NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2021

14 janvier 2003

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2021 e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le vendredi 12 juillet 2002, à 15 heures

Président : M. BHAGWATI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ( suite )

Deuxième rapport périodique du Viet Nam ( suite )

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) ( suite )

Deuxième rapport périodique du Viet Nam (CCPR/C/VNM/2001/2 et Add.1; CCPR/C/74/L/VNM) ( suite )

1. Sur l’invitation du Président, la délégation vietnamienne reprend place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions posées en séance par les membres du Comité.

3. M. HA HUNG CUONG (Viet Nam) indique que ce qui a été abusivement appelé « internement administratif » (« administrative detention ») n’est en réalité ni une forme de détention ni même une peine prévue par le Code pénal. Il s’agit en fait d’une mesure de contrôle administratif, l’adjectif « administratif » signifiant que la mesure n’est pas imposée par un tribunal mais par le Président du Conseil populaire provincial. Elle consiste en fait en une restriction de la liberté de mouvement avec obligation de notifier tout déplacement hors d’une zone donnée et peut bien sûr être contestée. Il y est recouru toutefois très rarement, puisque actuellement trois personnes seulement sont concernées.

4. Relevant qu’une ONG a dénoncé la pratique de détentions de durée illimitée au Viet Nam, M. Ha Hung Cuong pense qu’il y a erreur. Peut ‑être y a ‑t ‑il eu confusion avec les programmes dits de rééducation de durée indéterminée, applicables aux détenus sans limitation de durée mais dans le cadre de la durée de leur détention qui est fixe. En vertu de l’Ordonnance sur l’exécution des peines d’emprisonnement, les établissements pénitentiaires sont classés en trois catégories : catégorie I pour les prisonniers condamnés à des peines d’emprisonnement de 20 ans et plus, catégorie II pour les condamnés à des peines de cinq à 20 ans d’emprisonnement et catégorie III pour le reste de la population carcérale et tous les détenus mineurs quelle que soit leur peine. La même Ordonnance garantit le droit des détenus d’entretenir une correspondance avec leurs proches.

5. Les infractions qui ne sont plus punissables de la peine de mort sont la violation du territoire national, l’évasion d’un centre de détention, le vol, la destruction de biens, le transport illégal et transfrontière de biens, la production et le commerce de produits contrefaits, la production et le commerce de produits contrefaits de l’industrie agroalimentaire, médicale ou pharmaceutique, l’incitation au trafic de stupéfiants, la fabrication illégale d’armes, le transport ou le commerce illégal d’armes, l’abus de pouvoir à des fins d’extorsion, le recel et le recrutement de mercenaires. Vingt ‑neuf autres infractions restent punissables de la peine capitale à titre de peine maximale, ce qui ne signifie qu’elle est nécessairement imposée. Ainsi, l’individu coupable d’actes terroristes pourra être condamné, selon la gravité des faits, à une peine pouvant aller de cinq ans d’emprisonnement à la peine capitale.

6. M. NGUYEN VAN NGOC (Viet Nam) dit que l’expression « détournement de la religion » recouvre plusieurs réalités. Quelqu’un peut être reconnu coupable de ce type de détournement s’il s’est autoproclamé à la tête d’une religion et a abusé d’autrui à son profit, en extorquant des fonds à des fidèles par exemple, ou encore s’il a édifié un temple dans le seul but de faire payer des droits d’entrée aux touristes, qui croient à tort visiter un authentique lieu de culte. Sont aussi visés les gourous de sectes qui profitent de leur position charismatique pour se livrer à des atteintes sexuelles ou pousser des tiers au suicide. De telles pratiques restent cependant marginales et ne font pas l’objet d’une législation spécifique au Viet Nam.

7. M. HA HUNG CUONG (Viet Nam) dit qu’en vertu de la loi sur les plaintes et dénonciations quiconque estime avoir une raison de se plaindre du traitement que lui a réservé un représentant de l’État peut présenter une plainte écrite à l’administration en cause. Cette autorité doit fournir une réponse dans les 30 jours à compter de la date de réception, faute de quoi le plaignant peut soit présenter une nouvelle plainte à l’autorité supérieure, soit engager une action en justice. S’agissant en particulier des détenus, ils peuvent exercer ce droit de plainte par l’intermédiaire du directeur de la prison mais aussi de leur famille ou de leur avocat. Les plaintes sont traitées par les huit Commissions de l’Assemblée nationale, au premier rang desquels la Commission des lois.

