NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.84111 Novembre 2008

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarante et unième session

COMPTE-RENDU ANALYTIQUE (PARTIEL)*DE LA 841e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 5 novembre 2008 à 15 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (SUITE)

Deuxième rapport périodique de la Lituanie (suite)

La séance est ouverte à 15h05

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique de la Lituanie (suite)

(CAT/C/LTU/2; CAT/C/LTU/Q/2 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.97)

1.Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation lituanienne prennent place à la table du Comité.

2.LE PRÉSIDENT invite les membres de la délégation à répondre aux questions formulées par les membres du Comité lors de la séance précédente.

3.Mme GUSAUSKIENE (Lituanie) indique que, bien que le Code pénal n’inclue pas de définition formelle de la torture, il comprend néanmoins plusieurs articles en vertu desquels les personnes reconnues coupables d’actes de torture sont punies. De plus, une définition détaillée du terme « torture », parfaitement conforme à la Convention est déjà adoptée dans le cadre de la jurisprudence de la Cour suprême. Le traitement inhumain des personnes est considéré comme une circonstance aggravante et la législation lituanienne prévoit le refus d’obéir aux ordres d’un supérieur conduisantà la torture ou à toute autre forme de traitement inhumain. En 2005, le Ministère de l’intérieur a enregistré trois abus d’autorité de la part d’officiers de police. L’un d’eux a été reconnu coupable et il s’est vu interdire l’exercice de ses fonctions au sein de la police pendant deux ans. Trois autres affaires de ce type ont été observées en 2006, deux en 2007 et une en 2008, jusqu’à ce jour. L’article 29 de la Constitution interdit toute forme de discrimination et un amendement du Code pénal a récemment été adopté afin de majorer les sanctions en cas de discrimination.

4.Les dispositions constitutionnelles garantissent aux détenus le droit d’avoir recours à un avocat dès le moment de leur arrestation et en détention. Des dispositions similaires sont incluses dans le Code de procédure pénale, stipulant que les juges et les officiers de police sont tenus d’assurer le droit de défense de tout suspect ainsi que son droit à contacter un membre de sa famille ou toute autre personne, y compris son employeur. En cas de détention d’un citoyen étranger, les représentants chargés de faire respecter la loi sont tenus de le notifier au Ministère des affaires étrangères, à l’ambassade ou au consulat du pays dont est originaire ce citoyen. Le Gouvernement lituanien respecte ces exigences et veille à l’application des garanties procédurales pour tous les détenus.

5.M. TRUNOVAS (Lituanie), concernant la procédure d’asile, indique que les lois en vigueur en Lituanie sont parfaitement conformes aux normes légales internationales. Les décisions visant à accorder l’asile à des citoyens étrangers sont arrêtées par le Service des migrations dépendant du Ministère de l’intérieur. Les demandeurs d’asile bénéficient d’une série de droits incluant le placement dans la structure d’hébergement d’un centre d’enregistrement, le traitement des démarches administratives nécessaires, l’accès à un interprète, l’enseignement et le soutien financier. Le Service des migrations est tenu de répondre à toute demande d’asile dans un délai de 48 heures.

6.Le Bureau d’enregistrement des étrangers est destiné aux personnes détenues légalement en vue de vérifier leur identité et les circonstances de leur arrivée et de les renvoyer vers leur pays d’origine. Par ailleurs, les centres de réfugiés offrent un abri et des services sociaux aux personnes bénéficiant du statut de réfugié. Le délai d’examen d’une demande du statut de réfugié est fixé à trois mois mais peut être prolongé jusqu’à six mois maximum. Si une personne quitte un centre pour réfugiés et qu’elle n’y retourne pas au cours des 24 prochaines heures, les autorités suspendent toute aide financière ou autre conformément à la législation en vigueur. Dans le cas d’un afflux important de demandeurs d’asile, le Gouvernement lituanien peut décider d’octroyer un droit d’asile temporaire pour une période d’un an, susceptible d’être prolongée d’une année supplémentaire. Les réfugiés sont intégrés dans la société lituanienne et reçoivent des aides publiques dans des domaines tels que l’éducation, l’emploi, le logement, la protection sociale et la santé.

