Nations Unies

CMW/C/VCT/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

17 mai 2018

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant Saint-Vincent-et-les Grenadinesen l’absence de rapport *

1.En l’absence de rapport de l’État partie, le Comité a examiné l’état de la mise en œuvre de la Convention à Saint-Vincent-et-les Grenadines à sa 383e séance (voir CMW/C/SR.383), le 12 avril 2018. Compte tenu des informations reçues, notamment, d’autres organes et mécanismes de l’ONU, il a adopté les observations finales ci-après à sa 395e séance, le 20 avril 2018.

A.Introduction

2.Saint-Vincent-et-les Grenadines a adhéré à la Convention le 29 octobre 2010. L’État partie était tenu, au titre du paragraphe 1 de l’article 73 de la Convention, de soumettre son rapport initial au plus tard le 1er février 2012. À sa vingt-quatrième session, en avril 2016, le Comité a adopté une liste de points établie avant la soumission du rapport initial (CMW/C/VCT/QPR/1), conformément à l’article 31 bis de son règlement intérieur provisoire (voir A/67/48, par. 26), transmise à l’État partie le 9 mai 2016. Le Comité rappelle que l’État partie a bénéficié d’un atelier de renforcement des capacités sur la présentation de rapports, qui a été organisé du 19 au 21 juillet 2017 à Kingstown en coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, afin de l’aider à formuler ses réponses à la liste de points.

3.Le Comité regrette que, malgré ses nombreuses demandes formelles et informelles, l’État partie n’ait pas apporté de réponses à la liste de points, lesquelles auraient constitué son rapport au titre de l’article 73 de la Convention. Il considère que le manquement de l’État partie à ses obligations conventionnelles en matière de rapports constitue une violation de l’article 73 de la Convention. Il regrette vivement que, malgré l’appui du Haut-Commissariat à l’élaboration de rapports, l’État partie n’ait pas soumis de rapport ni envoyé de délégation à la session, ce qui l’a empêché d’engager un dialogue constructif avec lui. Le Comité souligne que le non-respect par l’État partie de ses obligations conventionnelles entrave sérieusement le bon fonctionnement du mécanisme créé pour surveiller la mise en œuvre de la Convention.

4.Ayant adressé à l’État partie des rappels par note verbale les 27 septembre 2016, 29 mars 2017, 17 mai 2017, 14 juillet 2017, 7 novembre 2017, 3 janvier 2018 et 15 février 2018, ainsi que des rappels informels, le Comité a entrepris d’examiner l’application de la Convention en l’absence de rapport et de délégation, sur la base des informations dont il disposait.

5.Le Comité est conscient que Saint-Vincent-et-les Grenadines est un pays d’origine, de destination et de transit. Il note que les processus migratoires observés dans l’État partie correspondent à des mouvements intrarégionaux et interrégionaux, essentiellement à destination de l’Amérique du Nord. Il prend note de l’existence d’une population de migrants, qui provient principalement des Caraïbes.

6.Le Comité note que certains des pays dans lesquels des travailleurs migrants saint‑vincentais et grenadins sont employés ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à l’exercice par les intéressés des droits que leur reconnaît la Convention.

B.Aspects positifs

7.Le Comité salue les efforts que l’État partie a déployés pour lutter contre la pauvreté, l’instabilité économique et le chômage élevé, qui figurent parmi les principales causes de l’émigration, et pour parvenir à une croissance économique durable, notamment en mettant en œuvre le Plan national de développement économique et social pour 2013‑2025.

8.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après ou les a ratifiés :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en octobre 2010 ;

b)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les Protocoles s’y rapportant, en octobre 2010 ;

c)La Convention relative aux droits de l’enfant, en octobre 1993, le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en septembre 2005, et le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en mars 2011.

9.Le Comité note avec satisfaction les mesures législatives, institutionnelles et stratégiques ci-après :

a)Modification de la loi relative à la représentation populaire, en 2015 ;

b)Modification des règlements sur l’assurance nationale (Personnes à l’étranger et assurés volontaires), en 2013 ;

c)Adoption de la loi relative à la prévention de la traite des personnes, en 2011, et du Plan d’action national contre la traite des êtres humains, en 2015.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Législation et application

10.Le Comité regrette l’absence de mesures visant à garantir que les dispositions de la Convention soient effectivement intégrées dans le droit interne. En particulier, il constate avec inquiétude que plusieurs lois ayant trait à la migration, notamment la loi de 2003 sur la protection de l’emploi et la loi de 1973 sur l’emploi d’étrangers et de citoyens du Commonwealth, ne sont pas conformes à la Convention.

11. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour mettre ses lois et ses politiques nationales en conformité avec les dispositions de la Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment en harmonisant la législation existante avec la Convention.

Articles 76 et 77

12. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, de façon à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des États parties et des particuliers concernant la violation de droits consacrés par la Convention.

Ratification des instruments pertinents

13. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’adhérer aux instruments suivants, ou de les ratifier  : la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et les c onventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ( n o 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, ( n o 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975, et ( n o 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.

Politique et stratégie globales

14.Le Comité est préoccupé par le manque d’information sur les différentes mesures que l’État partie a prises pour mettre en œuvre la Convention. Il regrette que le Plan national de développement économique et social pour 2013-2025 ne s’applique qu’aux ressortissants de l’État partie, et que les questions liées aux migrations n’y soient manifestement pas abordées.

15. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer une stratégie globale sur la migration qui tienne compte des questions de genre et qui soit fondée sur les droits de l’homme et conforme à la Convention, et d’affecter des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à sa mise en œuvre et à son suivi. Il recommande également à l’État partie de veiller à intégrer les droits fondamentaux des travailleurs migrants vivant sur son territoire dans tous les plans et stratégies nationaux, y compris dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social pour 2013-2025.

Coordination

16.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur la coordination intergouvernementale entre les institutions et les services qui s’occupent de migrations dans le cadre de la Convention. Il regrette l’absence de renseignements sur la question de savoir si les organismes publics chargés des questions liées à la migration sont dotés de ressources humaines et financières suffisantes et reçoivent des formations de renforcement des capacités sur ces questions.

17. Le Comité recommande à l’État partie d’établir un organisme approprié doté d’un mandat clair et investi de pouvoirs suffisants pour assurer la coordination intergouvernementale de l’application effective de la Convention et des droits qui y sont énoncés, au niveau de l’État et à l’échelon local. Il recommande également d’allouer à cet organisme des ressources humaines et financières suffisantes et de fournir des services de renforcement des capacités aux ministères et institutions chargés des questions de migration.

Collecte de données

18.Le Comité est préoccupé par le manque de données statistiques ventilées qui lui permettraient de bien évaluer la portée et les modalités de la mise en œuvre des droits énoncés dans la Convention. En particulier, il regrette le manque d’informations statistiques et qualitatives sur les mouvements migratoires de travailleurs à destination et en provenance de l’État partie, y compris les retours, sur les enfants laissés au pays par leurs parents migrants, et sur les travailleurs migrants en situation irrégulière dans l’État partie et à l’étranger. Il regrette également l’absence d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour mettre en place des mécanismes de coordination entre les différentes entités qui recueillent et analysent les données relatives aux migrations, comme les services de statistique des ministères compétents.

19. Le Comité recommande à l’État partie d’établir une base de données globale et centralisée portant sur tous les aspects de la Convention et de recueillir des données sur le statut des travailleurs migrants vivant dans l’État partie, avec ou sans papiers, les travailleurs migrants en transit et les nationaux travaillant à l’étranger. Il l’encourage à compiler des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, motif d’entrée ou de sortie du pays et travail effectué, afin de bien orienter les politiques pertinentes et l’application de la Convention, conformément à la cible n o 17.18 des objectifs de développement durable. Lorsqu’il est impossible d’obtenir des informations précises, par exemple dans le cas des travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité demande à l’État partie de lui fournir des données fondées sur des études ou des estimations.

Suivi indépendant

20.Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’ait pas encore mis en place une institution dotée d’une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme, y compris en matière de migrations, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

21. Le Comité recommande à l’État partie de créer une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, qui s’occuperait notamment de promouvoir et de protéger efficacement les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille au titre de la Convention et qui aurait pour mandat d’enquêter sur toutes les questions relatives aux droits de l’homme des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quel que soit leur statut, et d’effectuer des visites inopinées dans tous les lieux où des travailleurs migrants et des membres de leur famille sont susceptibles d’être privés de liberté, notamment les centres de détention et les centres d’hébergement.

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

22.Le Comité note que l’État partie a dispensé aux agents des forces de l’ordre et aux membres d’organisations non gouvernementales une formation relative aux droits de l’homme, qui portait en particulier sur la traite, la violence familiale et la violence sexiste. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance de la formation relative à la Convention et par le manque de diffusion d’informations sur la Convention et sur les droits qu’elle consacre auprès de toutes les parties prenantes, notamment les organes gouvernementaux nationaux, régionaux et locaux, les organisations de la société civile et les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

23. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’élaborer des programmes d’éducation et de formation sur les droits que la Convention reconnaît aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, et de garantir que ces programmes soient mis à la disposition de l’ensemble des fonctionnaires et des autres personnes travaillant dans le domaine des migrations, en particulier des agents des forces de l’ordre et des autorités frontalières, des juges, des procureurs et des fonctionnaires consulaires concernés, ainsi que des fonctionnaires nationaux, régionaux et locaux, des travailleurs sociaux, du personnel des organisations de la société civile et des journalistes  ;

b) De prendre de nouvelles mesures pour garantir l’accès des travailleurs migrants à des informations et à des conseils sur les droits qui sont les leurs en vertu de la Convention, dans toutes les langues d’usage courant dans l’État partie, en particulier par le canal de programmes d’orientation avant-emploi et avant-départ  ;

c) De renforcer sa collaboration avec les organisations de la société civile et les médias afin de diffuser des informations sur la Convention et de la promouvoir dans tout l’État partie .

Participation de la société civile

24.Le Comité note que l’État partie a tenu des consultations avec les organisations de la société civile sur les questions relatives aux droits de l’homme, y compris sur des allégations de violations des droits de l’homme, ainsi que sur la planification du développement national. Toutefois, il est préoccupé par les informations selon lesquelles le Gouvernement aurait tenté de limiter la participation de ces organisations aux consultations. Le Comité regrette en outre l’absence d’informations sur le rôle que les organisations de la société civile ont joué dans la mise en œuvre de la Convention.

25.Le Comité recommande à l’État partie d’associer systématiquement et activement la société civile et les organisations non gouvernementales à la mise en œuvre de la Convention, notamment à la planification et à l’application de la politique migratoire, ainsi qu’à l’élaboration de son prochain rapport périodique.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Principe de non-discrimination

26.Le Comité constate avec préoccupation que l’interdiction générale de la discrimination, énoncée à l’article 13 de la Constitution de 1979, ne s’applique pas aux non-ressortissants. Il est préoccupé également par l’absence de dispositions interdisant expressément la discrimination en matière d’emploi et de profession, ainsi que par l’absence d’informations sur les mesures prises pour garantir dans la pratique le respect du principe de non-discrimination.

27. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires en matière de législation et de politiques pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, avec ou sans papiers, qui vivent sur son territoire ou relèvent de sa juridiction jouissent sans aucune discrimination des droits qui sont les leurs en vertu de la Convention, conformément à son article 7  ;

b) De modifier la législation nationale, notamment la législation du travail pertinente, afin d’y inscrire l’interdiction de toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur les différents motifs énumérés aux articles 1 et 7 de la Convention, en couvrant tous les aspects de l’emploi et de la profession et tous les travailleurs, y compris les domestiques et les travailleurs du secteur informel .

Accès à un recours effectif

28.Le Comité regrette le défaut d’informations sur l’utilisation des recours administratifs, judiciaires et autres par les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans l’État partie. Il note avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris de mesures pour veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille sachent qu’il existe des recours spécifiques qui sont à leur disposition.

29. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que, en droit et dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, aient les mêmes possibilités que les ressortissants de l’État partie de porter plainte et d’obtenir une réparation effective devant les tribunaux en cas de violation des droits qui sont les leurs en vertu de la Convention. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, des recours judiciaires et autres qui leur sont ouverts en cas de violation des droits qui sont les leurs en vertu de la Convention .

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements

30.Le Comité note avec satisfaction que les articles 4 et 5 de la Constitution interdisent expressément le travail forcé, l’esclavage, la torture et les peines et traitements inhumains ou dégradants. Néanmoins, le Comité est préoccupé par :

a)L’absence d’informations sur la situation des travailleurs migrants étrangers, tant en situation régulière qu’irrégulière, dans l’État partie ;

b)La législation existante relative au travail des enfants, qui ne protège pas suffisamment les enfants, en particulier les enfants migrants, contre l’affectation à un travail dangereux ;

c)La manque d’informations sur les mesures prises pour prévenir et combattre le travail forcé et le travail des enfants, ainsi que l’exploitation sexuelle à des fins commerciales pour ce qui est des travailleurs migrants, en particulier les femmes et les enfants, notamment dans le contexte du tourisme sexuel.

31. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De modifier le cadre législatif national relatif au travail pour le mettre en conformité avec la c onvention ( n o  29) de l’OIT sur le travail forcé, 1930, la c onvention ( n o  105) de l’OIT sur l’abolition du travail forcé, 1957, et de la c onvention ( n o 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999  ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger tous les travailleurs migrants, avec ou sans papiers, en particulier les femmes et les enfants, contre toutes les formes d’exploitation par le travail et de mauvais traitements, en particulier le travail des enfants et l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, conformément aux cibles n o s 8.7 et 8.8 des objectifs de développement durable  ;

c) D’accroître le nombre de contrôles par des inspecteurs du travail et de poursuivre les personnes ou groupes exploitant des travailleurs migrants ou les soumettant au travail forcé et à des abus, en particulier dans l’économie informelle, et de condamner les coupables à des peines appropriées ;

d) De fournir aux victimes et aux membres de leur famille des informations sur les systèmes d’assistance, de protection et de réadaptation qui sont disponibles dans l’État partie  ;

e) D’inclure dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur l’exploitation des travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière, ainsi que des données ventilées sur les cas de xénophobie, de mauvais traitements et de violence envers des travailleurs migrants et des membres de leur famille .

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

32.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations concernant les garanties d’une procédure régulière pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans les procédures pénales et administratives, y compris les procédures de détention et d’expulsion. Il est également préoccupé par le fait que la loi relative à l’immigration (Restrictions), modifiée en 2017, incrimine l’entrée irrégulière dans l’État partie.

33. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que, dans les procédures administratives et judiciaires, y compris les procédures de détention et d’expulsion, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux en situation irrégulière, bénéficient des garanties d’une procédure régulière, au même titre que les ressortissants de l’État partie, devant les tribunaux et les organes quasi juridictionnels  ;

b) De dépénaliser l’entrée irrégulière et de veiller à ce que les garanties minimales que consacre la Convention soient respectées dans les procédures administratives et judiciaires visant des travailleurs migrants et des membres de leur famille, conformément aux articles 16 et 17 de la Convention .

Assistance consulaire

34.Le Comité note l’existence d’une représentation consulaire et diplomatique dans les trois principaux pays de destination des travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins, à savoir les États-Unis d’Amérique, le Canada et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, mais il est préoccupé par le manque de données sur les cas particuliers où une assistance consulaire a été fournie aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille pour assurer la protection de leurs droits.

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que ses services consulaires puissent répondre efficacement aux besoins des travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins s’agissant de protéger leurs droits et de leur fournir une assistance, conformément à l’article 23 de la Convention et à la lumière de l’article 36 b) de la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Ces mesures devraient comprendre l’allocation de ressources humaines et financières suffisantes et l’élaboration, à l’intention des fonctionnaires consulaires, de programmes de formation continue sur la Convention et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, ainsi que la collecte de données quantitatives et qualitatives sur la mesure dans laquelle les droits des travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins et des membres de leur famille sont protégés ou lésés .

Rémunération et conditions d’emploi

36.Le Comité regrette le manque d’informations sur la législation et la réglementation nationales relatives à la rémunération et aux conditions d’emploi applicables sur la base de l’égalité aux travailleurs migrants, en situation tant régulière qu’irrégulière. Il est préoccupé par le manque d’informations sur le suivi et l’application du principe d’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, en faveur des travailleurs migrants en particulier, et par l’absence de données sur les cas réels de manquement à ce principe.

37. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De recueillir d es données sur les cas de manquement au principe d’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, y compris en ce qui concerne les sanctions infligées aux employeurs qui ne se conforment pas à ce principe  ;

b) De veiller à ce que les travailleurs migrants bénéficient d’un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est appliqué aux nationaux en matière de rémunération, et de veiller à la stricte application de ce traitement en procédant à des inspections régulières et inopinées dans les secteurs où des travailleurs migrants sont em ployés, conformément à la cible n o 8.8 des objectifs de développement durable .

Éducation

38.Le Comité note que, en vertu de la loi no 34 de 2006 relative à l’éducation, tous les enfants âgés de 5 à 16 ans ont accès à l’enseignement primaire et secondaire, et que la majorité des enfants âgés de 3 à 5 ans ont accès à l’éducation et à l’accueil de la petite enfance. Il note également que l’article 27 de la loi précitée interdit, pour l’admission dans tout type d’établissement d’enseignement, toute discrimination fondée, entre autres, sur le lieu d’origine. Le Comité regrette cependant l’absence d’informations sur la situation générale en ce qui concerne l’accès des enfants de travailleurs migrants à l’éducation dans l’État partie. En particulier, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les coûts cachés de l’éducation pèsent le plus lourdement sur les enfants des familles de migrants.

39. Le Comité recommande à l’État partie, conformément à l’article 30 de la Convention, d’adopter des mesures concrètes et efficaces et des programmes spécifiques pour permettre aux enfants de travailleurs migrants, quel que soit le statut migratoire de leurs parents, d’entrer et de rester dans le système éducatif. Il recommande également à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur la situation générale concernant l’accès à l’éducation des enfants de travailleurs migrants, quel que soit leur statut migratoire .

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Préparation au départ et droit d’être informé

40.Le Comité constate qu’un nombre important de Saint-Vincentais et Grenadins se rendent aux États-Unis d’Amérique et au Canada pour y être employés comme travailleurs saisonniers ou temporaires. Cependant, il est préoccupé par le manque de données statistiques sur les programmes de préparation au départ et par l’absence d’informations sur la manière dont l’État partie veille à ce que la formation préalable au départ informe suffisamment les travailleurs migrants sur les droits qu’ils tiennent de la Convention ou sur l’accès à la justice et les mécanismes de plainte disponibles.

41. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De concevoir des programmes de préparation au départ et de sensibilisation ciblés qui tiennent compte des besoins des femmes, en consultation avec les organisations de la société civile intéressées, les travailleurs migrants et les membres de leur famille et des agences de recrutement reconnues et fiables, entre autres  ;

b) De mettre en place des programmes de suivi pour protéger les droits des travailleurs migrants dans le cadre d’accords internationaux bilatéraux  ;

c) De prendre les mesures voulues pour diffuser des informations sur les droits que les travailleurs migrants tiennent de la Convention, sur les conditions de leur admission et de leur emploi, ainsi que sur leurs droits et obligations en vertu de la législation et des usages des États où ils sont employés.

Droit de voter et d’être élu dans l’État d’origine

42.Le Comité est préoccupé par le fait que, en vertu de la loi relative à la représentation populaire modifiée en 2009, les Saint-Vincentais et Grenadins ne sont pas autorisés à voter s’ils ont été absents de l’État partie pendant plus de cinq ans. Il est en outre préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises pour garantir le droit des travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins résidant à l’étranger de voter et d’être élus dans l’État partie.

43. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures, notamment d’ordre législatif, pour que les travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins résidant à l’étranger, notamment, jouissent pleinement du droit de vote dans l’État partie, conformément à la Convention, sans restriction d’aucune sorte liée à leur résidence à l’étranger. Il recommande également à l’État partie de redoubler d’efforts pour faciliter l’exercice du droit de vote par les Saint-Vincentais et Grenadins qui résideront et travailleront à l’étranger lors des élections générales qui doivent se tenir en 2020.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Enfants en situation de migration internationale

44.Le Comité constate avec préoccupation que les enfants restés dans le pays d’origine sont vulnérables à la violence, à la maltraitance, à la négligence et à l’exploitation. Il regrette le manque d’informations sur la situation générale des enfants de travailleurs migrants dans l’État partie et sur les mesures prises pour faciliter la réinstallation et la réinsertion des travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins à leur retour, notamment en ce qui concerne la réunification avec leurs enfants restés au pays.

45. Conformément aux observations générales conjointes n o  3 et n o 4 du Comité pour la protection des d roits de tous les travailleurs migrants et des me mbres de leur famille / n o 22 et n o 23 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations, adoptées en 2017, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De réaliser une étude approfondie sur les enfants migrants, portant sur les enfants migrants dans l’État partie et sur les enfants de travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins résidant à l’étranger qui sont restés dans l’État partie, afin d’orienter la fourniture de services de protection de l’enfance et de protection sociale aux enfants touchés par les migrations  ;

b) D’adopter une stratégie d’ensemble visant à promouvoir et à protéger les droits des enfants et des familles des travailleurs saint-vincentais et grenadins, en particulier au moyen de programmes d’éducation, d’entreprenariat, de formation et d’action sociale communautaire, et de renforcer sa coopération à cette fin avec les acteurs de la société civile sur place et dans le pays d’origine  ;

c) De donner, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur les mesures qui auront été prises pour faciliter la réinstallation et la réinsertion des travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins à leur retour, y compris leur réunification avec tout enfant resté au pays.

Coopération internationale avec les pays de transit et de destination

46.Le Comité constate que l’Organisme de développement des compétences sectorielles, en sa qualité d’organisme national d’enseignement et de formation techniques et professionnels, a reçu l’autorisation en 2016 de décerner le certificat de qualification professionnelle des Caraïbes, permettant ainsi aux travailleurs qualifiés saint-vincentais et grenadins de chercher du travail dans la région, dans le cadre du programme de libre circulation des compétences. Cependant, le Comité note avec inquiétude que les accords bilatéraux et multilatéraux que l’État partie a conclus avec des pays de la Communauté des Caraïbes favorisent uniquement la libre circulation des personnes qualifiées, et regrette l’absence de renseignements sur la manière dont l’État partie veille à ce que de tels accords soient conformes aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

47. Le Comité recommande à l’État partie de tirer pleinement parti des mécanismes bilatéraux et régionaux pour promouvoir les droits que les travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins et les membres de leur famille tiennent de la Convention. Il recommande également à l’État partie d’initier un dialogue au sein de la Communauté des Caraïbes en vue de mettre en place des initiatives régionales portant sur tous les travailleurs migrants, de tous niveaux de qualification.

Agences de recrutement

48.Le Comité regrette l’absence de renseignements sur les cadres réglementaires applicables aux agences d’emploi privées, et s’inquiète de ce que les travailleurs migrants ne soient pas suffisamment protégés contre ces agences, lesquelles servent d’intermédiaires à des recruteurs étrangers qui soumettent parfois les salariés à des conditions de travail abusives.

49. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système d’agrément des agences de recrutement privées qui facilitent l’emploi des travailleurs migrants à l’étranger qui soit transparent et fondé sur le principe de responsabilité, en veillant à ce que ces agences soient soumises à une obligation stricte de diligence voulue en matière de respect des droits de l’homme et de droit du travail, ainsi qu’à une action continue de réglementation et de contrôle. Il recommande également vivement à l’État partie de veiller à ce que les agences de recrutement privées fournissent des renseignements complets aux personnes qui cherchent un emploi à l’étranger et garantissent le bénéfice effectif de toutes les prestations liées à l’emploi qui ont été convenues, en particulier en ce qui concerne les salaires.

Retour au pays et réinsertion

50.Le Comité est préoccupé par le manque de renseignements sur les mesures expresses prises par l’État partie pour protéger les droits des travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins qui reviennent au pays, dont bon nombre sont non qualifiés, et des membres de leur famille, ainsi que pour faciliter leur réinsertion. Le Comité prend note de ce que les travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins ont été consultés dans le cadre de l’élaboration du Plan national de développement économique et social pour 2013-2025, mais regrette que ce plan ne vise pas expressément à remédier à la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent fréquemment les migrants et les membres de leur famille, notamment lorsqu’ils reviennent au pays.

51. Le Comité recommande à l’État partie de veiller, conformément à l’article 67 de la Convention et à la cible n o  10.7 des objectifs de développement durable, à ce que la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social pour 2013 ‑ 2025 porte également sur des programmes sociaux visant à assurer les conditions sociales, économiques et autres voulues pour faciliter le retour et la réinsertion durable des travailleurs migrants saint-vincentais et grenadins et des membres de leur famille, notamment des emplois décents et des moyens de subsistance.

Traite des personnes

52.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi relative à la prévention de la traite des personnes, qui non seulement interdit la traite des personnes, le travail forcé et l’exploitation sexuelle, mais permet également aux victimes étrangères de faire une demande d’autorisation provisoire ou permanente de séjour et de demander réparation aux trafiquants. Il prend également note des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes en fournissant une assistance aux victimes de traite, en formant des fonctionnaires et des membres d’organisations non gouvernementales, en renforçant les campagnes de sensibilisation du public et en procédant à une évaluation initiale de l’ampleur du phénomène de la traite dans l’État partie, dans le cadre de son plan d’action national contre la traite des êtres humains adopté en 2015. Cependant, le Comité est préoccupé par :

a)Le manque de clarté s’agissant de la mise en œuvre du plan d’action national contre la traite des êtres humains, notamment en ce qui concerne le calendrier et les rôles précis des agents de l’État et des organisations de la société civile dans cette mise en œuvre ;

b)L’absence de cas signalés de trafiquants ayant fait l’objet d’enquêtes et de poursuites, ainsi que de victimes ayant reçu une indemnisation de la part des trafiquants ;

c)Le manque de services spécialisés à l’intention des victimes de traite, notamment de centres d’accueil et de services juridiques ;

d)L’absence d’informations sur les mesures prises pour lutter contre l’exploitation sexuelle et la prostitution forcée.

53. Conformément aux recommandations du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur les principes et directives concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De préciser le calendrier de la mise en œuvre du plan d’action national contre la traite des êtres humains et les rôles respectifs des différentes entités qui en sont chargées  ;

b) De mener des enquêtes minutieuses sur les responsables et de veiller à ce que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate  ;

c) D’intensifier les campagnes de prévention de la traite des travailleurs migrants et de protéger ceux-ci contre le travail forcé et l’exploitation sexuelle, conformément à la cible n o  5.2 des objectifs de développement durable  ;

d) D’améliorer la formation des responsables de l’application des lois, notamment des garde-côtes, des policiers, des juges et des procureurs, ainsi que des inspecteurs du travail, des enseignants, des prestataires de soins de santé et du personnel diplomatique et consulaire afin de prévenir et combattre la traite des personnes, de repérer les victimes et de leur apporter une assistance  ;

e) De fournir une aide, une protection et des services de réadaptation adéquats à toutes les victimes de traite, en particulier au moyen de centres d’accueil et de projets de réinsertion et de rapatriement  ;

f) De renforcer les mécanismes permettant d’enquêter sur les cas d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée et de poursuivre et de sanctionner les auteurs de tels faits  ;

g) De renforcer la coopération internationale, régionale et bilatérale afin de prévenir et de combattre la traite des personnes.

6. Diffusion et suivi

Diffusion

54. Le Comité demande à l’État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie, aux institutions d’État pertinentes, notamment auprès des ministères, du Parlement, de l’appareil judiciaire et des autorités locales, ainsi qu’aux organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile.

Assistance technique

55. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier sa coopération avec la communauté internationale pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans les présentes observations finales conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Prochain rapport périodique

56. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son rapport valant premier et deuxième rapports périodiques d’ici au 1 er mai 2019 et d’y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il le prie également de faire en sorte qu’une délégation participe à l’examen de ce rapport, afin de favoriser la réussite du dialogue avec le Comité sur la mise en œuvre de la Convention. Pour soumettre son rapport, l’État partie peut souhaiter suivre la procédure simplifiée. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur ses directives harmonisées (HRI/GEN/ 2/Rev.6).