat à la demande du prévenu, ce qui sous‑entend que cette procédure peut être retardée, auquel cas il y aurait violation de la Convention de Vienne sur les relations consulaires qui prévoit expressément qu’en cas d’arrestation, d’incarcération, de mise en état de détention préventive ou toute autre forme de détention, les autorités compétentes doivent sans retard informer l’intéressé de ses droits en termes de communication avec les fonctionnaires consulaires. La délégation suisse aura peut‑être des remarques à faire sur cette question. Enfin, il serait intéressant d’obtenir une liste des mesures de contrainte autorisées par la loi.

50.M. EL‑MASRY (Corapporteur pour la Suisse), se félicitant du rapport et des réponses à la liste des points à traiter, en particulier des informations concernant le nouveau système de transport de détenus par voie ferroviaire (par. 89 du rapport), relève aussi avec satisfaction que, dans les prisons du canton de Thurgovie, un aide‑mémoire sur les droits des détenus traduit en 11 langues est fourni aux nouveaux arrivants (par. 99). Il souhaiterait savoir si d’autres cantons en font de même.

51.Tout en se réjouissant de l’interdiction de certains moyens de contention employés lors du renvoi forcé d’étrangers, le Corapporteur fait observer que certaines organisations non gouvernementales se disent préoccupées par le fait que l’article 8 du projet de loi fédérale sur l’usage de la contrainte dans le cadre du droit des étrangers et des transports de personnes ordonnés par une autorité fédérale autorise l’utilisation d’armes à électrochocs alors que, dans beaucoup d’autres pays, ces armes sont considérées comme des instruments de torture. La délégation suisse est priée de donner son avis sur la question. En outre, constatant que le recours à des gaz irritants incapacitants ne figure pas parmi les moyens interdits dans ledit projet de loi, M. El‑Masry souhaiterait savoir s’il existe des directives sur leur utilisation. En outre, il demande quels ont été les résultats obtenus par la commission indépendante mise en place par le Conseil d’État zurichois afin de faire la lumière sur les plaintes pour mauvais traitements déposées contre des membres de la police et si les lignes directrices élaborées par ce mécanisme ont un caractère obligatoire et si elles ont déjà été appliquées.

52.S’agissant de la question du racisme, le Corapporteur note que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) dénonce dans son troisième rapport sur la Suisse le fait que, lors des contrôles d’identité effectués par la police, les personnes appartenant à des minorités ethniques ou raciales sont souvent victimes de mauvais traitements et d’injures racistes. Aussi a-t-elle recommandé aux autorités suisses de prendre des mesures afin de lutter contre ces violations, notamment en créant un système d’enquête indépendant sur les plaintes déposées aux niveaux cantonal et fédéral et de mettre en place un organe de contrôle des centres de détention fédéraux. Le Corapporteur souhaiterait savoir si une suite a été donnée à ces recommandations.

53.Dans une lettre adressée par Amnesty International au Président du Comité contre la torture (document non distribué en séance), est cité un incident survenu lors de la réunion du G‑8 à Genève, dont il ressort que, dans le canton du même nom, l’utilisation de chiens par la police n’est encore soumise à aucune réglementation. Le Corapporteur souhaiterait avoir des éclaircissements sur ce point et, tout en prenant bonne note des précisions fournies par la délégation suisse concernant les débordements de la police pendant le G‑8 à Genève, il demande également des renseignements sur les incidents survenus lors d’autres manifestations, en particulier celles organisées contre l’Organisation mondiale du commerce et le Forum économique mondial de Davos.

54.En ce qui concerne l’exercice du droit des victimes de mauvais traitements et de tortures de demander réparation, le Corapporteur constate que, bien que le nombre de plaintes contre la police soit en augmentation, peu d’affaires aboutissent à une indemnisation, ce qui s’explique par le fait que la police a adopté une stratégie dissuasive consistant à porter plainte elle‑même contre le plaignant, que beaucoup d’affaires sont déclarées dénuées de fondement par les tribunaux ou simplement classées faute de preuves. Par exemple, dans l’affaire Samson Chukwu, un ressortissant nigérian décédé par asphyxie par la faute des policiers qui devaient l’escorter à l’aéroport en vue de son renvoi, la famille de la victime n’a pas pu demander réparation car le juge d’instruction a décidé de ne pas engager de poursuites, se fondant sur les allégations des membres de l’escorte selon lesquelles ils n’étaient pas suffisamment formés et ne savaient pas que les mesures de contention qu’ils utilisaient pouvaient avoir des conséquences graves. Or, en vertu de l’article 10 de la Convention, l’État partie est tenu de veiller à ce que les membres des forces de l’ordre reçoivent une formation appropriée. Quoi qu’il en soit, le manque de formation des membres de la police ne saurait servir d’argument pour ne pas faire droit à une demande de réparation. Le Corapporteur prie donc la délégation d’indiquer si les autorités suisses envisagent d’indemniser les membres de la famille de la victime dans le cas d’espèce et d’expliquer pourquoi, de manière générale, les victimes de tortures ont tant de difficultés à obtenir réparation en Suisse.

