NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.246021 janvier 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-dixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2460e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 12 juillet 2007, à 15 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique du Soudan (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Soudan (CCPR/C/SDN/3; CCPR/C/SDN/Q/3) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation soudanaise reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à reprendre l’examen du troisième rapport périodique du Soudan. Il invite la délégation soudanaise à répondre aux questions qui ont été posées oralement à la séance précédente.

3.M. ZAMRAWY (Soudan) note que le Comité s’est inquiété de ce que le nombre d’enlèvements de femmes et d’enfants au Soudan serait de 40 000, soit beaucoup plus que ce qui est indiqué dans le rapport périodique (par. 213). Il assure toutefois le Comité que les chiffres communiqués dans le rapport reflètent pleinement la réalité, d’une part, et que l’appui des autorités de l’État au Comité pour l’éradication des enlèvements de femmes et d’enfants n’a pas été moindre que celui apporté à d’autres institutions, d’autre part. Certes, les ressources budgétaires sont insuffisantes, en particulier du fait que certains donateurs n’ont pas tenu leurs engagements. Les autorités soudanaises appellent la communauté internationale à soutenir les efforts qu’elles déploient pour lutter contre les enlèvements de femmes et d’enfants et permettre ainsi au comité chargé de cette question d’exercer pleinement ses activités. Enfin, il faut garder à l’esprit également que, en dehors de la région du Darfour, la situation s’est sensiblement améliorée sur le plan de la sécurité, et le nombre d’enlèvements est aujourd’hui très faible.

4.Le Comité des droits de l’homme s’est préoccupé de ce que la délégation soudanaise n’avait pas répondu à la question no 2 de la liste concernant la Commission des droits de l’homme du Sud-Soudan. La délégation avait précisé au début de l’examen du rapport périodique qu’un de ses membres, Mme Joy, qui préside la Commission en question, était retardée et que la réponse à la question no 2 de la liste serait différée en attendant son arrivée. L’examen du rapport périodique touchant à sa fin et Mme Joy, qui était la mieux à même de communiquer toutes les informations voulues, n’ayant pas pu rejoindre les autres membres de la délégation, M. Zamrawy fournira lui‑même quelques éléments de réponse.

5.La Commission des droits de l’homme du Sud-Soudan a été constituée en conformité avec la Constitution intérimaire; elle est chargée de veiller au respect des droits de l’homme dans cette région et de faire rapport sur la situation à cet égard. Il s’agit d’une structure tout à fait semblable aux institutions nationales créées en application des Principes de Paris, tant en ce qui concerne son mandat que les conditions de nomination de ses membres et son financement. M. Zamrawy assure le Comité que la délégation soudanaise veillera à ce que des informations plus complètes concernant cette commission lui soient communiquées ultérieurement par écrit.

6.Le PRÉSIDENT remercie la délégation soudanaise et invite les membres du Comité à formuler leurs observations.

7.Mme WEDGWOOD, évoquant la question de la compatibilité du châtiment du fouet avec les dispositions du Pacte, fait observer que la jurisprudence du Comité à cet égard est très claire: la flagellation, de quelque manière qu’elle soit pratiquée, est un châtiment cruel, inhumain et dégradant qui constitue une violation de l’article 7 du Pacte.

8.En ce qui concerne l’application de la loi pendant un conflit armé, le Soudan n’est pas le seul État à avoir l’obligation de juger devant un conflit les auteurs de violations des droits de l’homme, contrairement à ce qu’ont pu dire des représentants de l’État partie. Les Conventions de Genève imposent de juger les crimes de guerre durant le conflit de façon à éviter que des violations des droits de l’homme aussi graves ne se reproduisent. Le droit coutumier également prévoit que les infractions doivent être réprimées dans les plus brefs délais possibles. Mme Wedgwood est consciente qu’il peut être difficile de trouver des témoins et qu’il est nécessaire d’assurer leur protection mais ces difficultés pourraient justement plaider en faveur d’une «externalisation» de certains actes d’administration de la justice qui sont normalement du ressort des États. En tout état de cause, les autorités soudanaises pourraient témoigner à la communauté internationale de l’importance qu’elles attachent au respect des droits de l’homme en engageant des poursuites internes contre Ahmad Harun et Ali Kushayb, qui sont accusés par la Cour pénale internationale d’avoir commis des crimes particulièrement graves et contre lesquels elle a délivré des mandats d’arrêt.

9.Sir Nigel RODLEY fait observer que, selon certaines organisations non gouvernementales, le Soudan compterait dans sa propre population 1,8 million de personnes déplacées et 200 000 réfugiés, ce qui signifie qu’un très grand nombre de Soudanais ont dû quitter leur lieu de résidence. Sir Nigel Rodley voudrait savoir si l’État partie considère que cette situation est due uniquement aux activités des groupes insurrectionnels.

10.En ce qui concerne les peines prévues pour violation des droits de l’homme, Sir Nigel Rodley avait apparemment mal compris quelle sanction frappait le meurtre, et il a pris bonne note de ce que cette infraction entraîne une peine automatique de dix ans d’emprisonnement. Il souhaiterait cependant des éclaircissements au vu des statistiques qui ont été communiquées par la délégation soudanaise concernant les agents de la police jugés par des juridictions civiles en 2004. En effet, 18 des 20 affaires mentionnées portent sur des cas d’homicide ou de meurtre. Il y a eu quelques acquittements et un certain nombre de condamnations, mais apparemment aucun des agents de la police mis en cause n’a été condamné à une peine de prison. Sir Nigel Rodley serait heureux d’entendre les commentaires de la délégation sur ce point.

11.Enfin, il conviendrait de savoir quelles mesures l’État partie a prises pour éviter que les femmes victimes d’un viol renoncent à porter plainte du fait que, faute de pouvoir apporter la preuve du viol, elles pourraient être reconnues coupables de zina, terme qui désigne toute relation sexuelle en dehors du mariage.