7.Les étrangers peuvent être placés en rétention par la police pendant 48 heures maximum. Cette période peut être prolongée uniquement par une décision du tribunal et les étrangers peuvent être détenus uniquement dans le Bureau d’enregistrement des étrangers. Si l’individu ne constitue aucune menace pour la sécurité publique, le tribunal peut adopter des mesures de substitution à la rétention; dans le cas d’un mineur d’âge non accompagné, des règles spécifiques sont appliquées. La Lituanie respecte le principe de non refoulement des demandeurs d’asile. Par conséquent, aucun individu n’a été renvoyé vers un pays où il risquait d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les cas impliquant des personnes représentant une menace pour la sécurité publique font l’objet d’un examen minutieux, conformément aux critères généraux et différentes options sont envisagées afin de les expulser dans un pays où elles ne risquent pas de subir de mauvais traitements.

8.Mme MILASIUTE (Lituanie) pense que les membres du Comité pourraient être intéressés d’apprendre que, dans l’affaire Batalov contrela Lituanie, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu qu’il n’y avait pas eu de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme prohibant la torture. M. Batalov a obtenu un permis de séjour pour des motifs humanitaires et il n’a pas été expulsé de Lituanie, en dépit du fait qu’il représentait une menace pour la sécurité publique.

9.M. TRUNOVAS (Lituanie) observe que le Bureau d’enregistrement des étrangers se compose de deux bâtiments, afin de séparer les structures d’hébergement des hommes et celles des femmes. La journée, les résidents peuvent se déplacer librement mais la nuit, un couvre-feu est instauré et des gardiens veillent au maintien de l’ordre. De plus, les résidents peuvent demander de l’aide à tout moment. Ce Bureau comprend un cabinet médical, une cafétéria qui propose trois repas par jour et, depuis janvier 2008, un travailleur social et un psychologue. En 2007, le Bureau a hébergé 143 individus. Le nombre moyen de résidents est de 28 et la durée moyenne de leur séjour est de 40 jours. Actuellement, le Bureau accueille 32 résidents.

10.Mme MILASIUTE (Lituanie) affirme que les étrangers sont protégés contre la torture par la Constitution. Conformément à l’article 18 de la Constitution, les droits de l’homme constituent des droits inhérents et conformément à l’article 29, tous les citoyens sont égaux devant la loi. Bien que la Lituanie n’ait pas signé la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe, elle a signé la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que d’autres traités des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, prévoyant la protection de tous les individus au sein de la juridiction de l’État partie. Tous les traités ratifiés par la Lituanie ont été incorporés dans la législation nationale.

11.Mme GUSAUSKIENE (Lituanie) poursuit en affirmant que, conformément à l’article 20 du Code pénal, toute information obtenue par la violence physique ou psychique n’est pas recevable devant les tribunaux lituaniens. Cette disposition s’applique de la même manière aux lituaniens et aux étrangers.

12.Le droit de la défense est garanti par la Constitution et le Code pénal, et ce, dès l’interrogatoire. Il existe deux catégories d’assistance juridique : la première vise à fournir une aide pratique et des conseils juridiques afin de compléter les documents et les formulaires requis et la seconde, à se faire représenter au cours des procédures administratives ou judiciaires. L’État a mis en place un système d’aide pour ceux qui n’ont pas les moyens de se faire assister d’un avocat. Il prend à sa charge la totalité des frais de justice lorsque les revenus annuels de l’intéressé ne dépassent pas 8 000 litai (LTL) ou la moitié, si ses revenus sont égaux ou inférieurs à 12 000 LTL. En 2007, 230 personnes ont bénéficié de la première catégorie d’assistance, à l’instar de 150 individus, à ce jour, en 2008. La plupart étaient des femmes.

13.Environ 35 000 personnes ont reçu une assistance relevant de la deuxième catégorie en 2007, tout comme 25 000 autres au cours du premier semestre 2008. Ces chiffres peuvent sembler élevés mais ils incluent les prévenus, ainsi que les individus en cours de jugement, purgeant une peine et dans l’attente des résultats d’une procédure en appel.

14.M. KAZLAUSKAS (Lituanie) observe que les fonds publics alloués au titre de l’assistance juridique se sont avérés suffisants jusqu’à présent et qu’il n’y a aucune raison pour que des problèmes pointent à l’horizon.

15.Mme GUSAUSKIENE (Lituanie) rappelle que l’assistance juridique publique repose sur le montant des revenus. Les personnes qui purgent aujourd’hui une peine de prison ou qui sont en détention ont complété leur déclaration de revenus elles-mêmes; ce problème est sur le point d’être résolu puisque nous avons créé une base de données centralisées pour les déclarations de revenus.

16.La rétention et la détention provisoire sont autorisées uniquement au titre de certains motifs clairement définis par la législation. La détention vise à empêcher la perpétration de délits administratifs et à assurer le traitement rapide des affaires. Elle peut être prononcée uniquement par un fonctionnaire dûment autorisé par l’État. Les motifs de la détention doivent être consignés et sont soumis au principe du double degré de juridiction. En application de l’article 272 du Code de justice administrative, les personnes détenues aux fins d’une procédure judiciaire doivent être assistées d’un avocat. En juin 2005, toutefois, la Cour suprême a jugé que ces personnes devaient bénéficier d’une assistance juridique à un stade plus précoce. En outre, si elles ne sont pas assistées au cours de la procédure, les preuves avancées sont réputées irrecevables.

17.La durée maximale de la détention provisoire est de 30 jours. Si une procédure en appel peut être engagée dans le cas d’une détention provisoire, elle n’a pas pour effet de mettre un terme à cette dernière; toutefois, dans certains cas, la détention provisoire peut être différée.

18.M. KAZLAUSKAS (Lituanie) rappelle que deux nouveaux codes, le Code de justice administrative et le Code de procédure administrative, sont en cours d’élaboration.

19.M. LAURINENAS (Lituanie) affirme qu’il existe bien une législation régissant la détention provisoire; toutefois, la Pretrial Detention Act (Loi sur la détention provisoire) de 1996 a été modifiée et une nouvelle version devrait entrer en vigueur en avril 2009. Si la Loi de 2006 n’autorisait pas le recours à la torture ou à toute autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, la nouvelle législation interdit explicitement de tels actes. Elle octroie aux détenus davantage de droits, comme la possibilité de téléphoner à un proche et définit une procédure de plainte selon laquelle tout détenu doit recevoir une réponse écrite dans un délai de 14 jours s’il dépose une plainte pour mauvais traitement.

20.Alors qu’il fournit des statistiques sur les prisons et les établissements de détention, il précise que la prison de Vilnius compte 950 détenus, parmi lesquels 215 purgent une peine et 79 sont condamnés à la réclusion à perpétuité. Le taux d’occupation actuel est de 110 %. On dénombre 555 prisonniers au sein de l’établissement pénitencier de Siauliai, où le taux d’occupation s’élève à 125 %. La prison de Kaunas a été rénovée en 2004 et est parfaitement conforme aux normes européennes pertinentes. Néanmoins, elle accueille plus de prisonniers qu’elle ne dispose de places puisque le taux d’occupation s’élève à 138 %.

21.L’hôpital de cet établissement accueille des patients provenant de différents centres de détention et est également surpeuplé. On dénombre actuellement 140 patients (soit un taux d’occupation de 117 %).

