Nations Unies

CAT/OP/ESP/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 octobre 2019

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite en Espagne effectuée du 15 au 26 octobre 2017 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Mécanisme national de prévention4

III.Aspects relatifs au cadre juridique et institutionnel de la prévention de la torture et des mauvais traitements4

A.Incrimination de la torture4

B.Régime de détention au secret5

C.Contention mécanique5

D.Isolement6

E.Régime fermé6

F.Détection de la torture et des mauvais traitements7

IV.Observations sur les lieux visités9

A.Surpopulation et état des infrastructures9

B.Alimentation et eau potable10

C.Détention avant jugement10

V.Santé10

A.Contexte et indépendance des professionnels10

B.Structure et fonctionnement des services médicaux10

C.Blessures et Protocole d’Istanbul11

D.Détenus présentant des troubles psychiatriques12

VI.Groupes privés de liberté particulièrement vulnérables13

A.La situation des femmes13

B.Les migrants14

C.Les enfants et les adolescents16

VII.Répercussions de la visite18

VIII.Conclusion18

Annexes

I.Lista de las personas con quienes se reunió el Subcomité19

II.Lugares de privación de libertad visitados22

I.Introduction

1.Conformément aux dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous‑Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa visite régulière en Espagne du 15 au 26 octobre 2017. Il a tenu des réunions avec les autorités, la société civile et des personnes privées de liberté, et a visité 31 lieux de détention dans les villes suivantes : Madrid, Valence, Bilbao, Saint‑Sébastien, Melilla, Málaga, Algésiras et Cadix-Xérès.

2.Le Sous-Comité était représenté par Felipe Villavicencio Terreros (chef de la délégation), Lorena González Pinto (Vice-Présidente du Sous-Comité), Nora Sveaass (Vice-Présidente du Sous-Comité), Roberto Michel Feher Pérez et Abdallah Ounnir.

3.La délégation était assistée de trois spécialistes des droits de l’homme et de deux agents de sécurité du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

4.Le Sous-Comité avait prévu de se rendre aussi dans la communauté autonome de Catalogne. Cependant, au vu de la situation politique interne dont tout le monde a entendu parler, il a jugé préférable d’examiner la situation des personnes privées de liberté en Catalogne à une autre occasion.

5.À l’issue de sa visite, le Sous-Comité a présenté oralement ses observations préliminaires et confidentielles aux autorités. Dans le présent rapport, il expose ses conclusions et recommandations relatives à la prévention de la torture et des mauvais traitements concernant les personnes privées de liberté en Espagne, l’expression « mauvais traitements » étant utilisée au sens large pour faire référence à toutes les formes de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Sous-Comité y joint également un rapport consacré aux observations adressées tout particulièrement au mécanisme national de prévention.

6. Le Sous-Comité demande aux autorités espagnoles de lui rendre compte de manière détaillée, dans les six mois suivant la transmission du présent rapport, des mesures qu ’ elles auront prises pour donner suite à ses recommandations.

7.Le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que l’État partie décide de le rendre public. Cela étant, le Sous-Comité est convaincu que la publication du rapport peut contribuer à prévenir la torture et les mauvais traitements étant donné qu’une large diffusion des recommandations formulées aiderait à engager un dialogue national transparent et fructueux sur les questions abordées dans le rapport.

8. Le Sous-Comité recommande à l ’ Espagne de demander la publication du présent rapport, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif, comme l ’ ont déjà fait d ’ autres États parties.

9.Le Sous-Comité tient à exprimer sa gratitude aux autorités espagnoles pour la manière dont elles ont facilité sa visite. Il a pu se rendre rapidement et sans obstacle dans les lieux de détention, et les autorités responsables, ainsi que le personnel des établissements visités, se sont montrés disposés à coopérer. Le Sous-Comité tient également à souligner qu’il a eu accès sans restriction aux personnes privées de liberté avec lesquelles il souhaitait s’entretenir en privé, ainsi qu’aux rapports et aux registres qu’il a demandé à consulter. En cas de retard, les coordonnateurs désignés par l’État partie ont réglé rapidement et efficacement les problèmes rencontrés.

10.Le Sous-Comité constate que l’État partie a adopté des mesures législatives ou autres dans le domaine de la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment la loi organique no 13/2015 portant modification de la loi de procédure criminelle, qui renforce la portée des droits des personnes détenues, en particulier les articles 118, 509 et 520 modifiés. De plus, il est important de signaler que cette loi apporte des modifications au régime de détention au secret, en réduisant de treize à dix jours sa durée et en prévoyant des garanties.

11.Le Sous-Comité tient à appeler l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en vertu de l’article 26 du Protocole facultatif. Les recommandations formulées par le Sous‑Comité dans ses rapports de visite rendus publics peuvent servir de base à l’État partie s’il souhaite adresser une demande de financement de projets au Fonds spécial.

II.Mécanisme national de prévention

12.Pour ce qui est du mécanisme national de prévention, le Sous-Comité a pu constater qu’il ne disposait pas d’un budget propre mais qu’il relevait jusqu’alors du budget alloué au Défenseur du peuple, ce qui rendait difficile le développement de ses activités de prévention de la torture et des mauvais traitements. S’il est impossible de doter le mécanisme national de prévention d’un budget propre, il faudrait augmenter celui dont il dispose pour s’acquitter de ses fonctions. Les Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention du Sous‑Comité disposent clairement que « [l]es mécanismes nationaux de prévention devraient jouir d’une entière autonomie financière et opérationnelle pour pouvoir s’acquitter de leurs fonctions en vertu du Protocole facultatif » (CAT/OP/12/5, par. 12).

13.S’agissant de l’action du mécanisme national de prévention, le Sous-Comité n’est pas parvenu à différencier sa fonction de celle du Défenseur du peuple. Il semble donc que le mécanisme n’ait pas réussi à élaborer une stratégie suffisamment efficace de visite et de dialogue dans le cadre de son mandat, qui est différent de celui du Défenseur du peuple, ce qui le rend invisible aux yeux des personnes privées de liberté, des autorités et de la société civile. Dans la plupart des centres que le Sous-Comité a visités, le mandat et l’existence du mécanisme national de prévention étaient inconnus.

14. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer, à titre prioritaire, les ressources financières nécessaires au mécanisme national de prévention, comme le requièrent le Protocole facultatif et ses directives concernant les mécanismes nationaux de prévention (voir CAT/OP/12/5, par. 11), et comme prévu dans son outil d ’ auto-évaluation des mécanismes nationaux de prévention. Il lui recommande également de mener des consultations directes et constructives avec le mécanisme afin de déterminer la nature et le volume des ressources dont il a besoin pour exécuter comme il se doit son mandat conformément au Protocole facultatif.

III.Aspects relatifs au cadre juridique et institutionnel de la prévention de la torture et des mauvais traitements

A.Incrimination de la torture

15.Le Sous-Comité s’inquiète du fait que l’article174 du Code pénal, lu conjointement avec le paragraphe2 de l’article24 du même Code, continue de ne pas refléter intégralement la définition qui figure à l’article premier de la Convention contre la torture. Il n’est en effet pas prévu que l’infraction puisse être commise par une personne privée avec le « consentement exprès ou tacite » d’un agent de la fonction publique, ni que la torture puisse être utilisée contre une personne aux fins notamment « de l’intimider ou de faire pression sur elle ou de faire pression sur une tierce personne ». Le Sous-Comité note également avec préoccupation qu’une distinction est faite entre les infractions de torture graves et celles sans gravité, et que les peines applicables sont clairement insuffisantes compte tenu de la gravité de ce délit.

16.L’article 607 bis 8) du Code pénal reconnaît certes la torture comme un crime contre l’humanité lorsqu’il s’agit d’une attaque généralisée ou systématique visant la population civile ou une partie de celle-ci, mais il s’agit là de l’unique cas, dans la législation pénale espagnole, où l’infraction de torture est imprescriptible. Le Sous-Comité estime cependant que tout acte de torture doit être imprescriptible.

17. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ harmoniser le contenu de l ’ article 174 du Code pénal avec les normes internationales, et en particulier avec l ’ article premier de la Convention contre la torture  ;

b) D ’ éliminer la distinction entre les infractions de torture graves et celles sans gravité qui est faite à l ’ article 174 du Code pénal  ;

c) De prévoir des peines adéquates pour réprimer l ’ infraction de torture, prenant en compte sa gravité, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention  ;

d) D ’ appliquer le principe d ’ imprescriptibilité à tous les actes de torture.

B.Régime de détention au secret

18.Le Sous-Comité constate que la loi de procédure criminelle telle que modifiée par la loi organique no 13/2015 a apporté des modifications au régime de détention au secret. Parmi les principaux changements, il convient de signaler que la détention au secret n’est désormais possible que dans deux cas : a) lorsqu’il existe une nécessité urgente de prévenir des atteintes graves à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ; et b) lorsqu’il existe une nécessité urgente d’éviter, par une mesure d’instruction immédiate, de compromettre sérieusement une procédure pénale. Ce régime ne peut en outre être appliqué que par les autorités judiciaires, pour une durée maximale de dix jours (cinq jours, avec un seul renouvellement de cinq jours possible). Le Sous-Comité constate toutefois avec inquiétude que toutes les réformes mentionnées par l’État partie dans le cadre de l’Examen périodique universel n’ont pas été mises en œuvre, notamment pour ce qui est de l’enregistrement de la garde à vue de la personne détenue au secret et de l’assistance, toutes les huit heures, du médecin légiste et du médecin désigné par le mécanisme national de prévention de la torture. Il s’inquiète également de ce que les adolescents âgés de 16 à 18 ans puissent être soumis à ce régime.

19. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager la suppression du régime de détention au secret et, entre-temps, de mettre en place les garanties qui ont été mentionnées dans le cadre de l ’ Examen périodique universel, même si celles-ci ne figurent pas encore dans la loi de procédure criminelle. Il lui recommande également, compte tenu de l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et, en particulier, de la règle 67 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, de supprimer la possibilité de soumettre les adolescents âgés de 16 à 18 ans à ce régime.

C.Contention mécanique

20.Le recours à des moyens de contrainte est réglementé par l’article 45 de la loi organique pénitentiaire et l’article 72 du Règlement pénitentiaire. Il y est établi que l’utilisation de tels moyens doit être proportionnelle et appliquée uniquement lorsqu’il n’existe pas d’autres mesures moins sévères pour atteindre l’objectif visé, et pour la durée strictement nécessaire. Lors de sa visite, le Sous-Comité a pu constater que tous les centres de détention disposaient de cellules de contention et que, comme l’a indiqué le mécanisme national de prévention, l’utilisation des moyens de contrainte, et en particulier des moyens de contention mécanique, différait d’un centre à l’autre.

21.Le Sous-Comité a été informé que le recours à la contention mécanique et à d’autres moyens de contrainte était relativement fréquent. Dans la plupart des centres de détention visités, des détenus avaient été soumis à des moyens de contention mécanique, comme des lits de contention. À ce sujet, le Sous-Comité estime qu’avant de recourir à des moyens de contention mécanique, un processus solide de prévention en deux étapes doit être réalisé, en premier lieu, grâce à un programme spécifique individuel et, en deuxième lieu, grâce au repérage précoce de situations de crise susceptibles d’entraîner des troubles de comportement.

22. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller, conformément aux règles 47 et 48 de l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) à ce que les moyens de contrainte restent utilisés de manière exceptionnelle et uniquement en dernier ressort, lorsqu ’ il n ’ existe pas d ’ autres mesures ou de méthodes moins sévères, et ce, dans le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. En outre, il prie instamment l ’ État partie d ’ adopter les mesures nécessaires pour garantir une surveillance médicale journalière permanente pendant l ’ application de ce type de mesures et de limiter cette dernière à quelques heures. Il recommande à l ’ État partie de veiller à ce que la contention mécanique ne soit pas utilisée comme sanction à l ’ encontre des personnes détenues présentant un risque de suicide.

23. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de continuer à tenir un registre des cas de recours à des moyens coercitifs, en veillant à ce que les informations relatives aux circonstances sur lesquelles est fondée la décision d ’ y recourir, ainsi que l ’ heure de début et de fin d ’ application de la mesure, y figurent.

24. Le Sous-Comité recommande, conformément à la règle 49 des Règles Nelson Mandela, que les personnes chargées d ’ appliquer ces mesures soient formées en conséquence, et que le Guide des bonnes pratiques en matière de contention mécanique du mécanisme national de prévention soit pris en compte.

D.Isolement

25.Lors de sa visite, le Sous-Comité a également pu constater que l’application de sanctions d’isolement était prévue dans le régime disciplinaire pénitentiaire. L’article 42 de la loi organique pénitentiaire prévoit, parmi les sanctions pouvant être imposées en cas d’infraction disciplinaire, le placement en cellule d’isolement, pendant quatorze jours au maximum. Cependant, il est indiqué au paragraphe 5 de ce même article que la durée de l’isolement peut atteindre jusqu’à quarante-deux jours lorsque la personne détenue doit exécuter deux sanctions consécutives ou plus. Les articles 236 et 253 et suivants du Règlement pénitentiaire établissent également que la durée maximale de l’isolement est de quarante-deux jours. Selon les dispositions mentionnées ci‑dessus, lorsqu’une mesure d’isolement dépasse quatorze jours, une autorisation judiciaire est requise et, dans tous les cas, la personne détenue doit être soumise à un examen médical avant l’application de la sanction, puis chaque jour pendant qu’elle exécute cette dernière.

26.Le Sous-Comité a observé que, lorsqu’une mesure d’isolement était appliquée, elle était consignée dans le dossier de la personne privée de liberté et que le juge de surveillance des conditions pénitentiaires en était informé. Il a également pu observer que les médecins, lors de leurs visites, allaient voir les personnes maintenues à l’isolement. Cependant, ils se contentaient de leur demander si tout allait bien, sans poser davantage de questions et sans procéder à un examen plus approfondi. Des détenus ont en outre informé le Sous‑Comité que les mesures d’isolement dont ils avaient fait l’objet avaient été appliquées pendant plus de quatorze jours.

27. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de modifier la durée maximale pendant laquelle la sanction d ’ isolement peut être appliquée afin qu ’ elle ne dépasse pas quinze jours consécutifs, conformément à la règle 44 des Règles Nelson Mandela. En outre, il lui recommande de veiller à ce que les mesures d ’ isolement ne soient appliquées qu ’ en dernier ressort, dans des cas exceptionnels. Il exhorte l ’ État partie à faire en sorte que des examens médicaux appropriés soient réalisés pendant l ’ isolement et à assurer toutes les garanties prévues par la législation pénitentiaire et les règles 45 et 46 des Règles Nelson Mandela.

E.Régime fermé

28.Le Sous-Comité est préoccupé par la manière dont le régime fermé est appliqué aux détenus considérés comme extrêmement dangereux ou à ceux qui ne parviennent pas à s’adapter au régime ordinaire ou ouvert, car il implique pour les personnes concernées d’importantes restrictions quant à leur vie quotidienne et aux activités communes. Les personnes placées sous ce régime n’auraient par exemple pas accès aux bibliothèques, ni aux activités physiques proposées aux autres détenus, et seraient soumises à des fouilles corporelles journalières, et parfois à des fouilles à nu. Le Sous-Comité est également préoccupé de ce que ni la loi organique no 1/1979, ni le décret royal no 190/1996 portant adoption du Règlement pénitentiaire ne prévoient de durée maximale pour l’application du régime fermé, ce qui signifie qu’il peut être prolongé indéfiniment. Le Sous-Comité a reçu de la part de plusieurs personnes détenues sous le régime fermé des allégations de mauvais traitements physiques et de soins médicaux insuffisants. Un détenu a par exemple indiqué qu’il avait été ligoté à plusieurs occasions et que les consultations médicales se faisaient derrière une fenêtre. Les personnes détenues sous ce régime ont également indiqué qu’elles pouvaient rester sans contact avec personne pendant une durée indéterminée. Un des détenus a par exemple raconté n’avoir vu personne d’autre que les gardiens pendant huit mois, car il était toujours seul lorsqu’il sortait dans la cour et ne recevait pas de visites de sa famille, qui habitait dans une autre ville.

29. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de réviser l ’ application du régime fermé de détention afin qu ’ il soit limité dans le temps et qu ’ il ne puisse pas être renouvelé indéfiniment. Il recommande également la modification des règles pertinentes afin que les personnes détenues sous ce régime bénéficient de soins de santé satisfaisants et aient accès à des activités communes, notamment des bibliothèques.

F.Détection de la torture et des mauvais traitements

30.Dans certains centres, des personnes privées de liberté ont fait état d’allégations de mauvais traitements physiques, par exemple de coups de pied et de coups au visage, en particulier lors de leur arrestation, ainsi que de mauvais traitements psychologiques, par exemple d’insultes. À plusieurs reprises, le Sous-Comité a reçu des allégations de mauvais traitements lors de l’arrestation. Il a été informé des difficultés rencontrées pour porter plainte et de la procédure d’enquête et de sanction concernant de tels actes.

31.Dans les centres pénitentiaires de Puerto I et de Puerto III, il a été fait état de nombreuses allégations de mauvais traitements physiques et d’agressions verbales de la part des fonctionnaires pénitentiaires. Des détenus ont dit qu’ils avaient été frappés avec des matraques en bois, qu’ils avaient reçu des coups au visage et des coups de pied, et qu’ils avaient parfois été ligotés en cellule d’isolement. Dans ces deux centres, les détenus ont dit qu’ils ne faisaient pas confiance aux fonctionnaires pénitentiaires et que ceux-ci les menaçaient parfois d’engager des procédures disciplinaires.

32.Après la visite, l’État partie a adressé au Sous-Comité copie de 23 décisions de justice rendues au cours des dix dernières années, dont seules deux portaient condamnation pour infraction de torture (art. 174 du Code pénal) et impliquaient quatre accusés. Dans la majorité des autres cas, les condamnations prononcées se fondaient sur l’infraction d’atteinte à l’intégrité morale, visée à l’article 175 du Code pénal, qui prévoit des peines plus légères que celles établies à l’article 174. Le Sous-Comité constate avec préoccupation que peu de décisions ont été rendues pour infraction de torture, préoccupation d’autant plus vive que des décisions du Tribunal constitutionnel indiquent que les enquêtes sur les plaintes pour torture présentent des lacunes.

33.Dans la majorité des centres visités, le Sous-Comité a pu constater qu’il n’existait pas suffisamment de mécanismes permettant d’introduire une requête ou de porter plainte, y compris pour torture et mauvais traitements, contrairement aux dispositions figurant dans les règles 56 et 57 des Règles Nelson Mandela. Il note avec préoccupation que l’accès à des mécanismes de plainte auprès des autorités pénitentiaires, des autorités judiciaires, du Bureau du Défenseur du peuple ou d’autres autorités n’est pas garanti. Dans certains cas, il a appris que le personnel pénitentiaire avait connaissance de ces plaintes, alors qu’elles étaient envoyées dans une enveloppe fermée. De la même manière, il a appris que les personnes condamnées pour terrorisme devaient adresser leur courrier, y compris leurs plaintes et requêtes, dans une enveloppe ouverte. Dans tous les cas, on constate que les personnes privées de liberté craignent des représailles.

34.De la même manière, le Sous-Comité est préoccupé par l’absence de chiffres concernant les fonctionnaires qui font l’objet d’une enquête pour torture ou mauvais traitements, ainsi que par le manque d’informations ventilées sur les personnes qui portent plainte pour de tels actes, notamment par sexe, âge, nationalité, régime pénitentiaire, et sur le suivi de leur situation après le dépôt de la plainte, afin d’éviter les représailles.

35. Le Sous-Comité appelle l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour que les plaintes pour torture ou mauvais traitements fassent l ’ objet d ’ une enquête efficace, exhaustive et transparente et que les personnes coupables de tels actes fassent l ’ objet de poursuites et soient condamnées à des peines tenant compte de la gravité de l ’ infraction commise. Il reprend la recommandation du Comité contre la torture et invite instamment l ’ État partie à lutter contre l ’ impunité en faisant en sorte qu ’ un mécanisme indépendant mène rapidement des enquêtes impartiales, exhaustives et transparentes sur toutes les plaintes déposées pour actes de torture et mauvais traitements commis par des agents des forces de l ’ ordre.

36. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie de garantir, dans la pratique, à toute personne privée de liberté, la possibilité d ’ introduire une requête ou de porter plainte auprès du directeur du centre pénitentiaire ou du fonctionnaire pénitentiaire habilité, ainsi que du juge de surveillance des conditions pénitentiaires, du procureur compétent en matière de surveillance pénitentiaire, du Bureau du Défenseur du peuple et du mécanisme national de prévention. De même, l ’ État partie devrait veiller à ce que les personnes privées de liberté puissent s ’ exprimer librement et en toute confidentialité et à ce qu ’ elles ne soient ni sanctionnées ni exposées à des conséquences négatives si elles ont porté plainte ou communiqué des renseignements.

37. De la même manière, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d e recueillir des données statistiques détaillées, ventilées notamment par sexe, nationalité et régime de détention, sur les plaintes pour faits de torture, mauvais traitements ou usage abusif de la force par la police, et sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les procès tenus (en précisant l ’ infraction), ainsi que sur les sanctions disciplinaires ou pénales correspondantes . Il lui recommande également de prendre les mesures nécessaires pour que, dans la pratique, les personnes ayant dénoncé des faits de torture et des mauvais traitements soient protégées contre les représailles.

a)Absence de garanties

38.Dans quelques cas, le Sous-Comité a constaté que les personnes privées de liberté n’avaient aucun moyen d’informer l’extérieur de leur détention, par exemple, faute d’avoir accès à un avocat (en raison du nombre insuffisant d’avocats commis d’office), et n’étaient informées ni de leurs droits ni de leur situation dans une langue qu’elles comprenaient.

39. Le Sous-Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre des mesures pour que toutes les personnes privées de liberté bénéficient, dans la pratique et dès le début de la détention, de toutes les garanties prévues par les normes et règles internationales.

40.Le Sous-Comité a constaté que de nombreuses personnes privées de liberté, en particulier celles accusées ou reconnues coupables d’actes de terrorisme, étaient systématiquement transférées dans des centres de détention éloignés du lieu de résidence de leur famille.

41. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de tenir compte de la règle 59 des Règles Nelson Mandela au moment de décider dans quel centre pénitentiaire un individu sera détenu.

b)Lacunes concernant la défense d’office

42.Le Sous-Comité se déclare préoccupé par les lacunes en ce qui concerne la défense dont les personnes privées de liberté doivent pouvoir bénéficier. À la question de savoir si elles bénéficiaient de l’aide d’avocats d’office, les personnes privées de liberté ont systématiquement répondu par la négative, ce qui signifie qu’il y a peu de visites d’avocat dans les centres de détention. Les avocats ne communiquent guère avec les intéressés avant leur comparution devant le juge, lors de l’arrestation ou des différentes étapes de l’enquête pénale.

43.Il est donc nécessaire d’envisager de réformer la loi no 1/1996 sur l’aide juridictionnelle gratuite afin de renforcer et de rendre obligatoire la défense d’office, en faisant davantage participer l’État au financement des services d’avocat.

44. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie de renforcer la défense d ’ office sur l ’ ensemble du territoire national au moyen de mesures visant à garantir que tous les détenus qui ne disposent pas des ressources suffisantes aient gratuitement accès à un avocat, dans les mêmes conditions que les autres, conformément à l ’ article 119 de la Constitution, indépendamment des différences qui existent entre les différents barreaux en matière de ressources financières et humaines. Cela permettra de mettre un terme à l ’ impunité et aux situations dans lesquelles les personnes privées de liberté ne peuvent exercer leur droit à la défense, situations qui peuvent contribuer à rendre invisibles les tortures et les mauvais traitements infligés.

c)Juges de surveillance des conditions pénitentiaires

45.Même si, d’après les informations du Conseil général du pouvoir judiciaire du 1er janvier 2017, l’État partie compte 50 juges de surveillance des conditions pénitentiaires, dans certains centres visités, des personnes privées de liberté et des fonctionnaires se sont plaints au Sous-Comité de l’inaction de ces juges.

46. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires et d ’ allouer les ressources suffisantes pour que les juges de surveillance des conditions pénitentiaires puissent s ’ acquitter dûment de leurs fonctions. Il lui recommande également de renforcer les programmes de formation existants à destination des juges instructeurs, des juges de surveillance des conditions pénitentiaires et de l ’ application des peines, ainsi que des procureurs et des avocats d ’ office, y compris en ce qui concerne le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

IV.Observations sur les lieux visités

A.Surpopulation et état des infrastructures

47.Au cours de ses visites dans les différents centres pénitentiaires, le Sous-Comité n’a pas constaté de surpopulation. Il a pu observer que, de manière générale, l’état des établissements, les conditions d’hygiène, les cellules, les sanitaires et les espaces réservés à l’exercice physique étaient adaptés.

48.Le Sous-Comité a visité neuf commissariats de la police nationale, de la police des communautés autonomes et de la Garde civile. Partout, il a constaté que les cellules étaient sombres, que certaines étaient très peu aérées et sentaient très mauvais, et que les toilettes communes étaient très sales, ce qui n’est pas sans incidence sur la santé des détenus. Dans certains commissariats, les systèmes de vidéosurveillance ne fonctionnaient pas. Par exemple, dans le cas des commissariats du Retiro, à Madrid, et du district ouest, à Málaga, le Sous-Comité a constaté que les personnes privées de liberté ne pouvaient pas communiquer avec les gardiens depuis leur cellule. Il est important de souligner que, dans la plupart des cas, les cellules étaient situées au premier ou au deuxième sous-sol du bâtiment. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire le nécessaire pour prendre des mesures structurelles permettant de remédier aux problèmes repérés dans les commissariats précités.

B.Alimentation et eau potable

49.Dans certains centres visités, les personnes privées de liberté ont dit qu’elles n’avaient pas suffisamment à manger et que, parfois, la nourriture était avariée. Le Sous-Comité a également pu constater que les détenus n’avaient qu’un accès très limité à l’eau potable. Dans le cas des locaux qu’il a visités à Melilla, la question de l’eau a fait l’objet de critiques sévères, en raison de sa rareté et de sa mauvaise qualité. Il convient toutefois de reconnaître que le problème de la qualité de l’eau concerne toute la ville.

50. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que ces centres distribuent les repas aux heures habituelles, à ce qu ’ ils tiennent un registre de ces distributions afin d ’ éviter tout acte de corruption, et à ce que la nourriture soit de bonne qualité, bien préparée et suffisante d ’ un point de vue nutritif. De la même manière, l ’ État partie devra veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté puissent disposer d ’ eau quand elles en ont besoin.

C.Détention avant jugement

51.D’après les informations que l’État partie a fait parvenir au Sous-Comité au cours de sa visite, au 20 octobre 2017, la population carcérale s’élevait à 48 814 détenus, dont 7 121 en détention avant jugement et 41 693 condamnés. Lorsqu’il a visité les établissements pénitentiaires, le Sous-Comité a pu constater que la distinction était rarement faite entre quartiers réservés aux personnes en détention avant jugement et quartiers réservés aux condamnés, ce qui accroît le risque de criminalité, en particulier chez les personnes en attente d’être jugées.

52. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ indiquer clairement à l ’ administration pénitentiaire que les personnes placées en détention avant jugement et les condamnés doivent être placés dans des quartiers distincts afin que le principe de la présomption d ’ innocence des premiers soit pleinement respecté, conformément aux règles 111 et 120 des Règles Nelson Mandela.

V.Santé

A.Contexte et indépendance des professionnels

53.Les services médicaux qui s’occupent des personnes privées de liberté relèvent de différents ministères. Les médecins pénitentiaires qui exercent en milieu carcéral sont des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur, sauf au Pays basque, où ils dépendent des services de santé de la Communauté autonome et où le médecin-chef est le médecin sous-directeur, qui dépend hiérarchiquement du directeur de la prison. Les médecins légistes relèvent du Ministère de la justice. Les psychiatres dépendent du Ministère de la santé, comme tous les spécialistes internes qui soignent les détenus. Il y aurait un quatrième groupe de soignants, comme constaté au centre de rétention des étrangers à Valence, où le Ministère de l’intérieur sous-traite les services de santé. Dans les centres d’accueil temporaire des migrants, la Croix-Rouge assume une partie des soins de santé.

54. Le Sous-Comité estime que cette subordination hiérarchique vis-à-vis du Ministère de l ’ intérieur est préoccupante. Il recommande donc à l ’ État partie de rattacher les services de santé au Ministère de la santé, en veillant à ce que les médecins agissent toujours en pleine indépendance clinique, conformément à la règle 25 des Règles Nelson Mandela.

B.Structure et fonctionnement des services médicaux

55.Le Sous-Comité a étudié le système de santé dans les prisons, dans les centres de détention pour mineurs, dans les commissariats de police et dans le centre pour migrants, qu’il s’agisse d’établissements fermés ou ouverts (centres de rétention et centres d’accueil temporaire des migrants) et a relevé que les services médicaux étaient correctement structurés, qu’ils étaient assumés par plusieurs professionnels qui consultaient en polyclinique et assuraient un service de garde 24heures sur 24, et que la situation était bonne en ce qui concernait l’infirmerie, la pharmacie, les psychologues, les éducateurs et les dossiers médicaux. On a constaté qu’il y avait suffisamment de médicaments et que le vade-mecum était à jour. Les salles de consultation répondent à de bonnes conditions d’hygiène.

56.Le Sous-Comité a constaté que, dans la majorité des lieux visités, les personnes privées de liberté accédaient facilement et rapidement aux services de santé et que, si une consultation multidisciplinaire était nécessaire, elles pouvaient s’inscrire et être reçues dans des délais relativement brefs, ycompris pour des problèmes orthodontiques ou ophtalmologiques. En ce qui concerne la santé mentale, si les psychiatres reçoivent en consultation, prescrivent un traitement et en suivent les effets, ce sont les psychologues qui assurent les consultations ponctuelles. Aucun professionnel de santé mentale n’offre de traitement psychologique régulier qui ne soit médicamenteux. Souvent, la toxicomanie et son traitement sont une question prioritaire ; dans certaines prisons, de nombreux détenus suivent un traitement à la méthadone, par exemple, au centre pénitentiaire d’Alhaurín de la Torre.

57.Cependant, le Sous-Comité a constaté que la situation était différente dans les commissariats de police : en effet, il n’y a pas de personnel médical régulier mais des intervenants qui se déplacent uniquement à la demande des détenus ou lors de visites spéciales mandatées par l’administration, par exemple en cas de lésion ou de maladie.

58. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour uniformiser les soins médicaux dans tous les centres de détention, y compris l ’ accès aux spécialistes le cas échéant.

C.Blessures et Protocole d’Istanbul

59.En ce qui concerne l’enregistrement des blessures,même s’il existe un formulaire de rapport dont une partie est réservée aux dires de la victime et une autre à la description des blessures, ce document n’est pas correctement utilisé. Par exemple, dans le cas du centre pénitentiaire de Soto del Real, il est peu mis l’accent sur les dires du détenu alors que, dans le centre de Picassent et dans celui de Bilbao (Basauri), les deux parties du formulaire étaient remplies dans tous les registres examinés. Dans certains centres, si l’on pense que des blessures ont été infligées par des fonctionnaires publics, les formulaires de rapport sont adressés au juge, qui décidera des mesures à prendre.

60.D’après les informations que le Sous-Comité a reçues, il est difficile de vérifier les blessures sur les personnes privées de liberté parce que, souvent, la description des faits les ayant entraînées n’est pas correctement consignée. Le Sous-Comité estime que cela peut donner lieu à une dissimulation systématique des mauvais traitements, voire des faits de torture, en particulier lors du placement à l’isolement, ce qui rend difficile toute enquête efficace sur les mauvais traitements et les faits de torture.

61.De plus, le Sous-Comité a constaté que, dans la quasi-totalité des cas, les médecins envoyaient les formulaires de rapport relatifs aux blessures dans une enveloppe ouverte aux autorités pénitentiaires concernées, qui les transmettaient aux autorités judiciaires, y compris lorsque les médecins des centres pénitentiaires dépendent des services de santé de la Communauté autonome, comme cela est le cas pour le centre pénitentiaire de Saint-Sébastien. Le Sous-Comité relève que le Défenseur du peuple a déjà formulé plusieurs recommandations à cet égard dans l’étude qu’il a menée en 2014 sur les formulaires de rapport concernant les blessures chez les personnes privées de liberté. Cette situation suscite un manque de confiance de la part des détenus qui craignent des représailles s’ils portent plainte.

62.Le Sous-Comité a également pu constater partout que les professionnels de santé ne connaissaient pas le Protocole d’Istanbul et qu’ils n’avaient aucune information ni notion en ce qui concernait les droits de l’homme liés à la santé.

63. Ainsi, le Sous-Comité recommande que tous les médecins qui s ’ occupent de personnes privées de liberté soient formés aux règles figurant dans le Protocole d ’ Istanbul et qu ’ ils les appliquent. Il recommande également que les dires du détenu sur la façon dont les blessures se sont produites figurent expressément dans le formulaire de rapport prévu à cet effet.

64. Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie que la règle 122 du Protocole d ’ Istanbul indique que le médecin doit constater d ’ éventuelles blessures et autres symptômes de mauvais traitements, même en l ’ absence de plainte particulière de la part du sujet ou de représentants des forces de l ’ ordre ou du pouvoir judiciaire  ; il doit établir les preuves physiques et psychologiques des blessures et autres symptômes de mauvais traitements et évaluer la corrélation entre les constatations médicales et les mauvais traitements spécifiques dénoncés par la victime ou avec son expresse autorisation ou collaboration.

65.Le Sous-Comité a rencontré le doyen du département de médecine légale et le directeur de l’Institut de médecine légale pour les organes judiciaires centraux. La loi impose à ces services de répondre rapidement aux demandes de la justice. Ils connaissent le Protocole d’Istanbul mais suivent un protocole élaboré pour les médecins légistes en 1997. Le Sous-Comité a également appris que l’Institut de médecine légale élaborait un protocole de prise en charge médicale des détenus au secret (Guide sur les soins aux personnes détenues au secret), protocole que l’Institut a commencé à utiliser alors qu’il n’a pas encore été approuvé par le département de médecine légale.

66.De plus, le Sous-Comité a reçu des allégations faisant état du non-respect de la vie privée lors des consultations avec les médecins légistes ; celles-ci auraient toujours lieu en présence des fonctionnaires pénitentiaires.

67. Par conséquent, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ aborder ce point avec toute la sensibilité voulue afin de garantir le respect des droits de ces personnes en matière de confidentialité. De plus, il lui recommande de promouvoir l ’ adoption et la mise en œuvre du protocole concernant les personnes détenues au secret, mentionné au paragraphe 64 ci-dessus.

D.Détenus présentant des troubles psychiatriques

68.Le Sous-Comité a visité à Valence un centre de soins pour les patients qui ont des troubles psychiatriques. Il a pu constater que les conditions d’hygiène, de prise en charge, de traitement médicamenteux et de sécurité pour les détenus étaient adaptées. Même s’il était préoccupant de trouver une salle expressément conçue pour les cas de contention, celle-ci est conforme aux normes en vigueur en matière de contention mécanique. Dans ce centre, il a également été constaté que le personnel ne connaissait pas le Protocole d’Istanbul.

69.Le Sous-Comité a appris que des personnes privées de liberté placées dans des unités de médecine générale dans les centres de détention, ainsi que dans des modules prévus à cet effet, présentaient en réalité des pathologies psychiatriques et des handicaps mais qu’elles étaient placées là faute de place dans des hôpitaux psychiatriques.

70. Le Sous-Comité recommande que les médecins psychiatres qui soignent des personnes privées de liberté aient connaissance du Protocole d ’ Istanbul, se forment à son utilisation et l ’ appliquent.

71. De la même manière, le Sous-Comité recommande que, conformément à la règle 109 des Règles Nelson Mandela, les patients avec des pathologies psychiatriques puissent être accueillis dans des lieux de détention adaptés et que tous les détenus avec ce type de pathologies y soient transférés dès que possible, qu ’ ils souffrent de cette affection depuis avant même leur arrestation ou que cette pathologie se soit manifestée ultérieurement.

VI.Groupes privés de liberté particulièrement vulnérables

A.La situation des femmes

72.Afin d’examiner la situation des femmes privées de liberté, le Sous-Comité a visité le commissariat du district de Centro Leganitos, le centre pénitentiaire de Soto del Real, le centre pour mineurs de Melilla, le centre pénitentiaire de Melilla, le centre pénitentiaire Puerto III, le centre pénitentiaire d’Alhaurín de la Torre, le centre pénitentiaire de Picassent et le centre de détention de Bilbao (Basauri).

73.Le Sous-Comité a également visité les cellules des tribunaux à Madrid et des cellules de commissariats et a pu constater que hommes et femmes étaient séparés.

a)Établissements pénitentiaires

74.Pendant sa visite de différents établissements pénitentiaires, le Sous-Comité a reçu des informations nombreuses et concordantes selon lesquelles les femmes privées de liberté n’auraient pas accès à suffisamment d’activités de loisirs et d’exercice physique, d’ateliers professionnels et de possibilités de s’instruire. Il a également appris que les activités rémunérées dans les centres étaient exercées pour la plupart par des hommes, qui y avaient davantage accès que les femmes. Cette situation est discriminatoire à l’égard de celles-ci, étant donné que dans les différents établissements pénitentiaires visités, les hommes ont davantage accès à ce type d’activités et bénéficient de plus nombreuses possibilités de travail rémunéré.

75. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour que les femmes privées de liberté aient accès à des activités de travail, d ’ éducation, d ’ exercice, de sport et de loisirs dans des conditions d ’ égalité avec les hommes, comme le prévoient la règle 42 des Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) et les règles 104 et 105 des Règles Nelson Mandela. Ayant à l ’ esprit son document sur la prévention de la torture et des mauvais traitements à l ’ égard des femmes privées de liberté, le Sous-Comité encourage l ’ État partie à adopter une politique pénitentiaire qui tienne compte de la perspective du genre, conformément aux Règles de Bangkok.

76.Le Sous-Comité a relevé l’absence, dans les centres pénitentiaires de Melilla, d’Alhaurín de la Torre et de Saint-Sébastien, d’unité maternelle permettant aux mères de garder leurs bébés auprès d’elles. Au sein de ces établissements, les mères ne peuvent pas non plus allaiter. Le fait de ne pas pouvoir s’occuper de leurs enfants est une préoccupation majeure pour la plupart des femmes interrogées. Selon les informations reçues par le Sous-Comité, les mères qui souhaitent que leurs enfants demeurent auprès d’elles doivent se faire transférer à Séville ou ailleurs, ce qui les contraint à être séparées du reste de leur famille. Le Sous-Comité estime que l’unité maternelle du centre pénitentiaire de Picassent constitue une bonne pratique qui pourrait être étendue à d’autres établissements, car elle permet aux mères de garder leurs bébés auprès d’elles et d’avoir accès au minimum dont elles ont besoin pour en assurer les soins et le développement.

77. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place les infrastructures nécessaires pour que les femmes puissent garder leurs enfants auprès d ’ elles et les allaiter, conformément à la règle 29 des Règles Nelson Mandela. Il lui recommande également de veiller à ce qu ’ il existe un système de protection efficace pour les mineurs dont les mères sont privées de liberté.

78.Dans tous les lieux où il s’est rendu, le Sous-Comité a constaté que les femmes étaient victimes de discrimination, car par manque d’espace, aucune véritable méthode de classification des détenues ne pouvait être appliquée. Dans les établissements pénitentiaires accueillant des femmes, il a observé que ces dernières étaient toutes détenues ensemble, qu’elles aient été condamnées ou soient seulement prévenues et qu’elles aient ou n’aient pas un comportement violent. Le Sous-Comité a toutefois relevé l’existence, dans la plupart des centres pénitentiaires, de modules de respect. Selon les informations qu’il avait reçues, ces modules constituaient l’application pratique d’un principe de séparation interne qui visait à créer les conditions d’une cohabitation respectueuse entre détenus ; l’adhésion du détenu, qui portait acceptation des règles établies, était volontaire de manière que ces règles ne soient pas perçues comme imposées. Cela étant, le Sous-Comité a noté que, dans bien des cas, en l’absence de l’infrastructure voulue, la classification des femmes privées de liberté s’avérait compliquée, ce qui pouvait rendre impossible la mise en place de modules de respect à leur intention. Cette situation permettait difficilement d’évaluer les progrès qu’il leur était possible de faire sur la voie de leur réinsertion sociale.

79. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ appliquer, envers les détenues, les principes de non-discrimination, de classification et d ’ individualisation consacrés par les règles 1, 40 et 41 des Règles de Bangkok et par l ’ article 3 de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. À ce sujet, il lui recommande également de prendre les mesures voulues pour que les détenues puissent bénéficier des modules de respect dans les mêmes conditions que les détenus.

B.Les migrants

80.L’État partie compte actuellement huit centres de détention pour étrangers. Pendant sa visite, le Sous-Comité s’est rendu dans trois d’entre eux, situés à Madrid (Aluche), Valence et Algésiras, ainsi que dans le centre d’accueil temporaire de migrants de Melilla.

81.Dans les trois centres de détention pour étrangers visités ainsi qu’au centre d’accueil temporaire de migrants de Melilla, le Sous-Comité a constaté que les personnes se voyaient fournir des vêtements et des articles d’hygiène personnelle. Cela étant, il a également reçu des informations selon lesquelles des migrants détenus dans le centre d’Aluche ne disposaient que d’un seul jeu de vêtements de rechange et ne pouvaient donc guère se changer régulièrement.

82.Dans le centre d’Aluche, des migrants ont indiqué au Sous-Comité avoir subi des mauvais traitements de la part de fonctionnaires du centre, qui les auraient notamment frappés et agressés verbalement.

83.Le Sous-Comité a en outre appris que la détention des personnes se prolongerait lorsqu’elles sont de certaines nationalités. Ainsi, au premier rang des personnes détenues le plus longtemps figureraient les Algériens et les Marocains, qui sont pourtant ceux qui pourraient être renvoyés le plus facilement.

84. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour repérer les cas éventuels de torture et de mauvais traitements dans les centres de détention pour étrangers, de mener des enquêtes complètes sur les cas détectés et d ’ en sanctionner administrativement et pénalement les auteurs. Il lui recommande également de fournir la protection et l ’ assistance voulues aux migrants qui dénoncent des actes de torture et de mauvais traitements.

85. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller, en toutes circonstances et sans discrimination aucune, à traiter les dossiers des migrants dans un délai raisonnable et à informer les intéressés de la procédure et des décisions connexes, compte tenu des normes internationales en la matière.

86.Le Sous-Comité prend note du fait que, conformément au paragraphe 1 de l’article 62 bis de la loi sur les étrangers, les centres de détention pour étrangers sont à caractère non pénitentiaire, mais constate que ceux qu’il a visités fonctionnent de fait sur le modèle carcéral, et que l’un d’entre eux (le centre d’Algésiras) est même une ancienne prison. Le séjour en centre de détention pour étrangers ne doit pas être plus long que nécessaire et ne peut excéder la durée maximale de soixante jours. Selon les informations reçues par le Sous-Comité, les migrants sont gardés enfermés dans leurs cellules une bonne partie de la journée et ne peuvent sortir dans la cour que pour un temps limité. Les cellules se ferment manuellement, ce qui empêche les migrants d’être davantage libres de leurs mouvements. Elles sont aussi très éloignées du lieu où se trouvent les gardiens, si bien qu’en cas d’incendie ou d’autre événement, il leur faudrait un temps certain pour les atteindre.

87.Les migrants détenus au centre d’Aluche ont indiqué qu’ils ne se voyaient proposer aucune activité à faire et qu’ils n’avaient qu’un accès très limité aux moyens de communication, si bien qu’ils se sentaient totalement isolés du monde extérieur. Au centre d’Algésiras, les migrants se sont plaints qu’il n’y avait aucune horloge leur permettant de savoir quand mener leurs différentes activités.

88.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour que les centres de détention pour étrangers ne fonctionnent pas sur le modèle pénitentiaire, conformément à l ’ article 62 bis de la loi sur les étrangers. À cet égard, il lui recommande également de donner suite à la proposition tendant à déménager le centre d ’ Algésiras (Málaga), qui pourrait ainsi être considéré comme une structure d ’ accueil plutôt que comme une prison. De plus, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire le nécessaire pour que les migrants soient davantage libres de leurs mouvements dans les centres de détention pour étrangers, notamment en faisant en sorte que les cellules ou modules puissent s ’ ouvrir mécaniquement, le but étant non seulement de faciliter la tâche des gardiens, mais aussi de permettre aux personnes détenues de rester plus longtemps dans la cour. Le Sous-Comité recommande également de proposer des ateliers et des activités aux migrants dans les centres d ’ accueil et de faciliter leur accès à l ’ information et aux moyens de communication.

89.Le Sous-Comité a appris que, généralement, les migrants en situation irrégulière qui entraient sur le territoire de l’État partie étaient automatiquement arrêtés et remis directement aux commissariats de police, où ils pouvaient être détenus pendant une durée maximale de soixante-douze heures avant d’être remis à un centre de détention pour étrangers ou à une organisation non gouvernementale d’aide aux migrants.

90.Pendant sa visite, le Sous-Comité a constaté que le commissariat de police de la place Manuel Azaña à Málaga détenait 48 migrants subsahariens depuis deux jours. Ces derniers ont indiqué au Sous-Comité qu’ils n’avaient pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat ou d’un interprète pour le règlement de leur situation migratoire, ni informer leur famille de leur détention. Ils n’auraient pas non plus été examinés par un médecin, ni n’auraient pu aller aux toilettes pour leur hygiène personnelle. Le Sous-Comité a pu observer que tous ces détenus se trouvaient dans des cellules occupées uniquement par des migrants, mais que ces cellules étaient sombres et dépourvues d’aération et accueillaient en général des personnes accusées d’avoir commis une infraction.

91. Le Sous-Comité rappelle que la détention de migrants doit être une mesure exceptionnelle, nécessaire, raisonnable et proportionnée au cas de l ’ espèce, d ’ une durée aussi courte que possible et tendant vers un objectif légitime. En outre, dès leur mise en détention, les migrants doivent pouvoir se faire examiner par un médecin et bénéficier de toutes les garanties d ’ une procédure régulière pour pouvoir défendre leurs droits, notamment en ayant la possibilité de consulter un avocat, d ’ être informé de leur situation et de communiquer avec leur famille et leurs autorités consulaires. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour que les détentions de migrants s ’ effectuent dans des cellules de postes de police, et pour que les migrants aient accès à une douche et aux autres moyens dont ils ont besoin pour leur hygiène personnelle.

92.Pour la Cour européenne des droits de l’homme − elle a condamné par arrêt du 3 octobre 2017 les renvois automatiques opérés par l’État partie − et le Bureau du Défenseur du peuple, il est urgent de modifier les procédures applicables par les agents chargés du contrôle des frontières à Ceuta et Melilla de manière qu’ils remettent à la police nationale les personnes qui tentent d’entrer illégalement sur le territoire national, permettant ainsi que s’effectuent les démarches prévues par la législation sur les étrangers et que les intéressés soient informés de la possibilité de solliciter une protection internationale.

93. Le Sous-Comité recommande de procéder à des renvois automatiques ou sommaires de migrants qu ’ après réalisation d ’ une évaluation des risques avant renvoi donnant accès à la procédure de détermination du statut de réfugié, étant donné que les renvois de ce type, appelés « renvois à chaud », sont contraires au principe de non-refoulement consacré par l ’ article 3 de la Convention contre la torture.

94. De plus, le Sous-Comité engage l ’ État partie à faire en sorte que toute personne soumise à un renvoi opéré à la frontière ait fait l ’ objet d ’ une décision administrative, ait bénéficié de l ’ assistance d ’ un avocat et d ’ un interprète et ait été informée des recours disponibles, ainsi que de la possibilité qui s ’ offrait à elle de déposer une demande d ’ asile si elle avait besoin d ’ une protection internationale. L ’ État partie devrait également veiller à ce que la mesure du renvoi ne soit pas appliquée aux mineurs ou aux victimes potentielles de la traite des personnes.

a)Centres d’accueil temporaire de migrants

95.Le Sous-Comité a pu visiter le centre de Melilla et examiner sa situation : les installations n’étaient pas surpeuplées et se trouvaient dans un bon état. Il y avait toutefois possibilité d’améliorer les conditions matérielles des modules où dormaient les migrants, en particulier ceux qui avaient des besoins particuliers, tels que les femmes seules ou avec enfants.