12.Mme MAJODINA relève que la Constitution intérimaire ne prévoit pas la création d’une commission des droits de l’homme du Sud‑Soudan, et il y a donc lieu de se féliciter de ce que le nouveau Gouvernement du Soudan a estimé nécessaire de mettre en place cette institution essentielle pour la promotion et la protection des droits de l’homme dans la région en question. Mme Majodina note toutefois que le Président de la République a apparemment promulgué un décret, en octobre 2006, portant nomination des cinq membres de la Commission. Ce processus de nomination n’est pas conforme aux Principes de Paris, qui énoncent les critères fondamentaux pour assurer l’indépendance des institutions nationales relatives aux droits de l’homme, et prévoient en particulier la nécessité de leur allouer des crédits suffisants. À l’évidence, la nomination des membres de la Commission des droits de l’homme du Sud‑Soudan a eu lieu dans une certaine précipitation, ce qui est source de préoccupation. D’après la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS), la loi d’habilitation de cette commission n’a pas encore été promulguée. Cependant, la Commission aurait déjà adopté un programme de travail et entrepris d’examiner des cas de violation des droits de l’homme. Mme Majodina invite instamment les autorités soudanaises à prendre des mesures permettant l’adoption de la loi qui fixera le mandat de la Commission, les conditions de nomination de ses membres, son mode de financement et ses attributions, de façon que la Commission puisse être rapidement mise en place dans le respect des règles établies.

13.M. O’FLAHERTY remercie la délégation soudanaise de sa réponse concernant les enlèvements de femmes et d’enfants. Il relève néanmoins que les chiffres fournis dans le rapport périodique portent uniquement sur les cas attestés, et il souhaiterait savoir combien d’enlèvements de femmes et d’enfants ont eu lieu effectivement. Le chiffre de 40 000 avait d’ailleurs été avancé par le Comité pour l’éradication des enlèvements de femmes et d’enfants lui‑même, en 2006, et il serait par conséquent utile que la délégation soudanaise précise quelle est la réalité des faits.

14.En ce qui concerne les travaux de ce comité, M. O’Flaherty souscrit pleinement aux observations de la délégation soudanaise concernant la nécessité d’une assistance internationale, y compris financière. Cela étant, il y a certainement eu des carences dans la coordination entre l’assistance fournie par le comité en question et les activités menées par la communauté humanitaire internationale en faveur de la réintégration sociale des victimes, carences qui pourraient priver ces dernières du bénéfice des programmes créés à cet effet.

15.M. KÄLIN relève que le dispositif permettant d’assurer la sécurité et le respect de l’ordre public au Soudan est très complexe puisqu’il comprend, outre les forces armées et la police, différents organes de sécurité, des corps de gardes frontière, etc. Le Comité souhaiterait mieux comprendre comment s’articulent ces différentes institutions, quels organes supervisent les activités de chacune d’entre elles et à qui elles rendent compte, ce qui lui permettra de s’assurer que le système n’autorise pas l’arbitraire. Il serait bon également d’en savoir plus sur la répartition des responsabilités entre les différentes institutions.

16.Le PRÉSIDENT invite la délégation soudanaise à répondre aux questions posées oralement par les membres du Comité.

17.M. ZAMRAWY (Soudan) convient qu’un conflit armé ne devrait pas entraver l’action pénale. Toutefois, il convient de tenir dûment compte des circonstances et des contraintes liées à la sécurité, ainsi que de la difficulté d’apporter des éléments de preuve dans une telle situation. Le niveau d’insécurité élevé dans certaines zones et l’incapacité d’arrêter rapidement certains auteurs de violations des droits de l’homme en raison des déplacements de population sont autant de facteurs qui peuvent expliquer certains manquements aux obligations en matière d’administration de la justice.

18.En ce qui concerne Ali Kushayb, celui‑ci a été arrêté et inculpé et il devait passer en jugement. Il a cependant formé un recours devant les autorités compétentes, et son pourvoi est actuellement à l’examen. Pour ce qui est du Ministre Ahmad Harun, une enquête est en cours mais, à ce stade, les éléments de preuve dont les autorités disposent ne sont pas suffisants pour permettre l’inculpation du Ministre. Le Soudan a demandé au Procureur de la Cour pénale internationale de lui fournir tous éléments de preuve supplémentaires qui lui permettraient de poursuivre au pénal Ahmad Harun, mais il n’a pas été encore répondu à cette demande.

19.Au sujet des cas de policiers jugés pour violation des droits de l’homme, M. Zamrawy précise que les statistiques qui ont été communiquées au Comité ne portent que sur les affaires jugées en première instance. Il indique qu’au Soudan le meurtre est une infraction qui relève à la fois du droit public et du droit privé, et emporte une peine maximale de dix ans d’emprisonnement. Comme ailleurs dans le monde, le risque d’erreur judiciaire existe et certains délits ont pu rester impunis, mais il est toujours possible de faire appel de la décision des tribunaux.

20.En ce qui concerne la question de la sanction du viol, il faut bien saisir que le viol et l’adultère sont deux infractions distinctes en droit soudanais, qui entraînent des peines différentes. Les femmes qui se disent victimes d’un viol ne peuvent en aucun cas être accusées d’adultère, même si elles ne peuvent pas apporter la preuve du viol.

21.Les questions qui ont été posées au sujet de la Commission des droits de l’homme du Sud‑Soudan seront transmises à cette institution. La délégation soudanaise peut cependant donner au Comité l’assurance que les Principes de Paris sont respectés et que les autorités de son pays ont à cœur de mettre en place une telle commission dans le plein respect du droit.

22.Les chiffres concernant les enlèvements de femmes et d’enfants varient selon les sources, mais ceux qui sont indiqués dans le rapport périodique sont plus proches de la réalité que celui de 40 000 qui a été évoqué. La situation s’est d’ailleurs améliorée depuis 2005, du fait notamment que les auteurs d’enlèvements trouvent moins facilement des lieux de refuge, et plusieurs personnes qui avaient été enlevées ont pu être libérées.

23.Le PRÉSIDENT invite ensuite la délégation soudanaise à répondre aux questions 16 à 28 de la liste (CCPR/C/SDN/Q/3).