8. Le rôle de chef de file du Parti communiste et du Front patriotique est consacré dans les articles 4 et 9 de la Constitution. Concrètement, avant les élections, ce sont ces organisations qui tiennent les réunions de consultation consacrées à la sélection des candidats qui seront retenus pour figurer sur les listes finales soumises au scrutin. Le processus est très démocratique ; après trois tours de consultation, dont le dernier se déroule 15 jours avant les élections, un total de 765 candidats sont retenus, sur le nombre initial de 15 000 candidats. Le premier tour de négociation a lieu au sein même des villages et c’est là que les candidats se présentent ; ils peuvent être candidats du Parti communiste ou de l’une des 31 autres organisations du Front patriotique ou encore être indépendants.

9. Le PRÉSIDENT , s’exprimant en son nom propre, demande que la délégation précise pour quelles infractions une mesure de contrôle administratif peut être imposée.

10. M. HA HUNG CUONG (Viet Nam) répond qu’une telle mesure peut être prise en cas d’atteinte à la sécurité nationale dont la gravité ne justifie pas des poursuites au pénal.

11. M. LALLAH a cru comprendre que le décret régissant les mesures de contrôle administratif n’était plus en vigueur. Il n’en resterait pas moins intéressant de connaître la teneur exacte du texte annulé et, le cas échéant, de celui qui l’a remplacé. Il a bien noté que la délégation a démenti que ces mesures soient une détention, mais selon lui, une restriction à la liberté de mouvement ne doit pas être imposée hors du cadre judiciaire ; la question relève bien à son avis de l’article 9 du Pacte.

12. M. NGUYEN CHI DUNG (Viet Nam) dit que le décret de 1949 sur la rééducation a été rapporté et remplacé en 1997 par le décret sur les mesures de contrôle administratif. Les mesures de rééducation n’existent donc plus. En vertu du nouveau texte, la durée des mesures de contrôle administratif peut être de six mois à deux ans. Elle ne peut pas être prolongée; en revanche, elle peut être raccourcie en cas de bonne conduite. Enfin, les mesures de contrôle administratif se distinguent des mesures de surveillance en ce qu’elles sont prises par une autorité administrative, en l’occurrence le Président du Conseil populaire provincial, alors que les mesures de surveillance font partie de l’arsenal pénal expressément prévu à l’article 28 du Code pénal.

13. Le PRÉSIDENT remercie la délégation de ses réponses et invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires sur la deuxième partie de la liste des points à traiter.

14. M. SHEARER dit que le retard accusé dans la présentation du rapport du Viet Nam est compensé par le fait que cet État est l’un des rares pays d’Asie à avoir adhéré au Pacte. Le rapport de l’État partie et son additif sont très complets pour ce qui est du cadre juridique en vigueur mais ne sont pas assez détaillés en ce qui concerne la situation concrète. Selon des informations émanant de sources indépendantes, les deux communautés religieuses officiellement tolérées dans le pays, à savoir les communautés bouddhiste et catholique, font l’objet d’un contrôle très strict, alors que les religions qui ne sont pas officiellement reconnues sont victimes de répression, comme c’est le cas pour la communauté protestante, majoritaire chez les Montagnards. M. Shearer aimerait connaître les raisons qui motivent ces mesures de contrôle, pour ne pas dire de répression, à l’égard des communautés religieuses. M. Shearer se demande d’ailleurs s’il n’y a pas un malentendu au Viet Nam en ce qui concerne l’application de l’article 18, qui a trait à la liberté de conscience et de religion, de l’article 19, qui a trait à la liberté d’opinion. Il voudrait savoir si les autorités vietnamiennes considèrent que les dirigeants religieux n’ont pas à jouir de la liberté d’exprimer des opinions politiques et doivent se cantonner à leur pratique religieuse au sens le plus strict du terme.

