Nations Unies

CAT /C/SR.936

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

5 août 2013

Français

original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-quatrième session

Compte rendu analytique (partiel)* de la 936 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 3 mai 2010, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique de la Suisse (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique de la Suisse (suite) (CAT/C/CHE/6; CAT/C/CHE/Q/6 et Add.1)

1.À l’invitation du Président, la délégation s uisse reprend place à la table du Comité.

2.M. Gonin (Suisse), répondant à une question posée par le Comité, dit que même en l’absence de définition spécifique de la torture dans le Code pénal, la Suisse a veillé à ce que, conformément à l’article 4 de la Convention, tous les actes de torture (tels que définis à l’article premier de la Convention) constituent des infractions au regard de son droit interne, y compris en cas de complicité, de participation ou de tentative. Ces actes sont passibles de peines appropriées, fixées en fonction de leur gravité.

3.Ni la doctrine ni la jurisprudence ne suggèrent que cette approche pragmatique entraîne des lacunes dans l’incrimination de la torture en droit suisse. Cette constatation peut être étendue aux autres obligations prévues par la Convention, comme celles ayant trait à l’expulsion ou à l’extradition (art. 3). À titre d’illustration, M. Gonin souligne que, entre 2007 et 2009, le Tribunal administratif fédéral s’est prononcé dans plus de 3 000 affaires sur la question de savoir s’il y avait des motifs sérieux de croire que la personne faisant l’objet d’une décision de renvoi risquait d’être soumise à la torture au sens de l’article 3 de la Convention. Cette question est examinée d’office par le Tribunal administratif fédéral et par toutes les autorités ayant à se prononcer sur un renvoi, une expulsion ou une extradition. Lesdites autorités s’assurent ainsi que la Suisse respecte l’article 3 de la Convention, et que l’absence de disposition spécifique incriminant formellement la torture n’affaiblit pas l’effectivité de la mise en œuvre de la Convention en Suisse.

4.En outre, M. Gonin indique que l’alinéa 3 de l’article 10 de la Constitution fédérale suisse dispose que «la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits». Conformément à l’article 2 de la Convention, aucune circonstance ne peut restreindre le droit fondamental de chacun.

5.Quant à l’article 14 du Code pénal, mentionné à la séance précédente, il ne saurait être interprété dans un sens qui irait à l’encontre de l’interdiction formulée dans la Constitution.

6.Intimer à quiconque l’ordre d’accomplir un acte de torture est interdit par la loi, et ne saurait être suivi, faute de quoi cet acte engagerait la responsabilité pénale non seulement du supérieur mais aussi du subordonné qui l’exécuterait en étant conscient qu’il participe ainsi à la commission d’un crime ou d’un délit.

7.L’exigence de la double incrimination est un principe général du droit pénal suisse. En application du principe de légalité, un acte commis à l’étranger doit aussi être punissable à l’endroit où il a été commis pour que son auteur puisse être puni en Suisse. Cela dit, cette condition de double incrimination ne suppose pas que la norme suisse et la norme étrangère soient identiques, mais simplement que l’acte en question soit réprimé dans les deux États. Quant à la question de la res judicata, le juge suisse retranche la durée de la peine exécutée à l’étranger de la peine à prononcer afin d’éviter que l’auteur soit puni deux fois.

8.Le Comité s’est enquis de la protection des victimes qui dénoncent un cas de traite d’êtres humains. Le droit interne suisse, et spécialement le nouveau droit des étrangers en vigueur depuis le 1er janvier 2008, prévoit des mesures spécifiques pour la protection des victimes de la traite, s’agissant notamment des permis de séjour. Une fois qu’une victime de la traite a été identifiée par les autorités ou a spontanément dénoncé un cas de traite, le droit suisse prévoit un délai d’une durée minimale de trente jours, qui permet à la victime de stabiliser sa situation et aux autorités de prendre des mesures de soutien médical, psychologique ou juridique. Au cours de cette période, la victime ne pourra en aucun cas être renvoyée, et décidera si elle souhaite ou non collaborer dans le cadre de l’enquête pénale. Quel que soit son choix, elle bénéficiera, si sa situation personnelle le nécessite, d’une autorisation de séjour qui ne sera pas limitée à la durée de la procédure pénale.

9.Concernant les mesures de protection, les victimes peuvent invoquer le droit à l’anonymat et demander à être conduites dans un lieu sûr. Ces mesures relèvent actuellement des polices cantonales mais un projet de loi en cours d’élaboration renforce le mécanisme de protection par la mise en place d’un service fédéral chargé de protéger tous les témoins dans les affaires de grande criminalité.

10.Toutes ces dispositions s’inspirent des normes internationales, et la Suisse a également lancé un processus interne de ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

11.Sur le plan pratique, il convient de signaler l’organisation de tables rondes associant toutes les parties prenantes en vue du renforcement de la coopération en matière de lutte contre la traite des êtres humains. En outre, des formations spécialisées et des campagnes de sensibilisation sont organisées régulièrement.

12.En ce qui concerne le nombre de cas de traite signalés, 26 procédures pénales ont été engagées en 2008; le nombre annuel de cas a varié entre 20 et 30 au cours des dernières années, et le taux d’élucidation des affaires relatives à la traite des êtres humains est de 74 %.

