Nations Unies

CRPD/C/12/D/10/2013

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

28 octobre 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Communication no 10/2013

Décision adoptée par le Comité à sa douzième session(15 septembre-3 octobre 2014)

Communication présentée par:

S. C. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteure

État partie:

Brésil

Date de la communication:

2 novembre 2012 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 70 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 5 septembre 2013 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision:

2 octobre 2014

Objet:

Politique de l’employeur autorisant la rétrogradation d’un employé après un congé de maladie de longue durée

Question(s) de fond:

Définition du handicap

Question(s) de procédure:

Fondement des griefs; épuisement des recours internes

Article(s) de la Convention:

3 (b) et e)); 4 (par. 1 a), b), d) et e)); 5 (par. 1 et 2) et 27 (par. 1 a) et b))

Article(s) du Protocole facultatif:

1 et 2 (d) et e))

Annexe

Décision du Comité des droits des personnes handicapéesau titre de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportantà la Convention relative aux droits des personneshandicapées (douzième session)

concernant la

Communication no 10/2013 *

Présentée par:

S. C. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteure

État partie:

Brésil

Date de la communication:

2 novembre 2012 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits des personnes handicapées, institué en vertu de l’article 34 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées,

Réuni le 2 octobre 2014,

Ayant achevé l’examen de la communication no10/2013, présentée par S. C. en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteure de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre de l’article 2 du Protocole facultatif

1.1L’auteure de la communication est S. C., de nationalité brésilienne. Elle se déclare victime de violations par le Brésil des articles 3 (b) et e)), 4 (par. 1 a), b), d) et e)), 5 (par. 1 et 2) et 27 (par. 1 a) et b)) de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (laConvention). L’auteure n’est pas représentée par un conseil. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie le 1er septembre 2008.

1.2Le 21 août 2013, la Rapporteuse spéciale sur les communications au titre du Protocole facultatif, agissant au nom du Comité, a décidé, en application du paragraphe 8 de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, que la recevabilité devrait être examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure a commencé à travailler à la banque BESC (Banco do Estado de Santa Catarina) en juillet 2004. Elle a été mutée de Campinas à Florianópolis pour y exercer les fonctions de guichetière. L’auteure affirme que son employeur l’a affectée à ce poste pour compenser son transfert géographique.

2.2L’auteure a eu un accident de moto en juin 2006. Comme l’indique un certificat médical daté du 14 décembre 2006, l’accident a provoqué une blessure au genou gauche de l’auteure. L’auteure n’a pu reprendre le travail que deux mois après la fin de son traitement médical. En septembre 2007, elle a eu un deuxième accident de moto et a subi une intervention chirurgicale en juin 2008. Son médecin a établi un certificat médical lui prescrivant soixante jours d’arrêt de travail. Elle a eu un troisième accident de moto en janvier 2009. En avril 2009, avant que l’auteure ne soit en congé de maladie, la BESC a été achetée par la Banque du Brésil, qui a par la suite informé l’auteure du fait qu’en vertu de la politique interne de la Banque, elle devait reprendre le travail sous trois mois pour conserver son poste de guichetière. Cette politique donne à la Banque toute latitude pour demander à un employé en congé de maladie depuis plus de trois mois de reprendre le travail après trois ou six mois d’arrêt. L’auteure souhaitait reprendre le travail avant l’expiration du délai de trois mois, mais son état de santé ne le lui permettait pas, comme en attestent les certificats médicaux délivrés par le médecin de la Banque du Brésil et par le propre médecin de l’auteure. Elle a tenté de reprendre le travail avant la fin du délai de six mois, mais elle a été rétrogradée de ses fonctions de guichetière. Elle est restée au service de la Banque du Brésil sans occuper de poste clairement défini.

