Nations Unies

CCPR/C/NPL/CO/2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

15 avril 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Népal *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le deuxième rapport périodique du Népal (CCPR/C/NPL/2) à ses 3050e et 3051eséances (CCPR/C/SR.3050 et CCPR/C/SR.3051), les18 et 19 mars 2014. À sa 3061eséance (CCPR/C/SR.3061), le 26 mars 2014, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité prend acte avec satisfaction de la soumission du deuxième rapport périodique du Népal, qui était attendu en 1997, et des informations qu’il contient. Il se félicite d’avoir eu l’occasion d’engager un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie sur les mesures que le Népal a prises depuis l’examen de son rapport précédent, en 1994, pour donner effet aux dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites (CCPR/C/NPL/Q/2/Add.1) à la liste de points, réponses qui ont été complétées par les réponses fournies oralement par la délégation.

B.Aspects positifs

Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après:

a)La signature de l’Accord de paix global, en 2006;

b)L’adoption de la Constitution provisoire, en 2007;

c)L’introduction d’un troisième genre dans plusieurs documents officiels, notamment les certificats de nationalité, en application de l’arrêt de la Cour suprême du 21 décembre 2007;

d)L’établissement de la deuxième Assemblée constituante, en janvier 2014, et la nomination du Cabinet, en février 2014.

Le Comité se félicite de la ratification des instruments internationaux suivants:

a)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en 1998;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2006;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2007;

d)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2007;

e)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2006, et le Protocole additionnel à la Convention visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2008;

f)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2010.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Impunité des auteurs de violations flagrantes commises pendant le conflit

Le Comité est préoccupé par la culture de l’impunité qui prévaut concernant les violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et les violations graves du droit international humanitaire commises pendant les dix années de conflit, de 1996 à 2006, notamment les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les actes de torture, les violences sexuelles et les détentions arbitraires. En particulier, il est préoccupé par:

a)L’absence d’enquêtes et de poursuites, exacerbée par l’ingérence policière dans le système de justice pénale, par exemple le refus de la police d’enregistrer les premiers rapports d’information, les pressions exercées sur les agents de la force publique pour qu’ils n’enquêtent pas ou n’engagent pas de poursuites dans certaines affaires et le retrait fréquent des accusations portées contre des personnes accusées de violations des droits de l’homme, sachant qu’aucune poursuite engagée dans le cadre du système de justice pénale dans une affaire liée au conflit n’a abouti;

b)Le fait que les victimes se voient refuser un recours effectif, sachant que seules quelques victimes ou leur famille ont reçu uniquement une assistance financière limitée au titre du Programme de secours provisoire tandis que d’autres n’y ont pas eu droit, notamment des victimes de torture, de viol ou d’autres formes de violence sexuelle;

c)L’absence de système de vérification des antécédents permettant d’empêcher des personnes accusées de violations graves des droits de l’homme d’exercer des fonctions publiques et la pratique consistant à promouvoir des personnes accusées de telles violations (art. 2, 3, 6, 7, 9, 10 et 16).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que toutes les violations flagrantes du droit international des droits de l ’ homme, y compris les actes de torture et les disparitions forcées , soient expressément interdites en tant qu ’ infractions pénales dans le droit interne ;

b) Mettre un terme à toutes les formes d ’ ingérence policière dans le système de justice pénale et mener des enquêtes indépendantes et approfondies sur les violations présumées des droits de l ’ homme liées au conflit, et faire en sorte que leurs auteurs aient à rendre compte de leurs actes sans plus de retard. Le Comité souligne que la mise en place d ’ un mécanisme de justice transitionnelle ne saurait dispenser de poursuivre pénalement les violations graves des droits de l ’ homme;

c) Mettre en place, à titre prioritaire et sans plus attendre, un mécanisme de justice transitionnelle conforme à l ’ ordonnance de mandamus de la Cour suprême en date du 2 janvier 2014 et veiller à ce qu ’ il fonctionne de manière efficace et indépendante, conformément au droit et aux normes internationaux, notamment en interdisant toute amnistie pour les violations flagrantes du droit international des droits de l ’ homme et les violations graves du droit international humanitaire;

d) Veiller à ce que toutes les victimes disposent d ’ un recours utile, y compris des mesures adéquates d ’ indemnisation, de restitution et de réadaptation, compte tenu des Principes fondamentaux et des directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l ’ homme et de violations graves du droit intern ational humanitaire (résolution  60/147 de l ’ Assemblée générale);

e) Adopter des directives relatives à la vérification des antécédents afin d ’ empêcher les personnes accusées de violations du Pacte d ’ exercer des fonctions publiques et d ’ être promues.

Constatations adoptées au titre du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte

Le Comité se félicite que la délégation de l’État partie se soit engagée à donner pleinement effet aux constatations adoptées par le Comité au titre du premier Protocole facultatif et note qu’une «aide provisoire» a été accordée à certaines victimes, mais relève toutefois avec préoccupation que l’État partie n’a pas effectivement mis en œuvre les constatations du Comité (art. 2).

Le Comité engage l ’ État partie à prendre des mesures concrètes pour donner pleinement effet à toutes les constatations adoptées par le Comité concernant des communications, en particulier en menant rapidement des enquêtes approfondies et indépendantes, en poursuivant les auteurs et en offrant sans plus de retard aux victimes des recours utiles et une réparation. Le Comité rappelle que les mécanismes de justice transitionnelle ne sauraient dispenser de poursuivre pénalement les violations graves des droits de l ’ homme.

Commission nationale des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par les restrictions imposées au fonctionnement indépendant et efficace de la Commission nationale des droits de l’homme par l’adoption de la loi nationale sur les droits de l’homme en 2012. Il prend acte de la décision de la Cour suprême en date du 6 mars 2013 déclarant nulles et non avenues plusieurs dispositions de cette loi, mais regrette l’absence de progrès dans l’alignement de la loi sur les Principes de Paris. Il regrette également que les recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme soient insuffisamment appliquées, en dépit de leur caractère contraignant en droit interne (art. 2).

L ’ État partie devrait modifier la loi national e  2068 (2012) sur les droits de l ’ homme en vue de la mettre en conformité avec les Principes de Paris (résolution  48/134 de l ’ Assemblée générale, annexe) et la décision de la Cour suprême en date du 6 mars 2013, afin de garantir l ’ indépendance et l ’ efficacité du fonctionnement de la Commission nationale des droits de l ’ homme . Il devrait également modifier les procédures régissant la nomination des commissaires afin que le processus de sélection soit équitable, ouvert à tous et transparent, et veiller à ce que les recommandations de la Commission soient effectivement appliquées.

Égalité des sexes

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité des sexes mais relève avec préoccupation que les femmes, en particulier les dalits et les autochtones, sont extrêmement peu représentées aux postes de responsabilité de haut niveau. Le Comité regrette la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés qui perpétuent la discrimination à l’égard des femmes dans tous les domaines, ainsi que l’existence de pratiques traditionnelles préjudiciables comme les mariages d’enfants, le système de la dot, la préférence pour les fils, les accusations de sorcellerie et le chaupadi (art. 2, 3 et 26).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre effectivement en œuvre et faire respecter les cadres juridiques et généraux relatifs à l ’ égalité des sexes et à la non-discrimination, poursuivre ses efforts pour accroître la représentation des femmes aux postes de responsabilité et élaborer des stratégies concrètes pour éliminer les stéréotypes relatifs au rôle des femmes, notamment au moyen de campagnes de sensibilisation. Il devrait aussi prendre des mesures adaptées pour a) interdire expressément toutes les pratiques traditionnelles préjudiciables dans le droit interne et veiller au respect de cette interdiction dans la pratique , b) mener des campagnes de sensibilisation sur l ’ interdiction et les effets négatifs de ces pratiques, en particulier dans les zones rurales , et c)  encourager le signalement de ces infractions, enquêter sur les faits visés par les plaintes des victimes et traduire les auteurs en justice.

Discrimination fondée sur la caste

Le Comité salue l’adoption de la loi sur la discrimination fondée sur la caste et l’intouchabilité (infractions et sanctions) en 2011 mais reste préoccupé par le fait qu’elle n’est pas appliquée concrètement et par la persistance de la discrimination de fait dont est victime la communauté dalit. Il regrette aussi que la Commission nationale des dalits ne dispose pas de ressources suffisantes et que ses recommandations ne soient pas effectivement appliquées (art. 2 et 26).

L ’ État partie devrait renforcer les mesures qu ’ il a prises pour mettre en œuvre la loi sur la discrimination fondée sur la caste et l ’ intouchabilité (infractions et sanctions) et pour éliminer toutes les formes de discrimination contre la communauté dalit . Il devrait en outre veiller à ce que la Commission nationale des dalits puisse s ’ acquitter efficacement de son mandat en lui accordant des ressources suffisantes et à ce que ses recommandations soient effectivement appliquées.

Exécutions extrajudiciaires, torture et mauvais traitements

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires dans la région du Teraï et de décès en détention et par la confirmation officielle du recours généralisé à la torture et aux mauvais traitements dans les locaux de garde à vue. Il note avec une profonde préoccupation que l’État partie n’a pas adopté de loi définissant et incriminant la torture, qu’il ne donne pas d’informations concrètes et détaillées sur les enquêtes menées et les poursuites engagées dans ces affaires ainsi que sur les condamnations et les peines prononcées contre les responsables, et que les agents de la force publique impliqués dans de telles violations des droits de l’homme restent impunis (art. 2, 6, 7, 9, 10 et 14).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour empêcher l ’ usage excessif de la force par les agents de la force publique en veillant à ce que ceux-ci se conforment au Code de conduite pour les responsables de l ’ application des lois (résolution 34/169 de l ’ Assemblée générale) et aux Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois (1990). Il devrait prendre des mesures appropriées pour éradiquer la torture et les mauvais traitements, notamment en adoptant des lois définissant et interdisant la torture et prévoyant des peines et des réparations qui soient à la mesure de la gravité de l ’ infraction, conformément aux normes internationales. Il devrait également veiller à ce que les agents de la force publique reçoivent une formation à la prévention de la torture et des mauvais traitements et à la manière d ’ enquêter sur ces faits en intégrant le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) dans leur formation. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les allégations d ’ exécutions extrajudiciaires, de torture et de mauvais traitements fassent l ’ objet d ’ une enquête effective, à ce que les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et à ce que les victimes et leur famille aient accès à des recours utiles.

Détention arbitraire

Le Comité relève que l’article 24 de la Constitution provisoire offre certaines garanties juridiques aux personnes privées de liberté, par exemple le droit d’être informé des motifs de l’arrestation et le droit d’être présenté à un tribunal dans les vingt-quatre heures, mais il est préoccupé par le fait que dans la pratique ces droits ne sont pas respectés. Il note aussi avec préoccupation l’absence de garanties effectives, dans la loi et dans la pratique, du droit des détenus d’aviser les membres de leur famille immédiate de leur situation et du droit d’être examiné par un médecin dès le moment de l’arrestation, ainsi que la pratique consistant à tenir des registres de détention faux ou insuffisants et à placer les détenus dans des lieux de détention non officiels (art. 9, 10 et 14).

L ’ État partie devrait prendre des mesures appropriées pour garantir qu ’ aucune personne placée sous sa juridiction ne soit l ’ objet d ’ une arrestation ou d ’ une détention arbitraire et que les détenus jouissent de toutes les garanties juridiques, conformément aux articles 9 et 14 du Pacte. Il devrait également rendre régulièrement publique la liste de tous les lieux de détention officiels, interdire expressément l ’ utilisation de lieux non officiels pour la détention et criminaliser cette pratique.

Conditions de détention

Le Comité accueille avec satisfaction l’introduction d’un régime de prisons ouvertes et d’un système pénitentiaire communautaire, mais il est préoccupé par la surpopulation dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention, le manque d’hygiène dans les lieux de détention et l’insuffisance de services et d’équipements essentiels, notamment des soins de santé et des aménagements adéquats pour les entretiens confidentiels avec les avocats (art. 9 et 10).

L ’ État partie devrait prendre d ’ urgence des mesures pour mettre en place un système de surveillance périodique et indépendante des lieux de détention et pour atténuer la surpopulation et améliorer les conditions de détention, conformément à l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. À ce sujet, l ’ État partie devrait envisager non seulement de construire de nouveaux établissements pénitentiaires mais aussi d ’ appliquer des mesures de substitution à la détention avant jugement, comme la libération sous caution et l ’ assignation à domicile, ainsi que des peines non privatives de liberté, comme le sursis, la liberté conditionnelle et le travail d ’ intérêt général. L ’ État partie devrait également mettre en place un dispositif confidentiel pour recevoir et traiter les plaintes déposées par les détenus.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité note l’adoption de plusieurs textes de loi et politiques visant à éliminer la violence à l’égard des femmes mais constate avec préoccupation qu’ils sont peu mis en œuvre, qu’il n’existe pas de système global de collecte de données sur les différents types de violence à l’égard des femmes et que de nombreux cas de violence sexuelle et de violence au foyer contre les femmes et les filles continuent d’être signalés. Il est également préoccupé par la définition étroite du viol, l’absence de progrès dans la suppression du délai de trente-cinq jours impératif pour déposer une plainte pour viol et les peines particulièrement légères sanctionnant le viol conjugal. Le Comité regrette aussi la pratique de la police qui n’enregistre pas les plaintes pour viol et n’ouvre pas d’enquêtes et de poursuites, et la tendance à orienter le règlement de ces affaires vers des mécanismes de justice informels (art. 2, 3 et 7).

L ’ État partie devrait faire en sorte que toutes les formes et manifestations de violence à l ’ égard des femmes soient définies et interdites dans la législation interne, qui devrait prévoir aussi des sanctions à la mesure de la gravité de l ’ infraction, conformément aux normes internationales. Il devrait mettre en place un système général de collecte de données sur les différents types de violence à l ’ égard des femmes de façon à pouvoir adopter des stratégies ciblées et évaluer l ’ efficacité de celles-ci. Il devrait également lancer des campagnes de sensibilisation sur les effets préjudiciables de la violence à l ’ égard des femmes, informer les femmes de leurs droits et des dispositifs de protection existants, et faciliter le dépôt de plaintes par les victimes. L ’ État partie devrait en outre veiller à ce que les cas de violence à l ’ égard des femmes fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, à ce que les auteurs soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, punis de peines appropriées, et à ce que les victimes aient accès à des recours utiles et à des moyens de protection efficaces.

Réfugiés

Le Comité félicite l’État partie d’accueillir sur son territoire un grand nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile mais il note avec préoccupation qu’il n’est pas délivré de documents d’identité aux réfugiés tibétains depuis 1995, ce qui fait que la majorité de la population réfugiée tibétaine risque des pénalités financières en vertu du règlement de 1994 relatif à l’immigration pour entrée ou présence irrégulière sur le territoire de l’État partie, et risque aussi la détention, l’expulsion et le renvoi. Il relève également avec préoccupation les restrictions imposées aux droits des réfugiés tibétains dans le cas où l’État partie juge qu’une activité quelconque nuit aux relations amicales avec son voisin. Le Comité note également avec préoccupation qu’il n’existe pas de texte de loi garantissant une protection suffisante contre le refoulement (art. 2, 7, 9, 13, 19, 26 et 27).

L ’ État partie devrait se doter d ’ une législation nationale sur les réfugiés conforme aux normes internationales, respecter strictement le principe du non-refoulement et dispenser les réfugiés et demandeurs d ’ asile des peines prévues dans le règlement de 1994 relatif à l ’ immigration. Il devrait procéder à un enregistrement complet des Tibétains qui se trouvent sur le territoire depuis longtemps de façon à s ’ assurer que tous ont les papiers nécessaires et que, dans la loi et dans la pratique, tous les réfugiés et demandeurs d ’ asile ne subissent pas de restrictions arbitraires de leurs droits tels qu ’ ils sont consacrés dans le Pacte, notamment la liberté d ’ expression, de réunion et d ’ association. L ’ État partie devrait également garantir à tous les Tibétains qui peuvent avoir un motif valable de demander le statut de réfugié l ’ accès à son territoire et les orienter vers le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Châtiments corporels

Le Comité prend note de l’adoption en 2012 de la politique nationale en faveur des enfants mais il constate que les châtiments corporels demeurent un sujet de préoccupation, en particulier dans le contexte familial où ils continuent d’être appliqués communément par les parents et tuteurs comme méthode de discipline (art. 7 et 24).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes , notamment d ’ ordre législatif le cas échéant, pour mettre fin à la pratique des châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager des formes non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels, et devrait organiser des campagnes d ’ information afin de faire prendre conscience de leurs effets préjudiciables.

Droit à un procès équitable

Le Comité note avec préoccupation que le droit de garder le silence n’est pas respecté dans la pratique, que l’irrecevabilité des preuves obtenues par des moyens coercitifs n’est pas énoncée clairement dans la loi et que la fourniture de services d’aide judiciaire est insuffisante. Il se déclare de nouveau préoccupé par les fonctions quasi judiciaires des responsables de district, dont la double capacité, en tant que membres du pouvoir exécutif et membres de l’autorité judiciaire dans les affaires pénales, contrevient à l’article 14 du Pacte.

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour garantir le droit à un procès équitable, conformément à l ’ article 14 du Pac t e et à l ’ Observation générale n o 32 (2007) sur le droit à l ’ égalité devant les tribunaux et cours de justice et à un procès équitable. En particulier, il devrait faire respecter dans la pratique le droit de garder le silence, modifier la loi sur l ’ administration de la preuve de façon à préciser qu ’ aucun inculpé ne d oit être contraint à faire des déclarations et à garantir que les preuves obtenues par la coercition so ie nt i nadmissibles et veiller à ce que le droit à l ’ aide juridictionnelle, prévu en droit interne, soit assuré dans la pratique. Il devrait également limiter le pouvoir judiciaire des responsables de district aux cas mineur s et modifier les lois qui confèrent une autorité judiciaire aux responsables de district conformément aux prescriptions de l ’article  14 du Pacte .

Justice des mineurs

Le Comité note avec préoccupation que l’âge de la responsabilité pénale fixé à 10 ans est bas, et que systématiquement les enfants ne bénéficient pas du droit à un procès équitable avec des garanties procédurales effectives appropriées à leur âge. Il regrette également que la loi de 1992 relative aux enfants, qui prévoit la mise en place d’un tribunal des mineurs indépendant, ne soit pas mise en œuvre intégralement (art. 14).

L ’ État partie devrait relever l ’ âge minimal de la responsabilité pénale et le porter à un niveau acceptable au regard des normes internationales, et mettre en place un tribunal des mineurs indépendant pour tenir compte de leur âge et de la nécessité d ’ assurer leur réinsertion .

Traite et travail servile

Le Comité note avec préoccupation que la loi relative à la traite et au contrôle du transport des personnes (2007) n’est pas effectivement mise en œuvre et que la traite à des fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé, de travail servile, de servitude domestique et de mariage ainsi que le trafic d’organes humains n’ont pas cessé. Il est également préoccupé par la participation présumée d’agents de l’État à des infractions liées à la traite, et s’inquiète en outre de ce que le travail des enfants et les pratiques traditionnelles de travail servile comme le haliya, le kamaiya et le kamlari existent toujours dans certaines régions de l’État partie (art. 8 et 24).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir, faire disparaître et punir la traite des personnes, le trafic d ’ organes humains et le travail servile, notamment en établissant un système de collecte et d ’ analyse de données qui permette de dégager des tendances et de mettre en œuvre des stratégies concrètes, et en adoptant des mesures visant à émanciper les groupes vulnérables de façon à éliminer le risque qu ’ ils soient exploités. Il devrait également veiller à ce que la loi de 2007 relative à la traite et au contrôle du transport des personnes soit effectivement mise en œuvre afin de poursuivre et de punir les responsables, y compris les agents de l ’ État s ’ étant rendus complices d ’ infractions liées à la traite, et d ’ assurer aux victimes une protection et une assistance adéquates.

Liberté d’expression

Le Comité relève avec préoccupation les restrictions au droit à la liberté d’expression trop larges énoncées en termes imprécis à l’article 12 de la Constitution provisoire, et par les informations indiquant que des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme sont l’objet d’agressions physiques, de menaces de mort, d’actes de harcèlement et de représailles de la part des forces de sécurité, de la police, de groupes armés et de sections de jeunes de partis politiques (art. 19).

L ’ État partie devrait garantir en droit et en pratique l ’ exercice du droit à la liberté d ’ expression à tous les individus, y compris aux étrangers, et veiller à que toute limitation à ce droit soit compatible avec les restrictions énoncées au paragraphe 3 de l ’ article 19 du Pacte et avec l ’ Observation générale n o  34 (2011) sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression. Il devrait faire ouvrir des enquêtes sur tous les cas de menaces et d ’ agressions contre des journalistes et des défenseurs des droits de l ’ homme, veiller à ce que les responsables répondent de leurs actes et assurer des recours utiles aux victimes.

Enregistrement des naissances et nationalité

S’il apprécie les efforts réalisés à ce jour, le Comité note avec préoccupation le faible taux d’enregistrement des naissances, en particulier dans les zones rurales, et les difficultés rencontrées par les femmes dans le processus d’enregistrement. Il regrette aussi que la législation actuelle ne prévoit pas l’octroi de la nationalité aux enfants nés sur le territoire qui seraient autrement apatrides. De plus, s’il y a lieu de saluer l’organisation de campagnes nationales de délivrance de certificats, le Comité relève avec préoccupation que plus de 4 millions de personnes n’ont toujours pas de certificat de nationalité, document qui est essentiel pour exercer les droits garantis dans le Pacte, notamment le droit de vote. Il constate également avec préoccupation que l’égalité des hommes et des femmes n’est pas assurée en ce qui concerne l’acquisition et le transfert de la nationalité (art. 3, 16, 24, 25 et 26).

L ’ État partie devrait modifier la loi relative à l ’ enr egistrement des naissances, des décès et des autres modifications du statut personnel de façon que l ’ enregistrement des naissances soit garanti pour tous les enfants nés sur son territoire, et mettre en place un système d ’ enregistrement des naissances efficace, qui soit gratuit à tous les stades de la procédure. Il devrait aussi continuer de poursuivre ses efforts pour supprimer les obstacles qui empêchent les individus, en particulier les femmes et les habitants des zones rurales, d ’ obtenir un certificat de nationalité et de faire enregistrer les naissances. L ’ État partie devrait veiller à ce que les dispositions de la nouvelle Constitution qui portent sur la nationalité garantissent le droit en toute égalité des femmes d ’ acquérir la nationalité, de la transférer et de la conserver.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 5, 7 et 10.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 28 mars 2018, des renseignements précis et à jour sur la mise en œuvre de toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.