Nations Unies

CRPD/C/HTI/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

13 avril 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial d’Haïti *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial d’Haïti (CRPD/C/HTI/1) à ses 363e et 365e séances (voir CRPD/C/SR.363 et 365), les 15 et 16 février 2018. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 381e séance, le 28 février 2018.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial d’Haïti, qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites (CRPD/C/HTI/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/HTI/Q/1).

II.Aspects positifs

3.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de mesures législatives et de mesures de politique publique destinées à donner effet à la Convention depuis sa ratification par l’État partie, notamment l’adoption du décret électoral de 2015 visant à encourager la participation des personnes handicapées et le volet « santé mentale » de la Politique nationale de santé adoptée en 2014, qui vise à promouvoir la prise en charge hors institution. Le Comité note avec intérêt que l’État partie a utilisé le bref questionnaire sur le handicap mis au point par le Groupe de Washington sur les statistiques des incapacités.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

4.Le Comité relève avec préoccupation des disparités dans l’État partie pour ce qui est de la compréhension, de l’adoption et de l’application de l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme et de la nature évolutive de la notion de handicap. Le Comité relève en particulier avec inquiétude que :

a)Même si la Convention a été effectivement incorporée dans la législation nationale lors de la ratification par l’État partie, des textes législatifs autorisant la discrimination fondée sur le handicap, adoptés avant et après la ratification de la Convention, sont toujours applicables ;

b)L’emploi de termes péjoratifs et désobligeants, en droit et dans la pratique, lorsqu’il est fait référence aux personnes handicapées, demeure courant et ne donne lieu à aucune sanction ;

c)Les programmes de prévention du handicap prévus au chapitre III de la loi portant sur l’intégration des personnes handicapées (2012) sont perçus, à tort, comme une mesure de mise en œuvre de la Convention et donnent lieu à une discrimination à l’égard des personnes handicapées.

5. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’engager une révision globale et transversale de sa législation et de ses politiques générales en vue de les mettre en conformité avec la Convention, et de faire en sorte que le cadre juridique protège les personnes handicapées contre toute discrimination fondée sur le handicap ;

b) De ne plus utiliser de termes péjoratifs et offensants lorsqu’il est fait référence aux personnes handicapées ;

c) De renoncer à toute politique tendant à légitimer la prévention du handicap en tant que mesure de mise en œuvre de la Convention ;

d) D’associer les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent et de l ’ institution nationale des droits de l ’ homme, aux processus susmentionnés.

6.Le Comité juge préoccupant que :

a)Le Conseil national pour la réhabilitation des personnes handicapées ne soit plus opérationnel ;

b)Les ressources allouées au Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées ne soient pas suffisantes pour lui permettre d’assumer son mandat ;

c)Les personnes handicapées, en particulier les femmes et les enfants handicapés, ne soient pas activement, suffisamment et utilement consultées, par la voie des organisations qui les représentent, lorsque sont élaborés les textes de lois, les politiques publiques et les plans d’action et que sont conçues les activités de formation et de sensibilisation, dans tous les secteurs.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De rétablir l e Conseil national pour la réhabilitation des personnes handicapées , en lui donnant un rôle et un mandat clairs et en le dotant des ressources voulues ;

b) D’allouer suffisamment de moyens humains, techniques et financiers pour garantir que le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées peut s’acquitter de son m andat ;

c) De consulter effectivement et efficacement les personnes handicapées, par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent , lors de l ’ élaboration de tous les textes de lois, cadres et programmes ayant trait aux personnes handicapées, sans distinction d ’ âge, de sexe, de confession , de race, d ’ identité de genre ou d ’ orientation sexuelle, de statut migratoire ou de toute autre situation .

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination(art. 5)

8.Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence de législation interdisant la discrimination fondée sur le handicap, sous la forme, par exemple, du déni d’aménagements raisonnables, et l’absence de reconnaissance expresse des discriminations multiples et croisées ;

b)Le peu de voies de recours à disposition des personnes handicapées victimes de discrimination du fait de leur handicap, et l’absence de mesures de réparation et d’indemnisation ;

c)L’absence de mécanisme indépendant spécifiquement chargé de traiter les plaintes pour discrimination fondée sur le handicap et le manque d’informations concernant le nombre de plaintes ayant donné lieu à une enquête et à un contrôle pour ce type précis de discrimination.

9. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’interdire expressément, dans la législation nationale, la discrimination fondée sur le handicap, d’y inclure une disposition selon laquelle le déni d’aménagement raisonnable est une forme de discrimination fondée sur le handicap, de reconnaître les formes multiples et croisées de discrimination fondées sur, entre autres, le sexe, le genre, l’âge, le handicap, l’origine nationale, l’appartenance ethnique et le statut migratoire, et d’introduire un recours utile et des mesures d’indemnisation ;

b) De veiller à ce que les victimes de discrimination fondée sur le handicap aient la possibilité d’intenter un recours et de demander réparation et une indemnisation ;

c) De mettre en place un mécanisme indépendant ou de renforcer l ’ institution nationale des droits de l ’ homme de manière à étudier, évaluer et suivre les plaintes pour discrimination fondée sur le handicap et de collecter et tenir à jour des données à cet égard.

Femmes handicapées(art. 6)

10.Le Comité est préoccupé par :

a)Les formes aggravées de discrimination, notamment les discriminations multiples et croisées et la discrimination par association, que vivent, en particulier, les femmes et filles handicapées ;

b)La marginalisation des femmes et filles handicapées et leur exclusion des programmes et politiques publiques en cours en matière de promotion des droits des femmes, dont le Plan national d’égalité femmes-hommes (2014‑2020) ;

c)Le manque d’aides spécifiques et ciblées apportées aux organisations de femmes et de filles handicapées, la participation insuffisante des femmes et filles handicapées aux processus de prise de décisions les concernant et l’absence de programmes en faveur de leur autonomisation.

11. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intégrer les droits des femmes et des filles handicapées dans la législation relative à l’égalité des sexes ainsi que dans les lois et les politiques publiques relatives au handicap et mener des campagnes de sensibilisation du public pour faire évoluer les stéréotypes, les préjugés et les mythes concernant les femmes et les filles handicapées ;

b) De modifier le Plan national d’égalité femmes-hommes (2014-2020) de manière à inclure les femmes et les filles handicapées, et mettre en place un mécanisme de suivi entre le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes et les organisations de femmes et de filles handicapées ;

c) D’a dopter une stratégie pour promouvoir l ’ autonomisation des femmes et des filles handicapées et garantir que, lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques qui les concernent , les organisations qui les représentent sont consultées et associées au processus .

Enfants handicapés(art. 7)

12.Le Comité est vivement préoccupé par les cas d’abandon et de délaissement d’enfants handicapés et par la violence à leur égard, notamment les mauvais traitements et les châtiments corporels infligés dans le cadre familial, à l’école et dans les structures de protection de remplacement. Il est particulièrement préoccupé par :

a)L’absence de consultation du Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées lors de l’élaboration de la Stratégie nationale de protection de l’enfant ;

b)Le fait que les enfants handicapés et leur famille n’ont pas accès, dans des conditions d’égalité avec les autres, aux services et aides sur les plans social, économique, des soins de santé ou de l’éducation ;

c)Le manque de moyens, notamment de personnel correctement formé et de locaux accessibles, dans les structures de protection de remplacement.

13. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes, d’ordre législatif et autre, pour garantir la protection des enfants handicapés contre l’abandon, le délaissement et la violence, notamment d’interdire expressément les châtiments corporels dans tous les contextes. Il lui recommande aussi de collecter et d’analyser des données ventilées sur la situation des enfants handicapés, y compris sur l’abandon et le délaissement, afin de concevoir des mesures adaptées. En particulier, le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à l’inclusion des enfants handicapés dans la Stratégie nationale de protection de l’enfant ;

b) D’accroître les ressources à destination des parents et familles d’enfants handicapés et de veiller à ce qu’ils bénéficient, dans des conditions d’égalité avec les autres, des services et aides sur les plans social, économique, des soins de santé et de l’éducation ;

c) D ’encourager le placement en structure de type familial d es enfants handicapés ayant besoin d ’ une protection de remplacement et, parallèlement , de faire en sorte que les institutions disposent du personnel correctement formé et de moyens financiers suffisants pour garantir la réalisation des droits des enfants handicapés dans ces établissements.

Sensibilisation(art. 8)

14.Le Comité prend note avec préoccupation :

a)De la forte prévalence des tabous et des stéréotypes négatifs entourant le handicap, y compris les croyances discriminatoires selon lesquelles les handicaps sont d’origine surnaturelle ou contagieux ;

b)Du fait que les attitudes négatives entraînant une stigmatisation fondée sur le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’albinisme et la combinaison de ces facteurs avec un handicap sont très répandues dans la société et constituent un obstacle majeur à la participation et à l’inclusion des personnes handicapées ;

c)De l’absence de stratégie et politique nationales cohérentes en matière de sensibilisation à l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, véhiculant une représentation adéquate des organisations de personnes handicapées − absence qui a pour effet de perpétuer et de renforcer les attitudes négatives à l’égard des personnes handicapées.

15. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter et d’appliquer l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, de manière à combattre les peurs, les préjugés et les stéréotypes à l’égard des personnes handicapées ;

b) D’élaborer au niveau national une stratégie de sensibilisation et un plan de mise en œuvre afin de lutter efficacement contre les stéréotypes entourant le handicap et contre la stigmatisation à laquelle conduisent les croyances nuisibles, afin de prévenir et combattre la discrimination, y compris les discriminations multiples et croisées, dont les personnes handicapées font l’objet ;

c) De mettre en œuvre sans relâche des campagnes de sensibilisation, avec la participation de toutes les parties prenantes, telles que les chefs religieux, les personnes influentes dans les communautés et les organisations qui représentent les personnes handicapées ;

d) D ’ accroître la visibilité des personnes handicapées dans la société, notamment en élargissant la couverture médiatique contre la maltraitance des personnes handicapées.

Accessibilité (art. 9)

16.Le Comité relève avec inquiétude :

a)Qu’aucun cadre législatif n’a été adopté pour réglementer l’accessibilité de l’environnement bâti et de l’environnement physique, et celle des technologies de l’information et de la communication ;

b)Qu’il n’existe pas de mécanisme de surveillance du respect des dispositions relatives à l’accessibilité ;

c)Qu’il n’y a pas de mesures en place en faveur de l’accessibilité visant l’ensemble des personnes handicapées.

17. Le Comité recommande que, conformément à son observation générale n o 2 (2014) relative à l’accessibilité, l’État partie :

a) Se hâte d’adopter les mesures législatives voulues pour respecter les dispositions de l’article 9 de la Convention, notamment d’assurer l’accessibilité de l’environnement bâti, des moyens de transport, des édifices et des autres lieux ou équipements ainsi que celle des technologies de l’information et de la communication , et prévoie des peines en cas d’infraction ;

b) Mette en place une entité appropriée chargée d’évaluer et de surveiller le respect des dispositions de l’article 9 ;

c) Adopte et mette en œuvre un plan d’action complet sur l’accessibilité, prévoyant notamment des formations aux différentes dimensions de l’accessibilité par la conception universelle ;

d) Tienne compte des liens entre l ’ article 9 de la Convention et les cibles 11.2 et 11.7 des o bjectifs de développement durable, visant respectivement à assurer l ’ accès de tous à des systèmes de transport sûrs, accessibles et viables, à un coût abordable, à améliorer la sécurité routière, et à fournir un accès universel à des espaces verts et des espaces publics sûrs, inclusifs et accessibles.