2.3Par une lettre datée du 23 novembre 2009, l’auteure a demandé sa mutation à Campinas pour se rapprocher de son domicile. Sa demande était motivée par le fait que sa mutation de 2004 était la condition à accepter en contrepartie de son poste de guichetière. Après sa rétrogradation, elle préférait retourner travailler à Campinas pour faciliter ses allers retours entre son domicile et son lieu de travail. Ne souhaitant plus effectuer ces trajets en moto, elle devait se déplacer en bus, ce qui prenait beaucoup de temps. Elle demandait sa mutation en raison de son état de santé, du traitement médical qu’elle suivait et de ses difficultés de déplacement. La Banque du Brésil a rejeté sa demande de mutation, au motif qu’aucun poste n’était disponible à la branche de Campinas. Dans sa réponse, la Banque a indiqué que, conformément aux recommandations formulées par le médecin du secteur public de Florianópolis, l’auteure était en mesure de reprendre une activité professionnelle ne nécessitant pas qu’elle soulève des charges supérieures à 5 kilogrammes, qu’elle monte ou descende des escaliers, ou qu’elle reste en position debout ou assise pendant de longues périodes. En 2010, l’auteure a eu plusieurs épisodes de crampes musculaires et a dû prendre un myorelaxant délivré sur ordonnance. Le 8 décembre 2010, son médecin a rédigé un certificat médical indiquant qu’elle était atteinte d’une maladie chronique et qu’il était donc conseillé qu’elle travaille dans des locaux proches de son domicile. L’auteure a dû prendre deux congés supplémentaires en 2010 parce qu’elle continuait de souffrir. En février 2011, l’ascenseur des locaux de la Banque est tombé en panne et, comme elle travaillait au deuxième étage du bâtiment alors qu’elle avait pour consigne d’éviter d’emprunter des escaliers, il a été suggéré à l’auteure de s’installer au rez-de-chaussée pour effectuer des tâches administratives sur ordinateur. Toutefois, le mobilier du poste de travail qu’elle devait occuper n’était pas adapté, le bureau était haut et le clavier était au même niveau que l’ordinateur. L’auteure devait également travailler de 10 heures à 16 heures, ce qui l’obligeait à quitter son domicile à 6 h 30.

2.4Compte tenu de ce qui précède, le 21 février 2011, l’auteure a déposé plainte contre la Banque du Brésil auprès du tribunal régional du travail (Tribunal Regional do Trabalho) de Florianópolis. Elle a invoqué l’inconstitutionnalité de la politique interne de la Banque du Brésil qui prévoyait la rétrogradation des employés en congé de maladie pendant plus de trois mois, et le caractère discriminatoire de cette politique, qui ne visait que les employés en congé pendant plus de trois mois pour des raisons médicales. À l’audience, la Banque du Brésil a affirmé que l’auteure avait accepté de son plein gré d’être liée par la politique interne de la Banque, que le principe de la rétrogradation après plus de trois mois d’arrêt maladie s’appliquait à tous les employés sans distinction, que la Banque était habilitée à décider des promotions et des rétrogradations selon que de besoin (et, qu’en l’espèce, les effectifs de guichetiers étaient en surnombre), et que les employés n’avaient pas le droit de contester une réduction de salaire. L’auteure affirme que, le 18 mai 2011, le tribunal régional du travail de Florianópolis a rejeté sa plainte aux motifs qu’elle n’avait pas apporté la preuve que sa mutation à Florianópolis avait été décidée contre sa volonté, que cette mutation ne lui avait pas porté préjudice, qu’elle avait accepté d’être liée par la politique interne de la Banque, que le fait qu’elle ne puisse pas retrouver le même poste après un congé de plus de trois mois ne constituait pas une sanction, puisque la Banque était habilitée à modifier les fonctions attribuées à ses employés en fonction des besoins, que la politique interne n’était pas discriminatoire puisqu’elle s’appliquait à tous de la même manière et que l’auteure ne pouvait pas recevoir de prime d’ancienneté puisque ces primes étaient réservées aux employés qui exerçaient les fonctions de guichetier depuis dix ans ou plus, ce qui n’était pas son cas.

2.5Le 6 juillet 2011, l’auteure a fait appel de la décision. Elle a été déboutée le 31 août 2011. Étant donné que les particuliers qui souhaitent faire appel auprès du tribunal supérieur du travail doivent être représentés, l’auteure a présenté une demande d’aide juridictionnelle. Sa demande a été rejetée par le Bureau du Défenseur public (Defensoria Pública) le 14 octobre 2011. L’auteure a par la suite sollicité l’assistance d’un avocat privé, qui a refusé de la représenter. L’auteure a alors décidé de faire appel sans être représentée par un avocat; cet appel a été rejeté sans examen quant au fond, le 7 décembre 2011. L’auteure a introduit un deuxième recours, en joignant au dossier une copie de la plainte qu’elle avait déposée auprès de l’ordre des avocats du Brésil. Le recours a été rejeté le 17 janvier 2012.

2.6L’auteure fournit une traduction d’un «rapport d’expert» daté du 5 août 2011 publié par l’Institut de médecine légale de l’État de Santa Catarina. Il est indiqué dans ledit rapport qu’un médecin légiste a examiné l’auteure à la demande du représentant des services de police afin d’établir si l’auteure présentait une invalidité permanente. Selon les conclusions de ce rapport, l’auteure présente une invalidité permanente du genou gauche qui entraîne une perte de fonction modérée, et elle est dans l’incapacité permanente d’occuper le poste spécifique en question mais ne présente pas de handicap général l’empêchant d’exercer une activité professionnelle.