15. Mme MEDINA QUIROGA reste préoccupée par la question des mesures de contrôle administratif. Elle a cru comprendre que ces mesures supposent la possibilité d’être surveillé et de voir sa liberté de mouvement réduite. Le simple fait de devoir informer quelqu’un de ses déplacements constitue en soi une immixtion dans la vie privée et donc une violation de l’article 17 du Pacte et appelle automatiquement la question de savoir si le responsable administratif peut interdire ou retarder le déplacement, auquel cas il y aurait alors violation de l’article 12 du Pacte. Revenant sur la question 21 de la liste des points à traiter, Mme Medina Quiroga voudrait avoir des détails sur les mesures législatives dont la délégation a dit qu’elles avaient été prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Il semble que, en vertu du code pénal en vigueur, l’auteur d’actes de violence contre une femme ne puisse être poursuivi que si ces actes ont eu des conséquences graves. De même, pour qu’un mari qui a blessé son épouse soit poursuivi, il faut que l’épouse elle-même le dénonce aux autorités et qu’elle puisse apporter la preuve qu’elle souffre d’une infirmité à la suite des faits incriminés. Ces mesures sont insuffisantes; en effet, on sait que les femmes sont victimes de violence au sein de la famille lorsqu’elles se trouvent dans une situation d’infériorité, ce qui ne leur permet certainement pas d’engager une action contre leur mari si celui-ci se montre violent à leur égard.

16. Dans le même ordre d’idées, Mme Medina Quiroga constate qu’il existe des possibilités d’actions en cas de viol mais que les plaintes sont peu nombreuses et demande si cette situation est due à des problèmes culturels et, dans ce cas, si les autorités ont pris ce facteur en compte. Elle voudrait savoir en outre si les informations selon lesquelles certaines communautés infligent des châtiments aux femmes qui sont déclarées avoir porté atteinte à l’honneur de leur famille, par exemple par un adultère, sont exactes et, dans l’affirmative, si les autorités de l’État partie ont pris des mesures pour lutter contre ce type de pratique. Il faut reconnaître que le problème de la violence contre les femmes est lié à leur situation de subordination et d’infériorité. Il est donc nécessaire de changer le statut de la femme dans la société si l’on veut lutter contre ce type de phénomène. L’un des domaines prioritaires en la matière est celui des droits liés à la procréation et à la santé génésique. Il est à cet égard révélateur de constater que la politique de planification familiale mise en oeuvre par les autorités vietnamiennes est exclusivement destinée aux femmes. À ce sujet, Mme Medina Quiroga appelle l’attention de la délégation sur la nécessité d’être extrêmement prudent dans le domaine des mesures d’incitation à la stérilisation. En effet, lorsque les incitations sont très attrayantes, les femmes concernées, compte tenu de leur situation générale, n’ont plus véritablement le choix et une campagne d’incitation à la stérilisation peut se muer en campagne de stérilisation forcée, comme cela a pu être le cas avec les femmes de la communauté des Montagnards. Enfin, il convient de féliciter les autorités vietnamiennes pour les mesures prises pour lutter contre le trafic des femmes.

17. D’une manière générale, Mme Medina Quiroga estime que les autorités vietnamiennes ne perçoivent pas très bien quelles sont leurs obligations, non seulement politiques mais surtout juridiques, en vertu du Pacte et a l’impression qu’il faudra encore un certain temps avant que l’État partie et le Comité arrivent à mieux se comprendre.

18. M. SOLARI YRIGOYEN souhaiterait avoir des précisions sur les compétences et les attributions de la police de secteur. Il aimerait notamment savoir s’il est exact qu’elle peut ordonner l’arrestation de toute personne relevant de sa juridiction qui rencontre, sans autorisation, des membres de familles relevant d’autres services de police de secteur ou des étrangers et s’il est vrai que seule la police de secteur peut délivrer les permis de résidence, sans lesquels il est impossible de travailler, d’être scolarisé ou de se faire admettre à l’hôpital. Il demande aussi les informations selon lesquelles seuls les membres du Parti communiste peuvent faire partie de la police de secteur sont fondées.

19. En ce qui concerne la liberté religieuse, pourtant consacrée par la Constitution vietnamienne, elle semble difficile à exercer. Ainsi, de nombreux adeptes de l’Église bouddhiste unifiée du Viet Nam, dont le patriarche Thich Huyen Quang, seraient détenus ou placés en résidence surveillée. M. Solari Yrigoyen demande également ce que sont devenus certains membres du clergé catholique, dont Nguyen Van Ly et Pham Ngoc Lien, qui ont été condamnés et incarcérés pour des motifs divers, ainsi que des religieux

protestants montagnards, Rahlan Pon et Rahlan Djan. D’une manière générale, il se demande si le décret 26/1999/ND-CP, qui réprime le détournement de la religion pour mener des activités contre l’État, ne sert pas tout simplement à restreindre l’ensemble des activités religieuses.