24.M. MAHDI (Soudan) relève qu’il a été déjà répondu en grande partie à la question no 16 concernant la sanction des abus commis par les membres de la sécurité nationale. Il précise en complément que les forces de la sécurité nationale sont placées sous la supervision du parquet. Au sein du Ministère de la justice, un conseiller («consultant»), qui a le statut de juge de la plus haute juridiction, est chargé d’examiner les plaintes pour violation des droits de l’homme et est habilité à engager une action. De même, un juge désigné par le Tribunal constitutionnel recueille les plaintes des particuliers concernant les conditions de leur arrestation ou de leur détention, et peut prendre des mesures à cet égard.

25.Il n’existe pas de prisons ni de centres de détention clandestins au Soudan. Le règlement de 1996 relatif au traitement des personnes détenues par les services de la sécurité intérieure établit clairement les conditions d’une arrestation et d’un placement en détention. Ainsi, nul ne peut être détenu pendant plus de trois jours sans jugement et toute personne interpellée doit se voir notifier les motifs de son arrestation. Les personnes placées en détention ne doivent pas être soumises à des mauvais traitements physiques ou psychologiques. Elles ont le droit de voir leur famille, de demander l’assistance d’un conseil et de bénéficier de soins de santé physique ou mentale. L’article 5 du règlement en question prévoit que le parquet s’assure des conditions de la détention. L’article 40 dispose que toute personne qui viole les droits des détenus doit faire l’objet de poursuites. Les abus d’autorité de la part du personnel pénitentiaire sont également sanctionnés.

26.Conformément à l’article 47 de la loi sur la sécurité nationale, les membres des forces de sécurité sont passibles d’une peine d’emprisonnement de dix ans au maximum s’ils commettent un abus d’autorité ou de pouvoir. L’article 90 du Code pénal de 1991 punit d’une peine d’emprisonnement de trois ans au maximum tout abus d’autorité commis par un policier habilité à arrêter des citoyens ou à les détenir après leur arrestation. Les articles 164 et 165 répriment les arrestations illégales ou secrètes et prévoient des peines d’emprisonnement de trois ans au maximum (voir par. 198 et 223 du rapport).

27.L’immunité existe au Soudan comme dans tous les pays car elle est nécessaire pour permettre aux organes de sécurité d’accomplir leur tâche. Elle n’est cependant jamais absolue puisque tous les citoyens sont tenus de respecter la loi. Ainsi, dans certaines affaires, des membres des services de sécurité ont été reconnus coupables et punis conformément à la loi. La Constitution intérimaire de 2005 garantit à tous les citoyens la liberté et des moyens suffisants pour s’adresser aux organes judiciaires, de sorte que chacun puisse jouir de ses droits. Il n’existe pas de statistiques en la matière car seules les affaires liées à des plaintes dûment étayées sont prises en compte. Il n’y a eu aucune modification de la loi sur l’immunité: une proposition d’amendement a effectivement été présentée au Conseil national mais celui-ci l’a rejetée.

28.Il n’existe aucun centre de détention secret au Soudan (question no 17). Les mesures prises pour lutter contre les détentions arbitraires passent par la supervision du système judiciaire: le tribunal constitutionnel est habilité à faire comparaître toute personne détenue devant un tribunal qui examine la légitimité de son arrestation. Il connaît des affaires mais peut également prendre des mesures concrètes. Les services chargés des poursuites doivent veiller à ce qu’un substitut du Procureur soit présent vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans chaque commissariat et centre de détention. Ce substitut entend les plaignants et fait en sorte que tout policier qui commet un abus d’autorité soit sanctionné. Il collabore avec le Ministère de la justice, qui donne des conseils juridiques et représente tous les organes et institutions de l’État devant les tribunaux. Le Ministère de la justice applique donc en quelque sorte une «justice préventive» en détachant un nombre suffisant de conseillers auprès des services judiciaires et policiers. La chambre des doléances publiques (par. 98 et 99 du rapport) est chargée d’accorder des dommages et intérêts. Il existe également un organe, le Conseil consultatif pour les droits de l’homme, qui inspecte les centres de détention et enquête sur d’éventuelles arrestations illégales et disparitions. La Mission des Nations Unies au Soudan, avec celle de l’Union africaine, s’est rendue dans ces centres dont le personnel suit une formation destinée à garantir qu’il respecte la loi. Comme il a été indiqué précédemment, tous les textes législatifs sont susceptibles d’être améliorés, conformément à la loi no 226.

29.En ce qui concerne les conditions de détention (question no 18), un organisme chargé d’améliorer ces conditions ainsi que l’accueil des familles et des enfants et de prendre en charge les soins médicaux a été mis en place. Une formation a été dispensée au personnel avec l’aide du CICR en septembre 2006.

30.M. OSMAN (Soudan) précise, en réponse à la question no 19, qu’il n’y a aucune restriction à la liberté de mouvement dans le pays et que les habitants du Nord comme du Sud peuvent se déplacer librement dans tout le pays. En 2004, le Soudan a signé avec les Nations Unies un accord visant à adopter une politique de première urgence pour faciliter l’aide humanitaire au Darfour. À cet égard, des visas sont accordés en moins de vingt‑quatre heures, les ONG sont enregistrées en moins de sept jours et les permis de déplacement ont été remplacés par de simples notifications de déplacement. Dans ce contexte, 70 ONG ont été enregistrées, plus de 1 000 véhicules ont bénéficié d’une exemption des droits de douane, de très nombreux visas et permis de travail ont été délivrés et plus de 3 000 notifications de déplacement ont été faites. En 2006, cette politique a été revue afin de faciliter la situation des travailleurs humanitaires au Darfour. En conséquence, 6 808 permis de déplacement ont été délivrés et 22 528 vols sont arrivés au Darfour depuis Khartoum et d’autres villes, et les exemptions de droits de douane sur les marchandises se sont élevées à 151 millions de dollars. Les quelque 200 ONG étrangères qui travaillent au Darfour ont déployé plus de 3 000 personnes sur le terrain, notamment des travailleurs sociaux. Cette politique a permis de stabiliser la situation en 2006, y compris dans la région proche de la mer Rouge, grâce à la communauté internationale, aux bailleurs de fonds, aux organismes des Nations Unies et aux ONG.

