Nations Unies

CRC/C/QAT/CO/3-4

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

22 juin 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport du Qatar valant troisième et quatrième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport du Qatar valant troisième et quatrième rapports périodiques (CRC/C/QAT/3-4), à ses 2205e et 2206eséances (voir CRC/C/SR.2205 et 2206), les 22 et 23 mai 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 2221eséance, le 2juin 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport du Qatar valant troisième et quatrième rapports périodiques, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/QAT/Q/3-4/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité se félicite des progrès accomplis par l’État partie dans certains domaines, notamment s’agissant des mesures législatives et institutionnelles et des politiques adoptées pour mettre en œuvre la Convention, et tout particulièrement de la loi no 15 de 2011 sur la lutte contre la traite des êtres humains. Il se félicite également de la création d’une unité des droits des femmes, des enfants et des personnes handicapées à la Commission nationale des droits de l’homme.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité rappelle à l’État partie le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits consacrés par la Convention et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations concernant les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : la définition de l’enfant, en particulier eu égard aux mariages d’enfants (par. 12), la non-discrimination (par. 14 et 16), la nationalité (par. 20), les châtiments corporels (par. 22), les enfants migrants (par. 34) et la justice pour mineurs (par. 37).

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Réserves

5. Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation de l’État partie, qui a indiqué que celui-ci était en train de revoir ses réserves aux articles 2 (non-discrimination) et 14 (liberté de pensée, de conscience et de religion) en vue de les retirer et, conformément à ses recommandations précédentes (voir CRC/C/QAT/CO/2 de 2009, par. 10) ainsi qu’à la lumière de la Déclaration et du Programme d’Action de Vienne adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme en 1993, demande instamment à l’État partie de retirer ses réserves, qui sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention.

Législation

6. Notant que le projet de loi sur les droits de l’enfant annoncé lors du précédent examen qui s’est déroulé en 2009 n’a pas encore été adopté, le Comité réitère sa recommandation précédente (voir CRC/C/QAT/CO/2, par. 12) et demande instamment à l’État partie de revoir à titre prioritaire le projet de loi afin de s’assurer de sa pleine conformité aux dispositions de la Convention et de prendre toutes les mesures appropriées pour accélérer son adoption et veiller à son application effective.

Politique et stratégie globales

7. S’il prend note de l’existence de la Vision nationale du Qatar à l’horizon 2030 et des fondements économiques, environnementaux, humains et sociaux sur lesquels elle repose, ainsi que des nombreuses stratégies et plans d’action qui influent sur les droits, le développement et la protection sociale de l’enfant, le Comité est néanmoins préoccupé par le fait qu’aucun de ces programmes ne vise directement les droits de l’enfant. En conséquence, il rappelle sa recommandation précédente (voir CRC/C/QAT/CO/2, par. 14) et recommande à l’État partie d’adopter une stratégie nationale spécialement consacrée aux enfants, qui couvre tous les domaines visés par la Convention, et de mettre en place des mécanismes d’évaluation qui lui permettent de mesurer régulièrement les progrès réalisés et de repérer d’éventuelles lacunes dans la mise en œuvre du Plan d’action national (voir CRC/C/QAT/3-4, par. 67) de façon à y remédier.

Collecte de données

8. Se référant à son observation générale n o  5 (2003) sur les mesures d’application générales de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer ses mécanismes de collecte de données et de faire en sorte que les données et les indicateurs soient mis en commun par les ministères compétents et utilisés pour l’élaboration, le suivi et l’évaluation de politiques, programmes et projets de mise en œuvre effective de la Convention (voir CRC/C/QAT/CO/2, par. 18).

Diffusion, sensibilisation et formation

9. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses programmes de sensibilisation à la Convention, notamment en encourageant les médias traditionnels et les médias sociaux à s’intéresser davantage aux questions relatives aux enfants et à le faire d’une manière qui soit respectueuse de leur sensibilité, en favorisant la participation active des enfants eux-mêmes aux activités de sensibilisation, et en adoptant des mesures ciblées à l’intention des parents, des travailleurs sociaux, des enseignants et des agents des forces de l’ordre.

