NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.58429 décembre 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 584e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le lundi 17 novembre 2003, à 15 heures

Président: M. Burns

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de la Lituanie

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Lituanie (CAT/C/37/Add.5) (HRI/CORE/1/Add.97)

Sur l’invitation du Président, M. Švedas, M. Rimkūnas, Mme Bernotienè, M. Grebliauskas, Mme Kasputienè et Mme Petrikienè (Lituanie) prennent place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation lituanienne et l’invite à présenter le rapport initial de la Lituanie (CAT/C/37/Add.5).

3.M. ŠVEDAS (Lituanie) dit que l’entrée en vigueur de la Convention contre la torture, en 1996, a déjà eu des effets positifs pour la prévention des actes de torture en Lituanie. Depuis quelques années, la Lituanie poursuit ses efforts visant renforcer la protection des droits de l’homme en adoptant de nouveaux textes législatifs ou en modifiant les textes existants. Par son rang de priorité sur les autres textes législatifs, la Constitution lituanienne permet de donner effet aux principes de la Convention. Les dispositions constitutionnelles interdisant les actes de torture et autres traitements inhumains et dégradants sont mises en œuvre dans les lois pénales et dans divers autres textes législatifs, notamment dans les instruments internationaux auxquels la Lituanie est partie, ainsi que dans divers règlements et recommandations sur le sujet. M. Švedas a le plaisir de signaler que la Lituanie a notamment ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (en 2002), le Protocole no 13 à la Convention européenne des droits de l’homme, la Convention contre la corruption et d’autres instruments internationaux importants. Les nouveaux Code pénal, Code de procédure pénale et Code d’exécution des peines entrés en vigueur récemment induisent également de profonds changements de nature à permettre la mise en œuvre des dispositions de la Convention. Le nouveau Code pénal introduit de nombreuses innovations, notamment la nouvelle qualification d’acte dangereux qui n’emporte que des peines non privatives de liberté ou un emprisonnement de courte durée. Ces nouvelles dispositions ont permis de réduire en six mois la population carcérale, qui est passée de 10 800 à 8 200 détenus, alors que la capacité totale d’accueil des établissements pénitentiaires est de 9 700 détenus. Le nouveau Code de procédure pénale permet une plus grande efficacité des enquêtes et des procès moins longs. En outre, les mesures de coercition qui entraînent une restriction des principaux droits fondamentaux relèvent désormais du pouvoir judiciaire; la politique pénale de l’État devrait être donc plus équilibrée et fonctionner plus efficacement. Le nouveau Code d’exécution des peines dispose que l’exécution des peines est fondée sur les principes de la légalité, de l’égalité des détenus devant la loi, l’humanisme, l’individualisation de l’exécution des peines et de la progressivité des peines.

4.Le Code civil contient des dispositions qui régissent la responsabilité des dommages découlant d’actions illégales des autorités publiques, ainsi que des dommages découlant d’actions illégales des magistrats instructeurs, des procureurs, des juges et des tribunaux. De plus, le Parlement a adopté la loi sur la réparation des dommages découlant d’actions illégales des agents de l’État, loi qui prévoit également des allocations budgétaires aux fins d’indemnisation et en définit l’usage. Il est également possible d’obtenir réparation pour un dommage causé par les agents de l’État par une autre voie que la voie judiciaire, ce qui permet d’accélérer et de simplifier la procédure. Un grand nombre de règlements et de recommandations ont été adoptés afin d’assurer une application efficace des lois pénales (par exemple, un règlement sur les établissements pénitentiaires, une résolution sur les normes à respecter en matière de nutrition pour les personnes en détention provisoire et les prisonniers, une recommandation sur le contrôle de l’application des modalités de la détention provisoire et un code de déontologie pour les fonctionnaires de police).

5.Tous ces changements ont été introduits à titre d’initiatives nationales et pour respecter les obligations internationales. En effet, à la suite de ses visites, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a fait des recommandations pour aider le Gouvernement lituanien à améliorer les différents domaines de sa politique en la matière, ce qui a influencé les réformes. Le Gouvernement lituanien a donné son accord à la publication du rapport sur les visites du CPT et de ses propres réponses. Il y a lieu aussi de mentionner une affaire jugée par la Cour européenne des droits de l’homme, dans laquelle celle-ci a estimé que les conditions générales de détention n’étaient pas contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, mais a conclu à une violation des droits garantis par la Convention européenne pour ce qui est des modalités d’exécution de la fouille dont le requérant avait fait l’objet et de son droit au respect de la correspondance. Suite à cet arrêt, le Gouvernement lituanien a pris les mesures nécessaires pour que de telles atteintes ne se reproduisent pas. En 2002, la Lituanie a élaboré le plan national d’action pour la protection et la promotion des droits de l’homme comme il était recommandé dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, ce qui fait de la Lituanie l’un des premiers pays à appliquer les engagements pris à la Conférence de Vienne.

6.Le Gouvernement ne s’est pas contenté d’adopter des textes législatifs; il a su également mettre en pratique les dispositions existantes en matière de droits de l’homme. Ainsi, en ce qui concerne les voies de recours, toute personne qui s’estime victime d’un crime peut porter plainte auprès de la police ou des services du Procureur, qui ouvrent s’il y a lieu une enquête préliminaire. Toute personne partie à une procédure pénale, civile ou administrative, qui connaît des difficultés financières a droit à l’aide juridictionnelle, quelle que soit sa nationalité. D’importants progrès ont également été accomplis dans le développement d’une structure institutionnelle dans le domaine des droits de l’homme par la mise en place de l’institution du médiateur (médiateur parlementaire, médiateur pour l’égalité des chances entre hommes et femmes et médiateur pour les droits des enfants). La Lituanie compte un très grand nombre d’ONG de défense des droits de l’homme et une unité spécialisée dans la protection des victimes et des témoins a été instituée au Département de police. Les activités quotidiennes des fonctionnaires de police, des procureurs, des personnels pénitentiaires sont régies par des lois et règlements spéciaux. Une attention particulière est accordée à cet égard à la formation des personnels chargés des arrestations, de la détention, des interrogatoires ou du traitement des personnes incarcérées, l’accent étant mis sur les droits de l’homme et notamment l’interdiction et la prévention de la torture. Différents programmes de formation ont été mis en place à l’intention de groupes précis. Désormais, les fonctionnaires pénitentiaires ne peuvent occuper leurs fonctions qu’après avoir suivi une formation, qui comprend notamment un cours sur les règles et principes relatifs à l’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et des Règles pénitentiaires européennes.

7.Un document de 19 pages comprenant des renseignements complémentaires sur l’application des dispositions de la Convention en Lituanie a été remis aux membres du Comité.

8.M. YAKOVLEV (Rapporteur pour la Lituanie) félicite la délégation lituanienne pour la qualité de son rapport initial qui augure favorablement du renforcement du système juridique lituanien et de la pleine application des dispositions de la Convention dans le pays. Il note avec satisfaction la mise en place de l’institution du médiateur et l’adoption de la loi portant création de tribunaux administratifs. Selon certaines sources, ces tribunaux ont examiné 13 000 des 14 000 plaintes reçues; il souhaiterait des informations plus à jour sur la question, et demande quel est le pourcentage de plaintes liées au comportement général de la police et celui des plaintes dues à un abus d’autorité, en particulier dans les lieux de détention provisoire.

9.Il faut relever avec satisfaction que les dispositions des instruments internationaux ratifiés par la Lituanie font partie du droit interne. La Lituanie est aujourd’hui une démocratie indépendante, une économie de marché et un État régi par le droit. Pour savoir comment les institutions judiciaires ont été réformées et structurées depuis l’époque soviétique, en particulier afin de garantir leur indépendance, il est nécessaire d’avoir un complément d’informations sur la constitution des tribunaux, les conditions dans lesquelles les juges sont nommés et peuvent être révoqués, ainsi que sur l’organisation du barreau (anciennement «advokatura»).

10.Le Comité voudrait également savoir si l’administration des lieux de détention provisoire a déjà été transférée du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice et comment la protection des droits des inculpés est garantie, et si les services du Procureur ont été restructurés. En ce qui concerne l’expulsion, le Comité voudrait savoir si la décision d’expulsion est susceptible de recours. La définition de la torture ne semble pas satisfaisante car elle est souvent réduite à la notion d’abus de pouvoir, ce qui n’est pas conforme à l’article premier de la Convention. La torture dépasse de beaucoup le simple abus de pouvoir et doit donc être définie en tant que telle, afin que les auteurs de ce crime puissent être jugés pour ce fait précis.

11.En ce qui concerne la garde à vue et la détention provisoire, il faudrait connaître avec précision la durée maximale pendant laquelle un individu arrêté peut rester détenu par la police avant d’être déféré devant un juge puis, en cas d’inculpation, rester en détention avant d’être jugé.

12.Il serait également intéressant d’avoir de plus amples renseignements sur les activités des médiateurs et de connaître les résultats obtenus. Enfin, M. Yakovlev demande si les autorités lituaniennes ont pris des mesures à la suite des allégations de mauvais traitements dans les établissements pénitentiaires dont le CPT a fait état après sa dernière visite en Lituanie.

13.Mme GAER (Corapporteuse pour la Lituanie) accueille avec satisfaction le rapport initial et les informations complémentaires qui montrent les nombreuses réformes entreprises par l’État partie. Il y a lieu tout d’abord de se féliciter des mesures adoptées pour réduire la surpopulation carcérale et l’introduction dans le nouveau Code pénal d’une nouvelle notion, à savoir le délit correctionnel qui n’emporte pas de peine privative de liberté.

14.Mme Gaer demande des précisions sur la composition et le travail des «équipes de surveillance des locaux de détention de la police et des établissements de police» (par. 129 du rapport), ainsi que sur les mesures prises pour réduire le recours à la coercition dans le cadre des activités de police (par. 130). Elle souhaite également connaître les sanctions encourues par la police si les informations concernant des blessures, voire des décès de son fait, ne sont pas transmises au Procureur.

15.En ce qui concerne la prévention, le Comité voudrait savoir dans quelle mesure l’interdiction de la torture fait partie intégrante de la formation professionnelle des membres des forces de l’ordre et si une formation spéciale est dispensée aux surveillants des établissements pénitentiaires, afin d’humaniser leurs relations avec les détenus.

16.À propos de l’article 11 de la Convention, Mme Gaer relève qu’au paragraphe 144 du rapport à l’examen, il est indiqué que lorsqu’un délinquant sortant d’un poste de police déclare par écrit qu’il a fait l’objet de coercition, diverses mesures doivent être prises à son sujet; or, les personnes qui sont censées prendre ces mesures ne sont jamais mentionnées, alors que c’est un point important qu’il serait souhaitable d’élucider. Par ailleurs, à l’alinéa b du paragraphe 150, il est indiqué qu’«il est interdit de soumettre à la torture un détenu qui n’a pas été jugé»: existe‑t‑il une disposition analogue pour les prisonniers qui ont été jugés et purgent leur peine, et pour les personnes placées dans des établissements psychiatriques d’État et autres institutions? Le premier rapport du CPT préconisait l’adoption d’un code de conduite des interrogatoires par la police, et les autorités lituaniennes ont indiqué qu’il allait être donné suite à cette suggestion en 2002: où en est ce projet? Par ailleurs, le Comité a été avisé que les personnes arrêtées ont accès à un avocat: est-ce le cas dès le moment de l’arrestation, ou seulement une fois que celle‑ci a été entérinée par le juge? Dans le même ordre d’idées, il semble qu’un examen médical peut être ordonné immédiatement par le Procureur: le terme «immédiatement» désigne-t-il le moment de l’arrestation ou celui où le placement en détention est avalisé par le juge? Qu’advient‑il si le Procureur n’ordonne pas cet examen? Toujours à propos de l’accès à un avocat, à un médecin et aux proches, le premier rapport du CPT soulignait que les avocats commis d’office s’intéressent fort peu à la façon dont sont traités leurs clients: il faudrait donc savoir si des mesures ont été prises pour améliorer cette situation, par exemple dans le cadre du nouveau et intéressant programme d’aide juridictionnelle évoqué par la délégation.

17.À propos des articles 12 et 13 de la Convention, le CPT a reconnu que des améliorations sensibles avaient été apportées mais a signalé que certains des détenus avec lesquels il avait parlé avaient fait état de mauvais traitements si brutaux, notamment lors d’interrogatoires menés dans les locaux de la police, qu’on pouvait les assimiler à la torture: c’est là un langage rarement utilisé par le CPT et qu’il faut prendre au sérieux. Le Comité a été informé du nombre de personnes mises en accusation et jugées coupables de tels actes en 2000 et 2001 (13 et 14 personnes accusées, 10 et 6 reconnues coupables respectivement): la délégation dispose‑t‑elle de statistiques plus récentes et pourrait‑elle préciser quelles sanctions ont été prises à l’encontre des personnes jugées coupables?

18.Il est indiqué dans le rapport à l’examen qu’un Service d’investigation interne du Département de la police du Ministère de l’intérieur exerce des fonctions de prévention et d’enquête: Mme Gaer voudrait savoir en quoi cette instance diffère de l’ancienne procurature du système soviétique, si elle est appelée à examiner des cas impliquant ses propres fonctionnaires, et comment son indépendance et son efficacité sont assurées dans la pratique. Par ailleurs, comme il existe des médiateurs qui peuvent recevoir des plaintes individuelles elle souhaiterait savoir quels sont leurs rapports avec ledit service et avec l’administration des prisons?

19.Il ressort des chiffres fournis au paragraphe 170 du rapport (CAT/C/37/Add.5) que, depuis l’instauration de la nouvelle procédure de dépôt de plaintes pour mauvais traitements, le nombre de ces plaintes a doublé: comment s’explique cette augmentation? Il est précisé que les plaintes sont désormais acheminées sans que l’administration de l’établissement pénitentiaire concerné puisse en prendre connaissance comme c’était le cas auparavant. Or il est indiqué dans le rapport que ces nombreuses plaintes étaient souvent infondées: est‑ce toujours le cas? Toujours à propos de l’article 13 de la Convention, il serait utile de savoir comment la Lituanie fait en sorte que les plaintes pour mauvais traitements infligés dans l’armée soient instruites de façon indépendante. D’autre part, il est précisé au paragraphe 173 du rapport à propos du Service de protection des témoins et des victimes, dont la création a été une heureuse initiative, qu’un dispositif permettant de déposer anonymement a apparemment été mis en place, ce qui présente certes des avantages du point de vue du témoin, mais de graves inconvénients pour l’accusé: quels enseignements la Lituanie tire-t-elle à ce jour de cette expérience?

20.Il est indiqué dans le rapport, au sujet de l’article 15 de la Convention que l’utilisation de preuves obtenues par la torture et les mauvais traitements est totalement proscrite, mais aucune donnée concrète n’est fournie à ce sujet, et Mme Gaer aimerait des détails sur la façon dont cette interdiction prend effet. Enfin, à propos de l’article 16, le Comité des droits de l’homme et d’autres organes créés en vertu des traités ont déjà fait part de leurs inquiétudes au sujet de l’usage excessif de la force à l’égard des recrues dans l’armée. Il serait utile de savoir si les autorités se sont penchées sur ce problème et si elles ont pris des mesures pour prévenir ces mauvais traitements et punir les coupables, et si des ONG sont associées à ces efforts, comme c’est le cas dans d’autres pays.

21.Il semble que de grands progrès ont été accomplis en ce qui concerne le surpeuplement des prisons. Dans le passé, il avait été signalé que des femmes étaient incarcérées avec des hommes, des mineurs avec des adultes, etc. Il serait intéressant de savoir où sont désormais détenues les prisonnières, comment elles sont gardées, quelles possibilités de porter plainte sont à leur disposition; des statistiques seraient bienvenues. La question des violences entre prisonniers est aussi posée; le CPT a pu dire que les détenus vivaient dans la peur et qu’on les mettait parfois au contact de prisonniers violents dans le but de les rendre plus dociles. La question des violences sexuelles en prison doit aussi retenir l’attention. Une surveillance est‑elle assurée dans les prisons afin d’éviter les violences entre prisonniers et y a‑t‑il eu des progrès à cet égard?

22.Mme Gaer souhaiterait avoir quelques informations sur les personnes retenues au Centre d’immatriculation des étrangers de Pabrada sous l’autorité de la police des frontières: en particulier, elle voudrait savoir quelle formation ces policiers ont reçue au sujet de la torture et des mauvais traitements. D’utiles données chiffrées sont fournies aux pages 9 et 10 du rapport à l’examen et la délégation en a fourni de plus récentes, d’où il ressort notamment que nombre de personnes expulsées sont apatrides et que beaucoup sont russes: celles‑ci ont‑elles été expulsées à leur entrée sur le territoire ou après avoir vécu en Lituanie et fait des démarches pour régulariser leur situation? Il serait utile au demeurant de disposer, pour 2003, de données sur la population étrangère expulsée ventilée par nationalité, mais aussi par sexe et par âge. Enfin, il serait précieux de savoir si de nouvelles dispositions ont été prises pour protéger les personnes hospitalisées, de leur plein gré ou non, dans des établissements psychiatriques.