31.Une enquête réalisée en 2006 par l’OMS, l’UNICEF, la FAO et le PNUD avec le Ministère de la santé pour évaluer la situation au Darfour a montré que le taux de malnutrition est passé de 11 % en 2005 à 1,4 % en 2006, que le taux de mortalité a baissé pour s’établir à 1 % et qu’il n’y a pas eu d’épidémie dans les camps de réfugiés. Le Soudan applique une politique de retour volontaire exclusivement et aucun retour forcé n’a eu lieu. Il a signé un accord avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour contrôler les différentes étapes du retour des personnes déplacées, dont 690 000 sont déjà rentrées dans 95 villages du Darfour. Dans un communiqué commun signé en mars 2007, des représentants des Nations Unies et de nombreux hauts fonctionnaires soudanais ont reconnu que des progrès notables avaient été accomplis dans le domaine de la situation humanitaire. Les taux de mortalité et de morbidité et le taux de malnutrition des populations vulnérables, évalués conformément aux indicateurs humanitaires internationaux, se sont sensiblement améliorés grâce aux efforts du Gouvernement, en particulier grâce aux procédures douanières et de demandes de visas accélérées qu’il a mises en place, et grâce à l’assistance généreuse de la communauté internationale. Les indicateurs sont actuellement à des niveaux acceptables mais les deux parties ont admis qu’une meilleure coordination des efforts pour faciliter les activités humanitaires et le règlement des problèmes de procédure permettraient d’améliorer encore la situation.

32.Les réfugiés du Tchad ont commencé à rejoindre les camps de personnes déplacées au Soudan, ce qui pose des problèmes car les rebelles continuent d’attaquer les convois humanitaires. Quelque 620 000 personnes déplacées sont en train de rentrer chez elles dans le Sud, et un accord a été signé avec l’OIM afin de faciliter le retour de 200 000 personnes déplacées à Khartoum. Ces efforts sont entravés par les milices, qui sont toujours présentes dans le Sud, mais le Gouvernement s’efforce de démanteler ces milices et d’aider les réfugiés et les déplacés à se réinstaller. Cependant, il n’est pas encore parvenu à convaincre de nombreuses personnes réfugiées dans les pays voisins qu’elles auraient de meilleures conditions de vie si elles rentraient au Soudan. Les personnes déplacées à Khartoum, notamment dans le camp de Dar-al-Salam − qui est en réalité un immense bidonville − construit sur une colline de Khartoum, sont surtout des travailleurs du secteur de l’industrie. Le Gouvernement applique une politique de planification urbaine depuis des années et a décidé de déplacer ce bidonville dans une autre zone urbaine. Un terrain privé a été mis à la disposition de ces «squatters» et les autorités travaillent en étroite collaboration avec les représentants du bidonville, qui se sont constitués en comité. La nouvelle zone est plus saine et plus sûre et offre des services, y compris dans le domaine de l’éducation.

33.M. ZAMRAWY (Soudan) dit, à propos du droit à un procès équitable (question no 20), que conformément à l’article 34 de la Constitution, toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été prouvée et tout accusé a le droit d’avoir un avocat et de faire citer des témoins. En d’autres termes, tous les principes reconnus internationalement sont appliqués au Soudan, les tribunaux sont ouverts au public et démocratiques et toute personne peut assister à toutes les audiences, sauf en cas de huis clos. Tous les moyens de recours et de défense étant autorisés, les procès sont équitables et les informations qui affirment le contraire sont erronées. En ce qui concerne les aveux obtenus sous la torture, l’État a la conviction qu’il ne peut faire respecter la loi s’il ne la respecte pas lui-même et les allégations de recevabilité de tels aveux sont fausses. Ces allégations résultent probablement d’une confusion entre l’article 20 de la loi de 1993, qui dispose clairement que les aveux ne sont pas recevables s’ils sont extorqués sous la torture, et l’article 10 de la loi de 1994 sur les éléments de preuve, selon lequel les aveux et les éléments de preuve obtenus au moyen d’une procédure illégale sont en principe irrecevables, sauf dans le cas où la police pénètre dans un lieu sans mandat de perquisition et y découvre les preuves d’un crime, ces éléments étant alors recevables malgré l’irrégularité de la procédure.

34.Le droit à un procès équitable est consacré par l’article 34 de la Constitution et par la loi sur les témoignages. Tous les détails de la procédure à suivre pour obtenir des éléments de preuve recevables sont clairement exposés. En outre, nul ne peut être puni pour un crime qui n’est pas clairement défini par la loi. L’arrestation doit être conforme à la procédure prévue, l’acte d’accusation précis et le prévenu doit être informé précisément de ses droits. Ceux qui comparaissent devant un tribunal ont droit à des informations détaillées leur permettant d’exercer pleinement leur droit à la défense. Les autorités judiciaires sont responsables devant le Président de la République. Conformément à l’article 110 de la Constitution, le système judiciaire est indépendant, aucun juge ne peut être démis sans décision des plus hautes autorités judiciaires et nul ne peut les influencer directement ou indirectement. Le chef du système judiciaire jouit d’une pleine indépendance, y compris à l’égard du chef de l’État qui n’est pas habilité à intervenir pour modifier une décision. Le juge n’a pas à se soumettre à un quelconque diktat dans l’exercice de ses fonctions. La séparation des pouvoirs est complète et, dans la pratique, le budget du système judiciaire est examiné séparément.

