Nations Unies

CAT/C/SR.868

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

30 novembre 2009

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante ‑ deux ième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 868 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 28 avril 2009, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième à cinquième rapports périodiques des Philippines

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième à cinquième rapports périodiques des Philippines (CAT/C/PHL/2)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation philippine prend place à la table du Comité.

2.M. Ermita (Philippines) présente les membres de sa délégation, composée de représentants de différents services officiels, de l’appareil judiciaire, du Comité présidentiel des droits de l’homme, de la police nationale et des forces armées. Illustrant l’attachement que son gouvernement témoigne depuis longtemps à la promotion et à la protection des droits de l’homme à l’échelle mondiale, il retrace le rôle actif joué par les Philippines au sein de différents forums multilatéraux depuis la fondation de l’ONU et la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Depuis lors, les Philippines ont adhéré à huit instruments internationaux essentiels dans le domaine des droits de l’homme, le plus récent, en 2008, étant la Convention relative aux droits des personnes handicapées. À l’échelon régional, les Philippines ont été d’ardents défenseurs des droits de l’homme, et ont été à l’origine de la décision de mettre en place un organe de défense des droits de l’homme dans le cadre de la Charte de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est.

3.Les politiques et programmes gouvernementaux sont conçus dans l’optique d’un renforcement des processus démocratiques, en sorte que les militants de toutes les causes politiques et idéologiques jouissent de la liberté d’expression et participent librement à la vie politique du pays. En outre, les défenseurs des droits de l’homme sont systématiquement consultés lors des prises de décision par les pouvoirs publics et de la formulation des lois et programmes nationaux, y compris pour la formation des personnels militaire, policier et judiciaire. Les Philippines ont été l’un des premiers pays à consacrer la création d’une Commission nationale des droits de l’homme dans leur Constitution et le Gouvernement considère désormais ladite Commission comme un partenaire important pour la mise en œuvre efficace des droits de l’homme. Tout en appuyant les efforts déployés sur le plan législatif pour renforcer la Commission, le Gouvernement veille également à ce que ces efforts ne compromettent pas l’indépendance et la neutralité de cet organe.

4.M. Ermita rend brièvement compte de diverses mesures qui ont été prises en application de la politique de l’État visant à promouvoir la dignité des êtres humains: ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort et adoption d’une législation interne pour y donner effet; participation à l’Examen périodique universel (EPU) en 2008; travaux préparatoires en vue de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Le mécanisme national de prévention devrait être mis en place sous les auspices de la Commission nationale des droits de l’homme ainsi que de représentants de la société civile et d’ONG. L’une des conséquences importantes de ces mesures a été l’amélioration des procédures applicables aux visites aux prisonniers.

5.Des progrès considérables ont été accomplis dans la mise en œuvre des obligations contractées en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. En outre, à l’occasion de la célébration du soixantième anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’ordonnance administrative no 249 a été rendue en vue de mettre en place des politiques, programmes et projets visant à renforcer les droits de l’homme. À cette fin, les organismes compétents ont été invités notamment à faire en sorte de: donner rapidement suite aux allégations d’atteintes aux droits de l’homme; mettre au point une vaste campagne d’éducation aux droits des personnes dans le cadre du système judiciaire interne; mettre davantage l’accent sur les droits des peuples autochtones; assurer la protection des enfants dans les conflits armés et autres situations de vulnérabilité; et conférer davantage de responsabilités aux autorités locales en matière de diffusion de l’information relative aux droits de l’homme. S’agissant du renforcement des capacités institutionnelles grâce à l’éducation aux droits de l’homme, les efforts actuellement déployés par la Commission nationale des droits de l’homme pour mettre en place des programmes de formation à l’intention des membres des forces armées, des policiers, des étudiants et des jeunes méritent d’être mentionnés. La Commission a d’ailleurs pris l’heureuse initiative de procéder à une étude d’impact des programmes d’éducation aux droits de l’homme menés par les pouvoirs publics.