2.7L’auteure ajoute que depuis qu’elle a épuisé les recours internes, sa situation à la Banque du Brésil, où elle travaille encore, ne s’est pas améliorée. L’auteure a eu de graves problèmes de santé à l’épaule gauche et a dû prendre un congé de maladie de juillet 2011 à avril 2012. Ce n’est qu’après cette période que la Banque a fait réparer l’ascenseur et installé un nouveau mobilier. Un certificat médical, daté du 29 mars 2012, établit que l’auteure présente une rupture partielle d’un tendon de l’épaule associée à une fibromyalgie, syndrome qui crée une prédisposition aux crampes musculaires et à l’inflammation sous l’effet du stress. Le médecin y déclare qu’elle est autorisée à travailler à certaines conditions: elle doit faire une pause de dix minutes après chaque heure travaillée dans le cadre d’une activité répétitive (telle qu’une activité sur ordinateur), ne doit pas être placée à proximité d’un système de climatisation, et son emploi du temps doit lui permettre d’exercer une activité physique quotidienne. L’auteure considère que sa rétrogradation représente un risque pour sa santé, la fibromyalgie étant profondément liée à un trouble émotionnel. Lorsqu’elle a repris son travail en avril 2012, en dépit du certificat médical qu’elle a présenté, elle a été affectée à un poste aux archives, poste qui nécessitait de fournir des efforts physiques importants et de s’accroupir régulièrement pour ouvrir et fermer des tiroirs, ce qui endommageait son genou. Au bout de deux semaines, la Banque lui a proposé un poste au service des archives administratives à la Banque postale, situé dans un autre bâtiment. Elle était chargée de résoudre divers problèmes et de coordonner le travail d’une équipe. Alors qu’elle exerçait ces fonctions, elle a injustement fait l’objet de réprimandes de la part de deux assistants et de ses supérieurs. Elle était en poste à la Banque postale depuis quarante‑cinq jours lorsque la Banque lui a demandé de réintégrer son bureau précédent et l’a chargée de résoudre «divers problèmes». Toutefois, comme un certain nombre d’agents de télémarketing travaillaient près de son poste de travail, elle avait du mal à se concentrer sur son travail. Elle était harcelée par un employé qui l’a expulsée de son poste de travail et la Banque n’a rien fait pour le sanctionner. À cette époque, la Banque lui a demandé de commencer à travailler au service du contrôle des opérations, pour y effectuer des analyses afin de vérifier la conformité des transactions exécutées avec la loi.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient des alinéas b et ede l’article 3 et des paragraphes 1 et 2 de l’article 5 de la Convention, du fait que les mesures prises par son employeur (la Banque du Brésil, établissement public) et appuyées par les juridictions nationales visent à limiter les possibilités offertes aux personnes handicapées et ont donc un caractère discriminatoire.

3.2L’auteure affirme également que l’État partie a violé les droits qu’elle tient des alinéas a, b et dde l’article 4 de la Convention en ce que la conduite de la Banque du Brésil encourage la discrimination fondée sur le handicap en demandant la rétrogradation de tout membre du personnel en congé de maladie pendant plus de trois mois ou plus de six mois. L’auteure avance que cela revient de la part de l’État à demander à une personne de rester en bonne santé pour conserver son emploi.

3.3L’auteure affirme en outre que l’État partie a violé les droits que lui confère l’alinéa a du paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention, au motif que la discrimination dont elle a été la cible était liée à son emploi et à ses conditions de travail. Invoquant également l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention, l’auteure affirme qu’elle n’a pas bénéficié des mêmes conditions de travail et des mêmes possibilités de carrière que ses collègues en raison de son handicap, alors que ses compétences sont équivalentes. Plus particulièrement, elle affirme qu’à l’époque où la Banque avait un effectif de guichetiers trop important, elle n’a pas été autorisée à occuper un poste de guichetière, alors que deux autres employées, dont l’une avait pris un congé de maternité, ont pu travailler occasionnellement comme guichetières.

3.4L’auteure affirme en outre que l’État partie a violé l’alinéa e de l’article 4 de la Convention, puisque la Banque du Brésil est à la fois publique et privée.

3.5À titre de réparation, l’auteure demande la révocation de la politique de la Banque du Brésil qui prévoit la rétrogradation d’un employé après un congé de maladie de plus de trois mois et la reconnaissance par l’État partie du fait que cette politique est contraire à la Convention. L’auteure demande également que l’autorisation lui soit donnée de reprendre son poste de guichetière et que les salaires correspondants lui soient versés rétroactivement à compter de novembre 2009. Elle souligne que la politique en question décourage les employés de prendre les congés de maladie dont ils ont besoin.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations datées du 9 juillet 2013, l’État partie considère que la communication est irrecevable ratione materiae puisque l’auteure ne présente pas de «handicap» au sens de la définition donnée dans la Convention. Alors qu’au sens de l’article premier de la Convention, par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités durables, il ressort du diagnostic établi par des professionnels de l’Institut national de la sécurité sociale (INSS) que l’auteure présente une incapacité temporaire de travail. L’INSS est l’agence fédérale chargée de qualifier, aux fins de l’octroi de prestations financières, le handicap de toute personne handicapée qui n’est pas en mesure de vivre de manière indépendante ou de travailler. Le diagnostic établi en ce qui concerne l’auteure lui donne droit au versement d’indemnités de maladie pendant de courtes périodes d’au maximum quatre mois consécutifs entre 2007 et 2012, périodes pendant lesquelles l’auteure affirme avoir eu trois accidents distincts. Le diagnostic d’incapacité temporaire établi par l’expert laisse entendre que la patiente est en mesure de se rétablir, ce qui explique pourquoi les prestations en question n’ont été accordées que pour de brèves périodes. Les certificats médicaux joints au dossier par l’auteure confirment le diagnostic d’incapacité temporaire de travail rendu par l’INSS, puisqu’ils prescrivent tous un arrêt de travail d’une durée définie, à savoir: «soixante jours d’arrêt de travail», «absence du 28 avril 2009 au 12 mai 2009», «absence du 13 mai 2009 au 30 juin 2009», «trente jours d’arrêt de travail», etc. Aucun de ces certificats médicaux ne décrit un handicap conforme à la définition du handicap donnée dans la législation nationale ou la Convention. De plus, en vertu de la législation nationale toute personne demandant le statut de personne handicapée doit fournir la confirmation de son handicap au moyen d’un rapport médical établi par un médecin pour pouvoir bénéficier des prestations prévues, mais l’auteure n’a jamais soumis de rapport de la sorte, que ce soit aux autorités nationales ou au Comité.

4.2L’État partie considère également que la communication est irrecevable en vertu du principe du quatrième tribunal de district, puisque les tribunaux nationaux ont déjà examiné la plainte de l’auteure eu égard à sa mutation à un autre poste à la Banque du Brésil. En vertu du principe du quatrième tribunal de district, les organisations internationales ne sont pas compétentes pour examiner les erreurs de fait et de droit présumées qui pourraient avoir été commises par les tribunaux nationaux, sauf en cas de violation flagrante des normes relatives aux droits de l’homme protégées par les instruments internationaux.

4.3L’État partie considère en outre que la communication est irrecevable en ce que l’auteure n’a pas épuisé tous les recours internes. Si l’auteure tire grief de la diminution de salaire découlant de sa mutation à un autre poste à la Banque du Brésil, elle n’a pas allégué que sa rétrogradation était liée à un handicap. L’auteure n’a donc pas invoqué les droits qu’elle tient de la Convention devant les tribunaux nationaux.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

5.1Dans une communication datée du 15 août 2013, l’auteure affirme que la communication est recevable ratione materiae puisqu’elle présente une incapacité au sens de l’article premier de la Convention. Elle fait observer une nouvelle fois qu’un certificat médical établi par l’Institut de médecine légale de Santa Catarina indique qu’elle présente une invalidité permanente du genou gauche et une incapacité permanente d’exécuter certaines tâches.

5.2L’auteure affirme également que sa plainte a été examinée par les tribunaux nationaux qui ont violé de manière flagrante les droits qu’elle tient de la Convention.