55.M. RASMUSSEN fait observer que le rapport et la présentation orale montrent bien que le problème majeur auquel les autorités suisses font face dans l’application de la Convention est celui des réfugiés, en particulier la question de l’expulsion forcée d’étrangers par la voie aérienne. Il note que, d’après le rapport du Comité pour la prévention de la torture (CPT) sur la visite qu’il a effectuée en 2003 en Suisse, des membres de la police auraient maltraité à titre de rétorsion des étrangers dont l’expulsion avait échoué, allégations que l’Office des réfugiés se serait borné à démentir selon Amnesty International. Or, en vertu de l’article 12 de la Convention, l’État partie doit faire en sorte qu’une enquête impartiale soit immédiatement menée sur ce type d’allégations. Pour quelle raison n’y a-t-il pas eu d’enquête?

56.Concernant les informations contenues au paragraphe 55 du rapport sur les interventions médicales pratiquées sur des étrangers sans leur consentement afin de faciliter leur renvoi, M. Rasmussen souhaiterait savoir si une commission d’éthique a été consultée avant d’adopter cette pratique et demande à la délégation de donner des statistiques pour 2003, s’agissant du nombre d’injections administrées sous la contrainte et de personnes expulsées qui ont été accompagnées par un médecin lors du voyage de retour.

57.Compte tenu du stress intense que doivent supporter les membres de l’escorte des personnes faisant l’objet d’un renvoi et des risques de bavures que cette tension nerveuse implique, il serait opportun que les policiers bénéficient d’un soutien psychologique. M. Rasmussen voudrait savoir si une assistance de ce type leur est offerte. Il souhaiterait aussi savoir, d’autre part, si les médecins qui travaillent dans les prisons sont formés à déceler les séquelles de la torture et des mauvais traitements chez les détenus à leur arrivée en prison.

58.Se référant au paragraphe 38 du rapport, M. PRADO VALLEJO demande pourquoi le risque d’être victime de mauvais traitements en cas de renvoi et la présence de troubles dans le pays vers lequel l’État partie souhaite renvoyer une personne ne constituent pas des arguments suffisants pour ne pas expulser une personne.

59.Mme GAER, notant avec satisfaction à la lecture du rapport qu’un premier pas a été fait dans le canton de Zurich vers la création de quartiers séparés dans les prisons (par. 101), dont un quartier réservé exclusivement aux femmes et un quartier pour les personnes souffrant de troubles psychiques, demande si ce projet a abouti depuis la publication du rapport, s’il existe des quartiers séparés pour femmes ailleurs dans le pays et quel est le pourcentage de femmes détenues dans l’ensemble du système carcéral. Elle voudrait également savoir s’il existe des mécanismes de surveillance des violences sexuelles perpétrées dans les prisons, les établissements psychiatriques et les institutions pour personnes âgées qui relèvent de l’État et, dans l’affirmative, quelles mesures sont prévues pour protéger les victimes.

60.Enfin, en cas de renvoi de non-ressortissants faisant l’objet d’une mesure d’expulsion, la Suisse demande-t-elle à l’État concerné de lui donner l’assurance qu’il veillera à ce que l’intéressé ne subisse pas de tortures à son retour et, en particulier, si les assurances demandées sont de nature diplomatique, sont-elles contraignantes?

61.Le PRÉSIDENT, notant que, d’après les réponses écrites à la question 8 de la liste des points à traiter, les criminels de guerre doivent avoir des «liens étroits avec la Suisse» pour être poursuivis dans l’État partie, se demande si un tortionnaire présumé qui transiterait par la Suisse mais qui n’aurait pas commis ces actes dans le cadre d’un conflit armé pourrait être arrêté et poursuivi par la justice suisse. Il souhaiterait en outre savoir si un ressortissant suisse ayant subi des tortures à l’étranger et n’ayant pas obtenu réparation de l’État concerné aurait la possibilité d’intenter une action en réparation au civil en Suisse afin de demander pour son indemnisation, que des sommes soient prélevées sur le compte en banque de son tortionnaire, au cas où ce dernier en aurait un en Suisse et n’occuperait plus dans son pays d’origine de hautes fonctions lui assurant une immunité. Enfin, le Président demande si le fait qu’un demandeur d’asile ne soit pas en possession de documents d’identité valables constitue un motif de non-entrée en matière pour les autorités chargées de l’examen des demandes d’asile.

La séance est levée à 13 h 10.

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