6.Les mesures récemment prises en matière de droits de l’homme visent à renforcer la gouvernance, et des consultations ont été lancées en vue de formuler le deuxième Plan d’action national pour les droits de l’homme en tenant compte des recommandations présentées à l’issue de l’Examen périodique universel, formulées par les organes conventionnels et présentées au titre des procédures spéciales et d’autres mécanismes internationaux de défense des droits de l’homme, ainsi que de l’opinion de groupes représentant la société civile.

7.Outre les obligations qu’elles ont contractées en vertu de la Convention contre la torture à laquelle elles ont adhéré en 1986, les Philippines ont consacré dans leur Constitution l’interdiction d’infliger des tortures et des peines cruelles, inhumaines ou dégradantes aux personnes faisant l’objet d’une enquête, y compris le recours à des lieux de détention secrets et à d’autres formes de détention pouvant se prêter à la commission d’actes illégaux. Le Code pénal révisé, la loi sur la justice pour mineurs et la protection des mineurs, la loi interdisant le harcèlement sexuel et la loi interdisant le bizutage qualifient d’infractions pénales tous les actes assimilés à la torture.

8.M. Ermita souligne que son gouvernement ne pratique pas la torture ni aucun acte assimilable à la torture, et qu’il les réprime avec rigueur. C’est ainsi que le Parlement a adopté le projet de loi no 5709, devenu la loi de 2009 contre la torture. Ce texte définit la torture dans les mêmes termes que la Convention et prévoit des peines de douze à quarante ans de prison pour ceux qui s’y livrent. La Commission nationale des droits de l’homme a proposé des projets de loi relatifs au renforcement institutionnel de la Commission, à l’unification des systèmes pénitentiaires, à l’adoption de mesures destinées à lutter contre les disparitions forcées, au traitement des détenus et à la responsabilité de la hiérarchie. En outre, la Commission nationale de la police a publié en avril 2009 une directive visant à la mise en place dans tous les postes de police d’un bureau des droits de l’homme dont les fonctionnaires seront chargés de défendre les droits de la personne et auront compétence pour engager des actions au titre du programme de mise en œuvre des droits de l’homme de la police nationale philippine.

9.Parmi les autres faits nouveaux dignes d’être mentionnés, on citera le système de «justice itinérante» mis en place sous les auspices de la Cour suprême, ainsi que l’intégration par le Ministère de l’intérieur et les autorités locales de l’initiative relative à l’accès des pauvres à la justice dans le programme de formation des personnels de la police et de la sécurité publique.

10.Le Gouvernement philippin tient à réaffirmer son attachement aux droits de l’homme en dépit des difficultés rencontrées du fait de la crise financière mondiale, d’une insurrection communiste active, d’un mouvement sécessionniste musulman et du fléau que représente le terrorisme local, qui compromettent la sécurité nationale. Ces problèmes n’ont jamais détourné le Gouvernement de son devoir suprême, qui est de promouvoir et de protéger les droits de l’homme.

11.M me Gaer (Rapporteuse pour les Philippines) souligne que la composition de la délégation, où sont représentées toute une série d’institutions relevant du dispositif national de protection des droits de l’homme, atteste clairement que le Gouvernement est résolu à lutter contre la torture et d’autres formes de traitements inhumains. Quoique les Philippines soient bien connues pour leur attachement à la démocratie et aient occupé une place éminente sur la scène internationale au fil des ans, ayant notamment été l’un des premiers États à ratifier la Convention contre la torture et à faire rapport à ce titre, il est à déplorer qu’elles n’aient pas fait rapport au Comité depuis vingt ans.

12.Pour ce qui est de la documentation soumise au Comité par la délégation à la présente session, on observera que le rapport périodique donne peu d’exemples de l’action des pouvoirs publics pour illustrer la façon dont ils agissent dans tels ou tels cas particuliers. Dans sa déclaration liminaire, le chef de la délégation a évoqué les difficultés rencontrées du fait de certaines menaces pesant sur la sécurité nationale. Mais il convient de rappeler que lorsqu’il s’emploie à maintenir la paix et la sécurité, le Gouvernement doit veiller à ne pas s’écarter de l’objectif qu’il s’est donné de lutter contre la torture. Il serait souhaitable que la délégation expose la manière dont il est fait face au problème de la menace de violence armée et précise dans quelle mesure la défense des droits de l’homme s’en trouve affectée.