Droits de l’enfant et entreprises

10. S’il constate que des normes relatives à la responsabilité sociale des entreprises du Qatar ont été mises au point et que de nombreuses mesures relatives à la responsabilité sociale ont été adoptées, le Comité note toutefois avec préoccupation que celles-ci ne tiennent pas compte des droits et intérêts de l’enfant et, invoquant son observation générale n o 16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l’enfant, recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre une réglementation permettant de s’assurer que les entreprises respectent les normes internationales et nationales des droits de l’homme et les normes du travail en ce qui concerne les droits des enfants.

B.Définition de l’enfant (art. 1)

11.Le Comité demeure vivement préoccupé par le fait que la loi fixe l’âge du mariage à 18 ans pour les garçons et à 16 ans pour les filles.

12. Le Comité rappelle sa recommandation précéd ente (voir CRC/C/QAT/CO/2, par.  24) visant à ce que l’État partie relèv e l’âge minimum du mariage à 18  ans pour les filles.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

13.Le Comité est conscient que l’État partie a pris des mesures pour développer l’éducation des filles, améliorer leur sécurité et les protéger de la violence, mais reste profondément préoccupé par le fait que les filles restent en butte à de multiples formes de discrimination fondées sur le sexe dès le plus jeune âge et tout au long de l’enfance et de l’adolescence, du fait de la persistance de comportements et de normes préjudiciables ancrés dans la tradition, et qu’aucun effort n’a été fait de manière systématique, notamment avec l’aide de responsables religieux, de personnalités influentes et des médias, pour combattre les comportements et pratiques discriminatoires et les faire évoluer.

14. Le Comité engage l’État partie  :

a) À mettre au point une stratégie globale, et notamment à définir clairement des objectifs et à mettre en place un mécanisme de suivi afin de modifier et de faire disparaître les comportements et les pratiques préjudiciables ainsi que les stéréotypes profondément ancrés qui sont discriminatoires à l’égard des filles  ;

b) À prendre ces mesures en coordination avec un large éventail de parties concernées, en particulier les filles, et à impliquer tous les secteurs de la société afin d’amener un changement social et culturel et de créer un environnement propice à l’égalité  ;

c) À assurer le suivi de ces mesures, à évaluer régulièrement les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés et à inclure dans le prochain rapport périodique une évaluation des résultats obtenus.

15.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les enfants nés hors mariage, les enfants handicapés et les enfants de travailleurs migrants continuent de faire l’objet d’une discrimination dans l’État partie.

16.Le Comité renouvelle sa recommanda tion (voir CRC/C/QAT/CO/2, par.  26) et demande à l’État partie d’adopter une stratégie volontariste et complète pour éliminer la discrimination de jure et de facto à l’égard de tous les enfants, quels qu’en soient les motifs, en accordant une attention particulière aux filles, aux enfants handicapés, aux enfants nés hors mariage et aux enfants de travailleurs migrants.

Intérêt supérieur de l’enfant

17. Le Comité est préoccupé par le fait que nombre des critères énoncés dans la législation de l’État partie pour déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant se rapportent à des conditions qui doivent être remplies par des adultes plutôt qu’à l’intérêt supérieur de chaque enfant en fonction de sa situation particulière. Compte tenu de son observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire en sorte que ce droit soit dûment pris en considération et soit interprété et respecté de manière uniforme dans toutes les procédures et décisions législatives, administratives et judiciaires et dans tous les programmes, projets et politiques qui concernent les enfants ou ont une incidence sur eux. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à définir des procédures et des critères fondés sur la situation concrète des enfants et sur leurs droits pour former toutes les personnes en position d’autorité et les aider à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant dans tous les domaines et à en faire une considération primordiale.