35.La charia, qui est une des principales sources du droit dans les États du nord du pays, s’applique aux délits punis de houdoud tels que le vol, l’apostasie ou l’adultère. Le Gouvernement soudanais est convaincu que ces peines sont conformes au Pacte international. Si certains considèrent parfois que les peines prévues sont inhumaines, il est fermement convaincu qu’elles sont parfaitement compatibles avec la dignité humaine et qu’elles n’ont rien de cruel. Toutes les lois adoptées avant 2005 peuvent être modifiées pour être harmonisées avec les nouvelles lois en vigueur. Ainsi, si des articles du Code pénal de 1991 sont contraires à la nouvelle Constitution, ils seront amendés ou supprimés. Quant à l’extrémisme religieux, le Gouvernement le définit comme une forme d’intolérance qui se caractérise par le rejet de ceux qui ont d’autres convictions ou croyances, par toute tentative de les exterminer, de les éloigner, de les marginaliser, de les attaquer, de les humilier ou de les priver de leurs droits essentiels, ou encore de leur imposer une autre croyance par la menace, la force ou la propagande.

36.M. OSMAN (Soudan) dit que le Gouvernement a décidé de mettre en place une commission chargée des droits des non‑musulmans dans la province de Khartoum car si la capitale se trouve dans le nord du pays, où la charia s’applique, tous ses habitants ne sont pas musulmans; en outre, la capitale de l’État est le symbole de l’unité nationale et reflète la diversité culturelle et religieuse. Le deuxième objectif est d’insister sur les droits des non‑musulmans et de veiller à ce que ces droits ne soient pas violés sous prétexte d’appliquer la charia. Enfin, le Gouvernement s’efforce de faire régner un esprit de tolérance en vue d’appliquer l’Accord de Machakos. Le Soudan n’est pas un État islamique puisque sa Constitution dispose qu’il est un pays multiethnique et multiconfessionnel et qu’il ne saurait y avoir de discrimination entre les citoyens pour des raisons religieuses. Il n’y a donc pas de religion d’État et l’esprit de cohabitation prévaut: ainsi, le Ministre des cultes a nommé à la tête du Département des Églises du nord du Soudan le père Ambroise, qui est l’un des fondateurs du Conseil consultatif des droits de l’homme.

37.L’accord qui a permis d’aboutir à l’autonomie du Sud-Soudan prévoit que le chef du Gouvernement du Sud-Soudan est également Vice-Président du pays et que les membres du Gouvernement du Sud sont également membres du Gouvernement d’unité nationale. Des portefeuilles importants, dont celui des affaires étrangères, leur ont été confiés. Le Parlement compte 145 chrétiens sur 430 membres. Les chrétiens ont également le droit de créer un Conseil national des églises et le christianisme fait partie du cursus des écoles chrétiennes. Ces écoles ont leurs propres manuels et le Gouvernement prend en charge les salaires des professeurs de religion ainsi que les coûts des examens. Enfin, si l’enseignement de l’arabe est obligatoire, celui de l’islam ne l’est pas.

38.Mme ABDULAZIZ (Soudan), commentant les allégations selon lesquelles les journalistes qui critiquent le Gouvernement ou les organismes chargés de la sécurité de l’État continuent d’être convoqués par les autorités, ce qui peut entraîner la suspension de leurs journaux (question no 23), dit que la loi sur la presse de 2004, portant abrogation de la loi de 1999, garantit la liberté d’expression des journalistes, ce qui inclut la formulation de critiques à l’égard des organes du pouvoir. Par ailleurs, le Gouvernement ne peut pas ordonner la suspension de la publication d’un journal, qui requiert une décision judiciaire. Il ne peut que porter plainte devant le Conseil national de la presse, créé en vertu de la loi sur la presse de 2004, qui est chargé d’examiner les plaintes relatives aux préjudices causés par des articles de presse. Par ailleurs, une fatwa invalidant le recours à l’article 130 du Code de procédure pénale relatif à la protection du secret de l’instruction pour suspendre un journal pendant la durée d’une procédure judiciaire a été émise. L’octroi de licences à la presse relève du mandat du Conseil national de la presse et la loi sur la presse de 2004 prévoit des voies de recours en cas de refus injustifié d’une licence. Pour ce qui est des autres médias, les chaînes de télévision et les radios, qu’elles soient officielles ou privées, bénéficient des mêmes garanties que la presse écrite en ce qui concerne la liberté d’expression.

39.M. MAHDI (Soudan), répondant aux allégations faisant état de violences commises dans le cadre de la dispersion de manifestations (question no 24), rappelle que l’article 40 de la Constitution garantit le droit de réunion pacifique pour autant qu’il soit exercé conformément à la loi. Pour être légale, une manifestation doit avoir été préalablement autorisée par les autorités administratives compétentes et ne pas représenter une menace pour l’ordre public. Une manifestation est réputée illégale et, à ce titre, justifie l’intervention des forces de police lorsqu’elle est organisée en l’absence d’une autorisation préalable ou lorsqu’elle dégénère au point de constituer une menace pour l’ordre public. Dans ce cas, le recours à la force est autorisé par la loi, à condition qu’il soit raisonnable et proportionnel au risque représenté par les manifestants, mais les agents de police ou de sécurité sur le terrain, bien que disposant d’un certain pouvoir d’appréciation à cet égard, sont en tout état de cause tenus de respecter les limites prévues par la loi et les directives émanant du ministère public.

40.M. ZAMRAWY (Soudan) indique que des enquêtes sont en cours au sujet de deux cas de manifestations dans lesquelles des participants ont trouvé la mort, en vue de déterminer si ces décès ont été causés par un recours excessif à la force de la part de la police. En ce qui concerne la loi de 2001 sur les partis politiques et les mesures prises pour la mettre en conformité avec le Pacte (question no 25), M. Zamrawy indique que cette loi n’est plus en vigueur et qu’une nouvelle loi a été promulguée en 2007. En conséquence, le poste de «préposé au registre» (Registrar) qui résultait de l’ancienne loi a été supprimé. Il existe désormais un conseil des partis politiques qui veille au respect, par ces derniers, des principes démocratiques consacrés par la Constitution. En cas de violation de ces principes par un parti, par exemple s’il a recours à la violence, le conseil soumet une requête au Tribunal constitutionnel qui, s’il existe des preuves suffisantes de l’existence des violations alléguées par le conseil, peut décider de suspendre le parti concerné.