96.Le Sous-Comité a observé que les gays marocains se trouvaient dans une situation de vulnérabilité extrême, de discrimination et de fragilité psychologique. Il a constaté en particulier avec préoccupation qu’une personne vivant avec le VIH montrait des signes très inquiétants de souffrance et était en plus rejetée par sa propre communauté.

97.Les gays marocains ont indiqué vivre dans la crainte perpétuelle d’être agressés par les autres résidents du centre. Ils ont également dit être victimes quotidiennement d’actes de harcèlement, d’insultes et de menaces de la part tant d’autres résidents que des agents de sécurité privée du centre.

98. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour garantir l ’ intégrité physique et psychologique des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI) du centre d ’ accueil temporaire de migrants, et empêcher ainsi qu ’ ils ne subissent des mauvais traitements. Il lui recommande également de veiller à ce que les besoins médicaux éventuels des LGBTI soient toujours pris en compte et respectés et ne puissent en aucun cas constituer un motif de discrimination ou de ségrégation. Le Sous-Comité recommande en outre à l ’ État partie de fournir des informations aux membres des forces de l ’ ordre et aux agents de sécurité du centre, non seulement pour leur donner des indications sur la manière de communiquer efficacement et professionnellement avec les LGBTI, mais aussi pour les sensibiliser aux normes et principes internationaux relatifs à l ’ égalité et à la non ‑ discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre. De plus, l ’ État partie devrait traiter les demandes d ’ asile émanant des LGBTI dans les plus brefs délais, afin d ’ atténuer la souffrance morale dont ils sont victimes dans un contexte qui leur est hostile. Le Sous-Comité renvoie l ’ État partie au chapitre V de son rapport annuel (CAT/C/57/4), qui traite de la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à l ’ égard des LGBTI.

C.Les enfants et les adolescents

a)Protection des adolescents en conflit avec la loi

99.L’article premier de la loi organique sur la responsabilité pénale des mineurs prévoit que le mineur entre 14 et 18 ans qui commet un acte délictueux (délit ou faute) devra en répondre au pénal, mais conformément aux dispositions de ladite loi.

100.Conformément à la loi susmentionnée, un mineur n’est pas condamné à exécuter une peine (amende, assignation à résidence ou emprisonnement), mais à se soumettre à des « mesures » correctrices visant à sa « réadaptation », le but étant qu’il se défasse des mauvaises habitudes qui l’ont conduit à commettre des infractions. Le Sous-Comité constate toutefois avec préoccupation que les peines ont été durcies et que l’âge de la responsabilité pénale a été abaissé à 14 ans.

101. Le Sous-Comité prend note des efforts de l ’ État partie visant à appliquer un système de justice pénale pour mineurs qui soit conforme aux normes internationales et qui respecte les garanties reconnues aux parties. Cela étant, il est préoccupé par l ’ abaissement à 14 ans de l ’ âge de la responsabilité pénale des mineurs, ainsi que par la grande sévérité des peines applicables aux infractions graves. Le Sous-Comité recommande par conséquent à l ’ État partie de réviser la législation pénale des mineurs pour l ’ aligner sur les normes internationales concernant la justice pour mineurs, en particulier les articles 37, alinéa b), et 40 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, les Règles de Beijing, les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, ainsi que sur l ’ observation générale n o 10 (2007) du Comité des droits de l ’ enfant sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs.

b)Régime disciplinaire des centres de détention pour mineurs

102.Conformément à l’article 60, par. 3, alinéa a), de la loi organique sur la responsabilité pénale des mineurs, parmi les sanctions encourues par le mineur pour la commission d’une faute très grave figure la séparation d’avec les autres détenus pour une période de trois à sept jours en cas de signes manifestes d’agressivité, de violence et d’atteinte profonde au bon déroulement de la vie collective. Selon les informations reçues de détenus du centre de détention pour mineurs de Melilla, le mineur ne peut sortir qu’une heure dans la cour lorsqu’il est frappé d’une telle sanction, et celle-ci est parfois reconduite, avec pour conséquence qu’elle se prolonge au-delà de la durée maximale fixée à sept jours.

103.Le Sous-Comité a eu accès aux registres, notamment au registre des sanctions disciplinaires, qui est informatisé. Il a constaté que dans ce dernier registre, tout comme dans celui où étaient consignées les mesures de contention, ne figurait le nom ni de la personne qui avait sollicité la sanction, ni de celle qui était chargée de l’appliquer. De l’avis du Sous-Comité, la consignation de cette information contribuerait à prévenir la torture et les mauvais traitements à l’égard des adolescents détenus en centre de détention pour mineurs, ainsi qu’à exercer un contrôle renforcé en cas de plaintes de ceux-ci alléguant des actes de torture ou des mauvais traitements.

104. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller, compte tenu de la règle 67 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, à réviser les modalités d ’ application des sanctions imposables au titre du régime disciplinaire prévu à l ’ article 60 de la loi organique sur la responsabilité pénale des mineurs, afin que lesdites modalités respectent la dignité des adolescents en conflit avec la loi. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de faire en sorte que la mesure de la séparation d ’ avec les autres détenus soit appliquée à titre exceptionnel, compte tenu systématiquement de l ’ intérêt supérieur de l ’ adolescent, pour la durée la plus courte possible et sans être reconduite pour se prolonger finalement durant une période très longue. De plus, le Sous-Comité encourage l ’ État partie à envisager de consigner dans le registre des sanctions disciplinaires le nom du fonctionnaire qui a sollicité la sanction et du fonctionnaire qui est chargé de l ’ exécuter.

c)Enfants réfugiés ou demandeurs d’asile et enfants étrangers non accompagnés

105.Le Sous-Comité prend note de l’adoption de la loi no12/2009 du 30 octobre sur le droit d’asile et la protection subsidiaire, qui comporte des dispositions concernant la situation particulière des enfants non accompagnés ayant besoin d’une protection internationale et la nécessité de leur accorder un traitement différencié.

106. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ étendre le champ d ’ application de la loi sur l ’ asile, conformément aux normes internationales, afin de pouvoir garantir une protection suffisante à tous les enfants, quelle que soit leur nationalité. De plus, il fait siennes les recommandations du Bureau du Défenseur du peuple tendant à incorporer dans l ’ ordre juridique interne les directives qui forment le régime d ’ asile européen commun, à modifier la législation afin d ’ introduire la possibilité de déposer une demande de protection internationale auprès d ’ une représentation de l ’ État partie à l ’ étranger, et à instaurer une procédure qui permette de traiter rapidement la demande d ’ extension de la qualité de réfugié à la famille de son bénéficiaire lorsque celle-ci est en danger.

VII.Répercussions de la visite

107.Conformément à l’article 15 du Protocole facultatif et au document de travail du Sous-Comité concernant les représailles, le Sous-Comité prie instamment les autorités compétentes de l’État partie de veiller à ce qu’aucunes représailles ne soient exercées après sa visite. Il demande à l’État partie de faire figurer dans sa réponse des informations détaillées sur les mesures qu’il aura prises pour empêcher que les personnes qu’il a rencontrées, avec lesquelles il s’est entretenu ou qui lui ont donné des renseignements durant sa visite soient victimes de représailles.

VIII.Conclusion

108. Le Sous-Comité espère que sa visite et le présent rapport marqueront le début d ’ un dialogue constructif avec l ’ État partie, qui permettra à celui-ci d ’ honorer ses obligations découlant du Protocole facultatif, le but étant d ’ atteindre l ’ objectif commun de prévention de la torture et des mauvais traitements.

109. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de rendre public le présent rapport, considérant que cette action constitue en soi une mesure de prévention. Il lui recommande en outre de le faire distribuer à tous les départements et établissements publics concernés.