13.M. Zumwald (Suisse) dit que son pays regrette la mort tragique, le 17 mars 2010 à l’aéroport de Zurich, de M. Joseph Ndukaku Chiakwa, ressortissant nigérian. Il est dans l’intérêt de la Suisse qu’une enquête soit menée aussi rapidement que possible. Le défunt devait être rapatrié à bord d’un vol spécial, et l’Office fédéral des migrations (ODM) a immédiatement suspendu les vols spéciaux jusqu’à ce que les circonstances de cette affaire soient élucidées. Les autres personnes qui devaient être rapatriées ce jour-là ont été reconduites dans leurs cantons respectifs, ce qui signifie que les témoins éventuels se trouvent encore en Suisse. Le ministère public du canton de Zurich est chargé d’enquêter sur l’affaire, et des auditions ont déjà été menées en vue d’établir les responsabilités pénales. Indépendamment de l’enquête pénale, l’Office fédéral des migrations a examiné les procédures applicables aux rapatriements forcés afin de tirer les enseignements de cet incident. Il attend les conclusions de l’enquête pénale avant de reprendre les vols spéciaux.

14.Dans le cadre de la Directive européenne du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (Directive «retour»), la Suisse envisage actuellement d’adopter une loi prévoyant la présence d’observateurs indépendants pour contrôler les procédures de rapatriement sous contrainte.

15.M. Zumwald dit que, dans le cadre des rapatriements sous contrainte, les autorités compétentes doivent s’assurer, en procédant à des examens médicaux si nécessaire, que la personne expulsée est en bonne santé et apte à voyager. Un examen médical doit être mené si l’intéressé en fait la demande, ou s’il y a des raisons de croire que celui-ci a des problèmes de santé.

16.La loi sur l’usage de la contrainte garantit l’application uniforme du recours à la force et des mesures policières par les autorités cantonales compétentes. Le Département fédéral de justice et police élabore actuellement un manuel concernant les renvois à l’usage des autorités chargées d’appliquer la loi. Dans ce manuel figureront notamment 28 mesures destinées à améliorer les procédures relatives aux vols spéciaux ainsi que les conclusions de l’enquête menée sur l’incident tragique du 17 mars 2010.

17.Le Comité s’est enquis de l’utilisation de la détention administrative dans les procédures de refoulement. La décision de recourir à la détention administrative est prise par le canton chargé de l’exécution du renvoi; elle n’intervient que si les motifs de détention prévus par la loi sont remplis et si la mesure est jugée proportionnée. Chaque affaire de détention doit être présentée dans un délai de quatre-vingt-seize heures à un juge indépendant, dont la décision peut être contestée jusque devant le Tribunal fédéral. En outre, le canton compétent doit entreprendre sans tarder les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi, la violation de ce principe entraînant la levée de la détention par le juge. Seuls les demandeurs qui ne collaborent pas avec les autorités, notamment dans le cadre de l’établissement de leur nationalité, sont soumis à une détention prolongée. Avec l’intégration en droit interne de la Directive «retour», la durée maximale de la détention passera de vingt-quatre mois à dix-huit mois.

18.Le Conseil fédéral a déjà relevé que les données relatives à la durée de détention des mineurs étrangers utilisées par la Commission de gestion du Conseil national reposaient sur une enquête réalisée entre 2002 et 2004, tandis que celles ayant trait à la durée de l’ensemble des détentions se fondaient sur une enquête menée entre 2001 et 2003 dans seulement cinq cantons. Ces chiffres doivent donc être interprétés avec prudence. Depuis le 1er janvier 2008, toutefois, la Confédération dispose de données normalisées. Entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2009, 4 564 personnes – dont 71 ont déclaré avoir entre 15 et 17 ans – ont été placées en détention administrative. Cependant, le nombre réel de mineurs est en général moindre, étant donné que les intéressés sont souvent plus âgés que ce qu’ils déclarent. Toutes affaires confondues, la durée moyenne de la détention de mineurs est de dix-neuf jours; elle est de neuf jours si l’on exclut du calcul les deux périodes de détention les plus longues (trois cent soixante-seize jours et deux cent quatre-vingt-dix-sept jours respectivement). La durée totale moyenne de la détention administrative est de seize jours.

19.Pour ce qui est des décisions de renvoi prises à l’aéroport, il faut distinguer la loi sur l’asile de la loi sur les étrangers. En droit d’asile, toute décision formelle de renvoi peut faire l’objet d’un recours à effet suspensif. La loi sur les étrangers prévoit des procédures de renvoi sans décision formelle, dans lesquelles le recours n’a pas d’effet suspensif. Cependant, d’une manière générale, le principe de non-refoulement est inscrit non seulement dans des lois spéciales, mais aussi à l’alinéa 3 de l’article 25 de la Constitution fédérale, qui dispose que «nul ne peut être refoulé sur le territoire d’un État dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains».

20.Les étrangers à qui l’entrée en Suisse est refusée lors d’un contrôle à la frontière aéroportuaire sont tenus de quitter immédiatement le territoire. Toutefois, si la personne demande l’asile, les procédures spéciales sont remplacées par la procédure d’asile, avec toutes les garanties prévues par la loi sur l’asile.

21.Pour ce qui est de l’octroi d’un permis de séjour à une femme victime de violence familiale afin qu’elle ne soit pas expulsée, les règles relatives au séjour restent inchangées après la dissolution du mariage, et la loi prévoit la délivrance d’un tel permis en cas de raisons personnelles extrêmement graves, notamment en cas de violence conjugale, ou lorsque la réintégration sociale dans le pays d’origine est fortement compromise. Selon les circonstances, ces raisons peuvent constituer un motif de prolongation de la durée du séjour.