Droit à la vie (art. 10)

18.Le Comité relève avec une vive préoccupation que les risques pesant sur le droit à la vie sont plus élevés pour les personnes handicapées, en particulier les femmes handicapées, en raison des violences et des infractions dont elles pâtissent, et que cette situation est aggravée par des superstitions et croyances qui font voir le handicap sous un angle négatif. Le Comité regrette que, selon des informations en sa possession, trois femmes malentendantes aient été sauvagement assassinées en 2016 au motif qu’il s’agissait d’esprits maléfiques. Il regrette en outre qu’à ce jour, les auteurs des faits n’aient pas été traduits en justice et condamnés.

19. Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures législatives et autres qui s’imposent pour garantir aux personnes handicapées la jouissance de leur droit à la vie, dans des conditions d’égalité avec les autres. Il lui recommande de veiller à ce que l’ensemble du personnel du système d’administration de la justice ait les moyens de poursuivre et sanctionner les auteurs d’infractions qui portent atteinte au droit à la vie des personnes handicapées.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire(art. 11)

20.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que le plan stratégique national de gestion des risques et des désastres en vigueur n’aborde pas la question du handicap dans les mesures de protection des personnes handicapées en situation de risque, risques de catastrophe compris, et que, pour atteindre les personnes handicapées en cas de catastrophe naturelle, l’État partie compte sur les efforts de mobilisation déployés au cas par cas par les bénévoles ;

b)Que les organisations de personnes handicapées n’ont pas été associées à l’élaboration du plan stratégique national de gestion des risques et des désastres ;

c)Que les personnes handicapées n’ont pas accès dans des conditions d’égalité avec les autres aux services humanitaires et services d’urgence, y compris à la distribution de l’aide humanitaire, et que, souvent, les foyers, centres et structures ne sont pas accessibles.

21. Le Comité recommande qu’en consultation avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, l’État partie :

a) Accélère la révision du plan stratégique national de gestion des risques et des désastres , en y intégrant des orientations claires et des protocoles accessibles qui tiennent compte des besoins des personnes handicapées et leur soient accessibles, et les prenne en considération dans toutes les situations de risque, conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe ( 2015 ‑ 2030), et qu’il mène un travail de sensibilisation, y compris en lançant dans les médias des campagnes publiques d’information sur ces protocoles en cas de catastrophe naturelle ;

b) Fasse en sorte que les personnes handicapées soient effectivement associées à la conception et à la mise en œuvre des mesures destinées à assurer leur protection et leur sécurité dans les s ituations de risque et les situations d’urgence humanitaire ;

c) Prenne des mesures pour améliorer l ’ accessibilité des services humanitaires et services d ’ urgence, notamment pour ce qui est de la distribution de l’ aide et la mise à disposition d ’ abris et d ’ équipements.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

22.Le Comité prend note avec préoccupation des textes antérieurs à l’entrée en vigueur de la Convention qui privent les personnes handicapées de leur capacité juridique, tels que les articles 399 à 424 du Code civil et l’article 266 du Code de procédure pénale. Il juge préoccupant que les personnes placées sous tutelle et sous curatelle, en particulier les personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel, soient privées du droit d’exercer leur capacité juridique. Il est également préoccupé par la méconnaissance des dispositifs de prise de décisions accompagnée.

23. Le Comité recommande, conformément à son observation générale n o 1 (2014) relative à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, que l’État partie :

a) Abroge toutes les dispositions légales qui limitent la capacité juridique des personnes handicapées, en particulier de celles qui présentent un handicap psychosocial ou intellectuel ;

b) Remplace tous les régimes de tutelle par des mécanismes de prise de décisions accompagnée pour les personnes handicapées, par lesquels leur autonomie, leurs droits, leur volonté et leurs préférences sont respectés ;

c) Mette au point , à l ’ intention des fonctionnaires , des programmes de renforcement des capacités sur le droit des personnes handicapées à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d ’ égalité et un système de prise de décisions accompagnée , et mène une action de sensibilisation auprès des personnes handicapées, de leur famil le et de la société en général.

Accès à la justice (art. 13)

24.Le Comité s’inquiète :

a)Des obstacles à la participation effective des personnes handicapées au sein du système de justice, notamment des lacunes en termes d’aménagement des procédures et d’aide juridique ;

b)Des graves problèmes existants dans le système de justice, exacerbés dans le cas des personnes handicapées par la discrimination, les entraves à l’accessibilité des locaux de police, des tribunaux et des lieux de détention, et la non-accessibilité des informations, entre autres ;

c)Du manque de personnel qualifié connaissant bien les droits des personnes handicapées, et du fait que les droits de l’homme de ces personnes sont mal connus des membres de l’appareil judiciaire et des responsables de l’application des lois.

25. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter les textes législatifs voulus pour éliminer les obstacles à l’accès à la justice et garantir la mise en place d’aménagements des procédures, adaptés au sexe et à l’âge des personnes handicapées et fondés sur leur libre choix et leurs préférences, et de mettre en place les autres garanties leur permettant de prendre part à toutes les procédures judiciaires dans des conditions d’égalité avec les autres ;

b) De veiller à ce que toutes les personnes handicapées, en particulier celles qui présentent un handicap intellectuel ou psychosocial et les sourds et malentendants, puissent avoir accès à la justice ainsi qu’à l’information et aux communications dans des formats accessibles, y compris le braille, les médias tactiles, la langue simplifiée, la langue «  Easy Read » (langue facile à lire ou à comprendre, ou FALC) et la langue des signes ;

c) D ’ appliquer pleinement les articles 51 et 54 de la loi portant sur l ’ intégration des personnes handicapées (2012) de manière à élaborer et mettre en œuvre des programmes de renforcement obligatoire des capacités, y compris une formation continue , dans l’objectif de parvenir à une appropriation des dispositions de la Convention par le personnel judiciaire et les responsables de l’application des lois, notamment les ju ges, les procu reu rs, les policiers et le personnel de l’administration pénitentiaire, concernant les droits des personnes handicapées et, plus particulièrement, de celles qui présentent des déficiences intellectu el l es o u psychosocial es ;

d) D’adopter des mesures de nature à développer la culture juridique des personnes handicapées, à remédier à la sous-représentation des personnes handicapées dans le système de justice et à leur donner les moyens de devenir juges ou procureurs ;

e) De prêter attention aux liens avec l ’ article 13 de la Convention pour la réalisation de la cible 16.3 des o bjectifs de développement durable.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