22.La violence en milieu carcéral constitue, en effet, un véritable problème. Deux meurtres ont été commis en 2004 mais aucun en 2008, jusqu’à ce jour. En 2004, on a enregistré 142 cas de sévices et 66 en 2008, à aujourd’hui. Une enquête pénale est menée pour chaque cas de violence en prison, non pas par le personnel pénitentiaire, mais par les services du Procureur. En 2008, 36 enquêtes pénales ont ainsi été conduites. L’intervenant n’a reçu aucune information sur les mesures disciplinaires ou de sanctions imposées à l’encontre des auteurs de violence.

23.Un programme exhaustif est en cours d’élaboration afin d’enrayer toute forme de violence en milieu carcéral et devrait être mis en œuvre prochainement. Ce programme vise à optimiser les dispositions légales nécessaires et les conditions de détention, par exemple, en réduisant le nombre de prisonniers par cellule de 20 à un maximum de 8. De meilleures opportunités de travail pour les détenus, l’amélioration des compétences professionnelles du personnel pénitentiaire et l’implication de la société civile dans la réhabilitation sociale des prisonniers figurent notamment parmi les autres objectifs.

24.Au 1er octobre 2008, on comptait 175 détenus handicapés; ils ne font pas l’objet d’actes de violence particuliers. Ils bénéficient d’un traitement et d’installations de meilleure qualité en prison et dans les centres de détention, par exemple, en termes de nourriture et d’espace. Une enquête récente réalisée auprès des prisonniers handicapés montre qu’ils ne souhaitent pas être placés dans un bloc séparé.

25.En réponse à une question portant sur les règles régissant les conditions sur son lieu de détention, il a répondu que ces règles étaient contenues dans le Règlement d’ordre intérieur des établissements pénitentiaires et le Règlement d’ordre intérieur des maisons d’arrêt. La réglementation précédente a été adoptée par le Ministère de la justice en 2003 et modifiée six fois entre 2003 et 2007. Deux de ces amendements concernaient la confidentialité des conversations téléphoniques avec les membres de la famille et le droit pour les détenus de recevoir la visite de leur conjoint ou partenaire. Les règlements relatifs aux maisons d’arrêt ont été adoptés en 2001 et modifiés deux fois entre 2004 et 2007. L’un de ces amendements abroge un règlement interdisant aux prisonniers d’utiliser leur lit pendant la journée. En 1999, le Ministère de la santé a adopté des normes spéciales en matière d’hygiène. Les prisonniers accueillis dans des établissements ouverts au sein desquels ils ont un accès illimité aux cuisines, aux bibliothèques et aux autres infrastructures disposent chacun d’un espace de 3 mètres carrés minimum. Les détenus confinés dans leur cellule ont droit à 5 mètres carrés et ceux placés dans les services hospitaliers, à 7 mètres carrés.

26.Il existe une maison d’arrêt pour mineurs d’âge et un établissement pénitentiaire pour les mineurs d’âge condamnés à une peine privative de liberté. La première structure compte actuellement 75 détenus alors que sa capacité d’accueil est de 108 et présente donc un taux d’occupation de 70 %; les chiffres correspondants pour la seconde sont de 110 et 150, soit un taux d’occupation de 74 %. Dans certains cas, les mineurs d’âge sont maintenus dans la maison d’arrêt pour adultes de Vilnius dans l’attente qu’une décision définitive soit arrêtée dans le cadre de leur affaire. Ils sont hébergés dans un bâtiment séparé, au sein duquel un étage est réservé aux femmes. Les mineures d’âge déclarées coupables sont placées dans un autre bloc avec les femmes adultes qui purgent une peine. Ce bâtiment est prévu pour contenir 408 prisonniers; or, il héberge en moyenne 250 femmes, soit un taux d’occupation de 60 %. On compte aujourd’hui deux mineures d’âge en son sein et le nombre maximum jamais atteint est de quatre.

27.M. TRUNOVAS (Lituanie) répondant à une question relative à l’état d’urgence, indique que lorsque celui-ci est décrété, les individus doivent emporter avec eux leur pièce d’identité. Dans le cas contraire, ils sont susceptibles d’être retenus pendant 24 heures afin de vérifier leur identité et condamnés à une amende d’un montant pouvant aller de 30 à 300 euros. Cependant, comme la Lituanie n’a jamais déclaré l’état d’urgence, cette disposition n’a jamais été mise en œuvre.