5.3L’auteure affirme en outre que la plainte dont elle a saisi le Comité trouve son origine dans la discrimination dont font l’objet les employés qui, parce qu’ils sont en congé de maladie pendant plus de trois mois ou plus de six mois, perdent leur droit de conserver un poste donné.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits des personnes handicapées doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions de l’alinéa c de l’article 2 du Protocole facultatif, qu’il n’avait pas déjà examiné la même affaire et qu’elle n’avait pas été déjà examinée et n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité relève que l’auteure allègue une violation des alinéas b et e de l’article 3, des alinéas a, b, d et e de l’article 4, des paragraphes 1 et 2 de l’article 5 et des alinéas a et b de l’article 27 de la Convention et affirme que la politique de la Banque du Brésil prévoyant la rétrogradation de ses employés après trois mois de congé de maladie est discriminatoire à l’égard des personnes handicapées et s’est traduite par sa rétrogradation en 2009, année au cours de laquelle elle est restée en congé de maladie pendant plus de trois mois en raison d’une blessure qui a entraîné une invalidité permanente de son genou. Le Comité prend note de l’allégation de l’auteure selon laquelle les mêmes violations ont été commises en 2010, lorsque la Banque du Brésil a rejeté sa demande de mutation dans des locaux plus proches de son domicile, demande qui était motivée par son handicap. Le Comité prend note également de l’allégation de l’État partie qui affirme que la blessure du genou dont l’auteure est atteinte ne constitue pas un handicap au sens de l’article premier de la Convention puisqu’au moment des faits à l’examen, il avait été diagnostiqué que l’auteure présentait une incapacité temporaire de travail et que l’auteure n’avait pas apporté la preuve qu’elle présentait une incapacité durable, et que la présente communication ne relève donc pas de la compétence ratione materiae du Comité. Le Comité considère qu’en vertu de l’article premier de la Convention, par personnes handicapées, on entend notamment, mais pas seulement, des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. En l’espèce, les éléments d’information transmis par les parties n’empêchent pas le Comité de considérer que l’interaction de l’incapacité physique que présente l’auteure avec diverses barrières a fait réellement obstacle à sa pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. Le Comité considère que la différence entre maladie et handicap est une différence de degré et non une différence de nature. Une détérioration de l’état de santé initialement considérée comme une maladie peut devenir une invalidité dans le contexte du handicap en raison de sa durée ou de sa chronicité. Une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme exige de prendre en considération la diversité des personnes handicapées (al. i du préambule) et de reconnaître l’interaction entre les personnes présentant des déficiences et les barrières liées aux attitudes et à l’environnement (al. e du préambule). Le Comité note en outre que le paragraphe 4 de l’article 4 de la Convention n’enlève rien aux obligations qui incombent à l’État partie en vertu d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il est partie, notamment la Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées. Le Comité relève qu’au sens de cette dernière, le terme «handicap» se réfère à une déficience physique, mentale, ou sensorielle, qu’elle soit de nature permanente ou temporaire, qui limite la capacité d’exercer une ou plusieurs activités essentielles de la vie quotidienne, et qui peut être causée ou aggravée par l’environnement économique et social. Le Comité considère donc que l’article premier du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la présente communication.

6.4Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle la demande de mutation de l’auteure a été rejetée en raison d’une situation de sureffectif dans les locaux en question, et non pas sur la base d’un quelconque handicap, et que la plainte de l’auteure est donc sans fondement. Le Comité relève que la politique de rétrogradation de la Banque s’applique à tous les employés ayant pris un congé de maladie de plus de trois mois, quel qu’en soit le motif. Il prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle le refus de mutation et l’application de la politique de rétrogradation de la Banque visaient à maintenir l’équilibre entre les effectifs des différents sites. Le Comité considère que la discrimination peut résulter de l’effet discriminatoire d’une règle ou d’une mesure apparemment neutre ou dénuée de toute intention discriminatoire, mais qui touche de manière disproportionnée les personnes handicapées. Le Comité considère donc que la question dont il est saisi est de savoir si le fait que la politique de la Banque exige la rétrogradation des personnes en congé de maladie pendant plus de quatre-vingt-dix jours a lésé l’auteure de manière disproportionnée et conclut qu’il n’est pas empêché par les dispositions de l’alinéa e de l’article 2 du Protocole facultatif d’examiner la communication.

6.5Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui affirme que l’auteure n’a pas épuisé les recours internes, puisqu’elle n’a pas fait valoir devant les tribunaux nationaux que sa rétrogradation était liée à un handicap. Le Comité relève que l’auteure a invoqué la Convention dans son pourvoi en cassation devant le tribunal supérieur du travail, et que cet appel a été rejeté sans examen au fond au motif que l’auteure n’était pas représentée par un conseil comme l’exige la loi. Le Comité constate également que, après que la demande d’aide juridictionnelle gratuite présentée par l’auteure a été rejetée par le Bureau du Défenseur public pour défaut de fondement, l’auteure a contacté un avocat qui a refusé de la représenter. Toutefois, l’auteure n’a pas démontré qu’elle n’avait aucun autre moyen d’être représentée devant les tribunaux. Le Comité en conclut que rien ne s’oppose à ce qu’il examine la communication conformément à l’alinéad de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.Le Comité des droits des personnes handicapées décide donc que:

a)La communication est irrecevable en vertu de l’alinéa d de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)La présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.