Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

RESTREINTE *

CCPR/C/77/D/886/1999

28 avril 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMESoixante‑dix‑septième session10 mars-4 avril 2003

CONSTATATIONS

Communication n o  886/1999

Présentée par:Natalia Schedko (représentée par un conseil, Mme Tatiana Protko)

Au nom de:L’auteur et son fils Anton Bondarenko (décédé)

État partie:Bélarus

Date de la communication:11 janvier 1999

Décisions antérieures:Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 86 et à l’article 91 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 28 octobre 1999 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:3 avril 2003

Le 3 avril 2003, le Comité des droits de l’homme a adopté ses constatations concernant la communication no 886/1999 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif. Le texte des constatations figure en annexe au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS ADOPTÉES PAR LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Soixante ‑dix ‑septième session

concernant la

Communication n o  886/1999 **

Présentée par:Natalia Schedko (représentée par un conseil, Mme Tatiana Protko)

Au nom de:L’auteur et son fils Anton Bondarenko (décédé)

État partie:Bélarus

Date de la communication:11 janvier 1999

Le Comité des droits de l’homme, institué en application de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 3 avril 2003,

Ayant achevé l’examen de la communication no 886/1999 présentée au nom de Mme Natalia Schedko et M. Anton Bondarenko en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte les constatations ci‑après:

Constatations adoptées au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Mme Natalia Schedko, de nationalité bélarussienne. Elle agit en son nom et au nom de son fils décédé, Anton Bondarenko, également de nationalité bélarussienne, qui, au moment où la communication a été présentée, le 11 janvier 1999, se trouvait en détention dans le quartier des condamnés à mort, après avoir été reconnu coupable de meurtre et condamné à la peine capitale. Elle affirme que son fils décédé est victime de la part de la République du Bélarus de violations des articles 6 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il ressort de ses lettres que la communication soulève également des questions au titre de l’article 7 du Pacte. L’auteur est représentée par un conseil.

1.2Le 28 octobre 1999, conformément à l’article 86 de son règlement intérieur, le Comité des droits de l’homme, par l’entremise de son Rapporteur spécial pour les nouvelles communications, a demandé à l’État partie de ne pas exécuter la peine capitale prononcée contre M. Bondarenko jusqu’à ce que le Comité se prononce sur son cas. Comme il ressortait de la réponse de l’État partie datée du 12 janvier 2000 que la peine capitale avait été exécutée à une date antérieure non spécifiée, le Comité a adressé des questions précises à la fois à l’auteur de la communication et à l’État partie. D’après les réponses reçues, M. Bondarenko a été exécuté en juillet 1999, c’est‑à‑dire avant la date d’enregistrement de la communication par le Comité.

1.3.Le Comité note avec regret qu’avant même qu’il n’ait été en mesure de présenter sa demande au titre de l’article 86, la peine capitale avait été exécutée. Le Comité entend, et fera en sorte, que les affaires susceptibles de relever de l’article 86 soient traitées avec la diligence voulue pour que l’on se conforme à ses demandes.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1M. Bondarenko, qui était accusé de meurtre et de plusieurs autres crimes, a été reconnu coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné le 22 juin 1998 par la Cour régionale de Minsk à être fusillé par un peloton d’exécution. La décision a été confirmée par la Cour suprême le 21 août 1998. Selon l’appréciation des faits par les tribunaux, M. Bondarenko a pénétré par effraction chez des particuliers le 25 juillet 1997, en compagnie d’un mineur dénommé Voskoboynikov, et, sous la menace d’un couteau, a contraint les propriétaires à ouvrir leur coffre‑fort. Après avoir pris les objets de valeur qui s’y trouvaient, M. Voskoboynikov a prévenu M. Bondarenko que l’un des occupants, M. Kourilenkov, les dénoncerait et a suggéré à M. Bondarenko de le tuer. M. Bondarenko a poignardé deux fois M. Kourilenkov au cou avec un couteau de poche et s’est arrêté là. M. Voskoboynikov a continué à donner des coups de couteau à M. Kourilenkov au cou et sur le corps avec son propre couteau. La grand‑mère de M. Kourilenkov, Mme Martinenko, a également été tuée lorsqu’elle a ouvert la porte d’entrée; M. Voskoboynikov l’a poussée dans l’escalier jusqu’à la cave puis lui a donné plusieurs coups de couteau.