13.Mme Gaer se félicite de l’adoption du projet de loi parlementaire no 5709, devenu la loi de 2009 contre la torture, ainsi que de la mise en place de bureaux des droits de l’homme sous les auspices de la Commission nationale de la police, mais elle déplore que des cas de torture aient continué d’être signalés durant les vingt années écoulées depuis la précédente rencontre des Philippines avec le Comité.

14.Des représentants de la société civile ont rapporté que d’autres textes proscrivant la torture sont en souffrance depuis plus de dix ans en raison du faible rang de priorité que leur accorde le Congrès. Ce fait, qui dénote le peu d’importance attaché à la question, est préoccupant. Il serait intéressant de savoir si le processus législatif est habituellement aussi lent, quels sont les principaux obstacles susceptibles de s’opposer à une adoption facile de telles lois et quelles initiatives ont été prises par le Gouvernement pour les surmonter. Mme Gaer souhaiterait en apprendre davantage sur le contenu de projets de loi toujours en attente, eu égard notamment au fait qu’il n’existe aucun texte de loi proscrivant la torture et les mauvais traitements et les érigeant explicitement en infractions pénales ainsi que le prévoit la Convention. Ces violations relèvent toujours de la catégorie des infractions pénales de moindre gravité. Il serait utile de savoir s’il est prévu de promulguer une législation sur la torture mentale et d’apprendre comment s’y prennent les auteurs des projets de loi pour faire en sorte que leurs textes soient appuyés et dans quelle mesure le Gouvernement intervient dans le processus.

15.Un point particulièrement important aux yeux du Comité est l’existence de mesures efficaces pour prévenir la torture, et à ce sujet, Mme Gaer demande quelles dispositions ont été prises pour mettre en place des garanties juridiques et comment il y est donné effet dès le début de la détention. Des informations parvenues au Comité donnent à penser que les garanties existantes ne sont pas appliquées dans la pratique. La torture et les mauvais traitements seraient apparemment systématiques dès l’arrestation et l’interrogatoire des détenus et jusqu’à leur comparution devant l’autorité judiciaire; il serait donc important d’en apprendre davantage sur les protections offertes aux personnes au cours de cette période cruciale. Le Département d’État des États-Unis faisait état en 2009, donc tout récemment, de sévices infligés de manière habituelle par la police et les forces de sécurité. Il semble que les détenus n’ont pas non plus accès aux soins médicaux. Citant le cas d’une détenue enceinte à laquelle toute assistance médicale a été refusée, Mme Gaer demande quelles dispositions concrètes ont été prises pour faire en sorte que les détenus aient accès aux services d’un conseil indépendant et d’un médecin, en cas de grossesse notamment.

16.Les juges sont censés signaler si la personne qui est déférée devant eux pourrait avoir été soumise à la torture. Y a-t-il eu des cas où un juge l’a constaté et a demandé l’ouverture d’une enquête et, si tel est le cas, quelle en a été l’issue?

17.Au sujet de l’accès aux soins médicaux, des ONG ont signalé que dans la pratique, les détenus qui ont été torturés doivent souvent attendre que les signes visibles de torture aient disparu avant d’être autorisés à voir un médecin. Le manque d’indépendance et d’impartialité des médecins examinateurs est un sujet de préoccupation, et il a été rapporté que des certificats médicaux seraient parfois des faux ou seraient falsifiés, et que les programmes de formation et de sensibilisation seraient insuffisants. Il serait souhaitable que l’État partie réponde à ces allégations et indique quelles mesures pourraient en pratique garantir le droit à une prise en charge médicale.

18.La Commission nationale des droits de l’homme se voit souvent refuser arbitrairement l’autorisation de rendre visite aux détenus et en particulier aux personnes détenues pour des raisons de sécurité. Il serait utile de savoir dans quelles circonstances ces autorisations sont refusées et quelles mesures sont prises pour garantir l’accès aux prisons. Existe-t-il un médiateur habilité à intervenir et à autoriser cet accès et dans le cas contraire, quelles sont les raisons de cette lacune?