Annexe I

[Espagnol seulement]

Lista de las personas con quienes se reunió el Subcomité

A.Autoridades

Ministerio de Asuntos Exteriores y Cooperación

Pablo Ruíz-Jarabo Quemada, Embajador en Misión Especial para los Derechos Humanos, la Democracia y el Estado de Derecho

Adela Díaz Bernárdez, Directora de la Oficina de Derechos Humanos

Ministerio de Justicia

Ana Andrés Ballesteros, Subdirectora General para Asuntos de Justicia en la Unión Europea y Organismos Internacionales

Raquel de Miguel Morante, Fiscal y Asesora en el Gabinete Técnico de la Subsecretaría

Ministerio de Defensa

Juan Manuel García Labajo, General Consejero Togado del Cuerpo Jurídico Militar, Vocal Asesor del Subsecretario de Defensa

Ministerio del Interior

Luis AguileraRuíz, Subsecretario

Ángel Yuste Castillejo, Secretario General de Instituciones Penitenciarias

Germán López Iglesias, Director General de la Policía

Juan Carlos Ortiz Argüelles, Comisario General de Extranjería y Fronteras

Luis Aparicio Campillo, Jefe de los Servicios Jurídicos de la Comisaría General de Extranjería y Fronteras

José Manuel Holgado Merino, Director de la Guardia Civil

José Manuel Santiago Marín, Jefe de la Sección de Operaciones del Estado Mayor

Miguel FayosMestre, de la Unidad Técnica de Policía Judicial

Ángel García Navarro, Jefe de Servicio, Subdirección General de Relaciones Internacionales, Inmigración y Extranjería

Ministerio de Sanidad, Servicios Sociales e Igualdad

Encarna Cruz, Directora General de Cartera Básica de Servicios del Servicio Nacional de Salud y Farmacia

Ministerio Fiscal

Jesús Alonso, Fiscal Jefe de la Audiencia Nacional

Joaquín Sánchez-Covisa, Fiscal de Extranjería

Tribunal Supremo de Justicia

Carlos Lesmes Serrano, Presidente del Tribunal Supremo y del Consejo General del Poder Judicial

Juan José López Ortega, Presidente de la Sección Cuarta (de lo Penal y Menores) de la Audiencia Provincial de Madrid [Ha sido miembro del Comité contra la Desaparición Forzada]

María José García-Galán San Miguel, Magistrada de la Sección Cuarta (de lo Penal y Menores) de la Audiencia Provincial de Madrid

Instituto de Medicina Legal y Ciencias Forenses

Rafael M. Bañon González, Director del Instituto de Medicina Legal y Ciencias Forenses

José Luis Prieto, Instituto de Medicina Legal y Ciencias Forenses

Eduardo Andreu, Instituto de Medicina Legal y Ciencias Forenses

Vidal Santos, Director del Instituto de Medicina Legal de Órganos Judiciales Centrales

Cristina Romero, médico forense

Mecanismo nacional de prevención

Francisco Fernández Marugán, Defensor del Pueblo en funciones

Concepción Ferrer, Defensora del Pueblo Adjunta

Bartolomé José Martínez García, Jefe de la Unidad Mecanismo Nacional de Prevención

José Manuel Sánchez Saudinós, Secretario General del Defensor del Pueblo

Arantxa Díaz Ugarte, personal técnico adscrito a la Unidad mecanismo nacional de prevención

Esther Pino Gamero, personal técnico adscrito a la Unidad mecanismo nacional de prevención

Rocío Monterroso Barrero, personal técnico adscrito a la Unidad mecanismo nacional de prevención

Santiago Yerga Cobos, personal técnico adscrito a la Unidad mecanismo nacional de prevención

Silvia Martín Honrubia, personal técnico adscrito a la Unidad mecanismo nacional de prevención

Sergio Hernández Moya, administrativo adscrito a la Unidad mecanismo nacional de prevención, encargado de videofilmación

Carmen Comas-Mata Mira, técnica jefe de relaciones internacionales del Defensor del Pueblo

Fernando Herrero Camps, técnico de seguridad y justicia, experto en prisiones

Vicenta Esteve Biot, vocal del Consejo Asesor del mecanismo nacional de prevención, a propuesta del Consejo General de Colegios de Psicólogos de España.

Pau Pérez Sales, técnico externo consultor especialista en psiquiatría.

Antonio Muñoz Faraldo, técnico de la Unidad mecanismo nacional de prevención.

Milagros Fuentes González, vocal del Consejo Asesor del mecanismo nacional de prevención, a propuesta del Consejo General de la Abogacía Española.

Inmaculada Martínez Torre, vocal del Consejo Asesor del mecanismo nacional de prevención, a propuesta de la Organización Médica Colegial.

Julián Carlos Ríos Martín, vocal del Consejo Asesor del mecanismo nacional de prevención.

B.Naciones Unidas

Marta García, Jefa Unidad de Protección, Alto Comisionado de las Naciones Unidas para los Refugiados

María Valles, Unidad de Protección, Alto Comisionado de las Naciones Unidas para los Refugiados

Organismos de la sociedad civil

Madrid

Asociación Libre de Abogadas y Abogados

Agrupación de los Cuerpos de la Administración de Instituciones Penitenciarias (ACAIP)

SOS Racismo

Salud Mental España

Fundación Abogacía Española

Asociación Pro-Derechos Humanos España

Red Acoge

Comisión Legal SOL, Coordinadora para la Prevención y Denuncia de la Tortura (CPDT)

Women’s Link Worldwide

Subcomisión Derecho Penitenciario, Consejo General Abogacía Española

Coordinadora Catalana para la prevención y denuncia de la Tortura (IRIDIA)

Instituto Internacional para la Acción No-Violenta (NOVACT)

Comisión Española de Ayuda al Refugiado (CEAR)

Amnistía Internacional

Melilla

Cruz Roja Española

Movimiento por la Paz

Melilla Acoge

Asociación Pro Derechos de la Infancia (PRODEIN), Melilla

Bilbao

Etxerat

SOS Racismo Bizkaia

CPDT

Sare

Jaiki Hadi

Salhaketa Araba

Salhaketa Bizkaia

Annexe II

[Espagnol seulement]

Lugares de privación de libertad visitados

A.Establecimientos penitenciarios

Centro Penitenciario Soto del Real (Madrid) (conjunta con el mecanismo nacional de prevención)

Centro Penitenciario de Picassent (Valencia)

Centro Penitenciario de Melilla (Melilla)

Centro Penitenciario Basauri (Bilbao)

Centro Penitenciario de Alhaurín de la Torre (Málaga)

Centro Penitenciario de San Sebastián

Centro Penitenciario de Puerto I (Cádiz)

Centro Penitenciario de Puerto II (Cádiz)

B.Establecimientos policiales

Comisaría del Cuerpo Nacional de Policía Puente Vallecas (Madrid)

Comisaría del Cuerpo Nacional de Policía Leganitos (Madrid)

Comisaría del Cuerpo Nacional de Policía El Retiro (Madrid)

Comisaría del Cuerpo Nacional de Policía (Melilla)

Comisaría de la Guardia Civil (Melilla)

Comisaría de la Guardia Civil de Almusafes (Valencia)

Comisaría de la Policía Local de Torrent (Valencia)

Comisaría de la Ertzaintza de Sestao (Vizcaya)

Comisaría de la Ertzaintza de San Sebastián (Vizcaya)

Puesto Fronterizo de Beni Enzar (Melilla)

Comisaría de la Policía Local (Melilla)

Comisaría de la Policía Local (Málaga)

Comisaría del Cuerpo Nacional de Policía Plaza Manuel Azaña (Málaga)

C.Establecimientos del Poder Judicial

Calabozos juzgados (Madrid)

Calabozos Audiencia Nacional (Madrid)

D.Establecimientos de migrantes

Centro de Internamiento de Extranjeros (Madrid)

Centro de Internamiento de Extranjeros (Valencia)

Centro de Internamiento de Extranjeros (Algeciras)

Centro de Estancia Temporal de Inmigrantes (Melilla)

Aeropuerto Adolfo Suárez Madrid-Barajas, Terminal 1 (Madrid)

Aeropuerto Adolfo Suárez Madrid-Barajas, Terminal 4 (Madrid)

E.Establecimientos de menores

Centro de Internamiento de Menores (Melilla)

F.Instituciones psiquiátricas

Hospitalpsiquiátrico de Bétera (Valencia)