Nations Unies

CCPR/C/SR.2903

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 juillet 2012

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

10 5 e session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 2903 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 16 juillet 2012, à 10 heures

Président e:Mme Majodina

S ommaire

Réunion avec la Représentante du Mécanisme d’experts sur les droitsdes peuples autochtones

La séance est ouverte à 10 h 5.

Réunion avec la Représentante du Mécanisme d’experts sur les droitsdes peuples autochtones

1.La Présidentesouhaite la bienvenue à la représentante du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones et l’invite à présenter aux membres du Comité les activités du Mécanisme d’experts.

2.M me  Lasimbang (Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones) rappelle que l’Assemblée générale a adopté en 2007 la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à la suite de quoi le Conseil des droits de l’homme a établi un Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones. Conformément au mandat qui lui a été confié par la résolution 6/36 du Conseil, le Mécanisme d’experts assiste le Conseil dans l’exercice de son mandat et exerce des fonctions de conseil de la manière et dans la forme voulues par le Conseil. Le Mécanisme d’experts exerce la compétence thématique dont il a été doté essentiellement en réalisant des études et des travaux de recherche, sur la base desquels il rend des avis, et en présentant des propositions au Conseil. Les trois axes de l’activité déployée jusqu’ici sont le droit à l’éducation, le droit de participer aux processus de prise de décisions et les cultures et les langues des peuples autochtones. Depuis 2008, le Mécanisme d’experts fait tous les ans rapport au Conseil sur ses travaux. Il est composé de cinq experts indépendants ayant un mandat de trois ans renouvelable une fois. Il travaille en étroite coordination avec le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones et avec l’Instance permanente sur les questions autochtones; le cadre normatif commun à tous est la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En 2012, un dialogue fructueux s’est d’ailleurs engagé entre les trois institutions sur l’application de cette Déclaration.

4.Le Mécanisme d’experts se réunit chaque année cinq jours à Genève, et des représentants des peuples autochtones, des États, des institutions nationales des droits de l’homme et d’autres organismes nationaux ainsi que des universitaires participent aux sessions en qualité d’observateurs. Le Mécanisme d’experts produit des études, auxquelles contribuent ces différents acteurs. La première étude (A/HRC/12/33), en 2009, portait sur le droit à l’éducation, dont l’exercice est indispensable à la réalisation du droit des peuples autochtones à disposer d’eux-mêmes. L’étude a permis de tirer plusieurs enseignements, en particulier concernant la nécessité d’une reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones et le fait que l’adoption de lois et de politiques nationales en matière d’éducation doit être considérée comme une priorité dans la mise en œuvre du droit des peuples autochtones à l’éducation. L’étude a montré également qu’il fallait dégager des ressources suffisantes et accorder un rang de priorité élevé à l’éducation. Elle a mis en lumière un certain nombre de difficultés comme l’absence de contrôle sur les initiatives relatives à l’éducation des enfants autochtones, l’absence de consultation concernant la mise en place et le fonctionnement de services éducatifs destinés aux peuples autochtones et le fait que ces services ne prennent pas suffisamment en considération les critères d’autonomie et de participation des peuples autochtones. Le fait que les enfants autochtones soient intégrés au système éducatif général est un autre problème majeur. Le Mécanisme d’experts avait joint à son étude un avis (l’Avis no 1) sur le droit des peuples autochtones à l’éducation, dans lequel entre autres choses il explicitait ce que recouvre ce droit et les mesures qu’il conviendrait de prendre pour lui donner effet.

5.En 2011, le Mécanisme d’experts a publié une étude sur les peuples autochtones et le droit de participer à la prise de décisions (A/HRC/EMRIP/2011/2), pour laquelle il s’est appuyé notamment sur l’Observation générale no 23 du Comité, relative à l’article 27 du Pacte (Droits des minorités) et sur l’Observation générale no 25 du Comité relative à l’article 25 du Pacte (Participation aux affaires publiques et droit de vote), ainsi que sur la jurisprudence du Comité. Le Mécanisme d’experts a également utilisé les observations finales dans lesquelles le Comité a traité de questions touchant les peuples autochtones, dans le cadre de l’application de l’article premier. L’étude mettait en lumière en particulier la nécessité pour les États de mettre en place des procédures ou des processus de consultation permettant d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones. Elle passait également en revue les caractéristiques des processus de décisions propres à assurer la participation des peuples autochtones à la prise de décisions, et à garantir que ces peuples soient libres de toute influence extérieure imposée. Les bonnes pratiques mais aussi les difficultés auxquelles se heurte la réalisation dans la pratique du droit des peuples autochtones de participer à la prise de décisions, y étaient décrites. Le Mécanisme d’experts avait aussi joint à l’étude sur la participation à la prise de décisions un avis (l’Avis no 2), dans lequel il donnait notamment des indications sur les modalités et les objectifs de la procédure de consultation des peuples autochtones que les États doivent mettre en place.