19.Dans ses réponses à la liste de points à traiter, l’État partie a indiqué que les allégations d’arrestation sans mandat sont inexactes; or, certaines informations donnent à penser qu’il s’agit d’une pratique courante. Le seul moyen de protéger les gens est de s’assurer que les procédures sont respectées. Les arrestations sans mandat et les invitations à subir un interrogatoire semblent viser en particulier les militants de gauche et les défenseurs des droits de l’homme. La détention avant jugement est souvent fort longue, même dans le cas d’enfants. Selon le rapport de la Fédération internationale de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture-Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT-ACAT), il existe quantité de cas d’arrestations et de mises en détention illégales, et Mme Gaer souhaiterait savoir comment l’État partie traite ces cas et fait en sorte qu’il soit possible de contester un placement en détention. Elle demande à la délégation de s’exprimer au sujet du cas d’un juriste spécialiste des droits de l’homme et du droit du travail, Remigio Saladero Jr., ainsi qu’au sujet de l’allégation selon laquelle de nombreuses personnes seraient inquiétées parce qu’elles appartiennent à des groupes militants.

20.Il serait souhaitable d’apprendre qui a été reconnu coupable dans l’affaire des frères Manalo, laquelle a donné lieu à des allégations de mise en détention par les forces armées et de torture. Il a été rapporté qu’un général impliqué dans cette affaire ne pouvait plus être mis en cause parce qu’il était désormais retraité; est-ce exact, et y a-t-il eu des cas où des officiers de l’armée ont été traduits devant les tribunaux pour mauvais traitements?

21.Un autre sujet de préoccupation concerne la définition très large du terrorisme donnée dans la loi sur la sécurité des personnes. Comment sera-t-il donné effet aux pouvoirs d’arrestation et de mise en détention élargis accordés par cette loi, et le mandat conféré à cet égard sera-t-il limité ou servira-t-il un objectif à la fois dans le domaine de la sécurité et dans celui des droits de l’homme?

22.La loi sur la sécurité des personnes présente une lacune en ce qui concerne l’obligation de rendre compte, car elle n’oblige pas l’autorité judiciaire à vérifier qu’un suspect n’a pas été soumis à la torture à l’issue de la période où il a été détenu aux fins de l’enquête. Existe-t-il un organe indépendant et impartial chargé d’enquêter sur les infractions commises par des membres du Conseil de lutte antiterroriste ou d’autres personnels engagés dans la lutte antiterroriste? Dispose-t-on de données sur les peines infligées aux auteurs de sévices? Il est particulièrement préoccupant de constater que la Commission nationale des droits de l’homme n’est pas habilitée à engager des poursuites ou à autoriser le placement en détention de suspects en vertu de la loi sur la sécurité des personnes. Que font les autorités pour s’assurer que la Commission demeure indépendante, et pourquoi est-elle visée par ladite loi?

23.La loi sur la sécurité des personnes ne comporte aucune disposition sur la responsabilité des supérieurs hiérarchiques. Dans le cas de Gemma Lape, qui a été menacée de mort après avoir été arrêtée et détenue arbitrairement, les policiers n’ont pu être mis en cause en raison du principe de la «présomption de l’exercice régulier des fonctions». Ce principe équivaut-il à une garantie d’immunité pour les membres des forces de sécurité, ou ceux-ci peuvent-ils être tenus pour responsables de leurs agissements?

24.La magna carta des femmes qu’il est prévu d’adopter paraît être une bonne initiative, mais prévoit-on d’élaborer une législation proscrivant les tortures et mauvais traitements infligés spécifiquement aux femmes, et des poursuites ont-elles été engagées pour des affaires de ce genre? Les détenues feraient apparemment très souvent l’objet de sévices. Quelles mesures prend-on pour faire en sorte que les femmes puissent dénoncer ces brutalités sans crainte de représailles? Il serait souhaitable que la délégation s’exprime au sujet du cas d’Angelina Bisuna De Ipong, évoqué dans le rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme. L’Organisation mondiale contre la torture indique dans son rapport que des jeunes filles sont contraintes à servir de «femmes de réconfort» dans les camps militaires et forcées à se livrer à la prostitution; il serait important que la délégation s’exprime à ce sujet.

25.En ce qui concerne la traite des êtres humains, des progrès ont été faits dans la mesure où 11 personnes ont été condamnées. Toutefois, il serait utile de savoir si des mesures ont été prises à l’encontre des bandes organisées de criminels qui se livrent à la traite.

26.Il serait utile de préciser au Comité s’il existe une loi érigeant les actes de violence familiale en infractions distinctes dans le droit pénal. De remarquables résultats ont été obtenus en ce qui concerne les violences faites aux femmes, et les victimes se déclarent en plus grand nombre. Des informations concernant les poursuites engagées pour ce motif seraient les bienvenues.

27.À propos du non-refoulement, il serait utile de savoir s’il est fait expressément mention de l’article 3 de la Convention dans les traités bilatéraux d’extradition conclus par l’État partie et, si tel n’est pas le cas, pourquoi cette omission étant donné que la question a été portée à son attention lors de l’examen de son rapport initial.

28.Alors que la loi sur la sécurité des personnes proscrit les transferts illégaux, certaines informations donnent à penser que de tels transferts auraient peut-être eu lieu.

29.Aux termes de l’article 4 de la Convention, les actes de torture doivent constituer des infractions au regard du droit pénal, et dans la liste de points à traiter, une question a été posée au sujet des dispositions pénales en vigueur.

30.Étant donné que des civils sont employés par les forces armées dans les unités territoriales de l’Armée des citoyens, quelle responsabilité leurs supérieurs hiérarchiques, à savoir le Gouvernement et les forces armées, assument-ils en cas de brutalités commises par des civils agissant au nom du Gouvernement?

31.En résumé, les principaux problèmes sont le retard mis à présenter des rapports au sujet des obligations contractées, l’absence de lois proscrivant spécifiquement la torture, l’amplitude de la définition donnée du terrorisme, l’absence de garanties juridiques, le fait qu’il n’existe aucun organe indépendant qui serait chargé d’enquêter sur les violations signalées et de suivre ces cas, de nombreuses allégations d’arrestation sans mandat, de violences sexuelles, de traite des femmes et de violences à l’égard des femmes, l’impunité dont semblent bénéficier les personnels des forces armées et de la police, ainsi que des cas attestés de torture, comme ceux figurant dans la liste établie par la division de médecine et de médecine légale de la Commission nationale des droits de l’homme. Combien de personnes ont-elles été jugées coupables et punies à la suite de ces affaires, et quel type de peine leur a été infligée?

32.M. Wang Xuexian (Corapporteur pour les Philippines) rappelle, à propos de l’article 4 de la Convention, que lors de l’examen du rapport initial des Philippines, le Comité a jugé trop légères les peines prévues pour les coupables de certains actes de torture. Il souhaiterait savoir si la situation s’est améliorée à cet égard.

33.Le Comité appuie la Commission nationale des droits de l’homme lorsqu’elle demande qu’il soit procédé à une évaluation de l’impact des programmes de formation.

34.La délégation a indiqué que les conditions régnant dans les prisons et les centres de détention s’améliorent, mais des efforts restent à faire. Il serait utile que la délégation précise si le maintien prolongé en détention avant jugement est un facteur qui influe sur la fréquence des cas de torture dans le pays. Une étude de la Cour suprême a montré qu’il fallait attendre trois ans en moyenne pour être jugé.

35.D’après les réponses fournies à la liste de points à traiter, du personnel masculin continue d’être affecté à des lieux de détention pour femmes lorsqu’il existe des problèmes de sécurité. Or, des ONG signalent que du personnel masculin est aussi autorisé à surveiller des femmes détenues et même à procéder à des fouilles corporelles.

36.Le Corapporteur demande pourquoi la Commission nationale des droits de l’homme se voit parfois refuser l’accès aux centres de détention, notamment ceux relevant de l’autorité militaire.