28.M. LAURINENAS (Lituanie) rappelle qu’il existe uniquement 15 sites de détention en Lituanie: 3 maisons d’arrêt, 9 établissements pour les personnes condamnées par la justice, y compris un établissement ouvert, une prison pour mineurs d’âge et deux centres médicaux, le premier étant destiné aux prisonniers atteints de tuberculose et le second, faisant office d’hôpital général. La capacité d’accueil globale de ces établissements s’élève à 9 062 places alors qu’on en compte aujourd’hui environ 7 800. Le phénomène de surpopulation est observé uniquement dans les maisons d’arrêt et l’hôpital général.

29.En 2004, le Gouvernement a adopté un programme visant à améliorer les conditions carcérales, en procédant principalement à la rénovation des installations. Les conditions dans les maisons d’arrêt de Vilnius et de Siauliai ont évolué positivement grâce à l’ouverture d’une nouvelle maison d’arrêt à Kaunas en 2004. En 2008, la prison de Vilnius accueille 950 détenus au maximum contre 1 200, en 2004. En outre, en 2004, un bâtiment séparé a été construit pour les détenus condamnés à une peine de courte durée dans le centre de Marijampole. À Vilnius, un centre de détention a été rénové dans une ancienne caserne et constitue aujourd’hui un établissement ouvert pouvant accueillir 120 détenus. Certains prisonniers ont été transférés dans ce centre et l’ancien établissement ouvert a été transformé en prison ordinaire d’une capacité d’accueil de 430 places. Un bloc spécial est prévu pour les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité. Le Comité européen pour la prévention de la torture a recommandé la réalisation de travaux de rénovation d’un bâtiment carcéral de Vilnius, qui abritait auparavant une communauté religieuse. Septante-sept des 110 cellules de la maison d’arrêt de Siauliai ont été remises à neuf. Le Ministère de la justice et la Direction de l’administration pénitentiaire ont élaboré une stratégie à long terme (2008-2030) couvrant tous les établissements, qui a été approuvée par le Gouvernement en mars 2008. Lors de la première phase, qui doit s’achever en 2012, il est prévu de construire un hôpital (350 détenus), une prison (400 détenus) et une maison d’arrêt (1 400 détenus). D’autres bâtiments ne répondant pas aux normes prescrites devraient alors être fermés. Des plans de bâtiments ambitieux sont également prévus pour la phase suivante.

30.M. TRUNOVAS (Lituanie), répondant à une question sur la traite des êtres humains, indique que des mesures importantes ont été prises pour enrayer ce problème et ses conséquences. Une stratégie nationale a été adoptée et un cadre juridique de base répondant aux normes des Nations Unies, de l’Union européenne (UE), d’INTERPOL et de l’Office européen de police (Europol) a été défini. En juin 2008, le Code pénal a été modifié afin d’inclure, outre la responsabilité des personnes physiques, celle des sociétés. En février 2008, la Lituanie a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et le Parlement examine actuellement la législation afin de prévoir une indemnisation pour les victimes de ce trafic. En 2006, le Parlement a modifié la législation relative au statut juridique des étrangers de sorte que les victimes de la traite des êtres humains puissent rester en Lituanie afin de collaborer avec les services autorisés et obtenir toute l’aide nécessaire. Au cours des quatre dernières années, le Département d’État des États-Unis a inclus la Lituanie dans le groupe des pays ayant déployé les efforts les plus vigoureux contre la traite des êtres humains.

31.Des actions ont également été menées en vue de réinsérer les victimes dans la société. L’État a financé différents organismes fournissant des services sociaux auprès des victimes. Au cours de la période 2005-2008, 53 projets ont été financés au total. Un système d’identification des victimes de la traite des êtres humains est également mis en place. Le nombre de victimes de ce type est passé de 8 100 en 2002 à 5 700 en 2007. Une sous-division du Département de la police, le personnel des bureaux du commissaire général de police (Office of the Police Commissioner-General) à travers le pays et 32 procureurs ont pour tâche de régler ce problème. Des formations spécifiques ont été dispensées auprès de la police lituanienne et des séminaires internationaux ont été organisés sur ce thème.