20. M. KRETZMER dit que le Comité a entendu les objections formulées par l’État partie aux activités sur le territoire vietnamien d’ONG internationales réputées pour leur sérieux, telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch. Toutefois, il trouve l’explication donnée par la délégation à ce sujet peu convaincante. Le traitement réservé au Rapporteur spécial sur l’intolérance religieuse lorsqu’il s’est rendu au Viet Nam, sur l’invitation du Gouvernement vietnamien, est tout à fait inacceptable; en effet, dans l’exercice de son mandat, il a dû surmonter de nombreux obstacles et a même été empêché physiquement de rencontrer certaines personnes. Il est par conséquent difficile de croire en la bonne foi des autorités vietnamiennes lorsqu’elles affirment que la liberté religieuse ne fait pas problème au Viet Nam.

21. M. ANDO demande s’il existe au Viet Nam des dispositions faisant obligation aux citoyens d’offrir leur force de travail à des fins de service public. Par ailleurs, il relève au paragraphe 213 de l’additif au rapport que la loi sur la presse n’autorise pas les maisons d’édition privées. Pourtant, selon les informations dont il dispose, il apparaît que le nombre de journaux disponibles a considérablement augmenté. Cela signifie-t-il que la publication de journaux est autorisée alors que l’édition de livres est interdite ? Dans le même ordre d’idées, il voudrait savoir si l’on peut trouver des journaux et des livres étrangers au Viet Nam. Enfin, il demande des précisions sur la diffusion « d’idées ou d’une culture réactionnaires », dont il est dit au paragraphe 105 du rapport de l’État partie qu’elle peut justifier une censure préalable.

22. M. KHALIL , lisant au paragraphe 96 du rapport que « la grande majorité des adeptes et personnalités religieux » sont satisfaits du décret régissant les activités religieuses, dit que l’on peut donc supposer qu’il existe une minorité d’adeptes et de responsables religieux qui n’en sont pas satisfaits et demande qui ils sont et sur quels éléments porte leur opposition. Il constate de plus que le décret présidentiel 79/CP, cité au paragraphe 105 du rapport, contient une très longue liste d’éléments justifiant une censure préalable en vertu de la loi sur la presse. Il estime que ces restrictions laissent peu de place à la critique légitime de la politique des autorités et demande un commentaire de la délégation ce sujet.

23. M. HENKIN dit qu’il tient de source autorisée que 95% des personnes accusées d’une infraction seraient ensuite condamnées. Cette proportion est très élevée et laisse supposer que le principe de la présomption d’innocence n’est pas dûment respecté au Viet Nam. De plus le nombre des avocats serait très insuffisant, empêchant d’assurer à toute personne accusée au pénal le droit d’être défendue comme le prévoit l’article 14 du Pacte. Il semblerait également que dans certains cas le procureur soit aussi le défenseur de l’accusé, pratique qui ne paraît pas compatible avec le Pacte. M. Henkin souhaiterait entendre les commentaires de la délégation vietnamienne sur ces points et savoir notamment si le Gouvernement envisage de prendre des mesures pour garantir que toute personne accusée au pénal soit assistée d’un conseil.

24. Le PRÉSIDENT invite la délégation vietnamienne à répondre aux questions qui viennent d’être posées.

25. M. NGUYEN CHI DUNG (Viet Nam), répondant aux questions qui ont été posées sur la mesure de contrôle administratif, dit que la délégation vietnamienne a pris bonne note des observations des membres du Comité qui doutent de la compatibilité de ce dispositif avec l’article 9 du Pacte. Toutefois, il faut garder à l’esprit le fait que le Viet Nam est un pays en plein développement, et les initiatives visant à supprimer les camps de rééducation devraient être suivies d’autres mesures. Ainsi, le contrôle administratif existe encore aujourd’hui, trois personnes seulement en font l’objet et les autorités envisagent de le supprimer.