37.Pour ce qui est des articles 12 et 13, selon Karapatan (Alliance pour la promotion des droits des peuples), il y a eu plus de 1 000 victimes de la torture entre 2001 et 2009. Le Gouvernement est-il conscient de cet état de choses et a-t-il fait en sorte d’enquêter sur ces cas? Lors de sa visite aux Philippines en 2007, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a mis l’accent sur le rapport existant entre impunité et absence d’un programme adéquat de protection des témoins. Selon une ONG, trois témoins ont récemment été assassinés; la délégation est-elle au courant de cette allégation et pourrait-elle apporter des précisions à ce sujet?

38.Il serait utile d’apprendre si le Gouvernement envisage de mettre en place un organe qui serait indépendant de la police et des forces armées et qu’il chargerait d’enquêter sur les allégations de torture.

39.À propos de l’article 14 relatif à l’indemnisation, l’État partie a indiqué qu’il avait été fait droit à 22 469 demandes d’indemnisation entre 1992 et juin 2006; il serait intéressant de savoir si certaines de ces demandes émanaient de victimes de tortures ou d’autres mauvais traitements. Dans l’affirmative, des enquêtes ont-elles été diligentées sur ces cas et les auteurs punis? Il serait souhaitable que la délégation s’exprime au sujet d’une affirmation émanant d’organisations de la société civile selon laquelle aucune victime de torture n’aurait à leur connaissance été indemnisée.

40.Au sujet de l’article 15, il a été affirmé qu’aux Philippines, toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue sous la torture est irrecevable; mais selon la Cour suprême, c’est à la victime qu’incombe la charge de la preuve. L’État partie devrait assumer une partie de cette charge car en vertu de la Convention, il est tenu de veiller à ce que de telles déclarations ne puissent pas être invoquées au cours de la procédure. Il serait important que la délégation s’exprime à ce sujet. Elle devrait aussi commenter le fait que les rapports établis par le Secrétaire général en 2005 et 2006 sur les enfants dans les conflits armés citent les Philippines comme l’un des pays où il est établi que de graves violations sont commises à l’encontre des enfants.

41.À propos de la lutte contre le terrorisme et de la prévention de la torture, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme a émis des réserves au sujet de la loi sur la sécurité des personnes parce que la définition qui y est donnée du terrorisme est à son avis «très large» et peu compatible avec le principe de la légalité, et que par ailleurs l’application rigoureuse d’une peine de quarante ans de prison pourrait remettre en cause le pouvoir d’appréciation des juges dans tels ou tels cas particuliers et donner lieu à des peines disproportionnées.

42.La délégation devrait s’exprimer au sujet des allégations selon lesquelles les exécutions extrajudiciaires seraient nombreuses.

43.M me  Sveaass relève que beaucoup de travailleurs philippins s’expatrient, notamment des femmes; elle souhaiterait en apprendre davantage sur d’éventuels programmes mis en place en leur faveur avec les pays d’accueil.

44.L’âge de la responsabilité pénale est bas aux Philippines et il serait utile de savoir quelles mesures sont prises en vue de réformer le système de la justice pour mineurs.

45.S’agissant de la loi sur la sécurité des personnes, même dans les cas où un juge a constaté qu’il y a eu actes de torture, il est difficile d’engager des poursuites en l’absence de toute disposition légale à cet effet.

46.La formation est un élément essentiel si l’on veut que les garanties juridiques soient respectées, et il serait important de savoir si les programmes de formation relatifs au Protocole d’Istanbul font l’objet d’un suivi. C’est grâce au Protocole d’Istanbul que la Commission nationale des droits de l’homme a pu dénoncer un certain nombre de cas de torture et Mme Sveaass demande dans quelle mesure les médecins ont la possibilité d’invoquer ce protocole pour déposer plainte ou corroborer des allégations de torture.

47.Certaines ONG s’occupent de la réinsertion des victimes de la torture, et il serait utile de savoir si le Gouvernement met en place des programmes de ce genre; on ne saurait trop insister sur l’importance des actions de prévention.