41.M. OSMAN (Soudan) dit que la nouvelle loi sur l’organisation du travail humanitaire et bénévole (question no 26) a fait l’objet de plusieurs lectures au Parlement avant d’être adoptée. Cette loi établit des procédures simplifiées pour la création et l’enregistrement d’organisations et d’associations bénévoles. Elle prévoit notamment que les organisations étrangères souhaitant exercer des activités au Soudan doivent être enregistrées dans leur pays d’origine et préciser la nature et les objectifs de leur action. Une organisation dont la demande d’enregistrement a été rejetée peut former un recours administratif dans les quinze jours suivant le rejet de sa demande.

42.Des organisations non gouvernementales ont formé un recours en inconstitutionnalité contre la nouvelle loi au motif que certaines de ses dispositions constituaient une atteinte à leur liberté d’action. Elles dénoncent notamment le fait que, pour être enregistrées, les organisations financées par des fonds étrangers doivent obtenir l’autorisation préalable du Gouvernement après avoir justifié de l’origine de leur financement et donné des renseignements détaillés concernant les raisons de leur présence au Soudan. Or le Gouvernement ne fait que son devoir en s’assurant que les activités menées sur le territoire national sont sans danger pour la sécurité intérieure et conformes à la législation, notamment aux lois concernant le blanchiment d’argent et la lutte contre le terrorisme.

43.Concernant l’application des articles 26 et 27 du Pacte, relatifs à la non‑discrimination et à la protection des minorités (question no 27), M. Osman souligne que la diversité culturelle, linguistique, raciale, ethnique et religieuse est l’un des principes fondateurs de la Constitution nationale intérimaire. L’article 6 garantit la liberté de culte et de religion et l’article 8 confère à l’ensemble des langues parlées sur le territoire le statut de langues nationales. L’arabe et l’anglais sont les langues officielles des administrations publiques, mais d’autres langues peuvent être utilisées à l’échelon local. Une loi visant à promouvoir la protection des dialectes a récemment été adoptée par le Conseil des ministres. Les personnes appartenant à des minorités ont le droit d’employer leur propre langue et d’élever leurs enfants dans le respect des valeurs propres à leur culture.

44.M. ZAMRAWY (Soudan), répondant à la question relative à la diffusion du Pacte auprès des agents de l’État, dit que grâce au travail de formation accompli dans ce sens par le Conseil consultatif pour les droits de l’homme, les fonctionnaires de l’éducation, de la justice, de la police et de la sécurité possèdent dans l’ensemble une bonne connaissance du Pacte. Des ateliers et des séminaires continuent d’être régulièrement organisés.

45.M. KHEIR (Soudan) insiste sur le fait que la question du respect des droits de l’homme, et notamment des droits civils et politiques, est indissociable de celle de la paix et du développement. Or, sur ces deux derniers plans, le Soudan se heurte à d’importantes difficultés qu’il ne peut pas surmonter sans le soutien de la communauté internationale. Celle-ci a pris un certain nombre d’engagements vis-à-vis du Soudan, mais ne les a à ce jour malheureusement pas honorés. Ainsi, seule une infime partie de l’aide financière promise a été fournie. Ces fonds sont pourtant indispensables pour renforcer les capacités du pays et engager les réformes nécessaires à la mise en œuvre du Pacte. Par ailleurs, alors que des milices armées sévissent toujours au Darfour, la communauté internationale n’a pas répondu à l’appel lancé par le Conseil de sécurité de l’ONU visant à ce que tout soit mis en œuvre pour obtenir de ces milices qu’elles signent l’Accord de paix. La prolifération d’armes est un autre facteur d’instabilité dans la région qui nécessite également l’intervention de la communauté internationale, car il en va de la viabilité du processus de paix. Enfin, le Soudan espère pouvoir compter sur l’assistance technique de la communauté internationale pour étendre les initiatives de formation dans le domaine des droits de l’homme à l’ensemble de la population afin que les Soudanais puissent à leur tour contribuer à la promotion et à la protection de ces droits. L’action remarquable menée dans ce domaine par le Comité international de la Croix‑Rouge est un exemple à suivre.

46.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour ses réponses et donne la parole aux membres du Comité.

47.M. KHALIL, revenant sur la question des mécanismes de supervision judiciaire permettant de contester tout abus commis par les forces de sécurité dans le cadre d’arrestations et de détentions, juge très instructives les informations écrites fournies par la délégation énumérant les cas dans lesquels des policiers ou des agents des forces de sécurité ont été poursuivis et condamnés. Il souhaiterait néanmoins obtenir des précisions concernant l’application de la notion d’immunité à ces fonctionnaires, dont il a cru comprendre qu’elle tendait dans certains cas à les soustraire purement et simplement à l’obligation de répondre de leurs actes.

48.M. Khalil prend note de l’adoption d’une nouvelle loi sur les partis politiques en remplacement de la loi de 2001. Il demande si les allégations selon lesquelles certains partis politiques auraient émis des réserves à l’égard du projet de loi lors de sa présentation au Parlement sont exactes et, si tel est le cas, s’il a été tenu compte de ces réserves dans le texte qui a finalement été adopté. Il souhaiterait également en savoir plus sur les attributions exactes du conseil des partis politiques constitué en vertu de la nouvelle loi, ainsi que sur les éventuelles mesures prises pour en garantir l’impartialité.

49.Faisant référence à la fatwa relative à l’application de l’article 130 du Code de procédure pénale mentionnée par la délégation, M. Khalil demande si les dispositions dudit article ont été révisées de manière à empêcher qu’il y soit recouru de manière abusive. Par ailleurs, les informations dont dispose le Comité font état de pressions que de nombreux journalistes auraient subies et subiraient encore de la part des autorités. M. Khalil cite le cas d’un journal de Khartoum, dans les locaux duquel des policiers auraient fait irruption pour empêcher la parution d’un article dénonçant les violences commises dans des camps pour personnes déplacées du Darfour. La publication du journal a été suspendue et son directeur condamné à verser une amende. Il serait utile d’entendre la délégation à ce sujet. M. Khalil rappelle par ailleurs que, dans un rapport établi en 2006, soit après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la presse, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan recommandait à l’État partie de modifier sa législation de manière à la mettre en conformité avec le principe de la liberté d’expression. La délégation voudra peut-être commenter ces propos.