2.2D’après l’auteur, le rapport du médecin légiste a conclu que M. Kourilenkov était mort de multiples blessures reçues au cou et sur le corps, avec lésions à la veine jugulaire gauche et au larynx, aggravées par une abondante effusion de sang et un traumatisme violent. Selon l’auteur, le procès a prouvé que M. Bondarenko n’avait porté que deux coups de couteau à M. Kourilenkov, ce qui, à son avis, ne saurait avoir causé sa mort. En ce qui concerne l’homicide commis sur Mme Martinenko, l’auteur considère qu’il existe des preuves irréfutables que M. Bondarenko n’est pas le coupable. M. Voskoboynikov aurait avoué, le 24 août 1998, avoir menti pendant l’enquête et au tribunal, en accusant à tort M. Bondarenko. Il avait auparavant refusé de révéler l’endroit où se trouvait l’arme du meurtre − son couteau, qu’il avait utilisé pour les deux meurtres − mais a alors indiqué l’endroit où il était caché de sorte que l’affaire pouvait être rouverte et faire l’objet d’une nouvelle enquête.

2.3L’auteur déclare que le Président de la Cour suprême a même refusé d’ajouter le couteau aux pièces du dossier, au motif qu’il ne constituait pas un élément de preuve suffisant pour étayer la thèse selon laquelle M. Bondarenko n’avait pas participé aux meurtres. Elle affirme que la Cour aurait refusé d’ajouter au dossier des pièces à conviction favorables à son fils qui permettraient d’atténuer la gravité de sa faute et de prouver qu’il n’avait pas participé activement aux meurtres.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur prétend que les tribunaux nationaux ne disposaient pas d’éléments clairs et sans ambiguïté permettant de prouver que son fils était coupable des meurtres. À son avis, le Président de la Cour suprême n’a pas tenu compte du témoignage du coaccusé de son fils (témoignage donné après le procès) et a refusé d’inclure dans le dossier des pièces à conviction qui auraient atténué la culpabilité de son fils. Selon elle, cela montre bien que le tribunal avait une position préconçue à l’égard de son fils, et un tel tribunal ne saurait être considéré comme indépendant et impartial. À ses yeux, cela constitue une violation des articles 6 et 14 du Pacte.

3.2Il ressort aussi du dossier, encore que l’auteur n’ait pas directement invoqué ces dispositions, que la communication peut soulever des questions au titre de l’article 7 du Pacte, concernant le refus d’informer l’auteur de la date de l’exécution de son fils et du lieu où il a été enterré.

3.3Enfin, la communication semble soulever des questions concernant le respect par l’État partie des obligations découlant du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, l’auteur alléguant que l’État partie a exécuté son fils avant l’enregistrement de la communication par le Comité, mais après qu’elle eut informé l’avocat, l’administration pénitentiaire et la Cour suprême qu’elle présentait sa communication.

Observations de l’État partie

4.1Dans une note du 12 janvier 2000, l’État partie a présenté ses observations, en rappelant que M. Bondarenko avait été jugé par la Cour régionale de Minsk qui, le 22 juin 1998, l’avait reconnu coupable de tous les crimes spécifiés aux articles 89, 90, 96 et 100 du Code pénal de la République du Bélarus. Il a été condamné à mort et à la confiscation de ses biens. Dans la même décision de jugement, M. Voskoboynikov a été condamné, pour les mêmes chefs d’accusation, à 10 ans de prison et à la confiscation de ses biens.

4.2Pour l’État partie, les pièces à conviction fournies au procès démontraient clairement que M. Bondarenko et M. Voskoboynikov étaient coupables d’agression armée et d’homicide aggravé sur les personnes de Mme Martinenko et de M. Kourilenkov.

4.3Selon l’État partie, bien que M. Voskoboynikov ait nié toute participation aux meurtres, les pièces à conviction prouvaient sa culpabilité. L’enquête démontrait, et les tribunaux ont été convaincus, que M. Bondarenko et M. Voskoboynikov avaient perpétré ensemble les meurtres dont avaient été victimes Mme Martinenko et M. Kourilenkov, et que l’un et l’autre avaient porté les coups de couteau. Par conséquent, la déclaration dans laquelle M. Voskoboynikov prétend avoir menti pendant l’enquête et le procès et avoir porté de fausses accusations contre M. Bondarenko est sans fondement.

4.4L’État partie affirme que l’appréciation par les tribunaux des actes commis par M. Bondarenko et M. Voskoboynikov était correcte. Ayant examiné la nature des crimes commis par M. Bondarenko, le grand danger qu’ils représentaient pour le public ainsi que les motivations et les méthodes de ce dernier, et de même que les renseignements recueillis précédemment d’où se dégageait une image négative de la personnalité de l’accusé, le tribunal est arrivé à la conclusion que M. Bondarenko représentait une menace particulière pour la société et a prononcé la peine de mort.

4.5Selon l’État partie, tous les aspects de l’affaire ont été examinés de manière approfondie pendant l’enquête préliminaire et le procès. Par conséquent, il n’existe pas de motifs pour attaquer les jugements rendus.

4.6L’État partie termine sa communication en indiquant que la condamnation de M. Bondarenko a été exécutée, mais ne fournit pas de date.