22.Pour ce qui est de la question de l’asile et du refoulement, le deuxième alinéa de l’article 5 de la loi sur l’asile est conforme à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Il interdit le refoulement, à l’exception des cas où l’individu compromet la sécurité de la Suisse ou a été condamné pour un délit grave. Toutefois, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme protège quiconque, y compris les non-ressortissants, contre le risque de torture; ainsi, une décision d’expulser un étranger, même dépourvu du statut de réfugié, sera suspendue si l’existence d’un tel risque est prouvée.

23.Une question a été posée sur les frais liés au réexamen d’une décision d’asile. L’Office fédéral des migrations peut en différer le paiement si un demandeur n’a pas suffisamment de moyens, voire renoncer à les percevoir, comme il est arrivé que le Tribunal administratif fédéral l’ordonne. Environ un tiers des 1 000 demandes déposées chaque année sont approuvées. En 2009, seules 12 % des demandes ont été jugées irrecevables; les autres ont été rejetées quant au fond.

24.En vertu de l’article 34 de la loi sur l’asile, le Conseil fédéral a établi en fonction de certains critères une liste de pays «sûrs» vers lesquels les demandeurs d’asile peuvent être renvoyés: situation politique et situation des droits de l’homme dans le pays considéré, application des normes internationales relatives aux droits de l’homme, disposition à se soumettre à un suivi régulier de la part d’organisations indépendantes, d’organismes de pays occidentaux ou encore du HCR.

25.Pour ce qui est des droits des demandeurs d’asile aux points d’entrée aéroportuaires, l’Office fédéral des migrations notifie leurs droits aux demandeurs, par écrit et dans une langue qu’ils comprennent, et les informe de la possibilité qu’ils ont de faire appel d’une décision défavorable. L’ODM leur communique une liste d’avocats, assortie des numéros de téléphone et de télécopieur utiles, et leur donne accès à une photocopieuse. Les demandeurs peuvent également envoyer des courriers. Dans les aéroports de Genève et de Zurich, ils sont détenus dans des zones de transit, où ils peuvent se déplacer librement. Ceux qui sont détenus plus longtemps le sont dans de bonnes conditions, dans des locaux exposés à la lumière naturelle; les femmes voyageant seules et les mineurs ont accès à des pièces séparées. Les conditions de détention sont contrôlées par des organismes d’aide sociale et par la Croix-Rouge.

26.Une question a été posée sur le niveau de preuve requis pour faire appel d’une décision de renvoi. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige que la probabilité qu’une personne renvoyée dans un pays donné soit soumise à la torture ou à des mauvais traitements soit particulièrement élevée; ainsi, la simple possibilité qu’elle soit exposée à des mauvais traitements ne suffit pas pour que la décision soit révoquée.

27.Pour ce qui est des séquelles visibles de la torture, les demandeurs d’asile ne sont pas systématiquement soumis à un examen médical, mais une expertise peut établir l’existence de troubles physiques ou mentaux résultant de mauvais traitements, auquel cas le rapport d’expertise est versé au dossier du demandeur d’asile. Les demandeurs d’asile peuvent être entendus dans le cadre de la procédure.

28.Si un demandeur d’asile mineur non accompagné n’a pas de représentant légal, le canton concerné est tenu de désigner une personne de confiance qui aura pour mission, au même titre que les représentants légaux en droit civil, de défendre les intérêts du mineur tout au long de la procédure d’asile. Cette personne doit posséder des connaissances de base en droit et être rompue aux étapes essentielles de la procédure d’asile.

29.Il a été demandé si le statut juridique de réfugié établissait une distinction pour certains groupes sociaux, comme les femmes exposées au risque de mutilations génitales ou encore les minorités sexuelles. Selon la pratique en vigueur, si un groupe social donné est fondé à craindre des persécutions en raison de ses caractéristiques propres, l’ODM reconnaît lesdites caractéristiques. Les persécutions comprennent les mutilations génitales féminines, les actes de violence familiale, les actes commis en raison de l’orientation sexuelle, les législations sexistes, l’avortement forcé et la stérilisation forcée. Conformément à la Constitution, les cantons fournissent une aide aux demandeurs d’asile déboutés, sur décision des tribunaux cantonaux et fédéraux. Il n’est pas possible d’harmoniser les décisions de ces instances, car une telle démarche serait contraire au fédéralisme qui régit la Confédération. Le retrait de la nationalité suisse ne peut entraîner l’apatridie de la personne concernée.

30.M. Vavricka (Suisse) répond à une question concernant l’utilisation illégale des aéroports et de l’espace aérien suisses par des aéronefs étrangers transportant des personnes détenues sans jugement (transferts illégaux). L’affaire Abou Omar a donné lieu à l’ouverture d’une enquête par le ministère public de la Confédération, qui a entamé une procédure pénale pour des actes exécutés sans droit sur le territoire suisse par les États-Unis d’Amérique. Cette enquête a été suspendue à la fin de 2007. Toutefois, en droit suisse, suspendre une affaire ne revient pas à la classer: l’instruction reprendrait si les personnes présumées coupables des faits étaient identifiées. La Suisse est fermement opposée aux transferts extrajudiciaires de détenus, qui sont contraires au droit suisse et au droit international, en particulier à la Convention contre la torture. De tels actes feront systématiquement l’objet d’une enquête.

31.M. Sanchez (Suisse), répondant à une question sur les pistolets à impulsion électrique (Taser), dit que les forces de police spéciales de 11 cantons utilisent ces pistolets. Il a été prouvé que les décharges électriques qu’ils émettent ne présentent aucun risque pour la santé, même pour les personnes portant un stimulateur cardiaque. Les enquêtes médico-légales menées à la suite des rares cas d’utilisation ayant entraîné la mort dans le monde depuis l’introduction des nouveaux modèles en 1999 ont révélé que, chaque fois que l’issue a été fatale, le décès était imputable à l’ingestion préalable de drogue et/ou d’alcool par la victime. Les Taser sont autorisés dans plus de 41 pays et équipent plusieurs compagnies aériennes. Des études menées au sein de six polices américaines ont recensé 962 utilisations de ces pistolets entre 2005 et 2007; dans 99 % des cas, les personnes n’ont subi soit aucune blessure, soit des blessures légères. D’après une expérience menée en Suisse depuis 2003, sur les 640 personnes visées par un Taser, seuls 6 ont été légèrement blessées. L’organisation Amnesty International n’est pas opposée à l’utilisation de ce pistolet dans des situations bien précises. Chaque utilisation est enregistrée au moyen d’une petite caméra équipant le pistolet, et une commission technique fédérale analyse régulièrement les enregistrements. À Genève, ces pistolets n’ont servi qu’à deux reprises depuis 2009, dont une fois pour prévenir un suicide. Ils n’ont jamais été utilisés à l’occasion d’une procédure de refoulement. M. Sanchez n’a pas trouvé trace d’un incident qui aurait, selon M. Gaye, eut lieu le 4 février 2009; il indique que, dans ce type d’affaires, les plaintes sont toujours examinées par le ministère public.

32.Depuis 2005, la formation des policiers suisses comprend un module de déontologie et des cours relatifs aux droits de l’homme. L’usage de la force n’est utilisé qu’en dernier ressort, et tous les cas de recours à la force sont examinés par une commission indépendante de déontologie.

33.Il est possible de faire appel à des agences de sécurité privée, dans le respect de la réglementation fédérale, pour prévenir les infractions et protéger les personnes et les biens. Les agents de sécurité doivent être formés aux droits de l’homme. L’utilisation des armes doit être réservée à la légitime défense.

34.Pour ce qui est de la violence familiale, les lésions corporelles et les enlèvements d’enfants sont des délits entraînant la mise en mouvement de l’action publique. Un conjoint violent peut faire l’objet de mesures d’éloignement. Depuis 2005, tous les cantons se sont dotés de bureaux et de structures chargés d’aider les victimes de violence familiale.

35.Une question a été posée sur le traitement des Roms. La police ne tolère pas l’établissement de camps sauvages, ni la mendicité. Toutefois, en période hivernale, des foyers sont mis à disposition des sans-abri, et la priorité va à la sécurité et à la santé des mineurs. À Genève, il est fréquent que la population se plaigne de la présence de mendiants roms. Toutefois, seuls les Roms soupçonnés d’avoir commis un délit sont interpellés. La police genevoise participe désormais à la formation de policiers en Roumanie, et les cours dispensés comprennent un enseignement des droits de l’homme.

36.M. Troxel (Suisse), répondant aux questions relatives à l’exécution des peines, aux mesures de privation de liberté et à la détention provisoire des jeunes délinquants, dit que les mesures privatives de liberté sont exécutées dans des établissements appropriés offrant des services en matière d’éducation, de formation et de traitement. La Confédération a reconnu 170 établissements de ce type, qu’elle subventionne. Toutes les institutions doivent remplir certaines conditions, parmi lesquelles celle de garantir une prise en charge éducative. Elles font l’objet d’un examen régulier. Outre le programme pédagogique précis qu’ils sont tenus de suivre, ces établissements doivent veiller à ce que les trois quarts de leur personnel enseignant soient titulaires d’un diplôme reconnu. En règle générale, les jeunes délinquants, réunis en groupes, font l’objet d’une prise en charge sociopédagogique. Une large palette en matière d’offre scolaire et professionnelle est mise à leur disposition, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’établissement.

37.Pour ce qui est de l’exécution des peines, les jeunes délinquants peuvent exécuter une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à quatre semaines ou une peine de «semi détention» d’une durée n’excédant pas un an. Relativement peu de jeunes gens sont condamnés à une peine de privation de liberté plus longue. En vertu du nouveau droit pénal des mineurs, les jeunes incarcérés doivent être séparés des autres jeunes qui exécutent une peine différente. De nouvelles structures de détention sont actuellement créées pour les accueillir; elles doivent offrir une prise en charge en matière d’éducation, de formation et de traitement qui corresponde à tous points de vue à celle dont bénéficient les autres jeunes délinquants exécutant un autre type de peine.

38.En vertu du nouveau droit pénal des mineurs, les jeunes se trouvant en détention provisoire doivent être placés dans un établissement à part ou dans un quartier spécialisé à l’écart des adultes; ils doivent être pris en charge de manière appropriée. En outre, la loi prévoit que des éducateurs ou des psychologues s’entretiennent régulièrement avec eux, et ces jeunes doivent passer le moins de temps possible dans une cellule ou seuls dans une pièce.

39.Pour ce qui est de la prise en charge médicale, M. Troxler souligne que tous les détenus en Suisse ont droit à des soins de santé. Du fait de la structure fédéraliste du pays, dans l’exécution des peines et des mesures, il existe des différences entre les cantons en matière d’organisation et de ressources. Les grands établissements pénitentiaires sont dotés de centres médicaux parfaitement équipés; dans les prisons de petite taille, le suivi médical peut être effectué par un médecin généraliste ayant un cabinet à proximité. La majeure partie du personnel de santé travaillant en milieu carcéral peut se prévaloir d’un diplôme reconnu.

40.Pour ce qui est de la surpopulation carcérale et de la situation actuelle dans la prison de Champ-Dollon à Genève, M. Troxler dit que, en vertu de la Constitution suisse, l’exécution des peines incombe aux cantons, lesquels construisent et exploitent les prisons. Lesdits cantons font des efforts considérables pour répondre au mieux à des besoins en constante évolution. Il n’y a actuellement aucun problème de surpopulation. Les établissements de Suisse alémanique sont certes peuplés, mais ils ne sont pas confrontés à ce problème. Par contre, la situation en Suisse romande est plus délicate, en particulier dans le canton de Vaud. Ce sont principalement les placements en détention provisoire qui expliquent le taux d’occupation élevé, mais ce taux varie continuellement, à la hausse comme à la baisse.

41.En revanche, la prison de Champ-Dollon présente une situation de surpopulation hors normes depuis de nombreuses années. Compte tenu du taux d’occupation de cet établissement, qui n’a cessé d’augmenter au cours des derniers mois, le canton de Genève a pris un certain nombre de mesures. Le projet CURABILIS, en cours, prévoit la construction d’un établissement de santé mentale (d’une capacité de 92 places), qui entrera en service courant 2013. D’autres projets seront lancés prochainement: la construction d’un centre de détention provisoire (100 places supplémentaires) qui consistera en une extension en préfabriqué de la prison de Champ-Dollon, et qui devrait entrer en service début 2011; le déplacement de l’unité médicale, qui aboutira à l’élargissement de l’offre de services de santé aux détenus et à la création de 80 places de détention supplémentaires dans les locaux de l’ancien service médical, et, enfin, la création prochaine de 45 places de détention au Palais de justice, moyennant la rénovation et la mise aux normes des locaux existants. Parmi les projets à plus long terme, on relèvera l’agrandissement du centre de détention La Brénaz (150 places), qui devrait entrer en activité au premier semestre de 2012, et le projet de construction de Champ-Dollon II, établissement qui sera construit sur le modèle de la prison actuelle et sera dédié à la détention provisoire.

42.Comme indiqué dans les réponses écrites, le Gouvernement suisse a désigné, immédiatement après la ratification du Protocole facultatif, la nouvelle Commission nationale de prévention de la torture, devenue opérationnelle au 1er janvier 2010. Cette Commission a accès sans restriction à tous les établissements de détention. Elle formule des recommandations à l’intention des autorités compétentes, ainsi que des observations et propositions sur la législation en vigueur ou les projets de loi. Elle est indépendante et régie par une loi spécifique. Les données confidentielles qui lui sont transmises sont traitées à titre prioritaire. La Commission entretient des relations directes avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l’ONU et le Comité européen pour la prévention de la torture, avec qui elle échange des informations. Elle peut ainsi représenter des intérêts qui ne correspondent pas forcément à ceux des autorités suisses. Indépendante, elle n’est pas tenue de rendre des comptes au Conseil fédéral sur une base régulière, mais publie un rapport annuel à l’intention du public.

43.La Commission s’est dotée d’un secrétariat permanent, dont les membres reçoivent des indemnités journalières en application de la législation fédérale. Le budget annuel de fonctionnement alloué par la Confédération à cette commission s’élève à 360 000 francs suisses. Après une formation initiale, les membres de la Commission vont inspecter cette année pour la première fois des lieux de détention.

44.M me Ehrich (Suisse), faisant référence à l’Institution nationale des droits de l’homme, dit que, en 2009, le Conseil fédéral a décidé de soutenir la création d’un «centre de compétences dans le domaine des droits de l’homme», auquel la Confédération et d’autres acteurs, notamment les cantons, achèteraient des prestations dans le domaine de la mise en œuvre des droits de l’homme. Le centre sera créé par une ou plusieurs universités et bénéficiera d’un financement de la Confédération. Après une phase pilote de cinq ans, ses activités seront évaluées, suite à quoi le Conseil fédéral sera appelé à statuer sur la poursuite de son financement. Le Conseil fédéral pourra également modifier la structure du projet. Le choix des locaux devrait être effectué en mai, après quoi le centre pourra débuter ses activités.

45.Passant aux enquêtes menées par les mécanismes de plainte indépendants à la suite d’allégations de mauvais traitements de la part de membres de la police, Mme Ehrich dit que la désignation de ces mécanismes relève de la compétence des cantons. Dans tous les cantons et à tous les niveaux, la justice est indépendante. Pour cette raison, plusieurs cantons n’ont pas prévu de mécanisme spécial chargé d’examiner les plaintes déposées contre des policiers. Dans le système en place, les plaintes sont traitées par un juge d’instruction ou par le procureur. Dans plusieurs cantons, au lieu d’être d’abord examinée par la police, la plainte est directement transmise au juge d’instruction. Dans d’autres cantons, les victimes peuvent s’adresser à un ombudsman. Des mécanismes indépendants existent dans les cantons de Genève, de Zurich et de Fribourg.

46.L’indemnisation des victimes de mauvais traitements est réglementée par la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions. La victime peut être indemnisée pour des frais médicaux, des frais juridiques et certains dommages matériels, dont la perte de gain et les frais d’obsèques. Les dommages matériels ne sont pas remboursés. Une réparation morale est accordée lorsque la victime ou ses proches ont subi une atteinte grave du fait de l’infraction. Mme Ehrich cite quelques exemples d’indemnités qui ont été versées (d’un montant allant de 8 000 à 70 000 francs suisses) mais dit ne pas avoir trouvé trace d’atteintes causées par des membres des forces de l’ordre.

47.En réponse à une question portant sur la manière dont la victime est informée de son droit à être indemnisée, Mme Ehrich dit que la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions prévoit que, dès la première audition, la police donne aux victimes des informations sur les aides disponibles. La police leur fournit également les adresses des centres auprès desquels elles peuvent trouver de l’aide. Si la victime y consent, les services de police transmettent son nom et son adresse à un centre de consultation.

48.L’idée qui sous-tend l’initiative sur le renvoi d’étrangers ayant commis une infraction grave est que les étrangers qui commettent certains délits ou perçoivent abusivement des prestations sociales doivent être privés de leur droit de séjour et expulsés. La marge d’appréciation des autorités pour ordonner une telle mesure doit être supprimée.

49.Les critères de validité d’une initiative populaire sont fixés par la Constitution. L’un d’entre eux consiste à s’assurer que l’initiative respecte les règles impératives du droit international, en d’autres termes, le jus cogens, dont fait partie le principe de non-refoulement. Avant de se prononcer sur la question de la validité de l’initiative susmentionnée, le Conseil fédéral a donc examiné si elle était compatible avec le principe de non-refoulement. Il a estimé qu’elle pouvait être interprétée de telle manière qu’elle ne contredisait pas ce principe. D’abord, ce principe ne donne pas droit au séjour et protège seulement contre les renvois vers certains pays; ensuite, le principe de non-refoulement peut être pris en considération au stade du renvoi. Une décision contraire à ce principe ne saurait être exécutée.

50.Dans ses conclusions, le Conseil fédéral a aussi constaté que l’initiative était contraire à plusieurs dispositions de la Constitution et du droit international, qui ne sont toutefois pas impératives au sens du jus cogens. En conséquence, il a recommandé le rejet de cette initiative. Pour tenir compte de l’intention des auteurs de l’initiative, il a proposé que les votants puissent choisir entre le texte de l’initiative et une modification de la loi sur les étrangers. La modification proposée va dans le même sens que l’initiative en prévoyant que l’autorisation de séjour soit révoquée si l’étranger a commis un délit d’une certaine gravité. Le projet préserve expressément le principe de la proportionnalité et les normes du droit international. L’initiative et le contre-projet font actuellement l’objet d’un débat au sein du Parlement, à l’issue duquel il sera décidé si l’initiative est jugée valable et peut être soumise au vote.

51.M. Schmocker, en réponse aux questions relatives à l’internement à vie, dit que l’article 123 a) de la Constitution a été approuvé le 8 février 2004. Jugeant cet article imprécis, le Conseil fédéral a décidé d’en préciser le sens en adoptant un décret d’application. Entré en vigueur le 1er août 2008, ce décret prévoit que, pour rendre une décision d’internement à vie, le juge se fondera sur l’avis de deux experts indépendants au moins, que la personne reconnue coupable devra avoir commis l’une des infractions les plus graves visées par le Code pénal comme le meurtre, le viol, la prise d’otage ou le génocide et devra avoir porté – ou tenté de porter – gravement atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui. Elle devra aussi présenter un risque élevé de récidive et être considérée comme durablement «non amendable» dans la mesure où tout traitement semblerait, à long terme, voué à l’échec.

52.L’autorité compétente vérifie, d’office ou sur demande, si de nouvelles connaissances scientifiques pourraient permettre de traiter l’auteur de l’infraction de façon à ce qu’il ne représente plus un danger pour la collectivité. Ces connaissances ne doivent pas seulement exister d’un point de vue objectif, mais pouvoir s’appliquer à la personnalité du délinquant.

53.Un juge peut procéder à la libération conditionnelle d’une personne internée à vie si, pour des motifs d’âge, de maladie grave ou autre, celle-ci ne représente plus de danger pour la collectivité. Dans l’hypothèse où la personne libérée causerait des dommages, l’article 380 a) du Code pénal, qui régit la question de la responsabilité, dispose que c’est la collectivité publique dont relève l’autorité qui répond des dommages causés et les assume. L’action en indemnisation contre les membres de l’autorité est régie par la loi cantonale ou la loifédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires.

54.M. Schmocker dit qu’il est hors de question qu’une peine d’internement à vie soit imposée à un mineur, le Code pénal s’appliquant uniquement aux adultes. Il dit que des peines d’internement ont bien été révisées, mais en application des nouvelles dispositions de la partie générale du Code pénal, pas des dispositions de l’article 123 a) de la Constitution. Certaines peines d’internement à vie ont ainsi été remplacées par un placement dans un centre thérapeutique, tandis que des peines privatives de liberté d’une autre nature ont été maintenues en application de la nouvelle loi. Actuellement, plus aucun détenu n’exécute de peine d’internement à vie en application de l’article 123 a).

55.Pour ce qui est des questions relatives à la procédure pénale et aux différentes formes de détention correspondant aux différents stades de l’enquête, M. Schmocker explique que la première étape consiste à procéder à un bref interrogatoire d’une personne qui n’est pas soupçonnée d’avoir commis l’infraction, dans le but d’établir clairement les circonstances dans lesquelles celle-ci a été commise. La deuxième étape consiste à interpeller la personne fortement suspectée d’en être coupable sans même qu’une requête aux fins de mise en détention n’ait été régularisée par le ministère public. Dès lors, la police peut lancer une enquête préliminaire en vue de déterminer si les soupçons sont fondés ou non. Dans l’affirmative, le suspect doit être immédiatement présenté au ministère public. Dans le cas contraire, il doit être libéré. Dans tous les cas, s’il n’est pas déféré devant un procureur, le suspect doit obligatoirement être libéré à l’issue d’un délai maximum de vingt-quatre heures. Ce délai ne peut en aucun cas être prolongé.

56.Concernant la question de la langue comprise par la personne appréhendée, l’article 219 1) du Code de procédure pénale dispose expressément que la police est tenue d’informer les personnes interpellées des motifs de leur arrestation et de leur notifier leurs droits dans une langue qu’elles comprennent, conformément aux dispositions de l’article 158 du Code de procédure pénale. Si tel n’est pas le cas, la déposition obtenue par la police ne peut être exploitée par le tribunal.

57.Une nouveauté majeure dans le Code de procédure pénale a consisté à conférer aux personnes interpellées le droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès leur arrestation.

58.L’étape suivante est le placement en détention provisoire, qui intervient sur décision du juge, et se poursuit jusqu’au renvoi de l’affaire devant le tribunal. Elle est suivie de la détention pour des raisons d’ordre public, qui débute dès le renvoi de l’affaire devant le tribunal et se poursuit jusqu’à la condamnation. La dernière étape est le placement en détention, une fois la condamnation prononcée.

59.M. Gaye (Rapporteur pour la Suisse) félicite la délégation pour les réponses détaillées qu’elle a apportées aux questions soulevées par le Comité.

60.Pour ce qui est de la définition de la torture, M. Gaye souligne la nécessité pour l’État partie d’ériger la torture en infraction dans son droit interne en vue de garantir l’application effective de la Convention. L’article 10 3) de la Constitution de la Confédération suisse interdit «la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants», tandis que l’article 25 3) consacre le principe selon lequel nul ne peut être refoulé sur le territoire d’un État dans lequel il risque la torture ou tout autre [mauvais] traitement. Les implications pratiques de ces principes doivent toutefois être énoncées dans la législation nationale pour ne laisser aucune place au doute. Par exemple, alors que l’article premier de la Convention fait référence à des souffrances aiguës, physiques ou mentales, la notion de torture psychologique est absente du droit suisse. L’État partie devrait aussi se doter de dispositions que pourrait invoquer un agent de la force publique à qui le supérieur hiérarchique aurait ordonné de commettre un acte contraire à la Convention.

61.M. Gaye croit savoir qu’il est impossible de former un recours en inconstitutionnalité contre une loi adoptée sur la base d’une initiative populaire. Si ces informations sont exactes, des mesures devraient être prises pour garantir la protection des principes constitutionnels.

62.Rappelant que le Conseil fédéral a établi une liste de «pays sûrs» en se fondant sur certains critères, M. Gaye demande si les décisions du Tribunal fédéral en matière de renvoi et d’extradition sont susceptibles d’appel.

63.M. Gaye note avec satisfaction les explications relatives aux conditions d’application de l’article 123 a) de la Constitution. Cela dit, le Comité a appris récemment le décès de M. Skander Vogt, survenu le 11 mars 2010 dans une cellule de la prison du canton de Vaud. M. Vogt, qui a été détenu pendant plus de dix ans sans avoir été condamné pour une infraction pénale grave, est mort asphyxié. Il avait été placé en détention pour une durée indéterminée en application de l’article 123 a) car il avait été jugé dangereux pour la société. Selon son avocate, la procédure au terme de laquelle il avait été placé en détention avait été biaisée.

64.M. Mariño Menéndez (Corapporteur pour la Suisse) salue lui aussi la précision des réponses apportées par la délégation aux interrogations du Comité, ainsi que son grand professionnalisme.

65.M. Mariño Menéndezdemande si la Suisse serait disposée à reconnaître à un ressortissant étranger se trouvant sur son territoire le statut de réfugié qui lui a déjà accordé par un autre État partie à la Convention relative au statut des réfugiés, dans l’hypothèse où ledit étranger ferait l’objet d’une demande d’extradition. En d’autres termes, l’extradition peut-elle être refusée au motif que l’étranger concerné bénéficie du statut de réfugié dans un État tiers?

66.M. Mariño Menéndez croit avoir compris que le Parlement examine actuellement une initiative populaire portant sur l’expulsion d’étrangers jugés dangereux ou ayant commis une infraction grave ou encore abusé des prestations de l’État. Étant donné que le non-refoulement est un principe reconnu par la Constitution, il demande si un étranger expulsé en application d’une décision administrative peut former un recours sur la base de ce principe.