48.Comment améliorer la sécurité des défenseurs des droits de l’homme? Le personnel médical en fait peut-être moins qu’il ne le pourrait pour corroborer les cas de torture par crainte de compromettre sa propre sécurité.

49.M. Mariño Menéndez demande si l’on a recours à des visites inopinées dans les prisons et les centres de détention comme moyen de suivi et de surveillance. Dans l’affirmative, ces visites sont-elles effectuées par des magistrats ou autres agents de l’État et une trace écrite en est-elle conservée? De même, des registres sont-ils tenus au sujet de tous les types de placement en détention, y compris lorsqu’il s’agit de personnes détenues par la police militaire, les forces armées et les services de renseignements?

50.Il a été rapporté au Comité que 10 magistrats au moins ont été assassinés depuis 2001. De toute évidence, ces assassinats relèvent d’une tactique d’intimidation visant à favoriser l’impunité. Il serait important de savoir si ces affaires ont donné lieu à enquêtes et à poursuites.

51.Le Comité a également été avisé que les personnes qui sont passées aux aveux sous la contrainte sont souvent obligées de signer une déclaration où elles affirment qu’elles n’ont pas été torturées et qu’elles renoncent à leur droit de porter plainte pour torture. La charge de prouver qu’il y a eu torture incombe de ce fait à la victime, notamment si la torture a été infligée par un agent de l’État agissant sur ordre d’un supérieur. Il serait important de savoir si le droit philippin proscrit de tels actes de violence lorsqu’ils sont commis par quelqu’un qui agit sur ordre. Une autre question importante est celle de savoir si les victimes de torture doivent engager une action distincte au civil − outre la procédure pénale qui a permis d’établir qu’elles ont subi des tortures ou des traitements inhumains − pour être indemnisées.

52.Enfin, il serait souhaitable de disposer de davantage d’informations sur le projet relatif à l’accès des pauvres à la justice et sur les services qui s’occupent de la réinsertion des émigrants philippins, notamment les services mis en place en faveur des femmes.

53.M. Kovalev demande quand sera adopté le projet de loi relatif à la magna carta mentionné dans le rapport présenté par l’État partie au titre de l’EPU (A/HRC/WG.6/1/PHL/1), et souhaiterait avoir des précisions quant au contenu de ce texte. Il serait utile de savoir quels principes du droit international, notamment parmi ceux consacrés par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, sont repris dans ce projet de loi.

54.Pour M me  Kleopas, l’absence de toute définition juridique de la torture en droit philippin fait qu’il est plus difficile de protéger les gens contre la torture. L’État partie devrait combler cette lacune aussi rapidement que possible. Il convient aussi de souligner que tous les États parties sont tenus d’enquêter sur toute allégation de torture paraissant fondée, même si aucune plainte formelle n’a été déposée. Le jour précédent, des ONG ont signalé au Comité de multiples cas d’allégations de torture. L’État partie doit promptement mener des enquêtes impartiales au sujet de ces allégations.

55.M. Gaye s’inquiète de la lenteur avec laquelle l’État partie incorpore les dispositions de la Convention à son droit interne. Particulièrement préoccupante est l’absence de toute définition du crime de torture. Des éclaircissements seraient les bienvenus au sujet des dispositions de la loi de la République no 7055 mentionnée dans le rapport de l’État partie. En particulier, il serait utile d’apprendre précisément quelles infractions commises par du personnel militaire peuvent être portées devant les tribunaux civils. Quant à la loi de la République no 7438, autorise-t-elle les détenus à prendre contact avec leur famille et si tel et le cas, dans quel délai?

56.Il semble que le Médiateur a le pouvoir exclusif d’engager une procédure pour des infractions commises par des agents de l’État, y compris des militaires. Si tel est effectivement le cas, il serait utile de connaître les recours offerts aux citoyens au cas où le Médiateur déciderait de ne pas donner suite à une plainte déposée à l’encontre d’un agent de l’État. Il serait également souhaitable de disposer d’informations sur les ressources dont dispose le personnel du Bureau du Médiateur pour s’acquitter de ses fonctions ainsi que de statistiques sur le nombre d’affaires ayant donné lieu à poursuites, et notamment des cas où les plaintes concernaient du personnel militaire ou paramilitaire.

57.Il serait souhaitable de disposer d’un complément d’information sur les mesures concrètes qui sont prises pour protéger les témoins et sur les garanties tant personnelles que juridiques qui sont en place pour faire en sorte que les membres de la Commission philippine des droits de l’homme puissent s’acquitter de leur mission en toute indépendance.

58.M me  Belmir fait observer que, bien que l’État partie dispose d’un cadre judiciaire impressionnant, certaines lacunes semblent subsister, notamment en ce qui concerne le traitement des enfants. Des ONG ont signalé au Comité que des enfants sont détenus dans des prisons pour adultes et soumis à la torture et à d’autres formes de sévices. Il serait bon que la délégation commente ces allégations. Une certaine imprécision existe aussi en ce qui concerne le rôle respectif des juges civils et des juges militaires. Il serait utile de savoir en quoi leurs attributions diffèrent, se chevauchent ou se complètent, et si la frontière est nette entre justice civile et justice militaire.

59.Des informations sont aussi parvenues au Comité au sujet d’arrestations sans mandat, lesquelles sont incompatibles avec l’état de droit. Dans quelle mesure cette pratique est-elle répandue, est-ce une pénurie de magistrats qui a amené à l’autoriser, et quels contrôles et garanties sont-ils en place pour prévenir les abus?

60.Le grand nombre de femmes philippines victimes de violences est préoccupant, et met en évidence la nécessité d’améliorer le sort réservé aux femmes.

61.Le Président demande à la délégation pour quelle raison, selon elle, les Philippines n’ont toujours pas adopté de définition juridique de la torture et ne l’ont pas érigée en infraction pénale. Il voudrait savoir quels obstacles empêchent l’État partie de se conformer à son obligation d’incorporer les dispositions de la Convention à son droit interne et ce que le Comité pourrait faire pour l’aider à les surmonter.

62.De même que M. Wang Xuexian, le Président est préoccupé de l’arrêt rendu en 2004 par la Cour suprême selon lequel il incombe à la personne qui est passée aux aveux d’apporter la preuve que sa déclaration a été obtenue sous la contrainte. Cette décision donne sérieusement à penser que l’État partie ne respecte pas les dispositions de l’article 15 de la Convention. Elle paraît en outre incompatible avec la Constitution philippine.

63.Les disparitions forcées signalées au Comité ne laissent pas d’inquiéter. De tels actes constituent des violations de la Convention non seulement à l’égard des victimes mais aussi à l’égard des membres de leur famille, car l’angoisse que leur cause la disparition de leur proche peut être assimilée à un traitement cruel et inhumain. Il serait important d’apprendre quelles mesures sont prises pour lutter contre ce phénomène. Ainsi, les disparitions forcées donnent-elles lieu à enquête, des magistrats sont-ils spécialement affectés à ces affaires et des photographies des victimes sont-elles diffusées dans tout le pays? Il faudrait également savoir où en est le projet de loi no 1489 dont est saisi le Sénat, car ce texte érigerait les disparitions forcées en infractions pénales; ce projet a été présenté en 2006 mais n’a toujours pas été adopté.

64.Enfin, il serait utile de savoir si les ressources mises à la disposition de la Commission nationale des droits de l’homme sont suffisantes et si elles augmentent au fil des ans.

65.M. Ermita (Philippines) dit que sa délégation sera heureuse de répondre aux questions du Comité, mais qu’il lui faudra un peu de temps pour mettre de l’ordre dans ses observations. Des réponses seront communiquées par écrit aux questions que les membres de la délégation n’auront pas été en mesure de traiter oralement. Il s’engage à faire part aux élus et aux membres du Congrès des préoccupations du Comité concernant les textes législatifs qu’il importerait d’adopter.

66.Le Président répond que le Comité se réjouit de poursuivre prochainement le dialogue avec la délégation.

La première partie ( publique ) de la séance prend fin à 12 h 5.