6.Le Mécanisme d’experts se félicite que, dans un certain nombre de communications récentes, le Comité des droits de l’homme ait adopté des points de vue qui rejoignent les siens sur le droit des peuples autochtones d’être consultés pour les questions les concernant et la nécessité d’obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones.

7.Dans sa résolution 18/8 en date du 29 septembre 2011, le Conseil des droits de l’homme a demandé au Mécanisme d’experts d’entreprendre une étude sur le rôle des langues et de la culture dans la promotion et la protection des droits et de l’identité des peuples autochtones et de poursuivre ses travaux sur la participation des peuples autochtones à la prise de décisions dans les industries extractives. L’étude sur les cultures et les langues des peuples autochtones devrait être présentée au Conseil en septembre 2012. Elle s’appuiera sur la jurisprudence du Comité des droits de l’homme dans les affaires portant sur l’article 27 du Pacte, notamment les communications Bande du lac Lubicon c. Canada (no 167/1984), Mah u ika et consorts c. Nouvelle-Zélande (no 547/1993) et Poma Poma c. Péro u (no 1457/2006).

8.En conclusion, Mme Lasimbang souligne la convergence de vues entre le Mécanisme d’experts et le Comité pour ce qui est de l’interprétation d’un certain nombre de droits, notamment du droit à la participation des peuples autochtones. Les travaux du Mécanisme d’experts peuvent également être utiles au Comité dans la mesure où ils mettent en évidence les difficultés auxquelles se heurte la réalisation dans la pratique des droits des peuples autochtones et les bonnes pratiques dans ce domaine, en s’appuyant sur la jurisprudence pertinente de l’ensemble des organes conventionnels. Les avis rendus par le Mécanisme d’experts font l’objet de débats entre les États et parmi les représentants des peuples autochtones, les organisations de la société civile, les institutions nationales des droits de l’homme et les universitaires, ce qui favorise la promotion et la protection des droits des peuples autochtones. Le Mécanisme d’experts espère pouvoir continuer à fournir des avis propres à aider le Comité dans ses travaux et développer la coopération avec le Comité.

9.La Présidente remercie Mme Lasimbang pour sa présentation et invite les membres du Comité à faire des commentaires et poser des questions.

10.M. O ’ Flaherty dit que le Comité considère que le droit des peuples autochtones de participer à la prise de décisions constitue un droit annexe, fondé sur les articles 25 et 27 du Pacte, et en partie sur l’article 2. Or le Mécanisme d’experts semble, lui, fonder ce droit essentiellement sur les dispositions de l’article premier (Droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes). M. O’Flaherty se demande s’il faut voir là deux conceptions différentes de ce que recouvre le droit de participation à la prise de décisions, et il souhaiterait entendre la représentante du Mécanisme d’experts sur ce point.

11.Pour M. O’Flaherty, le droit des peuples autochtones de participer à la prise de décisions peut se définir comme un droit annexe qui a une traduction particulière dans le contexte des communautés autochtones. Comme il semble que le Mécanisme d’experts considère que les peuples autochtones ont un droit spécifique dans ce domaine, M. O’Flaherty voudrait savoir quelles considérations fondent ce point de vue et d’où ce droit tire son origine.

12.M. O’Flaherty fait observer que fréquemment les membres de peuples autochtones ne souhaitent pas fonder leurs plaintes ou leurs revendications sur l’article 27 du Pacte, au motif qu’ils ne veulent pas être associés à des minorités. Le Mécanisme d’experts semble cependant considérer que l’article 27 s’applique aux peuples autochtones, et M. O’Flaherty souhaiterait entendre la représentante sur ce point.

13.Enfin, M. O’Flaherty relève que les représentants des peuples autochtones ne manifestent pas autant d’intérêt pour les travaux du Comité qu’ils le pourraient. Cette question ne relève probablement pas de la compétence du Mécanisme d’experts, mais il serait bon de savoir si ce dernier a envisagé des moyens d’associer davantage les représentants des peuples autochtones aux travaux du Comité, par exemple par l’intermédiaire de l’Instance permanente sur les questions autochtones.