67.Vu la compétence des cantons en matière pénale, M. Mariño Menéndezsouhaite savoir si un canton peut décider, pour des raisons de sécurité, de maintenir en détention des personnes ayant exécuté leur peine. Par exemple, la décision de placement en détention de M. Skander Vogt, décédé dans l’incendie de la prison de Vaud, avait-elle été ordonnée par une instance cantonale ou fédérale?

68.M. Mariño Menéndez souhaite connaître les critères retenus en matière de preuve lorsque le principe du non-refoulement est invoqué devant les tribunaux. Comme en Suisse, faute de disposition juridique spécifique applicable, la question est régie par la jurisprudence, il demande si la jurisprudence existante couvre les situations les plus fréquemment rencontrées. Par exemple, si une partie du territoire du pays vers lequel une personne doit être renvoyée ou expulsée est en proie à un conflit armé, l’intéressé peut-il être renvoyé vers une région du pays exempte de conflit? Lorsque l’intéressé est une femme, le risque qu’elle soit victime de mutilations génitales ou de mariage forcé est-il pris en considération? Qu’en est-il de l’insuffisance des infrastructures médicales dans le pays de destination lorsque l’intéressé est en mauvaise santé? M. Mariño Menéndez demande aussi si une étrangère mariée à un ressortissant suisse et victime de violences familiales peut être autorisée à rester en Suisse après la dissolution du mariage si elle prouve qu’il lui serait difficile de se réintégrer dans la société de son pays d’origine.

69.Il semble que les enquêtes relatives aux plaintes déposées contre des policiers soient menées par des mécanismes différents selon les cantons, comme le juge d’instruction, le ministère public ou l’ombudsman. Le régime de protection est-il plus strict dans certains cantons que dans d’autres, et quelles sont les dispositions juridiques qui s’appliquent dans ce domaine?

70.M me Kleopas dit que la délégation n’a pas répondu à sa question concernant les disparitions de mineurs non accompagnés qui ont fait une demande d’asile. Elle croit savoir que la majorité d’entre eux disparaissent après leur arrivée en Suisse et qu’aucune enquête officielle n’est menée pour les retrouver. Les ONG sont préoccupées par le fait que ces mineurs courent des risques graves, comme l’exploitation par le travail, l’exploitation sexuelle ou la traite, ou encore le trafic de drogue ou la délinquance forcée. Elle demande instamment à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir la protection adéquate de ces enfants.

71.M me Gaer demande en vertu de quelles dispositions juridiques la police peut arrêter l’auteur présumé d’actes de violence familiale, et dans quels cas son action est jugée excessive.

72.M. Bruni se dit préoccupé par le fait que le paiement de frais puisse dissuader les demandeurs d’asile de présenter une demande, pourtant fondée, de révision d’une décision de renvoi. Même s’il comprend que la mesure a vocation à mettre un terme aux abus qui entachent la procédure existante, il s’interroge sur la légitimité d’une mesure qui subordonne l’exercice de droits à la capacité financière.

73.Pour ce qui est de la possibilité d’introduire une initiative populaire portant sur l’expulsion de délinquants étrangers, M. Bruni estime qu’il est difficile de concilier l’expulsion automatique et le jus cogens. Un référendum peut-il être organisé sur une proposition clairement incompatible avec la Constitution?

74.M me Belmir note que l’État partie avait indiqué, dans ses commentaires au sujet des observations finales du Comité sur son rapport précédent (CAT/C/CHE/CO/4/Add.1), qu’un mécanisme indépendant chargé de recevoir et de traiter les plaintes contre les membres de la police existait dans au moins neuf cantons. Il semble que seuls trois cantons soient dotés d’un tel mécanisme à l’heure actuelle.

75.Mme Belmir estime que la durée de la rétention administrative est excessive, notamment pour les mineurs.

76.M. Wang Xuexian demande un complément d’information sur la procédure accélérée. Il souhaite savoir si les observations finales du Comité sont publiées dans toutes les langues officielles de la Confédération.

77.Le Comité est opposé à l’utilisation des pistolets Taser, qui peuvent entraîner la mort et sont parfois utilisés de manière irréfléchie. M. WangXuexian fait référence au cas d’un jeune homme mort sur le champ dans un aéroport canadien après avoir reçu deux impulsions de ce pistolet. Les États parties qui autorisent le recours aux pistolets Taser devraient publier des consignes strictes sur leur utilisation.

78.Le Président demande combien de femmes victimes de la traite ont été autorisées à rester en Suisse sur la base de critères relatifs à leur situation personnelle, et combien ont été renvoyées. Les tribunaux suisses sont-ils compétents pour rendre des décisions sur les critères en question?

79.D’après la délégation, des établissements de formation sont ouverts aux membres des minorités. Le Président demande quelle est la durée des cours de formation dispensés, si des représentants d’ONG et des universitaires y sont associés, et si des cours spécifiques sont prévus pour les Roms. Le Comité apprécierait de prendre connaissance des matériels pédagogiques utilisés.

80.Le Président demande à la délégation de confirmer que les décisions de renvoi ne sont pas uniquement rejetées dans les cas où il y a un risque de torture mais aussi dans ceux où il y a un risque élevé que l’intéressé soit soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

81.M. Stadelmann (Suisse) réaffirme l’engagement de son pays en faveur d’une politique de «tolérance zéro» à l’égard de toutes les formes de torture ou de mauvais traitements. Les observations finales du Comité seront diffusées à toutes les parties concernées.

Le débat résumé prend fin à 12 h 5.