26. À la question qui a été posée sur les travaux d’intérêt public, M. Nguyen Chi Dung répond que l’ordonnance de 1999 régissant ces activités ne les assimile nullement à un travail forcé, et les définit plutôt comme un devoir de chaque citoyen à l’égard de la collectivité dans sa commune ou sa province, dans des situations d’urgence (consolidation de digues, etc.) ou, par exemple, à l’occasion de la construction ou de l’entretien de routes. Les citoyens peuvent s’offrir à effectuer de tels travaux et perçoivent une rémunération au titre du budget de l’État. Ils ne peuvent toutefois effectuer des travaux d’intérêt public que dix jours par an. Certaines catégories de personnes, comme les personnes âgées et les étudiants, sont exemptées de ces tâches, mais doivent, en contrepartie, acquitter une somme d’argent.

27. M. NGUYEN QUY BINH (Viet Nam) ajoute que l’ordonnance sur les travaux d’intérêt public vise précisément à prévenir le travail forcé. En effet, les autorités communales pourraient avoir tendance à augmenter la durée des travaux ainsi entrepris en fonction des besoins de la collectivité, et il est bon qu’une ordonnance réglemente ces activités.

28. M. NGUYEN CHI DUNG (Viet Nam), en réponse à M. Henkin, reconnaît que les avocats sont effectivement en nombre très limité au Viet Nam. Mais les difficultés rencontrées pour assurer la défense des personnes accusées au pénal tiennent aussi à une règle du Code de conduite des avocats (établi par l’Association du barreau) qui veut qu’un avocat ne peut pas offrir ses services à deux clients en même temps. Pour remédier à la situation, le Ministère de la justice a organisé en 2001 des cours de formation qui ont permis de former 600 nouveaux avocats, lesquels sont ainsi venus s’ajouter aux 3 000 avocats en exercice. Enfin, il convient de préciser qu’il peut être fait appel à d’autres personnes que les avocats pour assurer la défense des accusés.

29. En réponse aux questions qui ont été posées sur la liberté de la presse, M. Nguyen Chi Dung confirme qu’il existe 600 journaux et magazines enregistrés au Viet Nam. Il existe également des journaux et magazines étrangers, qui sont importés ou publiés au Viet Nam. En outre, il est exact que les maisons d’édition privées ne sont pas autorisées.

30. La police de secteur est une police urbaine, compétente au niveau communal. À l’époque de la guerre, cette police était habilitée à enregistrer la résidence des citoyens vietnamiens, faculté qu’elle a conservée après la guerre car au lieu de résidence était attachée la distribution des bons alimentaires et d’autres prestations. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et la procédure d’enregistrement revêt ainsi moins d’importance. De ce fait, les formalités d’enregistrement auprès de la police de secteur ont été beaucoup simplifiées. M. Solari Yrigoyen a fait référence à des cas d’arrestation de familles entières par cette police de secteur ce dont la délégation vietnamienne n’a pas connaissance et considère d’autant plus difficile à concevoir que la police de secteur n’est pas habilitée à procéder à des arrestations.

31. En ce qui concerne les violences faites aux femmes, la délégation vietnamienne remercie les membres du Comité de leurs observations et commentaires, qui seront dûment transmis aux autorités législatives pertinentes. Il est certain qu’il faut renforcer la législation visant à réprimer les violences familiales. L’obstacle le plus important auquel se heurtent les autorités est cependant dû à l’attitude des femmes elles ‑mêmes, qui s’abstiennent souvent de porter plainte. Dans ce contexte, il importe à la fois d’offrir aux femmes victimes de violences familiales une aide sociale par l’intermédiaire des associations féminines et d’organiser une campagne d’information et de prévention au sein de la population.

32. En ce qui concerne la question des méthodes de contraception encouragées par la politique de planification familiale, il faut retenir tout d’abord que la planification familiale n’a aucun caractère obligatoire. Cependant, le fait que les responsables de la campagne en faveur de la planification familiale bénéficient de primes a pu donner lieu à des situations où la femme était contrainte, d’une manière ou d’une autre, d’adopter un moyen de contraception donné. La politique en matière de planification familiale va être modifiée et devrait permettre de mieux garantir les possibilités de choix pour les femmes. À la question de savoir pourquoi les méthodes de planification familiale ne visent que les femmes, M. Nguyen Chi Dung répond qu’il existe également des moyens de contraception masculine mais rares sont les hommes qui en choisissent un. Les membres du Comité peuvent avoir l’assurance qu’il sera dûment tenu compte de leurs observations, qui seront transmises aux autorités compétentes.

33. M. NGUYEN VAN NGOC (Viet Nam), répondant aux questions sur les entraves à la formation des dignitaires religieux, des moines et des prêtres, précise tout d’abord que les chiffres portés dans le rapport sont ceux que les autorités ont reçus des représentants des différentes confessions et qui figurent dans l’annuaire qu’elles publient chaque année. L’Église catholique compte plus d’un millier de séminaristes au Viet Nam et plusieurs dizaines de prêtres ont été ordonnés récemment. Pour ce qui est de la religion bouddhiste, plus de 700 moines et religieuses sont actuellement en formation et plus de 1 000 suivent un enseignement postuniversitaires. Environ 150 d’entre eux, dont 41 doctorants, le font à l’étranger. En 2001, plus de 400 moines et religieuses ont achevé leur formation. Pour ce qui est de l’Église protestante, un nouvel établissement de formation devrait ouvrir prochainement dans le sud du pays. D’une façon générale, l’État n’impose aucune limitation à la formation des religieux, qui est dispensée et administrée par les organisations religieuses. Pour participer à un programme de formation, le candidat doit simplement présenter une sorte de curriculum vitae et les autorités de l’État se contentent de s’assurer qu’il n’a pas été condamné par la justice et ne fait pas l’objet de poursuites. Ainsi, non seulement la liberté de religion n’est pas réprimée, mais on assiste même à un essor de la vie religieuse au Viet Nam où les croyants et les membres des différents clergés sont de plus en plus nombreux. À propos de la liberté d’expression des dignitaires religieux, M. Nguyen Van Ngoc indique que la communauté bouddhiste édite trois publications, et l’Église catholique une. D’une façon générale, les Églises du Viet Nam établissent librement des contacts avec l’étranger. Ainsi, 50 jeunes religieux s’apprêtent à se rendre à Toronto pour participer aux Journées mondiales de la Jeunesse organisées le Vatican. Deux délégations de dignitaires bouddhistes se sont rendues à Paris et au mois de juin dernier une importante délégation de dignitaires catholiques et bouddhistes s’est rendue aux États ‑Unis, où elle a rencontré les représentants d’organisations non gouvernementales au Siège de l’Organisation des Nations Unies, avec lesquels elle a pu s’entretenir librement.

34. M. Nguyen Van Ngoc dément qu’une église ait été détruite dans la région des hauts plateaux du centre du pays en février 2001 ; il y a eu simplement une manifestation, à l’issue de laquelle la police a fait usage de la force, avant qu’un dignitaire religieux local ne parvienne à convaincre les manifestants de se disperser. Les contestataires étaient pour la plupart des protestants. Il ajoute que les difficultés sont essentiellement dues aux divisions au sein de la communauté protestante. Au sujet de la discrimination que subiraient les organisations religieuses qui ne sont pas enregistrées, il faut bien voir que les autorités vietnamiennes ne considèrent pas qu’il y a de bonnes et de mauvaises religions et s’abstiennent par conséquent de toute discrimination entre les différentes confessions. Les particuliers jouissent sans réserve de la liberté de pratiquer une religion. Pour ce qui est des organisations religieuses, elles doivent cependant répondre à certains critères notamment être enregistrées, pour pouvoir exercer leurs activités. L’Église bouddhiste unifiée du Viet Nam (EBUV) est en fait une organisation basée à l’étranger. En 1981, l’EBUV et huit autres organisations bouddhistes ont fusionné de leur plein gré pour devenir l’Église bouddhiste du Viet Nam, qui possède toutes les pagodes du sud du pays, dont le Thich Quang Do. L’EBUV n’existe plus au Viet Nam ; en mai 1999, elle s’est réunie en Californie en assemblée constituante ce qui en fait une organisation américaine agissant aux États-Unis et désignant ses dirigeants conformément aux lois américaines. Il en va de même pour les protestants Montagnards de la région du Dac Lac, qui ont créé leur Église à Charlotte en Caroline du Nord et voudraient revenir au Viet Nam agir en tant qu’organisation. En ce qui concerne les dignitaires religieux membres du Front patriotique, il faut savoir qu’ils adhèrent au Front à titre privé, en tant que citoyens et non en tant que religieux. Enfin il faut insister sur le fait que les trois personnalités citées par des membres du Comité qui se sont inquiétés de leur sort (Thich Huyen Quang, Thich Quang Do et Nguyen Van Ly) n’ont pas fait l’objet de poursuites au motif de la religion, mais parce qu’ils ont violé la loi. Les deux premiers ont rejoint leur temple et bien que le troisième soit en prison, son organisation est en contact permanent avec lui.

35. Le PRÉSIDENT relève que la question des obstacles mis au bon déroulement de la mission du Rapporteur spécial sur l’intolérance religieuse n’a pas reçu de réponse.

36. M. NGUYEN QUY BINH (Viet Nam) dit qu’il était chargé en 1998 de l’organisation de la visite de M. Amor. Les problèmes rencontrés par le Rapporteur spécial sont exposés dans son rapport (E/CN.4/1999/58/Add.2) et tiennent en partie au manque de coordination entre le programme officiel préparé par le Gouvernement vietnamien et le programme établi de son côté par le Rapporteur spécial. Ainsi, le Gouvernement vietnamien n’a pas compris que le Rapporteur spécial puisse refuser de rencontrer le Vice-Premier Ministre à cause d’autres engagements pris par ailleurs.

37. M. SCHEININ revient sur le sujet des Montagnards et fait remarquer que la question qu’il a posée peut certes paraître futile mais n’aurait pas lieu d’être si les organisations non gouvernementales avaient libre accès aux régions des hauts plateaux.

38. M. YALDEN dit également à propos des minorités qu’il a obtenu pour seule réponse une affirmation péremptoire selon laquelle les droits des minorités ethniques sont respectés. Or ses questions, qui ont été purement et simplement ignorées, portaient de manière précise sur, notamment, la langue et les écoles et n’appelaient pas de réponse très longue.

39. M. AMOR souhaite la bienvenue à la délégation vietnamienne et précise qu’il n’a pas pris la parole jusque là pour éviter toute équivoque. Les derniers propos de la délégation l’obligent toutefois à s’exprimer. Il rappelle que, quand un rapporteur spécial se rend dans un pays, même de sa propre initiative, il ne peut le faire que sur l’invitation du Gouvernement concerné. De par son mandat même un rapporteur spécial doit pouvoir se rendre dans une grande diversité d’endroits et rencontrer une grande diversité de personnes. La visite au Viet Nam a été de ce point de vue d’une grande richesse et le Rapporteur spécial s’est efforcé d’en rendre compte pleinement, objectivement et honnêtement à la Commission des droits de l’homme. Par la suite, des initiatives tendant à renforcer la coopération entre le Rapporteur spécial et les autorités vietnamiennes ont été prises et il faut souhaiter que ce processus se développe et s’approfondisse.

40. M. KRETZMER rappelle qu’il a posé une question au sujet de l’attitude du ministère des affaires étrangères vis-à-vis des enquêteurs indépendants se rendant au Viet Nam, en citant à l’appui une dépêche de l’agence de presse vietnamienne dans laquelle il était dit que le Viet Nam n’accepterait plus que des organisations étrangères viennent enquêter sur la situation des droits de l’homme ou la liberté religieuse. Il demande de nouveau si cette dépêche reflète la position du Gouvernement vietnamien et note l’apparente disparité entre l’attitude du Gouvernement vietnamien que la délégation n’a pas contestée et l’explication donnée aujourd’hui au sujet de malentendus concernant le programme de la visite du Rapporteur spécial.

41. Le PRÉSIDENT , récapitulant l’examen du deuxième rapport périodique du Viet Nam, dit partager la préoccupation de plusieurs membres du Comité concernant le retard anormalement long avec lequel le rapport a été soumis. L’État partie n’a pas expliqué les motifs d’un tel retard mais il est probable qu’il avait une raison. La présentation de rapports périodiques et leur examen est un mécanisme inscrit dans le Protocole, conçu pour veiller au respect des droits de l’homme. Si un État partie manque à son obligation de présenter ces rapports, c’est le mécanisme tout entier qui est faussé. Il est à noter que le Viet Nam est l’un des rares pays asiatiques à avoir ratifié le Protocole, mais il faut espérer qu’il s’acquittera de ses obligations plus ponctuellement à l’avenir.

42. Le deuxième rapport périodique du Viet Nam, très détaillé et mis à jour au mois d’avril 2002, reflète les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Pacte. Si le Comité fait des remarques, ce n’est pas par esprit de critique, mais par souci d’aider l’État partie à mieux assurer l’exercice des droits de l’homme. On retiendra un certain nombre de points, étant entendu que le Comité formulera des recommandations plus complètes dans ses observations finales.