Respect de l’opinion de l’enfant

18. Compte tenu de son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu, le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’accentuer encore ses efforts afin que tous les enfants soient informés des droits qui leur sont conférés par la Convention de façon à leur permettre d’exprimer leur opinion et de prendre plus facilement des décisions en connaissance de cause  ;

b) De veiller à ce que l’opinion des enfants soit dûment prise en considération devant les tribunaux, à l’école, dans les procédures administratives et autres les concernant et dans la famille, notamment en adoptant des lois appropriées, en formant les parents et les professionnels travaillant au contact d’enfants et pour les enfants et en élaborant des procédures ou protocoles opérationnels à l’intention de ces professionnels afin de garantir le respect de l’opinion des enfants dans les procédures administratives et judiciaires.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Nationalité

19.Le Comité reste gravement préoccupé par le fait que la loi sur la nationalité ne reconnaît pas la nationalité qatarienne aux enfants de mère qatarienne et de père non‑qatarien, comme elle le fait pour les enfants de père qatarien.

20. Compte tenu de sa recommandation antérieure (voir CRC/C/QAT/CO/2, par. 34) et de celles qui ont été formulées par d’autres organes conventionnels et dans le cadre de l’ E xamen périodique universel, le Comité demande instamment à l’État partie de revoir sa législation sur la nationalité de manière que la nationalité puisse être transmise aux enfants par la mère comme par le père, sans distinction, en particulier pour les enfants qui, autrement, seraient apatrides. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, et de solliciter l’assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) pour la mise en œuvre de ces recommandations.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Châtiments corporels

21.Le Comité demeure profondément préoccupé par le fait que les châtiments corporels sont autorisés par la loi et largement utilisés dans la famille, dans les structures de protection de remplacement, les garderies et les écoles, et comme sanction pénale.

22. Compte tenu de son observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, le Comité demande instamment à l’État partie  :

a) D’interdire expressément dans le projet de loi relatif aux droits de l’enfant les châtiments corporels dans tous les contextes, notamment dans la famille, à l’école et dans le système judiciaire, sans aucune exception  ;

b) De veiller à ce que l’interdiction des châtiments corporels soit dûment appliquée et contrôlée et à ce que les auteurs d’infractions soient traduits devant les autorités administratives ou judiciaires compétentes  ;

c) De promouvoir des modes d’éducation des enfants et de discipline positifs, non violents et participatifs dans la famille, de renforcer la formation des enseignants et des autres professionnels travaillant avec et pour les enfants sur la discipline positive et de s’assurer que les directives relatives à la gestion des comportements fassent partie intégrante de tous les programmes de formation continue  ;

d) De mettre en place un dispositif de dépôt de plainte afin que les enfants puissent signaler en toute confidentialité et en toute sécurité les personnes qui appliquent des châtiments corporels  ;

e) De lancer des programmes de sensibilisation, comprenant des campagnes, des séances de formation et d’autres activités, afin de prévenir les châtiments corporels et de favoriser une évolution positive des mentalités en ce qui concerne les châtiments corporels dans tous les contextes.

Maltraitance et négligence

23. Compte tenu de son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence et des recommandations qu’il a formulées précédemment (voir CRC/C/QAT/CO/2, par. 49 et 65), et compte tenu de la cible 16.2 des objectifs de développement durable, qui est de mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De renforcer encore les programmes de sensibilisation et d’information −  notamment les campagnes − en y associant les enfants, et d’élaborer une stratégie globale visant à prévenir et à combattre la maltraitance des enfants  ;

b) D’établir une base de données nationale regroupant tous les cas de violence familiale à l’égard d’enfants et d’entreprendre une évaluation complète de l’ampleur, des causes et de la nature de cette violence  ;

c) De promouvoir les programmes communautaires qui visent à prévenir et à combattre la violence familiale, la maltraitance et la négligence envers les enfants, notamment en y associant d’anciennes victimes, des bénévoles et des membres de la communauté, et en leur apportant un appui en matière de formation  ;

d) De prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les enfants victimes de la traite, de l’exploitation sexuelle et d’abus sexuels ne soient pas traités comme des délinquants.

Violence sexiste

24. À la lumière de la cible 5.2 des objectifs de développement durable qui consiste à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et d’autres types d’exploitation et compte tenu des recommandations formulées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (voir CEDAW/C/QAT/CO/1, par. 24) et par le Comité des droits des personnes handicapées (voir CRPD/C/QAT/CO/1, par. 32), le Comité invite instamment l’État partie à  :

a) Mettre en place un système complet de protection contre la violence familiale, comme prévu dans la Stratégie nationale de développement de l’État partie pour 2011-2016, et à se doter d’une législation spécifique qui érige en infraction pénale toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence familiale et le viol conjugal, sans exception et en suivant un calendrier précis  ;

b) Veiller à ce que les allégations concernant des cas de violence sexiste fassent l’objet d’une enquête approfondie et indépendante et à ce que les auteurs soient traduits en justice  ;

c) Mettre en place des formations régulières et approfondies pour les juges, les avocats, les procureurs, les policiers et les membres des autres professions concernées sur les procédures normalisées de prise en charge des victimes, compte tenu des spécificités des femmes et des enfants, et sur le fait que l’existence de stéréotypes sexistes dans la justice empêche l’application stricte de la loi  ;

d) Recueillir systématiquement des données sur la violence à l’égard des femmes et des filles, ventilées par âge et type de relation entre la victime et l’auteur.

Pratiques préjudiciables

25. Le Comité exhorte l’État partie à prendre des mesures efficaces pour faire cesser la pratique des mariages d’enfants et pour réaliser un travail de sensibilisation sur les effets dommageables de cette pratique en collaboration avec les médias, les chefs traditionnels et religieux et la famille. Le Comité engage en outre l’État partie à mettre fin à la polygamie qui, comme il est indiqué dans la reco mmandation générale n o 31/observation générale n o 18 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et du Comité des droits de l’enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, cause des préjudices émotionnels et matériels aux enfants, lesquels ont souvent de graves conséquences pour leur bien-être.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

26. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que les mères et les pères aient les mêmes responsabilités juridiques dans l’éducation et le développement de leurs enfants  ;

b) De veiller à ce que toutes les décisions concernant les enfants qui sont prises lors d’un divorce tiennent compte de la situation particulière de chaque enfant et d’abroger toutes les dispositions du droit de la famille qui ont une incidence négative sur les enfants, telles que  :

i) Celles qui autorisent le divorce, en particulier dans les cas de répudiation, sans garanties de protection adéquate pour la mère et l’enfant  ;

ii) Celles qui confient la garde d’un garçon ou d’une fille à sa mère ou à son père en fonction de son âge, sans avoir évalué quelle situation correspondait le mieux à l’intérêt supérieur de l’enfant concerné  ;

c) De veiller à ce que la possibilité pour l’enfant de donner son avis s’agissant de la garde suite au divorce soit considérée comme un droit et non une obligation.

Enfants privés de milieu familial

27. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants et lui recommande  :

a) D’appuyer et de faciliter la prise en charge des enfants dans la famille, chaque fois que cela est possible, y compris pour les enfants de familles monoparentales, sans distinction fondée sur l’origine ethnique ou nationale, et de mettre en place un système de famille d’accueil pour les enfants qui ne peuvent pas rester dans leur famille, afin de réduire le placement d’enfants en institution  ;

b) De prévoir des garanties suffisantes et de définir des critères précis, fondés tant sur les besoins que sur l’intérêt supérieur de l’enfant, pour déterminer si un enfant doit être placé dans une structure de protection de remplacement  ;

c) De veiller à ce que les placements en famille d’accueil ou en institution fassent l’objet d’examens périodiques et de surveiller la qualité de la prise en charge des enfants, notamment en instaurant des mécanismes accessibles permettant de signaler et de suivre les cas de maltraitance et de prendre des mesures pour y remédier.

Enfants vivant en prison avec leur mère

28. Le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention prioritaire à l’intérêt supérieur de l’enfant en examinant les solutions de remplacement à la détention des mères et, uniquement si aucune solution n’est trouvée, de mettre toutes les ressources humaines et financières nécessaires au service des enfants vivant en détention avec leur mère et d’offrir à ces derniers tout le soutien voulu, et d’apporter toute aide psychologique et autre nécessaire aux enfants dont les parents ont été condamnés à la peine capitale.

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

29. S’il prend note de l’adoption de la Stratégie nationale pour la santé pour 2011 ‑ 2016, qui comprend un volet consacré à l’éducation inclusive, et compte tenu de son observation générale n o 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, de sa précédente recommandation (voir CRC/C/QAT/CO/2, par. 51) et de la recommandation du Comité des droits des personnes handicapées (voir CRPD/C/QAT/CO/1, par. 16 et 44), le Comité recommande à l’État partie de continuer à promouvoir une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, en accordant une attention particulière aux filles handicapées et aux enfants handicapés vivant en dehors des villes, et  :

a) De continuer à recueillir des données ventilées sur les enfants handicapés et de mettre en place un système efficace de diagnostic du handicap, nécessaire à l’élaboration de politiques et de programmes pertinents en faveur des enfants handicapés  ;

b) De renforcer les mesures visant à garantir l’accès des enfants handicapés aux soins de santé, y compris aux programmes de dépistage et d’intervention précoces  ;

c) De redéployer les ressources affectées à des systèmes éducatifs séparés au profit d’un enseignement inclusif et de qualité, qui garantisse aux élèves handicapés scolarisés dans des établissements ordinaires des aménagements raisonnables et un soutien individuel, ainsi qu’un environnement et un programme accessibles, et de la mise en place d’une formation obligatoire en cours d’emploi de tous les enseignants et de l’ensemble du personnel des établissements scolaires à l’enseignement inclusif de qualité  ;

d) De former du personnel et des enseignants spécialisés qui seront affectés dans des classes inclusives fournissant un soutien et une assistance individualisées aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage  ;

e) De mener des campagnes de sensibilisation ciblant les fonctionnaires, la population et les familles pour combattre la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les enfants handicapés et de donner une image positive de ces enfants  ;

f) De prévoir des garanties pour protéger les droits des filles et des garçons handicapés et s’assurer qu’ils sont consultés sur toute question les concernant et qu’ils reçoivent tout l’appui dont ils ont besoin à cet égard.

Santé des adolescents

30. Renvoyant à son observation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention, et à la recommandation du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (voir CEDAW/C/QAT/CO/1, par. 40), le Comité recommande à l’État partie  :

a) De dépénaliser l’avortement en toutes circonstances et de garantir l’accès des adolescentes à des services médicalisés d’avortement et de soins après avortement, en veillant à ce que l’avis des intéressées soit toujours sollicité et pris en compte dans le cadre du processus de décision  ;

b) D’adopter une politique globale de santé sexuelle et procréative à l’intention des adolescents et de veiller à ce que l’éducation à la santé sexuelle et procréative soit inscrite dans les programmes scolaires obligatoires et à ce qu’elle s’adresse aux adolescents des deux sexes et mette tout particulièrement l’accent sur la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles  ;

c) De lutter contre la consommation de drogues chez les enfants et les adolescents, notamment en leur fournissant des informations précises et objectives et en leur transmettant des compétences pratiques de façon à prévenir la consommation de drogues (y compris l’alcool et le tabac), et de mettre en place des services de réduction des risques et de traitement de la toxicomanie qui soient accessibles et adaptés aux jeunes  ;

d) De redoubler d’efforts pour lutter contre l’obésité des enfants en réglementant la commercialisation des produits alimentaires mauvais pour la santé, notamment lorsque la stratégie commerciale cible les enfants, et de réglementer l’accessibilité de ces produits alimentaires dans les écoles et d’autres lieux  ;

e) De mettre en place des services de santé mentale à assise communautaire et de renforcer le travail de prévention dans les écoles, dans la famille et dans les centres de soins.

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles/l’enseignement des droits de l’homme

31. S’il se félicite des efforts continus de l’État partie pour promouvoir l’éducation, le Comité réitère néanmoins la recommandation qu’il a formulée précédem ment (voir CRC/C/QAT/CO/2, par.  57) et, compte tenu de son observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l’éducation et de la recommandation du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (voir CEDAW/C/QAT/CO/1, par. 34), recommande à l’État partie  :

a) De renforcer les mesures prises afin de développer les programmes éducatifs non stéréotypés, s’attaquant aux causes structurelles de la discrimination fondée sur le sexe, et de diversifier l’orientation éducative et professionnelle des garçons et des filles  ;

b) D’élaborer un plan d’action national pour l’enseignement des droits de l’homme, comme recommandé dans le cadre du Programme mondial en faveur de l’éducation aux droits de l’homme.