14.M. Iwasawa dit qu’il a été membre de l’Instance permanente sur les questions autochtones de 2002 à 2004. Il relève que dans l’exercice de son mandat le Mécanisme d’experts prend dûment en considération la jurisprudence des organes conventionnels, en particulier du Comité; de plus, le Mécanisme d’experts ne s’appuie pas seulement sur les décisions du Comité concernant les communications au titre du Protocole facultatif mais s’inspire aussi des observations finales adoptées à l’issue de l’examen des rapports périodiques des États parties. Avant la mise en place du Mécanisme d’experts, il existait un Groupe de travail sur les populations autochtones qui était un organe subsidiaire de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, laquelle relevait de la Commission des droits de l’homme, remplacée par le Conseil des droits de l’homme. Le Mécanisme d’experts relève donc aujourd’hui directement du Conseil. M. Iwasawa voudrait savoir si cette différence dans le rang de subordination a une incidence sur les travaux du Mécanisme d’experts. Il voudrait également connaître un peu mieux les méthodes de travail appliquées pour l’élaboration des études, et savoir en particulier si c’est un membre du Mécanisme d’experts qui est chargé d’établir un projet d’étude.

15.M me  Motoc dit qu’elle était membre du Groupe de travail sur les populations autochtones pendant plusieurs années, jusqu’à ce que le Mécanisme d’experts lui succède. Elle souhaiterait savoir si le Mécanisme d’experts suit la même approche que le Groupe de travail, qui étudiait les observations finales des organes conventionnels, mais allait aussi au-delà. Maintenant que le Mécanisme d’experts a conçu une «perspective autochtone», en rassemblant les visions des représentants des peuples autochtones, il pourrait ne prendre en considération les travaux du Comité, et en particulier ses observations finales, que dans la mesure où il peut les rattacher à la perspective autochtone, c’est-à-dire ne retenir que les observations et réflexions qui portent expressément sur des questions autochtones. Or le Comité traite souvent de questions qui touchent les droits des autochtones, mais dans des contextes plus généraux, comme celui de l’article 27 du Pacte, consacré aux minorités.

16.En ce qui concerne la question du consentement libre, préalable et éclairé, Mme Motoc se souvient que le Groupe de travail sur les populations autochtones se heurtait toujours à la position antagoniste de certaines institutions nationales et internationales et de certains États Membres, qui acceptaient bien de faire participer les autochtones aux processus de consultation mais refusaient d’intégrer dans la notion de consentement l’avis positif donné à l’issue des consultations; ils voulaient que ces consultations soient considérées uniquement comme un processus et non comme un résultat. Le Groupe de travail était parvenu à établir que sans le consentement libre et préalable des autochtones − c’est-à-dire sans leur accord − un projet ne peut pas être exécuté. Mme Motoc demande où en est le Mécanisme d’experts pour ce qui est de convaincre les institutions et les États qui étaient réticents à l’idée de devoir systématiquement avoir l’accord des communautés autochtones concernées avant de démarrer un projet.

17.M me Lasimbang (Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones), répondant à la première question de M. O’Flaherty au sujet des articles 25 et 27 du Pacte, dit que le Mécanisme d’experts s’est appuyé dans une grande mesure sur l’article premier du Pacte, qui consacre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour les autochtones, la question de l’autodétermination, en relation avec celle de la participation, est la question clef. La raison en est que souvent, les autochtones n’ont pas d’espace de dialogue avec l’État et n’ont aucune possibilité de s’exprimer pour faire valoir avec force leurs vues. Nombre de peuples autochtones ont donc mis en avant la question de l’autodétermination dans différents domaines, notamment l’éducation, la participation à la prise de décisions, la justice par exemple. Bien sûr, le Mécanisme d’experts s’appuie aussi sur l’article 25 du Pacte pour ce qui est de la participation à la direction des affaires publiques. En ce qui concerne le droit à la participation et le processus de décisions au sein des communautés, les institutions elles-mêmes ne sont pas reconnues et les communautés subissent beaucoup d’ingérence dans le choix de leurs dirigeants.

18.Au sujet des relations entre le Mécanisme d’experts et le Conseil des droits de l’homme, Mme Lasimbang dit que, bien qu’elle n’ait pas fait partie du Groupe de travail sur les populations autochtones, qui relevait de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, il lui semble que le niveau auquel a été placé le Mécanisme donne à celui-ci de plus grandes possibilités que celles qu’avait son prédécesseur. Le Mécanisme peut dialoguer directement avec le Conseil d’une façon très dynamique et celui-ci se montre très ouvert sur les façons dont les autochtones peuvent apporter une contribution, par l’intermédiaire du Mécanisme d’experts et aussi du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones. En outre, le dialogue qui a lieu pendant les sessions du Conseil a fait grandement progresser la promotion des droits des populations autochtones. Il reste encore un long chemin à faire, par exemple en ce qui concerne les études et les avis, dont de nombreux autochtones ne savent pas quelle suite leur est donnée. Le Conseil a instauré la pratique d’un dialogue d’une demi-journée avec l’équipe chargée d’une étude, ce qui a encouragé plus d’États à s’intéresser aux avis et aux études.

19.Pour ce qui est de la promotion des travaux du Comité auprès de l’Instance permanente sur les questions autochtones et des relations qu’ils entretiennent, beaucoup d’autochtones s’intéressent aux travaux du Comité, mais des liens plus étroits seraient certainement bienvenus. Les réunions de coordination entre l’Instance, le Rapporteur spécial et le Mécanisme d’experts pourraient être un moyen de resserrer ces liens. Les communautés autochtones ont un avis très positif sur les travaux du Comité, qu’ils jugent très utiles.

20.En ce qui concerne l’élaboration des études, le fait que le Mécanisme soit composé de cinq experts seulement est un défi constant, en particulier en 2012, puisque trois études sont menées de front. Le travail se fait collectivement, même si certains aspects sont répartis entre les experts selon les régions et les compétences particulières de chacun; il est ainsi possible d’établir des rapports plus complets. Le Mécanisme bénéficie d’un solide appui de la part du secrétariat pour les recherches et la collecte de données.

21.La question du consentement libre, préalable et éclairé a toujours été une question difficile parce que les autochtones ont toujours été exclus du processus de décisions. La participation des autochtones aux consultations est généralement bonne mais on est encore loin d’une procédure assurant l’obtention de l’accord des intéressés.

22.M.  Kälin remercie Mme Lasimbang d’avoir expliqué clairement les relations entre les trois organes chargés des questions autochtones. Il considère que les avis et les études du Mécanisme d’experts sont très utiles au Comité, en particulier dans la mesure où l’on attend de lui des observations finales plus spécifiques et plus applicables en pratique. Il est très important de connaître la perspective autochtone et il faut encourager chacun à lire les études du Mécanisme d’experts et à tirer les enseignements des conseils qui y sont donnés, notamment sur la participation ou sur la question des langues.

23.Une grande difficulté pour le Comité tient au fait que les droits des autochtones sont essentiellement des droits collectifs, alors que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce des droits individuels. C’est sur ce genre de problèmes que le Comité aurait besoin des conseils du Mécanisme d’experts. En outre jusqu’ici le Comité a hésité à trop s’appuyer sur l’article premier du Pacte, mais il pourrait envisager de faire plus systématiquement le lien entre les articles 25 et 27 et l’article premier.

24.Au sujet des relations entre le Comité et les communautés autochtones, M. Kälin regrette que le Comité reçoive très peu de renseignements et de communications au titre du Protocole facultatif, alors qu’il a été saisi au cours des dernières décennies d’un grand nombre d’affaires qui soulevaient des questions majeures et appelaient des éclaircissements. Les membres des communautés autochtones doivent être encouragés à faire savoir quelle suite a été donnée aux décisions du Comité dans les affaires qu’il a examinées et à présenter à celui-ci des communications pour faire valoir leurs griefs.

25.Sir Niger Rodley remercie Mme Lasimbang pour son exposé, qui a porté à la fois sur les aspects institutionnels et sur les questions de fond. Sur le plan institutionnel, il ne saisit pas ce qui différencie les travaux du Mécanisme d’experts et ceux du Rapporteur spécial en ce qui concerne les avis thématiques et les études. Selon Mme Lasimbang, le Mécanisme d’experts axe essentiellement ses travaux sur les avis thématiques, mais le Rapporteur spécial réalise lui aussi des études thématiques et formule des recommandations, ce qui fait aussi partie des tâches du Mécanisme d’experts. On pourrait peut-être établir une répartition des tâches, pour répondre à la préoccupation constante du Conseil des droits de l’homme d’éviter les chevauchements et doubles emplois. Sur les questions de fond, Sir Nigel Rodley rappelle une affaire qui n’a pas été mentionnée et qui est très importante dans la jurisprudence du Comité: l’affaire Lovelacec. Canada (no 24/1977), dans laquelle il est essentiellement question, au moins indirectement, des droits des membres de la communauté contre ceux de la communauté dans son ensemble. La question est évoquée dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et il souhaiterait savoir si une étude a déjà été faite, est en cours ou prévue sur cette problématique.