26.Le Comité relève avec inquiétude que :

a)La législation en vigueur n’est pas conforme à la Convention ; en particulier, les personnes présentant une déficience psychosociale ou intellectuelle peuvent être déclarées « interdites » et inaptes à bénéficier des procédures régulières et, partant, être privées de liberté pour une durée illimitée ;

b)L’internement forcé pour cause de handicap est autorisé, y compris dans le nouveau projet de réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale ;

c)Les personnes handicapées soupçonnées d’avoir commis une infraction peuvent être soumises à une détention provisoire prolongée et ne peuvent être libérées sous caution, au motif qu’elles représentent un danger pour elles-mêmes et pour autrui ;

d)Les personnes présentant des déficiences psychosociales peuvent, au motif de ces déficiences, être internées de force en établissement psychiatrique et recevoir des traitements psychiatriques sans y avoir consenti ;

e)Le plan de désinstitutionnalisation prévu dans la politique nationale de santé de 2014 n’a pas été mis en œuvre.

27. Le Comité rappelle ses Directives relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées (voir A/72/55, annexe I) et recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures juridiques et autres nécessaires pour faire en sorte que les personnes handicapées accusées d’une infraction bénéficient d’un procès équitable et des garanties d’une procédure régulière dans des conditions d’égalité avec les autres ;

b) De réviser ou d’abroger les dispositions légales qui légitiment l’internement forcé et l’imposition de traitements psychiatriques sans consentement de l’intéressé, au motif de son handicap, et de veiller à ce que tous les projets de textes législatifs soient en conformité avec la Convention ;

c) De mener des recherches sur l’impact qu’a la privation de liberté sur la sécurité de la personne des individus qui, du fait de leurs déficiences, sont hospitalisés ou détenus en prison ou dans d’autres lieux sécurisés sans leur consentement libre et éclairé, dans l’optique de mettre un terme à cette pratique ;

d) D ’ accélérer la mise en œuvre du plan de désinstitutionnalisation prévu dans la politique nationale de santé de 2014.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

28.Le Comité s’inquiète du sort des personnes handicapées, tout particulièrement des femmes et des enfants, qui sont abandonnées et placées, sans leur consentement libre et éclairé, dans des centres d’accueil de longue durée ou dans des établissements de soins privés en raison de leur handicap, lieux où elles sont soumises à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et peuvent par exemple être enchaînées.

29. Le Comité recommande à l’État partie d’interdire toutes les formes de pratiques coercitives contre les adultes ou enfants handicapés, y compris les contraintes physiques et l’isolement, en particulier contre ceux qui sont internés en centre d’accueil de longue durée ou en établissement de soins privés en raison de leur handicap, ou qui sont d’une autre façon privés de liberté. Il lui recommande également de mettre en place un mécanisme indépendant chargé de surveiller les institutions pour personnes handicapées, y compris les cen tres pour enfants handicapé s et les établissements privés, afin de prévenir tout acte susceptible de constituer un acte de torture ou autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant et d’offrir une protection contre ces actes.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

30.Le Comité relève avec préoccupation que les personnes handicapées, en particulier les femmes et les enfants, sont victimes de discriminations croisées, de sévices, d’exploitation, de la traite et de violences, en particulier d’agressions et de violences sexuelles dans les institutions et dans les camps mis en place après un séisme. Il est particulièrement préoccupé par :

a)L’absence de loi sur la protection contre les violences qui prenne la question des personnes handicapées en considération, et l’absence de mécanismes de surveillance permettant de repérer, prévenir et combattre les violences à l’intérieur comme à l’extérieur du cadre familial ;

b)L’absence de réparation ou d’indemnisation des victimes, la non-accessibilité des foyers d’accueil des victimes de violence familiale et l’insuffisance des services de santé, des services psychosociaux et des services juridiques ;

c)Le manque de formation des personnels, soignants et membres de la famille des personnes handicapées, du corps médical et des responsables de l’application des lois en matière de détection de toutes les formes d’exploitation, de violence et de sévices, tout particulièrement s’agissant d’enfants handicapés orphelins ou employés comme travailleurs domestiques ;

d)L’absence de données spécifiques, ventilées par sexe et par âge, sur les cas de violence et de maltraitance contre des personnes handicapées, en particulier des femmes et des enfants ;

e)L’absence de mesures visant à protéger et soutenir les victimes de violences sexistes commises contre des femmes et des filles handicapées, quel que soit le contexte.

31. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et de déployer une stratégie, assortie d’un échéancier précis et dotée de financements suffisants, pour garantir la sécurité, la santé et la sûreté des femmes et des enfants handicapés dans les camps d’hébergement post-séisme. Il lui recommande en particulier :

a) D’adopter une législation, prévoyant des mécanismes de surveillance, afin de détecter, prévenir et combattre les violences à l’intérieur et à l’extérieur du cadre familial contre les personnes handicapées, en particulier les femmes et les enfants handicapés ;

b) De mettre des services d’appui accessibles et inclusifs à la disposition des personnes touchées par la violence, notamment des moyens de signalement à la police, des mécanismes de plainte indépendants, des foyers accessibles, entre autres services d’appui, et de faire en sorte que tous les cas signalés d’abus ou de violence donnent lieu à une enquête approfondie, que les victimes aient légalement droit à une réparation et à une indemnisation appropriée et en bénéficient effectivement et que les auteurs soient poursuivis en justice ;

c) De dispenser une formation continue aux familles des personnes handicapées ainsi qu ’ à leurs accompagnants, aux professionnels de santé et aux responsables de l’application des lois afin qu’ils puissent reconnaître toutes les formes d ’ exploitation, de violence et de maltraitance et mieux communiquer et agir avec les personnes handicapées victimes de violence ;

d) De collecter et publier des données sur la discrimination croisée, la maltraitance, l’exploitation, la traite et la violence, y compris la violence sexuelle contre les femmes et les enfants handicapés, et de s’appuyer sur ces données pour concevoir des initiatives nationales de lutte contre la violence, en étroite collaboration avec les personnes handicapées et leurs organisations, de manière à concevoir des mesures appropriées ;

e) De mettre en œuvre des mécanismes efficaces pour garantir que les femmes et les filles handicapées qui sont victimes de violences et de mauvais traitements sont protégées et bénéficient de soins médicaux, d’un soutien psychologique et de services juridiques afin d’assurer leur réadaptation et leur réinsertion ;

f) À la lumière de l ’ observation générale n o 3 du Comité (2016) relative aux femmes et filles handicapées et de la cible 5.2 des o bjectifs de développement durable, de prendre des mesures pour mettre un terme à toutes les formes de violence dont les femmes et les filles handicapées peuvent être victimes dans le domaine public mais aussi dans la sphère privée , parmi lesquelles la traite et l ’ exploitation sexuelle ou autre.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

32.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes handicapées, en particulier les femmes présentant un handicap intellectuel, sont soumises à des pratiques contraceptives sans leur consentement mais avec le consentement de tiers. Il est préoccupé par l’absence de structure de contrôle ou de surveillance du respect de l’interdiction des expériences médicales ou scientifiques sans le consentement effectif de la personne concernée, comme le prévoit la loi portant sur l’intégration des personnes handicapées (2012).

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toute intervention médicale et tout traitement concernant les personnes handicapées soient subordonnés à leur consentement libre et éclairé. Il recommande aussi à l’État partie de veiller au respect des lois interdisant les expériences forcées et les expériences médicales ou scientifiques sans le consentement effectif de la personne concernée.

Droit de circuler librement et nationalité (art. 18)

34.Le Comité est préoccupé par le fait que l’on ne procède pas sur l’ensemble du territoire à l’enregistrement des naissances de tous les nouveau-nés présentant un handicap. Il est également préoccupé par le fait que les personnes handicapées ont des difficultés à obtenir des documents d’identité, en particulier dans les zones rurales et reculées, notamment en raison du prix de la carte d’identité nationale. Il relève que les campagnes de promotion de l’enregistrement de la population ne sont pas accessibles aux personnes handicapées.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer le système d ’ enregistrement des naissances de sorte que tous les nouveau-nés handicapés soient enregistrés immédiatement après leur naissance, sans frais. Il lui recommande également d ’ accroître l ’ accessibilité des campagnes visant à promouvoir l ’ obtention de documents d ’ identité, en particulier dans les zones rurales et reculées, et de veiller à ce que toutes les personnes handicapées possèdent au moins une pièce d ’ identité. Il recommande à l ’ État partie d ’ envisager de délivrer gratuitement une carte d ’ identité nationale aux personnes handicapées.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

36.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation de l’État partie ne considère pas l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société comme un droit de l’homme intégrant les principes d’autonomie individuelle, de contrôle et de choix. Il est également préoccupé par l’absence de politiques, de priorités et de mesures visant à promouvoir la capacité de vivre de manière autonome dans la société.

37. Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à son observation générale n o 5 (2017) sur l ’ autonomie de vie et l ’ inclusion dans la société, de convenir que l ’ autonomie et l ’ inclusion sont des droits subjectifs dont tous les éléments devraient être exécutoires, et donc d ’ adopter des politiques, règlements et directives fondés sur les droits afin d’ en assurer la réalisation. Il recommande en outre à l ’ État partie de mettre en place un plan global, élaboré en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées et doté d ’ un financement spécifique suffisant, afin de permettre aux personnes handicapées de vivre de manière autonome et d ’ être incluses dans la société dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, et de veiller à la désinstitutio n nalisation des personnes handicapées.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

38.Le Comité est préoccupé par :

a)Les retards dans l’élaboration et la reconnaissance de la langue des signes haïtienne et l’offre limitée d’interprètes en langue des signes ;

b)Le fait que trop peu d’informations sont disponibles dans des formats et des technologies accessibles (langue « Easy Read » − ou FALC −, langue simplifiée, sous‑titres, langue des signes, braille, audiodescription, etc.), en particulier pour les démarches officielles ;

c)La non-accessibilité de l’information dans les médias, notamment à la radio, à la télévision, dans les journaux et sur les sites Web publics.

39. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De codifier la langue des signes haïtienne et d ’ accélérer l ’ adoption de lois visant à la reconnaître comme langue officielle pour les démarches officielles ;

b) De prendre des mesures pour améliorer l’accessibilité des technologies et supports d ’ information et de communication appropriés pour les personnes handicapées en veillant à l ’ accessibilité du Web et à l’emploi de la langue des signes, des sous-titres, du braille, de la langue « Easy Read  » − ou FALC − et du langage simplifié dans tous les services publics, et de mettre en œuvre des programmes de renforcement des capacités pour le personnel qui assure la prestation de services aux personnes handicapées, notamment des formations au braille, à la langue « Easy Read » (ou FALC) , à la communication tactile et à la langue des signes ;

c) D ’ améliorer l ’ accessibilité des médias et, en particulier, des émissions diffusées en direct.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

40.Le Comité est préoccupé par :

a)Les textes de loi discriminatoires, notamment l’article 8 de la loi portant sur l’intégration des personnes handicapées (2012), qui prévoit la possibilité exceptionnelle de retirer à une personne handicapée la garde d’un enfant, et le Code civil, qui exclut la possibilité pour les personnes déclarées « interdites » de conclure des contrats civils, notamment un contrat de mariage ;

b)L’inadéquation des services d’assistance pour ce qui est de renforcer les capacités des parents et des familles d’enfants handicapés, en particulier les mères célibataires d’enfants handicapés ;

c)Le renforcement du modèle médical du handicap du fait de l’obligation légale qui est faite aux couples de fournir un certificat prénuptial avant le mariage afin de prévenir les handicaps ;

d)L’absence de programmes d’éducation et d’information à l’intention des personnes handicapées, en particulier des femmes et des filles, sur la santé procréative et sexuelle, les droits en la matière et les services de planification de la famille, dans des formats accessibles.

41. Le Comité invite instamment l’État partie :

a) À prendre toutes les mesures nécessaires pour abroger ou modifier la législation discriminatoire à l’égard des personnes handicapées, notamment l’article 8 de la loi portant sur l’intégration des personnes handicapées (2012) et le Code civil ;

b) À allouer des ressources suffisantes pour aider les parents et les familles d’enfants handicapés, en particulier les mères célibataires, ainsi que les parents handicapés ;

c) À envisager de limiter les examens médicaux prénuptiaux à la seule détection des maladies sexuellement transmissibles ;

d) À assurer l ’ égalité d ’ accès aux services de soins de santé sexuelle et procréative, conformément à la cible 3.7 des objectifs de développement durable, et à fournir aux personnes handicapées des supports d ’ information et d ’éducation concernant la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation ainsi que la planification familiale dans des formats accessibles, y compris en langue «  Easy Read » (ou FALC) .

Éducation (art. 24)

42.Le Comité relève avec préoccupation que la législation, notamment l’article 38 de la loi portant sur l’intégration des personnes handicapées (2012), autorise encore l’éducation des élèves handicapés en milieu ségrégué, en particulier pour les élèves qui présentent un handicap intellectuel. Il est également préoccupé par :

a)L’absence de procédure légalement établie pour ce qui est de l’apport d’aménagements raisonnables et de la présence de personnel éducatif accompagnant dans les salles de classe des écoles publiques et privées, en particulier dans les zones rurales ;

b)Les obstacles qui empêchent les élèves handicapés de fréquenter les écoles ordinaires, en raison de l’inaccessibilité des installations, de la discrimination à l’égard des élèves handicapés et des comportements sociaux négatifs concernant la scolarisation de ces enfants, et le manque d’enseignants et de personnel non enseignant formés à l’éducation inclusive ;

c)L’absence de données actualisées sur l’éducation des élèves handicapés et le faible nombre d’enfants handicapés, en particulier de filles, scolarisés dans le système éducatif ordinaire ;

d)L’insuffisance des investissements dans la promotion de l’éducation inclusive plutôt qu’en école spéciale ;

e)L’insuffisance des bourses d’études pour les enfants handicapés et leur famille.

43. Rappelant son observation générale n o 4 (2016) sur le droit à l ’ éducation inclusive et l ’ objectif de développement durable n o 4, en particulier s es cibles 4.5 et 4.8, le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la loi portant sur l ’ intégration des personnes handicapées (2012) de façon à garantir qu ’ aucun enfant ne se verra refuser l ’ admission dans une école ordinaire en raison de son handicap. Il recommande également à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une procédure légalement établie pour l ’ apport d ’ aménagements raisonnables à tous les niveaux de l ’ enseignement et d ’ allouer les ressources nécessaires à sa mise en œuvre ;

b) D ’ élaborer et de mettre en œuvre un plan d ’ action sur l ’ éducation inclusive doté de ressources suffisantes et assorti d ’ échéances et d ’ objectifs précis concernant l ’ accessibilité, l ’ adaptation des programmes d ’ études, les matériels didactiques et l ’ assistance et le soutien individuels dans les environnements scolaires ordinaires, ainsi que des initiatives de sensibilisation et une formation obligatoire à l ’ éducation inclusive et à sa mise en œuvre destinée au personnel enseignant, aux enseignants auxiliaires et au personnel non enseignant ;

c) D ’ améliorer la collecte de données concernant, notamment, l ’ accessibilité des infrastructures scolaires et l ’ application des lois et des politiques sur l ’ éducation inclusive ;

d) D ’ accroître les ressources humaines, techniques et financières destinées à la mise en œuvre de l ’ éducation inclusive, et de mener régulièrement des campagnes d ’ information dans des formats accessibles, notamment en langage simplifié et en lang ue «  Easy Read » (ou FALC) , afin de promouvoir l ’ éducation de toutes les personnes handicapées, en particulier des femmes et des enfants et des personnes vivant dans les zones rurales ;

e) D ’ accroître les ressources destinées aux bourses et aides scolaires afin de garantir l ’ éducation des enfants handicapés.

Santé (art. 25)

44.Le Comité est préoccupé par :

a)Les obstacles systémiques physiques et comportementaux et les obstacles à la communication qui empêchent les personnes handicapées, en particulier celles qui ont un handicap psychosocial et/ou intellectuel, d’accéder aux services de santé dans des conditions d’égalité avec les autres, tout particulièrement dans les zones rurales ;

b)L’absence de services de soins de santé, d’équipements, d’informations et de supports de communication adaptés aux besoins des personnes handicapées et le manque de personnel formé pour les aider à surmonter les multiples obstacles auxquels elles se heurtent ;

c)La non-accessibilité des programmes de santé et des campagnes de prévention concernant le VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles, et le manque de services de santé procréative.

45. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D ’ élaborer un plan d ’ action assorti d ’ objectifs mesurables et de ressources financières suffisantes pour lever les obstacles qui entravent l ’ accès des personnes handicapées, en particulier des personnes présentant un handicap psychosocial et/ou intellectuel, aux services de santé ;

b) De redoubler d ’ efforts pour garantir que les services de santé destinés aux personnes handicapées leur sont accessibles, en particulier dans les zones rurales ;

c) De faire connaître aux professionnels de la santé les droits des personnes handicapées consacrés par la Convention , en promulguant des normes éthiques et en mettant en place une formation régulière et obligatoire destinée au personnel des services de santé ;

d) De prendre des mesures pour diffuser auprès des personnes handicapées, en particulier des femmes, des informations dans des formats accessibles portant sur les services et établissements de santé, y compris dans le domaine de la santé sexuelle et procréative, leur droit d ’ exprimer leur consentement libre et éclairé , leur santé sexuelle et procréative et leurs droits dans ce domaine, et le VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles ;

e) De tenir compte de l ’ article 25 de la Convention pour la réalisation des objectifs de développement durable 3.7 et 3.8.

Adaptation et réadaptation (art. 26)

46.Le Comité juge préoccupant que l’État partie ne se soit pas doté d’un plan d’action national prévoyant la prestation de services d’adaptation et de réadaptation à toutes les personnes handicapées qui en ont besoin, en particulier après le tremblement de terre de 2010 et le passage de l’ouragan Matthew. Il juge également préoccupant que les organisations de personnes handicapées ne participent pas à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes d’adaptation et de réadaptation.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un plan d ’ action national en matière d ’ adaptation et de réadaptation conforme à la Convention, en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées. Il recommande également à l ’ État partie d ’ inclure les aides à la mobilité, les appareils et accessoires et les technologies d ’ assistance dans le cadre de la coopération internationale.

Travail et emploi (art. 27)

48.Le Comité prend note avec préoccupation :

a)De l’absence d’obligation légale de procéder à des aménagements raisonnables sur le lieu de travail et de l’absence de mécanismes de contrôle concernant les « aménagements appropriés » dans la loi portant sur l’intégration des personnes handicapées (2012) ;

b)Du niveau extrêmement faible de l’emploi des personnes handicapées dans les secteurs public et privé, qui a entraîné une augmentation du taux de pauvreté chez les personnes handicapées ;

c)De l’absence d’organisme chargé de surveiller le respect des quotas à l’embauche dans les secteurs public et privé et de sanctionner en cas de non-respect ; de l’absence de mesures spécifiques visant à promouvoir l’emploi des personnes handicapées dans les secteurs public et privé ; et du retard pris dans la création du fonds national de solidarité ;

d)De l’absence de données officielles relatives aux personnes handicapées sur le marché du travail.

49. Conformément à la Convention et dans l’optique de la cible 8.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie de garantir l’avènement d’un plein emploi productif et de conditions de travail décentes pour tous, y compris les personnes handicapées, ainsi qu’un salaire égal pour un travail de valeur égale. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures juridiques et autres pour garantir la non-discrimination à l’égard des personnes handicapées en ce qui concerne leur droi t au travail et, en particulier  :

a) De préciser l ’ obligation légale de procéder à des aménagements raisonnables sur le lieu de travail, de prendre des mesures pour assurer un suivi efficace de sa mise en œuvre et de prévoir des voies de recours appropriées en cas de rejet des demandes ;

b) D ’ adopter des mesures, telles qu ’ un plan à long terme assorti d ’ objectifs définis et d ’ un calendrier, visant à accroître le taux d ’ emploi des personnes handicapées, en particulier des femmes et des jeunes handicapés, sur le marché du travail ordinaire, tant dans le secteur privé que dans le secteur public ;

c) De désigner un organisme chargé de surveiller l ’ application des quotas à l ’ embauche dans les secteurs public et privé et de sanctionner les cas de non-respect, d ’ accélérer la mise en place du fonds national de solidarité, d’offrir des formations techniques et professionnelles et d ’ inciter les personnes handicapées, en particulier les femmes, à exercer une activité indépendante ;

d) De recueillir des données ventilées sur le nombre de personnes handicapées sur le marché du travail.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

50.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté et sans source régulière de revenus, et par l’absence de système de protection sociale complet garantissant aux personnes handicapées et à leur famille l’accès à un niveau de vie suffisant, y compris à des ressources leur permettant de couvrir les dépenses liées au handicap. Le Comité est également préoccupé par le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement et par le fait que la majorité des initiatives visant à promouvoir un niveau de vie suffisant ont été mises en œuvre autour de la capitale ou dans les grandes villes et non dans les zones rurales et reculées.

51. Rappelant les liens entre l ’ article 28 de la Convention et la cible 10.2 des objectifs de développement durable, qui visent à autonomiser toutes les personnes et à favoriser leur intégration économique indépendamment du handicap, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer des stratégies de protection sociale et de réduction de la pauvreté ciblant les personnes handicapées ;

b) De mettre en place un régime de protection sociale visant à garantir un niveau de vie suffisant aux personnes handicapées, notamment au moyen de systèmes d ’ indemnisation sous forme d ’ allocations qui permettront aux personnes handicapées de couvrir les dépenses liées au handicap ;

c) D ’ intégrer la question du handicap dans les programmes destinés à promouvoir un niveau de vie suffisant, notamment ceux qui visent à améliorer l ’ accès à l ’ eau potable et à l ’ assainissement à un prix abordable et les initiatives prises à cette fin dans les zones rurales et isolées.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

52.Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que le décret de 2015 sur les élections (art. 29, 87.2 et 157) restreint le droit des personnes handicapées de participer à la vie politique, d’exercer leur droit de vote et d’adhérer à des partis politiques en tant que membres ou candidats élus ;

b)La non-accessibilité des bureaux de vote et de chaque étape du processus électoral, notamment lors l’inscription des électeurs sur les listes électorales et dans les procédures de vote, le manque d’information à ce sujet dans des formats accessibles aux personnes handicapées, et l’absence de formation du personnel électoral aux droits des personnes handicapées ;

c)Le faible nombre de personnes handicapées qui se présentent aux élections ou ont été élues à une fonction publique.