43. Le Pacte ne fait pas partie du droit interne vietnamien et n’a pas de place particulière dans la hiérarchie des lois ; une loi qui serait en conflit avec le Pacte peut donc prévaloir sur celui-ci, ce qui représenterait une infraction aux obligations internationales du Viet Nam. Un autre sujet de préoccupation est le décret 31 sur le contrôle administratif, qui permet d’assigner quelqu’un à résidence sans jugement jusqu’à deux ans, pour atteinte à la sûreté de l’État. L’État partie objecte qu’il ne s’agit pas d’une détention mais, dans le cas d’une atteinte à la sûreté de l’État, l’intéressé doit faire l’objet d’une inculpation et d’un jugement en bonne et due forme, faute de quoi il y a manifestement violation de l’article 9 du Pacte. Se pose aussi la question de l’indépendance du pouvoir judiciaire puisque, en l’état actuel des choses, les juges sont désignés sur la base de critères très vagues, pour des mandats renouvelables de cinq ans seulement. Il est préoccupant que les affaires ordinaires soient jugées par un juge et deux assesseurs et les affaires plus graves par deux juges et trois assesseurs ; du fait de leur nombre l’avis des assesseurs prime et même si, comme il a été dit, ils reçoivent une formation, ce ne sont pas pour autant des juristes qualifiés. De plus il apparaît que les juridictions inférieures ne peuvent pas interpréter la loi, alors qu’il faut bien trancher des questions de droit pour administrer la justice. Certes, dire le droit est une prérogative de la Cour suprême, mais le Bureau de l’Assemblée nationale peut ne pas tenir compte de son avis, ce qui restreint encore une fois l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le Comité s’inquiète aussi du grand nombre de délits passibles de la peine de mort, dont des délits économiques comme la corruption. Dans une première étape, l’État partie devrait limiter la peine capitale aux crimes les plus graves comme le meurtre ou la trahison, conformément à l’article 6 du Pacte, pour ensuite progressivement l’abolir complètement. Un autre sujet de préoccupation est le recours à l’avortement comme moyen de planification familiale. La notion de sécurité nationale continue d’être trop imprécise pour le Comité qui y voit la porte ouverte à des excès contraires aux droits de l’homme. Enfin, les explications données par la délégation de l’État partie au sujet des obstacles rencontrés par le Rapporteur spécial sur l’intolérance religieuse lors de sa mission ne sont pas convaincantes et la liberté de la presse et la liberté d’expression soulèvent aussi des préoccupations qui seront détaillées dans les observations finales du Comité.

44. Le Président remercie la délégation vietnamienne d’avoir participé au dialogue et d’avoir répondu aux questions avec franchise et objectivité et l’invite à faire une déclaration de clôture.

45. M. HA HUNG CUONG (Viet Nam) se félicite du dialogue honnête et direct noué avec le Comité et remercie le Président d’avoir reconnu les efforts déployés par son pays pour appliquer le Pacte et présenter son rapport périodique malgré des difficultés techniques considérables. Cet échange de vues a été l’occasion pour la délégation vietnamienne d’acquérir une expérience qui sera utile pour la présentation du rapport suivant. Qu’elle n’ait pu entièrement répondre aux questions montre bien la nécessité du dialogue.

46. M. Ha Hung Cuong constate un malentendu entre la délégation et le Comité, nombreux étant les membres qui ne comprennent pas entièrement la réalité vietnamienne, en particulier son système juridique. Le Viet Nam, aidé par l’Agence suédoise de développement international, œuvre depuis des années à améliorer ce système et vient tout juste de se doter d’une stratégie de développement juridique pour les 10 années à venir. On peut donc espérer que le dialogue sera plus fructueux la prochaine fois. Par ailleurs, il semble que certains membres du Comité aient accordé trop de crédit à des préjugés véhiculés par des organisations non gouvernementales, qui refusent de reconnaître les progrès réalisés en peu de temps sur le plan du développement. Or, ce sont ces progrès qui garantissent au peuple vietnamien l’indépendance et la liberté. La délégation a pris bonne note des recommandations du Comité et appelle de ses vœux la poursuite de l’appui apporté par le Comité, son président et les organisations non gouvernementales au Viet Nam.

47. La délégation vietnamienne se retire.

La séance est levée à 18 h 10.

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