26.M. Salvioli dit qu’il se félicite toujours des rencontres qui ont lieu avec d’autres organes chargés des droits de l’homme, en particulier parce que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est si général que parfois les cas particuliers sont perdus de vue. Faute d’une convention traitant expressément des peuples autochtones et d’un comité spécialisé, ceux qui travaillent auprès de ces communautés doivent collaborer plus étroitement avec les organes conventionnels. Il existe de nombreux exemples de la façon dont l’action militante en faveur des droits des peuples autochtones a amené les organes de protection des droits de l’homme à tenir compte de la composante autochtone même si l’instrument en vertu duquel ils sont créés ne la mentionne pas expressément; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques offre des possibilités d’en tenir compte.

27.Il existe un nombre considérable d’organisations et de groupes autochtones, qui représentent une base de données unique. Le Mécanisme d’experts et le Rapporteur spécial, qui sont en contact permanent avec eux pourraient signaler aux entités compétentes quels pays seront examinés à chaque session du Comité. On pourrait aussi mettre à profit les réunions que le Comité et le Mécanisme d’experts tiennent simultanément au mois de juillet pour avoir davantage d’échanges.

28.Comme M. Kälin, M. Salvioli pense qu’il faudrait encourager la présentation de communications afin que le Comité examine des griefs et situations autres que ceux dont il a été saisi jusqu’ici et qui portaient sur la participation ou le consentement libre et éclairé. Un grand nombre des droits consacrés dans le Pacte peuvent être abordés sous l’angle de leur exercice par les autochtones.

29.M me  Lasimbang (Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones) dit que si le Comité a été jusqu’ici saisi d’un nombre très faible de communications émanant de particuliers c’est que de nombreux États où vivent des peuples autochtones n’ont pas ratifié le Protocole facultatif. Pour ce qui est des différences entre le rôle du Rapporteur spécial et celui du Mécanisme d’experts, outre qu’il donne au Mécanisme son point de vue sur les études thématiques que mène ce dernier, le Rapporteur spécial étudie des thèmes similaires mais sous un angle différent. Par exemple, cette année le Mécanisme s’intéresse aux industries extractives et en particulier à la question de la participation. De son côté le Rapporteur spécial axe essentiellement ses travaux sur les obligations des États. L’un et l’autre travaillent en concertation. Les droits collectifs qui étaient l’objet de l’affaire Lovelace c.Canada sont certainement une question que le Mécanisme d’experts devra étudier. Il devra élargir ses compétences pour examiner tous les travaux que le Comité a réalisés, et pas seulement ceux qui se rapportent directement aux autochtones. Enfin, Mme Lasimbang souligne que les échanges qui ont eu lieu ont été très utiles et espère que les différentes sessions sont mises à profit pour développer encore le dialogue.

30.M me  Charters (Haut-Commissariat aux droits de l’homme)dit, en ce qui concerne le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’utilisation de l’article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que tous les experts des organismes traitant des questions autochtones se fondent sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et considèrent le droit à l’autodétermination consacré à l’article 3 de la Déclaration comme le droit central. En ce qui concerne la participation, ce que souhaitent un grand nombre d’autochtones n’est pas nécessairement la participation aux décisions de gouvernance générale, mais plutôt l’autonomie ou l’autogouvernance. L’approche est légèrement différente.

31.En ce qui concerne la cohérence de la jurisprudence, beaucoup, et notamment le Rapporteur spécial et le Mécanisme d’experts, voient dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones un développement de droits déjà consacrés dans des textes comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Pour le Mécanisme d’experts et les autres organes, il est très important de maintenir une certaine cohérence avec la jurisprudence existante.

32.La question des droits individuels et des droits collectifs est liée à la question du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le droit à l’autodétermination, en tant que droit collectif, est considéré comme central par tous les organismes d’experts traitant des questions autochtones. La question très complexe des droits des membres d’une communauté autochtone, soulevée dans l’affaire Lovelace, a été étudiée par les experts, notamment dans leur rapport sur la participation. Le Mécanisme s’occupe aussi de plus en plus de la problématique des femmes autochtones et de celle des droits des jeunes, et prévoit d’étudier en particulier dans les années qui viennent le problème de l’accès à la justice. Pour ce qui est de la possibilité d’invoquer d’autres articles du Pacte que les articles 25 et 27, on peut citer l’affaire Hopu c. France (no 549/1993), dans laquelle la question des droits de la famille était centrale, et il existe dans le Pacte de nombreux autres droits qui peuvent s’appliquer dans le contexte des peuples autochtones.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 20.