Nations Unies

CMW/C/ARG/CO/1

Convention internationalesur la protection des droitsde tous les travailleursmigrants et des membresde leur famille

Distr. générale

2 novembre 2011

Français

Original: anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleursmigrants et des membres de leur famille

Quinzième session

12-23 septembre 2011

Examen des rapports présentés par les États partiesen application de l’article 74 de la Convention

Observations finales du Comité pour la protection des droits detous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Argentine

1.Le Comité a examiné le rapport initial de l’Argentine (CMW/C/ARG/1) à ses 167e et 168e séances (voir CMW/C/SR.167 et SR.168), tenues les 12 et 13 septembre 2011, et a adopté les observations finales ci-après à ses 179e et 180e séances, tenues les 20 et 21 septembre 2011.

A.Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction de la soumission, bien que tardive, du rapport initial de l’Argentine et se félicite du dialogue constructif tenu avec la délégation. Il remercie l’État partie de ses réponses détaillées à la liste de points à traiter et des renseignements complémentaires exhaustifs fournis par la délégation. Il regrette toutefois que les réponses écrites n’aient pas été soumises suffisamment à l’avance.

3.Le Comité note que les pays où sont employés la plupart des travailleurs migrants argentins ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui constitue un obstacle à l’exercice par ces travailleurs des droits que leur reconnaît la Convention.

4.Le Comité accueille avec satisfaction les contributions faites par des organisations non gouvernementales (ONG) à l’occasion de son examen du rapport initial de l’Argentine.

B.Aspects positifs

5.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption des mesures législatives ci‑après:

a)La loi no 25871 (2004) relative aux migrations, qui reconnaît le droit à la migration comme un droit fondamental et inaliénable (art. 4), protège le droit de tous les migrants, y compris ceux en situation irrégulière, d’avoir librement accès à l’éducation, à tous les niveaux, ainsi qu’aux services de santé (art. 7 et 8), et exige des employeurs qu’ils respectent la législation du travail quel que soit le statut migratoire d’un employé (art. 56);

b)Le décret no 616/2010 qui précise les obligations de l’État partie en vertu de la loi no 25871, notamment son obligation d’adopter des mesures pour régulariser le statut des migrants, et établit une définition des travailleurs migrants conforme à celle de la Convention;

c)La loi no 26364 (2008) relative à la prévention et à la répression de la traite et à l’aide aux victimes, qui qualifie la traite d’infraction fédérale et la punit d’une peine de trois à quinze ans d’emprisonnement, et prévoit la fourniture d’une aide aux victimes;

d)La modification récente de la loi relative à la traite, qui instaure des peines plus lourdes pour les trafiquants et abroge la disposition en vertu de laquelle les victimes de plus de 18 ans doivent prouver qu’elles n’avaient pas initialement consenti à être exploitées.

6.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures politiques et institutionnelles ci-après:

a)Le Programme national de normalisation migratoire, qui a permis de régulariser le statut de quelque 13 000 migrants originaires de pays non membres du MERCOSUR et, lors d’une seconde phase (Programme Patria Grande du MERCOSUR), qui a permis d’accorder des permis de séjour permanents ou temporaires à plus de la moitié des 423 711 personnes originaires de pays du MERCOSUR et de pays associés qui vivaient clandestinement dans l’État partie;

b)Le Programme national pour la prévention et la répression de la traite et l’aide aux victimes, adopté en vertu du décret no 1281/2007, et la création en 2008, au sein du Ministère de la justice et des droits de l’homme, du Bureau de secours et d’accompagnement des personnes victimes de la traite, qui fournit une aide aux victimes jusqu’à ce qu’elles aient témoigné devant les tribunaux;

c)Le Plan national de lutte contre la discrimination, adopté en vertu du décret no 1086/2005, mis en œuvre et supervisé par l’Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI), qui relève du Ministère de la justice et des droits de l’homme.

7.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié tous les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et tous les Protocoles facultatifs qui s’y rapportent, à l’exception du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

8.Le Comité se félicite aussi que l’État partie ait ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2002, ainsi que la Convention no 182 (1999) de l’Organisation internationale du Travail concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, en 2001.

C.Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Législation et application

9.Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant d’États parties et de particuliers.

Le Comité encourage l’État partie à intensifier ses efforts pour obtenir l’accord du Congrès national afin de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

11.Le Comité note que l’État partie n’a pas ratifié la Convention no 97 (1949) de l’OIT concernant les travailleurs migrants (révisée), ni la Convention n° 143 (1975) sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants.

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les Conventions nos 97 et143 de l’OIT.

Collecte de données

13.Le Comité regrette l’absence d’informations et de statistiques détaillées sur certaines questions liées aux migrations, notamment le nombre de travailleurs migrants et de membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, leur situation en matière d’emploi et l’accès aux services de base. Il rappelle que ces informations sont indispensables pour comprendre la situation de ces personnes dans l’État partie et évaluer le degré de mise en œuvre de la Convention.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements ventilés sur le nombre de travailleurs migrants et de membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, qui vivent dans l’État partie, sur les domaines et les conditions dans lesquels ils sont employés, ainsi que sur la façon dont ces travailleurs migrants et les membres de leur famille exercent les droits qui leur sont reconnus par la Convention et la loi relative aux migrations. En l’absence d’informations précises, le Comité souhaiterait obtenir des données fondées sur des études ou des estimations.

Formation et diffusion de la Convention

15.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant la formation des agents publics dans les domaines de la migration et de la traite des personnes. Il note toutefois avec inquiétude que les juges, les procureurs, les policiers, la gendarmerie nationale, les agents de l’immigration, les inspecteurs du travail, les travailleurs sociaux et d’autres agents publics qui s’occupent des travailleurs migrants connaissent mal les dispositions de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De poursuivre et d’intensifier ses efforts pour dispenser systématiquement une formation sur le contenu et l’applicabilité directe de la Convention aux juges et autres agents publics qui s’occupent des travailleurs migrants, aux niveaux fédéral, provincial et municipal;

b)De s’assurer que les travailleurs migrants et les membres de leur famille ont effectivement accès à des informations sur leurs droits en vertu de la Convention et de la loi relative aux migrations;

c)De continuer à collaborer avec les organisations de la société civile pour diffuser et faire connaître la Convention auprès de toutes les parties intéressées.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

17.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant les enquêtes menées par l’INADI sur les plaintes pour discrimination à l’égard de migrants. À ce sujet, il se déclare préoccupé par les informations faisant état de comportements discriminatoires à l’égard de migrants originaires de pays africains et de pays voisins, en particulier du Sénégal, de l’État plurinational de Bolivie et du Paraguay, par le fait que les médias associent les migrants à des actes criminels et à des abus en matière de perception des prestations sociales, par les propos xénophobes tenus par des responsables politiques et par la discrimination à l’égard des enfants migrants à l’école.

Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’adopter des mesures volontaristes pour éliminer les stéréotypes discriminatoires à l’égard des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans les discours politiques ainsi que dans les médias, en faisant rigoureusement appliquer les dispositions du Code pénal et en sensibilisant les responsables de l’application des lois, les responsables politiques, les journalistes et le grand public au caractère discriminatoire de tels actes;

b)De condamner publiquement les actes discriminatoires prenant pour cibles des travailleurs migrants et des membres de leur famille, de rappeler aux médias qu’ils doivent rendre compte de façon critique de ces actes et d’encourager les médias et autres parties concernées à adopter volontairement des codes de bonne conduite;

c)De veiller à ce que les enseignants respectent la dignité et l’identité culturelle des enfants migrants, signalent tous les cas de discrimination à l’égard des enfants migrants aux autorités compétentes et promeuvent une culture de la tolérance et de respect de la diversité.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

19.Tout en notant que selon l’explication fournie par la délégation de l’État partie, l’expulsion de personnes du Parque Iberoamericano à Buenos Aires le 7 décembre 2010 n’était pas liée au fait que certaines d’entre elles étaient des migrants, le Comité est gravement préoccupé par le décès de Bernardo Salgueiro, Paraguayen de 24 ans, et de Rosemary Chura Puña, Bolivienne de 28 ans, au cours de l’intervention de la police. Il note aussi avec préoccupation que Juan Quispe, Bolivien de 38 ans, a été abattu le 9 décembre 2010 lors de heurts violents entre des citoyens argentins habitant des quartiers voisins et des occupants du Parque Iberoamericano. Il s’inquiète en outre de ce que le chef du Gouvernement municipal de Buenos Aires, plutôt que d’intervenir comme médiateur dans le conflit, a publiquement associé les migrants à des infractions telles que le trafic de stupéfiants.

Le Comité exhorte l’État partie à:

a)Ouvrir rapidement une enquête impartiale sur le décès des personnes susmentionnées dans le Parque Iberoamericano et de poursuivre et sanctionner comme il convient les responsables;

b)Dispenser aux policiers une formation aux droits de l’homme pour garantir le respect des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille;

c)Sensibiliser les décideurs à leur responsabilité en matière de prévention des actes et de la violence xénophobes et veiller à ce qu’ils participent activement à la mise en œuvre du Plan national de lutte contre la discrimination et d’autres programmes visant à prévenir la xénophobie aux niveaux fédéral, provincial et municipal.

21.Le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs migrants en situation irrégulière sont souvent victimes de travail forcé, d’abus et d’exploitation, notamment des salaires insuffisants, des heures de travail excessives et des restrictions à leur liberté de circulation, en particulier dans l’industrie textile, dans l’agriculture et dans l’emploi domestique. Il note aussi avec préoccupation que les femmes migrantes en situation irrégulière qui travaillent comme domestiques sont particulièrement exposées à l’exploitation, à la violence sexuelle et au harcèlement sexuel de la part de leurs employeurs en raison de leur situation de dépendance économique et de leur accès limité à des recours judiciaires.

Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’augmenter le nombre des inspections du travail et d’infliger des amendes et d’autres peines plus sévères aux employeurs qui exploitent des travailleurs migrants ou les soumettent au travail forcé et à d’autres abus, en particulier dans le secteur informel;

b)De contrôler les pratiques en matière d’emploi dans le secteur du textile, de l’agriculture et du travail domestique afin de s’assurer que les travailleurs migrants jouissent des mêmes conditions de travail que les nationaux;

c)De favoriser l’accès des travailleurs migrants à l’emploi dans le secteur formel, en élargissant encore leur accès aux procédures de régularisation de leur situation et aux possibilités de formation professionnelle;

d)De veiller à ce que les travailleuses migrantes, en particulier les domestiques, aient accès à des mécanismes efficaces pour porter plainte contre leurs employeurs, et de poursuivre et de punir ceux qui les exploitent, conformément à l’Observation générale no 1 (2010) du Comité relative aux travailleurs migrants domestiques.

23.Le Comité s’inquiète de ce que la Direction nationale des migrations (Dirección Nacional de Migraciones – DNM) fonde ses arrêtés d’expulsion sur des obstacles juridiques à l’entrée et au séjour légaux de migrants (art. 29 de la loi relative aux migrations), tels que l’absence de preuve d’entrée légale via un poste frontière accrédité, sans tenir compte de la situation personnelle, familiale et professionnelle ou de la durée de séjour des migrants dans l’État partie. Il s’inquiète également de ce que cette pratique équivaut à transférer aux migrants, à l’exception de ceux originaires de pays membres du MERCOSUR ou de pays associés, la charge de prouver leur entrée légale dans le pays, malgré l’absence de base de données uniforme et le fait que les postes frontière ne sont pas toujours correctement équipés pour enregistrer l’entrée légale des migrants, qui ne sont pas toujours informés de la nécessité de conserver leurs certificats d’entrée sur le territoire. À ce sujet, il note que nombre de migrants sénégalais sont entrés clandestinement sur le territoire de l’État partie via le Brésil et qu’il n’y a pas à Dakar d’ambassade d’Argentine où ils auraient pu obtenir un visa.

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De veiller à ce qu’avant l’émission d’arrêtés d’expulsion, les travailleurs migrants dans l’incapacité de prouver leur entrée légale disposent de suffisamment de temps pour demander un permis de séjour compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, conformément à l’article 61 de la loi relative aux migrations;

b)De veiller à ce que la DNM établisse une base de données uniforme pour enregistrer tous les migrants qui entrent sur le territoire de l’État partie via un poste frontière accrédité, leur délivre des certificats d’entrée et les informe de la nécessité de conserver ces certificats pour demander un permis de séjour légal;

c)D’intensifier les négociations bilatérales visant à trouver une solution concernant les migrants sénégalais qui sont entrés clandestinement dans l’État partie afin de permettre la régularisation de leur situation.

25.Tout en prenant note des garanties prévues contre les expulsions par la loi relative aux migrations et le décret no 616/2010, telles que le réexamen judiciaire automatique de tous les arrêtés d’expulsion et les droits des migrants de faire appel des décisions de la DNM et d’obtenir gratuitement les services d’un avocat, le Comité est préoccupé par le fait que la non-prorogation des permis de séjour temporaires jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise place les migrants concernés dans une situation d’irrégularité et de vulnérabilité.

Le Comité recommande à l’État partie d’accorder des permis de séjour temporaires pour toute la période durant laquelle les autorités administratives ou judiciaires compétentes sont saisies d’un appel contre des décisions de la DNM relatives à la légalité du séjour d’un migrant.

27.Tout en notant que les articles 7 et 8 de la loi relative aux migrations garantissent aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, quel que soit leur statut, le droit d’avoir librement accès à l’éducation, à tous les niveaux, ainsi qu’aux services de santé, et exigent des autorités scolaires et sanitaires qu’elles fournissent des conseils et des orientations aux migrants concernant les procédures de régularisation de leur situation, le Comité s’inquiète de ce que, dans la pratique, les enfants migrants se voient souvent refuser l’accès à l’école et que les migrants n’aient pas accès aux services de santé s’ils ne sont pas titulaires d’un document national d’identité (DNI).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses activités de formation à l’intention des autorités scolaires et sanitaires concernant les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, à l’éducation et à la santé en vertu de la Convention et de la loi relative aux migrations, les différents moyens d’établir l’identité des migrants par d’autres documents que le DNI, ainsi que les procédures permettant de régulariser leur situation.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

29.Tout en se félicitant de l’instauration d’une allocation universelle en faveur des enfants de familles pauvres en vertu du décret no 1602/2009, le Comité note avec inquiétude que, pour que les familles migrantes puissent en bénéficier, les parents et l’enfant doivent avoir résidé légalement dans l’État partie pendant au moins trois ans, à moins que l’enfant soit Argentin, auquel cas le critère de séjour s’applique toujours aux parents, qui doivent prouver la légalité de leur séjour en présentant leur DNI pour étrangers. Il s’inquiète aussi des critères excessifs de durée de séjour qui s’appliquent aux travailleurs migrants sollicitant des pensions non contributives pour les mères ayant au moins sept enfants (loi no23746 et décret no 2360/1990: quinze ans de séjour dans le pays), des pensions d’invalidité (loi no 18910 et décret no 432/1997: vingt ans de séjour) ou des pensions pour personnes âgées (loi no 13478 et décret no 582/2003: quarante ans de séjour dans le pays), en dépit d’un arrêt rendu par la Cour suprême le 4 septembre 2007 dans une affaire relative à des prestations d’invalidité, dans lequel elle a estimé que l’application du critère de vingt années de séjour dans le pays était contraire à la Constitution.

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De réexaminer les critères de séjour exigés pour l’obtention de prestations sociales non contributives, afin de s’assurer qu’ils soient compatibles avec les articles 5 et 6 de la loi relative aux migrations et la Constitution nationale;

b)D’envisager d’accorder l’allocation universelle en faveur de l’enfance à tous les enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière, conformément à la loi no 26061 (2005) relative à la protection intégrale des droits des enfants et des adolescents, qui couvre tous les enfants se trouvant sur le territoire de l’État partie;

c)D’envisager d’accorder des prestations sociales non contributives aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille en situation irrégulière dans des cas de vulnérabilité sociale extrême.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

31.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie est un pays de destination pour les migrants, en particulier les femmes et les enfants, victimes d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail. Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour combattre la traite des personnes et fournir une assistance aux victimes, notamment d’ordre juridique, médical, psychologique et social, ainsi qu’un hébergement, par l’intermédiaire du Bureau de secours et d’accompagnement des personnes victimes de la traite et, une fois que les victimes ont témoigné devant les tribunaux, par l’intermédiaire du Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille du Ministère du développement social, le Comité est préoccupé par:

a)Les faibles taux de poursuites et de condamnations des trafiquants et la clémence des condamnations prononcées à leur encontre;

b)L’absence de coordination des efforts de lutte contre la traite entre les autorités chargées de faire appliquer la loi aux niveaux fédéral, provincial et municipal;

c)L’acceptation de pots-de-vin et la collusion entre des trafiquants et des policiers et d’autres agents publics chargés de mettre en œuvre les mesures de lutte contre la traite, en particulier dans les provinces;

d)Le manque de ressources du Bureau de secours et d’accompagnement des personnes victimes de la traite qui opère principalement dans la province et la ville de Buenos Aires et le nombre insuffisant de centres d’hébergement adaptés pour les victimes de la traite;

e)L’efficacité limitée des mécanismes d’identification et de prise en charge des victimes.

Le Comité rappelle les recommandations du Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants (A/HRC/17/35/Add.4, par. 93 à 96), et recommande à l’État partie:

a)De continuer à fournir aux juges, procureurs, policiers et gardes frontière une formation sur les migrations et la traite, l’identification, la protection et l’assistance aux victimes, les méthodes d’enquête respectueuses des victimes, et l’application stricte de la loi contre la traite (no 26364);

b)D’améliorer la coordination entre les autorités fédérales, provinciales et municipales dans le cadre de l’application des mesures de lutte contre la traite;

c)De traduire en justice les agents publics complices d’infractions de traite et de fournir une formation anticorruption aux policiers, en particulier dans les provinces;

d)D’allouer des ressources adéquates au Bureau de secours et d’accompagnement des personnes victimes de la traite et au Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille, d’étendre leurs services et leurs centres d’hébergement aux provinces et de soutenir les organisations non gouvernementales fournissant des services d’assistance et de réadaptation aux victimes;

e)De donner aux victimes de la traite, notamment à celles qui ne sont pas originaires de pays membres du MERCOSUR, la possibilité de régulariser leur situation;

f)D’adopter des listes récapitulatives et des protocoles et de former les gardes frontière, les inspecteurs du travail, les agents de l’immigration et les autres personnes chargées de faire appliquer la loi afin de leur permettre d’identifier rapidement les victimes de la traite et de permettre à celles qui ont besoin d’une protection d’avoir accès à la procédure d’asile;

g)D’adopter un plan national d’action contre la traite, assorti d’indicateurs et d’objectifs mesurables.

33.Le Comité se félicite des programmes de régularisation de la situation des migrants originaires de pays du MERCOSUR et de pays associés (Plan de Regularización Documentaria «Patria Grande») et des migrants originaires de pays non membres du MERCOSUR qui ont un contrat de travail (règlement no 40164/2007 de la DNM). Toutefois, il prend note avec inquiétude des faits suivants:

a)Quelque 200 000 demandeurs n’ont pas pu bénéficier de la procédure de régularisation de leur situation dans le cadre du programme Patria Grande;

b)Les obstacles administratifs à la régularisation, tels que l’accès limité à l’information sur les procédures de régularisation, les frais administratifs, l’obligation de disposer d’un domicile permanent et la nécessité de présenter un certificat d’entrée légale sur le territoire pour faire renouveler son permis de séjour;

c)L’exclusion de la procédure de régularisation des travailleurs migrants indépendants et des travailleurs migrants sans contrat de travail originaires de pays non membres du MERCOSUR;

d)L’absence de critères de régularisation fondés sur des motifs humanitaires pour les migrants originaires de pays non membres du MERCOSUR.

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière aient effectivement accès à des informations sur les procédures en vigueur pour la régularisation de leur situation;

b)De faciliter l’accès des travailleurs migrants aux procédures de régularisation en prolongeant les délais, en réduisant les frais administratifs et les exigences en matière de documentation, ainsi qu’en simplifiant ces procédures;

c)De revoir la définition des travailleurs migrants afin qu’elle couvre également les travailleurs indépendants, conformément à l’article 2 h) de la Convention et à l’article 23 du décret no 616/2010, afin de permettre aux migrants indépendants de pays non membres du MERCOSUR d’avoir accès aux procédures de régularisation;

d)D’envisager d’inclure des critères humanitaires parmi ceux qui permettent aux travailleurs migrants de pays non membres du MERCOSUR d’obtenir des permis de séjour.

6.Suivi et diffusion

Suivi

35.Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son deuxième rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer la mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Gouvernement et du Congrès national, ainsi qu’aux autorités judiciaires et locales, pour examen et suite à donner.

36.Le Comité encourage l’État partie à poursuivre les efforts déployés pour associer les organisations de la société civile à l’établissement de son deuxième rapport périodique.

Diffusion

37.Le Comité prie également l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics et du corps judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, et de prendre des mesures pour s’assurer que les migrants argentins établis à l’étranger et les travailleurs migrants étrangers en transit ou résidant en Argentine en aient connaissance.

7.Prochain rapport périodique

38.Le Comité prie l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d’ici au 1er octobre 2016.