Observations finales concernant le septième rapport périodique du Burkina Faso *

1.Le Comité a examiné le septième rapport périodique du Burkina Faso (CEDAW/C/BFA/7) lors de ses 1532e et 1533e séances (voir CEDAW/C/SR.1532 et 1533), tenues le 24 octobre 2017. La liste des points à traiter et des questions posées par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/BFA/7, et les réponses du Burkina Faso sous la cote CEDAW/C/BFA/Q/7/Add.1.

Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie de lui avoir soumis son septième rapport périodique. Il le remercie également pour son rapport de suivi (CEDAW/C/BFA/CO/6/Add.1) et ses réponses écrites à la liste de points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session, ainsi que pour l’exposé de la délégation et les éclaircissements supplémentaires donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité durant l’échange de vues.

3.Le Comité constate avec plaisir que la délégation de haut niveau de l’État partie est dirigée par la Ministre de la femme, de la solidarité nationale et de la famille, Laure Zongo Hien, et comprend des représentants du Ministère de la justice, des droits humains et de la promotion civique, du Ministère de la santé, du Ministère de la fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, du Ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation, du Ministère de l’économie, des finances et du développement, du Ministère de la défense nationale et des anciens combattants, du Ministère de l’agriculture et de l’aménagement hydraulique, ainsi que de la Mission permanente du Burkina Faso auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des progrès que l’État partie a, depuis l’examen en 2010 de son précédent rapport périodique (CEDAW/C/BFA/6), accomplis dans le domaine des réformes législatives, et plus particulièrement l’adoption des textes ci-après :

a)Loi no 039-2017/AN du 27 juin 2017 relative à la protection des défenseurs des droits de l’homme;

b)Loi no 061-2015/CNT du 6 septembre 2015 ayant pour objet de prévenir, réprimer et réparer les violences faites aux femmes et aux filles, et de protéger et prendre en charge les victimes;

c)Loi no 033-2012/AN du 11 juin 2012 portant révision de la Constitution, qui consacre en son article 101 la promotion de l’égalité des sexes.

5.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique afin d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’encontre des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment par :

a)Le renforcement de la Commission nationale des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), Commission à laquelle la loi no 2016-01 du 24 mars 2016 a donné mandat de promouvoir et protéger les droits des femmes;

b)La création, par le décret no 2016-216/PRES du 14 avril 2016, de la Commission constitutionnelle chargée de réviser la Constitution nationale en vue d’y inclure des dispositions pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles et promouvoir l’égalité des sexes et la santé en matière de procréation;

c)L’adoption par le Conseil des ministres d’un nouveau plan d’action national couvrant la période 2017-2019 destiné à mettre en œuvre la politique nationale en faveur de l’égalité des sexes (2009).

6.Le Comité se félicite de ce que, durant la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y ait adhéré :

a)Convention de 1954 relative au statut des apatrides et Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, respectivement en 2012 et 2017;

b)Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, en 2012;

c)Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, en 2012.

Parlement

7.Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la Déclaration sur les liens entre le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales d’ici à la présentation par l’État partie de son prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et lois discriminatoires

8.Le Comité prend note de la révision du cadre constitutionnel et législatif actuellement en cours dans l’État partie, notamment des amendements qu’il a été prévu d’apporter à la Constitution, au Code pénal et au Code des personnes et de la famille en vue de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes et d’éliminer les dispositions discriminatoires à l’encontre des femmes. Il s’inquiète toutefois de l’extrême lenteur de la réforme du droit, de l’absence d’un calendrier pour l’adoption des textes et du fait que les projets de textes puissent être modifiés sans consultation publique. Il note également avec préoccupation la faible représentation des femmes au sein de la Commission constitutionnelle (11 membres sur 90).

9. Conformément à sa recommandation générale n o  28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Comité recommande que l’État partie accorde la priorité à son processus de réforme de la législation, en tenant compte des liens entre les articles 1 et 2 de la Convention et de l’objectif de développement durable 5.1, afin de mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes et des filles à travers le monde, et ce suivant un échéancier précis, en vue :

a) D’établir sous leur forme définitive et d’adopter les amendements à la Constitution, au Code pénal et au Code des personnes et de la famille en faveur des droits des femmes;

b) D’accroître la représentation des femmes au sein de la Commission constitutionnelle afin de réaliser la parité des sexes;

c) D’organiser des débats publics, ouverts à toutes les parties, sur la diversité des opinions et des interprétations relatives aux lois et pratiques religieuses et coutumières concernant la personne et, avec la participation des organisations féminines de la société civile, de sensibiliser les parlementaires, les chefs traditionnels et religieux et le public en général à l’importance d’une réforme complète du droit dans le but de mettre en œuvre une véritable égalité entre les femmes et les hommes et de parvenir à un consensus pour l’adoption de lois visant à promouvoir les droits des femmes.

Définition juridique de la discrimination

10.Le Comité se réjouit de la reconnaissance constitutionnelle de l’égalité des sexes et de l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe. Toutefois, il constate avec inquiétude que, bien que l’article 151 de la Constitution consacre la supériorité des traités internationaux sur les lois nationales, la définition de la discrimination à l’encontre des femmes au sens de l’article premier de la Convention ne semble pas être appliquée dans la législation nationale.

11.Le Comité rappelle sa recommandation antérieure tendant à ce que l’État partie renforce l’égalité réelle des hommes et des femmes par l’utilisation de la définition de la discrimination figurant à l’article premier de la Convention, qui couvre à la fois la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, et la reconnaissance des formes croisées de discrimination (voir CEDAW/C/BFA/CO/6, par. 10).

Accès à la justice

12.Le Comité se félicite de l’augmentation du nombre de tribunaux de grande instance et de la révision, en 2016, du système d’aide juridictionnelle au bénéfice des femmes indigentes. Il se félicite en outre de la déclaration faite par l’État partie pendant l’échange de vues, selon laquelle il cessera de déduire de toutes indemnités accordées aux plaignantes les frais de procédure judiciaire. Il demeure cependant préoccupé par l’accès limité des femmes à la justice, principalement pour les motifs suivants :

a)La méconnaissance par les femmes de leurs droits et des moyens de les faire valoir, du fait des taux élevés de pauvreté et d’analphabétisme au sein de la population féminine dans l’État partie;

b)Les obstacles géographiques restreignant l’accès des femmes aux tribunaux et la moindre disponibilité de l’aide juridictionnelle dans les zones rurales;

c)La méfiance des femmes vis-à-vis de l’appareil judiciaire, en raison d’un haut degré de corruption, du manque de sensibilisation aux comportements sexistes, ainsi que le peu d’informations qu’ont les magistrats, les avocats et les agents de la force publique sur les droits des femmes;

d)Le fait que, pour la majorité des femmes, les questions touchant au droit de la personne et de la famille sont régies par le droit religieux et coutumier, dont les principes ont été jugés contraires à la Convention.

13. Se référant à sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité rappelle que l’État partie a l’obligation de veiller à ce que les droits des femmes soient protégés contre les violations par toutes les composantes des systèmes de justice plurielle, et recommande en outre à l’État partie :

a) De continuer à étoffer le système judiciaire dans le but de doter chaque région d’un tribunal de grande instance;

b) De mieux informer les femmes de leurs droits et des moyens de les faire valoir, notamment en renforçant la coopération avec les organisations de la société civile;

c) D’accroître la portée géographique des services d’aide juridictionnelle et de l’appareil judiciaire, notamment en renforçant les moyens humains, techniques et financiers consacrés aux audiences foraines;

d) D’enquêter sur tous les cas de corruption de membres du corps judiciaire, et de poursuivre et dûment sanctionner ceux qui auraient commis des actes délictueux;

e) De proposer à l’ensemble des magistrats, avocats et agents de la force publique des activités de renforcement des capacités axés sur la Convention et les droits des femmes, afin qu’ils harmonisent leurs pratiques avec les dispositions de la Convention, et les sensibiliser, pour y mettre fin, aux stéréotypes discriminatoires et à la stigmatisation des femmes qui défendent leurs droits;

f)D’élargir les compétences des tribunaux ordinaires pour qu’ils puissent statuer sur des questions relevant du Code des personnes et de la famille, jusqu’à présent régies par des tribunaux religieux ou coutumiers.

Les femmes, la paix et la sécurité

14.Le Comité prend note de la situation d’insécurité accrue dans l’État partie en raison de la transition politique en cours depuis 2014, caractérisée par des attaques perpétrées par des acteurs non étatiques et un afflux important de réfugiés en provenance de Mali, dont environ 32 000, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, étaient encore présents sur le territoire de l’État partie au 31 décembre 2016. Il constate avec préoccupation que :

a)Les femmes et les filles réfugiées dans l’État partie sont fortement exposées aux violences sexuelles et sexistes, aux mariages précoces et forcés, à la traite d’êtres humains et à la prostitution forcée;

b)Le Haut Conseil pour la réconciliation et l’unité nationale n’est pas pleinement en état d’agir, ce qui donne lieu à des retards dans les enquêtes sur les allégations de violences sexistes commises à l’encontre de femmes et de filles par des forces de sécurité et des groupes terroristes;

c)Le Plan d’action national sur les résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008)1325 (2000) et 1820 (2008) du Conseil de sécurité n’a pas été appliqué efficacement.

15. Conformément à sa recommandation générale n o  30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit, le Comité invite l’État partie à :

a) Recueillir des données sur les cas de violences sexistes à l’encontre des femmes et des filles, en particulier les cas de violence sexuelle, de mariage précoce ou forcé, de traite d’êtres humains, de prostitution forcée et d’enlèvement par des groupes terroristes dans l’État partie;

b) Rendre pleinement opérationnel le Haut Conseil pour la réconciliation et l’unité nationale et lui permettre ainsi d’enquêter sur les allégations de violations des droits fondamentaux par les forces de sécurité et les groupes terroristes, en accordant une attention particulière aux violences sexistes exercées contre les femmes et les filles, de traduire leurs auteurs en justice et de veiller à l’indemnisation et à la réadaptation des victimes;

c)Tirer parti de l’assistance financière et technique internationale, selon qu’il convient, pour assurer la prise en compte et la participation des femmes à toutes les étapes du processus de rétablissement de la paix, de stabilisation et de reconstruction, notamment en appliquant efficacement son Plan d’action national concernant les résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008)sur les femmes, la paix et la sécurité.

Mécanisme national de promotion de la femme

16.Le Comité note avec préoccupation que la récente restructuration du Ministère de la femme, de la solidarité nationale et de la famille a conduit à l’élargissement de son mandat sans que des ressources suffisantes aient été allouées pour s’assurer qu’il puisse s’acquitter de la responsabilité qui lui incombe d’améliorer la condition de la femme. Il s’inquiète en outre du manque de coordination entre le Ministère, le Secrétariat permanent du Conseil National pour la promotion de la femme et les coordonnateurs compétents dans les ministères.

17. Rappelant les orientations du Programme d’action de Beijing, notamment au sujet des conditions nécessaires au fonctionnement efficace des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une stratégie claire visant à renforcer et consolider la capacité du mécanisme national de promotion de la femme et de veiller à ce qu’il dispose du pouvoir de décision et des ressources humaines et financières nécessaires pour mettre en œuvre efficacement la Convention et qu’il mène une action coordonnée en faveur de la promotion des droits fondamentaux des femmes à tous les niveaux;

b) De veiller à ce que le mécanisme national définisse des politiques et programmes visant à atteindre l’égalité des sexes dans le cadre des droits fondamentaux, et d’améliorer la collecte des données, ventilées par sexe et d’autres facteurs pertinents, nécessaires pour évaluer les effets et l’efficacité de ces politiques et programmes.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

18.Le Comité se félicite du renforcement de la Commission nationale des droits de l’homme et se réjouit notamment de ce que son mandat ait été élargi afin de promouvoir et protéger les droits des femmes par des actions de sensibilisation, le traitement des plaintes, l’assistance juridique et la fourniture de services d’orientation pour les victimes. Il constate toutefois avec préoccupation que la Commission n’est pas en état d’agir.

19. Le Comité recommande à l’État partie de doter la Commission nationale des droits de l’homme de moyens humains, techniques et financiers suffisants pour qu’elle puisse s’acquitter de son mandat, qui consiste à promouvoir et protéger les droits des femmes. Il encourage la Commission, une fois qu’elle sera opérationnelle, à demander son accréditation auprès de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris.

Mesures temporaires spéciales

20.Le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation quant au fait que les mesures temporaires spéciales ne sont pas suffisamment appliquées en tant que stratégie nécessaire pour parvenir plus rapidement à une véritable égalité entre femmes et hommes dans tous les domaines visés par la Convention, et notamment en ce qui concerne la représentation des femmes aux niveaux où les décisions sont prises dans les sphères publique et privée.

21. Conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l’État partie de fixer des objectifs assortis de délais et de consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales, telles que des quotas et autres initiatives, accompagnées de sanctions en cas de non-respect, dans le but d’instaurer une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, tels que la santé, l’éducation, l’emploi et l’accès aux prestations sociales et économiques.

Stéréotypes et violences sexistes à l’encontre des femmes

22.Le Comité est préoccupé par la persistance de stéréotypes discriminatoires envers les femmes dans l’État partie, comme en témoigne le fait que la prise de décisions est exclusivement l’apanage des hommes tant dans la sphère publique que privée, les femmes étant cantonnées dans le rôle de génitrices. Le Comité appelle l’attention sur le lien entre la subordination des femmes au sein de la famille et de la société, leur faible niveau d’instruction, la pauvreté qui les touche davantage, et les niveaux élevés de violences sexistes perpétrées contre elles, en particulier les violences sexuelles et les violences familiales. Il demeure préoccupé de constater que de telles violences sont apparemment légitimées socialement et s’accompagnent d’une culture du silence et de l’impunité, et que les victimes n’ont que des moyens limités d’obtenir assistance, protection ou réparation. Le Comité s’inquiète en outre de ce que la loi no 061-2015/CNT n’est pas pleinement opérationnelle et qu’aucune échéance n’est fixée pour :

a)Modifier l’article 14 (2) de la loi susvisée, qui n’érige pas en infraction le viol conjugal à moins qu’il ne soit commis à plusieurs reprises ou lorsque le partenaire est physiquement incapable d’avoir des rapports sexuels, et qui ne prévoit qu’une amende comme sanction;

b)Harmoniser les dispositions du Code pénal avec la loi no 061‑2015/CNT.

23. Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, recommande à l’État partie :

a) D’élaborer une stratégie globale, fixant des objectifs et des échéanciers précis, pour modifier les stéréotypes discriminatoires qui affectent les femmes;

b) D’accélérer la révision de l’article 14 (2) de la loi n o  061-2015/CNT de façon à ériger en infraction le viol conjugal;

c) D’accélérer la révision du Code pénal pour en harmoniser les dispositions avec la loi n o  061-2015/CNT, en veillant à ce qu’il érige en infraction les violences familiales, le rejet des filles par la famille pour cause de grossesse hors mariage ou de refus de mariage forcé et le harcèlement sexuel;

d) De garantir l’application efficace de la loi n o  061-2015/CNT, de sorte que toutes les allégations de violences sexistes à l’encontre des femmes, notamment les violences familiales, donnent lieu à des enquêtes et des poursuites efficaces, que les auteurs de tels actes soient sanctionnés selon les formes prévues, et que les victimes aient accès à une réparation appropriée, notamment sous la forme d’une indemnisation;

e) De mettre en place, à l’intention des magistrats, des procureurs, des policiers et autres responsables de l’application des lois, des praticiens du droit et des chefs de communautés, des programmes de renforcement des capacités portant sur les moyens de prévenir les violences sexistes et d’enquêter sur les allégations de violences de ce type selon des modalités adaptées à la prise en charge des femmes;

f) D’accroître le nombre de foyers d’accueil, en particulier dans les zones rurales, et de fournir aux victimes de violences sexistes une prise en charge médicale, des programmes de réadaptation psychosociale et de réinsertion, ainsi qu’une aide juridique;

g) De procéder systématiquement à la collecte et à l’analyse de données sur toutes les formes de violences sexistes commises à l’encontre des femmes, ventilées selon l’âge, la région et la relation entre la victime et l’auteur des actes, ainsi que sur les ordonnances de protection, le nombre de poursuites et les sanctions infligées aux auteurs.

Pratiques traditionnelles néfastes

24.Le Comité se félicite de l’adoption du plan stratégique national visant à éliminer la pratique des mutilations génitales féminines pour la période 2016-2020, ainsi que de la stratégie nationale 2016-2025 visant à prévenir et éliminer le mariage d’enfants. Il note cependant avec préoccupation :

a)La persistance de la pratique des mutilations génitales féminines et la politique de sanctions peu sévères de l’État partie, notamment le fait que la peine minimale de six mois d’emprisonnement n’est pas systématiquement appliquée aux auteurs de tels actes et le recours excessif à des peines assorties d’un sursis;

b)Le taux extrêmement élevé de mariages d’enfants, notamment en milieu rural, où 92 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. De plus, l’article 376 du Code pénal portant interdiction du mariage d’enfants et des mariages forcés ne s’applique qu’aux mariages civils et non à ceux qui sont célébrés conformément au droit coutumier ou religieux, cadre dans lequel interviennent la plupart des mariages d’enfants et des mariages forcés.

25. Le Comité, dans le droit fil de l’objectif de développement durable 5.3 appelant à éliminer toutes les pratiques préjudiciables telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et la mutilation génitale féminine, recommande à l’État partie :

a) D’allouer des ressources suffisantes pour la mise en œuvre des stratégies et plans d’action nationaux visant à lutter contre les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants, et de prévoir des campagnes stratégiques dans les médias et des programmes à visée pédagogique pour sensibiliser davantage les chefs traditionnels et religieux, les personnels de santé, les travailleurs sociaux ainsi que le grand public aux incidences négatives que ces pratiques néfastes ont sur les femmes et les filles;

b) De mettre en place des dispositifs de suivi et d’évaluation systématiques de l’application de ces plans d’action en vue d’améliorer constamment leur efficacité;

c) De faire appliquer strictement les articles 380 à 382 du Code pénal interdisant les mutilations génitales féminines, et de cesser de prononcer des peines assorties d’un sursis;

d) D’élargir la définition du mariage forcé à l’article 376 du Code pénal de façon à couvrir toutes les unions conjugales forcées célébrées selon des pratiques traditionnelles ou religieuses.

Traite et exploitation de la prostitution

26.Le Comité salue la création d’un comité national de vigilance et de surveillance chargé de coordonner l’application de la loi sur la lutte contre la traite. Il note que l’État partie est un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite d’êtres humains et relève avec préoccupation l’absence d’informations sur les points suivants :

a)Les résultats de l’étude sur la traite d’êtres humains réalisée en 2013 par le Ministère de l’action sociale et de la solidarité nationale de l’époque, indispensables pour définir une stratégie efficace de lutte contre la traite qui garantisse que les auteurs de tels actes seront poursuivis et punis et mette l’accent sur l’aide juridique et psychosociale apportée aux femmes et filles victimes de tels actes, ainsi que sur les mesures propices à leur réinsertion;

b)Le nombre d’enquêtes menées et de poursuites engagées, ainsi que les peines prononcées contre ceux qui se livrent à la traite des femmes et des filles, et sur les mesures prises pour protéger les victimes et leur accorder réparation;

c)Les services d’aide et de protection sociales proposés aux femmes se livrant à la prostitution, notamment les programmes de soutien destinés à celles qui veulent en sortir.

27. Le Comité appelle l’attention sur l’objectif de développement durable 5.2, à savoir éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et d’autres types d’exploitation, et recommande à l’État partie :

a) De concevoir et de mettre en œuvre une stratégie de lutte contre la traite qui prévoie des programmes obligatoires de renforcement des capacités pour les agents de la force publique, portant sur la détection précoce des victimes de la traite et leur orientation vers des services appropriés de prise en charge et de réinsertion, ainsi que des campagnes d’éducation et de sensibilisation sur les risques de traite et la nature criminelle de cette activité;

b) D’enquêter sur ceux qui se livrent à la traite d’êtres humains, en particulier de femmes et de filles, de les poursuivre et de les sanctionner comme il se doit, en veillant à ce que les victimes de la traite et de la prostitution soient exonérées de toute responsabilité pénale et bénéficient d’une protection et d’une réparation adéquates, notamment l’accès à des services de conseil, à une prise en charge médicale, à un soutien psychosocial, à des programmes de réinsertion et à une indemnisation;

c) De s’attaquer aux causes profondes de la traite et de l’exploitation des femmes et des filles à des fins de prostitution en offrant aux femmes exposées à ces risques des possibilités de formation et d’autres moyens de se procurer des revenus, de même qu’en organisant des programmes de soutien pour aider les femmes à sortir de la prostitution, notamment des stratégies de réinsertion socioprofessionnelle.

Participation à la vie politique et publique

28.Le Comité accueille avec satisfaction la révision de la loi no 010-2009 du 16 avril 2009 sur les quotas électoraux, qui a porté de 30 à 50 % la proportion de candidats de chaque sexe qui doivent figurer sur les listes déposées pour les élections législatives et municipales et prévoit le rejet de toute liste ne respectant pas ce quota. Il se félicite également de la révision du Code électoral (loi no 005-2015/CNT du 7 avril 2015) qui avait pour objet d’harmoniser ses dispositions avec celles de la loi no 010-2009. Il est cependant préoccupé par le fait qu’en dépit du quota minimum de 30 % requis lors des dernières élections, le nombre de femmes élues au Parlement national demeure extrêmement faible (15 sièges sur 127). Il relève en outre le faible nombre de femmes nommées à des fonctions ministérielles (7 sur 29) et à des postes d’ambassadrice (7 sur 32).

29. Conformément à sa recommandation générale n o  23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique, le Comité recommande à l’État partie :

a) De fixer un calendrier précis pour mettre au point et adopter le projet de loi portant révision de la loi n o  010-2009 afin d’accroître de 30 à 50 % la représentation de l’un ou l’autre sexe sur les listes de candidats aux élections législatives et municipales, de rejeter toute liste ne respectant pas ce quota, d’adopter le « principe du zèbre » selon lequel chaque candidature masculine doit être suivie d’une candidature féminine, et de faire appliquer strictement les sanctions prévues en cas de non-respect de la loi;

b) De fixer également un calendrier précis pour mettre au point et adopter les révisions du Code électoral afin d’harmoniser ses dispositions avec celles de la loi modifiée sur les quotas;

c) De mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales pour assurer la parité hommes-femmes dans les nominations aux postes de décision au sein du Gouvernement et dans le service diplomatique;

d) d’augmenter le nombre de programmes de formation et de renforcement des capacités proposés aux femmes désireuses d’entrer en politique ou d’occuper des fonctions publiques, et de continuer d’encourager les médias à veiller à ce que les femmes et les hommes qui se portent candidats ou ont été élus bénéficient de la même visibilité, en particulier en période électorale;

e) De sensibiliser la classe politique, les médias, les chefs traditionnels et l’opinion publique en général au fait que la participation entière, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, sur la base de l’égalité avec les hommes, est indispensable à la mise en œuvre effective de la Convention, ainsi qu’à la stabilité politique et au développement économique du pays.

Nationalité

30.Le Comité félicite l’État partie pour son cadre juridique régissant l’acquisition de la nationalité et pour les efforts qu’il déploie pour encourager l’enregistrement des naissances. Il est toutefois préoccupé par le fait que 20 % des enfants ne sont pas enregistrés à la naissance, ce qui les expose au risque d’apatridie et entrave leur accès aux services publics essentiels.

31. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour garantir l’enregistrement en temps voulu des naissances et la délivrance gratuite d’actes de naissance sur l’ensemble de son territoire, notamment en menant des campagnes de sensibilisation sur l’importance que revêt l’enregistrement des naissances et en faisant appel à des unités mobiles de l’état civil, une attention particulière devant être accordée aux enfants nés dans les camps de réfugiés.

Éducation

32.Le Comité salue l’adoption d’une stratégie nationale d’accélération de l’éducation des filles pour la période 2012–2021 et les effets positifs de sa mise en œuvre, qui a permis d’accroître le nombre de filles ayant accès à l’éducation sur l’ensemble du territoire de l’État partie, comme en témoigne la parité désormais atteinte dans l’enseignement primaire. Il est toutefois préoccupé par le taux extrêmement élevé de grossesses précoces chez les filles d’âge scolaire, dont il note qu’il est lié à la proportion importante de mariages d’enfants et/ou forcés dans l’État partie. Il s’inquiète également de l’impunité dont jouissent les enseignants et les personnels administratifs des établissements scolaires qui sont responsables de ces grossesses. Le Comité regrette qu’en dépit des dispositions législatives interdisant le renvoi des filles enceintes, la plupart d’entre elles n’achèvent pas leur scolarité du fait de l’exclusion sociale qu’elles subissent et du soutien insuffisant qui leur est apporté pour réintégrer le système éducatif. Le Comité s’inquiète en outre :

a)Du taux de réussite scolaire anormalement faible des filles dans l’enseignement secondaire en zone rurale et du taux d’alphabétisation peu élevé constaté de ce fait au sein des populations féminines en milieu rural (21 %);

b)De l’absence de programmes complets d’éducation et de services de santé en matière de sexualité et de procréation destinés aux adolescents;

c)De la mauvaise qualité de l’éducation due au manque d’investissements dans les infrastructures scolaires, notamment pour ce qui concerne l’accès à l’eau potable et les installations sanitaires pour les filles;

d)De ce que de nombreuses filles en situation de pauvreté soient contraintes d’interrompre leur scolarité pour aider leur famille.

33. Le Comité, prenant note de l’objectif de développement durable 4.5, qui appelle à éliminer les inégalités entre les sexes dans le domaine de l’éducation, recommande à l’État partie :

a) D’allouer, compte tenu de l’obligation qui lui est faite de protéger les enfants contre la violence, y compris les violences à caractère sexuel, conformément à l’article 13 de la loi n o  49-2005/AN relative à la santé en matière de procréation et à l’article 97 de la loi n o  015-2014/AN sur la protection de l’enfance, des ressources suffisantes aux programmes visant à lutter contre les grossesses précoces, notamment en mettant en place des mécanismes de signalement de tous les actes de violences sexuelles perpétrées contre des femmes et des filles dans les établissements scolaires, et en invitant le Conseil national de prévention de la violence en milieu scolaire à se joindre à cet effort;

b) D’organiser à l’intention des enseignants et de l’ensemble des personnels administratifs des établissements scolaires des séances obligatoires de sensibilisation pour les informer des sanctions pénales qu’ils encourent s’ils sont responsables de la grossesse d’une élève ou la soumettent à des actes de harcèlement sexuel;

c) De recueillir et publier des données sur le nombre de cas de grossesses précoces recensés en milieu scolaire, ainsi que sur le nombre d’enquêtes ouvertes sur de telles affaires, de poursuites engagées et de peines prononcées;

d) De faciliter la réintégration des mères adolescentes dans le système éducatif, notamment en luttant contre la stigmatisation culturelle dont elles font l’objet grâce à des campagnes de sensibilisation et en prévoyant des systèmes de garde d’enfants d’un coût abordable;

e) D’inscrire dans les programmes scolaires une formation sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation ainsi que sur les comportements sexuels responsables, qui soit obligatoire, adaptée à l’âge des filles et des garçons, fondée sur des données factuelles et scientifiquement exactes afin, entre autres, de réduire les taux de décrochage scolaire lié aux grossesses;

f) D’éliminer les stéréotypes discriminatoires et autres obstacles à l’accès des filles à l’éducation en sensibilisant, en particulier les parents et les chefs traditionnels, à l’importance de l’éducation pour les femmes et les filles;

g) D’éliminer les coûts indirects de l’éducation, d’améliorer la qualité de l’enseignement et des infrastructures scolaires, d’intensifier les programmes d’alimentation en milieu scolaire et d’améliorer l’aménagement d’installations sanitaires appropriées pour les filles;

h) De renforcer les programmes d’alphabétisation des adultes, plus particulièrement pour les femmes vivant en milieu rural.

Emploi

34.Le Comité prend note des garanties constitutionnelles et législatives, y compris celles figurant dans le Code des personnes et de la famille et le Code du travail, qui interdisent la discrimination et le harcèlement à caractère sexuel et protègent l’égalité des chances des femmes et des hommes en matière d’emploi. Il est cependant préoccupé par le taux de chômage anormalement élevé des femmes, par le fait qu’elles occupent en majorité des emplois mal rémunérés dans le secteur informel, où elles sont souvent victimes d’exploitation par le travail domestique, et par l’application et le respect limités du principe de salaire égal pour un travail de valeur égale. Le Comité déplore également que :

a)Les victimes de discrimination fondée sur le sexe et de harcèlement sexuel sur le lieu de travail n’ont que peu de chances d’obtenir réparation en raison des lourdes exigences en matière de preuve;

b)L’article 142 du Code du travail interdise aux femmes d’exercer certains types d’emplois en raison de stéréotypes discriminatoires;

c)Les femmes continuent de ne bénéficier ni des allocations familiales ni des réductions de l’impôt unique sur les traitements et salaires pour charge de famille, qui sont d’office accordées au père.

35. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’améliorer l’accès des femmes au marché formel de l’emploi, notamment par le biais de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité, telles que des mesures incitatives pour encourager les employeurs des secteurs public et privé à recruter des femmes, des formules de travail flexibles et l’amélioration de la formation professionnelle des femmes;

b) De garantir l’application des systèmes de protection sociale à toutes les femmes, y compris celles travaillant dans le secteur informel;

c) De mener systématiquement des inspections afin de lutter contre l’exploitation des femmes par le travail et de veiller à ce que les auteurs de telles pratiques soient dûment sanctionnés;

d) De revoir les dispositions des textes de loi et des politiques qui discriminent les femmes, notamment en modifiant l’article 37 du Code du travail afin d’élargir la définition du harcèlement sexuel et l’éventail des personnes auxquelles il s’applique, en faisant davantage connaître les recours ouverts aux victimes et en assouplissant la charge de la preuve, en modifiant l’article 142 du Code du travail afin que certaines professions ne soient interdites aux femmes que pendant la période de la maternité et non de manière générale, et en modifiant les politiques discriminatoires qui régissent le versement des prestations familiales;

e) De ratifier la Convention n o  89 de 2011 de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

Santé

36.Le Comité se félicite de l’adoption du décret no 2016-311 du 2 mars 2016 instituant dans l’État partie la gratuité des soins de santé pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes. Il demeure toutefois profondément préoccupé par :

a)Le taux extrêmement élevé de mortalité maternelle, lié à l’augmentation des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, qui représentent près d’un tiers des décès maternels;

b)Les autres facteurs à l’origine de la mortalité et de la morbidité maternelles, notamment les mutilations génitales féminines, les mariages et grossesses précoces, l’insuffisance des infrastructures médicales et la pénurie des personnels de santé, la répartition inégale des services de planification familiale et de santé, et l’accès limité à la contraception.

37.Le Comité, rappelant ses Recommandations générales n o  24 (1999) sur les femmes et la santé et n o  35, attire l’attention sur les cibles 3.1 et 3.7 des objectifs de développement durable, qui appellent à la réduction du taux mondial de mortalité maternelle et à l’accès de tous à des services de soins de santé en matière de sexualité et de procréation. Rappelant sa recommandation antérieure (voir CEDAW/C/BFA/CO/6, par. 40) le Comité recommande à l’État partie :

a) De dépénaliser l’avortement en abrogeant les articles 383 à 390 du Code pénal qui en interdisent la pratique;

b) D’éliminer les obstacles de procédure qui entravent de facto l’accès à l’avortement légal, et de supprimer notamment l’obligation, en cas de viol, d’obtenir une décision judiciaire reconnaissant l’acte criminel ainsi que l’interdiction, en cas de viol ou d’inceste, de pratiquer un avortement au-delà de la dixième semaine de grossesse;

c) De sensibiliser les femmes et les prestataires de soins à la question de l’accès de toutes les femmes à l’avortement légal et à une prise en charge après un avortement;

d) De renforcer l’offre et l’accessibilité d’informations et de services en matière de sexualité et de procréation exempts de jugement de valeur, ainsi que de produits de contraception d’un coût abordable sur l’ensemble du territoire de l’État partie, notamment en faisant mieux connaître auprès des femmes la loi relative à la santé en matière de procréation, qui affirme leur droit d’obtenir de tels produits sans le consentement de l’époux;

e)De réduire la mortalité maternelle en améliorant l’accès aux soins prénatals et postnatals de base et aux services obstétriques d’urgence dispensés par un personnel qualifié sur tout le territoire de l’État partie, en tenant compte du Guide technique concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables réalisé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (A/HRC/21/22 et A/HRC/21/22/Corr.1 et A/HRC/21/22/Corr.2).

VIH/sida

38.Le Comité se réjouit de l’adoption de la loi no 30-2011 du 3 juin 2011 sur la lutte contre le VIH et la protection des droits des personnes séropositives. Il est cependant préoccupé par le fait que le taux d’infection par le VIH demeure élevé chez les femmes se livrant à la prostitution et qu’elles ne bénéficient que d’un accès limité aux traitements en raison de la discrimination et de la stigmatisation dont elles sont victimes.

39. Le Comité recommande à l’État partie de garantir aux femmes et aux filles vivant avec le VIH l’accès à des services de santé adéquats, y compris des médicaments antirétroviraux, en accordant une attention particulière à celles qui se livrent à la prostitution, et de prendre des mesures pour lutter contre la discrimination et la stigmatisation dont elles font l’objet.

Aides économiques et sociales

40.Le Comité accueille avec satisfaction le plan national de développement économique et social pour la période 2016-2020 qui fait des femmes des acteurs clés du développement, et salue l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir parvenir à la parité hommes-femmes parmi les chefs d’entreprise du pays d’ici à 2020; il prend note de l’adoption, en 2015, d’une stratégie nationale visant à promouvoir l’esprit d’entreprise chez les femmes, dans le but affiché d’endiguer la pauvreté à l’horizon 2025. Il constate néanmoins avec inquiétude que les aides économiques et sociales demeurent inaccessibles à la majorité des femmes dans l’État partie, du fait qu’elles connaissent mal les démarches à suivre pour en bénéficier et qu’elles ont beaucoup de difficultés à avoir accès à la terre et aux ressources naturelles, et à en prendre le contrôle, en raison des comportements patriarcaux qui dictent l’affectation des ressources.

41. Le Comité recommande à l’État partie de mieux informer les femmes sur les moyens d’obtenir des aides, notamment des prestations au titre de la protection sociale et de l’assurance maladie, ou encore des prêts à taux réduits, et d’élargir la couverture géographique des organismes qui fournissent ces aides. Il recommande également à l’État partie de sensibiliser les parlementaires, les chefs traditionnels et religieux et la population en général à la nécessité de favoriser le renforcement du pouvoir économique des femmes pour lutter contre la pauvreté, conformément à l’objectif de développement durable 5.

Femmes rurales

42.Le Comité estime positif le cadre juridique qui permet aux femmes et aux hommes d’avoir équitablement accès à la terre, aux ressources et aux informations, et qui réserve aux femmes un quota minimum de 30 % des terres agricoles gérées par l’État. Il trouve cependant qu’il est préoccupant que ce cadre ne soit pas suffisamment appliqué au motif que les femmes connaissent mal ces droits, qu’il ne tient pas compte, dans les programmes qui s’y rattachent, de la question de l’égalité des sexes et qu’il n’a été ni conçu ni mis en œuvre avec la participation pleine et entière des femmes vivant en milieu rural. Le Comité déplore également :

a)Qu’il n’existe aucun mécanisme permettant aux femmes de porter plainte pour discrimination en matière d’accès, de propriété, d’usage et de succession de biens fonciers;

b)Que les femmes aient été touchées de manière disproportionnée par l’expulsion des communautés Kounkoufouanou et Essakan et aient ainsi perdu des terres fertiles et les revenus y afférents, aient été privées de points d’accès à l’eau potable et à des logements convenables, et aient vu leurs conditions sanitaires se dégrader.

43. Dans le droit fil de sa recommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre pleinement en œuvre la loi n° 034-2009/AN du 16 juin 2009 sur le régime foncier rural, qui reconnaît l’égalité des hommes et des femmes en matière d’accès à la terre dans les zones rurales;

b) De veiller à la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans toutes les politiques et tous les plans de développement rural, et à la participation des femmes à l’élaboration, l’adoption et la mise en œuvre de politiques et programmes nationaux en matière de sécurité alimentaire, de changement climatique, d’intervention en cas de catastrophe et de réduction des risques;

c) De faciliter l’acquisition et la conservation des terres et ressources naturelles par les femmes, notamment en leur fournissant de plus amples informations quant aux moyens de réclamer les terres qui leur sont réservées, en renforçant les moyens des commissions chargées de surveiller l’application du quota de 30 % de terres réservées aux femmes, et en aidant ces dernières à déposer plainte en cas de discrimination en matière d’accès à la terre;

d) D’inciter les femmes des communautés concernées à engager, aux côtés d’entreprises privées d’Essakan et Kounkoufouanou, un processus de négociation visant à obtenir une réparation et une indemnisation appropriées pour les préjudices qu’elles ont subis;

e) De mettre en place un cadre juridique qui fasse en sorte d’éviter que les projets agro-industriels et les activités des industries extractives ne portent atteinte aux droits des femmes rurales à la propriété foncière, et à leurs moyens de subsistance, veille à ce que les activités de ce type ne soient autorisées qu’à l’issue d’une évaluation de leurs conséquences sexospécifiques à laquelle les femmes rurales soient associées, et s’assure que les expulsions soient fondées sur des décisions de justice et entourées de garanties procédurales rigoureuses conformes aux normes internationales.

Groupes de femmes défavorisées

Femmes âgées et veuves

44.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 24-2016/AN du 17 octobre 2016 sur la protection et la promotion des droits des personnes âgées qui, entre autres, réprime l’abandon et l’exclusion sociale des personnes âgées ainsi que des personnes accusées de sorcellerie. Il s’inquiète cependant de ce que la loi n’aborde pas le problème spécifique que constitue la situation précaire des femmes âgées et ne prévoit pas de mécanisme de plainte qui permette aux personnes victimes d’une discrimination, notamment les femmes accusées de sorcellerie, de faire valoir leurs droits.

45.Invoquant sa recommandation générale no27 (2010) sur les femmes âgées et la protection de leurs droits d’êtres humains, le Comité recommande à l’État partie :

a) De modifier la loi n o  24-2016/AN afin de veiller à ce que les femmes âgées aient accès à des soins de santé et services sociaux adéquats et d’un coût abordable, soient admises à entrer en possession d’un héritage et puissent acquérir des biens fonciers;

b) D’allouer les ressources nécessaires pour assurer l’efficacité du mécanisme de suivi de la mise en œuvre du plan d’action national de lutte contre l’exclusion sociale des personnes accusées de sorcellerie pour la période 2012–2016;

c) De mettre en place des programmes de sensibilisation visant à modifier les attitudes traditionnelles vis-à-vis des femmes âgées et des veuves afin de lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence à leur encontre.

Femmes en détention

46.Le Comité note avec préoccupation que la majorité des femmes en détention provisoire ne sont pas systématiquement séparées des personnes condamnées. Il s’inquiète des mauvaises conditions de détention des femmes, notamment de la surpopulation carcérale et de l’absence de nourriture, d’eau potable et d’installations sanitaires appropriées.

47. Le Comité recommande à l’État partie de faire appliquer les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), de garantir la séparation des détenues et des personnes condamnées, d’assurer l’accès à une nutrition adéquate, à l’eau potable, à l’assainissement et aux soins de santé, et de renforcer les programmes d’aide à la réinsertion à leur sortie de prison.

Femmes handicapées et femmes atteintes d’albinisme

48.Le Comité salue l’adoption de la loi no 012-2010/AN du 1er avril 2010 relative à la protection et à la promotion des droits des personnes handicapées; il relève également que l’article 18 de la Constitution fait obligation à l’État partie de fournir une assistance aux personnes handicapées. Il constate cependant avec inquiétude que les droits des femmes et des filles handicapées ne sont protégés par aucune politique ni aucun plan d’action spécifique. Il indique avoir malheureusement eu connaissance d’informations faisant état d’agressions commises contre des personnes atteintes d’albinisme, y compris des femmes et des filles, de l’utilisation de certaines parties de leur corps à des fins de sorcellerie, et de la stigmatisation et l’exclusion sociale des mères ayant un enfant atteint d’albinisme.

49. Le Comité, rappelant sa recommandation générale n o  18 (1991) sur les femmes handicapées, recommande à l’État partie :

a) De définir et mettre en œuvre une stratégie qui permette aux femmes et filles handicapées d’avoir effectivement accès à la justice, à la vie politique et publique, à l’éducation, à des activités génératrices de revenus et aux soins de santé, y compris des services de santé en matière de sexualité et de procréation;

b) De mener des actions de sensibilisation pour faire évoluer les attitudes négatives envers les femmes et les filles handicapées et les femmes atteintes d’albinisme, en veillant à ce que des sanctions rigoureuses sont prononcées contre ceux qui enfreignent leurs droits.

Égalité dans le mariage et rapports familiaux

50.Le Comité se réjouit de ce que le projet de révision du Code des personnes et de la famille ait été présenté au Conseil des ministres et constate avec satisfaction que ce texte harmonise l’âge du mariage, fixé à 18 ans pour les hommes et les femmes. Il regrette cependant qu’il ne lui ait pas été indiqué si le projet recommande d’abroger toutes les dispositions discriminatoires, notamment :

a)L’article 233, aux termes duquel le Code ne s’applique pas aux mariages contractés dans le cadre de rites coutumiers et religieux;

b)Les articles 257 à 262, qui autorisent la polygamie;

c)L’article 294, qui donne à l’époux le choix, en dernier lieu, du domicile;

d)L’article 741, qui dispose qu’en cas de séparation de droit, le conjoint survivant ne peut hériter des biens du conjoint décédé.

51. Le Comité, rappelant ses recommandations générales n o  21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, des liens familiaux et de leur dissolution, ainsi que la recommandation générale/observation générale conjointe n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et n o  18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables (2014), recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du Code révisé des personnes et de la famille, d’abroger toutes les dispositions discriminatoires à l’encontre des femmes, y compris en relevant l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour les hommes et les femmes, sans exception, et de rendre le Code applicable à toute forme d’union conjugale;

b) D’encourager la régularisation des mariages en simplifiant les formalités administratives pour le mariage civil et en réduisant tous les frais y afférents.

Collecte et analyse de données

52. Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données complètes, ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socio-économique, et de recourir davantage à des indicateurs mesurables pour évaluer l’évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis pour donner aux femmes une égalité effective dans tous les domaines visés par la Convention.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

53. Le Comité demande à l’État partie d’accepter, dans les meilleurs délais, l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le calendrier des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

54. Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

55. Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité réelle des hommes et des femmes, énoncée dans les dispositions de la Convention, en s’appuyant sur l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

56. Le Comité demande à l’État partie d’assurer la diffusion en temps opportun des présentes observations finales, dans sa langue officielle, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au sein du Gouvernement, des ministères, du Parlement et du système judiciaire, en vue d’en assurer la pleine application.

Assistance technique

57. Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres instruments

58. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

Suite donnée aux observations finales

59. Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 23 b) et f), 25 d) et 43 c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

60. Le Comité invite l’État partie à soumettre son huitième rapport périodique en novembre 2021. Le rapport devra être soumis dans le délai imparti et, en cas de retard, couvrir toute la période allant jusqu’à la date de sa soumission.

61.Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).