53. Le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Abroger les lois et réglementations qui restreignent le droit des personnes handicapées de participer à la vie publique et à la vie politique, et, en particulier, abroger le s articles 29, 87.2 et 157 du décret de 2015 sur les élections ;

b) Supprimer tous les obstacles physiques et autres et prévoir des aménagements raisonnables à chaque étape du processus électoral, y compris la fourniture d ’ informations et de documents et matériels dans des formats accessibles, et assurer la formation adéquate du personnel électoral sur les droits des personnes handicapées à toutes les étapes du processus électoral ;

c) Mettre en œuvre des mesures pour accroître le nombre de personnes handicapées participant à la vie publique et à la vie politique, et recueillir et publier des données ventilées sur le nombre de ces personnes.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

54.Le Comité relève avec préoccupation que les personnes handicapées se heurtent à des obstacles qui les empêchent de participer à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports, sur la base de l’égalité avec les autres. Il est également préoccupé de constater que l’État partie n’a pas encore ratifié le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

55. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer spécifiquement des ressources budgétaires à la promotion et à la protection du droit des personnes handicapées de participer à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports, sur la base de l ’ égalité avec les autres. Il encourage l ’ État partie à prendre toutes les mesures appropriées pour ratifier et mettre en œuvre dans les plus brefs délais le Traité de Marrakech visant à faciliter l ’ accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d ’ autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées .

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

56.Le Comité est préoccupé par l’absence de collecte systématique de données ventilées sur la situation des personnes handicapées dans tous les domaines, en conséquence de quoi l’État partie éprouve des difficultés à élaborer des politiques appropriées.

57. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer plein ement les questions relatives au handicap dans les indicateurs de suivi de la mise en œuvre des objectifs de développement durable et de prêter attention aux liens entre l ’ article 31 de la Convention et la cible 17.18 des objectifs de développement durable, en vue de disposer d ’ un bien plus grand nombre de données de qualité, actualisées et exactes, ventilées par niveau de revenu, sexe, âge, race, appartenance ethnique, statut migratoire, handicap et emplacement géographique, et selon d ’ autres caractéristiques propres au pays. Il recommande également à l ’ État partie de continuer à mettre au point des outils lui permettant d ’ utiliser l ’ ensemble des questions proposées par le Groupe de Washington sur les statistiques des incapacités pour ses prochains recensement s et enquêtes sur les ménages.

Coopération internationale (art. 32)

58.Le Comité est préoccupé par l’absence de stratégie cohérente élaborée en collaboration avec des organisations locales représentant les personnes handicapées dans le but de donner aux personnes handicapées les moyens de jouir effectivement de leurs droits fondamentaux consacrés par la Convention. Il s’inquiète également de ce que la plupart des projets menés dans le cadre de la coopération internationale sont principalement concentrés dans la capitale et alentour. Il relève avec préoccupation l’absence de consultation systématique et effective des personnes handicapées par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, qui a pour effet qu’elles ne participent pas suffisamment aux programmes de coopération internationale et ne sont pas incluses de manière appropriée dans ces programmes.

59. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ intégrer une politique de développement conforme aux dispositions de la Convention dans l ’ ensemble de ses politiques et programmes de coopération au service du développement ;

b) D ’ intégrer le handicap dans ses programmes de coopération en faisant appel à la participation des personnes handicapées par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent ;

c) D ’ adopter des mesures pour garantir la participation effective des personnes handicapées, par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent, à la conception, à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation des programmes et projets mis en place dans le cadre de la coopération internationale.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

60.Le Comité est préoccupé par le manque de clarté et la portée limitée du mandat de l’Office de la protection du citoyen. Il regrette que l’État partie n’ait pas encore désigné de mécanisme de contrôle indépendant, ainsi que le prévoit le paragraphe 2 de l’article 33. Il constate également avec préoccupation qu’il n’existe pas de dispositif chargé de veiller à ce que les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, soient associées aux processus de suivi.

61. Rappelant ses directives sur les mécanismes indépendants de suivi et leur participation aux travaux du Comité (voir CRPD/C/1/Rev.1, annexe), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour désigner des points de contact dans tous les domaines de l ’ administration afin d ’ intégrer le handicap dans tous ses programmes et toutes ses politiques ;

b) D ’ accélérer la désignation d ’ un mécanisme indépendant chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention, et de veiller à son indépendance ;

c) De veiller à ce que les personnes handicapées et les organisations de la société civile participent pleinement au processus de suivi de la mise en œuvre de la Convention.

IV.Suivi

Diffusion de l’information

62. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai de douze mois, des renseignements sur l’adoption des présentes observations finales et, conformément au paragraphe 2 de l’article 35 de la Convention, sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant au paragraphe 57 relatives aux statistiques et à la collecte de données.

63. Le Comité demande à l ’ État partie de mettre en œuvre ses recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, au système judiciaire et aux membres des professions concernées, tels que les professionnels de l ’ éducation, de la santé et du droit, ainsi qu ’ aux autorités locales, au secteur privé et aux médias , en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes.

64. Le Comité encourage vivement l ’ État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l ’ élaboration de ses rapports périodiques.

65. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu ’ auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles, y compris en lang ue «  Easy Read » (ou FALC) . Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l ’ homme.

Prochain rapport périodique

66. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport valant deuxième à quatrième rapports périodiques le 23 août 2023 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des présentes observations finales. Il invite également l ’ État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique.