NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.229327 juillet 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2293e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 19 juillet 2005, à 10 heures

Présidente: Mme CHANET

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS (suite)

Rapport initial de la Thaïlande

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Thaïlande (CCPR/C/THA/2004/1; CCPR/C/84/L/THA)

1.Sur l’invitation de la Présidente, M. Kasemsuvan, M. Tongprasroeth, M. Kowsurat, M. Satjipanon, M. Na Ranong, M. Kittichaisaree, M. Charnbhumidol, M me  Iamsudha, M me  Phumas, M me  Phatoomros, M. Boonrawd, M. Phollawan, M. Chutiwongse, M. Pookayaporn, M. Chandransu, M. Chaiyanukij, M me  Kanarat, M me  Norapoompipat, M me  Amornsak, M me  Iamthongchai, M. Thanghong, M. Tuchinda, M. Charoenpanich, M. Bavornratanaraks, M. Pongsepaibool, M me  Sirorat, M. Sangsiri, M. Suansombat et M. Anantasomboon (Thaïlande) prennent place à la table du Comité.

2.M. KASEMSUVAN (Thaïlande), présentant le rapport (CCPR/C/THA/2004/1), rappelle tout d’abord que la Thaïlande est l’un des 48 États signataires de la Déclaration universelle des droits de l’homme le 10 décembre 1948, ce qui témoigne de son attachement profond à la cause des droits de l’homme, qu’il s’agisse des droits civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels. Le Pacte est entré en vigueur pour la Thaïlande en 1997 et le grand nombre d’institutions représentées par la délégation thaïlandaise atteste la volonté de l’État partie d’appliquer l’esprit et la lettre de cet instrument. Mais 1997 est également l’année pendant laquelle la Thaïlande a été le premier pays d’Asie frappé par la crise financière la plus grave de l’histoire de la planète. Cette crise intervenait après des décennies de bouleversements politiques (coup d’État, régime militaire et dictature) qui ont secoué le pays entre 1932 et 1997. Durant ces quelque 60 années, pas moins de 15 projets de constitution ont été élaborés, puis abandonnés. L’année 1997 a donc été marquée par l’entrée en vigueur de deux instruments fondamentaux pour la protection des droits et des libertés: la Constitution et le Pacte. La Constitution de 1997 fait de la société thaïlandaise l’une des plus libres de l’Asie. Elle offre plusieurs garanties nouvelles en prévoyant notamment la création d’une cour constitutionnelle, de l’institution du médiateur parlementaire, d’une commission nationale des droits de l’homme, d’une commission nationale de lutte contre la corruption et d’une commission électorale nationale. En outre, conformément à la Constitution pour la première fois les sénateurs ont été élus, ce qui garantit l’indépendance de leur fonction.

3.Durant les huit années qui se sont écoulées depuis 1997, la Thaïlande a été confrontée à de graves difficultés économiques et la priorité des autorités était le rétablissement de la confiance, de la prospérité et de la stabilité. Le Gouvernement élu en janvier 2001 est le premier gouvernement élu par le peuple à être resté en place pendant les quatre ans de son mandat. Il est parvenu à rétablir la situation économique plus rapidement que prévu, tout en mettant en œuvre divers programmes de développement social. Durant ces quatre années, de nombreux textes législatifs ont été adoptés ou révisés pour améliorer la protection des droits consacrés dans la Constitution, qui sont souvent les mêmes que ceux énoncés dans le Pacte. Ainsi, le Code pénal a été modifié, notamment pour supprimer l’application de la peine de mort aux mineurs, des lois sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, le blanchiment d’argent et la protection de l’enfance ont été promulguées, et des projets de loi sur la prévention des violences familiales et la traite des êtres humains devraient être adoptés dans un avenir proche. Mais les dispositions législatives ne suffisent pas à protéger la dignité humaine ni à éradiquer la pauvreté et l’exclusion sociale. C’est la raison pour laquelle différents projets sont mis en œuvre dans le domaine de l’éducation, de la santé, de l’emploi et du logement. L’objectif est, par exemple, d’assurer la scolarité gratuite pour tous pendant 12 ans, de créer des emplois ruraux et de mettre au point un système de logement prévoyant que les habitants des bidonvilles choisissent eux‑mêmes les moyens d’améliorer leurs conditions de vie et d’habitat avec l’aide des autorités.

4.Compte tenu des circonstances, durant les quatre années de son mandat le Gouvernement thaïlandais a réalisé tout ce qu’il était possible de réaliser, ce qui explique sûrement en partie sa réélection à une large majorité en février 2005. Certes, il reste encore beaucoup à faire pour supprimer la pauvreté et l’exclusion sociale et protéger comme il convient les droits de l’homme. Certains défenseurs des droits de l’homme considèrent certainement que le Gouvernement n’est pas allé assez loin dans ce sens, et leurs inquiétudes doivent être prises en considération. La Thaïlande a choisi de se doter d’une constitution garantissant les droits et libertés de l’être humain au même niveau que les constitutions des États occidentaux, et si l’application des textes dans la pratique demande du temps, elle exige avant tout une volonté politique. Le Gouvernement thaïlandais s’est engagé à ne rien négliger pour s’acquitter des obligations découlant du Pacte, mission dont il doit répondre devant les 63 millions d’habitants. Les autorités thaïlandaises apprécient le rôle joué par les défenseurs des droits de l’homme et admettent que leur perception des choses peut être différente de la leur. Mais l’amélioration de la situation dans le domaine des droits de l’homme requiert les efforts de tous pour parvenir à la compréhension mutuelle et trouver ensemble des solutions appropriées. C’est dans cet esprit que le Gouvernement thaïlandais a invité en 2003 à Mme Hina Jilani, Représentante spéciale du Secrétaire général concernant la situation des défenseurs des droits de l’homme, à se rendre dans le pays, où elle a pu se déplacer à sa guise et rencontrer toutes les personnes qu’elle souhaitait, sans ingérence aucune de la part des autorités.

5.Dans le même esprit, la délégation thaïlandaise accueillera toutes les recommandations constructives que ne manquera pas de faire le Comité des droits de l’homme et elle rencontrera également les représentants d’organisations non gouvernementales durant son séjour à Genève, qui lui feront part de leurs doléances. En Thaïlande, comme dans de nombreux autres pays du monde, malgré les politiques adoptées et toutes les garanties législatives prévues, il existe encore dans les faits des violations des droits de l’homme. Toutefois, les autorités compétentes examinent dans les plus brefs délais possibles tous les cas de violation des droits de l’homme qui sont portés à leur attention et veillent à ce que la justice soit rendue dans le respect des garanties prévues par la loi.

6.Le rapport initial de la Thaïlande a été soumis malheureusement avec un certain retard, dû notamment à des problèmes de coordination au sein de l’administration. Toutefois, plusieurs ministères et départements ont été créés ces dernières années, qui sont plus directement chargés d’un certain nombre d’aspects des droits de l’homme et du développement social. En particulier, un ministère du développement social et de la sécurité humaine a été mis en place en octobre 2002. La Thaïlande est le seul État de l’Asie du Sud-Est membre du Réseau de la sécurité humaine, qu’elle préside d’ailleurs depuis mai 2005. En 2002 également, il a été créé un département de la protection des droits et des libertés, qui coopère avec la Commission nationale des droits de l’homme. Toutes ces mesures devraient permettre d’améliorer la coordination et d’accélérer la procédure d’établissement de rapports à l’avenir. Les autorités thaïlandaises ont d’ailleurs tiré de nombreux enseignements de l’élaboration du rapport initial, à laquelle ont été associés des représentants de l’État, des organisations de défense des droits de l’homme et de la société civile ainsi que des institutions compétentes des Nations Unies, qui ont eu ainsi l’occasion d’échanger des vues sur les façons d’améliorer la situation au regard des droits de l’homme et de mettre la société thaïlandaise à l’abri de la peur et du besoin.

7.La délégation thaïlandaise se félicite de l’occasion qui lui est donnée d’échanger des vues avec le Comité des droits de l’homme et elle est convaincue que le dialogue permettra d’améliorer la promotion et la protection des droits fondamentaux dans son pays.

8.La PRÉSIDENTE remercie la délégation thaïlandaise et l’invite à répondre aux questions de la liste des points à traiter (CCPR/C/84/L/THA), en commençant par les questions nos 1 à 17.

9.Mme AMORNSAK (Thaïlande) dit que la possibilité d’invoquer directement les dispositions du Pacte devant les tribunaux (question no 1) n’existe pas. D’une façon générale, les instruments internationaux auxquels la Thaïlande est partie doivent être incorporés dans la législation nationale pour être applicables. La Constitution prévoit en outre que les instruments internationaux dont l’application requiert la promulgation d’une loi doivent être approuvés par l’Assemblée nationale. Pour ce qui est du Pacte, il existe des textes qui permettent d’en appliquer les dispositions. Mme Amornsak cite l’exemple d’un jugement rendu en mars 2005 dans une affaire de traite des êtres humains, dans laquelle la protection des droits visés aux articles 2, 7 et 24 du Pacte a été garantie par l’application des dispositions pertinentes du Code pénal. Le Comité trouvera dans les réponses écrites à la liste des points à traiter différents articles de la Constitution protégeant les droits visés par le Pacte. Il convient de noter également que dans le cas où les lois existantes ne permettent pas de donner pleinement effet aux dispositions du Pacte, le Gouvernement est tenu d’adopter de nouveaux textes législatifs.

10.M. NA RANONG (Thaïlande), répondant à la question de savoir si l’État partie envisage de ratifier le premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte (question no 2), dit que la Thaïlande a engagé les procédures nécessaires pour devenir partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aux deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et au premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949. Ces procédures sont relativement longues. Une fois qu’elles seront achevées, la Thaïlande entreprendra la procédure d’adhésion au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

11.M. CHAIYANUKIJ (Thaïlande) indique que la Commission nationale des droits de l’homme (question no 3) est une institution indépendante qui fonctionne depuis le 13 juillet 2001. À la date du 31 mai 2005, elle avait reçu au total 2 148 plaintes, dont 1 309 ont déjà été traitées. Dans 559 autres cas, la procédure d’enquête suit son cours et dans 209 autres encore, la Commission s’efforce actuellement de réunir des éléments de preuve. Les plaintes visent non seulement des droits civils et politiques, mais également des droits économiques, sociaux et culturels. Dans les réponses écrites figurent les différentes catégories de plaintes qui ont été reçues en 2002, 2003 et 2004.

12.M. BAVORNRATANARAKS (Thaïlande) dit, en réponse à la question no 4 a) sur la proclamation d’un état d’urgence et le respect des dispositions de l’article 4 du Pacte, que la loi d’administration publique en régime d’état d’urgence de 1952 définissait l’état d’urgence comme une situation susceptible de menacer la sécurité et la sûreté du Royaume ou de placer la nation dans un état de crise, de lutte ou de guerre. À la date du 15 juillet 2005, la Thaïlande n’avait jamais proclamé d’état d’urgence depuis son adhésion au Pacte. Toutefois, le 15 juillet dernier, un conseil de ministres a approuvé le remplacement de la loi de 1952 par la nouvelle loi d’administration publique en régime d’état d’urgence de 2005, qui sera présentée au Parlement en septembre 2005.

13.M. KASEMSUVAN (Thaïlande) ajoute que c’est suite à une série d’attaques à la bombe dans la province méridionale de Yala commises le 14 juillet 2005 que le Conseil des ministres a décidé au matin du 15 juillet de prendre un décret proclamant l’état d’urgence. Celui‑ci a été promulgué par le Roi le 17, et l’état d’urgence était en vigueur dès le 18 dans les trois provinces de Yala, Narathiwat et Pattani. Il y avait quelque temps déjà que les autorités envisageaient de remplacer la loi martiale pour redéfinir les pouvoirs d’urgence qui étaient en effet exercés par un trop grand nombre de ministères, ce qui donnait lieu à des lourdeurs, faisait perdre du temps et donnait des résultats peu efficaces. Il faut y voir aussi un souci de démocratisation: une bonne partie des pouvoirs qui incombaient au Ministère de la défense dans le cadre de la loi martiale ont été transférés à des autorités civiles: le Premier Ministre, le Conseil des ministres et le Comité sur l’état d’urgence, tous responsables devant le Parlement. Conformément à la Constitution, le décret royal doit être soumis à l’adoption du Parlement dans les plus brefs délais, ce qui sera fait dès la rentrée parlementaire, en septembre. Ce décret couvre aussi les catastrophes naturelles; il a une validité de trois mois renouvelable sous réserve de l’accord du Conseil des ministres. Il est inspiré de la loi adoptée aux États‑Unis (Patriot Act) ainsi que des lois sur la sécurité interne de la Malaisie et de Singapour. Toutes les dérogations auxquelles l’état d’urgence pourra conduire ne seront appliquées que dans la stricte mesure où la situation l’exige et feront l’objet d’une notification immédiate au Secrétaire général de l’ONU par le Ministère des affaires étrangères, conformément à l’article 4 du Pacte.

14.M. BAVORNRATANARAKS (Thaïlande) explique que du personnel militaire avait été déployé dans les provinces du Sud en application de la loi martiale, dont les principes sont exposés aux paragraphes 471 à 473 et 490 du rapport. Ce déploiement avait pour seul but de permettre à l’armée de prêter main forte à la police, avec un mandat strictement limité et provisoire, dans une zone sujette à des troubles que les policiers, trop peu nombreux, n’arrivaient pas à contenir. Cette situation n’a entraîné aucune dérogation aux droits fondamentaux énumérés à l’article 4 du Pacte. Dans les 7 districts de la province de Narathiwat, les 12 districts de la province de Pattani, les 2 districts et le sous‑district de la province de Yala et les 4 districts de la province de Satoon concernés, les tribunaux civils n’ont pas cessé d’être des juridictions ordinaires. Les militaires se sont limités à établir des points de contrôle, à procéder à des fouilles sans mandat et à placer des personnes en détention pour interrogatoire jusqu’à sept jours, cette dernière faculté ayant d’ailleurs été très peu exercée dans la pratique. L’application de la loi martiale n’a fait l’objet d’aucune extension depuis sa proclamation en janvier 2004. De plus, en février 2005, une commission de réconciliation nationale a été créée par le Premier Ministre avec pour mandat d’étudier et de recommander des moyens pacifiques de résoudre les troubles dans le sud du pays.

15.M. CHAIYANUKIJI (Thaïlande) indique que, entre le 4 janvier 2004 et le 30 juin 2005, les incidents survenus dans les quatre provinces du sud ont fait 271 morts et 416 blessés parmi les représentants de l’État, 336 morts et 748 blessés parmi la population civile et 210 morts et 70 blessés parmi les attaquants. À ce jour, aucune plainte n’a été déposée auprès de la police pour dénoncer des violations des droits consacrés dans les articles 7 et 10 du Pacte mais si les autorités en recevaient, elles prendraient des mesures pour faire rapidement la lumière sur les faits. Un comité national a été constitué pour étudier le cas des personnes décédées ou blessées du fait d’actes de représentants de l’État dans l’exercice de leurs fonctions. Il a été décidé de débloquer une assistance financière pouvant aller jusqu’à 300 000 baht par personne. Dans un esprit de réconciliation, ces indemnisations ont été accordées quels que soient les résultats des enquêtes sur la cause du décès ou du préjudice subi. Elles se sont accompagnées d’autres formes d’assistance sociale.

16.M. CHUTIWONGSE (Thaïlande) précise qu’il n’existe pas actuellement de loi ou de procédure judiciaire portant spécifiquement sur les actes de terrorisme. Les personnes inculpées d’actes de terrorisme bénéficient de la protection de la loi comme tout autre inculpé.

17.M. CHANDRANSU (Thaïlande), passant aux questions relatives à la non‑discrimination, indique que la Constitution vise à garantir la dignité humaine, donc le droit et les libertés de tous, quelle que soit la nationalité. Même si le chapitre 3 de la Loi fondamentale est intitulé «Droits et libertés de la population thaïlandaise», seul un petit nombre de droits est réservé aux seuls nationaux, tels que le droit de vote ou le droit de propriété immobilière. Les autorités s’attachent en outre à réviser les textes en vigueur pour assurer une meilleure protection des droits fondamentaux de toutes les personnes vivant sur territoire. Parmi les mesures les plus récentes, on peut citer l’adoption de la résolution du Conseil des ministres du 18 janvier 2005, par laquelle a été adoptée une stratégie sur les problèmes de statut et les droits des personnes, ayant pour but de résoudre durablement les problèmes de statut et de droit rencontrés par certains groupes de population résidant en Thaïlande, ou encore l’adoption de la résolution du Conseil des ministres du 5 juillet 2005, par laquelle a été approuvé un règlement ministériel relatif à la fourniture de services d’éducation aux enfants non enregistrés et aux enfants n’ayant pas la nationalité thaïlandaise.

18.M. KOWSURAT (Thaïlande), répondant à la question no 7, dit que l’intégration des questions d’égalité des sexes est de mieux en mieux comprise par les décideurs. La Thaïlande a accueilli tout récemment la première conférence asiatique sur l’homosexualité, manifestation qui a réuni des centaines d’homosexuels mais aussi des spécialistes travaillant dans le domaine de l’égalité des sexes. De manière générale, tout au long de la décennie écoulée, les questions d’égalité des sexes ont donné lieu à de plus en plus de mesures gouvernementales mais aussi à de plus en plus de débats dans la population. La nouvelle Constitution et la nouvelle législation ne contiennent plus de disposition discriminatoire à l’encontre des femmes dans des domaines comme l’emploi, l’accès aux services sociaux ou l’héritage. La seule disposition pouvant être qualifiée de discriminatoire qui demeure est celle qui prévoit que l’homme peut demander le divorce au motif que sa femme a commis l’adultère, tandis que la femme ne peut obtenir le divorce pour adultère que si elle prouve que son mari entretient et honore une autre femme. C’est un problème dont les autorités sont conscientes et des efforts sont faits pour y remédier. Ainsi, un ensemble de politiques à long terme et un plan pour l’amélioration de la condition de la femme (1992‑2011) ont été élaborés, qui visent à faire progresser la situation des femmes dans le domaine de la pauvreté, de la violence, de la santé et de l’exploitation sexuelle, par des mesures globales de prévention, de responsabilisation, d’éducation et de formation. Malgré le silence qui entoure généralement les violences domestiques, il y a de bonnes raisons de croire que les femmes sont nombreuses à en être victimes. Heureusement, grâce à des campagnes menées inlassablement par les autorités et par des ONG les mentalités évoluent de sorte que de plus en plus de personnes − y compris des hommes − sont prêtes à dénoncer les cas dont elles pourraient être témoins. Les médias s’intéressent aussi maintenant de très près à la question. Certaines modifications législatives ont aussi permis de progresser; ainsi le Code de procédure pénale a été modifié pour rendre les procédures judiciaires moins éprouvantes pour les femmes et les enfants. Les interrogatoires sont enregistrés ce qui évite la confrontation entre la victime et l’accusé. De plus, selon un projet de loi élaboré récemment, le juge pourra contraindre les coupables de violences à être suivis sur le plan psychologique et à participer à des programmes spécialement conçus pour obtenir un changement dans leurs comportements.

19.En ce qui concerne la question no 9, M. Kowsurat dit que l’augmentation du nombre de victimes du VIH/sida est due non pas tant à la prostitution qu’aux pratiques sexuelles des jeunes qui ne se protègent pas. C’est pourquoi le Ministère de la santé met actuellement en œuvre une campagne de grande envergure mettant l’accent sur les modes de contamination du virus. Pour ce qui est de la protection des victimes de la traite, la Thaïlande a fait figure de pionnier et est depuis longtemps citée en exemple. De nombreux mémorandums d’accord ont été signés pour lutter contre le phénomène et aider les victimes, aussi bien entre ONG et autres représentants de la société civile qu’entre organismes publics et ONG. L’État a en outre signé des mémorandums d’accord bilatéraux avec le Laos, le Cambodge et le Myanmar. Le Premier Ministre a annoncé que la lutte contre la traite était une priorité nationale et a ouvert un fonds spécial doté de 500 millions de baht. Le Conseil des ministres a approuvé en date du 14 juin 2005 un projet de loi sur la prévention et l’élimination de la traite d’êtres humains, en général, et non plus seulement des femmes et des enfants, comme dans la législation antérieure. De manière générale, les victimes de la traite, les malades du sida et les toxicomanes, loin d’être perçus comme des délinquants, sont reconnus comme des victimes et des patients et bénéficient d’une protection. Il existe de nombreux programmes d’aide et de prise en charge, notamment pour garantir la réinsertion en toute sécurité des victimes dans leur communauté d’origine.

20.M. CHANDRANSU (Thaïlande), répondant à la question no 10 de la liste des points à traiter, indique que le Code pénal prévoit la peine de mort en tant que seule peine applicable en cas de meurtre aggravé comme le régicide, le parricide, le matricide, le meurtre avec préméditation et en cas de vol ayant entraîné la mort d’autrui. Même dans ces cas, cependant, le tribunal est libre de prononcer une peine d’emprisonnement ou de réclusion à perpétuité au lieu de la peine capitale si l’accusé a avoué ou s’il a apporté des éléments utiles pour le procès, ou s’il existe d’autres motifs valables de ne pas prononcer la peine de mort. Les infractions à la législation sur les stupéfiants pour lesquelles la peine de mort peut être prononcée sont la production, l’importation ou l’exportation de drogues dures destinées à la vente surtout lorsque de grandes quantités sont en jeu. D’autres infractions à cette même législation peuvent être punies de la peine capitale ou d’une peine d’emprisonnement.

21.Répondant à la question no 11, M. Chandransu dit que 58 personnes ayant commis des infractions à la législation sur les stupéfiants ont été retrouvées mortes au cours des trois années écoulées, ce qui serait en relation avec des actes commis par des agents de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions. Les tribunaux doivent déterminer, après enquête publique, si ces agents ont ou non abusé de leurs pouvoirs. En outre, 2 598 personnes soupçonnées de trafic de drogues auraient été tuées par des agents de la force publique. Un comité spécial a été établi pour mener l’enquête. Dans 752 de ces cas, les coupables ont été arrêtés. Dans 117 autres cas, des suspects ont été identifiés et sont recherchés. Dans les 1 729 cas restants, la police a reçu l’ordre de poursuivre les enquêtes, afin que les coupables soient rapidement traduits en justice.

22.Poursuivant avec les statistiques sur les exécutions (question no 12), M. Chandransu précise qu’une personne a été exécutée en 2000, 11 respectivement en 2001 et en 2002, 4 en 2003 et aucune en 2004. À la date du 16 juillet 2005, il y avait 68 hommes et 8 femmes dans le quartier des condamnés à mort. L’article 225 de la Constitution et les articles 259 à 267 du Code de procédure pénale prévoient un droit de grâce, qui est exercé par le Roi à titre individuel ou collectif. La majorité des condamnés à mort sont graciés, la peine capitale étant commuée en peine d’emprisonnement. À ce jour, 887 condamnés à mort ayant formé un recours sont en attente d’un jugement définitif.

23.En ce qui concerne la question no 13, M. Chandransu dit que, en cas de détention illégale, le détenu, le procureur ou toute autre personne agissant dans l’intérêt du détenu a le droit de saisir le tribunal qui, s’il constate que la requête est fondée, peut ordonner que le détenu soit déféré rapidement au juge. Si les fonctionnaires responsables de la détention ne sont pas en mesure de fournir des explications satisfaisantes démontrant la légalité de cette mesure, le tribunal ordonne la mise en liberté immédiate du détenu. Les victimes d’autres violations des droits de l’homme commises par des représentants des forces de l’ordre peuvent porter plainte au pénal et se constituer partie civile. La Thaïlande ne rassemble pas de statistiques sur les affaires de ce type mais elle est consciente de l’importance de telles données et prendra rapidement les dispositions nécessaires pour remédier à cette lacune.

24.Au sujet de la question no 14, M. Chandransu dit que les 76 personnes détenues dans le quartier des condamnés à mort et les 887 condamnés à mort en attente d’un jugement définitif sont tous incarcérés dans la prison de haute sécurité de Bang Kwang, dans la banlieue de Bangkok, faute d’autres locaux appropriés. Le Gouvernement fait de son mieux pour remédier au problème et améliorer les conditions de détention mais, en attendant, il juge impératif d’entraver ces détenus. Il n’a par ailleurs pas la moindre intention de diffuser des images sur les exécutions et sur les conditions carcérales des condamnés à mort. Quant à la flagellation, bien qu’elle soit prévue par la loi de 1936 relative aux punitions, elle n’est pas appliquée dans la pratique, et la loi de 1936 devrait être prochainement abolie. Il n’a pas été recouru à la flagellation pour réprimer des infractions au règlement pénitentiaire commises par des mineurs placés en détention en vertu de la loi de 1991 portant création des tribunaux pour mineurs et aux affaires familiales.

25.En ce qui concerne la question no 15, M. TUCHINDA (Thaïlande) dit que les personnes soupçonnées de terrorisme et les toxicomanes placés en garde à vue bénéficient de toutes les garanties constitutionnelles accordées aux personnes se trouvant dans pareille situation. Leurs droits sont en outre protégés par le Code de procédure pénale, en particulier par les nouvelles dispositions adoptées en 2004 qui prévoient des normes élevées pour la protection des droits des suspects et des prévenus. En cas de non‑respect de ces dispositions, le tribunal peut déclarer irrecevables les moyens de preuve obtenus. Du point de vue juridique, le traitement réservé à ces personnes est donc conforme aux dispositions des articles 9 et 10 du Pacte. Reconnaissant cependant les menaces qui pèsent sur les défenseurs des droits de l’homme, la Thaïlande est en train de mettre en place un comité conjoint composé de représentants de l’État et d’ONG qui veillera à l’adoption des mesures nécessaires à la protection de ces défenseurs. Au plan pratique, des mesures de formation sont prévues à l’intention des policiers pour assurer qu’ils respectent la légalité et les droits de l’homme.

26.L’action de la police à l’égard des toxicomanes est régie par la loi de 1989 sur les stupéfiants, par la loi de 2002 sur la prévention de la toxicomanie et l’élimination des stupéfiants et par la politique de l’État qui veut que les toxicomanes soient traités comme des patients et non comme des délinquants. Les toxicomanes qui le demandent peuvent, avant d’être inculpés, recevoir un traitement dans un des établissements de réadaptation dépendant du Ministère de la santé. Les personnes inculpées pour consommation de drogues sont placées dans un centre de réadaptation pour une période d’au moins six mois et les poursuites sont abandonnées lorsque le centre certifie que l’intéressé a cessé de consommer de la drogue.

27.M. CHAIYANUKIJL (Thaïlande) explique, en ce qui concerne la question no 16, que les défenseurs des droits de l’homme victimes de menaces ou d’attaques peuvent porter plainte auprès de la police, du Département de la protection des droits et libertés du Ministère de la justice, de l’Institut de médecine légale, du Département des enquêtes spéciales ou du médiateur. Si des faits illicites sont suspectés, la police ou le Département des enquêtes spéciales se saisit de l’affaire. Reconnaissant que 19 défenseurs des droits de l’homme ont été tués au cours des dernières années, le représentant de la Thaïlande évoque deux cas − l’assassinat en 2004 d’un militant écologiste, M. Charoen Wat‑akworn, et l’enlèvement d’un avocat des droits de l’homme, M. Somchai Neelapaijit − pour lesquels il a été décidé d’ouvrir une enquête spéciale. Dans le premier cas, cinq suspects ont été arrêtés. Dans le deuxième cas, cinq policiers ont été inculpés seulement de «privation de liberté» car le décès de l’avocat n’est pas établi, et le commissaire général de la police a été muté à un poste sans responsabilités. Les autorités continuent de réunir des éléments de preuve.

28.Mme AMORNSAK (Thaïlande), répondant à la question no 17, dit que les dispositions de la Constitution visant à assurer l’indépendance des juges figurent notamment aux articles 249 et 273. Les juges ne sont soumis à aucune autorité hiérarchique lorsqu’ils rendent la justice. Les dossiers des affaires qu’ils jugent ne peuvent pas leur être retirés. Ils sont inamovibles et ne peuvent être mutés qu’avec leur consentement, sauf s’il s’agit d’une mutation périodique prévue par la loi ou d’une promotion, ou s’ils font l’objet d’une procédure disciplinaire ou de poursuites pénales. Leur nomination et leur révocation doivent être approuvées par un organisme indépendant, la Commission judiciaire, qui se compose du Président de la Cour suprême, de 12 juges qualifiés à raison de 4 par degré de juridiction, et de 2 autres membres remplissant les conditions requises mais n’exerçant pas et n’ayant jamais exercé les fonctions de magistrat, qui sont élus par le Sénat. Les juges des autres tribunaux (la Cour constitutionnelle, le Tribunal administratif et le Tribunal militaire qui sont régis par les dispositions du chapitre VIII, parties 2, 4 et 5, de la Constitution) bénéficient de façon générale de la même protection en matière d’indépendance.

La séance est suspendue à 11 h 50; elle est reprise à 12 h 5.

29.M. ANDO rappelle que le but du dialogue mené par le Comité avec les États parties est de contribuer de façon constructive à régler d’éventuels problèmes. Il se félicite de la présence nombreuse des ONG ainsi que de la qualité du rapport et des réponses présentés. Pour ce qui est de la possibilité d’invoquer les dispositions du Pacte devant les tribunaux, tout en notant que le système dualiste appliqué par la Thaïlande n’est pas exceptionnel, il souhaiterait savoir si les tribunaux thaïlandais se réfèrent aux dispositions du Pacte lorsqu’ils interprètent les dispositions constitutionnelles ou législatives internes. Il souligne l’utilité d’une telle démarche.

30.En ce qui concerne les déclarations interprétatives formulées par la Thaïlande, M. Ando note que, d’après la déclaration portant sur la peine capitale (par. 3, al. b, du rapport), les dispositions du Code pénal autorisent de fait l’emprisonnement d’un jeune de 17 ans pendant une période de 50 ans. Il se demande comment, après tant d’années, la réinsertion peut être possible. D’autre part, d’après la déclaration interprétative concernant le délai nécessaire pour déférer une personne arrêtée à la justice, il semble que ce délai coure, non pas comme il est d’usage, à compter de l’arrestation, mais à partir du moment où l’individu arrêté est amené dans les locaux de la police ou d’autres locaux officiels. Or, il peut se passer un certain temps entre les deux. D’autre part, notant que la détention peut être prolongée jusqu’à huit jours, M. Ando considère qu’il s’agit là davantage d’une réserve quant au fond qu’une déclaration interprétative. Il constate d’ailleurs que de nombreux pays émettent des réserves sous couvert de déclarations interprétatives, les réserves aux instruments des Nations Unies étant en effet interdites si elles sont incompatibles avec l’objet et le but du traité.

31.Relevant que le Protocole facultatif relatif au Pacte ne fait pas partie des instruments examinés par la Thaïlande en vue d’une ratification, M. Ando souligne que la ratification du Protocole contribue à promouvoir la protection des droits de l’homme. Cela dit, il ne suffit pas de ratifier cet instrument pour qu’il soit efficace: il faut aussi faire largement connaître à la population ses dispositions et la possibilité de soumettre des communications individuelles.

32.En ce qui concerne la Commission nationale des droits de l’homme (question no 3), le Comité a eu la veille un entretien informel avec un membre de cet organe, qui lui a donné de très utiles renseignements sur les différents organismes de protection des droits de l’homme: la Commission parlementaire de la justice et des droits de l’homme, la Commission nationale des droits de l’homme et le médiateur. Il apparaît que si la Commission nationale peut seulement formuler des recommandations, le médiateur est habilité à engager des poursuites judiciaires. La coordination des actions des deux institutions devrait être explicitée. Dans deux cas − l’un concernant une manifestation d’opposition à la construction d’un oléoduc et l’autre concernant la lutte contre le trafic de stupéfiants − la Commission nationale des droits de l’homme a formulé des recommandations très détaillées. M. Ando souhaite savoir quelle suite leur a été donnée.

33.M. LALLAH dit qu’il traitera tout d’abord de la question de l’état d’urgence. La délégation a annoncé que des mesures seraient prises pour faire la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 4 du Pacte. Il souhaiterait connaître tous les droits dont l’exercice a été suspendu et l’ampleur des dérogations. La faculté de déroger à certaines dispositions en cas de proclamation de l’état d’urgence est certes prévue dans la Constitution, mais il manque des dispositions interdisant toute dérogation aux droits énoncés au paragraphe 2 de l’article 4, car tous les responsables, aux niveaux judiciaire et administratif, doivent savoir que certains actes sont interdits même pendant un état d’urgence. Un avant-projet de loi, dont M. Lallah croit comprendre qu’il a été pour le moment abandonné, conférerait au Premier Ministre le pouvoir de donner des instructions aux différentes autorités, et des dérogations à certains droits fondamentaux seraient possibles. Par exemple, il pourrait y avoir une suspension de l’application du droit de garder le silence, une censure très étendue pourrait être instaurée, et la liberté de déplacement serait considérablement réduite. Enfin, la frontière entre l’état d’urgence et la loi martiale semble assez floue. La loi martiale autorise par exemple les fouilles et perquisitions sans mandat et la détention sans mandat pendant une durée de sept jours. Il s’agit de dérogations au Pacte, et le Gouvernement thaïlandais devrait examiner très attentivement l’Observation générale no 29 relative à l’article 4 adoptée par le Comité en 2001.

34.M. Lallah croit savoir qu’il n’existe pas en Thaïlande de texte de loi expressément consacré à la lutte antiterroriste mais que des dispositions de loi générales pourraient servir le même but. Il souhaite savoir si ces dispositions ont été appliquées récemment. Il demande aussi quelle est la pratique concernant l’extradition de personnes soupçonnées qui risquent d’être victimes de torture dans le pays où elles sont renvoyées. Il souhaite en outre des renseignements concernant la détention des terroristes. Prévoit-on une durée maximale de détention et l’accès aux tribunaux est-il possible?

35.S’agissant de la non-discrimination, M. Lallah note qu’il existe encore une certaine discrimination en ce qui concerne les motifs de divorce, mais il ne doute pas que la Thaïlande règlera cette question dans les prochaines années. Selon le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, la non‑discrimination s’applique à tous les individus se trouvant sur le territoire national. En ce qui concerne les tribus montagnardes, il existe un flou juridique à leur égard, et le Gouvernement devrait veiller à leur assurer un traitement équitable par rapport aux autres citoyens.

36.En tant que Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la situation au Myanmar, M. Lallah a visité des camps de réfugiés birmans en Thaïlande et remercie le Gouvernement thaïlandais de lui avoir offert une coopération totale. Les réfugiés connaissent de nombreuses difficultés, qui tiennent principalement à la situation dans leur pays d’origine. Le Gouvernement thaïlandais consent déjà des efforts considérables mais devra s’attacher à améliorer le sort des réfugiés, en ce qui concerne par exemple l’emploi et la nécessaire protection des femmes, fidèle à sa tradition d’humanité.

37.Il ressort du rapport de la Commission nationale des droits de l’homme que le plan initial de cinq ans arrivera à échéance en 2005 et il ne semble pas que les recommandations qu’il contient aient été efficacement mises en œuvre. On peut donc se demander quelle importance est accordée à ces recommandations et dans quelle mesure les autorités sont prêtes à doter la Commission des moyens voulus pour lui permettre de travailler correctement et de faire en sorte que le Gouvernement soit informé lorsque des problèmes ou des lacunes se présentent dans ce domaine.

38.M. SHEARER souligne la qualité du rapport de la Thaïlande et l’exhaustivité des réponses de la délégation qui augurent bien du dialogue avec le Comité. Il a noté dans la réponse à la question no 10 que les peines encourues étaient plus lourdes si de grandes quantités de drogues étaient en jeu. Comme il s’agit d’infractions passibles de la peine de mort, il est important de définir ce que sont «de grandes quantités» de drogues. Dans certains pays, c’est la notion de «quantités susceptibles d’être livrées au trafic» qui est retenue et il serait utile de savoir s’il en est de même en droit thaïlandais. Par ailleurs, M. Shearer souhaite savoir s’il existe des statistiques sur quelques années concernant le nombre de personnes reconnues coupables d’infractions à la législation sur les stupéfiants, combien de personnes ont été condamnées à mort et dans combien de cas une peine plus légère a été prononcée.

39.En ce qui concerne la question no 11, la délégation a, avec une louable franchise, indiqué le nombre élevé de décès survenus lors d’actions de police, en particulier dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Cinquante huit affaires ont été soumises aux tribunaux, comme le prévoit la loi, mais la délégation a mentionné aussi 2 598 autres affaires pour lesquelles l’enquête a été confiée à un comité. M. Shearer souhaite savoir quelle est la composition et le fonctionnement de ce comité. Il voudrait savoir quel est le nombre de personnes qui ont été arrêtées en rapport avec les 752 meurtres mentionnés, s’ils sont tous des fonctionnaires de police et, le cas échéant, s’ils ont été inculpés. Il semble qu’un recours excessif à la force ait entraîné de nombreux décès. Par exemple, en 2004, 79 personnes sont mortes étouffées dans un camion lors de l’arrestation de manifestants et 32 ont péri dans une mosquée du sud du pays. M. Shearer souhaite savoir quelles étaient les causes de tels actes et si des poursuites ont été engagées. De nombreux défenseurs des droits de l’homme ont été inquiétés dans le pays; un militant a été abattu car il protestait contre la construction d’une centrale thermique et une autre personne, qui apportait de l’aide aux musulmans, a disparu depuis mars 2004. Des enquêtes ont‑elles été ouvertes?

40.Dans sa réponse à la question no 16, la délégation thaïlandaise a indiqué que des sommes très élevées, pouvant aller jusqu’à 300 000 baht (10 000 dollars des États-Unis), avaient été versées aux victimes à titre de réparation. M. Shearer souhaite avoir de plus amples détails à ce sujet. Le Gouvernement a fait part de sa volonté de poursuivre les responsables des atteintes aux droits de l’homme, mais il semble que dans de nombreux cas les poursuites n’aient pas été engagées, ce qui fait craindre une «culture de l’impunité». M. Shearer souhaite entendre les commentaires de la délégation sur ce point.

41.En ce qui concerne la prévention, M. Shearer demande s’il existe des programmes de formation à l’intention des membres des forces de police et des organes judiciaires sur le respect des droits de l’homme et, s’il en existe, avec quelle fréquence ils sont dispensés. Existe-t-il des règlements donnant spécifiquement des instructions en matière de droits de l’homme et, dans l’affirmative, sont-ils revus régulièrement?

42.En ce qui concerne les condamnés à mort, M. Shearer demande quelle est la durée moyenne de détention dans le quartier des condamnés à mort avant leur exécution ou la commutation de leur peine et combien de temps chacun des 887 condamnés à morts devra‑t‑il attendre avant que la Cour suprême ne rende sa décision. Il s’inquiète aussi de la pratique consistant à enchaîner les condamnés à mort, qui est un traitement dégradant, et engage le Gouvernement thaïlandais à trouver d’autres moyens en attendant que les travaux de rénovation des prisons soient achevés car cela va nécessairement être long.

43.À propos de la question no 13, la délégation a indiqué qu’il n’existait pas actuellement de statistiques concernant les mesures d’indemnisation aux victimes de violations des droits de l’homme mais qu’il était prévu d’en établir à l’avenir, ce qui est une évolution positive.

44.Sir Nigel RODLEY remercie la délégation thaïlandaise de ses réponses détaillées. Il accueille lui aussi avec satisfaction la volonté du Ministère de la justice de faire de la collecte des statistiques une priorité. Toutefois, même en l’absence de statistiques, la délégation devrait pouvoir, par un ou deux exemples, dissiper les allégations d’ONG sérieuses qui dénoncent l’absence de poursuites des responsables d’actes de torture ou d’exécutions extrajudiciaires. Cette impunité est un des facteurs qui rendent la pratique de la torture possible. Un autre facteur est les conditions de placement en détention. Ainsi une garde à vue prolongée, sans accès au monde extérieur, favorise fortement le recours à la torture. Il est donc inquiétant que la durée maximale de la garde à vue soit fixée à 48 heures, prorogeable plusieurs fois. Le Gouvernement doit réfléchir à la mise en place de procédures visant à permettre l’accès des détenus à un juge et à un avocat aussi rapidement que possible.

45.Au sujet de la peine de mort, Sir Nigel Rodley dit que les chiffres des exécutions, selon les années, appellent des explications; pourquoi 11 condamnés ont été exécutés en 2001 et 2002, 4 en 2003 et aucun − ce qui est une bonne chose − en 2004. la pratique consistant à enchaîner les condamnés à mort est inacceptable et figurera au nombre des sujets de préoccupation dans les observations finales du Comité. Cette pratique était rendue nécessaire par l’impossibilité de placer les détenus à l’isolement. Mais la mise à l’isolement est tout aussi proscrite par le Pacte et l’État partie devrait avoir pour priorité absolue la recherche de méthodes autres que les entraves mais aussi autres que l’isolement. Sir Nigel Rodley a été soulagé d’entendre que le Gouvernement thaïlandais n’a pas pour politique de montrer à la télévision les exécutions mais il demande si cela signifie qu’il n’y a jamais eu de diffusion d’exécutions.

46.Dans les réponses écrites du Gouvernement thaïlandais concernant l’enlèvement de l’avocat spécialisé dans les droits de l’homme, M. Neelapaijit, il est dit que quatre agents de police ont été poursuivis alors que la délégation en a mentionné cinq. Sir Nigel Rodley souhaite savoir quel est le nombre exact des policiers inculpés et de quels chefs précis. Pourquoi n’ont‑ils pas été inculpés d’enlèvement, infraction plus grave que la «privation de liberté», alors qu’il apparaît clairement qu’il y a eu enlèvement dans cette affaire? Enfin, il souhaite savoir pourquoi le chef de la police locale a été muté à un poste sans responsabilité. Cela signifie-t-il qu’il est en partie responsable des événements incriminés?

La séance est levée à 13 heures.

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