Commentaires de l’auteur

5.1Dans ses commentaires du 29 janvier 2001, le conseil mentionne l’affirmation par l’État partie que les tribunaux avaient correctement qualifié les actes de M. Bondarenko et de M. Voskoboynikov et que l’enquête ainsi que les tribunaux avaient établi qu’ils avaient assassiné ensemble Mme Martinenko et M. Kourilenkov. Le conseil fait toutefois observer que, selon le rapport du médecin légiste, M. Kourilenkov était décédé de blessures multiples reçues au cou et sur le corps, à la joue gauche et au larynx, aggravées par une forte hémorragie et un traumatisme aigu. Les tribunaux avaient conclu que M. Bondarenko avait poignardé deux fois M. Kourilenkov, ce qui, de l’avis du conseil, n’avait pas été et ne pouvait pas être la cause de la mort.

5.2Le conseil rappelle que M. Voskoboynikov avait reconnu avoir agi seul pour tuer Mme Martinenko. Le couteau utilisé pour commettre les meurtres ne figurait pas dans les pièces à conviction.

5.3Le conseil conclut par conséquent que la peine de mort imposée à M. Bondarenko était une violation de l’article 6 du Pacte. Quoi qu’il en soit, la condamnation a été exécutée.

Observations additionnelles de l’auteur et de l’État partie

6.1À la suite de la lettre envoyée le 11 juillet 2002 par le Comité aux parties leur demandant de donner des précisions sur l’exécution de la condamnation à mort, le conseil a envoyé le 24 juillet 2002 les observations ci‑après. Elle indique que l’auteur affirme avoir obtenu un certificat de décès daté du 26 juillet 1999, indiquant que son fils a été exécuté le 24 juillet 1999. Le conseil précise en outre que les exécutions capitales se déroulent en secret au Bélarus. Ni le condamné ni sa famille ne sont informés de la date de l’exécution. Toutes les personnes condamnées à la peine capitale sont transférées au centre de détention no 1 de Minsk (SIZO − 1), où elles sont placées dans des «cellules de la mort» séparées et reçoivent des vêtements (rayés) différents de ceux des autres détenus.

6.2Le conseil note que les exécutions sont effectuées dans une zone spéciale par des soldats choisis parmi les membres du «Comité de l’exécution des condamnations». L’exécuteur procède à l’exécution en utilisant un pistolet, qui lui est remis par le chef du centre de détention. Après l’exécution, un médecin constate le décès et établit un certificat, en présence d’un procureur et d’un représentant de l’administration pénitentiaire.

6.3Le conseil ajoute que le corps du prisonnier exécuté est transporté de nuit dans l’un des cimetières de Minsk puis enterré par des soldats de manière à ne laisser aucun signe permettant de reconnaître le nom du prisonnier ou l’endroit exact où il est enseveli.

6.4Le conseil déclare que, dès que le tribunal ayant prononcé la condamnation à mort est informé de l’exécution, il en informe à son tour un membre de la famille du prisonnier exécuté. La famille se voit ensuite délivrer par le service municipal de l’état civil un certificat de décès indiquant que le décès a pour cause une décision judiciaire.

6.5Le conseil affirme, sans autre précision, que Mme Schedko avait annoncé à l’avocat de son fils, à la Cour suprême et aux autorités pénitentiaires qu’elle avait présenté une communication au Comité des droits de l’homme avant l’exécution de son fils.

7.1Le 12 septembre 2002, l’État partie a répondu à la question posée par le Comité concernant la date de l’exécution du fils de l’auteur et le moment exact à partir duquel l’État partie a connu l’existence de la communication. Il affirme que M. Bondarenko a été exécuté le 16 juillet 1999, en application de la décision de la Cour régionale de Minsk du 22 juin 1998. Il souligne que la note du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme concernant l’enregistrement de la communication était datée du 28 octobre 1999, c’est‑à‑dire que l’exécution a eu lieu trois mois avant que l’État partie ne soit informé de l’enregistrement de la communication en vertu du Protocole facultatif.

7.2L’État partie n’a fait aucune autre observation concernant les allégations de l’auteur.