23.M. RASMUSSEN félicite également la délégation pour les renseignements exhaustifs qu’elle a donnés. Ainsi qu’il a déjà été souligné, le CPT a fait état, à l’issue de sa première visite en Lituanie, de l’existence de mauvais traitements assimilables à de la torture infligés pendant la garde à vue. Or, il semble qu’à l’époque où la délégation du CPT s’est rendue sur place, de sensibles améliorations avaient déjà été apportées, les allégations crédibles de brutalité extrême étant devenues moins fréquentes. La Lituanie a rapidement donné suite de façon très satisfaisante aux recommandations du CPT tendant à dispenser une formation aux policiers et à les initier aux techniques de communication. Le Ministère de l’intérieur a apparemment mis en place des sessions de formation de quatre jours à l’intention des officiers de police. En outre, on a appris que les plus hautes instances envisageaient de créer un établissement d’enseignement supérieur non universitaire destiné à dispenser une formation pratique à des policiers à tous les niveaux de la hiérarchie. La décision de créer cet établissement n’a pas encore été prise, mais il s’agit d’un projet extrêmement intéressant dont il n’est pas question dans le rapport CAT/C/37/Add.5; M. Rasmussen espère qu’il n’a pas été abandonné. Par ailleurs, il souhaiterait savoir si les médecins apprennent à déceler les cas de torture et dans l’affirmative, il aimerait avoir des détails à ce sujet.

24.À propos de l’article 11 de la Convention, le Comité note qu’il existe en Lituanie des centres de détention de la police aussi peu satisfaisants que ceux qui existent dans certains pays voisins. Ces centres sont au nombre de 48, dont la moitié se trouvent dans des locaux enterrés ou semi‑enterrés; 14 ne reçoivent pas de lumière naturelle, 9 ne sont dotés d’aucun système de ventilation, 15 ne fournissent aux détenus ni matelas, ni literie, 7 n’ont pas de douche, 20 n’ont pas de parloir permettant de recevoir des visites, etc. Le CPT a fait un certain nombre de recommandations à ce sujet, demandant notamment qu’un minimum d’hygiène soit rendu possible, faute de quoi les conditions faites aux détenus dans ces centres pourraient être assimilées à des traitements cruels, inhumains et dégradants. Bien entendu, il n’est pas possible de changer une telle situation du jour au lendemain, mais M. Rasmussen voudrait savoir si des progrès ont été faits dans le sens des recommandations du CPT. Cette question est à rapprocher du problème du surpeuplement carcéral, que la Lituanie a fait d’immenses et louables efforts pour résoudre en diminuant le nombre de détenus par l’octroi de grâces, le raccourcissement des peines et le recours à des peines de remplacement. Mais le surpeuplement et les conditions matérielles dans les prisons continuent de laisser à désirer, ce qui est d’autant plus préoccupant que la tuberculose y fait des ravages. Il ressort du rapport d’une mission d’experts qui s’est rendue en Lituanie en mars 2003 − à laquelle les autorités lituaniennes ont d’ailleurs réservé un bon accueil − que si la proportion des cas de tuberculose dans la population générale est de 7 pour 10 000, elle est de 100 pour 10 000 dans les prisons. Cela est d’autant plus grave qu’il s’agit de formes multirésistantes de la maladie. Or les conditions dans lesquelles les détenus sont regroupés dans les centres de détention de la police, sans doute sans dépistage préalable, sont alarmantes, même si dans les établissements pénitentiaires les directives de l’OMS en la matière semblent maintenant appliquées.

25.Un médiateur spécial a été nommé pour répondre aux besoins des mineurs, ce qui est une excellente mesure. Mais d’après un récent rapport de ce médiateur, 75 % des mineurs en attente de jugement passent quatre mois en détention et ce, dans des maisons d’arrêt: M. Rasmussen voudrait avoir l’assurance qu’ils sont séparés des détenus adultes et apprendre quels types d’établissements pour mineurs existent en Lituanie. Enfin, il appuie sans réserve le point de vue de Mme Gaer selon lequel le procureur ou le juge, dès qu’il a connaissance d’une allégation de mauvais traitements par la police, doit demander à un médecin d’examiner la victime présumée, qu’elle soit ou non porteuse de signes de violence.

26.M. MAVROMMATIS tient à remercier la délégation de la façon dont elle a présenté le rapport initial ainsi que des informations complémentaires qu’elle a fournies. Le document de base (HRI/CORE/1/Add.97) est quant à lui assez succinct et devrait probablement être mis à jour à bref délai. Il convient de souligner les progrès considérables accomplis par la Lituanie depuis l’indépendance, c’est‑à‑dire en fort peu de temps.

27.M. MARIÑO MENÉNDEZ félicite l’État partie pour le contenu de son rapport initial et pour les utiles informations apportées au cours des débats. M. Yakovlev a déjà fait allusion à la question de la place de la Convention dans le droit interne lituanien. Il ressort du paragraphe 19 du rapport à l’examen et des informations complémentaires fournies par la délégation que la Convention est directement applicable en Lituanie, dont le système est moniste. Si tel est le cas, la définition de la torture donnée dans la Convention y aura valeur de norme, si bien que le problème se posera avec moins d’acuité dans l’avenir. M. Mariño Menéndez relève qu’au paragraphe 48 du rapport CAT/C/37/Add.5, dans sa version espagnole, il est question de «torturas crueles» alors qu’il faudrait parler d’actes de cruauté, la torture étant cruelle par définition; il s’agit probablement là d’un simple problème de forme.

28.Dans les informations complémentaires mises à la disposition du Comité, il est dit que les tribunaux lituaniens tiennent compte des décisions du Comité des droits de l’homme; prendrait‑il également en considération, le cas échéant, les décisions du Comité contre la torture? En d’autres termes, s’agit‑il d’une règle ou d’une simple pratique judiciaire? Enfin, au paragraphe 37 du rapport à l’examen, il est indiqué que lorsqu’il prend la décision d’expulser un étranger, le Département des migrations s’assure qu’il ne sera pas persécuté dans l’État dans lequel il est expulsé: on peut se demander si la notion de persécution, qui est au cœur de cette disposition, suffit à couvrir tous les cas possibles de torture.

29.Il est dit au paragraphe 87 du rapport qu’en vertu de l’article 6 du Code pénal, la loi pénale lituanienne peut être appliquée à d’autres personnes [que les citoyens lituaniens et les résidents permanents] qui commettent une infraction à l’étranger si cette infraction est qualifiée de crime et punie par la loi du pays où elle a été commise et par la loi lituanienne. Cette disposition confère-t-elle aux tribunaux lituaniens une compétence universelle pour connaître des affaires ayant trait à des actes de torture commis à l’étranger par des étrangers?

30.Enfin, relevant que la Lituanie a adhéré à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, M. Mariño Menéndez suppose qu’elle a également adhéré à la Convention de Vienne sur les relations consulaires. À ce sujet, il demande si les autorités lituaniennes sont tenues par la loi d’informer les fonctionnaires consulaires lorsque des poursuites ont été engagées contre un étranger devant les tribunaux lituaniens, en particulier au pénal, et si la personne concernée peut bénéficier de l’assistance consulaire.

31.M. GROSSMAN, notant que les instruments internationaux qui ont été ratifiés par le Parlement font partie intégrante du système juridique de la République de Lituanie, demande si les dispositions de la Convention contre la torture sont directement applicables et peuvent être invoquées devant les tribunaux lituaniens.

32.Le PRÉSIDENT demande si le médiateur parlementaire est habilité à examiner les allégations de torture lorsque la victime estime que les autorités compétentes n’ont pas traité l’affaire de manière adéquate. Il se félicite de la création du Service de protection des témoins et des victimes au sein du Bureau de police criminelle et fait observer que celui-ci devrait être amené à jouer un rôle important face à la criminalité organisée. À ce propos, il s’interroge sur l’ampleur de ce phénomène en Lituanie.

La délégation lituanienne se retire.

La première partie (publique) prend fin à 16 h 30.

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