50.Concernant la question de la liberté de réunion, M. Khalil prend note des précisions fournies concernant la répression violente de manifestations d’étudiants de l’Université de Khartoum et demande si la délégation possède d’autres informations concernant les allégations faisant état de pressions exercées sur les défenseurs des droits de l’homme. Au sujet de la non‑discrimination et de la protection des minorités, M. Khalil regrette que l’État partie n’ait pas fourni de statistiques détaillées concernant les minorités présentes au Soudan (effectifs, pourcentages par rapport à la population totale, etc.) et espère qu’il sera remédié à cette lacune dans le prochain rapport périodique.

51.Mme WEDGWOOD, passant à la question du traitement des personnes privées de liberté, fait observer que les mécanismes de contrôle des conditions carcérales sont un moyen très efficace de protéger les détenus contre les violences. Ces mécanismes doivent être indépendants et habilités à faire des inspections régulières sans demande préalable. Il peut s’agir par exemple du CICR, d’organisations non gouvernementales ou d’observateurs indépendants. Un tel contrôle est d’autant plus nécessaire qu’il existe un grand nombre de forces de sécurité parallèles, avec chacune ses centres de détention: dans ce cas, la hiérarchie n’est plus très claire et il devient quasiment impossible, même pour le Gouvernement, de savoir qui doit rendre compte à qui.

52.En ce qui concerne la diffusion du Pacte, il est essentiel de former le personnel judiciaire et les forces de sécurité, mais également la population, car les instruments internationaux ne sont pas toujours d’une lecture aisée pour le grand public. L’école, en particulier au stade de l’enseignement secondaire, offre à cet égard un espace de formation privilégié. Le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le CICR proposent à cette fin d’excellents outils pédagogiques. La presse aussi est un bon mécanisme de diffusion. Combinée à une éducation appropriée, la liberté de la presse est un outil précieux que les gouvernements auraient tort de ne pas exploiter. Loin d’être leurs ennemis, les journalistes, s’ils sont bien formés, peuvent au contraire être leurs amis et les aider, non seulement à détecter les violations mais également à promouvoir les droits.

53.M. KÄLIN prend note des informations fournies par la délégation en ce qui concerne la protection des personnes déplacées et se félicite que l’acheminement de l’aide humanitaire au Soudan se soit considérablement amélioré depuis 2004. Il n’en reste pas moins que plus de deux millions de personnes ont été déplacées, à l’intérieur du pays ou vers le Tchad. D’après John Holmes, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, il y en a eu encore quelque 160 000 depuis le début de l’année. À ce problème s’ajoute celui de la sécurité du personnel humanitaire, qui s’est beaucoup dégradée. Certes, les attaques contre les convois et les travailleurs humanitaires sont le fait des milices et non des agents de l’État, mais celui‑ci ne peut pour autant rester inactif face à cette situation.

54.Le Comité aimerait savoir ce que le Gouvernement a prévu pour le retour des déplacés: pourront‑ils regagner leurs villages d’origine une fois que les conditions de sécurité le permettront, ou seront‑ils envoyés ailleurs? Jusqu’à quand seront‑ils autorisés à rester? Il serait également utile de savoir dans quelle mesure la situation des déplacés est prise en considération dans les plans de développement urbain, en particulier dans l’État de Khartoum. D’importants efforts ont été faits pour aménager des camps de réinstallation, mais si certains sont bien organisés, on voit aussi des déplacés qui sont réinstallés loin de tout, ce qui les prive de la possibilité de travailler, et qui ne disposent pas toujours des commodités de base comme l’eau et l’électricité.

55.Des problèmes se posent également en ce qui concerne les réfugiés, même s’il convient à ce propos de louer les efforts d’accueil déployés par le Soudan depuis des décennies. La loi de 1974 sur le droit d’asile garantit aux réfugiés la possibilité de présenter une demande d’asile mais, d’après certaines informations, seuls ceux qui se trouvent dans l’est du pays − en majorité des Érythréens − auraient accès à la procédure. Dans les autres régions, les réfugiés − somaliens et éthiopiens pour la plupart − en seraient privés, ce qui leur vaudrait d’être expulsés comme clandestins, en violation du principe de non‑refoulement. En outre, même ceux qui peuvent présenter une demande d’asile auraient beaucoup de mal à obtenir des documents d’identité, alors que c’est prévu par la loi. Des précisions sur ces différents points seraient utiles au Comité.

56.Mme MAJODINA dit que, selon certaines informations, les membres des forces de sécurité qui font l’objet de poursuites après la levée de leur immunité sont jugés à huis clos, ce qui est contraire à l’article 14. D’autres informations indiquent que les droits de la défense sont restreints, voire absents, dans les procès politiques. En 2006, au moins 65 personnes auraient été exécutées après avoir été condamnées à l’issue d’un procès au cours duquel ces droits n’avaient pas été respectés. Il serait intéressant, à ce propos, de savoir combien de recours en appel concernent une décision rendue à l’issue d’un procès inéquitable.

57.Enfin, la délégation est invitée à expliquer en quoi le fait que les juges soient responsables devant le Président de la République (par. 93 du rapport) est compatible avec le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire, consacré dans la Constitution.

58.M. AMOR rappelle que la liberté de religion inclut le droit de changer de religion et que, par conséquent, les dispositions de la législation soudanaise qui répriment l’apostasie sont contraires au Pacte. Le Coran lui‑même interdit d’imposer une religion. Par ailleurs, si le Gouvernement s’attache à combattre l’extrémisme religieux, on constate néanmoins que 5 des 32 partis politiques sont des partis religieux dont le discours, qui prône la discrimination religieuse, est incompatible avec l’article 18 du Pacte. Des explications à ce sujet seraient bienvenues.