Délibérations du Comité

Allégation de violation du Protocole facultatif

8.1L’auteur a prétendu que l’État partie avait violé les obligations contractées en vertu du Protocole facultatif en faisant exécuter son fils alors qu’une communication avait été adressée au Comité et que l’auteur avait informé l’avocat de son fils, les autorités pénitentiaires et la Cour suprême de son initiative, avant l’exécution de son fils et avant l’enregistrement officiel de sa communication en vertu du Protocole facultatif. Cette allégation n’a pas été étayée ni corroborée par des pièces écrites. L’État partie ne réfute pas explicitement la prétention de l’auteur, se bornant à déclarer qu’il a été informé de l’enregistrement de la communication de l’auteur au titre du Protocole facultatif par une note verbale du 28 octobre 1999, soit trois mois après l’exécution. Dans sa jurisprudence, le Comité s’est penché sur la question de savoir si un État partie agissait en violation des obligations contractées en vertu du Protocole facultatif lorsqu’il exécutait une personne qui avait présenté une communication au Comité, et a cherché à y répondre non seulement en se demandant si le Comité avait explicitement sollicité des mesures provisoires de protection mais aussi en se fondant sur le caractère irréversible de la peine capitale. Toutefois, dans les circonstances propres à la présente communication, et compte tenu de ce que la première affaire dans laquelle le Comité a établi l’existence d’une violation du Protocole facultatif du fait de l’exécution d’une personne dont le cas était en instance d’examen par le Comité a été tranchée et rendue publique après l’exécution de M. Bondarenko, le Comité ne peut tenir l’État partie pour responsable d’une violation du Protocole facultatif en raison de l’exécution de M. Bondarenko après la soumission de la communication, mais avant son enregistrement.

Détermination de la recevabilité

9.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité note que la même affaire n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale et que les recours internes ont été épuisés. Les conditions énoncées au paragraphe 2 a) et b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont donc réunies.

9.3Le Comité a pris note des allégations de l’auteur qui prétend que les tribunaux n’ont pas disposé de preuves claires, convaincantes et sans équivoque, démontrant que son fils était coupable des meurtres, et que le Président de la Cour suprême n’a pas pris en compte le témoignage que le coaccusé de son fils a donné après le procès et a refusé de prendre en considération des éléments de preuve qui auraient pu atténuer la culpabilité de son fils. Pour l’auteur, cela montre de manière décisive que le tribunal avait un préjugé concernant la culpabilité de son fils et met en lumière l’absence d’indépendance et d’impartialité des tribunaux, ce qui est une violation des articles 6 et 14 du Pacte. Ces allégations vont par conséquent à l’encontre de l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux de l’État partie. Le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions d’appel des États parties au Pacte d’examiner les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que l’appréciation des éléments de preuve a été manifestement arbitraire et a représenté un déni de justice, ou que le tribunal a par ailleurs violé son obligation d’indépendance et d’impartialité. Les éléments portés à la connaissance du Comité ne montrent pas que les décisions prises par la Cour régionale de Minsk et la Cour suprême aient été entachées de telles irrégularités, même aux fins de la recevabilité. En conséquence, cette partie de la communication est irrecevable conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

9.4 Le Comité considère que la dernière allégation de l’auteur, selon laquelle le fait que les autorités n’aient pas informé la famille, par l’entremise du prisonnier condamné ou directement, de la date de l’exécution et que les autorités ne l’aient pas informée du lieu exact où son fils a été enseveli, constitue une violation du Pacte, est recevable dans la mesure où elle semble soulever des questions au regard de l’article 7 du Pacte.

9.5En conséquence, le Comité déclare que la communication est recevable dans les limites indiquées au paragraphe 9.4 ci‑dessus et procède immédiatement à l’examen de cette partie de la communication quant au fond.

Examen quant au fond

10.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations écrites qui lui ont été soumises par les parties.

10.2Le Comité relève que l’auteur se plaint que sa famille n’a été informée ni de la date, ni de l’heure, ni du lieu de l’exécution de son fils, pas plus que du lieu exact où celui‑ci a ensuite été enterré, et que cette affirmation n’a pas été contestée. Étant donné que l’État partie ne s’est pas inscrit en faux contre cette plainte, et n’a fourni aucune autre information pertinente sur la manière dont se déroulent les exécutions de peines capitales, il convient d’accorder le crédit voulu à l’allégation de l’auteur. Le Comité comprend l’angoisse et la pression psychologique dont l’auteur, mère d’un prisonnier condamné à mort, a souffert et souffre encore parce qu’elle ne connaît toujours pas les circonstances ayant entouré l’exécution de son fils, ni l’emplacement de sa tombe. Le Comité considère que le secret total entourant la date d’exécution et le lieu de la sépulture, ainsi que le refus de remettre la dépouille mortelle aux fins d’enterrement, ont pour effet d’intimider ou de punir les familles en les laissant délibérément dans un état d’incertitude et de souffrance psychologique. Le Comité considère que le fait que les autorités aient tout d’abord omis de notifier à l’auteur la date prévue pour l’exécution de son fils, puis aient persisté à ne pas lui indiquer l’emplacement de la tombe de son fils, constitue un traitement inhumain à l’égard de l’auteur, contraire à l’article 7 du Pacte.

11.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

12.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’offrir à l’auteur une réparation, consistant notamment à l’informer du lieu où son fils a été enterré, et à l’indemniser pour l’angoisse dans laquelle elle vit. L’État partie est également tenu d’empêcher que des violations analogues se reproduisent à l’avenir.

13.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est également prié de publier les constatations du Comité.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

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