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants réfugiés et enfants demandeurs d’asile

32. Le Comité note les efforts déployés par l’État partie pour faire en sorte que les enfants syriens aient accès à l’éducation de base, et le félicite pour le renforcement des mesures visant à délivrer des documents d’enregistrement des naissances et d’enregistrement à l’état civil afin que tous les enfants nés dans l’État partie puissent obtenir un certificat de naissance et recommande à l’État partie  :

a) D’améliorer la coordination entre les institutions gouvernementales et semi-gouvernementales s’occupant des droits de l’enfant et de renforcer la coopération avec le HCR, par la signature d’un mémorandum d’accord  ;

b) D’envisager d’adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés, à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

Enfants migrants

33.S’il prend note de l’adoption de la loi no 21 (2015) régissant l’entrée, la sortie et le séjour des immigrants, qui défend l’unité de la famille, le Comité est toutefois gravement préoccupé par :

a)La pratique de la détention ou de l’emprisonnement de migrantes avec enfants dans des centres de détention pour immigrants dans l’attente de leur expulsion ;

b)Les répercussions de la situation des travailleurs migrants, en particulier des travailleuses domestiques, sur le droit de leurs enfants à un milieu familial dans leur pays d’origine, notamment le fait que le système de parrainage imposé à ces travailleurs les assujettit à des conditions de travail proches de l’esclavage, et que la confiscation de leur passeport et les restrictions imposées de facto à leur liberté de mouvement limitent leur capacité de retourner dans leur pays d’origine, privant de ce fait leurs enfants de milieu familial.

34. Compte tenu des recommandations du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants figurant dans le rapport sur sa mission au Qatar (A/HRC/26/35/Add.1), le Comité demande instamment à l’État partie  :

a) De s’abstenir de maintenir des enfants et des familles avec enfants dans des centres de détention pour immigrants conformément aux principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’unité de la famille  ; de recourir systématiquement à des mesures non privatives de liberté plutôt qu’à la détention  ; et de créer des foyers d’accueil pour ces catégories de migrants  ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires, en particulier des mesures législatives, pour garantir aux travailleurs migrants des conditions de travail convenables, ainsi que le droit à une vie de famille avec leurs enfants. À cet égard, le système de parrainage imposé aux travailleurs migrants employés comme domestiques devrait être aboli sans plus tarder, et le travail des travailleurs migrants, y compris celui des domestiques, devrait être dûment réglementé et contrôlé.

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

35. Le Comité partage les préoccupations exprimées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en 2014 en ce qui concerne l’exploitation économique et sexuelle des filles employées comme domestiques (voir CEDAW/C/QAT/CO/1, par. 25) et demande instamment à l’État partie de s’assurer que la législation interdisant le recrutement d’enfants comme domestiques est véritablement appliquée et de prendre des mesures pour que les personnes qui exploitent des enfants comme travailleurs domestiques aient à répondre de leurs actes.

Administration de la justice pour mineurs

36.Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie selon lesquels son système de justice pour mineurs est en cours de révision et un projet de loi sur les droits de l’enfant est à l’examen devant la Commission permanente des questions législatives. Il demeure toutefois profondément préoccupé par le fait que :

a)L’âge de la responsabilité pénale est toujours fixé à 7 ans, ce qui est beaucoup trop bas ;

b)Des peines de prison à vie, de travaux forcés et de flagellation peuvent être prononcées pour un certain nombre d’infractions commises par des enfants de plus de 16 ans, comme l’a indiqué l’État partie dans les réponses à la liste de points (par. 72) ;

c)Le tribunal pour enfants prévu par la Stratégie nationale de développement pour 2011-2016 n’a pas encore été créé.