32.M. KAZLAUSKAS (Lituanie) observe que les autorités accordent une attention toute particulière au problème de la corruption, notamment, au niveau des services douaniers et des postes frontaliers. Un programme spécial de lutte contre la corruption a été approuvé par le parlement et une commission interministérielle, relevant de la responsabilité du Ministère de l’intérieur, a vu le jour.

33.Mme GUSAUSKIENE (Lituanie) rappelle que le Code pénal ne fait aucune distinction claire entre les violences domestiques et autres, y compris en cas de viol. Ces délits sont punissables dans les deux cas. Toutefois, des mesures procédurales particulières sont appliquées dans tout cas de violence domestique. Par exemple, l’agresseur présumé est contraint de vivre séparé des victimes afin de prévenir le renouvellement du délit allégué. Les tribunaux peuvent aussi accorder un traitement spécial aux suspects ou les enjoindre de participer à un programme de modification du comportement. Le Ministère de la justice a chargé un groupe de travail de procéder à un réexamen complet de ce problème, avec pour mission d’examiner les causes de la violence domestique, les modalités de protection des droits des victimes, les conditions d’indemnisation et la possibilité de créer des centres sociaux et d’aide psychologique ainsi que des refuges temporaires. À la lumière de ses conclusions, le Ministère propose de modifier certains articles du Code de procédure pénale afin d’améliorer les droits des victimes et d’enrichir la palette d’options dont celles-ci disposent. Les sanctions en cas de délit de ce type dépendent, bien sûr, de la gravité dudit délit et du degré de culpabilité.

34.M. KAZLAUSKAS (Lituanie), faisant référence à des cas de violence au sein de l’armée, explique que le Code pénal prévoit la responsabilité pénale en cas d’acte de violence commis à l’encontre d’un officier de commandement, un subalterne ou un soldat de rang égal. Entre 2005 et la fin du premier semestre 2008, une enquête préliminaire a été ouverte dans six affaires impliquant des cas de violence à l’égard d’un officier de commandement; dans cinq affaires, l’accusé a été déclaré coupable. Au cours de la même période, une enquête préliminaire a été ouverte dans neuf affaires de violence à l’encontre d’un subalterne; un verdict de culpabilité a été prononcé pour six d’entre eux et un septième est en cours d’instruction. Parallèlement, 52 enquêtes préliminaires ont été ouvertes suite à des rapports faisant état d’actes de violence entre soldats de rang égal; 26 affaires ont donné lieu à des poursuites judicaires et 13 ont été classées sans suite.

35.Les affaires judiciaires liées à des actes de violence dans l’armée attirent tout particulièrement l’attention du public. Dans pareil cas, une enquête préliminaire est menée par la police militaire sous le contrôle d’un procureur; il n’existe aucun tribunal spécial en la matière. En 2008, le Parlement a adopté une législation visant à évoluer progressivement vers une armée de métier, au sein de laquelle le nombre de cas de violence devrait sensiblement diminuer.

36.M. LAURINENAS (Lituanie) précise que tous les fonctionnaires chargés de l’application des lois reçoivent une formation initiale et continue en matière de droits de l’homme. Une formation spécifique sur les droits de l’homme est dispensée à l’université. Les agents des services des migrations reçoivent aussi l’enseignement nécessaire dans le domaine des droits de l’homme, notamment dans le cadre des séminaires de formation sur les procédures d’octroi du droit d’asile organisés régulièrement par le Fonds européen pour les réfugiés.

37.M. TRUNOVAS (Lituanie), revenant sur la question de la formation du personnel pénitentiaire, informe le Comité que l’université de Vilnius a ouvert en 1994 une chaire « Chair of Penitentiary Law » spécialisée dans la formation du personnel senior en milieu carcéral. Les étudiants peuvent obtenir une licence ou une maîtrise en droit; le cursus nécessaire pour décrocher une licence inclut 240 heures de cours sur les lois internationales en la matière.

38.Avec l’aide de l’Administration suédoise des prisons et des régimes de mise à l’épreuve (Swedish Prisons and Probation Administration), la Lituanie a créé en 1999 au sein du Département de l’administration pénitentiaire, un centre de formation destiné au personnel carcéral. L’inauguration de ce centre en 1996 est le fruit d’un projet de 10 ans, qui a permis de fournir le matériel d’enseignement nécessaire et dans le cadre duquel des conférenciers suédois se sont régulièrement déplacés en Lituanie. La Lituanie poursuit sa collaboration avec cette administration suédoise, notamment en vue d’organiser un programme de formation pour les agents de probation en 2008, auquel doivent participer des conférenciers suédois.

39.Mme MILASIUTE (Lituanie), souhaitant répondre aux questions relatives à la discrimination à l’encontre de la communauté des Roms, explique qu’une nouvelle stratégie triennale en matière d’intégration des Roms a été adoptée en 2008. Le rapport sur lequel repose cette stratégie comprend une analyse des enjeux qui préconise non seulement des mesures correctrices spécifiques dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, des soins de santé, de l’hébergement et des problèmes généraux de discrimination, mais aussi dans le développement des capacités organisationnelles et administratives des communautés roms.

40.Les mesures visant à enseigner aux Roms leurs droits fondamentaux et les recours judiciaires qu’ils peuvent introduire en cas de violation de ces droits revêtent une importance particulière. À titre d’exemple, prenons le cas d’une jeune femme rom qui s’était vue évincée d’un poste sur la base de son appartenance ethnique et qui avait obtenu gain de cause en première instance en 2008. Elle avait invoqué la législation européenne interdisant toute forme de discrimination raciale et, en particulier, la disposition prévoyant le renversement de la charge de la preuve. Cette affaire est toujours pendante devant la Cour d’appel.

41.En ce qui concerne la menace de démolition des habitations occupées par les Roms à Vilnius, elle explique que ces derniers ont souvent omis de faire les démarches nécessaires pour obtenir un permis de bâtir et que la législation lituanienne prévoit la démolition de tout bâtiment dont la construction n’a pas été dûment autorisée. Cependant, les démolitions ne peuvent être réalisées que sur injonction du tribunal; or, aucune injonction de ce type n’a été délivrée à ce jour.

42.M. KAZLAUSKAS (Lituanie) précise que 226 génocides et crimes contre l’humanité commis sur le sol lituanien lors de l’occupation soviétique et nazi ont fait l’objet d’une enquête depuis 1991. Parmi eux, plus de 50 affaires sont liées à l’Holocauste. Dans 19 affaires, la personne incriminée a été reconnue coupable. Depuis 2005, 36 enquêtes pénales ont vu le jour et 5 d’entre elles se sont soldées par un verdict de culpabilité. L’affaire de M. Yizthak Arad est désormais close.

43.Mme (Lituanie) observe que la législation nationale prévoit une indemnisation pour les victimes de torture ou de traitement dégradant et un fonds d’indemnisation spécifique a été créé à cette fin. En 2006, 76 personnes ont formulé une demande d’indemnisation et 26 d’entre elles en ont bénéficié. En 2007, sur 136 demandes d’indemnisation, 54 ont été satisfaites, pour un montant total de 247 342 LTL. Au cours du premier semestre 2008, 72 demandes ont été présentées et 33 d’entre elles ont abouti favorablement.

44.La Loi sur l’indemnisation des dommages résultant de crimes violents est modifiée en vue d’optimiser la base juridique des indemnisations. D’autres amendements doivent être adoptés afin d’étoffer la définition des crimes violents et d’augmenter le montant des indemnisations. Le Gouvernement envisage aussi d’améliorer la législation en matière de droits des victimes de crimes violents et de simplifier les procédures d’indemnisation, notamment lorsque des actes violents ont été perpétrés par des agents de l’État. Le montant total versé au titre des indemnisations aux victimes de violences infligées par des agents de l’État s’élevait à plus de 25 000 LTL en 2004 contre 18 000 litai en 2005. En 2006, 5 des 18 demandes présentées se sont partagé une somme totale de 21 748 litai. Quinze personnes ont formulé une demande d’indemnisation en 2007 et 21 au cours du premier semestre 2008. Sur la base des décisions prises par la Cour européenne des droits de l’homme, 27 personnes ont été indemnisées entre 2004 et 2008.

45.Mme MILASIUTE (Lituanie), en réponse à une question précédemment posée sur l’interdiction par la ville de Vilnius du passage planifié du car-podium « Pour la diversité. Contre les discriminations », dans le cadre d’une initiative de l’Union européenne en 2007, à l’occasion de laquelle un événement devait être organisé par la Ligue gay lituanienne, elle explique que la ville a refusé de livrer une autorisation en ce sens par crainte de violentes manifestations. Comme les organisateurs ont décidé de ne pas contester cette décision devant un tribunal, il est impossible de savoir si ce dernier aurait annulé l’interdiction. À l’évidence, la législation régissant la liberté de réunion peut être améliorée. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne a mené une étude sur l’homophobie et la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans les pays de l’Union Européenne; ses résultats seront pris en compte par le Gouvernement lituanien lorsqu’il réexaminera la législation applicable.

46.M. GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Lituanie, remercie la délégation pour les réponses étayées que ses membres ont apportées aux Comité, en rappelant que l’intégration de la définition du terme « torture » revêt une dimension primordiale afin de garantir l’absence de tout délai de prescription pour ce type de crime.

47.Bien que la délégation ait fourni des informations détaillées sur les droits de tout détenu à rencontrer un avocat et à contacter les membres de sa famille, des précisions doivent être apportées concernant le droit de consulter un médecin indépendant.

48.Il fait part de son inquiétude concernant l’absence de toute définition opérationnelle du vol dans la législation de l’État partie. Le Code pénal doit comporter une définition de ce terme et prévoir les sanctions qui en découlent.

49.Des progrès ont été réalisés afin d’enrayer le problème de la surpopulation carcérale et il espère que d’autres améliorations seront apportées dans ce domaine, en particulier eu égard aux centres de détention au cours de la période couverte par le prochain rapport.

50.Des efforts doivent être consentis afin de mettre un terme aux actes de violences dans les forces armées, en améliorant à la fois la législation et les règlements intérieurs, ainsi qu’en combattant l’impunité. Le Comité a exprimé le souhait d’obtenir des informations sur les sanctions imposées en cas d’acte de violence entre soldats.

51.Bien que la délégation ait répondu oralement à plusieurs questions formulées par le Rapporteur sur le suivi des conclusions et des recommandations dans ses courriers destinés à l’État partie, datés des 21 avril 2006 et 27 octobre 2008, il reste dans l’attente d’une réponse officielle.

52.M. KOVALEV fait part de ses doutes concernant la soi-disant absence de toute discrimination à l’encontre des non-citoyens au sein de l’État qui présente son rapport et souhaite obtenir des informations supplémentaires à ce sujet.

53.Il demande si le principe juridiquement prescrit d’irrecevabilité des preuves obtenues par la torture est respecté dans la pratique. Si ce n’est pas le cas, la délégation doit fournir des informations sur les affaires où ces dispositions ont été violées et des sanctions imposées, ainsi que des exemples d’affaires pour lesquelles des décisions reposant sur de telles preuves ont été abrogées.

54.Il salue l’État partie pour ses programmes de formation destinés au personnel pénitentiaire et pour l’amélioration graduelle des conditions de détention.

Le débat résumé prend fin à 17h20.

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