59.M. O’FLAHERTY note que l’enregistrement des naissances est obligatoire dans l’État partie mais que, selon certaines informations, 70 % de la population n’est pas inscrite sur les registres d’état civil. Il se demande donc ce qui est fait pour remédier à ce problème, et notamment pour enregistrer ceux qui ne l’ont pas été à la naissance. En l’absence d’enregistrement, il est difficile d’établir l’âge, ce qui peut avoir des conséquences sur le recrutement d’enfants soldats ou sur le droit de vote, entre autres. En outre, les enfants nés d’un viol ne peuvent pas être enregistrés si la mère n’est pas en mesure d’identifier le père. Sachant que le viol est une arme de guerre au Soudan, il serait opportun que l’État partie remédie à cet obstacle administratif.

60.Il ressort de certaines informations que la loi autorise la détention d’un enfant dans un établissement d’éducation surveillée dès l’âge de 7 ans. Si c’est là l’âge de la responsabilité pénale, l’État partie pourrait envisager de l’élever au moins à 12 ans, qui est l’âge minimum communément admis au niveau international. Selon d’autres informations, pour obtenir le certificat de fin d’études secondaires, les jeunes doivent prouver qu’ils ont servi dans les Forces de défense populaire (FDP); or, sans ce certificat, ils ne peuvent pas poursuivre leurs études. Enfin, il semblerait que les jeunes enrôlés dans les FDP doivent suivre un entraînement dont certains aspects culturels et religieux peuvent être contraires à leur propre religion. La délégation est invitée à commenter ces différentes allégations.

61.Sir Nigel RODLEY se réjouit d’apprendre qu’aucune femme violée ne peut légalement être accusée de zina (adultère), mais constate néanmoins que des femmes enceintes à la suite d’un viol ont été arrêtées, ainsi qu’il ressort des rapports du Secrétaire général au Conseil de sécurité en date du 4 mars et du 12 avril 2005. De même, il hésite à accorder foi aux assurances de la délégation concernant la détention au secret, sachant que nombre de sources non gouvernementales dénoncent son usage et que l’État partie lui‑même reconnaît l’existence de la torture, une pratique favorisée par cette forme de détention. Tout récemment encore, le 13 juin, 13 personnes auraient été arrêtées à la suite d’une manifestation contre le barrage de Kajbar. Quatre d’entre elles auraient été relâchées après avoir été détenues au secret pendant une semaine, mais les autres le seraient encore, et deux auraient même «disparu»: le professeur Mohamed Jalal Ahmed Hashim et le journaliste Raafat Hassan Abbas.

62.Enfin, Sir Nigel Rodley attend de la délégation qu’elle apporte comme convenu des informations sur les lois étrangères qui, selon elle, contiennent des dispositions semblables à l’article 33 de la loi sur la sécurité nationale, lequel accorde l’immunité aux membres des forces de sécurité. Pour sa part, il n’a connaissance d’aucune disposition analogue, si ce n’est la tristement célèbre Indemnity Act (loi d’amnistie) qui était en vigueur en Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid.

63.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions des membres du Comité, en lui rappelant qu’elle peut également le faire par écrit, d’ici au mardi suivant, si le temps lui manque.

64.M. ZAMRAWY (Soudan) explique que la fatwa relative à l’article 130 du Code de procédure pénale résultait d’une interprétation de cette disposition, qui permet de suspendre un journal jusqu’à la fin d’une procédure judiciaire. Certains procureurs estiment nécessaires les mesures conservatoires de ce genre, mais d’autres les désapprouvent. En tout état de cause, il n’y a pas de censure de la presse au Soudan.

65.Les organisations bénévoles dont l’enregistrement a été refusé ou annulé peuvent faire appel de la décision devant le tribunal administratif. Cette juridiction est également la seule habilitée à ordonner la dissolution d’un parti; l’organisme dénommé Parties’ Council n’a pas ce pouvoir, il ne peut que recommander la dissolution d’un parti dont le discours serait antidémocratique ou prônerait la violence.

66.En ce qui concerne les déplacés, le Gouvernement préfère qu’ils regagnent leurs villages d’origine, si tel est leur souhait, et il s’efforce de créer les conditions propices à un retour en toute sécurité. Il veille aussi à ce que leurs propriétés ne soient pas occupées par des tiers. Le Gouvernement de Khartoum fait son possible pour faciliter la vie des déplacés réinstallés dans des camps, il leur fournit l’eau et l’électricité et a pris des dispositions pour l’aménagement de routes.

67.Les procès de membres des forces de sécurité sont toujours publics sauf si des questions touchant la sécurité nationale sont en jeu.

68.En ce qui concerne l’apostasie, dont la répression serait incompatible avec l’article 18, il faut rappeler qu’il existe plusieurs écoles islamiques et qu’au Soudan même l’interprétation du Coran a évolué au fil du temps. En tout état de cause, toute loi postérieure à la Constitution de 2005 peut être revue et modifiée.

69.Il n’est pas fait de distinction entre les partis religieux et les autres. Tout parti est autorisé pour autant qu’il soit ouvert à tous les citoyens et que ses méthodes soient démocratiques et pacifiques.

70.M. Zamrawy conclut en disant que, faute de temps, la délégation soudanaise répondra aux autres questions par écrit. Il remercie le Comité de ce dialogue constructif, qui aidera certainement la société soudanaise à trouver un consensus sur le Pacte et à devenir un modèle de sa mise en application.

71.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour cet échange fructueux, qui témoigne de la volonté du Gouvernement de poursuivre ses efforts en faveur de la protection des droits de l’homme. Il salue également sa franchise sur les zones d’ombre qui persistent, franchise d’autant plus louable que le Soudan est actuellement le point de mire de la communauté internationale. Il note cependant que les questions posées portent sur des thèmes récurrents; le Comité espère donc qu’il pourra constater des progrès à cet égard à l’occasion du prochain rapport périodique. Il fera son possible, dans les limites de son mandat, pour aider l’État partie à améliorer l’application du Pacte.

La séance est levée à 18 h 8.

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