37. Le Comité réitère sa recommandation précédente (voir CRC/C/QAT/CO/2, par. 71) et demande instamment à l’État partie de mettre son système de justice pour mineurs en pleine conformité avec la Convention et les autres normes pertinentes. Il engage notamment l’État partie  :

a) À accélérer l’adoption du projet de loi sur les droits de l’enfant et à relever d’urgence l’âge minimum de la responsabilité pénale, conformément aux normes internationalement acceptées  ;

b) À abroger toutes les dispositions du droit interne prévoyant des peines d’emprisonnement à vie, de travaux forcés ou de flagellation pour des infractions commises par des personnes de moins de 18 ans  ;

c) À créer un tribunal pour enfants, conformément à ce que prévoit la S tratégie nationale de développement de l’État partie (2011-2016)  ;

d) À veiller à ce que les enfants en conflit avec la loi puissent bénéficier des services d’un conseil qualifié et indépendant dès le début de la procédure judiciaire et tout au long de celle-ci  ;

e) À favoriser l’adoption de mesures non judiciaires telles que la déjudiciarisation, la probation, la médiation, l’accompagnement psychologique ou les travaux d’intérêt général pour les enfants accusés d’infractions pénales  ; dans la mesure du possible, en cas de condamnation, à recourir à des mesures de substitution et veiller à ce que la détention ne soit qu’une mesure de dernier ressort, soit d’une durée aussi brève que possible et fasse l’objet d’un réexamen régulier en vue d’être levée  ;

f) À faire en sorte, lorsque le placement en détention est inévitable, que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes et que leurs conditions de détention soient conformes aux normes internationales, notamment en ce qui concerne l’accès aux services d’éducation et de santé.

Enfants victimes ou témoins d’infractions

38. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les dispositions législatives et réglementaires nécessaires afin que tous les enfants victimes ou témoins d’infractions, par exemple les victimes de mauvais traitements, de violence familiale, d’exploitation sexuelle ou économique, d’enlèvement ou de traite, reçoivent la protection prévue par la Convention, et de prendre pleinement en compte des Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels, notamment en évitant tout contact direct entre ceux-ci et les auteurs présumés des faits tout au long de la procédure judiciaire et en appliquant des normes exigeantes en matière de collecte d’éléments de preuve.

Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité au sujet de l’application du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

39. Le Comité salue l’adoption de la loi n o 15 (2011) sur la lutte contre la traite des êtres humains, mais regrette que ses observations finales de 2006 concernant le rapport initial de l’État partie soumis au titre du Protocole facultatif à la Convention, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/QAT/1) n’aient pas été pleinement suivies d’effet et réitère en particulier sa précédente recommandation visant à ce que l’État collecte systématiquement des données sur tous les domaines couverts par le Protocole facultatif et harmonise sa législation avec les dispositions du Protocole facultatif afin de supprimer le critère de double incrimination aux fins de l’exercice de la compétence extraterritoriale. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’adopter des mesures pour prévenir l’exploitation sexuelle des enfants et le tourisme pédophile, notamment à l’occasion de la Coupe du monde de la FIFA 2022, qui se tiendra dans l’État partie.

J.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

40. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits de l’enfant.

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

41. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme ci-après auxquels il n’est pas encore partie, afin de renforcer encore le respect des droits de l’enfant  :

a) Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son deuxième Protocole facultatif, visant à abolir la peine de mort  ;

b) Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels  ;

c) La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées  ;

d) La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille  ;

e) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

V.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

42. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour veiller à ce que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre. Il recommande également que le rapport valant troisième et quatrième rapports périodiques, les réponses écrites de l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

43. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un mécanisme national d’établissement de rapports et de suivi, en tant qu’organisme permanent de l’État, qui soit chargé de coordonner et d’élaborer les rapports devant être présentés aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l’homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et de suivre l’exécution des obligations conventionnelles et la mise en œuvre des recommandations et décisions émanant desdits mécanismes. Le Comité souligne que cette structure devrait être appuyée de manière appropriée et en permanence par un personnel compétent qui lui soit spécialement affecté et devrait être à même de consulter systématiquement les institutions nationales des droits de l’homme et la société civile.

C.Prochain rapport

44. Le Comité invite l’État partie à soumettre son rapport valant cinquième et si xième rapports périodiques le 2  mai 2023 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Le rapport devrait être conforme aux directives harmonisées spécifique s à l’instrument adoptées le 31  janvier 2014 (CRC/C/58/Rev.3) et ne pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/268 de l’Assemblée g énérale, par.  16). Si l’État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d’examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

45. Le Comité invite en outre l’État partie à soumettre un document de base actualisé qui ne dépasse pas 42 400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports à présenter en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I), et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale.